M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
3
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. Madame la ministre d’État, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question, de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.
Je vous demande, mes chers collègues, de respecter ce temps de parole.
réforme des retraites
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Christiane Demontès. Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
Monsieur le ministre, nos compatriotes sont de plus en plus nombreux à exprimer leur inquiétude et leur mécontentement face à la réforme des retraites que vous allez leur imposer.
Mme Éliane Assassi. Ils ont raison !
Mme Christiane Demontès. Ce que vous appelez une réforme, et qui n’est qu’une série d’ajustements comptables, s’avère injuste, brutal, inéquitable et inefficace.
Injuste, parce que le recul de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans et celui auquel on peut percevoir une pension à taux plein de 65 à 67 ans pénalisent les salariés qui ont commencé à travailler tôt, ceux qui ont travaillé longtemps, ceux qui ont alterné périodes de travail et périodes de chômage ou de travail à temps partiel – je pense particulièrement aux femmes, monsieur le ministre.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Christiane Demontès. Maintenir le droit au départ à la retraite à 60 ans pour ces derniers, tout en permettant à ceux qui le souhaitent et qui le peuvent de poursuivre leur activité serait juste. Maintenir l’obtention d’une pension à taux plein à 65 ans serait juste.
Le projet de loi que vous présentez est brutal. En effet, contrairement à ce qui se pratique dans tous les autres pays, en France, l’application de ces ajustements se fait sur une durée très courte. Sur un sujet nécessitant dialogue, concertation, construction avant toute décision, vous, ou plutôt le Président de la République, décidez de passer en force !
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Christiane Demontès. Ce projet de loi est inéquitable : 85 % des efforts exigés le sont des salariés, alors que les revenus du capital n’y contribuent qu’à hauteur de 15 %.
Un sénateur du groupe socialiste. Ce sont leurs amis ! Ils sont ailleurs !
M. Bernard Vera. Bien sûr !
Mme Christiane Demontès. Le capital doit être mis à contribution, monsieur le ministre. Il faut augmenter les prélèvements sociaux sur les bonus et les stock-options, et remettre en cause la défiscalisation des plus-values sur les cessions de filiales.
Ce projet de loi est inefficace : il ne règle rien en matière d’équilibre financier de notre régime de retraite, malgré le scandaleux siphonage du Fonds de réserve pour les retraites, le FRR.
Mme Nicole Bricq. C’est vrai !
Mme Christiane Demontès. Il ne règle pas non plus la question de l’emploi des seniors et des jeunes. Vous ne les rencontrez donc pas, monsieur le ministre, ces gens condamnés au chômage parce que leur entreprise estime qu’ils coûtent trop cher ?
Je sais ce que vous me répondrez : il s’agit de sauver notre système de retraite par répartition.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce n’est pas vrai !
M. Jean-Louis Carrère. C’est un mensonge !
Mme Christiane Demontès. Avez-vous mesuré l’inquiétude grondante de nos concitoyens, en particulier des plus jeunes d’entre eux, qui n’ont plus aucune confiance dans l’avenir ?
M. Alain Gournac. La question !
M. le président. Veuillez poser votre question, ma chère collègue.
Mme Christiane Demontès. Monsieur le ministre, quel message d’espoir peuvent-ils encore espérer de vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
M. René-Pierre Signé. Il aura du mal à répondre !
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous débattrons de ces questions pendant plus de quinze jours dans cette enceinte, nous pourrons ainsi les approfondir.
M. David Assouline. Nous débattrons beaucoup plus longtemps !
M. Éric Woerth, ministre. Si les discussions durent au-delà, ce sera tant mieux : je suis favorable au débat ! Je suis d’ailleurs persuadé, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous ferez vivre ce débat.
M. Jean-Louis Carrère. Heureusement, nous n’avons pas Accoyer ! (Approbations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Éric Woerth, ministre. Vous nous reprochez, madame Demontès, de procéder à des « ajustements comptables ». Dans votre bouche, ce n’est pas très aimable...
Pourtant, la France ne peut pas se contenter d’un système de retraite qui accumule les déficits.
M. Jean-Louis Carrère. La faute à qui ?
M. Éric Woerth, ministre. Ce n’est sans doute pas ce que vous souhaitez.
En raison de la crise, les déficits anticipés de nos régimes de retraites seront réalisés vingt ans plus tôt que prévu.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas vrai !
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement doit bien apporter une réponse appropriée ! Il s’y emploie.
M. Jean-Louis Carrère. C’est faux, vous mentez sans cesse !
M. Didier Boulaud. La justice, c’est de faire payer les riches !
M. Éric Woerth, ministre. Un système de retraite en déséquilibre rendrait plus fragiles les personnes qui le sont déjà, c’est-à-dire celles qui n’ont pas pu mettre de l’argent de côté, et elles sont très nombreuses en France. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Le système de retraite français est basé sur la répartition, autrement dit sur la solidarité entre les générations.
M. Jean-Louis Carrère. Vous voulez tuer le système par répartition !
M. Éric Woerth, ministre. Madame Demontès, il est logique de considérer que ce sont en premier lieu les travailleurs qui le financent.
Votre logique évoque un système par capitalisation. Dans ce cas de figure, vos propos pourraient être exacts. Mais nous, nous voulons un système par répartition,…
Mme Christiane Demontès. Ce sont toujours les mêmes qui paient, arrêtez !
M. Jean-Louis Carrère. Votre conception de la répartition, c’est tout pour vous, rien pour les autres !
M. Éric Woerth, ministre. … financé par les actifs : ce sont les actifs de l’année qui payent les retraites. C’est notre pacte social et notre lien social ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous vous y connaissez en lien social !
M. Éric Woerth, ministre. C’est sur ce principe, dans le droit fil du système élaboré par le Conseil national de la Résistance, que notre réforme du système des retraites est fondée.
Cette réforme est profondément juste.
M. Jean-Louis Carrère. Juste comme notre justice !
M. Éric Woerth, ministre. Ainsi, les personnes qui ont commencé à travailler très jeunes ont la faculté de partir plus tôt.
Madame Demontès, lorsque les socialistes ont institué la retraite à 60 ans en 1982, le fait que les personnes ayant commencé leur activité professionnelle à 14 ans travaillent 46 ans ne vous gênait pas ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) À l’époque, vous n’aviez pas envisagé cette question ; nous, nous y répondrons ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
réforme des retraites
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
Votre réforme des retraites est massivement rejetée. En effet, 70 % des Français exigent le maintien de l’âge de départ à la retraite à taux plein à 60 ans, restent attachés à la répartition et disent non à la capitalisation ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Il a lu L’Humanité !
M. Guy Fischer. En outre, 68 % d’entre eux ont soutenu la dernière journée de mobilisation.
M. Claude Bérit-Débat. C’est vrai !
M. Guy Fischer. Votre électorat vous abandonne !
M. Alain Gournac. Ce n’est pas le vôtre ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. Votre tentative d’imposer la réforme dans les esprits durant l’été a échoué. C’est une bien mauvaise surprise pour Nicolas Sarkozy et pour l’UMP !
M. Claude Bérit-Débat. Ce n’est pas la dernière !
M. Guy Fischer. Pressé par le temps, monsieur le ministre, inquiet de la mobilisation croissante dans le pays, vous êtes passé en force à l’Assemblée nationale, aidé par un président aux ordres de l’Élysée.
Le scénario ne sera pas le même au Sénat, qui n’a pas adopté le règlement scélérat de l’Assemblée nationale qui bafoue les droits de l’opposition !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Guy Fischer. On ne le répétera jamais assez, cette réforme est injuste et inefficace : elle est supportée à 85 % par les salariés et marginalement par les revenus du capital.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Honteux !
M. Guy Fischer. C’est cette injustice criante qui a fait basculer l’opinion publique. Notre peuple sait, en effet, que l’argent existe pour financer les retraites. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. René-Pierre Signé. Les niches fiscales !
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, vous avez tenté jusqu’au bout de masquer cette évidence économique et financière, mais l’affaire Bettencourt ne vous a pas aidé. (Nouvelles exclamations sur les travées de l’UMP.)
La volonté du Gouvernement et de l’UMP de flatter et de protéger les plus riches est devenue une réalité palpable par nos compatriotes.
M. Didier Boulaud. Le Fouquet’s !
M. Guy Fischer. La collusion du pouvoir et de l’argent devient évidente.
M. René-Pierre Signé. Ça c’est vrai !
M. Guy Fischer. La jeunesse attend-elle cette réforme ? Non, elle la rejette car cette dernière supprime, de fait, le droit à la retraite pour les plus jeunes !
M. René-Pierre Signé. Oui !
M. Guy Fischer. La démographie l’exige-t-elle ? Non, car la France a un taux de natalité qui permet de voir l’avenir sereinement.
L’Europe nous a-t-elle précédés ? C’est mal connaître la réalité, car les conditions de travail et de départ à la retraite sont plus protectrices dans nombre de pays voisins.
Les caisses sont-elles vides ? Non, celles du patronat et des banques sont pleines !
Vous voulez faire payer au peuple la cupidité des banques et d’un CAC 40 dont les profits explosent. Là est le cœur du problème.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Guy Fischer. D’autres moyens existent, comme une taxation efficace des revenus du capital, pour financer la retraite à 60 ans à taux plein. (Les membres du groupe CRC-SPG se lèvent et brandissent des feuilles portant l’inscription : « Retraite à 60 ans ».) Nous avons déposé une proposition de loi en ce sens (Protestations sur les travées de l’UMP.), et nous invitons le Gouvernement à en prendre connaissance. (Après avoir distribué leur proposition de loi aux membres du Gouvernement, les mêmes parlementaires regagnent leurs travées.)
Le Gouvernement doit retirer son projet de loi et ouvrir les négociations qui n’ont pas eu lieu ! (Les membres du groupe CRC-SPG se lèvent et brandissent des feuilles portant cette fois l’inscription : « Taxons les profits ».)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Les autres pays ont-ils toujours tort ? Les Allemands, les Britanniques, les Italiens, les Espagnols, les Suédois ont-ils nécessairement tort lorsqu’ils repoussent l’âge de départ à la retraite ?
Mme Christiane Demontès et M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !
M. Éric Woerth, ministre. Vous brandissez des affiches portant le slogan : « Retraite à 60 ans ». Soit. Mais c’est facile, c’est de l’électoralisme et de la démagogie, rien d’autre ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
La retraite est d’abord une question d’âge et d’espérance de vie. C’est le temps que l’on se donne à soi-même, après avoir travaillé.
M. Jean-Louis Carrère. Trente-sept ans !
M. Éric Woerth, ministre. Ce temps doit augmenter, et tel est bien le cas : aujourd’hui, la retraite des personnes qui ont cessé leur activité est plus longue qu’auparavant…
M. Jean-Louis Carrère. C’est un mensonge !
M. Éric Woerth, ministre. … et le sera encore plus lorsque l’âge de départ à la retraite sera porté à 62 ans, parce que l’espérance de vie augmente.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On ne sera pas en bonne santé plus longtemps !
M. Jean-Louis Carrère. C’est le contraire !
M. Éric Woerth, ministre. Vous n’avez pas le droit de toujours vouloir mettre à la charge des générations à venir ce que les générations actuelles n’auraient pas accepté. Nous devons être responsables !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Éric Woerth, ministre. Dans un régime par répartition, vous le savez, monsieur Fischer – d’ailleurs, vous y tenez, tout comme nous –, ce sont les actifs, c’est-à-dire les travailleurs, qui payent la pension des retraités.
Lorsque nous dégageons 4 milliards d’euros de recettes fiscales prélevées sur nos concitoyens les plus aisés, c’est pour financer non pas la répartition, mais la solidarité dans la répartition.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’y a pas de solidarité quand ce sont toujours les mêmes qui paient !
M. Éric Woerth, ministre. Il est logique de considérer que tout ce qui relève de la solidarité doit être financé par les impôts.
M. Guy Fischer. Parlons-en des impôts !
M. Éric Woerth, ministre. La réforme serait injuste. Mais est-il injuste de permettre à nos compatriotes qui exercent des métiers pénibles de partir plus tôt à la retraite ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Est-il injuste de permettre à nos concitoyens qui ont commencé à travailler très jeunes, à 14 ans ou 17 ans, de prendre leur retraite à 60 ans ?
M. René-Pierre Signé. C’est l’hôpital qui se moque de la charité !
M. Didier Boulaud. Cherchez le démagogue !
M. Éric Woerth, ministre. Est-il injuste de permettre aux fonctionnaires de la catégorie active de partir plus tôt à la retraite ?
M. Didier Boulaud. C’est le démago du Fouquet’s !
M. Éric Woerth, ministre. Voilà quelques mesures de cette réforme.
Certes, elle est difficile, mais il est plus difficile d’élaborer une réforme des retraites que de ne rien faire, comme la gauche ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Les membres du groupe CRC-SPG se lèvent et brandissent des feuilles portant l’inscription : « 60 ans pour tous ».)
programme clair
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement, et concerne le programme CLAIR.
M. David Assouline. Il est très flou !
M. Jean-Louis Carrère. C’est une réussite ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Legendre. Depuis la rentrée 2010, le programme « collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite », dit « programme CLAIR », est expérimenté dans les établissements concentrant le plus de difficultés du point de vue de la réussite, du climat scolaire et, malheureusement, de la violence.
Il concerne en l’état 105 collèges et lycées et sera étendu à la rentrée 2011.
À la mesure de l’enjeu, les objectifs de ce programme sont ambitieux. Il s'agit tout à la fois d’améliorer sensiblement le climat scolaire, de renforcer la stabilité des équipes et de faciliter la réussite de chacun.
Aussi ce programme défend-il une approche de nature à répondre aux défis de l’enseignement secondaire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jacques Mahéas. Et surtout à supprimer des postes !
M. Jacques Legendre. La volonté de replacer l’élève au cœur des préoccupations en est la composante essentielle, laquelle se réalise avec la définition du projet d’orientation de l’élève, en lien avec le parcours de découverte des métiers et des formations.
Le succès d’un tel projet dépend également, nous le savons, de la motivation, de l’implication et de la mobilisation de tous les acteurs de la communauté scolaire qui seront associés à l’élaboration de règles communes de vie.
M. Jean-Louis Carrère. Pas facile avec 16 000 suppressions de postes !
M. Jacques Legendre. Indispensable, l’évaluation du programme CLAIR implique que chacun des établissements qui le suit signe un contrat d’objectifs avec les autorités académiques. Un accompagnement par les corps d’inspection est ainsi prévu, avec la désignation par le recteur d’un inspecteur d’académie, inspecteur pédagogique régional référent pour chacun des établissements concernés.
Ce programme, pour répondre pleinement à sa vocation, suppose une plus grande autonomie des équipes pédagogiques, seules en mesure d’apporter à des problèmes spécifiques les réponses adaptées.
M. Didier Boulaud. Pour être clair, c’est clair !
M. Jacques Legendre. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer comment se concrétisera cette autonomie, dont la finalité est d’assurer la nécessaire réussite des élèves ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Didier Boulaud. Ça va faire plouf !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Legendre, pour permettre la réussite de chaque élève, le système éducatif français est confronté aujourd'hui…
Mme Christiane Demontès. Au manque de professeurs !
M. Luc Chatel, ministre. … à deux défis : celui de la personnalisation de notre enseignement, que nous devons être capables d’adapter à la diversité des élèves, et celui de l’autonomie. Pour relever ce dernier, il faut faire confiance à l’échelon local, c'est-à-dire à ceux qui connaissent le mieux les élèves.
La personnalisation et l’autonomie constituent les fils conducteurs des réformes que nous avons engagées. En primaire, une aide personnalisée est apportée, à raison de deux heures par semaine, aux élèves qui éprouvent des difficultés à lire ; au lycée, depuis la dernière rentrée, deux heures d’accompagnement personnalisé hebdomadaires sont offertes aux élèves, que l’on prend à part pour les faire bénéficier d’un enseignement sur mesure.
M. Jacques Mahéas. Ce n’est pas nouveau !
M. Luc Chatel, ministre. Toutefois, nous savons tous, et vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, que dans les établissements qui suscitent le plus d’inquiétudes et concentrent les difficultés, il faut faire davantage.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez diminué les subventions qui leur étaient versées de 50 % !
M. Luc Chatel, ministre. Nous avons donc décidé, dans 105 collèges et lycées situés en zones d’éducation prioritaire, qui comptent des élèves en grande difficulté, d’aller plus loin et d’instituer, dans un cadre expérimental, une triple autonomie.
Premièrement, nous souhaitons mettre en place une autonomie pédagogique, à travers un projet véritablement adapté aux élèves présents dans ces établissements, un enseignement transdisciplinaire et des rythmes scolaires que nous voulons aménager au plus près des besoins.
Deuxièmement, nous entendons instituer une autonomie en matière de recrutement des personnels. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Didier Boulaud. Nous y voilà !
M. Luc Chatel, ministre. Le chef d’établissement pourra recruter ses personnels d’enseignement sur profil, c'est-à-dire sur la base du volontariat, et constituer ainsi ses équipes pédagogiques. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)
M. Jacques Mahéas. Le démantèlement a commencé !
M. Luc Chatel, ministre. En effet, il est très important que ces professeurs soient volontaires et motivés, et qu’ils s’engagent à travailler dans ces établissements pendant une durée d’au moins cinq années.
Troisièmement, et enfin, nous voulons instituer une autonomie dans la gestion du climat des établissements, avec la nomination d’un préfet des études,… (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Voilà qui me rappelle des souvenirs !
M. Luc Chatel, ministre. … dont la tâche sera d’assurer le lien avec les familles et d’améliorer l’ambiance au sein des collèges et des lycées. Il sera chargé, auprès du chef d’établissement, de l’organisation et du suivi de la vie scolaire.
Vous le voyez, monsieur Legendre, nous mettons en place un dispositif expérimental, que nous évaluerons, et qui laisse une large place à l’autonomie.
Pour que notre système éducatif réussisse, nous devons lui donner de plus grandes marges de manœuvre et faire davantage confiance aux acteurs locaux. Tel est l’objet du programme CLAIR. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin. (M. Yvon Collin applaudit.)
M. François Fortassin. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Elle concerne les droits du Parlement, la Haute Assemblée et les collectivités territoriales, dont nous assurons par ailleurs, en qualité de sénateurs, la représentation, conformément à l’article 24 de la Constitution.
Dans le temps qui m’est imparti, je n’aborderai pas le fond, mais seulement la méthode du projet gouvernemental. Une réforme des collectivités peut-elle se faire contre le Sénat ? (Non ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Pourtant, les choses avaient bien commencé, avec la mission Belot, dont les membres s’étaient déplacés sur le terrain. Elle avait suscité quelques inquiétudes, certes,…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. François Fortassin. … mais aussi beaucoup d’espérances.
M. René-Pierre Signé. L’espérance, c’est 2012 !
M. François Fortassin. Ses membres ont rédigé un rapport remarquable et quasi-consensuel. Pourtant, celui-ci a été foulé aux pieds,…
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. François Fortassin. … ce qui a suscité inquiétudes et déceptions.
Saisi d’un texte extravagant et surréaliste, le Sénat a toutefois essayé de l’améliorer par un travail en profondeur, guidé par un grand principe : sauvegarder l’autonomie de chaque strate de collectivités locales.
Le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale est très éloigné de la version votée au Sénat. Les plus dociles des sénateurs sont dépités, résignés (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), ...
MM. René-Pierre Signé et Guy Fischer. Non ! Nous ne sommes pas résignés !
M. François Fortassin. … les autres sont particulièrement en colère !
En réalité, le Sénat est humilié et piétiné.
M. David Assouline. Comme à chaque fois !
M. François Fortassin. M. le Premier ministre connaît bien le fonctionnement du Sénat, tout comme vous, monsieur Mercier, aujourd'hui ministre chargé de l’aménagement du territoire.
M. René-Pierre Signé. Il a eu tort de devenir ministre !
M. François Fortassin. Monsieur le ministre, comme l’a souligné Yvon Collin dans un courrier auquel vous n’avez pas encore répondu,…
M. Yvon Collin. C’est vrai !
M. François Fortassin. … vous avez deux possibilités.
M. Jacques Legendre. La question !
M. François Fortassin. Soit vous provoquez la réunion d’une commission mixte paritaire, en laissant à une poignée de parlementaires triés sur le volet la possibilité de modifier une réforme qui touche en profondeur à l’organisation décentralisée de la République.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Fortassin !
M. François Fortassin. Soit vous laissez se poursuivre la navette parlementaire par une troisième lecture. Que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire.
M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question,…
M. Jean-Pierre Raffarin. Cela ne suffira pas !
M. Michel Mercier, ministre. … qui est extrêmement intéressante, même si elle est parfois – mais si peu ! – excessive. (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Je rappellerai tout d’abord que cette réforme est particulièrement importante…
M. Jean-Pierre Sueur. Raison de plus pour faire une troisième lecture !
M. Michel Mercier, ministre. … et que le Gouvernement a veillé avec beaucoup de soin à ce qu’elle ne soit pas réalisée de façon précipitée.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle s’est faite contre les collectivités territoriales !
M. Michel Mercier, ministre. Il y a eu, tout d’abord, comme vous l’avez rappelé, le rapport Belot. Il y a eu également les travaux de la commission que présidait M. Balladur.
M. Didier Boulaud. Qu’est-ce qu’il y connaît, M. Balladur, aux collectivités territoriales ?
M. Michel Mercier, ministre. En outre, dès le premier semestre de 2008, le Gouvernement a pris soin de consulter toutes les associations d’élus.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elles sont toutes opposées à cette réforme !
M. Michel Mercier, ministre. Ensuite, le projet de loi a fait l’objet de deux lectures dans chaque chambre.
M. René-Pierre Signé. Quand vous étiez parlementaire, vous étiez contre !
M. Michel Mercier, ministre. Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que, depuis la dernière révision constitutionnelle, le Sénat se prononce non plus sur le texte du Gouvernement, mais sur celui de la commission.
M. Roland Courteau. On le savait !
Mme Catherine Tasca. Mais le Gouvernement dépose par la suite des amendements !
M. Michel Mercier, ministre. Les deux commissions concernées ont ainsi délibéré à quatre reprises.
Cette question a donc donné lieu à une très longue discussion. Près de trois cents heures de débats parlementaires ont été consacrées à la réforme des collectivités locales, ce qui est tout à fait exceptionnel.
Les deux assemblées ont d’ailleurs très bien travaillé, puisque de nombreuses dispositions ont été votées conformes par les deux chambres. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)