compte rendu intégral

Présidence de M. Bernard Frimat

vice-président

Secrétaires :

Mme Sylvie Desmarescaux,

M. Jean-Noël Guérini.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Mises au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, je souhaite faire une mise au point au sujet d’un vote.

Une erreur matérielle a conduit à considérer que, cette nuit, je n’avais pas participé au vote sur l’ensemble du projet de loi de réforme des collectivités territoriales alors que je souhaitais m’abstenir.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

La parole est à M. Jacques Gautier.

M. Jacques Gautier. Je souhaite à mon tour faire une mise au point au sujet d’un vote.

Lors du vote par scrutin public n° 259 sur l’ensemble du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, M. Louis Pinton a été déclaré comme votant pour, alors qu’il souhaitait s’abstenir.

M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

3

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Michel. Mon intervention se fonde sur les articles 2 et 3 du règlement du Sénat.

Hier, M. le Premier ministre – peu importe dans quelles circonstances, mais en tout cas devant les caméras de télévisions, conviées à cet effet – a fait une déclaration solennelle sur la situation politique actuelle qui, il faut le dire, est très délicate pour l’exécutif en raison notamment de son refus obstiné de dire la vérité et de reconnaître au moins l’existence de conflits d’intérêt.

J’espère que la justice fera la lumière sur cette affaire et qu’un juge d’instruction sera rapidement saisi, dans un tribunal autre que celui de Nanterre, seule condition pour qu’une justice sereine passe.

M. le Premier ministre était entouré des présidents des deux assemblées, et donc du président du Sénat, M. Gérard Larcher.

Je considère qu’il s’agit là d’une faute politique grave et je demande donc que le Bureau soit saisi de mon rappel au règlement. En effet, dès l’instant où il a été élu, certes par une majorité et non à l’unanimité des sénateurs, le président du Sénat est devenu le représentant de l’ensemble de l’institution. S’est-il rendu compte que, hier, il ne représentait que celles et ceux qui avaient voté pour lui – et encore… –, et que nos concitoyens assistaient sur leur écran à une regrettable confusion des genres ?

Plus grave encore, alors que notre système politique repose depuis Montesquieu sur la séparation des pouvoirs, en cette circonstance éminemment politique, et même politicienne, le pouvoir législatif n’aurait pas dû apparaître publiquement aux côtés du pouvoir exécutif, faisant corps avec lui, comme si le fait majoritaire était de nature constitutionnelle et prévalait sur la séparation des pouvoirs.

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue. Il sera transmis au président du Sénat, qui aura l’occasion d’évoquer cette question lors de la réunion du Bureau le mardi 13 juillet.

4

Candidature à un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein de la Commission consultative des archives audiovisuelles de la justice.

La commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Jean-Pierre Michel pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée. Elle sera ratifiée conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

5

 
Dossier législatif : projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009
Discussion générale (suite)

Règlement des comptes pour l’année 2009

Discussion d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2009 (projet de loi n° 585, rapport n° 587).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons vécu en 2009 la transmission de la crise financière à l’économie réelle. Le Gouvernement, sous l’impulsion du Président de la République, a réagi avec rapidité et détermination pour relancer l’activité, en associant une aide à l’investissement et au financement des entreprises à des mesures de soutien spécifiques pour les ménages les plus modestes.

Cette action ciblée, précise et calibrée, a été déterminante. Les économistes, qu’il s’agisse de la Commission européenne, de l’Organisation de coopération et de développement économiques ou du Fonds monétaire international, ont d’ailleurs fait l’éloge du plan français, dont ils ont reconnu la qualité et l’efficacité.

Il était inévitable toutefois, et nous l’assumons entièrement, que la crise et la relance se reflètent dans le résultat de l’exécution du budget de l’État pour 2009, que je vous expose aujourd’hui en vous présentant le projet de loi de règlement pour 2009.

Au-delà des chiffres, je tiens à souligner que, malgré la crise, le Gouvernement a maintenu le cap de la maîtrise de la dépense publique. Il a respecté la norme des dépenses de l’État, il a poursuivi la révision générale des politiques publiques, la RGPP, notamment le « 1 sur 2 », et travaillé avec succès à réduire le nombre des réserves de la Cour des comptes dans sa certification des comptes de l’État.

Cet engagement et cette détermination n’ont d’ailleurs pas faibli. Nous avons tenu à les réaffirmer dans les orientations des finances publiques pour les trois années à venir, que j’aurai l’honneur de vous présenter cet après-midi dans ce même hémicycle.

Par ailleurs, je tiens à souligner que l’information du Parlement par le Gouvernement a été améliorée puisque les rapports annuels de performance, les RAP, ont été complétés.

L’exécution des trois programmes qui constituent la mission « Plan de relance de l’économie » relève d’une partie spécifique. En parallèle, tous les rapports annuels de performance identifient les dépenses de relance réalisées depuis les différents budgets ministériels.

Le premier point de mon intervention portera sur la certification des comptes de l’État, élément important dans le contexte singulier, agité et tourmenté, que nous traversons. La certification des comptes est la preuve des progrès accomplis en termes de transparence et de sincérité des comptes. Elle est évidemment regardée par l’ensemble des acteurs économiques.

Pour le quatrième exercice de certification, le Gouvernement a choisi de s’exprimer directement sur ses comptes, une fois qu’ils ont été rendus publics. C’est ainsi que cela se passe pour les entreprises privées, et c’est ainsi que, désormais, cela se passe pour l’État.

Je rappelle que la France compte parmi les rares pays dont les comptes sont certifiés par un auditeur extérieur, tels le Canada, la Nouvelle Zélande et l’Australie. Cela signifie que les comptes présentés ne souffrent évidemment aucune contestation.

Je me félicite que les comptes de l’année 2009 aient été certifiés par la Cour avec neuf réserves au lieu de douze l’année dernière. C’est une garantie de transparence donnée au Parlement et à nos concitoyens sur la santé financière de l’État. C’est aussi un élément positif dans le climat financier international actuel. C’est enfin, je tiens à le souligner, le résultat d’un travail important mené par l’administration, qui a su nouer un dialogue fructueux avec la Cour des comptes.

Permettez-moi de revenir sur la première des réserves de la Cour, qui porte sur les outils de gestion de la dépense et de la production des comptes.

Pour répondre à cette réserve, l’État, comme vous le savez, a engagé le programme Chorus. Il s’agit d’un projet important de transformation de la fonction financière de l’État. Il a pour but de doter l’État d’un système d’information financière, budgétaire et comptable permettant de mettre en œuvre la LOLF, sans réserves.

En janvier dernier, ce nouvel outil a été déployé auprès de 12 000 agents répartis dans plusieurs ministères. Depuis le mois de juin, Chorus a permis de payer environ 20 milliards d’euros de dépenses. Cependant, nous constatons des retards d’exécution par rapport à l’année dernière. Pour y remédier, un plan d’action est engagé. J’ai demandé que tous les retards soient rattrapés d’ici à la fin de l’été.

Par ailleurs, j’ai demandé que l’estimation du coût du projet soit actualisée et qu’elle soit communiquée à l’occasion du prochain projet de loi de finances, à l’automne prochain. Contrairement à ce que j’ai pu entendre, il n’y a pas, à ce stade, de dérive. En revanche, une correction doit être proposée.

Le calendrier de l’exécution et du paiement des dépenses sera respecté. Le déploiement dans l’ensemble des ministères doit être terminé le 1er janvier 2011, comme prévu. Quant à la tenue des comptes, elle interviendra en 2012, comme le Premier ministre l’a indiqué à la Cour des comptes dans le courrier qu’il lui a adressé voilà deux mois.

Le deuxième point de mon intervention portera sur la dégradation du déficit. J’insiste sur le fait qu’il n’y a pas de dégradation structurelle du déficit en 2009. La dégradation des déficits qui est visible dans les comptes de l’Etat est en effet, pour une très large part, liée à la crise.

Les comptes de l’Etat pour 2009 traduisent de façon prévisible les effets de la crise économique. Ils reflètent aussi notre engagement pour soutenir la croissance.

Le résultat budgétaire montre pour 2009 un déficit de 138 milliards d’euros, soit une dégradation de plus de 80 milliards d’euros par rapport à l’année dernière. Il s’agit d’une légère amélioration, d’environ 3 milliards d’euros, par rapport à ce qui était prévu dans la dernière loi de finances rectificative pour 2009. Cette amélioration s’explique par le décalage de certaines dépenses, ainsi que par une légère augmentation des recettes fiscales constatées par rapport au résultat prévisionnel.

Mais la tendance générale de l’année 2009 ne s’en trouve pas pour autant modifiée. Elle se caractérise par une baisse sans précédent des recettes fiscales. Je rappelle à la Haute Assemblée qu’il y a eu une chute de 60 % des recettes liées à l’impôt sur les sociétés, une chute de plus de 30 % des recettes liées aux droits de mutation, consécutive à la baisse du marché de l’immobilier. La TVA s’est également effondrée, preuve du ralentissement de la consommation.

Néanmoins, nous n’avons pas dévié de notre objectif en matière de dépenses ordinaires de l’État. La norme de dépenses a été respectée, hors plan de relance, malgré la situation très difficile liée à la crise, preuve, s’il en fallait une, que notre volonté de contrôler les dépenses est intacte.

Au-delà, nous avons voulu clarifier les relations entre l’État et la sécurité sociale. Pour ce faire, nous avons réalisé un apurement exceptionnel des dettes anciennes de l’État à l’égard des organismes sociaux, pour près de 3 milliards d’euros.

Le résultat comptable montre un déficit de 97,7 milliards d’euros, qui témoigne de l’effort de l’État en matière d’investissements.

Ce déficit reflète lui aussi, de façon prévisible, les conséquences de la crise sur les recettes – une perte de 35 milliards d’euros, que l’État a acceptée – et sur les dépenses, notamment les transferts opérés vers les ménages, les entreprises et les collectivités pour 13 milliards d’euros. Mais le résultat comptable est moins dégradé que le déficit budgétaire d’environ 40 milliards d’euros.

La raison en est que l’effort de l’État face à la crise s’est concrétisé, pour une très large part, par des investissements et par des opérations financières comme des prêts automobiles ou le fonds stratégique d’investissement. Ces investissements constituent à proprement parler la colonne vertébrale de notre plan de relance.

Ces dépenses entraînent, à terme, un enrichissement de l’actif de l’État. Elles n’ont donc pas d’impact sur le résultat comptable, alors que les décaissements correspondants ont une conséquence sur le résultat budgétaire.

Le troisième point de mon intervention portera sur les résultats de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, qui ont fait l’objet d’une analyse spécifique.

Nous avons créé une annexe spécifique consacrée au bilan de la RGPP afin de répondre à la demande du Parlement en la matière. Nous allons là encore dans le sens d’un renforcement de la transmission des informations, afin que le Parlement soit pleinement informé, avec le même niveau de précision que le Gouvernement et en temps réel. Seules les mesures entièrement achevées en 2009 font l’objet d’une présentation complète. Au total, cinquante-huit mesures vous sont présentées, soit 15 % d’entre elles.

Parmi ces mesures, la réduction des effectifs de l’État est évaluée à 24 592 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, en 2009. Ce résultat est inférieur de 2 878 ETPT au schéma d’emploi prévu en loi de finances initiale. Je vous rappelle que, en 2008, les suppressions d’effectifs avaient été supérieures de 5 300 ETPT aux prévisions de la loi de finances initiale. Par conséquent, sur deux ans, nous avons dépassé nos objectifs de 2 400 ETPT.

Je précise que la plupart des mesures de la RGPP s’étendent sur plusieurs années et généreront progressivement des économies. C’est la raison pour laquelle elles ne figurent pas dans le rapport.

Le rapport rappelle toutefois les principales économies d’ores et déjà réalisées grâce à la RGPP. Vous pouvez ainsi constater que nous avons réalisé en loi de finances initiale pour 2010 près d’un milliard d’euros d’économies sur les politiques d’intervention et environ cinq cents millions d’euros sur les dépenses de fonctionnement. Ce dernier résultat témoigne des premiers effets de la réduction en cours des fonctions support de l’État, comme, par exemple, la rationalisation de la politique des achats de l’État. À cela s’ajoutent les économies liées à la réduction du nombre d’emplois, que l’on peut estimer à environ 800 millions d’euros.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les sénateurs, tels sont les points que je souhaitais vous présenter. Le détail de l’ensemble des comptes se trouve dans les documents budgétaires.

Notre économie est aujourd’hui en convalescence. Cependant, certaines menaces récentes ont récemment pesé sur les pays de la zone euro dont les finances publiques étaient déséquilibrées. C’est pourquoi les exigences qui s’imposent à nous aujourd’hui sont tout aussi impérieuses qu’en 2009, bien que distinctes.

En 2009, l’État a agi de façon responsable pour limiter l’impact de la crise sur notre pays. Dès 2011, il devra faire preuve de responsabilité afin de réduire son déficit en maîtrisant non seulement ses dépenses, mais aussi l’ensemble des sources de dépenses publiques, tout en prenant soin d’accompagner la reprise de l’activité. Ce sera l’objet de mon propos de cet après-midi, lors du débat d’orientation des finances publiques. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons aujourd’hui, tout en tirant les conséquences de la gestion de l’année 2009, nous tourner vers l’avenir grâce au débat sur l’orientation des finances publiques qui nous occupera cet après-midi. Cela nous permettra assurément de réaliser une heureuse synthèse des enjeux essentiels auxquels nous sommes confrontés.

La commission des finances, comme chaque année, prend très au sérieux la loi de règlement. Je rappelle d’ailleurs que nous avons ajouté à son intitulé la mention « rapport de gestion » pour l’année écoulée, soit 2009.

Dans le cadre de ce rapport de gestion, nous avons procédé à l’audition de dix ministres et reçu par deux fois le Premier président de la Cour des comptes. Nous avons interrogé les ministres non seulement sur l’efficacité de leur gestion, en conformité avec les principes de la LOLF, mais également sur leur capacité à adapter les structures et les missions de leurs administrations et à faire face à la nécessaire discipline des finances publiques.

De ce point de vue, monsieur le ministre, je pense que nous avons fait tout notre possible pour appuyer vos efforts. Souvent d’ailleurs, au sein de notre système de gouvernement et d’administration, le ministre du budget me paraît trop seul.

M. François Baroin, ministre. Il l’est un peu moins ces derniers temps !

M. François Fortassin. La solitude est l’apanage de cette fonction !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il faut en tout cas qu’il sache que la commission des finances du Sénat est à ses côtés dans ce travail de vérité qui est nécessairement le sien, comme il est le nôtre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà qui lui mettra du baume au cœur ! (Sourires.)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Dans ce cadre, il est possible que certains outils fassent encore défaut. Certes, il existe une loi de règlement portant sur la gestion passée, qui clôt l’exécution financière du budget de l’État. Mais jusqu’alors, aucune loi de règlement ne porte sur les engagements pris au titre du programme de stabilité. J’anticipe ici quelque peu sur le contenu de nos débats de cet après-midi.

D’ailleurs, il conviendra de résoudre certaines difficultés techniques pour comparer de façon plus directe et plus simple l’exécution budgétaire aux prévisions initiales. Trop souvent, on persiste à comparer des prévisions à des prévisions, des exécutions à des exécutions, alors que la vérité ne peut être approchée, qu’il s’agisse d’une année ou de plusieurs, qu’en rapprochant une exécution d’une prévision ! La direction du budget le sait pertinemment lorsqu’elle travaille avec les ministères dépensiers. Mais, vis-à-vis de la représentation nationale, l’État devrait s’astreindre de façon bien plus rigoureuse à cette discipline, en particulier lorsqu’il s’agit d’engagements pluriannuels.

Chacun connaît le contexte macroéconomique de l’année 2009, marqué en France par une récession de 2,6 %. Cela est sensiblement plus faible que pour la plupart des pays de la zone euro, pour n’évoquer qu’eux ; c’est néanmoins la plus profonde récession enregistrée depuis la Seconde Guerre mondiale. En 2009, le chômage a hélas ! dépassé le seuil des 10 %.

L’un des sujets qui nous mobiliseront bientôt est l’évaluation a posteriori de l’impact du plan de relance. Une quarantaine de milliards d’euros ont ainsi été dépensés, créant des effets d’entraînement sur les investissements publics, assurant le maintien de la solvabilité de nombreuses entreprises, limitant leurs défaillances, même si celles-ci demeurent trop nombreuses. En comparaison avec bien des pays européens, la France a soutenu utilement et au bon moment la trésorerie de ces entreprises, allant jusqu’à leur accorder, en 2010, une réforme extrêmement généreuse de la taxe professionnelle, qui s’est traduite par un abondement de leur trésorerie globale de 12 milliards d’euros.

Le déficit des administrations publiques est évalué par l’INSEE à 7,5 % du produit intérieur brut. Si l’on observe la ventilation par sous-ensembles, le besoin de financement de l’État a plus que doublé en une année. Il convient de garder cela en mémoire. Le besoin de financement des administrations sociales, jusqu’alors quasi inexistant et inférieur à un milliard d’euros, atteint désormais 24 milliards d’euros.

Il n’existe qu’une seule amélioration, que personne n’a réellement commentée, relative au besoin de financement des collectivités territoriales.

M. François Marc. C’est exact !

Mme Nicole Bricq. Mais nous l’avions remarqué !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ces pelées, ces galeuses qui font tant déraper la dépense ! Ce besoin de financement est passé de 8,7 milliards d’euros à 5,6 milliards d’euros. Reconnaissons qu’il ne s’agit pas là des conséquences d’un comportement vertueux. La Cour des comptes explique cela par un effet de trésorerie rendu possible par le plan de relance et l’anticipation des versements du fonds de compensation pour la TVA.

Notre situation budgétaire est donc caractérisée par un déficit sans précédent de 138 milliards d’euros. Autrement dit, le montant des recettes nettes du budget général n’a représenté en 2009 que 56 % des dépenses nettes, contre 80 % en 2008, année qui est pourtant loin d’être exemplaire en matière d’équilibre budgétaire. Le taux de couverture a donc diminué en 2009, passant de 80 % à 56 %.

Cela est imputable à l’effondrement des recettes, nous le savons. Mais comment expliquer cet effondrement ? Il est dû pour moitié à la conjoncture, pour 15 % à des mesures nouvelles, dont la baisse du taux de TVA dans le secteur de la restauration, et pour 35 % aux mesures fiscales du plan de relance. Ces dernières, monsieur le ministre, se sont révélées bien plus coûteuses que prévu !

Le coût définitif des mesures fiscales du plan de relance pour 2009 s’établit à 16,7 milliards d’euros, alors que la prévision fournie lors du vote de ce plan était de 10,3 milliards d’euros. Tant mieux pour la trésorerie des entreprises ! Mais il y a certainement des progrès à faire en matière de qualité de la prévision !

Au demeurant, nous savons aussi que l’année 2009 est caractérisée par une croissance de la dépense fiscale de près de 5 milliards d’euros par rapport à 2008.

M. François Marc. Mais pour qui ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mais pour tout le monde, cher collègue ! Pour toutes les corporations et catégories d’activités qui ne cessent de vous solliciter, vous comme nous, et que vous défendez au quotidien, de même que nous ! Ce système ne fera qu’accroître la pression de la dépense fiscale, jusqu’au jour où, par vertu ou par nécessité, nous aurons le courage d’en sortir ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Voilà pour ce qui est des recettes. Qu’en est-il désormais des dépenses ? La dépense de l’État, d’exécution à exécution, progresse de 0,3 % en volume. On peut donc considérer que l’État est un peu au-dessus de la norme qu’il s’est fixé, mais que cette rubrique est dans l’ensemble tenue. Je regrette toutefois que les économies réalisées et constatées, soit 5 milliards de charges financières en moins, malgré un endettement qui a continué de déraper à vive allure, n’aient pas été consacrées à l’amortissement de la dette. Elles ont en effet été intégralement recyclées en nouvelles dépenses !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est exact !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous le comprenons fort bien, compte tenu de l’existence de sous-budgétisations, d’ailleurs signalées par notre commission. Au demeurant, les sous-budgétisations étaient plus nombreuses dans les budgets précédents qu’en 2009. Nous avons souvent eu ce débat avec votre prédécesseur, M. Éric Woerth.

En ce qui concerne l’utilisation de ces marges, nous pouvons comprendre et approuver que l’État ait préféré assainir sa situation financière à l’égard de la sécurité sociale. Il serait possible, monsieur le ministre, de faire encore mieux en matière de mise en œuvre de la loi de programmation des finances publiques – c’est une litote – notamment en utilisant davantage, pour piloter la dépense, les indicateurs de performance, sur lesquels nous reviendrons peut-être cet après-midi.

C’est là une remarque que je souhaitais faire. Nous avons consacré beaucoup de temps, d’argent et de réflexions à s’adapter à la présentation budgétaire par missions et programmes et à expliquer à l’ensemble des responsables que leurs actions devaient être mesurables à travers des indicateurs. Quand on examine en détail les documents budgétaires, ces indicateurs ne sont pas toujours renseignés comme ils devraient l’être. Ils ne sont pas suffisamment pris au sérieux.

Même dans le cas où ces indicateurs de performance sont correctement établis, qu’en faisons-nous ? Ne pourraient-ils pas constituer plutôt un guide, afin que la toise soit plus restrictive ou plus généreuse, si tant est qu’une toise puisse être « généreuse » (Sourires.), en fonction de la qualité obtenue, c'est-à-dire de l’atteinte des objectifs fixés par ces indicateurs dans le pilotage budgétaire et dans l’arbitrage des crédits ? Ce sont sans doute des éléments qu’il faudrait valoriser, ce qui conduirait à les prendre plus au sérieux.

Toujours au titre des dépenses, je relève que les dépenses de fonction publique continuent de progresser malgré les baisses d’effectifs. Celles-ci sont importantes, mais elles sont contrebalancées, et bien au-delà, par les effets structurels, par la progression des rémunérations. Alors qu’on économise 800 millions d’euros grâce à la diminution du total des équivalents temps plein travaillé en 2009, le surcoût de la masse salariale prise globalement est supérieur à cette somme.

Permettez-moi de terminer par quelques éléments relatifs à la dette. L’année 2009 illustre véritablement la formule que j’avais proposée à la commission et au Sénat l’an dernier,…

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L’« insoutenable légèreté de la dette » !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … c'est-à-dire l’« insoutenable légèreté de la dette publique » !

« Insoutenable », car on ne peut pas continuer ainsi ! Dès lors que l’extérieur nous finance, nous subissons sa loi.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Et plus l’extérieur, donc les marchés, nous financent, plus ils nous imposent leurs lois et leurs règles.