Mme Christine Lagarde, ministre. L’amendement n° 183 vient compléter, d'une certaine manière, l'amendement n° 162 rectifié présenté à l’instant par M. le rapporteur général.
Nous avions évoqué en commission cette question de la faculté de transaction. J'avais alors fait part de certains doutes et réserves ; la restriction du champ d'application de la procédure exposée par M. le rapporteur général m’apporte un certain nombre d’apaisements. L'amendement du Gouvernement vise, lui aussi, à modifier et à restreindre quelque peu le champ d'application du nouveau dispositif pour le rendre acceptable.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 113 et un avis favorable sur l’amendement n° 162 rectifié, sous réserve de l’adoption de son propre amendement, qui a pour objet d'introduire des modifications au dispositif de composition administrative devant l'AMF adopté par la commission des finances.
En l'état, ce dispositif présente plusieurs difficultés.
Tout d’abord, la dernière phrase du sixième alinéa pourrait donner lieu à des interprétations diverses. Elle pourrait en effet signifier que la personne visée ne reconnaît pas les faits reprochés et ne se considère pas responsable des griefs retenus contre elle. En l'absence de cette reconnaissance des griefs, le contrat de composition administrative pourrait être considéré comme dépourvu de cause juridique.
Dans cette hypothèse, le contrat ne serait tout simplement pas conforme aux principes généraux du droit et risquerait d'être invalidé.
Pour parer à cette difficulté, il est proposé de supprimer la dernière phrase du sixième alinéa. Il reviendra aux parties de prévoir dans quelle mesure elles reconnaissent la validité des griefs.
Le neuvième alinéa de la rédaction adoptée par la commission des finances prévoit que, « en aucun cas, les éléments recueillis dans le cadre d'une procédure de composition administrative ne peuvent être invoqués dans le cadre d'une autre procédure ».
Je propose, au contraire, que ces différents éléments de procédure puissent être utilisés dans le cadre d'une autre procédure. Tel est l’objet de la seconde partie de mon amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l’amendement n° 183 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission n'a pu se réunir pour examiner cet amendement, dont nous venons de prendre connaissance.
Cela étant, je ne crois pas trahir l'esprit de nos délibérations en disant, sous le contrôle de M. le président de la commission des finances, que l'amendement n° 183 vient compléter et renforcer juridiquement la procédure de transaction dont nous avons souhaité la création.
Ainsi, nous aboutissons à un dispositif solide, qui pourra prendre une place raisonnable dans les travaux de l'Autorité des marchés financiers. Il me semble d'ailleurs répondre à des vœux formulés depuis un certain temps déjà, notamment par le président de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers.
La commission, me semble-t-il, peut être favorable à l'amendement n° 183.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 113.
Mme Nicole Bricq. Les amendements de la commission et du Gouvernement prouvent que l'introduction d'une procédure de transaction pour l'AMF est problématique. C'est la raison pour laquelle je ne retire pas notre amendement de suppression de l’article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 quinquies A, modifié.
(L'article 2 quinquies A est adopté.)
Article 2 quinquies
L’article L. 632-17 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 632-17. – Les infrastructures de marché qui diffusent ou tiennent à la disposition de l’Autorité des marchés financiers ou de l’Autorité de contrôle prudentiel des informations relatives aux transactions sur instruments financiers peuvent communiquer à leurs homologues étrangers ainsi qu’aux autorités homologues de l’Autorité des marchés financiers ou de l’Autorité de contrôle prudentiel les informations nécessaires à l’accomplissement de leurs missions à condition que ces organismes homologues soient eux-mêmes soumis au secret professionnel dans un cadre législatif offrant des garanties équivalentes à celles applicables en France et sous réserve de réciprocité.
« Lorsque ces échanges d’informations interviennent entre les infrastructures de marché et les autorités homologues de l’Autorité des marchés financiers ou de l’Autorité de contrôle prudentiel, ils sont effectués dans les conditions prévues par un accord de coopération mentionné à l’article L. 632-7.
« Dans le cadre de la surveillance des risques encourus par les membres, ces informations peuvent notamment recouvrir les positions prises sur le marché, les dépôts de garantie ou de couverture et leur composition ainsi que les appels de marge.
« Un décret définit les infrastructures de marché soumises aux présentes dispositions. »
M. le président. L'amendement n° 94 rectifié, présenté par M. Bourdin et Mme Procaccia, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
à l'accomplissement de leurs missions
insérer les mots :
, y compris les informations couvertes par le secret professionnel,
La parole est à M. Joël Bourdin.
M. Joël Bourdin. L'article 2 quinquies prévoit que les infrastructures de marché peuvent échanger des informations relatives aux transactions sur instruments financiers. L'amendement vise à préciser que cet échange pourra porter aussi sur des informations couvertes par le secret professionnel, à condition naturellement que les infrastructures de marché en cause soient liées par le secret professionnel dans les mêmes termes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 quinquies, modifié.
(L'article 2 quinquies est adopté.)
Article additionnel après l'article 2 quinquies
M. le président. L'amendement n° 44 rectifié, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 2 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l'article L. 211-1 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 4. Les quotas d'émission de gaz à effet de serre définis à l'article L. 229-15 du code de l'environnement et les autres unités visées au chapitre IX du titre II du livre II du code de l'environnement. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Nous revenons ici sur un sujet important, sur lequel le groupe socialiste du Sénat a travaillé au printemps dernier.
Dans notre contribution au groupe de travail sur la fiscalité environnementale conduit par Mme Keller, nous nous étions prononcés en faveur d’une meilleure supervision et régulation du Système communautaire d’échange des quotas d’émission de gaz à effet de serre.
Nous avions proposé la fixation d’un prix plancher d’adjudication, une harmonisation européenne du statut juridique des quotas et la création d’une autorité européenne de supervision et de régulation.
La Commission européenne a adopté, le 14 juillet dernier, un projet de règlement visant à organiser la mise aux enchères de ces quotas. Malheureusement, elle a renoncé à instaurer une plate-forme unique de mise aux enchères, préférant opter pour une plate-forme commune, avec une dérogation possible pour les États qui le souhaitent.
Ce manque d’unité permettra à coup sûr aux nombreux petits génies de la finance et des produits dérivés de passer outre les tentatives de contrôle et de régulation pourtant nécessaires sur ce marché.
Nous souhaitons, bien entendu, que BlueNext puisse participer à l’appel d’offres de la Commission européenne. Pour cela, il était nécessaire d’instituer un marché régulé, ce que prévoit l’article 2 sexies adopté par la commission des finances. Dorénavant, Bluenext devra respecter des principes et des mécanismes de régulation identiques à ceux qui régissent les marchés d’instruments financiers et le marché des quotas sera placé sous la surveillance de l’Autorité des marchés financiers.
Cet article, dont l’adoption par la commission des finances est donc bienvenue, ne nous satisfait cependant qu’en partie, puisque vous avez choisi une nouvelle fois, monsieur le rapporteur général, de rester au milieu du gué, en refusant de proposer une réforme globale et cohérente destinée à clarifier le statut juridique des quotas d’émissions ; nous le regrettons.
Mme la ministre nous a dit par avance qu’une telle réforme était prématurée et qu’il convenait de s’en remettre aux négociations européennes.
Dès lors, une contradiction apparaît : on applique des règles de supervision et de régulation propres aux marchés d’instruments financiers, sans vouloir qualifier les quotas d’instruments financiers. À l’évidence, le statut juridique des quotas doit être harmonisé à l’échelon européen, et nous voulons donner, par cet amendement, un mandat très clair au Gouvernement à cette fin, pour qu’il soit mieux en mesure de défendre une position qu’il peut, je le sais, partager.
Nous proposons donc de préciser le statut juridique des quotas en leur donnant la qualification de titres financiers.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mon penchant naturel serait, ou plutôt était, d’aller dans votre sens, ma chère collègue, et de donner la qualification d'instruments financiers aux quotas d’émission de gaz à effet de serre.
Toutefois, j'ai réfréné ce penchant en lisant l'intéressant rapport de M. Michel Prada sur la régulation des marchés des quotas d’émission de CO2, en particulier l’analyse à la fois technique, concrète et fouillée figurant à la page 72, où il est écrit que « les conséquences juridiques et pratiques d'une requalification des quotas en instruments financiers doivent cependant conduire à exclure cette solution ».
M. Prada explique, notamment, qu’une assimilation des quotas aux instruments financiers imposerait de modifier d'assez nombreuses dispositions existantes de la législation et de la réglementation financières, et que cela mettrait à mal la cohérence d’ensemble de ce bloc juridique. Je n’entrerai pas davantage dans le détail de cette argumentation, mais elle est tout à fait digne d’être prise en considération.
Nous n’avons donc pas voulu qualifier les quotas d’émission de gaz à effet de serre, qui sont des biens d’une nature spécifique, d’un type nouveau en quelque sorte. La doctrine et la jurisprudence nous permettront, dans l’avenir, de mieux cerner leur nature juridique et économique.
Dans le dispositif que nous avons élaboré, nous avons défini un certain nombre de principes, des mécanismes de contrôle et de régulation du marché, de telle sorte que les parties prenantes et le public puissent bénéficier de la transparence et de toutes les garanties qui s’attachent à l’existence et au bon fonctionnement d’un marché organisé.
En l’état actuel des choses, cela nous semble suffisant. C’est la raison pour laquelle, malgré mon penchant initial, je ne peux être favorable à votre amendement, madame Bricq.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Ce débat sur la qualification juridique des quotas d’émission de CO2 est très important. Il va contribuer sinon à éclairer la doctrine, du moins à l’orienter.
L’adoption des amendements proposés par la commission des finances a permis de mieux définir la qualification juridique de ces quotas : on s’oriente vers la catégorie des biens meubles incorporels.
La commission a en outre prévu de les soumettre à un certain nombre de régulations spécifiques, ayant trait, notamment, au rôle de l’Autorité des marchés financiers et à l’application de la directive « abus de marché ».
Ce travail de définition et de qualification des quotas d’émission de gaz à effet de serre constitue véritablement une œuvre juridique qui fera date.
C’est la raison pour laquelle, madame Bricq, j’émets un avis défavorable sur votre proposition, tout en reconnaissant qu’elle a le grand mérite de viser à une meilleure formulation de la qualification de ces quotas. Cela étant, les qualifier d’instruments financiers présenterait l’inconvénient, outre celui qui a été relevé par M. Prada, dont les conclusions sont partagées par l’AMF, par l’ACP et par la CRE, que s’appliqueraient alors de plein droit les règles de publication des prospectus et, surtout, la norme IAS 9 : en l’état actuel de celle-ci, les entreprises détenant de tels éléments d’actif dans leur bilan seraient contraintes de procéder à des réévaluations constantes de ceux-ci, au fur et à mesure de l’évolution de la valeur de marché. Nous sommes nombreux à vouloir revenir sur cette norme, mais, pour l’heure, elle s’applique dans ces termes.
Ne serait-ce que pour ces raisons, il me paraît donc souhaitable d’écarter toute référence à la notion d’instruments financiers, pour se rapprocher de celle, que le texte vise à élaborer, de biens meubles incorporels soumis à des mécanismes de contrôle spécifiques.
M. le président. La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.
13
Clôture de la session extraordinaire
M. le président. Mes chers collègues, les douze coups de minuit viennent de sonner !
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République portant clôture de la session extraordinaire du Parlement.
En conséquence, il est pris acte de la clôture de la session extraordinaire.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART