M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote.
M. Yannick Botrel. Je serai bref, beaucoup de choses ayant été dites.
Partout et toujours, vous nous parlez de simplification et de rationalisation. Vous avez d’ailleurs travaillé à la promotion du concept de millefeuilles, qui est pour le moins variable, puisqu’il consiste à simplifier dans certaines occasions et, dans d’autres, comme dans ce cas particulier, à complexifier !
Il est paradoxal que vous nous proposiez l’instauration d’un comité de pilotage qui ne simplifie ni la lecture du paysage ni la compréhension des responsabilités.
Son utilité n’est absolument pas prouvée. Il vient, en effet, s’ajouter au Conseil d’orientation des retraites en matière de prospective, ainsi qu’à la commission de garantie des retraites. Surtout, il vient empiéter sur le champ des responsabilités politiques, celles qui incombent au Gouvernement que vous représentez, comme celles qui incombent au Parlement que nous représentons.
Force est de constater que, avec cet article, les responsabilités sont moins identifiées et plus diluées, sur un sujet pourtant crucial. Au mieux, cet article est inutile. Il pourrait aussi avoir un autre objectif, celui de vous laisser davantage les coudées franches par la suite.
Vous n’avez pas entendu les organisations syndicales lorsqu’elles ont été reçues au ministère. Vous les avez rencontrées, certes, mais leur argumentation ne vous a pas atteint.
Vous refusez d’entendre aujourd’hui le mouvement social et vous demandez à notre assemblée, par le biais de cet article et d’autres, une sorte de chèque en blanc.
Pour ma part, avec le groupe socialiste, je défendrai la responsabilité du Parlement et je ne voterai pas l’article 1er que vous proposez. D’ailleurs, je pense que, sur les travées de notre assemblée, ce sentiment est partagé au-delà de la gauche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
Mme Mireille Schurch. En 1995, compte tenu de la situation des comptes sociaux, le Gouvernement avait jugé utile de procéder à l’adoption de la loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale.
Une telle démarche visait, en réalité, à consacrer la fin de la négociation paritaire pour ce qui concerne les choix et les orientations en matière de finances sociales.
Depuis l’adoption de la loi organique, nous avons eu l’occasion de discuter de maintes lois de financement, devenues un passage obligé de la session d’automne, des lois de financement, qui ont, de manière générale, consacré la réduction de la qualité des prestations sociales et largement développé la prise en charge par les assurés eux-mêmes de leurs dépenses de santé ou encore du coût de l’éducation de leurs enfants – nous ne pouvons que le constater –, sans parler du lent mais sûr processus qui a conduit le pouvoir d’achat des retraités vers une chute régulière...
De manière tout aussi habituelle, les conseils d’administration, tant de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, que de la Caisse nationale d’assurance maladie, la CNAM, et de la Caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF, ont très régulièrement exprimé un avis négatif sur les lois de financement de la sécurité sociale.
Toujours est-il que ces lois ont été votées, les majorités parlementaires passant outre l’avis des partenaires sociaux.
L’équilibre – si l’on peut dire – de la réforme « Juppé » s’est donc établi en fonction de la devise « Cause toujours ! » (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.), selon laquelle c’est, en réalité, à partir de la rédaction fixée par le ministre que s’écrivent les lois de financement.
Par ce rappel, je vous indique que notre rejet de ce comité de pilotage des régimes de retraite se fonde expressément sur le recul démocratique que constituerait l’adoption de l’article 1er.
Alors même que les partenaires sociaux ne peuvent se faire réellement entendre des parlementaires votant les lois de financement, comment un comité de pilotage réuni sous les auspices de la plus parfaite logique technocratique et comptable, comme le disait ma collègue Annie David, pourrait-il avoir plus d’écoute de l’opinion des partenaires sociaux ?
De plus, comment accepter que ce comité puisse dicter leur conduite aux représentants élus de la nation ? Oui, monsieur le secrétaire d’État, le Parlement est dessaisi !
C’est pourtant bel et bien ce schéma qui est aujourd’hui retenu par votre gouvernement. Qu’on ne s’y trompe pas, donner au comité de pilotage le pouvoir qu’il est appelé à exercer en vertu des dispositions de l’article 1er, c’est vider d’une part importante de leur contenu les lois de financement de la sécurité sociale ; au surplus, c’est déposséder plus encore les assurés sociaux eux-mêmes de leurs droits !
Nous ne pouvons donc que vous inviter, mes chers collègues, à voter la suppression de cet article et, face aux 3,5 millions de Français qui ont manifesté aujourd’hui, à marquer votre choix en adoptant ces amendements de suppression par scrutin public ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Avec l’article 1er se pose, à nouveau, la question de la réforme des retraites et son financement.
Cet article traduit l’embarras du Gouvernement, qui se rend compte que sa réforme injuste est inefficace et, en tout cas, incapable d’assurer un financement pérenne des régimes de retraite.
D’abord, vous proposez de tarir les ressources des salariés pour financer une crise dont ils ne sont absolument pas responsables, puisqu’elle est issue de la spéculation des banques et des entreprises.
Ensuite, une fois que vous aurez vidé les poches de toutes ces femmes et ces hommes les plus modestes, qui subissent déjà les conséquences de cette crise, quelles ressources allez-vous chercher ? Quels revenus allez-vous ponctionner ?
Certainement pas ceux des plus riches, puisque le financement de votre réforme, à l’image du bouclier fiscal, est assuré à hauteur de 80 % par les salariés et les retraités, alors que les plus riches et les entreprises ne sont mis à contribution qu’à hauteur de 10 % !
Votre réforme, ignorant la dimension humaine du problème des retraites, a pour seul objectif le retour à l’équilibre pour plaire aux agences de notation.
Cet équilibre est précaire. En effet, si nous calculons le coût pour les finances publiques du paquet fiscal pour l’été 2007, nous avoisinons 34 milliards d’euros.
C’est un nouveau passif à combler pour les comptes publics. Vous entendez le solder avec le Fonds de réserve pour les retraites, qui s’élève, lui aussi, à 34 milliards d’euros.
Voilà votre sens de l’équilibre, fondé sur des principes de trésorerie à court terme !
Avec ce projet, vous ne cherchez qu’à camoufler, au moins jusqu’en 2012, le gaspillage dont vous êtes responsables. Vous le savez, dès lors que vous aurez pillé le Fonds de réserve pour les retraites, le problème du financement des retraites sera à nouveau impitoyablement posé.
Les mesures que vous aviez engagées en 2003 devaient pourtant permettre d’assurer l’équilibre financier des régimes de retraite. Tel n’est pas le cas.
Voilà pourquoi les sénateurs du groupe CRC-SPG ont déposé une proposition de loi garantissant le financement du droit à la retraite à 60 ans. (M. Guy Fischer brandit le texte de cette proposition de loi.)
Je vous en recommande la lecture, monsieur le secrétaire d’État. Cette proposition prévoit des mesures de financement qui sont fondées non pas sur la fiscalité, mais plutôt sur les contributions sociales dont le Gouvernement ne cesse de proposer des exonérations et des exemptions.
Je vous renvoie à l’article 2 de cette proposition de loi, qui démontre notre sens de l’équilibre financier, bien différent du vôtre. Nous voulons qu’au sein des entreprises, le partage entre le capital et le travail soit rééquilibré en faveur de ce dernier, pour amener les entreprises à transférer leurs bénéfices principalement vers le financement du travail et les investissements, plutôt que vers les dividendes à des fins spéculatives.
Cet équilibre, vous l’avez compris, est diamétralement opposé à celui que vous recherchez.
Pour toutes ces raisons, je voterai cet amendement et je vous invite, mes chers collègues, à en faire autant. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Le groupe socialiste souhaite la suppression de l’article 1er, car, s’il était adopté, le Gouvernement et le Parlement perdraient leurs prérogatives au travers de cette disposition.
Je ferai écho aux remarques de M. le rapporteur, et en particulier à deux de ses phrases, lors de sa réponse à l’ensemble des orateurs qui ont défendu leur amendement de suppression de l’article.
Tout d’abord, s’agissant de l’équilibre financier, il a souligné qu’il importait d’assurer la pérennité financière, comme le prévoit cet article. Ensuite, il a insisté sur la nécessité de garantir un certain niveau de vie des retraités.
Ces deux aveux montrent que le projet de loi, tel qu’il est proposé, est injuste et, surtout, qu’il n’est pas pérenne.
Par ailleurs, à l’instar de plusieurs de mes collègues, je m’interroge sur la création d’un nouveau comité. Nous venons d’apprendre qu’il pourrait s’appeler COPILOR. Le nom est bien choisi, puisqu’il s’agira en effet de copie : ce comité copiera un certain nombre de modèles, en particulier les mauvaises pratiques. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Avec la création de ce comité, on peut s’interroger, en contrepartie, sur ce que deviendront les fonctions des missions respectives des ministères, de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, du COR, des conseils de surveillance des caisses de vieillesse, qui, d’ailleurs, ne se réunissent pratiquement plus.
En créant ce nouvel organisme, qui est inutile, on assèche les fonctions de ceux qui existent déjà.
En outre, par définition, ce comité devrait assurer une pérennité financière. Mais est-il de bonne politique de confier à une autorité administrative indépendante les décisions qui doivent appartenir au Gouvernement et être contrôlées par le Parlement ?
Pour conclure, je voudrais m’interroger sur le rôle du conseil de surveillance de la CNAV qui, lui, ne s’est pas réuni depuis maintenant trois ans. Surtout, je reviendrai sur les remarques qu’a formulées la présidente de cet organisme et qu’a rappelées le président de notre groupe cet après-midi : à propos du financement du projet de loi qui nous est présenté, elle a souligné, d'une part, que le compte n’y était pas, puisqu’il manquait entre 4 et 5 milliards d'euros, et, d'autre part, que la pérennité de cette réforme n’était plus assurée à partir de 2018.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, avec les autres membres du groupe socialiste, je soutiens les amendements de suppression de cet article 1er et je vous invite à nous imiter pour que nous en revenions à davantage de sérieux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai fait part tout à l'heure des réserves d’un certain nombre de membres de la majorité. Toutefois, des explications données par M. le rapporteur et par vous-même, je tire deux éléments de nature à rassurer
Premièrement, la coexistence des deux comités a peut-être – en tout cas, c’est mon interprétation – un caractère temporaire et transitoire, ce qui signifie que le processus dans lequel nous sommes engagés est évolutif.
Deuxièmement, vous avez réaffirmé que la décision ultime appartiendrait au Parlement. Dans la méthode que vous avez définie pour le comité de pilotage, vous avez nettement distingué trois phases et vous avez souligné que, contrairement à ce que viennent d’affirmer un certain nombre d’orateurs, le choix final reviendrait au Parlement.
En conséquence, monsieur le président, je retire l’amendement n° 635 rectifié. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Catherine Tasca. Les bons élèves…
M. le président. L'amendement n° 635 rectifié est retiré.
La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le sigle « COPILOR » est incontestablement tout à fait séduisant. (Sourires sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. Il a le maillot jaune, le COPILOR !
M. François Fortassin. Toutefois, ce comité a été l’objet de propos si peu flatteurs que je n’ai pas à en rajouter, vous le comprendrez.
Monsieur le secrétaire d'État, vous vous efforcez de traiter cette question sur un plan purement technique…
Mme Annie David. Voilà !
M. François Fortassin. … alors que, au fond, nous sommes au cœur d’un débat éminemment politique. (Bien dit ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Très bien !
M. François Fortassin. Quel est le problème essentiel ici ? Nos concitoyens vous demandent l’équité.
Mme Marie-France Beaufils. C’est sûr !
M. François Fortassin. Or, à la limite, les inégalités de revenus sont plus importantes entre les retraités – on peut en effet considérer que les pensions sont des revenus –, que parmi les actifs engagés dans la vie professionnelle, ce qui est proprement scandaleux. Une telle situation méconnaît la dignité de nos concitoyens. Il s'agit là d’un problème politique, et il ne sera pas résolu par un comité technique !
C'est la raison pour laquelle, avec la majorité des membres de mon groupe, je voterai ces amendements identiques de suppression. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur Fortassin, je ne crains pas, bien entendu, le débat politique. Il se trouve simplement que, quand on discute des régimes de retraite, malgré tout le charme et la poésie de ce sujet (Sourires sur les travées de l’UMP.), il n’est pas complètement insensé d’évoquer de temps à autre quelques éléments techniques et financiers !
D'ailleurs, nous avons mené sur les articles 5 et 6 du projet de loi un véritable débat politique, qui a été nourri, notamment, par les remarques de l’opposition.
Je vous assure donc que je ne fuis pas le débat politique.
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, je ne fuis pas non plus la notion d’équilibre financier. Tout ce que j’ai tiré de plusieurs de vos interventions, c’est qu’il faudrait presque que nous nous excusions de viser l’équilibre des régimes de retraite ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Milon. Très bien !
Mme Annie David. Vous faites le contraire !
M. Jean-Jacques Mirassou. Quel sophisme !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Il ne me semble pas complètement insensé d’avoir l’ambition, dans le cadre d’une réforme des retraites, d’équilibrer les régimes, et je n’entrerai pas dans le jeu sémantique consistant à dire que nous en faisons trop ou pas assez.
La vérité, c’est que nous sommes attachés à l’équilibre des régimes de retraite, parce que nos concitoyens tiennent à ce que leurs pensions soient versées. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.- Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Cela dit, j’apporterai quelques éléments d’information pour répondre plus précisément encore à plusieurs intervenants.
Tout d'abord, madame David, madame Schurch, je ne crois vraiment pas que l’on puisse affirmer que le Parlement se trouve en quoi que ce soit dessaisi à travers ce texte, pas même au profit du COPILOR.
Comme je l’ai souligné tout à l'heure, à travers ce projet de loi, nous rétablissons le vote par le Parlement des mesures d’âge relatives aux régimes de retraite. C’est vous qui, en 1985, aviez transféré cette prérogative du législatif au réglementaire, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition !
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. En 2010, à l’inverse, nous rendons au Parlement le pouvoir que vous lui avez pris pour le donner au Gouvernement.
M. Jean-Louis Carrère. Vous le rendez à l’UMP !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Non, au Parlement ! Monsieur Carrère, vous êtes bien pessimiste : vous semblez douter de votre capacité à exercer, demain, les responsabilités…, et je vous comprends ! (Sourires sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.) Cela dit, c’est au Parlement que nous rendons ce pouvoir. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Caffet. Vous ne débattez pas avec l’opposition !
M. Charles Revet. Nous ne faisons que cela !
M. Jean-Louis Carrère. C’est un débat entre la droite et la droite !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. En l’occurrence, la majorité actuelle n’est pas socialiste, mais au fond cela ne change rien. (Mme Christiane Demontès proteste.) C’est bien le Parlement qui, à travers ce texte, retrouve une prérogative passée dans le domaine réglementaire en 1985. Je le répète, car c’est la stricte vérité.
En second lieu, monsieur Kerdraon, monsieur Botrel, vous avez formulé une remarque sur la simplification du paysage administratif que je trouve au demeurant plutôt sensée.
M. Yannick Botrel. C’est bien de le reconnaître !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, ce n’est pas parce que vous êtes l’auteur d’un propos qu’il est nécessairement faux ! Je n’entrerai pas dans la logique, qui est parfois la vôtre, du : « Quand ils disent blanc, nous disons noir ». Quand vous tenez des propos sensés, je vous donne raison. Et c’est le cas ici : vous avez souligné que la création du nouvel organisme ne devait pas compliquer la situation existante.
C'est la raison pour laquelle je vous précise que, en même temps que le COPILOR sera mis en place, la conférence pour la revalorisation des retraites, la commission de garantie des retraites et le comité de pilotage pour l’emploi des seniors disparaîtront. Comme vous le constatez, pour un organisme créé, trois organismes seront supprimés. Votre remarque était pleine de bon sens, et c’est la raison pour laquelle nous l’avons devancée.
Monsieur Teulade, vous avez affirmé que le COPILOR manquera de légitimité par rapport aux organismes élus. Je me permettrai de vous faire remarquer que personne ne conteste la légitimité du COR. J’ai d'ailleurs rappelé tout à l'heure qu’il ne fallait pas avoir une vision trop critique ou simpliste du diagnostic qu’il a émis.
La logique est exactement la même avec le COPILOR, dont vous avez affirmé qu’il ne disposait d’aucune légitimité démocratique. Je crois vous avoir montré que nous rendions au Parlement des pouvoirs dont il avait été dépossédé. Très clairement, le COR possède une capacité d’expertise et le COPILOR est une force de suggestion et d’inflexion, ce qui ne remet nullement en cause, bien entendu, la qualité des avis qu’il rend.
Madame Schurch, en évoquant les années 1995 et 1996, vous avez laissé entendre qu’il y aurait eu alors un dessaisissement du Parlement. Je rappellerai que c’est bien en 1996 qu’ont été créées les lois de financement de la sécurité sociale ; ces lois permettent au Parlement de mener un véritable débat sur un pan important des finances publiques qui, jusque-là, lui échappait.
Ainsi, en tant que parlementaires, vous pouvez aujourd'hui vous exprimer sur ces sujets, ce qui n’était pas le cas auparavant, et ce point me paraît tout à fait important.
M. Guy Fischer. Nous ne jouons qu’à la marge !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. En dernier lieu, madame Schurch, vous avez affirmé que l’ensemble des organismes qui avaient été consultés sur ce projet de loi avaient émis un avis défavorable. Toutefois, je me permets de vous le faire remarquer, le conseil d’administration de la CNAV a rendu un avis positif, ce qui n’est pas rien. Là encore, il fallait nuancer vos propos, qui laissaient penser que tous les avis formulés sur ce texte étaient critiques, alors que tel n’est pas le cas.
Pour terminer, sur le fond du sujet, mesdames, messieurs les sénateurs, il serait évidemment plus facile de ne rien faire, même si je ne prétends pas que c’est ce que vous préconisez. Toutefois, compte tenu de la situation des finances des régimes de retraite, pour notre part, nous prenons nos responsabilités et nous les assumons totalement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes la droite décomplexée !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1, 64, 251 et 319 rectifié tendant à supprimer l’article 1er.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 17 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 154 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 860, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Avant le mot :
veille
insérer les mots :
formule au Parlement toutes les propositions émanant des membres le composant afin que celui-ci
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous avons déjà dit notre opposition à la création de ce comité de pilotage et nous réaffirmons notre désaccord, tant sur le fond que sur la forme.
En effet, les dispositions de cet amendement traduisent la volonté du Gouvernement de n’envisager la réforme des retraites que d’un point de vue exclusivement comptable, que vous le niiez ou non, monsieur le secrétaire d’État. Vous ne prenez en compte ni les attentes ni les besoins légitimes de la population.
De plus, une partie des missions confiées à ce comité recoupent celles qui sont déjà exercées par le Conseil d’orientation des retraites qui a, lui, l’intérêt d’être réellement pluraliste dans sa composition et d’avoir acquis depuis sa création en 2000 une légitimité certaine.
En effet, nous estimons que la composition de ce comité, tel qu’elle est présentée et prévue dans ce texte, n’est en rien satisfaisante. Pas satisfaisante, d’abord, parce qu’elle ne garantit pas une véritable représentation des partenaires sociaux. Pas satisfaisante, encore, car c’est un décret de l’exécutif qui décidera au final de la composition et des modalités d’organisation de ce comité, ce qui va à l’encontre de la transparence démocratique que nous concitoyens, premiers concernés d’ailleurs par le sujet, sont en droit d’attendre.
Sur le fond maintenant, nous pensons que la question du pilotage de nos régimes de retraite est un sujet non pas technique mais absolument politique. Il s’agit de veiller au maintien et à la défense des droits des assurés et de la solidarité, poumon de notre système de retraite par répartition. Sinon, cela équivaudrait à ce que nous, législateurs, acceptions d’être dépossédés de cette question au profit d’un comité ad hoc.
La question, si stratégique, du pilotage des régimes de retraite doit être assurée par l’exécutif et par le législatif. Chacun est dans son rôle.
La réécriture que cet article a subie lors de son examen par la commission des affaires sociales du Sénat, qui a considérablement réduit les missions et la portée de ce comité, montre qu’il n’inspire guère d’enthousiasme.
C’est pourquoi nous vous proposons, avec cet amendement de repli, de cantonner ce comité dans un strict rôle de proposition.
M. le président. L'amendement n° 65, présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer le mot :
veille
par les mots :
fait des propositions au Gouvernement et au Parlement afin que ceux-ci veillent
La parole est à M. René Teulade.
M. René Teulade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me suis déjà exprimé tout à l’heure sur la teneur de cet amendement de repli qui est notre solution pour faire en sorte que le comité de pilotage reste dans son rôle et en particulier son rôle de conseil. La décision doit rester aux organismes élus.
Cet amendement a pour but de ramener le comité de pilotage à son véritable rôle. C’est dans ce sens-là que cet amendement de repli nous permettrait de conserver ce nouveau comité sans développer de polémiques inutiles.
M. le président. L'amendement n° 861, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
et à la pérennité d'un système de retraite fondé sur l'épanouissement des hommes et des femmes dans leurs activités non professionnelles
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le comité de pilotage des régimes de retraite, COPILOR, doit veiller au respect des missions du régime de retraite : la pérennité financière, l’équité du système de retraite, l’amélioration du niveau de vie des retraités et du niveau des pensions, et le rapprochement des règles et des paramètres entre les différents régimes, entre autres.
Outre le fait que certaines de ces affirmations sont en contradiction avec les dispositions détaillées dans le texte, notamment en termes d’amélioration du niveau de vie des retraités, nous regrettons la prédominance accordée aux objectifs budgétaires et comptables. Monsieur le secrétaire d’État, nous le redisons !
La moitié des objectifs assignés à ce comité révèlent la véritable obsession de votre Gouvernement : l’équilibre comptable.
Je voudrais à ce titre citer Paul Krugman, prix Nobel d’économie 2008 : « L’élite des responsables politiques, les banquiers centraux, les ministres des finances, les élus qui se dressent en défenseurs de la vertu budgétaire, agissent comme les prêtres d’un culte antique, exigeant que nous nous livrions à des sacrifices humains pour apaiser la colère des dieux invisibles. » (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Les dieux en question ici ne sont finalement pas invisibles. Ils se nomment agences de notation et marchés financiers.
Il s’agit finalement de sacrifier le travail au nom du capital.
Nous nous opposons à cette logique comptable qui semble aujourd’hui être le maître mot de vos politiques. Nous ne pouvons cautionner une action politique qui traite les travailleurs comme une rentrée d’argent et les retraités comme une dépense coûteuse.
La quantité ne peut être un objectif en soi, et c’est pourquoi nous proposons de remplacer l’un des critères quantitatifs du projet de loi par l’affirmation d’un objectif qualitatif. Le comité de pilotage des régimes de retraite doit assurer l’existence d’un système de retraite fondé sur l’épanouissement en dehors des activités professionnelles. C’est ce que disent, entre autres, les trois millions et demi de personnes qui manifestent aujourd’hui. Elles y sont attachées. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Les hommes et les femmes qui ont étudié puis travaillé tout au long de leur existence, consacrant l’essentiel de leur vie à devenir et à être des forces de production doivent pouvoir être délivrés de cette contrainte en accédant à une retraite satisfaisante.
Cela implique de considérer la retraite comme un véritable temps de vie et non un résidu accordé gracieusement en fin de vie. Cela nécessite d’accorder une pension au montant suffisant et non de la tronquer au maximum.
Nous plaidons pour un temps de vie libéré et délié des contraintes du travail. Nous défendons le seul droit à la retraite qui mérite ce nom, celui qui ne se définit pas simplement en opposition au travail en rejetant ceux qui ne sont plus utiles et qui n’ont plus assez de valeur productive, mais celui qui correspond à un moment de vie en bonne santé, véritable période d’épanouissement.
C’est pourquoi nous vous demandons d’adopter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)