Mme la présidente. La parole est à M. Louis Nègre, pour explication de vote.
M. Louis Nègre. On le voit bien, la situation est délicate. Pour notre part, nous souhaitons allonger le délai de prescription, mais le président et le rapporteur de la commission des lois, dans leur grande sagesse, nous mettent en garde en nous recommandant de ne pas trop toucher aux délais de prescriptions sous peine de détricoter la loi sur la liberté de la presse.
Dans ces conditions, je suis prêt à retirer mon amendement.
Toutefois, j’attire votre attention, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, sur le fait que notre démarche était guidée par un souci d’efficacité. En tout état de cause, je me demande si les services de police spécialisés disposent des moyens nécessaires pour traquer les messages sur Internet dans les trois mois (M. le rapporteur fait un signe d’assentiment.). Si tel n’est pas le cas, il nous faudra alors examiner ce problème de manière approfondie.
Pour l’heure, je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 90 rectifié bis est retiré.
Article 24 quinquies A
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article 431-1 du même code, après le mot : « manifestation », sont insérés les mots : « ou d’entraver le déroulement des débats d’une assemblée parlementaire ou d’un organe délibérant d’une collectivité territoriale ».
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 53 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
L'amendement n° 253 est présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mme Klès, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 377 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l’amendement no 53.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Avec cet article, nous atteignons le summum de l’inutilité.
En effet, la création d'un délit d'entrave au déroulement des débats d'une assemblée délibérante est une mesure de pur affichage qui ne correspond à aucun besoin desdites assemblées. Elle répond surtout à une demande de la majorité, à l’Assemblée nationale, qui s’est offusquée d’une irruption dans l’hémicycle d’une ONG lors d’un débat houleux, voilà quelque temps.
Ce simple fait mérite-t-il que le Parlement légifère ? Nous ne le pensons pas. Les règlements intérieurs et une bonne organisation des services de sécurité des assemblées suffisent à prévenir toute entrave au bon déroulement des travaux parlementaires.
Nous n’avons d’ailleurs jamais eu, au sein de notre enceinte, à douter de l’efficacité des services de sécurité qui veillent quotidiennement au bon déroulement de nos débats. Ne remettons pas en question leur professionnalisme, leur dévouement, en adoptant une disposition inutile et vexatoire.
La droite a voulu, une fois encore, exploiter un fait divers qui ne présentait aucune gravité pour créer un délit.
Nous le répétons, nous souhaitons que l’on en finisse avec cette logique de surenchère. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 24 quinquies A.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l’amendement no 253.
M. Alain Anziani. Une nouvelle fois, un fait divers est à l’origine d’une loi. Le fait divers en question s’est déroulé à l’Assemblée nationale, lorsque Greenpeace a tenté, à sa manière, de participer au débat. Finalement, l’incident, vite réglé, n’a pas entraîné de dommages particuliers.
Il n’est pas nécessaire de prendre de nouvelles dispositions législatives pour réprimer de tels agissements. Les règlements des assemblées permettent au président du Sénat et à celui de l’Assemblée nationale de prendre les mesures propres à assurer le bon déroulement des débats. En cela, ils peuvent compter sur l’appui de la garde républicaine et des forces de l’ordre. Dans les collectivités territoriales, des pouvoirs analogues sont dévolus au président de l’exécutif ou au maire.
En outre, le code pénal prévoit déjà des peines d’emprisonnement en cas de violences ou de dégradation d’un bien public. L’article 24 quinquies A est donc absolument inutile.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement no 377.
Mme Éliane Assassi. L’ordonnance du 17 novembre 1958 stipule qu’il « est interdit d’apporter des pétitions à la barre de deux assemblées parlementaires ». C’est déjà beaucoup, car si l’un de nos concitoyens envisageait un tel acte, c’est qu’il estimerait ne pas avoir été écouté !
Si les dispositions de l’article 24 quinquies A permettent bien de réprimer l’action récente conduite par Greenpeace à l’Assemblée nationale, elles sont néanmoins inutiles, car notre droit prévoit déjà des sanctions adéquates.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. À l’heure actuelle, aucune disposition pénale ne réprime le fait d’entraver le débat d’une assemblée délibérante, alors même que, paradoxalement, le fait d’entraver les réunions d’un parti politique est, quant à lui, puni d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende.
L’article 24 quinquies A répond donc bien à une situation de vide juridique.
Aussi, la commission a émis un avis défavorable sur les trois amendements identiques nos 53, 253 et 377.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Comme vient de l’indiquer M. le rapporteur, rien n’est prévu dans le code pénal pour réprimer les faits d’entrave au déroulement des débats d’une assemblée délibérante. J’ai personnellement assisté à de tels faits à l’Assemblée nationale – vous en avez d’ailleurs fait état – et je considère que ces agissements sont particulièrement inacceptables, car ils perturbent le débat démocratique.
Mme Alima Boumediene-Thiery. C’est un fait divers !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur les amendements nos 53, 253 et 377.
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Nègre, pour explication de vote.
M. Louis Nègre. Mes chers collègues, les dispositions de l’article 24 quinquies A visent simplement à protéger la démocratie. Nous devrions donc tous les approuver.
Mme Éliane Assassi. La démocratie, dans ce pays, ce serait d’écouter les jeunes !
M. Louis Nègre. Entraver les débats d’une assemblée délibérante est une catastrophe pour la démocratie ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Cela revient à porter atteinte à la représentation nationale,…
Mme Éliane Assassi. Mon Dieu !
M. Louis Nègre. … à faire pression sur elle, publiquement, au vu et au su de tout le monde.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas supprimer le Sénat, et même le Parlement, dans l’attente qu’un quelconque mouvement, spontané ou non, manifeste son sentiment ?
Chacun de nos concitoyens, quelle que soit sa sensibilité, a droit à la parole et l’intérêt bien compris de la démocratie veut qu’il puisse s’exprimer par l’intermédiaire de ses représentants. Les dispositions de l’article 24 quinquies A visent donc tout simplement à protéger la démocratie, et nous devons y veiller.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Je tiens à rassurer M. Nègre, afin qu’il ne vive pas dans l’angoisse permanente au sein de notre assemblée. N’ayez pas peur, mon cher collègue, le président du Sénat, au même titre que celui de l’Assemblée nationale, détient les pouvoirs nécessaires pour vous protéger. Si vous étiez agressé sauvagement, par on ne sait qui d’ailleurs – cela ne s’est produit qu’une fois –, il pourrait demander l’intervention des forces de l’ordre. Si vous étiez bousculé, il pourrait demander l’incarcération de votre agresseur. Par ailleurs, le fait de déchirer des amendements ou le texte d’une loi est assimilé à une dégradation et est, à ce titre, passible d’une peine de prison.
Tous ces faits sont prévus dans le code pénal et je constate, une fois encore, que vous ne répondez pas à nos arguments.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Heureusement que le ridicule ne tue pas !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 53, 253 et 377.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 24 quinquies A.
(L'article 24 quinquies A est adopté.)
Article 24 quinquies
(Non modifié)
Le chapitre Ier du titre III du livre IV du même code est complété par une section 7 ainsi rédigée :
« Section 7
« De la distribution d’argent à des fins publicitaires sur la voie publique
« Art. 431-29. – La distribution sur la voie publique, à des fins publicitaires, de pièces de monnaie ou de billets de banque ayant cours légal est puni de six mois d’emprisonnement et 30 000 € d’amende.
« Le fait d’annoncer publiquement, par tout moyen, qu’il sera procédé sur la voie publique, à des fins publicitaires, à la distribution de pièces de monnaie ou de billets de banque ayant cours légal est puni de trois mois d’emprisonnement et 15 000 € d’amende.
« Dans le cas prévu par le premier alinéa, la peine d’amende peut être portée au double des sommes ayant été distribuées.
« Art. 431-30. – Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2, des infractions définies à la présente section encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-38, la peine d’affichage de la décision prononcée ou de diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 54 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
L'amendement n° 254 est présenté par MM. Sueur, Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mme Klès, MM. Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 378 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 54.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement concerne la distribution d’argent à des fins publicitaires.
Il s’agit, là encore, d’un nouveau délit inspiré par un fait divers précis, que le Gouvernement s’est empressé de transformer en incrimination.
C’est un nouvel exemple de l’obsession du Gouvernement à répondre, de manière méthodique, à chaque fait divers par une loi. Ma collègue Virginie Klès a très bien décrit cet entêtement en défendant un amendement pertinent sur ce point.
Le Parlement en a assez de légiférer sous le coup des faits divers et de l’émotion, une émotion par médias interposés, qui nuit à la qualité de la loi !
Ce texte est un exemple d’instrumentalisation politique, un chef-d’œuvre d’incohérence, un condensé de l’idéologie primaire du Gouvernement sur les questions de sécurité. En fait, on crée des peurs, des fantasmes.
Après les lois de simplification du droit, vous avez réussi à créer les lois de complication du droit !
Tout cela n’est ni sérieux ni à la hauteur des enjeux qui nous attendent sur une véritable politique en matière de sécurité : on ne règle pas le problème de la sécurité par médias interposés, ni par une succession d’annonces, de dispositions décousues et incohérentes.
La sécurité exige plus que cela et notre Parlement mérite de légiférer plus dignement sur cette question.
Nous refusons cette politique sécuritaire primaire, de surenchère, et nous demandons donc la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l'amendement n° 254.
M. Alain Anziani. Tout vient d’être dit ! Voilà un fait divers qui est une nouvelle fois à l’origine d’un projet de loi. En l’espèce, tout le monde s’en souvient, une société publicitaire voulait distribuer des billets de banque au pied de la tour Eiffel. Cela pouvait effectivement causer quelques troubles à l’ordre public.
Mais pourquoi élaborer une nouvelle loi ? Le code pénal est là pour prévenir, le cas échéant, les violences et les faire cesser. Surtout, le préfet de police a le pouvoir d’interdire une manifestation dès lors qu’elle menace l’ordre public. Or distribuer de l’argent sur la voie publique pourrait être considéré comme une atteinte de cette nature.
Que le préfet de police fasse donc son travail, et nous n’aurons pas besoin d’ajouter encore une loi à la loi !
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 378.
Mme Éliane Assassi. Je serai brève : encore une fois, c’est un fait divers qui inspire au Gouvernement de nouvelles dispositions pénales. Vous me permettrez de douter de leur l’utilité, car tout un arsenal existe déjà pour réprimer de tels actes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’an passé, en novembre 2009, aucune disposition pénale n’a permis de sanctionner les organisateurs d’une manifestation commerciale qui avait dégénéré, causant un préjudice considérable à la collectivité publique.
L’article 24 quinquies a pour objet de prévenir la réitération de tels événements. Il apparaît donc tout à fait opportun.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 54, 254 et 378.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. On le sait, l’opération publicitaire organisée sur Internet, au mois de novembre dernier, par une société prête à distribuer de l’argent à proximité de la tour Eiffel, a dégénéré à la suite de l’annulation de l’événement, suscitant la colère de milliers de personnes réunies sur les lieux. Tout cela est inacceptable !
De plus, mesdames, messieurs les sénateurs, la distribution d’argent sur la voie publique à des fins publicitaires n’est pas sanctionnée. Seule existe la contravention prévue par l’article R. 642-4 du code pénal, qui réprime l’utilisation de pièces de monnaie ou de billets de banque comme supports d’une publicité, ces faits n’étant punis que d’une amende de 150 euros.
Par ailleurs, il n’est pas certain que cette amende s’applique lorsque les billets distribués n’ont pas été recouverts de mentions publicitaires. Une amende de 150 euros est bien sûr parfaitement dérisoire. Il convient d’incriminer ces faits.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur les trois amendements de suppression nos 54, 254 et 378
Mme la présidente. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.
Mme Virginie Klès. J’ai bien entendu la position de M. le rapporteur, pour qui le problème est, en fait, que la manifestation ait dégénéré.
Il nous faudra beaucoup d’imagination, à nous législateurs, pour envisager tous les actes et manifestations susceptibles de dégénérer et causer un trouble à l’ordre public. Nous aurons du travail ! De surcroît, le texte de loi et le code pénal risquent de s’alourdir sérieusement.
À mes yeux, le fait que les choses aient dégénéré, provoquant des troubles à l’ordre public, suffisait à caractériser le délit.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 54, 254 et 378.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 24 quinquies.
(L'article 24 quinquies est adopté.)
Article 24 sexies
(Non modifié)
Le titre IV du livre IV du même code est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :
« Chapitre VI
« De la violation des dispositions réglementant les professions exercées dans les lieux publics
« Art. 446-1. – Le fait, sans autorisation ou déclaration régulière, d’offrir, de mettre en vente ou d’exposer en vue de la vente des marchandises ou d’exercer toute autre profession dans les lieux publics en violation des dispositions réglementaires sur la police de ces lieux est puni de six mois d’emprisonnement et d’une amende de 3 750 €.
« Art. 446-2. – Les infractions mentionnées à l’article 446-1 sont punies d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 15 000 € lorsqu’elles sont commises en bande organisée ou de manière agressive.
« Art. 446-3. – Les personnes physiques coupables des délits prévus au présent chapitre encourent également les peines complémentaires suivantes :
« 1° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit ;
« 2° La destruction de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit.
« Art. 446-4. – Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2, des infractions définies au présent chapitre encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-38, les peines prévues par l’article 131-39.
« L’interdiction mentionnée au 2° de l’article 131-39 porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 163 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 255 est présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 163.
Mme Éliane Assassi. Après la loi de 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, dite loi « Dutreil », qui est intervenue à la suite des caprices injustifiés des lobbies de brocanteurs professionnels ne supportant plus la concurrence déloyale des particuliers qui vendaient des fripes et des objets usités à proximité immédiate de leurs commodes Louis Philippe, il s’agit maintenant de s’attaquer à la concurrence déloyale de « délinquants » qui osent vendre des cacahuètes grillées à la sauvette !
Sans aucune analyse sérieuse de la situation, le rapport affirme de manière quelque peu péremptoire que cette nouvelle forme de délinquance prendrait une ampleur importante, qu’elle serait commise la plupart du temps en « bande organisée » et de « manière agressive ». Qui a déjà croisé ces personnes sait pourtant qu’elles ont plus la peur du gendarme et des contrôles de police que le souci de harceler les passants pour leur vendre une babiole ou des cacahuètes.
Vous présentez cette vente comme un risque majeur de trouble à l’ordre public, lequel, rappelons-le, est défini en droit comme une atteinte significative à la paix publique. Cependant, en l’occurrence, ce n’est pas le cas ! Cet argument est donc fallacieux.
En réalité, il s’agit d’une infraction économique dont la répression vise à garantir la concurrence et à protéger le marché national. Des contraventions de quatrième et de cinquième classe sont déjà prévues pour réprimer ces faits. Mais le présent texte correctionnalise cette infraction, la transformant en un délit passible d’emprisonnement, et autorise le placement en garde à vue de ses auteurs.
Quant au délit d’exploitation de vente à la sauvette, il risque d’avoir les mêmes effets pervers que celui du racolage passif, évoqué tout à l'heure, c'est-à-dire de pénaliser davantage les victimes.
C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l'amendement n° 255.
M. Alain Anziani. On perd le bon sens et l’échelle des peines en droit pénal !
La vente de bonbons et de cacahuètes dans le métro, de montres sur un marché ou la revente de billets aux abords d’un stade constituent une infraction pénale déjà punie aujourd'hui d’une amende pouvant aller de 750 euros à 1 500 euros.
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
M. Alain Anziani. Ces peines sont déjà lourdes pour des gens qui ne sont pas riches. Je le rappelle, vous n’avez pas affaire à la grande délinquance !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La grande délinquance financière !
M. Alain Anziani. En général, vous ne faites pas fortune en vendant des cacahuètes.
Brusquement, nous tombe du ciel, ou surgit des entrailles de la terre, une aggravation des peines, qui paraît d’une grande urgence. Il est désormais proposé de punir ces infractions, sans doute insoutenables, de six mois d’emprisonnement et d’une amende de 3 750 euros ! Il faudrait revoir tout le code pénal, article par article, pour se rendre compte de l’absurdité de cette disposition. Il existe certainement des délits beaucoup plus graves que la vente de cacahuètes et qui sont punis de moins de six mois de prison.
De surcroît, la mesure est tellement insensée que les tribunaux ne l’appliqueront pas. Après quoi nous leur reprocherons de ne pas respecter le code pénal si intelligent que nous avons voté.
Il faudrait faire preuve d’un peu plus de sagesse !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Les services de police, comme les organisateurs de manifestations sportives, culturelles ou commerciales, font état d’un accroissement des incidents et troubles à l’ordre public causés par des vendeurs à la sauvette agissant de plus en plus souvent en groupe, et parfois de manière agressive, dans les centres-villes ou aux abords des salles de concerts et d’exposition.
La correctionnalisation de l’infraction de vente à la sauvette vise à donner aux services de police les moyens de mieux lutter contre ce phénomène, en permettant notamment à ces vendeurs à la sauvette d’être jugés en comparution immédiate.
J’attire votre attention sur le fait que, conformément à la jurisprudence actuelle, il ne s’agit en aucun cas de sanctionner les particuliers de bonne foi qui revendent à titre exceptionnel une place de concert auquel ils ne peuvent assister. Je souhaiterais que Mme la ministre veuille bien nous confirmer ce point précis.
Mme Éliane Assassi. Cela dépend du prix de revente !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. En revanche, c’est la vente à la sauvette par habitude, voire par profession, qui est répréhensible.
Pour ces raisons, la commission est défavorable aux amendements identiques nos 163 et 255.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Tout d’abord, je confirme vos propos, monsieur le rapporteur, concernant les particuliers de bonne foi.
Ensuite, le dispositif répressif actuel, qui fait de la vente à la sauvette une simple contravention de quatrième classe, est inadapté et insuffisant pour juguler le phénomène de vente non autorisée sur le domaine public, qui tend à se développer, comme vous venez de le rappeler.
Il faut créer un délit qui permette d’assurer le suivi judiciaire des auteurs de l’infraction. C’est indispensable pour essayer d’inverser la tendance.
À ce titre, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements de suppression nos 163 et 255.
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. J’ai l’impression que vous ne vous rendez pas compte de l’effet pervers de cette mesure. Nous allons être contraints d’inciter ces personnes, qui ne sont pas riches, à vendre encore plus pour payer leur amende. C’est délirant !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 163 et 255.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 78 rectifié, présenté par M. Frassa et Mmes Panis et Dumas, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 4 et 5
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. 446-1. - La vente à la sauvette est le fait, sans autorisation ou déclaration régulière d'offrir, de mettre en vente ou d'exposer en vue de la vente des biens ou d'exercer toute autre profession dans les lieux publics en violation des dispositions réglementaires sur la police de ces lieux.
« La vente à la sauvette est punie de six mois d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende.
« Art. 446-2. - Lorsque la vente à la sauvette est accompagnée de voies de fait ou de menaces ou lorsqu'elle est commise en réunion, la peine est portée à un an d'emprisonnement et à 15 000 € d'amende.
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Au 5° de l'article 398-1 du code de procédure pénale, après la référence : « 433-10, premier alinéa, » sont insérés les références : « 446-1, 446-2 ».
La parole est à M. Christophe-André Frassa.
M. Christophe-André Frassa. En préambule, je souhaite indiquer que cet amendement, ainsi que l’amendement n° 79 rectifié que je présenterai ultérieurement, sont le résultat des travaux que j’ai conduits en tant que rapporteur de la commission des lois sur la proposition de loi de notre collègue Jacqueline Panis, visant à créer un délit sanctionnant la vente à la sauvette.
Malheureusement, ou heureusement selon certains, les dispositions de cette proposition de loi étant suffisamment intéressantes, elles ont été absorbées par la LOPPSI 2. Soit !
Le présent amendement vise plusieurs objectifs.
Tout d’abord, il élargit le champ de l’incrimination de vente à la sauvette à l’ensemble des biens, et pas uniquement les marchandises, susceptibles d’être mis en vente sur le domaine public en méconnaissance des dispositions réglementaires sur la police de ces lieux, afin d’y inclure également les billets d’entrée ou les titres d’accès à des manifestations sportives, culturelles ou commerciales.
Le fait de remplacer les termes « marchandises » par les termes « biens » ne fait, dans ce cas, qu’entériner la jurisprudence actuelle, qui inclut les billets dans la notion de marchandises.
Lors des auditions que j’ai menées, de nombreuses personnes ont attiré mon attention sur les troubles à l’ordre public fréquemment produits aux abords de stades, de salles de spectacles ou de halls d’exposition, par des individus qui ont fait de la revente au marché noir de titres d’accès une véritable activité lucrative.
Bien entendu, les dispositions proposées ne visent pas les personnes qui, empêchées, souhaiteraient pouvoir revendre leur billet aux abords d’une salle de spectacle, par exemple, le jour de l’événement.
Ensuite, l’amendement tend à procéder à quelques corrections techniques destinées à améliorer la rédaction de l’incrimination : il remplace les mots : « en bande organisée » par l’expression plus adaptée : « en « réunion ». De même, il substitue aux termes : « de manière agressive », trop subjectifs, les termes, plus objectivement caractérisables : « de voies de fait ou de menaces ».
Par ailleurs, dans un souci d’efficacité de l’action publique, l’amendement vise à faire entrer ce nouveau délit dans le champ de compétence du tribunal correctionnel siégeant à juge unique.
Enfin, sur le plan formel, l’amendement introduit explicitement dans le code pénal la notion de « vente à la sauvette », et ce dans un souci de clarté.