compte rendu intégral
Présidence de M. Bernard Frimat
vice-président
Secrétaires :
M. François Fortassin,
M. Jean-Paul Virapoullé.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Communication
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie d’excuser l’absence de Brice Hortefeux : il assiste actuellement aux obsèques du lieutenant de police Nicolas Debarge et nous rejoindra en fin de matinée.
À la demande de M. Hortefeux et avec votre accord, je souhaiterais que la Haute Assemblée puisse avoir une pensée pour ce fonctionnaire décédé au service de son pays.
M. le président. Pour donner toute la dimension à l’hommage à rendre à ce policier, le mieux me paraît de laisser au président du Sénat le soin de trouver la forme la plus appropriée lors des questions d’actualité au Gouvernement.
MM. Gérard Longuet et François Trucy. Très bien !
3
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure
Suite de la discussion d'un projet de loi
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (projet n° 292, texte de la commission n° 518, rapports nos 517, 480 et 575).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre III, à l’article 11 quater.
Je rappelle que les amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 11 ont été réservés à la demande du Gouvernement et seront examinés à la fin du chapitre V bis, après les amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 24 vicies.
Article 11 quater
(Non modifié)
Le code des douanes est ainsi modifié :
1° Dans l’intitulé de la section 8 du chapitre IV du titre II, les mots : « dans le cadre de la convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 » sont supprimés ;
2° Les deux premiers alinéas de l’article 67 ter sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« À l’occasion des contrôles qui relèvent de leurs attributions, les agents des douanes, lorsqu’ils ont procédé à la consultation des traitements de données à caractère personnel relatifs aux individus, aux objets ou aux véhicules signalés régis par l’article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, peuvent, aux fins de mise à disposition d’un officier de police judiciaire, procéder à la retenue provisoire des personnes qui font l’objet d’un signalement ou qui sont détentrices d’un objet signalé. »
M. le président. Je mets aux voix l'article 11 quater.
(L'article 11 quater est adopté.)
Article additionnel après l'article 11 quater
M. le président. L'amendement n° 29 rectifié bis, présenté par MM. Houel, Fouché, B. Fournier, Carle, Dallier, Milon, Saugey, Bernard-Reymond, Doublet, Laurent, Trillard et Bécot, Mme Sittler, MM. Lefèvre, Buffet et Braye, Mmes Hummel et Dumas, MM. Grignon, Pierre et Billard, Mme Henneron, MM. Leclerc, Alduy, Chatillon et Frassa, Mme Bout, MM. Etienne, Vestri et Laufoaulu, Mme Descamps, MM. Chauveau et Cornu, Mme Keller, MM. Beaumont, Pointereau, Leleux, Doligé, Couderc et Paul, Mlle Joissains, M. J.P. Fournier, Mme Desmarescaux et MM. Revet, Mayet, Retailleau, Martin, P. Blanc et Gilles, est ainsi libellé :
I. - Après l'article 11 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l'article 104 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 est ainsi rédigé :
« II. - La mission confiée au maire de réception et de saisie des demandes de passeport, de carte nationale d'identité ou de tous autres titres sécurisés ne comporte pas le recueil de l'image numérisée du visage du demandeur.
« Les images numérisées destinées à la réalisation des passeports, cartes nationales d'identité et autres titres sécurisés sont, à compter du 1er octobre 2010, réalisées par un photographe agréé par l'État dans des conditions fixées par voie règlementaire. »
II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Section 3
Recueil des images numérisées pour l'établissement des titres sécurisés
La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la possibilité pour les mairies disposant d’une station biométrique d’accepter ou de refuser de prendre une photo d’identité destinée à la réalisation d’un passeport crée une concurrence déloyale à l’égard des photographes. Les prix ne sont absolument pas comparables. En mairie, une photo d’identité coûte 1 euro, contre de 7 à 9 euros chez un photographe.
Nous remplissons une mission qui ne devrait pas être la nôtre. Jusqu’à preuve du contraire, nos agents territoriaux ne sont pas des photographes. Il n’est pas simple de prendre des photos d’enfants ou de créer des contrastes lorsque c’est nécessaire, surtout que l’appareil qui nous a été fourni par l’État ne prend pas en compte cette difficulté technique.
Un jour ou l’autre, ce matériel made in China devra être remplacé dans nos communes. Abstenons-nous de le faire, et ce sera une bonne occasion pour l’État de réaliser des économies ! Je précise que je n’ai rien contre les produits d’importation, mais il aurait à mon avis été plus opportun d’utiliser du matériel fabriqué par des pays européens.
La situation de la France en matière de recueil des images numérisées est d’ailleurs différente de celle de nos voisins européens. En Allemagne, par exemple, les collectivités demandent à leurs administrés de s’adresser à un photographe agréé. Il en va de même en Finlande, en Irlande, en Italie, aux Pays-Bas, en Autriche ou en Slovénie.
Dans ma petite commune, qui dispose d’une station biométrique, 850 passeports ont déjà été établis cette année. L’année dernière, leur nombre s’élevait à près de 900. Pour ce service que nous rendons, l’État nous verse 5 000 euros d’indemnisation. Le compte n’y est pas ! Il y est d’autant moins que, en raison du nombre de passeports que nous établissons, j’envisage d’embaucher un nouvel agent territorial.
Si je ne parviens pas à trouver une solution pour gagner du temps dans l’établissement des passeports, je demanderai à l’État de reprendre ma station biométrique, car je n’aurai plus les moyens d’assurer cette mission. Or il serait vraiment dommage d’en arriver à cette situation, car les administrés y trouvent leur compte. Nous rendons en effet un véritable service, et beaucoup plus rapidement que par le passé. Auparavant, la délivrance d’un passeport demandait parfois jusqu’à deux mois, contre de huit à quinze jours aujourd’hui.
Les maires que j’ai consultés ne sont pas contre le fait de continuer à rendre ce service, mais ils ne veulent pas le faire à n’importe quel prix : ils veulent que ce soit en rapport avec ce que l’État leur reverse. Voilà pourquoi je demande que les photos d’identité pour les titres sécurisés soient réalisées par des photographes professionnels.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement vise à préciser que les photographies d’identité nécessaires à l’établissement de l’ensemble des titres d’identité sont réalisées par un photographe agréé et non directement en mairie.
L’article 104 de la loi de finances rectificative pour 2008 permet déjà au maire de renoncer au recueil de l’image numérisée en mairie pour l’établissement de passeports biométriques. Il ne semble pas opportun d’aller au-delà, d’autant que de nombreuses mairies sont déjà équipées.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. Aux termes du droit européen, les photos des titres d’identité de voyage doivent répondre à une norme.
L’une des avancées de la récente réforme des titres souhaitée par le ministre, pour laquelle le ministère de l’intérieur a reçu le prix de la simplification administrative, est de permettre au demandeur de se faire photographier sur place, en mairie. Dans le droit actuel – vous l’avez d’ailleurs rappelé, monsieur le sénateur –, le demandeur a également le choix de fournir une photo réalisée par un photographe professionnel.
Vous voulez supprimer la première possibilité. Or le Gouvernement pense que ce ne serait pas une bonne idée. Faire réaliser sa photo d’identité en mairie, c’est non seulement pratique pour nos concitoyens, mais c’est également un gage de fiabilité des titres, puisqu’il s’agit nécessairement du portrait du demandeur.
Vous avez fait état de votre expérience de maire. En tant que maire, j’ai également été confronté à ce choix. Je peux vous dire que de nombreuses discussions ont eu lieu lorsque nous avons mis en œuvre dans ma mairie le dispositif de recueil d’images numérisées destinées à l’établissement de titres sécurisés. Je reconnais qu’il y a du pour et du contre dans ce système.
Vous le savez, beaucoup de photographes ont malheureusement déjà disparu en raison de la montée en puissance du numérique, du problème de la spécialisation. Ceux qui restent ont souvent investi dans du matériel afin de pouvoir réaliser des images numérisées destinées à la réalisation de titres sécurisés. Quand on évoque le coût des photos, n’en oublions pas la raison.
Cela étant, après plusieurs années d’expérience, le système intégré à la mairie, notamment pour les papiers les plus courants tels que les cartes d’identité, par exemple, constitue non seulement un élément de simplicité, mais également une économie pour nos concitoyens, comme je le constate dans ma ville où beaucoup de gens sont issus des couches populaires.
La position du Gouvernement se fonde sur l’expérience pratique. C’est pourquoi, malgré l’opinion de la Haute Assemblée, que je connais, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.
M. Jean-René Lecerf. Je vais m’éloigner exceptionnellement de la position défendue par mon collègue et ami Michel Houel, qui souhaite la désactivation de la fonction photographie de toutes les stations biométriques, dont le nombre est aujourd’hui de 3 505.
J’expliquerai en quelques mots pourquoi je ne voterai pas cet amendement.
M. le secrétaire d’État l’a rappelé, le principe a connu de nombreux assouplissements. Ainsi, dès avril 2008, un décret a autorisé les usagers à fournir une photographie de leur choix. Je précise que 54 % d’entre eux agissent ainsi.
En outre, à la demande des photographes professionnels et pour prendre en compte les difficultés de ces derniers, la loi de finances rectificative pour 2008 – Michel Houel le rappelle d’ailleurs dans l’objet de son amendement – a permis à la commune de désactiver la fonction photographie et d’imposer au demandeur de venir avec sa photographie. Le législateur a ainsi confié aux maires la décision – après tout, ne leur appartient-elle pas ? – de permettre ou non, en fonction des situations locales, la prise de photo en mairie.
Contraindre tous les demandeurs de passeport à fournir une photographie reviendrait à leur imposer un coût supplémentaire, voire plusieurs déplacements, car rien ne dit que la première photo présentée en mairie sera recevable.
J’ajoute que les photographes ont bénéficié récemment d’un effet d’aubaine. En effet, la carte vitale 2, contrairement à la première carte vitale, doit comporter une photographie. Comparons l’importance du marché qui est offert à ces professionnels et l’importance de celui qu’ils ont perdu. Je rappelle que le programme de la carte vitale 2, qui est obligatoire pour les premières cartes et pour les renouvellements, concernera 50 millions d’ayants droit à la sécurité sociale. Je mets ce chiffre en comparaison avec les 1 300 000 passeports délivrés chaque année avec la photographie réalisée en mairie.
Mes chers collègues, des investissements relativement lourds ont été réalisés par l’État. J’imagine bientôt l’émission « Combien ça coûte ? » ! Ne pourrait-on pas laisser pour l’instant l’expérience se dérouler et y réfléchir à nouveau lorsque viendra éventuellement le moment de retirer les appareils ?
M. le président. La parole est à M. Michel Houel, pour explication de vote.
M. Michel Houel. L’amendement que je défends concerne 9 000 emplois de photographe situés non en périphérie, mais au sein des villes. Je ne doute pas que tous les maires siégeant dans cet hémicycle souhaitent défendre le commerce de centre-ville. Or, là, j’ai plutôt l’impression qu’on essaie de le tuer !
Les photographies d’identité représentent de 10 % à 30 % du chiffre d’affaire de ces professionnels. Aujourd’hui, la question se pose pour les seuls passeports. Mais demain, vous le savez, ce sera certainement le cas aussi pour les cartes d’identité. Et je ne vois pas, dans ce cas-là, pourquoi les mairies ne seraient pas alors chargées de faire les photographies de carte d’identité. Ce serait encore un mauvais coup pour nos photographes professionnels !
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. J’ai écouté avec attention les différents propos tenus. À titre personnel, je soutiens l’amendement proposé par M. Houel. Les explications ont été suffisamment significatives et pertinentes pour que je n’aie pas à les développer à nouveau.
Deux points parmi les propos de M. Houel me semblent particulièrement importants : tout d’abord, l’importance du nombre de salariés qui dépendent des photographes professionnels et, ensuite, ce que cela peut représenter en termes de perte de chiffre d’affaire. On peut contester le chiffre, mais la photographie d’identité représente une part très importante du chiffre d’affaire des photographes, lesquels sont malmenés depuis un certain nombre d’années avec l’arrivée du numérique, le développement des photographies par la grande distribution ou les commerces spécialisés.
Je voterai donc cet amendement à titre personnel.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Lorsque l’État a conféré aux mairies la charge d’établir les passeports, on ne peut pas dire que les maires ont été enchantés ; en tout cas, les maires de gauche et moi-même ne l’étions pas.
M. Alain Anziani. C’est un transfert !
M. Jean-Pierre Michel. C’est effectivement un transfert de responsabilité.
Demain, les mairies auront d’autres documents à délivrer, telle la carte d’identité, par exemple, puisque l’on nous a appris que, dans les petits départements comme le mien, les services des sous-préfectures seraient fermés au public à partir du 1er janvier 2011 : il y aura un sous-préfet dans son bureau, mais plus de services ouverts au public ! La charge de l’établissement des documents d’État faisant foi va donc être progressivement transférée aux mairies, alors que ces dernières ne sont pas là pour cela !
Ensuite, j’ai été maire pendant plus de vingt ans d’une commune où deux photographes étaient installés en centre-ville. Ils ont bien entendu fermé tous les deux leur magasin, mais continuent à travailler à domicile, sur rendez-vous, pour la réalisation de photographies de mariages et de banquets. Cette profession est attaquée parce que l’État veut se décharger des responsabilités qui sont les siennes. Ce n’est ni le seul exemple ni le plus important ; il y en a beaucoup d’autres. On le verra, d’ailleurs, dans le texte que nous examinons aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle tout me porte à voter l’amendement de M. Houel.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Nous avons lu avec attention l’amendement n° 29 rectifié bis, qui, au regard des arguments avancés par nos collègues, nous semble tout à fait pertinent. C’est la raison pour laquelle nous le voterons.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. J’irai dans le même sens que nos collègues. L’exclusivité de la prise de vue en mairie va, me semble-t-il, détruire de nombreux emplois dans la photographie. Afin de lutter contre le chômage et l’exclusion de cette profession, les Verts soutiendront cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11 quater.
Section 3
(Suppression maintenue de la division et de l’intitulé)
Articles 12 à 16
(Suppression maintenue)
Section 4
Vidéoprotection
Article 17 A
(Non modifié)
Sous réserve des dispositions de la présente loi, dans tous les textes législatifs et réglementaires, le mot : « vidéosurveillance » est remplacé par le mot : « vidéoprotection ».
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.
Mme Éliane Assassi. Nous abordons le chapitre de la vidéosurveillance. Le Gouvernement nous propose de remplacer le terme : « vidéosurveillance » par le terme : « vidéoprotection ». Je pense qu’il s’agit là d’entretenir une mystification selon laquelle l’installation de caméras de vidéo dans l’ensemble de l’espace public protégerait nos concitoyens de tout risque d’agression, minime ou grave.
J’ose dire que cette manœuvre peut faire sourire tant est dérisoire la tentative de jouer encore une fois avec la sémantique afin d’ancrer dans les esprits le bien-fondé de la vidéosurveillance. Au-delà, les élus de mon groupe entendent demander la suppression de cet article et la vaste entreprise de réécriture qu’il occasionnera.
Pour ma part, je pense que les mots ont un sens. Dans ce cas, la vidéosurveillance n’a rien de protecteur. Elle ne peut en aucun cas être assimilée à une forme de protection. La vidéosurveillance intervient en effet la plupart du temps a posteriori, une fois que les infractions sont commises, pour en éclairer le déroulement ou, éventuellement, pour permettre l’identification des auteurs. L’exemple assez caractéristique de la Grande-Bretagne démontre qu’il est largement illusoire de vouloir généraliser la vidéosurveillance. Le fait qu’une infraction soit filmée n’empêche pas qu’elle ait lieu.
À l’aune du fiasco – je pense qu’on peut employer ce terme – que constitue la vidéosurveillance dans tous les pays qui l’ont expérimentée, il paraît tout à fait exagéré de prétendre qu’il s’agirait d’une protection. D’autres pays ont tenté l’expérience et font état d’une inutilité de ces systèmes qui, en réalité, ne font que déplacer la délinquance vers des lieux non surveillés.
Je rappelle que tout cela a un coût. En 2009, le fonds interministériel de prévention de la délinquance, ou FIPD, avait déjà prévu d’y consacrer une enveloppe de 28 millions d’euros sur un budget total de 37 millions d’euros, et ce pour un taux d’élucidation de 1 %.
J’ai aussi cité, lors de la discussion générale, l’exemple de la ville de Saint-Etienne, dotée de dispositifs de vidéosurveillance depuis 2001. Si l’on additionne les coûts de l’installation, de l’aménagement d’un centre de supervision et de la maintenance, cela représente annuellement la modique somme de 1,3 million d’euros, pour un taux d’élucidation de 1 % !
Je prendrai l’exemple de deux villes similaires dans le département du Rhône. Si l’on compare l’évolution de la délinquance de voie publique respectivement dans une ville qui a fortement investi dans ce domaine et dans une autre ville qui n’a pas souhaité s’y engager, on observe que la baisse est la plus forte dans la commune ne bénéficiant d’aucune caméra sur la voie publique. En termes de lutte contre la délinquance, ces exemples confirment donc que, si la vidéosurveillance a des effets, ceux-ci sont extrêmement faibles au regard de son coût.
On pourrait me rétorquer que l’opinion est largement favorable à la vidéosurveillance. Il est vrai que des études montrent que 50 % de la population se dit « favorable », et 21% « très favorable ». Dans le même temps, 15 % des personnes consultées estiment qu’il y a trop de caméras, et 33 % qu’il y en a déjà suffisamment. Les populations ne sont donc pas favorables à une surveillance généralisée.
D’ailleurs, on ne leur demande jamais aux populations leur avis sur la mise en place de la vidéosurveillance sur leur territoire. Elles ne sont informées ni du coût ni du « mode d’emploi » des installations. Tout cela reste dans une grande opacité et leur est imposé, alors que des fonds publics sont utilisés. Le marché de la vidéosurveillance a en effet explosé, passant de 473 millions d’euros en 2000 à 750 millions en 2006. C’est donc un marché assez juteux pour des entreprises privées de surveillance, qui ont la charge d’installer et de veiller à la maintenance de ces caméras. Il me semble ainsi que l’on assiste à une privatisation rampante du domaine public.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 135 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 215 est présenté par MM. C. Gautier, Anziani, Peyronnet et Bel, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume et Berthou, Mme M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 317 rectifié est présenté par M. Collin, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour défendre l’amendement n° 135.
Mme Éliane Assassi. Il est indiqué dans le rapport de la commission des lois que cet article 17 A, issu d’un amendement du Gouvernement, « tend à remplacer le terme « vidéosurveillance » par celui de « vidéoprotection » dans l’ensemble des textes législatifs et réglementaires, conformément au souhait du Gouvernement de souligner le caractère protecteur de cette technologie ».
Ce « caractère protecteur de la vidéosurveillance » ne me paraît pas précisément prouvé. Ce glissement sémantique a vocation à rassurer et à justifier l’installation de procédés onéreux pour les finances publiques et juteux pour des entreprises privées.
Vous voulez gommer toute idée de « surveillance » dont la généralisation et la dangerosité apparaissent de plus en plus clairement au fil des textes que vous nous proposez.
Permettez-moi de rappeler ce qu’a exprimé notre collègue Alex Türk, président de la CNIL, à propos de la généralisation du traçage des individus : « on voit bien que l’on entre dans une société où s’additionnent toute une série de moyens qui permettent de repérer, de situer, de localiser des personnes ».
Selon nous, la vidéosurveillance n’a aucun sens si ne sont pas mis en œuvre les moyens de police et d’investigation suffisants pour assurer un suivi des visionnages.
Comment peut-on parler, en suivant votre logique, de « protection » quand on voit les dérives auxquelles la vidéosurveillance peut mener ? Je prendrai deux exemples.
En mars dernier, cinq pompiers catalans en stage de formation en France faisaient leurs courses dans un supermarché en parlant catalan. Filmés par des caméras de surveillance, ils ont été présentés à des millions de téléspectateurs comme des membres d’ETA, assassins présumés d’un policier.
Second exemple, il y a aussi une dérive quand des villes utilisent des caméras de surveillance pour verbaliser les propriétaires de véhicules en stationnement interdit. J’oserai poser la question : de quoi protège-t-on les citoyens ?
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de l’article 17 A.
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, pour défendre l’amendement n° 215.
M. Charles Gautier. Avec le remplacement du mot « vidéosurveillance » par le mot « vidéoprotection », nous sommes en pleine sémantique ! Mais, comme je l’ai indiqué au cours de la discussion générale, c’est aussi une question de marketing politique. Il est en effet peut-être plus facile de vendre de la protection que de la surveillance, encore que…
J’attire votre attention sur le fait que l’immense majorité de ceux qui sont par principe opposés à la vidéosurveillance proposent à la place une présence physique sur le terrain, c'est-à-dire des gens dont la fonction est de surveiller certains lieux ou sites. La surveillance en soi n’a absolument rien de blâmable, au contraire. Je pense même que la surveillance de l’espace public – ou de l’espace privé d’ailleurs, qui est un espace plus déterminé – est de nature à rassurer le public.
La vidéoprotection et la vidéosurveillance sont exactement la même chose. Ne perdons donc pas notre temps sur ce point.
Je constate d’ailleurs que, au fil des années, l’acceptation par la population de la vidéosurveillance a considérablement progressé. Le débat qui nous occupe a l’air de mettre à bas toute cette évolution. On sent que cela cache quelque chose. La vidéosurveillance étant désormais admise, je ne vois pas pourquoi il faudrait maintenant parler de « vidéoprotection ». D’ailleurs, ni le mot « vidéosurveillance » ni le mot « vidéoprotection » ne figurent dans le dictionnaire. Vous pouvez chercher, ils n’y sont pas ! La seule chose qui existe, c’est la vidéo. Je pense qu’il eût été plus sage de se contenter de ce dernier mot. L’appareil utilisé est une caméra, il s’agit donc bien d’un système vidéo !
Aujourd’hui, vous introduisez dès le début de notre débat un élément tout à fait pernicieux, qui sème le doute. C'est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de l’article 17 A.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour défendre l’amendement n° 317 rectifié.