Mme Catherine Troendle. Tout à fait ! Cela n’a pas de force contraignante !
M. Brice Hortefeux, ministre. Pour être tout à fait franc – je ne mets absolument pas en cause votre honnêteté –, vous auriez dû préciser que le Parlement européen visait non pas seulement la France, mais les pays de l’Union européenne, au pluriel.
La méthode est simple : nous faisons appliquer un principe constitutionnel, le respect du droit de propriété, dans le cadre de la loi française et de la réglementation européenne. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 57, 176 et 263.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote sur l’article 32 ter A.
Mme Alima Boumediene-Thiery. J’ai demandé pourquoi les villes n’étaient plus incitées à créer des aires d’accueil, et j’aimerais obtenir une réponse. Cette obligation constituait l’une des solutions ; mais je crois que nous sommes en train de reculer sur ce point.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre. Permettez-moi tout d’abord de compléter mon propos et d’indiquer à M. Sueur, très attentif aux déclarations de l’Église,…
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait !
M. Brice Hortefeux, ministre. … qu’un parlementaire m’a adressé voilà quelques jours une déclaration de Benoît XVI - je vous la transmettrai dans son intégralité ; vous pourrez vous cultiver dans les heures qui viennent – dans laquelle le Pape dit qu’« il faut éradiquer les causes de l’immigration illégale ».
Mme Éliane Assassi. Les causes, pas l’immigration elle-même !
M. Brice Hortefeux, ministre. Les membres du groupe CRC-SPG sont formidables : ils prennent aujourd’hui la défense de la libre circulation des Roms, alors qu’ils ont systématiquement condamné la construction européenne qui précisément la permet !
Franchement, un peu de cohérence de temps en temps ne nuirait pas…
Mme Éliane Assassi. Ne mélangez pas tout !
M. Brice Hortefeux, ministre. Madame Boumediene-Thiery, vous avez évoqué les aires d’accueil, mais souvenez-vous que, à l’époque de la loi Besson, sous la majorité que vous souteniez, 15 % des communes étaient équipées d’aires d’accueil ; aujourd’hui, les deux tiers des communes s’en sont dotées !
Vous avez raison, il faut continuer à progresser, mais reconnaissez que le progrès est de notre côté ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean-Pierre Sueur s’exclame.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Lorsqu’on veut donner des leçons, il faut être rigoureux en toute chose, et la rigueur impose ici la citation juste.
Monsieur le ministre, vous nous dites que la résolution du Parlement européen met dans un même sac l’ensemble des pays, que la France n’est pas distinguée des autres ; permettez-moi de vous rappeler le paragraphe 3 de cette résolution : « Le Parlement européen se déclare vivement préoccupé par les mesures prises par les autorités françaises, ainsi que par les autorités d’autres États membres à l’encontre des Roms et des gens du voyage… »
Donc, les « autorités françaises » sont citées explicitement. C’est tout dire de l’exemple que notre pays a donné à cette occasion !
Je voudrais par ailleurs obtenir une réponse à une question que j’ai posée. Cela permettra peut-être de rassurer un certain nombre de personnes.
Si la lecture que je fais de ce texte est fausse, je ne demande qu’à en prendre acte. Mais il me semble que, finalement, ce texte va s’appliquer aux gens du voyage, aux Roms, mais également à des SDF, par exemple à ceux qui sont aujourd’hui dans le bois de Vincennes. Leurs campements peuvent en effet être juxtaposés, et tomber sous le coup de l’incrimination ici proposée de l’« installation illicite en réunion ».
Monsieur le ministre, oui ou non, ce texte s’appliquera-t-il à ces cas ? À cette question précise, j’aimerais obtenir une réponse précise !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troendle, pour explication de vote.
Mme Catherine Troendle. Concernant l’expulsion de ces Roms, je suis un peu surprise, et j’aimerais en appeler de façon forte et convaincante à la dignité.
On a tout d’un coup découvert qu’il existait énormément de campements illicites où vivent des gens dans la plus grande misère et le désœuvrement.
Mais ces campements sont là depuis des années, et peu s’en sont préoccupés jusque-là. Aujourd’hui, au détour de ces expulsions, effectuées tout de même sur la base de décisions de justice, M. le ministre l’a dit, on découvre cette problématique, et tout le monde s’en empare.
Sachez, madame la présidente, mes chers collègues, que ces gens-là ont des racines, ces gens-là sont des Roumains.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. « Ces gens-là »…
Mme Catherine Troendle. Au détour de cette déclaration des parlementaires européens, je note une réelle sensibilisation, notamment de la Commission européenne, sur la problématique de la Roumanie, qui ne prend pas en considération ces personnes.
Sur les 22 milliards d’euros qui sont à sa disposition pour permettre aux Roms de s’intégrer, la Roumanie n’émarge que pour quelques millions.
Nous devons donc être plus vigilants au niveau européen. Il importe que nous mettions la Roumanie au pied du mur, afin qu’elle prenne en considération ces personnes, qui seront bien plus heureuses chez elles que dans des taudis chez nous !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je voudrais faire remarquer à Catherine Troendle, même si je suis sûre qu’elle connaît très bien son histoire, que les Roms ne sont pas des Roumains. Certains Roms sont bulgares, d’autres hongrois – le président Sarkozy, président des Roms de Hongrie ! –, d’autres encore français.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui, certains sont même tchèques.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il serait dommage qu’au Parlement on laisse dire que les Roms sont des Roumains, ce qui pourrait donner à penser que les parlementaires ne connaissent pas l’histoire…
Par ailleurs, les questions soulevées sont restées sans réponse. Pourquoi avez-vous besoin de renforcer encore la législation qui vous permet de supprimer des campements illicites ? À qui s’adressent concrètement ces nouvelles dispositions ? À toutes les personnes qui vivent dans la rue, comme le disait notre collègue Alain Anziani. ?
Vous vous souvenez sans doute de ce maire de Nice qui avait décidé d’exiler les SDF de sa commune à la campagne. Je crois savoir qu’il a été condamné.
Toutes ces questions sont très délicates parce qu’elles concernent des hommes et des femmes et parce qu’elles touchent à notre conception de la fraternité ainsi qu’aux droits fondamentaux des personnes.
Monsieur le ministre, vous avez laissé entendre que des maires communistes ont demandé l’évacuation de campements illicites, c’est vrai ! Et il est inutile de rester dans le flou, comme si nous ne savions pas de qui il s’agit, nous le savons tout à fait. Je rappelle cependant que ces évacuations ont eu lieu sous l’empire d’une législation qui les rendait possibles quand les communes avaient respecté l’obligation qui leur était faite de se doter d’aires de stationnement pour les populations nomades.
Il s’agit ici d’un tout autre dispositif. Cela mérite donc réflexion, et nos questions ne devraient pas être « balayées » par des réflexions hâtives sur les maires de toutes sensibilités, pour ne pas vous citer, monsieur le ministre, ou le rappel des conditions d’hygiène et de la situation sanitaire dans ces campements, toutes choses que nous savons parfaitement par ailleurs et que nous ne découvrons pas aujourd’hui.
Mme Catherine Troendle n’avait peut-être pas vu que de nombreuses personnes dorment dans la rue et y installent des campements de fortune. (Mme Catherine Troendle s’exclame.). Vous dites que personne ne le savait et que cela a été brutalement mis en exergue. Non, nous le savions, et vous aussi probablement. Alors, ne dites pas le contraire !
D’ailleurs, sans parler des populations nomades, certains vivent aujourd’hui dans leur voiture ou dans des squats. Gageons que les personnes dormant dans la rue seront de plus en plus nombreuses, étant donné la difficulté croissante que les gens peuvent rencontrer pour louer un logement – je n’ose pas parler d’achat – soit parce que leurs salaires de misère ne le leur permettent pas, soit parce que la perte d’emploi et le chômage le leur interdisent.
Mais vous avez usé d’un autre argument, monsieur le ministre : en quoi les communistes, qui sont contre l’Europe, seraient-ils concernés par des résolutions de telle ou telle institution européenne ?
Il est vrai que nous nous sommes opposés au traité européen, mais parce qu’il accroissait encore la liberté de circulation des capitaux, alors même que l’harmonisation des législations relatives à la libre circulation des personnes n’était pas achevée et que la volonté de construire un espace européen pour les citoyens n’était pas acquise, pour dire le moins ! Nous en avons ici une illustration très concrète.
Je suis satisfaite qu’il y ait une majorité au Parlement européen pour tirer la sonnette d’alarme. Toutefois, quelles mesures concrètes les parlementaires européens prennent-ils ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Rien ! Ils parlent !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est un autre sujet.
Nous sommes évidemment très préoccupés par le fait que, dans des pays européens, entre autres le nôtre, des personnes humaines soient traitées de la façon dont vous les traitez !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je demande la parole pour explication de vote, madame la présidente.
Mme la présidente. Je ne peux pas vous la donner, car vous vous êtes déjà exprimée, ma chère collègue.
Je mets aux voix l'article 32 ter A.
(L'article 32 ter A est adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je suis saisie d’une demande de suspension de séance émanant du Gouvernement. Nous allons y faire droit et interrompre quelques instants nos travaux.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures quinze.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Chapitre VII bis
Dispositions relatives aux polices municipales
Mme la présidente. L'amendement n° 177, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cette division et son intitulé.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Nous abordons un chapitre relatif au transfert aux forces de police municipale de la qualité ou des missions dévolues aux agents de police nationale.
J’ai déjà longuement évoqué dans mon intervention liminaire comme à l’occasion de la présentation de certains amendements les effets de RGPP et dénoncé le fait que vous transférez aux communes la charge que représente, pour les finances publiques, la mission régalienne du maintien de l’ordre.
L’Association des maires de France a fait connaître son opposition « à ce désengagement croissant qui vise notamment à compenser les baisses d’effectifs de la police nationale par de plus grands pouvoirs aux policiers municipaux ».
Certes, tout est relatif, mais le plus grave n’est pas là. Le plus grave est que le Gouvernement n’hésite pas à confier à un personnel non qualifié une mission cruciale : la protection de nos concitoyens.
Il est certain que l’avènement d’un État policier nécessite le renforcement des forces de l’ordre. Par conséquent, pour mener à bien un tel programme sans dépenser un centime, M. Hortefeux a trouvé une solution : déléguer à des agents sans formation adéquate le maintien de l’ordre public.
Ce gouvernement a déjà armé les policiers municipaux de Taser. Maintenant, il en fait des agents de police nationale, alors que le Conseil constitutionnel a dénoncé le manque de formation des forces de l’ordre en juillet 2010.
Nous nous opposons à de telles dérives.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer le chapitre relatif à la police municipale. La commission ne peut qu’y être défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 177.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 32 ter
(Non modifié)
I. – L’article 20 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le 3° est ainsi rétabli :
« 3° Les membres du cadre d’emplois des directeurs de police municipale assurant la direction fonctionnelle et opérationnelle des services de la police municipale lorsque la convention prévue à l’article L. 2212-6 du code général des collectivités territoriales en dispose ainsi ; » ;
2° Le neuvième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque les agents de police judiciaire relèvent du 3° du présent article, ils secondent dans l’exercice de leurs fonctions les officiers de police judiciaire relevant des 2°, 3° et 4° de l’article 16 ; ».
II. – Le premier alinéa du III de l’article L. 2212-6 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle précise, lorsque le chef des services de police municipale appartient au cadre d’emplois des directeurs de police municipale, si ce dernier est agent de police judiciaire en application de l’article 20 du code de procédure pénale. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, permettez-moi à l’occasion de cet article sur les polices municipales de soulever un problème qui me préoccupe depuis longtemps : l’usage du Taser.
J’ai d’ailleurs saisi, au fil des ans, les ministres successifs sur cette question.
Le plus souvent, si j’ai obtenu des réponses mettant l’accent sur le côté positif de l’utilisation du Taser, elles restaient néanmoins prudentes. Or, le 26 mai dernier, vous avez, monsieur le ministre de l’intérieur, publié un décret autorisant de nouveau les policiers municipaux à porter un pistolet à impulsion électrique, c'est-à-dire le Taser.
Pourtant, le Conseil d’État, dans un arrêt du 2 septembre 2009, a annulé un précédent décret en date du 22 septembre 2008. Il considère « que les particularités de cette arme d’un type nouveau imposent que son usage, qui comporte des dangers spécifiques, soit précisément encadré et contrôlé : de fortes précautions doivent entourer son utilisation ».
Depuis le début, cette utilisation du Taser est l’objet de nombreuses critiques. Dans un rapport de 2007, le Comité contre la torture de l’ONU a demandé aux gouvernements de renoncer au Taser en raison de sa dangerosité, dangerosité que des associations dénoncent. Ainsi, Amnesty International fait état de la mort de 351 personnes visées par une décharge de Taser entre 2001 et 2008.
Je rappelle qu’en mars 2009, dans le Michigan, un jeune garçon de quinze ans est mort après avoir été électrocuté par cette arme à impulsion électrique.
En France, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, hélas, en voie de disparition, a elle aussi relevé des cas d’usage disproportionné du Taser. C’est ce que confirme une réponse officielle de la France au Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, lequel considère que les dispositifs du type du Taser « peuvent parfois être utilisés comme instruments de torture ».
Quoi qu’il en soit, 83 % des usages du Taser par la gendarmerie nationale ne relevaient ni de la légitime défense ni de l’état de nécessité prioritairement envisagés dans les procédures internes.
Après le tribunal de grande instance de Paris, la cour d’appel vient de débouter, mercredi 8 septembre, la société SMP Technologies de l’action en justice qu’elle avait entamée contre l’association RAIDH, lui reprochant d’avoir « dénigré » la marque et le nom « Taser ». C’est pourtant la société elle-même qui, dans un guide d’utilisation publié le 12 octobre 2009, reconnaît que l’usage du Taser fait courir un risque cardiaque à la personne visée.
Évidemment, quand on sait le marché très important que représente l’équipement d’environ 18 000 policiers municipaux, on comprend bien que la société Taser ne souhaite pas voir son image ternie et ses démarches commerciales contrecarrées.
Je ne sais pas si vous avez, chers collègues, reçu comme moi au Sénat au printemps dernier un catalogue d’armes proposées à la vente. Parmi elles, le Taser. Je puis vous assurer que cela fait peur !
Je continue de penser que l’urgence est à un moratoire sur l’utilisation de cette arme comme, par ailleurs, sur l’utilisation de Flash-Ball dont on a, hélas, pu mesurer les conséquences dramatiques lors d’une manifestation à Montreuil, l’an dernier, au cours de laquelle un jeune homme a perdu un œil !
En aucun cas ces armes ne sauraient être portées par les policiers municipaux dont je conteste, plus largement, le droit à un armement, car leur rôle, sous l’autorité du maire, doit être préventif. Le droit de porter de telles armes doit être réservé aux policiers nationaux.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, sur l'article.
M. Yves Pozzo di Borgo. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite évoquer une question à laquelle j’ai consacré un amendement qui n’a malheureusement pas survécu à l’application de l’article 40 par la commission des finances, une application très administrative, je l’ai d’ailleurs dit à son président.
Cet amendement visait à introduire une évolution concernant la police municipale au sein de la capitale.
La loi du 31 décembre 1975, qui a modifié l’organisation de Paris en instituant un conseil et un maire élus, visait à aligner le statut de la capitale sur le droit commun de l’administration communale. Mais cette évolution fut partielle : le maintien d’un régime dérogatoire concernant les pouvoirs de police dans la capitale a été réaffirmé.
Chacun connaît les arguments développés à l’appui de cette singularité prévue par l’arrêté du 12 messidor an VIII, un texte vieux de quelque deux cents ans...
En revanche, cette spécificité parisienne ne saurait légitimer que, deux siècles plus tard, et même si quelques attributions ont été reconnues au maire de Paris depuis une dizaine d’années, le champ des pouvoirs de police communale dévolus au préfet de police reste quasi entier.
Au moment où la gestion de proximité est tant vantée, ce n’est pas l’un des moindres paradoxes que de priver le maire de Paris de moyens réglementaires tendant à en assurer l’exercice et à prémunir les Parisiens contre les risques, d’origine humaine ou naturelle, qui les menacent.
L’ordre public communal ne cesse d’évoluer pour mieux s’adapter aux évolutions de la société elle-même. Le maire, autorité de police communale partout ailleurs qu’à Paris, dispose ainsi d’une gamme de prérogatives faisant de lui un véritable protagoniste dans des domaines aussi variés que l’organisation de la circulation et du stationnement, la protection de l’environnement, de la tranquillité et de la sécurité publiques, pour ne citer que ceux-là.
Qu’en est-il cependant d’une gestion de proximité au plus près des attentes des administrés si l’exercice des attributions reste confié à une administration d’État assujettie hiérarchiquement à une autorité autre que celle du maire, même si l’administration d’État, je veux le souligner, fait plutôt bien son travail, mais là n’est pas le problème ?
Je milite en faveur du développement d’une forme de coproduction entre le maire et l’État au sein de la capitale.
L’abrogation d’une législation archaïque fournirait non seulement au maire de Paris les moyens réglementaires pour définir et faire respecter les choix des Parisiens, mais, surtout, ouvrirait la faculté à ce dernier de se doter d’un corps d’agents de police municipale.
La question, ici, n’est pas tant celle des moyens que celle des pouvoirs d’intervention. Il faut savoir- je m’adresse également à la commission des finances, qui manie l’article 40 -que la Ville de Paris contribue chaque année à hauteur de 273 millions d’euros au fonctionnement de la préfecture de police. Cette somme est principalement consacrée à verser le salaire des 8 300 sapeurs-pompiers, très efficaces, et des 6 000 agents, dont 2 300 agents de surveillance de la Ville de Paris, placés sous l’autorité du préfet de police. La Ville de Paris paye 100 % de leurs salaires à ces agents, mais elle ne peut contrôler leur action. Ces derniers pourraient pourtant servir d’embryon à une future police municipale.
J’ajoute également que les services de la Ville de Paris, qui sont pléthoriques, disposent également de 1 077 emplois au sein de la direction de la prévention et de la protection.
Paris est donc une ville qui a les moyens d’avoir une forte police municipale.
En tout état de cause, la mairie paye, mais elle ne dispose pas des moyens de déterminer ou même d’aménager l’usage qui est fait de ces financements. Je sais bien que le maire actuel est très satisfait de cette situation, car cela lui évite d’aborder les problèmes de sécurité : il laisse faire le préfet de police, qui accomplit d’ailleurs bien son travail. Néanmoins, se pose le problème de la responsabilité de l’élu. En termes de démocratie, il serait quelque peu dommage qu’un maire aussi important que celui de Paris ne puisse pas s’impliquer beaucoup plus fortement dans la gestion des problèmes de police.
J’ai déjà eu l’occasion à plusieurs reprises de rappeler dans cet hémicycle mon attachement à cette question. Lors de l’examen du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, en 2006, la commission des lois avait déjà eu à connaître de cette problématique. Elle avait admis, par la voix de son rapporteur de l’époque, M. Lecerf, que l’évolution que je suggère « s’inscrit tout à fait dans la logique de la décentralisation » et que l’arrêté du 12 messidor an VIII commence à avoir « un âge respectable ».
Mon intervention d’aujourd’hui a pour objet de rappeler l’importance d’un débat que j’essaie de rendre récurrent au sein de notre assemblée. J’aimerais surtout savoir si la commission des lois a poursuivi, comme elle s’y était engagée en 2006, ses réflexions sur ce thème.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On continue de réfléchir !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 178 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L’amendement n° 264 est présenté par MM. Sueur, Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 178.
Mme Éliane Assassi. Dans le prolongement de mon intervention sur l’article, je réitère notre opposition à l’octroi de la qualité d’agent de police judiciaire aux directeurs de police municipale. M. le rapporteur essaie de nous convaincre des effets positifs de cette évolution, en faisant valoir que la coordination entre les polices municipales et la police nationale ou la gendarmerie s’en trouverait améliorée, les premières étant placées dans un rapport de subordination aux secondes.
Or ce lien de subordination existe déjà, puisque les directeurs de police municipale ont la qualité d’agent de police judiciaire adjoint. En fait, il s’agit plutôt d’élargir le champ d’action des directeurs des polices municipales hors la présence immédiate d’un officier de police judiciaire, comme le concède M. Courtois dans son rapport, et de les rendre quasiment autonomes, sans pour autant prévoir de formation adéquate, ni une revalorisation de leur traitement, ni une prise en charge de celui-ci par l’État. À long terme, l’objectif est l’intégration de la police municipale dans la police nationale : notre refus de cette perspective, je le répète, ne relève aucunement de l’idéologie.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 264.
M. Jean-Pierre Sueur. Si l’objectif est d’améliorer la coordination de l’action des polices municipales avec celle des forces de la police et de la gendarmerie nationales, alors le présent article est inutile, car la qualité d’agent de police judiciaire adjoint permet déjà aux policiers municipaux d’assister les officiers de police judiciaire de la police ou de la gendarmerie nationale.
Si la motivation principale de cette disposition réside dans la volonté de permettre aux directeurs de police municipale, en vertu des nouveaux pouvoirs qui leur sont conférés, d’agir davantage hors la présence immédiate d’un officier de police judiciaire, alors cet article illustre véritablement la logique de désengagement de l’État, qui se décharge sur les collectivités territoriales de l’une de ses missions régaliennes essentielles : assurer la sécurité pour tous et partout.
Ce n’est pas tant la portée de cette disposition qui inquiète – en effet, vous ne l’ignorez pas, monsieur le ministre, seules vingt communes seraient concernées –, que la logique qu’elle induit : il s’agit clairement d’un dispositif expérimental appelé à s’étendre. C’est bien sous cette forme qu’a été présentée cette nouvelle disposition : associée à la baisse des effectifs des forces de l’ordre consécutive à l’application de la révision générale des politiques publiques, elle confirme la volonté du Gouvernement de se « refaire » sur le dos des collectivités territoriales.
En effet, en quoi consiste l’attribution de la qualité d’agent de police judiciaire ? La fonction d’agent de police judiciaire est associée à des pouvoirs supérieurs. Elle permet de « constater les crimes, délits ou contraventions et d’en dresser le procès-verbal, de recevoir par procès-verbal les déclarations qui leur sont faites par toutes personnes susceptibles de leur fournir des indices, preuves et renseignements sur les auteurs et complices de ces infractions ». Sont concernées les hypothèses de l’enquête en flagrance et de l’enquête préliminaire, que les agents de police judiciaire peuvent diligenter d’office. Ils peuvent également assurer l’exécution des mesures de contrainte contre les témoins défaillants, des mandats de justice, des arrêts et jugements de condamnation, ainsi que des contraintes par corps.
Si l’on va dans ce sens, comment sera préservée l’égalité des Français en matière de sécurité publique ? J’ajoute que la compétence du maire serait remise en cause si nous adoptions cette disposition et que cette situation pourrait le mettre en difficulté : en effet, le directeur de la police municipale ne relèverait plus du maire, bien que celui-ci soit officier de police judiciaire, mais seulement des officiers de police judiciaire de la police et de la gendarmerie nationales. La convention de coordination prévue à l’article L. 2212-6 du code général des collectivités territoriales, qui précise les lieux et la nature des interventions des agents, ainsi que les modalités de coordination de ces interventions avec celles de la police et de la gendarmerie nationales, sera dévoyée.
Nous considérons donc que l’article 32 ter vise à élargir les pouvoirs des polices municipales, et surtout à leur attribuer un certain nombre de prérogatives dans des conditions qui manquent de clarté. Nous sommes totalement hostiles à une telle orientation, c’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.