compte rendu intégral
Présidence de M. Roger Romani
vice-président
Secrétaires :
M. Philippe Nachbar,
M. Jean-Paul Virapoullé.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Mise au point au sujet d'un vote
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, je souhaite faire une mise au point concernant le scrutin public n° 16 sur l’article 6 du projet de loi portant réforme des retraites : M. Pierre Jarlier souhaitait voter contre et M. Denis Badré s’abstenir.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, madame Morin-Desailly. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera à la suite de l’analyse politique du scrutin.
3
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement. (Mmes et MM. les sénateurs du groupe CRC-SPG, ceints de l’écharpe tricolore, se lèvent.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, mes chers collègues, des millions de nos concitoyens descendent dans les rues de nos villes et notamment à Paris pour dire leur refus de voir leur retraite amputée de ses meilleures années. Qu’il me soit donc permis, ici, de saluer leur volonté et leur détermination et de leur exprimer la solidarité de notre groupe.
Si des manifestations aussi importantes sont rares, leur concomitance avec la discussion d’un projet de loi contesté l’est plus encore. Aussi, je souhaiterais, sous la forme d’un rappel au règlement fondé sur l’article 36, formuler une demande relative à l’organisation de nos débats.
Si cette requête est présentée par notre groupe CRC-SPG, je ne doute pas que de nombreux collègues y seront favorables. Nous savons en effet que beaucoup d’entre eux auraient souhaité être présents dans leurs circonscriptions pour participer aux manifestations qui s’y déroulent et pouvoir ainsi exprimer leur solidarité aux manifestants.
M. Guy Fischer. C’est vrai !
MM. Jean-Patrick Courtois et Alain Dufaut. Allez-y donc !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir suspendre nos travaux afin de permettre aux sénatrices et sénateurs qui le souhaitent d’être présents, dans la manifestation parisienne, aux côtés de nos concitoyens en lutte pour le retrait du projet de loi dont nous débattons. Tous les sondages montrent que, par-delà leur nombre, les manifestants expriment les préoccupations et les espoirs de près de 70 % de la population.
Continuer nos travaux comme si rien ne se passait dehors constituerait un manque de respect envers l’ensemble de notre peuple et tout particulièrement à l’égard des citoyennes et citoyens, engagés et actifs, qui n’hésitent pas à descendre dans la rue et à perdre une journée de salaire pour exprimer leurs craintes et leurs espoirs, leurs désaccords et leur colère, pour se faire entendre et être enfin écoutés.
À l’heure où de nombreux observateurs notent le divorce entre le peuple et ses représentants, une suspension de séance serait, selon nous, un geste dont la dimension démocratique n’échapperait à personne.
Monsieur le président, je souhaite que ma demande soit entendue comme l’avait été celle de notre collègue Gérard Longuet le 4 mai dernier.
MM. Bernard Vera et Robert Hue. Absolument !
M. Guy Fischer. C’est un précédent !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il obtenait alors une suspension de séance de plusieurs heures – nous ne vous en demandons pas autant ; nous souhaitons simplement une suspension de séance d’une heure – non pas pour manifester, vous vous en doutez, mais pour permettre aux sénateurs du groupe UMP de se rendre à la Présidence de la République.
Mme Annie David. Chacun ses rendez-vous !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aussi, j’espère avoir la même réponse que celle qui avait été faite alors par le président de séance de l’époque, notre collègue Jean-Claude Gaudin, au président du groupe UMP : « Vous n’aurez pas de difficultés à me convaincre d’accéder à votre demande, monsieur Longuet. » La séance était alors suspendue à dix-sept heures, sans que le Sénat ait eu à se prononcer sur la modification de son ordre du jour.
Mme Annie David. Exactement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Par conséquent, je vous demande solennellement de suspendre nos travaux pendant une heure. Il ne serait pas acceptable qu’il y ait deux poids deux mesures dans les décisions du président de séance : oui pour se rendre à l’Élysée, non pour rencontrer le peuple. (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe CRC-SPG. – Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste ainsi que M. Mézard applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Guy Fischer. Et la réponse à notre rappel au règlement ?
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, nous avons appris ce matin que M. le Président de la République aurait demandé le report de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, qui était prévue demain…
M. Guy Fischer. Scandaleux !
M. Jean-Pierre Sueur. … et à laquelle nous nous préparons avec assiduité depuis plusieurs jours. Cette information est surprenante. J’ai donc l’honneur de vous demander, au nom du groupe socialiste, si vous pouvez la confirmer. Si tel n’est pas le cas, comme nous connaissons la Constitution, nous aimerions que vous informiez le Sénat de l’autorité qui a décidé du report de cette commission mixte paritaire. (M. Alain Le Vern s’exclame.)
Par ailleurs, vous n’ignorez pas que M. le président du Sénat a déclaré qu’il serait incompréhensible que cette réforme fût votée contre l’avis du Sénat.
Nous, nous considérons que, si la commission mixte paritaire est reportée, c’est peut-être en raison des difficultés à réunir une majorité en son sein.
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, nous pensons qu’il y aurait une autre solution,…
M. Didier Guillaume. Évidemment !
M. Jean-Pierre Sueur. … que vous-même et M. le président du Sénat, en vertu de votre influence, qui est grande (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.), pourriez évoquer : elle consisterait tout simplement à ce que le texte revînt devant le Sénat, comme c’est d’ailleurs prévu par la Constitution, de manière que nous débattions de nouveau sur le fond.
Mme Françoise Laborde. Nous sommes d’accord !
M. Jean-Pierre Sueur. Tout le monde le sait bien, dans les communes, les départements et les régions, cette réforme ne passe pas. Le conseiller territorial ne passe pas,…
Un sénateur du groupe socialiste. No pasarán !
M. Jean-Jacques Mirassou. On n’en veut pas !
M. Guy Fischer. Les élus n’en veulent pas !
M. Jean-Pierre Sueur. … les contraintes financières imposées aux communes ne passent pas, le renforcement de pouvoirs de l’État à l’encontre de la décentralisation ne passe pas. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Monsieur le président, nous aimerions également connaître les raisons du report de la commission mixte paritaire et les dispositions que vous comptez prendre pour que le projet de loi revienne devant le Sénat. Il serait très néfaste que cette réforme fût adoptée en l’état, ou contre l’avis exprimé par notre assemblée.
Par ailleurs, j’ai cru comprendre qu’il y avait quelque rapport entre la commission mixte paritaire et la question des retraites. Je souhaiterais savoir, monsieur le président, si tel est effectivement le cas.
Enfin, nous sommes plongés dans un abîme d’incompréhension et nous espérons que vous pourrez clarifier la situation, de façon que nous puissions comprendre ce qui se passe. En effet, concernant les retraites, nous avons assisté à des manœuvres, l’examen des articles 5 et 6 ayant été avancé.
Or, mes chers collègues, vous le savez, le résultat obtenu a été l’inverse de celui qui était recherché. En effet, je peux vous le dire, beaucoup de nos concitoyens ont été extrêmement fâchés d’apprendre ce matin que le Sénat avait voté le report à 67 ans de la retraite à taux plein ; ils sont d’ailleurs très nombreux à manifester cet après-midi.
Monsieur le président, l’histoire de la commission mixte paritaire sur les collectivités territoriales s’ajoutant à tout cela, nous voudrions vraiment y voir clair sur les intentions du Gouvernement et du Président de la République et, surtout, sur celles du président du Sénat que vous représentez en cet instant. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour un rappel au règlement. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
M. Didier Guillaume. Monsieur le secrétaire d'État, il suffit de regarder la télévision, de lire les dépêches ou tout simplement d’écouter ce que nos collègues nous font remonter de leurs départements : vous avez mis dans la rue la France qui souffre, la France qui se lève tôt, la France des plus démunis, la France des salariés, avec un nombre de manifestants quasi inégalé.
Le président Bel me rapportait que l’on dénombrait 15 000 manifestants à Foix, soit 20 % de la population de l’Ariège.
M. Mirassou me disait qu’il y avait, à Toulouse, autant de manifestants qu’en mai 2002, si vous voyez à quoi je fais allusion...
Mme Cartron me racontait qu’il y avait un monde fou à Bordeaux ce matin (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.), tout comme dans la région Rhône-Alpes, à Lyon ou à Valence, comme me l’ont confirmé des collègues que j’ai appelés au téléphone.
Monsieur le secrétaire d’État, nous vous le disons depuis des heures, jour et nuit, votre réforme ne passe pas auprès des Français. Vous n’avez pas su débattre avec eux, vous n’avez pas su négocier avec les syndicats, vous avez même bafoué le Parlement.
Au moment où je vous parle, nos concitoyens vous font une démonstration de force dans la rue. Or, pour que la République fonctionne bien, elle doit marcher sur ses deux jambes : la démocratie politique et la démocratie sociale. Aujourd’hui, c’est la démocratie sociale qui s’exprime !
Notre groupe s’associe à la demande de Mme la présidente Borvo Cohen-Seat. (M. Robert Hue applaudit.) En effet, il serait totalement légitime que le président du Sénat suspende symboliquement nos travaux quelques instants…
M. Jean-Patrick Courtois. Non, non !
M. Didier Guillaume. … afin de montrer que le Sénat ne siège pas dans une bulle et qu’il est en phase avec le peuple, avec la démocratie sociale. Cette sage décision permettrait à ceux qui nous regardent à la télévision ou à ceux qui sont dans la rue de se rendre compte que le Sénat travaille tranquillement sur des sujets de société importants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, je vais d’abord répondre à notre collègue Jean-Pierre Sueur, qui a évoqué la commission mixte paritaire.
Je précise simplement que M. Warsmann, président de la commission des lois à l’Assemblée nationale et président de la commission mixte paritaire, a décidé de reporter la réunion de la commission mixte paritaire à début novembre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Luc Fichet. À la demande de qui ?
M. Jean-Pierre Godefroy. M. Warsmann n’est pas président de la commission mixte paritaire : celle-ci ne s’est pas réunie et il n’a donc pas encore été élu !
M. Alain Le Vern. Le Parlement est bafoué !
M. le président. Je vous donne une information qui date de ce matin.
M. Jean-Pierre Sueur. Aux termes de la Constitution, c’est le Gouvernement qui convoque la commission mixte paritaire, ce n’est pas le président de la CMP !
M. Guy Fischer. Et c’est la commission mixte paritaire, une fois réunie, qui élit son président !
M. le président. Mes chers collègues, à la suite du rappel au règlement de M. Sueur, je donne l’information que j’ai en ma possession.
M. Jean-Jacques Mirassou. Elle est fausse !
M. Daniel Raoul. Elle est erronée !
M. le président. Elle ne mérite pas de faire débat ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, d’après la Constitution, c’est le Gouvernement qui convoque la commission mixte paritaire, ce n’est pas le président de la commission des lois !
M. le président. Mme la présidente Borvo Cohen-Seat et M. Guillaume ont demandé une suspension de séance symbolique. Bien qu’il s’agisse d’un ordre du jour prioritaire fixé par le Gouvernement, le président Larcher, que j’ai consulté pendant les rappels au règlement, souhaite que le Sénat suspende ses travaux pendant trente minutes, par conséquent jusqu’à quinze heures quinze. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur quelques travées du groupe socialiste.)
La séance est donc suspendue.
(La séance, suspendue à quatorze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures vingt, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour un rappel au règlement.
M. Alain Dufaut. Encore ?
M. Jacques Mézard. Mon rappel au règlement est fondé sur les articles 69 ter et 70 du règlement du Sénat.
Je suis membre de la commission mixte paritaire sur la réforme des collectivités territoriales. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Le 7 octobre dernier, un courrier m’a été envoyé pour m’informer que celle-ci se réunirait le mercredi 13 octobre 2010, à seize heures quinze. J’ai appris incidemment, au début de la présente séance, que cette commission mixte paritaire a été annulée. Une dépêche de l’AFP a même été publiée !
Or, pour ma part, je n’ai strictement rien reçu ! C’est également le cas, je pense, de mes collègues qui sont également membres de cette commission mixte paritaire. Le texte de l’article 70 du règlement du Sénat donnant pouvoir de convocation au doyen d’âge, je voudrais savoir, monsieur le président, comment se fait-il que les membres de cette commission mixte paritaire n’aient pas été informés. Quand serons-nous convoqués de nouveau et dans quelles conditions ?
Il est anormal d’apprendre le report de cette commission mixte paritaire par une dépêche AFP ou par des bruits de couloirs : nous sommes des parlementaires…
M. Jean-Jacques Mirassou. À part entière !
M. Jacques Mézard. … et en tant que tels nous devons être normalement informés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé, pour un rappel au règlement.
M. Edmond Hervé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant la suspension de cette séance, nous avons entendu une expression présidentielle concernant la suite de la procédure législative intéressant la réforme des collectivités territoriales. Notre collègue Jean-Pierre Sueur avait bien voulu questionner la présidence sur le sujet évoqué par notre ami Jacques Mézard.
Je dois dire que la réponse qui nous a été fournie sur le plan de la procédure m’a précipité dans la confusion car j’ai cru que l’article 89 de la Constitution intéressant la révision constitutionnelle avait été utilisé sans que je ne m’en sois personnellement aperçu.
Si j’évoque ce point, c’est parce que quand on parle de commission mixte paritaire, il faut se référer au texte constitutionnel, en l’occurrence l’article 45, deuxième alinéa. Celui-ci prévoit que, lorsque nous avons affaire à un projet de loi – ce qui est le cas – c’est le Premier ministre qui a la faculté de provoquer la réunion d’une telle commission. Ce n’est ni un président de commission, ni un doyen ! La mise en œuvre de cette faculté se fait de manière obligatoire par l’intermédiaire du doyen.
Nous avons donc, d’un côté, un Premier ministre titulaire d’une compétence discrétionnaire et, de l’autre, le doyen – cela figure à l’article 70 du règlement du Sénat – qui dispose d’une compétence obligatoire. Ce n’est pas la lecture qui a été proposée par l’expression présidentielle il y a quelques minutes et c’est pourquoi je me permets, monsieur le président, d’intervenir, au nom du règlement.
Nous voyons bien le pouvoir du Premier ministre : lorsqu’il s’agit d’un projet de loi, il a la faculté de provoquer – il n’en est pas obligé – la réunion de la commission mixte paritaire. Mais vous comprendrez, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que pour la sérénité de nos débats il est important qu’il y ait une transparence sur la procédure, car celle-ci est une condition fondamentale de la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
M. le président. Au sujet de la transparence, je vous renvoie à l’article 45 de la Constitution : « le Premier ministre a – puisqu’il s’agit d’un projet de loi – la faculté de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion ». Ensuite, l’article 70 du règlement du Sénat, monsieur Mézard, dispose : « les commissions mixtes paritaires se réunissent, sur convocation de leur doyen, alternativement par affaire, dans les locaux de l’Assemblée nationale et du Sénat. Elles fixent elles-mêmes la composition de leur bureau. Elles suivent dans leurs travaux les règles ordinaires applicables aux commissions. En cas de divergence entre les règlements des deux assemblées, celui de l’assemblée où siège la commission prévaut » ; dans ce cas précis, ce sera l’Assemblée nationale. En l’occurrence, c’est bien de l’Assemblée nationale que nous avons reçu copie de la convocation signée dûment par le doyen d’âge à la fin de la matinée. Je souhaitais vous apporter ces éléments réglementaires.
Acte vous est donné, mes chers collègues, de vos deux rappels au règlement.
4
Réforme des retraites
Suite de la discussion d’un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites [projet n° 713 (2009-2010), texte de la commission n° 734 (2009-2010), rapports nos 733, 727 et 721 (2009-2010)].
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre Ier, à l’article 1er.
Article 1er
Le chapitre IV du titre Ier du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section 8 ainsi rédigée :
« Section 8
« Comité de pilotage des régimes de retraite
« Art. L. 114-4-2. – I. – Le Comité de pilotage des régimes de retraite veille au respect des objectifs du système de retraite par répartition définis au quatrième alinéa de l’article L. 161-17 A du code de la sécurité sociale.
« II. – Chaque année, au plus tard le 1er juillet, le comité rend un avis sur la situation financière des régimes de retraite, sur les conditions dans lesquelles s’effectue le retour à l’équilibre du système de retraite à l’horizon 2018 et sur les perspectives financières au-delà de cette date.
« Lorsque le comité considère qu’il existe un risque sérieux que la pérennité financière du système de retraite ne soit pas assurée, il propose au Gouvernement et au Parlement les mesures de redressement qu’il estime nécessaires.
« Art. L. 114-4-3. – Le Comité de pilotage des régimes de retraite est composé de représentants de l’État, des députés et des sénateurs membres du Conseil d’orientation des retraites, de représentants des régimes de retraite légalement obligatoires, de représentants des organisations d’employeurs les plus représentatives au plan national, de représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national interprofessionnel et de personnalités qualifiées.
« Un décret définit la composition et les modalités d’organisation de ce comité. Il précise les conditions dans lesquelles sont représentés les régimes de retraite dont le nombre de cotisants est inférieur à un seuil qu’il détermine.
« Le comité s’appuie sur les travaux du Conseil d’orientation des retraites. Les organismes chargés de la gestion d’un régime de retraite légalement obligatoire ou du régime d’assurance chômage communiquent au comité les éléments d’information et les études dont ils disposent et qui sont nécessaires au comité pour l’exercice de ses missions. »
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont, sur l'article.
Mme Bernadette Dupont. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ferai une intervention très courte sur un point précis qui mérite une attention toute particulière dans le cadre du futur comité de pilotage des régimes de retraite que doit créer l’article 1er.
Les organisations syndicales ont joué un rôle en prenant part, quoi qu’on en dise, au débat sur l’avenir et la pérennité de notre système de retraite. Elles ont pris position et éclairé la représentation nationale.
Toutefois, il est dommageable que les régimes complémentaires, fédérés au sein du groupement d’intérêt public AGIRC-ARRCO depuis 2002, aient été passés sous silence. Quelque 30 millions de salariés cotisent à ces régimes dont 18,5 millions à l’ARRCO. L’équilibre de ces régimes est vital pour les retraites : les pensions complémentaires versées représentent en moyenne un quart de la pension totale pour les non cadres et trois quarts ou plus pour les cadres.
Évidemment, d’un point de vue juridique, les caisses sont autonomes, ce qui explique la rigueur de leur gestion. Les comptes présentés sont assainis et encore en excédent en 2009, avec une réserve plus que confortable. Je vous ferai grâce des chiffres. Cette gestion est le fruit d’ajustements permanents et annuels. Elle est de nature paritaire puisque tous les syndicats, hormis la CGT, en font partie.
Avoir relevé l’âge de la retraite était une nécessité pour le régime de base, alors il conviendra que les organisations syndicales, présentes au comité de pilotage, agissent avec la rigueur dont elles ont déjà su faire preuve. D’ailleurs, elles ne s’opposent pas aujourd’hui aussi catégoriquement à la réforme du régime de base. Il y va d’un principe de cohérence, de réalisme et de responsabilité envers les générations à venir, et il vaudrait mieux éviter de les manipuler. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Ca veut dire quoi, ça ?
M. Jean-Louis Carrère. Qui manipule qui ?
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Nous laissons à Mme Bernadette Dupont la responsabilité de ses propos, que nous ne partageons pas (Marques d’ironie sur les travées de l’UMP.), ce qui ne vous étonnera pas ! (En effet ! sur les mêmes travées.) Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point pour voir comment la loi s’appliquera sur les régimes complémentaires.
L’article 1er, bien que considérablement modifié par rapport à sa version initiale, prévoit la création d’un comité de pilotage, dont les missions sont exclusivement – parlons clairement ! – financières.
Ce comité, dont on nous annonce qu’il sera présidé par le ministre en charge de la sécurité sociale – ce qui nous inquiète pour ce qui est de son indépendance –, devrait agir en fait sur les régimes de retraite comme les agences de notation agissent sur les comptes publics. Autant dire qu’il y a de quoi s’inquiéter !
En réalité, et les explications du Gouvernement sur la nécessité de créer ce comité nous le confirment, l’un de ses chantiers prioritaires sera de travailler à la fusion des 38 régimes différents qui existent aujourd’hui. Bien sûr, nous en sommes conscients, cela ne se passera pas du jour au lendemain, mais le but est bien fixé et je crois que nous devons nous en méfier. Cet alignement, nous le savons, se fera vers le bas puisque, dès qu’il s’agit de réformer, pour la majorité, pour l’UMP et pour le Président de la République, c’est toujours la règle de la régression qui s’applique ! (M. Paul Blanc s’exclame.)
Ce qui est surprenant, à la lecture de l’article 1er, c’est que les retraités, leurs conditions de vie, le montant de leurs pensions sont totalement éludés. Cela est d’autant plus choquant quand on le compare à l’article 1er bis A. Celui-ci se limite à un vœu pieu, manque de précision, n’a aucune portée contraignante, alors que l’article 1er, lui, est des plus clairs. Le comité de pilotage veille à l’équilibre du système sans se soucier des conséquences sur les assurés et les retraités.
En réalité, l’équilibre financier est votre seule préoccupation. Et cette recherche de l’équilibre n’a que deux objectifs : d’une part, éviter d’attirer l’attention des agences de notation et, d’autre part, satisfaire les plus libéraux, qui appellent de leurs vœux une privatisation de tout ce qui relève aujourd’hui de la solidarité.
Nous considérons d’ailleurs qu’une telle disposition constitue une étape supplémentaire vers l’instauration d’un régime par points. Et si nous en sommes convaincus, c’est parce que Robert Holzmann, expert de la Banque mondiale, s’en est fait depuis de longues années l’ardent propagandiste dans son article intitulé Les promesses et les perspectives offertes par les systèmes de comptes individuels.
À l’opposé de votre démarche, nous proposons, pour notre part, la création d’une maison commune des régimes de retraites, qui réaffirmerait la propriété collective des retraites aux assurés et aurait pour mission de garantir un financement stable et solidaire des régimes de retraites, afin de permettre de doter tous les régimes d’un socle commun de droits, naturellement supérieurs aux dispositions qui existent déjà.
Mais, par-dessus tout, alors que votre comité de pilotage créera de l’anxiété, notamment au regard de la place que vous accordez aux marchés financiers, notre proposition, partagée avec la CGT, redonne confiance aux salariés, qui sauront alors qu’ils disposent enfin d’un outil leur garantissant le droit à la retraite.
Là où votre projet prévoit d’offrir une place importante à ce que vous appelez des « personnalités qualifiées », notre proposition vise à redonner une place fondamentale aux représentants des salariés. Il s’agit de faire de cette « maison commune » l’institution au service des salariés et des assurés pour leur garantir ce dont ils manquent aujourd’hui, c'est-à-dire de pensions à la hauteur de leurs besoins.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Guy Fischer. Ce qui vous chagrine avant tout dans notre proposition, c’est qu’elle revient à l’origine de la création de la sécurité sociale.
M. Alain Gournac. C’est long !