Mme Anne-Marie Escoffier. Mme Assassi et M. Gautier viennent de rouvrir une vieille discussion. Je l’avais également rouverte hier pour rappeler que, si l’utilité préventive de la vidéosurveillance fait encore débat aujourd'hui, en revanche le caractère attentatoire à la vie quotidienne n’est pas contestable.
Passer de la « vidéosurveillance » à la « vidéoprotection » introduit une dimension protectrice ou préventive pouvant s’apparenter à l’angélisme que l’on reproche d’habitude à la gauche.
Permettez-moi de vous donner un exemple, monsieur le secrétaire d’État : celui de la gare de Saint-Denis, bien connue de l’administration. S’il faut se féliciter du fait que les habitants de Saint-Denis puissent enfin prendre le train en paix, force est de constater que le trafic de stupéfiants n’a ni disparu ni réellement diminué dans la cité, malgré l’important dispositif de vidéosurveillance mis en place. J’ajoute que la vidéosurveillance ne permet pas de lutter contre les comportements impulsifs souvent liés à la consommation d’alcool ou de stupéfiants.
Surtout, le fait de filmer une infraction, si cela est utile à l’appréhension du délinquant, n’empêche pas ce dernier de la commettre. La vidéosurveillance ne protège donc pas véritablement nos concitoyens.
Pour toutes ces raisons, et pour reprendre l’argument purement sémantique, il ne me semble pas utile de maintenir le mot « vidéoprotection » dans le texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ces amendements ont pour objet de supprimer l’article 17 A, qui tend à substituer le terme : « vidéoprotection » au mot : « vidéosurveillance ». Ce remplacement vise à traduire la modification de la perception par la population de cette technologie. Il est extrêmement important, car il montre l’évolution du système. Nous sommes en effet passés d’un système de surveillance à un système de protection.
Certes, c’est évident, la vidéoprotection ne réglera pas tous les problèmes. Si tel était le cas, cela se saurait et il y a longtemps qu’elle aurait été mise en place. En revanche, elle permet d’en régler un certain nombre d’entre eux, ce qui est très important.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des lois émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Monsieur le président, je suis toujours, dans ce débat comme dans d’autres, très attentif aux arguments développés par Mme Assassi, Mme Escoffier et M. Gautier, et ils le savent. Même lorsque nous ne sommes pas d’accord, leurs réflexions sont toujours intéressantes.
Mais là, franchement, vos arguments m’ont paru un peu idéologiques, et je vous ai trouvés quelque peu embarrassés sur ce sujet, sauf peut-être M Gautier, dont la critique m’a semblé un peu molle. (M. Charles Gautier rit.) Le maire qu’il est semble un peu gêné !
Permettez-moi de vous livrer mon témoignage. Il se trouve en effet que j’ai été il y a très longtemps l’un des pionniers dans les grandes villes françaises de ce que l’on appelait à l’époque la « vidéosurveillance ». Je m’y suis engagé en y consacrant bien entendu des moyens à fois financiers et humains. À cet égard, les montants qui ont été cités sur certaines travées m’intéressent parce que, chez moi, c’est beaucoup plus cher. Si l’on veut que la vidéosurveillance fonctionne, un suivi par des agents municipaux, en lien vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec le commissariat central, est bien sûr nécessaire.
Je me souviens que, lorsque nous avions lancé la vidéosurveillance, après avoir pris quelques éléments de comparaison en France et à l’étranger, des débats, y compris au sein de mon équipe municipale, avaient déjà opposé ceux qui étaient totalement hostiles à cette démarche, la considérant à la fois comme liberticide et inefficace, et les autres. Il y avait également eu un débat sur les limites de l’exercice.
En ce qui me concerne, comme d’ailleurs tous les maires ayant opté pour la vidéosurveillance, quelle que soit la taille de leur commune, je n’ai jamais fait croire à mes concitoyens que la vidéosurveillance – aujourd'hui, la vidéoprotection – était la réponse à tous les problèmes, loin s’en faut. Mais c’est un élément de réponse aux problèmes de sécurité et de prévention. La présence physique sur le terrain, évoquée par M. Gautier, constitue également un élément de réponse.
Je me souviens très bien que mon premier pas dans ce domaine a été l’équipement des transports publics – bus et tramways –, où des problèmes considérables existaient. Les actes de délinquance ont alors diminué de 80 %, puis de 95 %, et cela a changé la vie des gens. C’est ce qui s’est également passé à la gare de Saint-Denis, dont l’exemple a été évoqué tout à l’heure.
Certains considèrent que l’on ne fait que déplacer les problèmes. C’est mécaniquement vrai, car la vidéoprotection ne change pas l’état d’esprit de ceux qui commettent des actes de délinquance.
J’ajouterai un argument, que je tire beaucoup plus de l’expérience que d’idées préconçues ou préétablies : au fur et à mesure que le dispositif se met en place sur l’espace public, on constate une déstabilisation des délinquants. Certes, cette déstabilisation ne règle pas tous les problèmes, mais elle constitue un argument en faveur de la vidéoprotection.
Vous avez dit, madame Assassi, que, dans les pays où la vidéoprotection a été mise en place, elle est un échec. Ce n’est pas vrai ! Ceux qui ont parfois prétendu qu’elle constituait « la » réponse sont aujourd'hui revenus à une position plus équilibrée, qui a toujours été la mienne. Mais encore une fois, la vidéoprotection n’est qu’un élément du dispositif. C’est un sujet qui concerne nos concitoyens, un sujet qu’ils connaissent, dont ils sont demandeurs et dont ils voient les limites.
Permettez-moi de faire une dernière remarque, mesdames, messieurs les sénateurs. La mise en place de dispositifs de vidéoprotection se fait de manière extrêmement stricte et encadrée – j’en ai fait l’expérience – dans notre État de droit. Le dialogue qui s’instaure avec le procureur de la République pour examiner les conditions dans lesquelles la vidéoprotection peut être mise en œuvre est extrêmement approfondi. On ne peut pas faire n’importe quoi ! Par ailleurs, il y a le souci de la préservation de la vie privée. Ainsi, des systèmes de cache permettent de ne pas filmer par inadvertance certains espaces privés. Les choses sont tout de même faites de manière très sérieuse en France.
Le terme « vidéoprotection » reflète ce que sont devenus les dispositifs de vidéosurveillance, notamment dans l’espace public. La vidéoprotection est efficace en termes de prévention et de dissuasion bien sûr, mais elle constitue aussi parfois un outil d’aide à la résolution d’un certain nombre de problèmes. Telle est la réalité.
Vous avez également dit, madame Assassi, que la vidéoprotection donnait lieu à des dérives. Certes, il y a des ratés, comme avec tout dispositif. Mais cette démarche est tellement encadrée, les gens qui sont chargés de la mettre en œuvre, y compris à l’échelon des communes, sont si professionnels que les ratés sont assez peu nombreux ; sinon, on en parlerait davantage, croyez-moi.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements, dans un esprit extrêmement concret, pragmatique, pédagogique, et respectueux de nos droits.
M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.
Mme Virginie Klès. Monsieur le secrétaire d’État, si vous aviez passé un examen, vous n’auriez pas eu la moyenne – je suis désolée de vous le dire ! –, car vous venez de faire un magnifique hors sujet !
La question n’est pas du tout celle de l’utilité de l’outil, que je ne conteste pas. Je dis non pas que c’est absolument inutile, mais que j’aimerais bien comprendre et mesurer précisément l’utilité de la vidéosurveillance : quand, combien et comment ! À cet égard, j’attends des chiffres très précis.
La question qui se pose est celle du changement de nom. Pourquoi modifier ce dernier ? Pourquoi, si l’on change de nom, ne pas parler alors de « vidéo-élucidation » ou de « vidéo-dissuasion » ? Le terme « vidéo » proposé par mon collègue Charles Gautier est effectivement le meilleur. Il s’agit en effet de vidéo !
En tant que maire, je ne me sens pas capable d’expliquer à mes concitoyens que l’installation d’une caméra va les protéger. La victime d’un meurtre n’a pas été protégée. On ne peut donc pas parler alors de « vidéoprotection ». Il s’agit bien de vidéo. Je ne vois vraiment pas pourquoi on ment aux citoyens en permanence !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour explication de vote.
Mme Catherine Dumas. La querelle sémantique au sujet de cet article, et notamment la dernière intervention, n’intéresse peut-être pas beaucoup les Français. On retrouve là des postures politiques traditionnelles et assez obsolètes ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Les représentants des élus locaux que nous sommes ne peuvent plus aujourd’hui nier l’utilité des caméras dans nos villes.
Mme Éliane Assassi. On ne parle pas de cela, on parle du changement de nom !
Mme Catherine Dumas. De très nombreuses municipalités, de droite comme de gauche, se sont en effet équipées ces dernières années.
Je prendrai l’exemple de la ville de Lyon, dont je ne suis pas élue mais d’où je suis native et où je me rends très souvent. Le sénateur-maire de la ville – il siège sur les travées de l’opposition – assume l’utilisation de cet outil pour la protection de ses administrés : 238 caméras ont été installées dans la ville, ainsi que des radars aux feux tricolores. Les faits semblent lui donner raison puisque la délinquance a diminué de moitié dans les secteurs équipés.
J’aurais d’ailleurs aimé, sur cette question, trouver la même volonté politique chez le maire de Paris, qui ne s’est engagé dans la vidéoprotection que contraint et forcé, avec le concours décisif du ministère de l’intérieur et de la préfecture de police.
Soyons pragmatiques : la vidéoprotection n’est pas une fin en soi, comme vous venez de le rappeler, monsieur le secrétaire d’État. À elle seule, elle ne permettra pas d’éradiquer la délinquance, mais elle constitue bien une solution supplémentaire, un outil complémentaire pour les forces de police dans leurs missions quotidiennes de prévention, de contrôle et d’élucidation. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alex Türk, pour explication de vote.
M. Alex Türk. Il ne faut surtout pas s’imaginer que le fait d’opter pour un mot plutôt que pour un autre changera le régime juridique !
Aujourd'hui, selon certains, la vidéoprotection s’appliquerait là où il y a accès du public et secteur public. La vidéosurveillance, ce serait le contraire.
D’autres prétendent l’inverse de ce que je viens de dire !
D’autres pensent aussi – c’est d’ailleurs assez subtil – que cela induirait une différence entre « en temps réel » et « en temps différé ».
Il me paraît important de rejeter tout cela. Que l’on utilise le mot « vidéoprotection » plutôt que le mot « vidéosurveillance » n’induit pas de changement de régime juridique. Il faut le dire afin de ne pas créer une terrible ambiguïté dans la vie courante.
Par ailleurs, j’aborderai l’aspect purement sémantique du débat en vous faisant part d’un constat. Dans le département du Nord, beaucoup plus de communes de gauche que de communes de droite recourent à des systèmes vidéo. Et les maires de gauche que je rencontre – j’en rencontre autant que de maires de droite – reconnaissent que le terme « vidéoprotection » passe mieux auprès de leurs administrés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah, voilà !
M. Alex Türk. J’en conviens, il s’agit avant tout de communication politique. Mais si cette expression permet d’aider les maires qui ont fait le choix, comme c’est leur droit, de recourir à un tel système, je ne vois pas pourquoi on les empêcherait de l’utiliser.
Par conséquent, la querelle sémantique ne me paraît pas avoir beaucoup de sens. Même si certains pensent que la notion de « vidéosurveillance » correspond mieux à la réalité, le terme « vidéoprotection » s’imposera par la force des choses, puisque les maires y trouveront un avantage.
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, pour explication de vote.
M. Louis Nègre. Je souhaite rebondir sur ce qui vient d’être excellemment souligné par notre collègue, par ailleurs président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.
La vidéo présente un avantage incontestable. D’ailleurs, j’ai du mal à comprendre Mme Klès qui s’est déclarée incapable d’expliquer à ses concitoyens que l’installation d’une caméra les protégerait. Pour ma part, c’est exactement le contraire : j’explique à la population que la vidéo sert à la protéger ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
Certes, d’aucuns réclament des effectifs de police supplémentaires ; tout le monde veut voir du « bleu » sur le terrain, et on comprend bien pourquoi. Mais, dans le même temps, lorsqu’une caméra, qui est parfaitement impartiale – une caméra, ça n’a aucune sensibilité ! –, filme en continu, les braves gens le savent et sont contents. Demandez donc aux bijoutiers de ma commune s’ils n’apprécient pas la vidéoprotection !
Et, en plus de satisfaire les citoyens, la vidéo ne dérange personne. Après tout, quand on se promène sur la voie publique, on le fait déjà au vu et au su de tout le monde, ce qui peut aussi avoir des conséquences directes sur la vie privée. Or personne ne proteste contre le fait que son voisin puisse le regarder passer dans la rue !
Dans ces conditions, la caméra constitue bien une « vidéoprotection ». Une orientation est fixée : nous protégeons notre population en instituant une couverture supplémentaire pour renforcer la sécurité des personnes et des biens.
Je terminerai en vous faisant part d’une anecdote. Voilà une quinzaine de jours, une dame d’un certain âge s’est rendue au siège de la police municipale de ma commune parce que son époux, un homme atteint de la maladie d’Alzheimer, était introuvable. Or, grâce aux caméras, nous avons pu dans les cinq minutes localiser la personne, qui était effectivement très désorientée, et envoyer une patrouille pour la récupérer.
Vous le voyez, il s’agit bien de protection. Et les citoyens apprécient énormément – je peux vous le certifier – que nous, les pouvoirs publics au sens large, fassions notre travail pour les protéger. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je le précise, il ne s’agit pas là d’une simple « bagarre sémantique ». Les mots ont un sens, et il faut avoir le courage de ses idées !
Jusqu’à présent, la vidéo n’a pas permis de protéger nos concitoyens. Nous le voyons bien, les systèmes vidéo qui sont déjà en place n’empêchent malheureusement pas que des délits ou des crimes soient commis.
La vidéo permet de surveiller, d’élucider – ça, c’est certain –, éventuellement de dissuader…
Mme Catherine Dumas. Si cela fait déjà tout cela, c’est bien !
Mme Catherine Troendle. C’est déjà beaucoup !
Mme Alima Boumediene-Thiery. … – et encore, je ne suis pas sûre qu’elle soit dissuasive à 100 % –, mais certainement pas de protéger !
Je pense qu’il faut avoir le courage de ses opinions. Pourquoi mentir aux citoyens ? Il s’agit non pas de protéger, mais de surveiller ! Appelons un chat un chat !
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. À l’origine, je ne pensais pas intervenir dans ce débat, qui me paraît tout à fait éloigné des préoccupations de la population ; il s’agit d’une simple querelle sémantique.
Je rappelle d’abord que la proposition de remplacer le mot : « vidéosurveillance » par le mot : « vidéoprotection » figure dans un rapport rédigé par des membres de notre commission des lois.
En outre, comme l’a souligné notre collègue François Zocchetto lors de la discussion générale, voilà deux jours, la vidéosurveillance assure également la protection des citoyens en permettant d’établir qu’une personne ne se trouvait pas sur les lieux où un délit ou un crime a été commis. En clair, grâce à un tel système, on peut non seulement identifier les individus présents sur les lieux d’une infraction, mais également innocenter un éventuel suspect, en prouvant qu’il ne s’y trouvait pas. En ce sens, il s’agit bien d’une « vidéoprotection » pour ceux qui n’ont rien à se reprocher.
Dans ces conditions, je ne vois vraiment pas l’intérêt de nous éterniser dans un débat sémantique de ce type. Pour ma part, je suis plutôt favorable à la « vidéoprotection », en tout cas d’un point de vue terminologique, même si je ne dis pas que j’ai l’intention de la mettre en œuvre dans ma commune.
Bien entendu, si les dispositions que nous examinons visaient à imposer le recours à la vidéoprotection aux collectivités territoriales qui n’en veulent pas, j’y serais fermement opposé. Mais, en l’occurrence, il s’agit simplement de qualifier un système qui a déjà prouvé son utilité dans certaines circonstances, même si ce n’est évidemment pas la panacée.
D’ailleurs, à mon sens, la panacée ne réside pas dans l’addition des mesures que nous avons vu s’accumuler ces derniers jours au travers d’un certain nombre d’amendements, dont beaucoup émanaient du Gouvernement. En matière de sécurité, la véritable solution, c’est de mobiliser les moyens qui permettent d’appliquer les dispositions déjà existantes ! Il faut donner des moyens à la justice – M. le secrétaire d’État ne peut pas y être insensible –, permettre que les commissariats soient ouverts toute la journée et toute la nuit, faire en sorte que les forces de gendarmerie soient présentes sur le terrain, et pas seulement dans leurs bureaux ou dans leurs estafettes.
Nous disposons déjà, me semble-t-il, pour maintenir l’ordre public, d’un arsenal suffisamment large en termes de mesures applicables. Il s’agit donc plus d’une question de moyens que de dispositions juridiques nouvelles.
Mais, en tout état de cause, passer de la « vidéosurveillance » à la « vidéoprotection », ce n’est franchement pas un problème !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 135, 215 et 317 rectifié, tendant à supprimer l’article 17 A.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que la commission ainsi que le Gouvernement ont émis un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 267 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 151 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 17 A.
(L'article 17 A est adopté.)
Article additionnel après l’article 17 A
M. le président. L'amendement n° 216, présenté par MM. C. Gautier, Anziani, Peyronnet et Bel, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume et Berthou, Mme M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 17 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le pénultième alinéa de l'article 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Elle contrôle l'installation et évalue l'ensemble des systèmes vidéo, sauf en matière de défense nationale, afin de garantir le respect des droits et libertés des personnes filmées ;
« À ce titre, elle s’assure que :
« a) les systèmes vidéo sont bien proportionnés et pertinents au regard des objectifs poursuivis ;
« b) la durée de conservation des enregistrements n'est pas excessive ;
« c) les destinataires prévus des enregistrements sont bien habilités à accéder aux images ;
« d) le droit à l'information des personnes est effectif ;
« e) le droit des personnes filmées d'accéder aux enregistrements visuels les concernant est garanti. »
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. En présentant cet amendement, je défendrai également les amendements nos 217 rectifié et 218 rectifié, que nous examinerons un peu plus tard.
L’amendement n° 216 ne fait que reprendre une proposition adoptée à l’unanimité par la commission des lois : il s’agit de réunir sous une seule autorité les compétences d’autorisation et de contrôle en matière de vidéo dans les espaces publics.
En effet, dans le rapport sur la vidéosurveillance que Jean-Patrick Courtois et moi-même avons présenté en décembre 2008, au nom de la commission des lois, nous sommes arrivés à la conclusion que la solution la plus simple et la plus cohérente consisterait à attribuer cette compétence à la CNIL plutôt qu’à n’importe quelle autre commission ad hoc, et ce pour quatre raisons.
Premièrement, la CNIL est d’ores et déjà confrontée à une telle question à propos de la vidéosurveillance numérique. De plus, le public et même les professionnels ne font pas trop la différence entre les systèmes numériques et les systèmes analogiques et consultent la CNIL quotidiennement quant au régime juridique applicable en matière de vidéosurveillance dans les espaces publics.
Deuxièmement, si la loi du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité n’attribue pas la compétence à la CNIL pour autoriser les systèmes de vidéosurveillance dans les espaces publics, elle s’inspire en revanche directement des principes de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, c'est-à-dire proportionnalité, finalité, information du public, droit d’accès, etc. Cette filiation faciliterait le transfert des compétences.
Troisièmement – et nous avions écrit cela ensemble, mon cher collègue Jean-Patrick Courtois –, une autorité unique présenterait incontestablement l’avantage d’une meilleure homogénéité des décisions.
Quatrièmement, nous avions ajouté que la CNIL serait compétente aussi bien dans les lieux non ouverts au public que dans les espaces publics. Il reviendrait donc à un même organe de connaître de ces deux types de lieux, ce qui faciliterait la gestion des dossiers, compte tenu de l’imbrication de ces espaces.
Nous avions également songé aux intérêts des usagers, car il en résulterait pour eux une simplification importante, d’autant que la CNIL jouit d’une forte notoriété. Elle serait donc l’interlocuteur unique.
Enfin, nous avions formulé cette proposition afin d’anticiper l’avenir. Par exemple, les systèmes de vidéosurveillance biométrique, qui relèvent d’ores et déjà de la compétence de la CNIL, sont appelés à se développer. L’unicité de la compétence de la CNIL aurait pour avantage d’éviter d’être contraint d’adapter avec retard notre législation.
En conclusion, nous déclarions que la CNIL est l’autorité la mieux préparée pour assurer cette mission, compte tenu de sa taille, de son ancienneté, de sa notoriété et de son indépendance reconnue.
Dans ces conditions, et par cohérence avec la position qu’il avait adoptée en 2008, M. le rapporteur ne pourra qu’émettre un avis favorable sur cet amendement… N’est-ce pas, monsieur le rapporteur ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Effectivement, comme l’a dit mon collègue et ami Charles Gautier, le rapport que nous avons cosigné en 2008 concluait à la nécessité de confier à la CNIL l’ensemble des opérations concernant la vidéoprotection. Un certain nombre d’arguments, qui viennent d’être repris à l’instant par Charles Gautier, militaient à l’époque en ce sens. Mais, depuis 2008, les choses ont évolué.
La commission a rencontré le président de la CNIL, M. Alex Türk, et a cherché à trouver un nouvel équilibre afin de ne pas submerger financièrement la CNIL en engageant ses budgets dans des opérations auxquelles elle ne pourrait pas faire face.
J’ai donné mon accord pour un système reposant en quelque sorte sur trois pieds.
Premièrement, la Commission nationale de la vidéosurveillance, la CNV, définirait la politique générale, donnerait des orientations au Gouvernement et remettrait des rapports en fin d’année sur l’évolution du système et sur les méthodologies à mettre en œuvre.
Deuxièmement, le préfet délivrerait les autorisations.
Troisièmement, point extrêmement important, le contrôle reviendrait à la CNIL, qui disposerait d’une possibilité d’autosaisine.
Ce nouvel équilibre nous paraît répondre au mieux aux intérêts légitimes de la population et correspondre aux objectifs à atteindre.
Le rapport que j’ai cosigné en 2008 est donc aujourd'hui caduc. Je considère maintenant, après en avoir discuté avec le président de la CNIL, que la meilleure solution est de confier à la CNIL une mission de contrôle, en lui octroyant un pouvoir d’autosaisine, et de conseil – je le précise pour nos collègues maires qui ont installé ou comptent installer un système de vidéoprotection. En donnant à la CNIL à la fois le pouvoir de contrôler ceux qui ne respectent pas les textes et la possibilité d’aider ceux qui souhaitent les respecter, nous rendons son action la plus efficace possible.
Sans renier le rapport que j’ai signé en 2008 avec Charles Gautier, je considère que le système proposé aujourd'hui est le meilleur et qu’il est plus adapté au monde moderne. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur l’amendement de mon ami Charles Gautier, quoique avec regret. Un retrait serait plus sympathique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Alex Türk, pour explication de vote.