Mme Françoise Cartron. Eh oui !
M. Claude Domeizel. Je vous invite à lire sur ce sujet le rapport de notre collègue Yannick Bodin. Il y développe très clairement une conception réaliste sur l’égalité des chances dans l’enseignement primaire et secondaire.
Quant aux parents, il serait dangereux de confondre parents indifférents et parents dépassés, en plein désarroi. Je reviens sur les lieux d’accueil que j’ai déjà cités dans mon propos. Un soutien des parents, par le biais de groupes de parole ou d’ateliers sur la parentalité, sera plus efficace qu’une sanction fragilisant encore plus des familles déjà en difficulté.
Mais la révision générale des politiques publiques, la RGPP, est-elle compatible avec toutes ces pistes évoquées ? Comment parvenir à atteindre de tels objectifs alors que sont supprimés des postes d’enseignants, de conseillers d’éducation, d’infirmières scolaires, de surveillants et d’éducateurs ?
Alors, convenons-en, c’est une fausse bonne idée, de très courte vue, de vouloir systématiquement et à grande échelle sanctionner les parents en cas d’absentéisme de leurs enfants. Cet outil, la suppression des allocations, a été particulièrement activé après la dernière guerre pour inciter les parents à envoyer les enfants à l’école plutôt que d’en faire une main-d’œuvre à bon marché pour les travaux des champs.
À ma connaissance, la seule menace mais aussi la reconnaissance de l’enseignant par les familles ont permis de corriger la dérive sans qu’il ait été nécessaire d’employer les moyens lourds préconisés dans la présente proposition de loi.
Alors, surmontons l’absentéisme scolaire en travaillant sur le fond du problème – mais vraiment sur le fond du problème, qui est avant tout un problème de société ! – et sur ses causes. Ce n’est certainement pas en tapant sur les doigts des parents que nous mettrons un terme à l’absentéisme scolaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
Mme Françoise Cartron. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. « L’absentéisme scolaire est un cancer » : cette phrase prononcée par le Président de la République témoigne de la volonté du Gouvernement de lutter contre ce fléau.
Nombre d’entre nous exercent des mandats locaux. Quelle que soit notre fonction, nous constatons chaque jour les ravages causés par l’absentéisme sur les jeunes. Ces dégâts appellent des réponses urgentes.
En 2004, j’avais eu l’occasion de faire une série de propositions pour lutter contre ce mal. François Fillon, alors ministre de l’éducation nationale, m’avait en effet chargé d’une mission sur la violence à l’école. Parmi ces mesures, je soulignais l’importance de coordonner les actions des élus et des services de l’État pour mettre fin à une situation aussi insupportable qu’inacceptable.
Cette situation est insupportable, car l’absentéisme hypothèque l’avenir de notre jeunesse et de notre pays. L’absence de formation et de repères conduit invariablement les jeunes vers l’échec.
Je ne rappellerai pas les conséquences de ce « cancer » pour les enseignants, qui constatent parfois près de 30 % d’absentéistes. Chaque année, ce sont 300 000 élèves qui se retrouvent à errer dans nos rues.
Face à ces chiffres inquiétants, nous devons agir.
Car culture, formation, emploi et intégration sont autant de valeurs qui sont, de fait, mises à mal. Marginalisation, violence et chômage : autant de problèmes qui sont au bout du chemin de l’absentéisme scolaire, première étape vers la détresse et la désocialisation.
Si les mesures que nous allons voter sont nécessaires, elles ne permettront pas, à elles seules, de mettre fin à l’absentéisme.
En effet, sans des parents responsables, soucieux de l’avenir de leurs enfants, nous ne pourrons relever ce défi. C’est avec eux que nous devons travailler. C’est avec eux que nous devons trouver des solutions. C’est donc vers eux que nous devons concentrer nos efforts.
Il est important, néanmoins, de rappeler que nous faisons face à deux types de familles : celles qui n’accordent aucune valeur aux obligations de scolarisation et d’assiduité de leur enfant aux cours ; celles qui rencontrent des difficultés ponctuelles, et souhaitent s’en sortir.
Il est donc primordial d’apporter une réponse concrète et adaptée à la situation de chaque famille, sans oublier que la majorité des parents s’attache à apporter, parfois au prix de lourds sacrifices, le meilleur à leurs enfants.
Ces familles méritent que nous les accompagnions, que nous les soutenions, que nous leur tendions la main. En ce sens, les collectivités territoriales jouent un rôle clé. Les maires, premiers interlocuteurs des citoyens, doivent pouvoir davantage proposer leurs solutions.
Je crois, par exemple, que les conseils pour les droits et devoirs des familles, qui rassemblent partenaires institutionnels, associations et représentants de la collectivité, doivent être généralisés. Ils sont encore trop peu nombreux et doivent leur création à la seule bonne volonté des élus. Pour en avoir mis un en place dans ma ville, je sais combien ces structures sont un outil d’écoute, de conseil et de suivi. Chaque famille est rencontrée, chaque cas est traité de manière personnelle.
De plus, ces conseils pourraient aider les inspecteurs d’académie.
Inspecteurs et conseils, qui sont déjà en lien direct grâce aux conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, les CLSPD, pourraient en effet décider ensemble de la suppression, ou non, des allocations familiales. Riches de leurs connaissances et de leur proximité avec les familles, ces conseils apporteraient une aide aussi précieuse qu’avisée.
Je crois aussi que la caisse d’allocations familiales ne doit pas être considérée comme une simple « machine à sous ». Elle joue, à mon sens, un rôle de prévention. En allant sur le terrain, en rencontrant les familles, elle pourrait soutenir les parents qui traversent des moments difficiles, mais qui ont la volonté de s’en sortir, tout cela en lien avec les structures locales.
A contrario, une minorité d’autres parents refuse ostensiblement d’assumer ses responsabilités. Ils estiment que c’est à la société d’assumer ce qui leur incombe naturellement et juridiquement : leurs responsabilités.
Si la restauration de l’autorité professorale est essentielle à l’efficacité de notre système éducatif, celle de l’autorité parentale est primordiale.
Sans pour autant tomber dans la caricature ou la stigmatisation, nous ne pouvons ignorer certaines vérités. Les prestations sociales ont-elles été pensées pour assister les individus, pour subvenir à leurs besoins sans contrepartie morale ? L’idée d’une forme de contrat moral lié à l’attribution de revenus est-elle scandaleuse lorsqu’il s’agit d’éducation ?
Face à de tels enjeux, je crois qu’il est urgent de responsabiliser ces parents démissionnaires grâce à des mesures fermes et assumées.
La suppression des aides sociales doit cependant être l’étape ultime. En effet, généraliser cette mesure contribuerait à fragiliser davantage des familles qui ont déjà des difficultés.
Je sais que ce n’est pas en prenant des mesures générales et nécessairement répressives que nous parviendrons à résoudre les problèmes, mais en apportant chaque jour des réponses aux parents désorientés.
Parce que notre modèle social repose sur une école forte et respectée, parce que les mesures proposées sont concrètes et laissent toute leur place à la prévention et à la fermeté, parce que la répression est une alternative de dernier recours, parce que la responsabilité des parents est au cœur des propositions contenues dans ce texte, je voterai la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, supprimer les allocations familiales aux parents des enfants absents est une mesure simpliste, inefficace, populiste et agressive.
Avec plus de 17 textes relatifs à la sécurité présentés depuis huit ans, et une année 2010 marquée par des discours de plus en plus explicites venant du plus haut niveau de l’État, vous tentez de gouverner par la communication et la désignation de coupables, que vous trouvez de préférence parmi les plus précaires.
Aujourd’hui, vous soumettez au débat une nouvelle forme de double peine contre les plus pauvres. Car votre texte sera indolore pour les plus riches : la plupart de leurs enfants ne vont pas dans les lycées d’enseignement professionnel, les LEP, ne doivent pas garder le petit dernier refusé à la crèche pour cause d’impétigo ; ils sont accompagnés dans leurs études et leur orientation, n’ont pas besoin de travailler quelques heures, en plus du lycée, et ne savent même pas ce qu’est un hébergement précaire. Tant mieux pour eux ! Priver ces familles aisées de 123 euros, 282 euros, ou même 443 euros d’allocations familiales ne changera pas leur fin de mois.
La sanction va meurtrir les uns, pas les autres.
Mme Françoise Cartron. Absolument !
Mme Marie-Christine Blandin. C’est aussi un texte qui ne s’adresse pas à tous, à commencer par les 50 % de familles, ou presque, qui n’ont qu’un enfant (Mme Françoise Cartron opine.), et ne perçoivent donc pas d’allocations familiales : votre répression est à géométrie variable.
L’INSEE, dont on ne saurait mettre en cause la neutralité, éclaire votre cible : « Les familles nombreuses sont surreprésentées dans la population pauvre ». En effet, si 14 % des familles françaises ont trois enfants, ce pourcentage s’élève à 22 % chez les familles pauvres.
L’INSEE nous décrit le paysage dans lequel interviendront vos mesures : une famille avec enfants sur cinq est monoparentale, et 17 % de ces familles monoparentales ont deux enfants ou plus.
La fourchette du seuil de pauvreté est fixée entre 733 et 880 euros par mois, et concerne presque 8 millions de nos concitoyens, pour lesquels chaque euro compte,…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Absolument !
Mme Marie-Christine Blandin. … pour se loger, se soigner, manger. Et c’est à eux que vous allez reprendre les allocations, au nom d’une prétendue autorité parentale mal exercée ! C’est indécent.
La caisse d’allocations familiales nous rappelle la finalité des sommes allouées : aider les familles à élever leurs enfants. Vous considérez donc qu’un enfant décrocheur n’a plus besoin d’être habillé, nourri, logé, équipé pour l’école ?
Vous en avez fait du chemin idéologique depuis 2002 ! C’est un peu à l’image du Grenelle : on commence par qualifier une réforme de révolution, de priorité... et on finit par dire : « L’environnement, ça commence à bien faire ! ».
Pour la répression de l’absentéisme, c’est le même itinéraire à droite.
En 2003, un ministre chargé de la famille jugeait cette mesure « inefficace et inéquitable ». En 2004, un ministre de l’éducation nationale considérait qu’elle ne servait qu’à « ajouter de la misère à la misère ».
Mme Françoise Cartron. Très bien !
Mme Marie-Christine Blandin. Mais, lors des états généraux de la sécurité à l’école, nous vous avons entendu, monsieur le ministre, associer élèves décrocheurs et violences ; et le 5 mai dernier, le Président de la République a bien précisé d’où venait l’argent des allocations familiales : « les impôts des Français » !
Et les cadeaux fiscaux, les crédits d’impôt recherche illicites, les aides aux banques, qui étaient hier à genoux et snobent aujourd’hui les États ? Tout cela n’est-il pas financé par les impôts des Français ?
M. Yannick Bodin. Bravo !
Mme Marie-Christine Blandin. Il y a, dans le rapport de M. Carle, une phrase concernant les enfants que nous approuvons : « Ils doivent être maintenus à tout prix dans un univers socialisé, structuré par des règles [...] ». À tout prix ! Eh bien, ce prix, c’est celui de professeurs formés et présents, et d’encadrants en nombre suffisant. Or il y a longtemps que vous ne le mettez plus.
Cette rentrée inaugure d’ailleurs les séquelles de la mastérisation, c’est-à-dire des enseignants qui se formeront « sur le tas », et pour nombre d’entre eux sans tuteur.
Vous supprimez des postes d’enseignants par milliers chaque année, par dizaines de milliers. L’orientation est devenue davantage un objet de colloques qu’une réalité de terrain. Les filières attractives de la formation professionnelle ne sont pas ouvertes, car elles ont un prix.
Demain, dans l’enseignement général, vous envisagez d’éteindre les matières qui font sens pour le « vivre ensemble », comme l’histoire et la géographie, ou celles qui donnent à sentir notre place dans le monde vivant, comme les sciences naturelles. Et je ne parle pas des enseignements artistiques et de tout ce qui épanouit, sans prérequis de niveau social.
L’école que vous détruisez chaque jour un peu plus est moins accueillante, moins aimable, moins convaincante, moins sécurisante. Elle se destine à fabriquer des ressources humaines élitistes, sans souci de formation et d’émancipation de tous : vous voulez qu’elle évalue, classe, fiche, trie les élèves, les enseignants, les établissements, et ce davantage en se fondant sur des constats de départ que sur des progressions ; qu’elle punisse, qu’elle tue l’innovation, qu’elle ne considère plus l’apprentissage du « vivre ensemble » et la résolution pacifique des conflits comme étant son rôle. Et ce qui y reste de vivant, de convivial, de formateur est porté à bout de bras par des enseignants motivés, dont certains finissent par désobéir pour mieux faire, et par résister à la marche forcée d’un système qui a pour leitmotiv la compétition et l’argent.
Vous ne donnez pas de moyens neufs aux dispositifs internes et externes de soutien, comme les animateurs de quartiers. Et les communes qui s’engagent pour qu’aucun élève exclu ne reste sans cours ne sont pas aidées.
Lucie Aubrac, lors d’un comité de soutien aux sans-papiers, me disait : « Quand je pense qu’après guerre dans une France dévastée et désargentée, près de Lyon, nous avions les moyens de faire des cours du soir pour les petits Français perdus et les petits Italiens, afin de les hisser tous au niveau de la classe ! »
Vous n’apportez pas de réponses nouvelles à la complexité des motivations, ou simplement des raisons, des élèves décrocheurs. Ceux-ci servent votre communication de fermeté (M. Yannick Bodin s’exclame.), mais ils ne sont pas votre priorité : peu d’entre eux déposeront des brevets prometteurs de bénéfices et de PIB.
Les Verts regrettent finalement que cette mauvaise mesure ne soit pas apparue, comme c’était prévu initialement, sous la forme d’un amendement à la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI 2. Au moins, c’eût été plus clair !
Mme Maryvonne Blondin. Bien plus clair !
Mme Marie-Christine Blandin. De plus, ce dispositif entraînera une surcharge supplémentaire de travail pour les caisses d’allocations familiales, qui sont déjà au bord de la rupture : certaines d’entre elles ont dû garder portes closes pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines, pour résorber les dossiers accumulés, et toutes devront assumer, demain, l’entrée en application du RSA jeunes.
Nous pouvons d’ores et déjà vous annoncer notre opposition déterminée, parce que votre approche est davantage inspirée par le système des jetons de présence dans un conseil d’administration que par la solidarité qui forge l’école de la République.
Je vous recommande le film de Bertrand Tavernier, Ça commence aujourd’hui, tourné dans la banlieue de Valenciennes : il vous fera connaître l’école et vous dissuadera d’appliquer cette punition financière ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. –Mme Françoise Laborde et M. Jacques Mézard applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Yannick Bodin. Il va proposer de mettre les jeunes au travail !
M. Serge Dassault. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il ne suffit pas de prendre des mesures sanctionnant les parents pour réduire l’absentéisme. Mais il ne sera pas inutile de les informer de leurs responsabilités à l’égard de leurs enfants, pour éviter que ceux-ci ne deviennent des délinquants.
Il faudrait savoir quelles sont les raisons de cet absentéisme et interroger les intéressés, ce que l’on n’a jamais fait. On apprendrait sans doute que les jeunes ne vont pas au collège tout simplement parce que les enseignements dispensés ne les intéressent pas.
Le collège unique, institué depuis plus de vingt ans, ne convient pas à certains enfants. Le socle commun de connaissances voulu par les ministres de l’éducation nationale est une grave illusion. En réalité, certains enfants acceptent l’enseignement tandis que d’autres ne sont pas intéressés.
Le nombre d’heures de sport ou d’enseignements culturels dispensées aux enfants devrait être plus important, comme en Grande-Bretagne.
Surtout, certains jeunes devraient recevoir une formation qui leur permettrait d’apprendre un métier dès la quatrième : ils ne s’intéressent pas aux études théoriques ; ils veulent non pas obtenir un diplôme, mais apprendre un métier pour gagner leur vie.
M. Yannick Bodin. Voilà ! Les enfants au travail !
M. Serge Dassault. Et l’on revient aux problèmes de sécurité, car ce sont ces jeunes qui n’apprennent rien au collège qui risquent de venir grossir la masse des délinquants et le nombre de chômeurs, et cela à partir de seize ans, dès leur sortie du collège.
Alors je le répète : il faut supprimer le collège unique et, comme en Allemagne,…
M. Yannick Bodin. Les Allemands sont en train de changer leur système !
M. Serge Dassault. … instituer deux cycles d’études : d’une part, un cycle de formation professionnelle obligatoire pour les jeunes âgés de quatorze ans à dix-huit ans – et non seize ans – et, d’autre part, un cycle permettant aux élèves qui le souhaitent de continuer leurs études pour passer plus tard le baccalauréat et entrer ensuite à l’université ou dans une grande école.
L’apprentissage des métiers est fondamental et devrait être dispensé dès la cinquième à ceux qui le souhaitent.
M. Yannick Bodin. Dès la maternelle ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Serge Dassault. Monsieur le ministre, il faut réformer profondément les programmes scolaires et associer les chambres de métiers et de l’artisanat, qui financent l’apprentissage, et les centres de formation d’apprentis, ainsi que les lycées professionnels.
Les écoles de la deuxième chance et les établissements publics d’insertion de la défense, les EPIDE, sont à cet égard fort utiles. Ils permettent d’apprendre un métier aux délinquants majeurs qui veulent travailler et de les sortir de leur galère.
On ne résoudra certainement jamais le problème de l’absentéisme des collégiens si l’on ne comprend pas la nécessité absolue de changer totalement la formation scolaire et l’éducation nationale afin de permettre à certains enfants de recevoir un début de formation professionnelle dès la quatrième. J’espère qu’un jour on entendra ce langage. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Chatel, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de la discussion générale, je souhaite vous apporter quelques précisions et répondre à un certain nombre de questions.
Selon Mmes Laborde et Labarre, la présente proposition de loi ne servirait pas à grand-chose, l’arsenal législatif existant étant suffisant. De surcroît, l’absentéisme scolaire serait un phénomène marginal. D’autres orateurs ont heureusement rappelé l’enjeu de la lutte contre cet état de fait. Lorsque j’ai cité le chiffre de 300 000 élèves pratiquant l’absentéisme scolaire dans mon propos introductif, le président de la commission, interloqué, m’a fait remarquer que ce chiffre était considérable. Malheureusement, telle est la situation. Selon la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance de mon ministère, en moyenne 15,2 % des élèves de lycée professionnel se livrent à l’absentéisme scolaire sur l’ensemble du territoire.
M. Yannick Bodin. Évidemment !
M. Luc Chatel, ministre. Comme l’a fort bien indiqué M. le rapporteur, les auteurs de la présente proposition de loi ont pour ambition de ramener coûte que coûte les absentéistes en classe.
Mme Férat a rappelé avec beaucoup de pragmatisme que le dispositif actuel ne fonctionne pas. Nous devons donc l’améliorer. C’est tout l’enjeu du travail qu’ont mené Éric Ciotti puis Jean-Claude Carle.
Comme je m’y attendais, au cours de la discussion générale, la proposition de loi a été un peu caricaturée. Certains sénateurs ont évoqué une disposition anticonstitutionnelle. Si tel avait été le cas, le Conseil constitutionnel ne serait pas resté muet depuis 1959 et aurait alerté le législateur.
Je rappelle que le principe d’égalité s’applique aux familles placées dans la même situation dans notre République.
Certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont également parlé de « stigmatisation », de « caricature ». Si la disposition visant à sanctionner financièrement les familles ne mettant pas fin à l’absentéisme de leur enfant malgré plusieurs avertissements vous paraît aberrante, je suis surpris que, lorsque vous souteniez d’autres gouvernements, vous n’ayez pas supprimé le lien qui existe dans notre législation depuis 1959 entre assiduité scolaire et versement des allocations familiales,…
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Absolument !
M. Luc Chatel, ministre. … et que plusieurs d’entre vous ont eu l’honnêteté de rappeler.
Par ailleurs, l’absentéisme serait lié au manque de moyens ; l’encadrement ne serait pas suffisant à l’éducation nationale.
M. Claude Bérit-Débat. C’est la vérité !
M. Luc Chatel, ministre. Dois-je vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, que, en cette rentrée, le système éducatif compte 45 000 professeurs de plus que voilà quinze ans pour 700 000 élèves de moins ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Eh oui !
M. Luc Chatel, ministre. Le taux d’encadrement est donc nettement supérieur à celui du milieu des années quatre-vingt-dix.
M. Yannick Bodin. On a effectivement fait de très gros progrès depuis le xixe siècle !
M. Luc Chatel, ministre. Toutes les études récentes publiées, que nous avons eu l’occasion d’évoquer dans cette enceinte au mois de juin dernier, ont montré l’absence de lien entre le taux d’encadrement et l’absentéisme scolaire. Il faut donc mener une politique ciblée et globale, comme un certain nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, l’ont indiqué. Avec justesse, M. Lagauche a estimé que la lutte contre l’absentéisme devait mobiliser plusieurs énergies.
Comme l’a fort bien rappelé M. le rapporteur, la présente proposition de loi fait partie d’un dispositif global.
Ainsi, alors que le Gouvernement soutient ce texte, il travaille afin d’élargir la mallette des parents. Il met également en place les établissements de réinsertion scolaire pour les élèves très perturbateurs. J’ai entendu formuler des critiques au sujet du département des Alpes-Maritimes. M. Nègre s’est bien défendu.
Par ailleurs, M. Ciotti, auteur de la proposition de loi, a créé dans son département l’école des parents, que j’ai visitée. Grâce à ce dispositif très intéressant, les parents sont associés au fonctionnement de l’école et obtiennent des réponses à leurs interrogations, à leurs inquiétudes.
Je le répète : c’est donc bien une politique globale qu’il faut mener pour lutter contre l’absentéisme.
La nécessité de renforcer l’accompagnement a également été évoquée à juste raison. C’est ce que fait le Gouvernement.
Depuis 2007, il a mis en place l’aide personnalisée pour tous les élèves du premier degré : ceux qui rencontrent des difficultés dans l’apprentissage de la lecture, par exemple, bénéficient de deux heures de soutien chaque semaine. Cette disposition nouvelle permet à des élèves de se raccrocher au système éducatif.
Par ailleurs, 800 000 collégiens, ces fameux « orphelins de seize heures », bénéficient tous les jours de l’accompagnement éducatif. Faisant souvent partie d’une famille monoparentale et leur maman travaillant, ils étaient jusqu’à présent livrés à eux-mêmes entre seize heures et dix-huit heures. Dorénavant, ils sont pris en charge par l’éducation nationale. Ce système constitue un moyen de prévention contre le décrochage scolaire, l’élève bénéficiant d’un encadrement qui n’existait pas jusqu’à maintenant.
C’est aussi tout l’esprit de la réforme du lycée qui est mise en œuvre en cette rentrée et qui comporte deux heures hebdomadaires d’accompagnement personnalisé adapté à la situation de chaque élève.
Je rejoins les propos tenus par M. Serge Dassault : si nous voulons que les élèves restent à l’école, il faut les intéresser et, pour ce faire, les aider à trouver leur voie. Un parcours sur mesure doit donc être mis en œuvre. Le système d’orientation doit être beaucoup plus progressif, réversible ; il doit autoriser les changements de trajectoire. Tel est également l’esprit même de la réforme du lycée précitée.
Vous l’avez bien compris, mesdames, messieurs les sénateurs, le nouveau dispositif qui vous est proposé constitue un ultime recours, rendu nécessaire par l’échec des moyens disponibles. Il fallait aussi rappeler aux parents qu’ils ont non seulement des droits vis-à-vis de leurs enfants, mais aussi des devoirs ; ils doivent en particulier veiller à l’assiduité scolaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et au banc des commissions.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Exception d'irrecevabilité
Mme la présidente. Je suis saisie, par Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, d'une motion n°2.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à lutter contre l'absentéisme scolaire (n° 663, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la motion.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. En 2006, la loi dite « d’égalité des chances » a mis en place le contrat de responsabilité parentale. Sous le prétexte de lutter contre l’absentéisme scolaire, ce dispositif injuste sanctionne les parents d’élèves absentéistes en suspendant ou supprimant le versement des allocations familiales.
La proposition de loi dont nous débattons vise à aggraver ce dispositif. Pourtant, dans la loi du 2 janvier 2004, le Gouvernement – la majorité était la même qu’aujourd'hui – a lui-même supprimé cette mesure qualifiée dans l’exposé des motifs du projet de loi d’« inefficace et inéquitable ».
Le contrat de responsabilité parentale peut être mis en place par le président du conseil général et déboucher sur la suppression des allocations familiales. Partant du constat qu’il est très peu utilisé mais sans s’interroger sur les raisons de cet état de fait, les auteurs de la proposition de loi commandée par le Président de la République proposent de contourner les élus et de donner obligation aux inspecteurs d’académie de demander la suspension des allocations afférentes à l’enfant absent après un premier avertissement.
Le dispositif de rétablissement et de rétroactivité du versement des allocations est lui aussi durci. Il est proposé une amputation pure et simple d’autant de mensualités que de mois d’absence après la première suspension.
Enfin, dernier coup porté – non des moindres –, la baisse de ressources des familles ne sera pas compensée dans le calcul du montant du RSA, afin, sans doute, que la précarité soit maximale.
Les défenseurs de ce texte avancent un principe qui est faux : celui du versement des allocations familiales en contrepartie de l’exercice de l’autorité parentale, comme si ces allocations étaient destinées à récompenser les « bons parents » et les « bons élèves ». Il n’est en fait question que de justifier l’introduction de mesures répressives, socialement injustes. Les prestations en cause n’ont jamais eu d’autre objet que de compenser une partie des charges financières de la famille liées à l’enfant !
Le dispositif de suspension des allocations est par bien d’autres aspects inacceptable, inadéquat et imparfait. Peut-être est-ce dû à l’empressement du principal auteur de la proposition de loi dont le texte est, avant tout, contraire à la Constitution.
Le dépôt de notre motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité est motivé par le fait que cette proposition de loi porte atteinte au principe d’égalité dans et devant la loi dont l’application doit être la même pour tous. Elle constitue un manquement à l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, consacrée dès 1973 comme norme constitutionnelle dans une décision du Conseil constitutionnel.
En effet, les allocations familiales sont versées sans condition de ressources à toutes les familles qui ont au moins deux enfants. Les quelque 1 500 000 familles n’ayant qu’un enfant ne touchent donc pas d’allocations familiales. On comprend aisément où se situe l’inégalité devant la loi susvisée, puisque la proposition de loi ne prévoit de sanctionner pour absentéisme que les seules familles composées d’au moins deux enfants. Les familles ayant un seul enfant, qui serait également absent quatre demi-journées par mois, ne seraient, par la force des choses, pas sanctionnées. C’est bien la preuve que la prétendue relation évoquée dans l’exposé des motifs entre exercice de l’autorité parentale et versement des allocations familiales est erronée. Le non-versement d’allocations aux familles n’ayant qu’un enfant n’en est-il pas la preuve ?
Entendons-nous bien : nous ne prônons pas l’extension de ce dispositif de sanction. Bien au contraire, nous demandons son abrogation pure et simple, parce que la loi, quelle que soit l’opinion politique qu’on puisse s’en faire, doit être égale pour tous.
En effet, si, comme le dispose l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse », comment justifier que seules soient punies – car il s’agit bien de cela – les familles ayant deux enfants au moins ?
Si, dans sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel estime que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, force est de constater que cette proposition de loi ne répond à aucune des deux situations évoquées.
La situation d’une famille d’élève absentéiste n’est pas différente selon qu’il a ou non des frères et sœurs.
De plus, la loi proposée ne règle pas ces deux situations de manière différente : elle se contente de légiférer pour l’une, en oubliant complètement l’autre.
Quant à un quelconque intérêt général qui justifierait cette différence de traitement, on voit mal comment un tel argument pourrait être développé.
Le Conseil constitutionnel ajoute que, dans ces deux cas, la différence de traitement qui en résulte doit être en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit, en l’occurrence la lutte contre l’absentéisme. Sauf à penser que ce phénomène n’existe que dans les familles de deux enfants et plus, et que, par conséquent, la lutte contre celui-ci ne s’applique qu’aux familles nombreuses, rien dans la différence de traitement instaurée n’a de rapport avec l’objet de la loi.
Nous appuyons aussi notre motion sur la non-conformité de ce texte avec le droit européen.
La Cour européenne des droits de l’homme n’admet, en effet, une distinction que quand elle répond à « une justification objective et raisonnable », poursuit un « but légitime » et n’est pas « discriminatoire ».
Nous sommes donc là dans un cas tellement flagrant de manquement aux principes constitutionnels de la République qu’aucun argument ne saurait le justifier.
Mais l’inégalité devant la loi ne s’arrête malheureusement pas là : cette sanction pénaliserait, cela a été dit, de manière inégalitaire les familles, au détriment des plus démunies.
En effet, les conséquences de la suppression des allocations dans les familles pour lesquelles elles ne représentent qu’un pourcentage minime des ressources seraient ainsi négligeables.
Au contraire, elles toucheraient proportionnellement une part beaucoup plus importante des ressources des familles les plus pauvres, aggravant leur situation, alors qu’elles n’affecteraient qu’à la marge les familles les plus riches.
Enfin, le montant de la sanction se trouverait différent dans chaque situation : le montant des allocations familiales versé par enfant varie en fonction du nombre d’enfants du foyer.
L’effet serait donc de pénaliser plus fortement les familles les plus nombreuses.
Le cumul de ces dispositions inégalitaires aboutit ainsi à une situation scandaleuse.
Le rapport Machard de 2003 la dénonçait déjà en calculant l’impact de ces déséquilibres par une évaluation du pourcentage de perte de revenus, illustré par cinq exemples de différentes situations familiales.
Ainsi, selon que les familles sont bénéficiaires ou non des minima sociaux, selon les revenus et le nombre d’enfants, les pourcentages de perte de ressources obtenus varient de 16 % à 47 % !
S’il est vrai que ces chiffres ne seraient pas exactement les mêmes aujourd’hui, notamment parce que les minima sociaux ont été réformés avec la disparition du RMI et la création du RSA, ces chiffres restent profondément significatifs de l’inégalité que nous dénonçons !
L’absentéisme scolaire ne peut se résoudre par une mesure qui, en plus d’être inconstitutionnelle, est aussi simpliste qu’inefficace.
La majorité semble peu s’en émouvoir, elle qui, au mépris du droit, utilise cette proposition de loi comme un instrument de communication.
L’absentéisme est un phénomène complexe lié à de multiples facteurs, qui demandent à être analysés en profondeur. Il témoigne, en effet, d’une crise sociale globale dont on se garde bien, ici, d’aborder les causes, pour simplement en traiter les effets par la seule voie répressive.
Loin d’être un phénomène généralisé, l’absentéisme était évalué à 7 % en 2007-2008, cachant en réalité une grande disparité que ce texte ignore volontairement. Il concerne 15 % des élèves de lycées professionnels, 6 % des élèves de lycées d’enseignement général et seulement 3 % des collégiens.
Une étude du CESDIP, le centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales, de mars 2010, établit un lien entre absentéisme et surreprésentation des élèves en difficulté scolaire et issus de milieux défavorisés dans certains établissements.
C’est le cas des lycées professionnels, qui restent trop souvent des voies scolaires et d’orientation pour les élèves en situation d’échec scolaire.
Ainsi, l’absentéisme touche souvent des élèves qui n’ont pas le niveau et cherchent à éviter la confrontation avec le sentiment d’échec.
De plus, des facteurs relatifs au mode de vie des élèves hors du temps scolaire ont une grande influence sur les absences répétées. Cela a été démontré.
Sont cités, par exemple, l’exercice d’activités rémunérées ou encore la nécessité d’une prise de responsabilité de l’enfant au sein de la famille.
Le contexte social, dans la famille comme à l’école, influe donc beaucoup sur l’absence des élèves.
On voit dès lors mal comment ce processus de suppression des allocations familiales, qui aggravera la situation financière de la famille, serait censé apporter une réponse. On peut, au contraire, penser qu’elle l’aggravera, en dégradant les conditions de vie de familles déjà précaires !
C’est donc l’environnement social et scolaire qu’il faut repenser en priorité pour traiter l’absentéisme, ce que semble ignorer le Gouvernement, et pour cause : l’absentéisme scolaire contre lequel le Gouvernement prétend lutter est, en fait, très largement entretenu par sa politique !
Ainsi, le Gouvernement n’a eu de cesse d’affaiblir l’éducation nationale, par l’application de la RGPP, la révision générale des politiques publiques, grave entreprise de démantèlement du service public de l’éducation.
En trois ans, ce ne sont pas moins de 50 000 suppressions de postes, dont 16 000 pour 2010 et 17 000 annoncées pour 2011.
Tout cela s’accompagne d’une dégradation sans précédent des conditions d’études des élèves, liée notamment à l’augmentation des effectifs par classe, à la suppression de la carte scolaire, qui ne fait qu’aggraver les inégalités sociales, à la suppression des RASED, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, pourtant essentiels dans la lutte contre l’échec et l’absentéisme scolaires.
Mon énumération ne saurait être exhaustive ; l’imagination du Gouvernement est sans bornes.
Tout se passe comme si la responsabilité publique de l’État dans l’enseignement avait disparu, comme si la question scolaire se réduisait à la sphère privée et familiale. Cela fait porter la faute sur des parents prétendument démissionnaires, pour mieux faire oublier le rôle d’un État déresponsabilisé !
J’ajouterai que cette proposition de loi est simpliste car elle réduit le problème de l’absentéisme au seul paramètre de la présence physique en classe.
Que les élèves soient présents ou non en classe, les difficultés qu’ils devront affronter continueront d’exister.
André Tosel, professeur émérite à l’université de Nice, déclare à ce sujet : « Ils seront certes “présents” mais confrontés à la même “absence” d’avenir. […] loin d’être des remèdes aux maux qu’elles visent à traiter, [ces mesures] se révéleront des maux supplémentaires dans la mesure où elles stigmatiseront des populations sans avenir social autre que la relégation à vie. »
La présence des élèves en classe constitue bien sûr un élément fondamental pour leur réussite scolaire. Mais l’objectif de l’éducation nationale ne se résume pas à remplir ses bancs. Il est plutôt question d’y diffuser et d’y transmettre des connaissances que les élèves peuvent s’approprier en vue de leur réussite.
Pour le rédacteur de la loi, les 300 000 jeunes concernés par l’absentéisme sont assimilés peu ou prou à de potentiels délinquants, selon un raccourci bien connu de la droite, qui résume toute problématique à celle de la délinquance et de l’insécurité.
Pourtant, sur ce paramètre aussi, le rapport Machard de 2003 a clairement mis en lumière que le basculement de l’absentéisme scolaire vers la délinquance n’a rien de systématique et ne concerne qu’une fraction minime d’élèves.
Nous réaffirmons l’existence de moyens de lutte contre l’absentéisme scolaire. Il suffirait de les développer plutôt que d’adopter une disposition dangereuse, dénoncée par les syndicats d’enseignants, de parents d’élèves, de la CNAF, la Caisse nationale d’allocations familiales, et des inspecteurs d’académie.
Assurer une politique éducative ambitieuse de haut niveau et de réussite pour tous est un moyen efficace de lutter contre l’absentéisme scolaire.
Cela a évidemment un coût, mais l’éternelle réduction des moyens de l’éducation tout comme la dégradation des prestations sociales en ont également un, qui ne se chiffre pas aujourd’hui, mais qui hypothèque gravement l’avenir de nos jeunes et donc du pays.
Il n’est donc nul besoin de légiférer !
Donnons plutôt aux dispositifs existants les moyens de jouer leur rôle, en développant réellement l’accompagnement personnalisé, effectué par les conseillers d’orientation psychologue et les enseignants des RASED.
Il est urgent de stopper immédiatement la réduction des postes d’enseignants, compensés par des heures supplémentaires. En effet, cela ne permet pas aux enseignants de dégager le temps d’accueil et d’écoute des élèves et des familles nécessaire à la prévention des difficultés.
De même, la CNAF, elle aussi confrontée aux réductions massives de postes, est impliquée de longue date dans la lutte contre l’absentéisme scolaire.
Ses personnels travaillent à renforcer les actions partenariales de proximité avec les établissements scolaires pour prévenir au plus tôt et soutenir la mobilisation des parents ; à créer des instances départementales de suivi de l’assiduité scolaire, de sensibilisation et de prévention en amont ; à animer des modules de soutien à la parentalité, pourtant supprimés en 2006 par la loi dite « d’égalité des chances ».
De la même manière, les actions sociales d’aide à la parentalité, comme les LAEP, les lieux d’accueil enfants-parents, l’accompagnement à la scolarité, la médiation familiale, ou les REAAP, les réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents, doivent être développées.
Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, je vous demande de voter cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.