M. le président. L’amendement n° 91 rectifié bis, présenté par M. Le Menn, Mme Klès et M. C. Gautier, est ainsi libellé :
Après l’article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’article 5 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Ce fonds est abondé annuellement par une contribution des assurés sur chaque contrat d’assurance aux biens et par les entreprises d’assurance, dans des conditions définies par un décret en Conseil d’État. »
2° Après la première phrase du troisième alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Ce fonds est exclusivement destiné à financer les dispositifs humains de médiation sociale de terrain, les dispositifs de soutien et d’accompagnement à la parentalité, les dispositifs d’accueil et d’aide aux victimes, les dispositifs relatifs à la réussite et à l’intégration. »
II. - Après l’article 5 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. 5-1. - Il est créé un fonds ministériel pour le développement de la vidéosurveillance. Ce fonds est financé par un montant prélevé sur le produit des amendes forfaitaires de la police de la circulation, prévu à l'article L. 2334-24 du code général des collectivités territoriales, déterminé en loi de finances ».
III. - L’article L. 422-1 du code des assurances est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le fonds interministériel de prévention de la délinquance créé par l’article 5 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance est abondé annuellement par une contribution des assurés sur chaque contrat d’assurance aux biens et par les entreprises d’assurance dans des conditions définies par un décret en Conseil d’État ».
La parole est à Mme Virginie Klès.
Mme Virginie Klès. Nous regrettons que les crédits du FIPD, le Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance, soient presque exclusivement consacrés à la vidéosurveillance. Et ne me rétorquez pas que ces caméras ont leur utilité, car ce n’est pas le débat !
Il a été dit et répété sur toutes les travées, y compris celles de droite, que la vidéosurveillance n’était pas suffisante pour assurer la sécurité et ne pouvait être le seul outil à notre disposition.
Je rappelle, en outre, que le FIPD a pour seul but la prévention de la délinquance, alors que la vidéosurveillance vise plusieurs autres objectifs, comme la prévention des actes de terrorisme, la surveillance de bâtiments, y compris privés, etc.
Cet amendement vise donc à bien séparer les choses.
Je tiens à vous rassurer : notre objectif est non pas de supprimer l’ensemble des fonds affectés à la vidéosurveillance, mais de créer un fonds interministériel spécifiquement affecté aux équipements de vidéosurveillance, qui serait abondé par des prélèvements sur le produit des amendes collecté au titre des infractions routières.
Parallèlement, le financement du FIPD serait assuré par une contribution annuelle des assurés sur chaque contrat d’assurance. Ces crédits seraient exclusivement affectés à des dispositifs humains de prévention de la délinquance.
Les compagnies d’assurance devraient y trouver leur compte ; en effet, lorsque la délinquance diminue, le nombre des dégradations baisse et ces sociétés sont moins sollicitées.
Les dispositifs que nous proposons de financer au moyen de ces crédits ont déjà fait leurs preuves.
Vous aimez raisonner à partir d’exemples. Je vous citerai, à mon tour, le cas d’une ville proche du Mans, Coulaines, qui n’est pas riche, n’a ni vidéosurveillance ni police municipale, et compte plus de 40 % de logements sociaux : son taux de délinquance est pourtant très inférieur à celui des villes environnantes et à la moyenne départementale.
Dans cette ville, l’ensemble des moyens de prévention de la délinquance sont consacrés à des dispositifs de médiation familiale, de médiation de rue, d’aide à la réussite scolaire, d’action culturelle et sportive, de soutien à la parentalité, notamment. C’est bien la preuve que cela marche aussi, et si cela marche aussi, on peut sans doute aussi le financer !
Nous devons bien distinguer, d’un côté, la vidéosurveillance, qui a ses objectifs propres, et de l’autre, la prévention de la délinquance, avec ses missions et ses moyens, qui sont essentiellement humains. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le présent amendement tend à modifier les dispositions législatives relatives au FIPD. Ce fonds serait désormais alimenté par une contribution des assurés sur chaque contrat d’assurance aux biens et par les entreprises d’assurance.
Par ailleurs, il serait exclusivement destiné à financer les dispositifs humains de médiation sociale de terrain, les dispositifs de soutien et d’accompagnement à la parentalité, les dispositifs d’accueil et d’aide aux victimes, les dispositifs relatifs à la réussite et à l’intégration.
Un second fonds serait parallèlement créé pour soutenir l’équipement en vidéoprotection des collectivités, et serait financé par un montant prélevé sur le produit des amendes forfaitaires de la police de la circulation. Cela implique, en langage clair, une diminution des crédits destinés à financer des opérations de sécurité dans les villes, ce qui ne manquera pas de poser d’énormes problèmes. (Mme Virginie Klès s’exclame.)
Par définition, chère collègue, si l’on utilise ces fonds pour mener d’autres actions, ils ne pourront financer des opérations de sécurité... (Mme Virginie Klès s’exclame de nouveau.)
Comme vous le savez, je ne suis pas hostile à l’idée de mettre à contribution les assureurs en matière de sécurité. Nous l’avons d’ailleurs fait en créant, avec l’accord des compagnies d’assurance, un fonds dédié aux recherches ADN. Toutefois, je crois qu’il est préférable, avant de mettre en œuvre une telle mesure, de prévoir une réflexion plus approfondie et une concertation avec les intéressés.
Je demande donc aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable. Je considère en effet que la vidéoprotection joue un rôle essentiel dans la prévention de la délinquance.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Cet amendement vise deux objectifs complémentaires : sanctuariser le financement de la vidéoprotection, d’une part, et créer une ressource nouvelle pour les autres actions de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes, d’autre part.
Le FIPD fait appel à un mécanisme complexe que l’on ne saurait réformer au détour d’un texte. Une telle modification nécessite que l’on prenne du temps pour l’examiner de manière plus approfondie.
Je vous rappelle que le FIPD dispose d’une enveloppe budgétaire de près de 50 millions d’euros, dont 30 millions sont aujourd’hui destinés au financement de la vidéoprotection. Les 19 millions restants pourront financer d’autres actions de prévention de la délinquance.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, pour explication de vote.
M. Charles Gautier. Vous nous dites, madame le ministre, que cette modification nécessite une grande réflexion. Vous avez parfaitement raison, mais cette question ne date pas d’hier !
Les collègues membres de la commission des finances se rappelleront que, l’an dernier, la commission des finances avait proposé la suppression des crédits du FIPD. Il avait alors fallu une réunion extraordinaire de la commission – certains n’avaient visiblement pas mesuré les conséquences de cette suppression - puis un débat en séance, pour rétablir la cabane droite sur le chien, si vous me permettez l’image.
L’objectif du FIPD est le financement d’un certain nombre d’actions dans le cadre de la prévention de la délinquance.
Le Gouvernement s’est donné comme axe prioritaire le développement de la vidéosurveillance. Il en a d’autant plus le droit, je le concède, que chacun s’accorde à reconnaître l’efficacité de cet outil au moins sur un point : l’augmentation du taux d’élucidation. Dans ces conditions, pourquoi ne pas y recourir ?
Mais il s’agit justement d’une fonction de l’État et non d’une fonction communale. En conséquence, en utilisant les crédits du FIPD pour financer les investissements relatifs à l’installation de caméras, nous amputons d’autant les crédits destinés à l’ensemble des actions de prévention de la délinquance, qui fondent comme neige au soleil. Voilà la situation !
Il est dans l’intérêt du Gouvernement de dissocier le FIPD du financement de la politique de généralisation de la vidéo, afin que la commission des finances ne soit pas confrontée tous les ans au même problème, qui ne manquera pas de se poser dans les prochaines semaines si rien n’est fait.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Je trouve cet amendement très intéressant, car la question de la sécurité préoccupe tous nos concitoyens, même ceux qui habitent dans de petites communes, comme c’est mon cas.
Les Français savent bien que les problèmes de sécurité ne peuvent être résolus seulement par la police, la gendarmerie, l’allongement de la liste des délits dans le code pénal, bref la répression, et qu’il faut aussi mener des actions de prévention.
Nous sommes confrontés aujourd’hui à l’arrivée à l’âge adulte, ou post-adolescent, de la génération des « enfants rois », qui n’ont plus de repères, et ce quel que soit leur milieu familial. C’est donc à la collectivité, d’une manière ou d’une autre, de prendre le relais des parents pour inculquer à ces jeunes certains principes de conduite et leur apprendre à vivre en société. Ce travail de prévention, mené par des associations et les services sociaux, entre autres, nécessite des moyens.
Comme l’a dit Charles Gautier, il serait souhaitable que la problématique des crédits attribués à la prévention de la délinquance échappe aux aléas du débat budgétaire.
Même si la prévention ne représente qu’une partie de notre débat, on ne saurait axer la réflexion concernant la sécurité uniquement, ou essentiellement, sur la répression et les sanctions. Si nous voulons régler durablement le problème, il nous faut aider les familles à éduquer leurs enfants et rétablir l’autorité des enseignants. En effet, quand les parents n’ont pas fait le travail de base, il faut bien que l’école le fasse à leur place... (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Catherine Procaccia. C’est la tâche des parents !
M. Yves Détraigne. Ma chère collègue, lorsque, par malheur, un enseignant confronté à un enfant particulièrement insupportable laisse partir une gifle, c’est l’enseignant qui est sanctionné ! D’une certaine manière, on donne ainsi raison au gamin et aux parents défaillants...
Oui, je crois beaucoup à l’école pour contribuer à la stabilisation de la situation en matière de sécurité.
Tout ce qui peut contribuer à la prévention est important, et c’est pourquoi je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, pour explication de vote.
M. Louis Nègre. Je me rangerai à l’avis de M. le rapporteur et de Mme le ministre, qui se sont dits prêts à se pencher sur ce dossier.
Tout en étant partisan de la vidéoprotection, j’estime que nous devons marcher sur deux pieds : outre cet outil, nous devons disposer de moyens de prévention, et notamment de dispositifs humains de médiation sociale, de soutien à la parentalité ou d’aide à la réussite scolaire. (M. le président de la commission des lois opine.) J’ai moi-même mis en place de tels dispositifs dans ma commune, et je peux donc très concrètement en parler : je reconnais qu’ils sont tout aussi indispensables pour le bon fonctionnement de notre société.
Sur la démarche intellectuelle qui sous-tend cet amendement, il y a donc bien matière à réflexion, car nous avons besoin, aussi, de ces dispositifs de prévention sur le terrain. Ainsi, parallèlement à la vidéoprotection, que j’ai mise en place dans ma commune, j’ai pu expérimenter et tester l’action des médiateurs de terrain, et j’ai constaté que ceux-ci obtenaient aussi des résultats.
La combinaison de ces deux dispositifs nous permet d’atteindre nos objectifs. Cela étant dit, je me range, je le répète, à l’avis de la commission et du Gouvernement, lequel vient de nous assurer que ce dossier serait étudié.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 91 rectifié bis.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. L'amendement n° 385, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le quatrième alinéa de l'article 5 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance est supprimé.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Les travaux d’intérêt général sont une alternative à la prison, ainsi qu’un moyen de lutter contre la récidive.
L’article 98 de la loi pénitentiaire, voté à l’instigation du Sénat, a lié l’octroi d’une subvention du Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance, le FIPD, à l’organisation de travaux d’intérêt général.
Il n’est pas dans l’esprit du Gouvernement de remettre en cause ce principe, de contester l’utilité des travaux d’intérêt général ou de revenir sur l’octroi de subventions de l’État aux communes qui s’engagent fortement dans des actions de prévention de la délinquance.
Toutefois, en l’état, il ne nous semble pas possible de conditionner l’attribution de subventions du FIPD à la création de postes de travail d’intérêt général. En effet, les communes, en particulier celles de taille moyenne ou petite, ne sont pas toujours en mesure d’organiser la mise en place de tels postes. De plus, nous savons que, dans d’autres cas, cette disposition, ajoutée lors de l’élaboration de la loi pénitentiaire, peut avoir pour effet de retarder la réalisation d’opérations. Le Gouvernement propose donc de l’abroger.
Si l’amendement n° 385 est adopté, Mme le garde des sceaux adressera une circulaire aux préfets afin qu’ils intègrent parmi les critères de choix des dossiers à retenir pour l’attribution de subventions du Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance le degré d’implication des collectivités dans la constitution d’une offre de travaux d’intérêt général.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’amendement n° 385 a pour objet de supprimer le lien, introduit par la loi pénitentiaire, entre l’éligibilité au Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance et la mise en place de postes de travail d’intérêt général. Son adoption remettrait en cause une disposition qui avait été insérée par le Sénat, sur la base d’une proposition de notre collègue Jean-René Lecerf, complétée par le biais d’un sous-amendement de Mme Catherine Troendle, visant à développer les postes de travail d’intérêt général, qui demeurent encore trop peu nombreux.
Madame le ministre, que le Gouvernement veuille recourir à une circulaire me gêne quelque peu. Nous préférons pour notre part que la disposition législative en question soit maintenue, afin d’éviter que des aides soient attribuées à des communes ne faisant aucun effort pour offrir des travaux d’intérêt général, ce qui ne serait pas normal.
Mme Catherine Troendle. Tout à fait !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Certes, vous nous assurez qu’une circulaire reprendrait la teneur de cette disposition, mais, pour diverses raisons, les circulaires ne sont pas toujours adaptées ou prises en considération de façon identique dans tous les départements.
M. Christian Cointat. Absolument !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Pour l’heure, je vous suggère de retirer l’amendement n° 385 ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame la ministre, l'amendement n° 385 est-il maintenu ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 385.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 17 bis A (nouveau)
Après l’article 11-7 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité, il est inséré un article 11-8 ainsi rédigé :
« Art. 11-8. – Les activités de vidéoprotection exercées en vertu du III de l’article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité par des opérateurs privés agissant pour le compte de l’autorité publique ou de la personne morale titulaire de l’autorisation sont soumises aux dispositions du présent titre Ier, à l’exception des articles 3 à 3-2 et 10. »
M. le président. L'amendement n° 45 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Il s’agit d’un amendement de coordination avec la suppression de la faculté offerte aux opérateurs privés de recourir à la vidéosurveillance dans l’espace public.
Permettez-moi, mes chers collègues, de vous lire un extrait de l’étude d’impact qui est éclairant quant à l’objectif visé par le Gouvernement : « L’observation de la voie publique, bien que “ segmentée ” par des personnes publiques ou privées différentes, est couverte par une véritable continuité territoriale et ce à moindre coût, puisque la commune pourra mener son projet de sécurisation de l’espace public en tenant compte des implantations privées. » Tout y est : le quadrillage de la voie public de manière continue et l’économie substantielle que l’État pourra en tirer.
En d’autres termes, ce sont demain de vastes centres de visionnage d’images de la voie publique qui se trouveront entre les mains d’un seul et même opérateur privé, chargé de surveiller des espaces discontinus, voire répartis sur plusieurs communes différentes.
La majorité se défend d’organiser la privatisation de la mission régalienne de sécurité dans le domaine public, mais l’article 17 bis A précise très clairement que la délégation de la vidéosurveillance aux opérateurs privés relève de la loi du 12 juillet 1883 réglementant les activités privées de sécurité.
Je le répète, nous refusons la privatisation des missions de service public, notamment lorsqu’elles touchent à la sécurité. L’État doit assumer son rôle, son monopole légitime dans ce domaine. N’oublions pas qu’il s’agit d’une mission régalienne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec la proposition, repoussée par le Sénat, de supprimer la possibilité de délégation à des personnes privées de la vidéosurveillance du domaine public. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 17 bis A.
(L'article 17 bis A est adopté.)
Article additionnel après l'article 17 bis A
M. le président. L'amendement n° 37 rectifié, présenté par Mme Troendle, est ainsi libellé :
Après l'article 17 bis A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 10-2 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, il est inséré un article 10-3 ainsi rédigé :
« Le ministre de l'intérieur peut autoriser les personnes publiques titulaires d'une autorisation de transmission et d'enregistrement d'images prises sur la voie publique dans les lieux définis aux 1° à 8° du II de l'article 10 à transmettre ces images à des tiers à des fins de recherche technologique sur les procédés de captation, de transmission, d'exploitation et d'archivage des images de vidéoprotection.
« Cette autorisation est précédée de l'avis de la commission nationale de la vidéoprotection.
« L'autorisation, dont la durée ne peut excéder une année et peut être renouvelée dans les mêmes formes, prescrit toutes les précautions utiles, en particulier quant à la qualité du destinataire de cette transmission ou des personnes visionnant les images et enregistrements et aux mesures à prendre pour assurer le respect des dispositions de la loi. Elle définit les modalités de transmission des images et d'accès aux enregistrements, et la durée de conservation des images, qui ne peut excéder deux ans à compter de la transmission, sans préjudice des nécessités de leur conservation pour les besoins d'une procédure pénale.
« Si les images ou enregistrements transmis sont utilisés dans des traitements ou contenus dans des fichiers structurés selon des critères permettant d'identifier, directement ou indirectement, des personnes physiques, leur exploitation est soumise à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
« Les représentants de l'État dans les départements dans lesquels les caméras sont installées en sont informés.
« La commission nationale de la vidéoprotection peut à tout moment exercer, sauf en matière de défense nationale, un contrôle sur l'utilisation des images et enregistrements définie par le présent article. Elle émet, le cas échéant, des recommandations et propose au ministre la suspension ou la suppression des autorisations qu'il a délivrées, lorsqu'il en est fait un usage non conforme ou anormal.
« Les modalités d'application du présent article sont régies par décret en Conseil d'État. »
La parole est à Mme Catherine Troendle.
Mme Catherine Troendle. L'augmentation du nombre de caméras sur la voie publique impose l’accroissement de celui des opérateurs chargés de traiter les informations issues des flux vidéo. Les coûts d'exploitation deviendront rapidement prohibitifs et incompatibles avec les budgets de fonctionnement de l'État. Il est donc indispensable de mettre en place des traitements automatiques, qui permettront de réduire le nombre d'opérateurs.
De nombreuses structures de recherche françaises développent dans ce domaine des technologies innovantes qui ne peuvent être testées à grande échelle, faute de données disponibles. La robustesse des traitements développés ne peut donc être garantie et les entreprises françaises se trouvent le plus souvent pénalisées sur le marché international par rapport à des concurrents étrangers qui ne sont pas confrontés à ces difficultés.
Les besoins des chercheurs sont essentiellement de deux ordres : ils doivent pouvoir expérimenter sur des flux vidéo en temps réel et archiver sur une longue période, c'est-à-dire au-delà de trente jours. Or, dans sa rédaction actuelle, le présent projet de loi ne permet pas aux chercheurs de consulter des enregistrements d'images, et encore moins de les utiliser.
L’amendement n° 37 rectifié vise donc à ce que le ministre de l’intérieur puisse permettre aux personnes publiques titulaires d’une autorisation de transmission et d’enregistrement d’images prises sur la voie publique à transmettre ces images à des tiers à des fins de recherche technologique sur des procédés de captation, de transmission, d’exploitation et d’archivage des images de vidéoprotection.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ben voyons !
Mme Catherine Troendle. Évidemment, cette faculté de transmission des données sera rigoureusement encadrée par un décret pris en Conseil d’État. À cet égard, je souhaiterais que Mme le ministre puisse s’engager à ce que ce décret paraisse rapidement si mon amendement devait être adopté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à ouvrir la possibilité, pour des organismes de recherche, de réaliser des expérimentations en matière de vidéosurveillance en exploitant des images prises sur la voie publique par les opérateurs qui y sont autorisés. Il s’agit notamment de permettre le développement de systèmes intelligents de vidéosurveillance, de reconnaissance faciale, de repérage des mouvements dans une foule, etc.
Toutefois, une telle disposition présente un risque de censure par le Conseil constitutionnel. En effet, dans sa décision du 18 janvier 1995 sur la loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité, le Conseil constitutionnel a estimé que seul l’objectif, de valeur constitutionnelle, de préservation de l’ordre public pouvait justifier l’atteinte à la vie privée, et donc à la liberté individuelle, que constitue la vidéosurveillance de la voie publique. Il est par conséquent probable que l’utilisation à des fins de recherche scientifique, même s’il s’agit indirectement et à terme d’offrir de meilleurs moyens de lutte contre l’insécurité, ne saurait justifier que des images prises sur la voie publique soient exploitées par des organismes publics ou privés.
En outre, malgré certaines garanties prévues par l’amendement, les modalités de traitement des images issues de la voie publique proposées seraient dérogatoires au régime commun. Ainsi, ces images pourraient être conservées pendant deux ans, au lieu d’un mois dans le régime ordinaire. Des images sur lesquelles des personnes sont reconnaissables pourraient donc être traitées pendant deux ans sans que ces personnes puissent s’y opposer.
Ainsi, bien que cet amendement soit sous-tendu par un légitime objectif de développement économique, partagé par la commission des lois, il paraît nécessaire de mener une réflexion plus approfondie sur ce sujet, afin d’élaborer un dispositif compatible avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
À cette fin, je vous suggère, madame Troendle, d’élaborer une nouvelle rédaction de votre amendement, car il ne s’agit nullement de brider la recherche. Dans cette attente, je vous propose de retirer celui-ci.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Madame la sénatrice, je comprends votre préoccupation. Comme vient de l’indiquer M. le rapporteur, l’utilisation des images doit être bien encadrée. Il s’agit d’un sujet sensible, qui doit être abordé avec précaution dans le cadre d’une réflexion approfondie, car c’est la liberté individuelle qui est en cause. Il me paraîtrait donc prématuré de voter l’amendement n° 37 rectifié : je vous demande de bien vouloir le retirer.
M. le président. Madame Troendle, l'amendement n° 37 rectifié est-il maintenu ?