M. Yvon Collin. Je tiens à revenir très brièvement sur le scrutin n° 258 portant sur l’amendement n° 580. En effet, nous avons constaté, après avoir pris connaissance des résultats, que nous avions commis une erreur matérielle dans l’interprétation des consignes de vote qui nous avaient été données. Je tenais à le préciser. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Charles Revet. Bravo !
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue.
Seconde délibération (suite)
Article 1er AAA (nouveau)
M. le président. Le Sénat a précédemment adopté cet article dans cette rédaction :
La compétence générale est un principe fondateur de la libre administration des collectivités locales, dans le respect des responsabilités accordées par la loi à chacune des collectivités et l'application de la règle de subsidiarité.
M. le président. L’amendement n° A-1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre. L’amendement n° A-1 a pour objet de supprimer l’article 1er AAA, en cohérence avec les dispositions qu’a prises le Sénat en modifiant la rédaction de l’article 35.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous assistons à une opération visant à sauver quelques débris au milieu d’un champ de ruines ! (Vives exclamations sur les travées de l’UMP.) Mes chers collègues, je m’exprime librement, de même que chacun d’entre vous ! Lorsque l’on a assisté, comme moi, à nos débats depuis lundi dernier, on a eu le temps de se faire quelque idée de l’état de ce texte…
Il serait très dommageable de supprimer cet article comme nous le demande le Gouvernement. En effet, il ne vous a pas échappé que le Sénat avait voté contre l’article 35 – en tout cas dans sa version initiale –, contre l’article 35 bis, l’article 35 ter, l’article 35 quater et l’article 35 quinquies.
M. Pierre Hérisson. Quelle mémoire !
M. Jean-Pierre Sueur. Ainsi, le Sénat a décidé, à une large majorité d’ailleurs, de retirer du texte tout ce qui concerne les compétences, parce qu’il a semblé évident que ces dispositions étaient très mal rédigées, créaient de nombreuses contradictions et plaçaient les collectivités, nos concitoyens et les associations dans des situations inextricables. Bref, ce texte n’était pas du tout au point, et de vives protestations s’élevaient. Nous en avons donc retiré tout ce qui concernait les compétences.
Le Sénat a aussi, majoritairement, décidé de réaffirmer la clause de compétence générale pour l’ensemble des collectivités. Nous avons affirmé lors du vote, et nous le répétons aujourd'hui, que nous ne refusons nullement d’étudier la question des compétences et des prérogatives. D’ailleurs, il a été décidé par le Sénat que celle-ci ferait l’objet d’une loi.
En attendant, au milieu de cet océan d’incertitudes et de doutes dont nous font part quotidiennement les élus locaux, quelle meilleure sécurité ou garantie que de réaffirmer le beau principe de la compétence générale, qui en réalité n’est autre que la libre administration des communes, des départements et des régions, fondant l’autonomie de ces collectivités, ainsi que leur droit et leur devoir de prendre des initiatives ? En un mot, il s'agit d’un principe qui tient debout, d’autant plus que l’article 35 et les suivants n’existent plus en réalité et qu’il n’y a plus un mot dans le projet de loi sur les compétences.
Or ce sont ces phrases dont vous sollicitez le retrait, messieurs les ministres, auprès de nos collègues, qui, évidemment, prendront leurs responsabilités.
Ainsi, les élus des 36 700 communes de France, des départements et des régions verront que, après avoir magnifié la clause de compétence générale dans son esprit et sa philosophie, au cours d’une nuit du mois de juillet, après avoir demandé une seconde délibération, à l’issue d’un débat sur les votes et en s’efforçant de restaurer un fragment d’un dispositif qui n’existe plus, vous aurez rétabli, au forceps, la version antérieure de ce texte, où, pour le coup, il ne sera plus question de rien. En effet, plus nous avançons, plus ce projet de loi s’installe dans une sorte de néant…
M. Adrien Gouteyron. N’en faites pas trop !
M. Jean-Pierre Sueur. … à peine entrecoupé par quelques articles qui ne sont pas forcément inutiles.
Ceux d’entre nous, et j’en suis, qui ont assisté à tous les débats sur la décentralisation depuis 1982 reconnaîtront qu’ils n’ont jamais vu un texte présenté dans un tel désordre, avec un tel manque de conviction, avec un tel fatalisme.
Monsieur Raffarin, vous avez employé une formule tout à fait exacte, me semble-t-il, quand vous nous avez affirmé qu’on trouvait dans ce texte tout et n’importe quoi. Après cette parole profondément conforme à la vérité, il n’y a rien à ajouter ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sans vouloir allonger outre mesure nos débats, je dirai malgré tout quelques mots, car j’ai déposé l’un des amendements identiques qui visaient à introduire cet article dans le projet de loi et qui ont été adoptés.
Avant ce vote, le Gouvernement avait donné au Sénat des explications similaires à celles qu’il développe dans l’objet de cet amendement de suppression : au fond, la compétence générale n’aurait pas de valeur normative et, en quelque sorte, n’existerait pas.
Un tel argument est très étonnant, messieurs les ministres, permettez-moi de vous le dire, car vous avez indiqué clairement votre volonté de supprimer la clause de compétence générale pour les départements et les régions !
D'ailleurs, le comité Balladur s’était interrogé sur ce point. Nous le savons, les juristes étaient divisés, mais M. Balladur avait conclu que la suppression de la clause de compétence générale ne poserait sans doute aucun problème constitutionnel.
Les membres de mon groupe et moi-même ne sommes pas du même avis. D'ailleurs, vous avez maintenu formellement cette disposition pour les communes qui, de toute façon, seront privées de toutes leurs compétences par l’intercommunalité forcée…
Or une collectivité qui n’a plus que des compétences déléguées et ne peut prendre des initiatives en faveur de l’intérêt départemental ou régional ne dispose plus d’aucune marge de manœuvre. J’en suis désolée, mes chers collègues, mais on ne peut pas prétendre qu’elle s’administre librement ! Elle n’est plus qu’un rouage de l’État, dont les seules compétences sont déléguées par la loi et seront, en outre, si votre projet aboutit, strictement encadrées sur le plan financier. Nous tenons donc beaucoup à cette clause.
J'ajoute que le vote du Sénat sur l’article 35 va tout à fait dans ce sens, comme notre collègue Jean-Pierre Sueur vient de le rappeler. D'ailleurs, cette disposition vous avait déjà posé problème, messieurs les ministres : vous avez été obligé de revenir en arrière en ce qui concerne les compétences relatives à la culture, au tourisme et au sport, car des protestations s’élevaient de toutes parts. En effet, ces différents domaines d’activité n’auraient plus été pris en charge par personne, ce qui aurait posé un grave problème !
À l’heure actuelle, l’article 35 ne définit pas les compétences des collectivités : en fait, il n’existe plus ! Une loi déterminera ultérieurement la répartition des compétences déléguées. Vous pourrez alors aisément poser de nouveau la question de la clause générale de compétence.
Vous verrez, messieurs les ministres, que vous serez obligés d’introduire une disposition aux termes de laquelle les collectivités, quelles qu’elles soient, peuvent prendre des initiatives, car si vous ne le faites pas les collectivités territoriales et surtout les citoyens se retrouveront dans une situation inextricable !
Je crois donc que les sénateurs feraient bien de maintenir leur vote et de sauvegarder la possibilité pour les départements et les régions de prendre des initiatives. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Pour ma part, je suis étonné que le Gouvernement s’entête à empêcher le maintien de la clause de compétence générale. Certes, dans le texte qui nous est soumis, celle-ci existe presque déjà, mais dans une parfaite insécurité juridique.
M. Bernard Frimat. Absolument !
M. Philippe Adnot. Cela dit, comme cette compétence générale est accordée aux collectivités territoriales de base, il suffirait, par exemple, qu’une commune de 200 habitants passe un accord avec un département et avec une région pour avoir le droit de créer une université ! Il est vrai que le texte prévoit une condition minimale de financement.
Nous nageons en pleine absurdité. On refuse la clause de compétence générale à des structures qui peuvent l’assumer et on l’accorde à celles qui n’ont pas les moyens de le faire. Bien pis, des biais incroyables sont prévus : si l’intérêt régional ou départemental est en jeu, les collectivités pourront agir, sous réserve de saisir le juge !
Franchement, messieurs les ministres, je ne vous comprends pas : vous êtes en train de vous arc-bouter sur un dispositif indéfendable. Je le répète : la clause de compétence générale, ce n’est pas le droit de faire n’importe quoi !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr que non !
M. Philippe Adnot. C’est au contraire le droit de prendre des initiatives quand personne n’ose le faire. En la supprimant, vous allez à contre-courant des aspirations de la société française et vous êtes à contretemps, car la seule réforme qui vaille, c’est celle qui consisterait à donner de la liberté à nos concitoyens !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.
M. Jean-René Lecerf. Je n’étais pas présent lorsque l’amendement n° 166 rectifié a été adopté et j’en suis bien désolé. Si j’avais été là, j’aurais fait remarquer que la clause de compétence générale est une notion du langage courant qui n’a aucun fondement juridique. J’en veux pour preuve le fait que l’on enseigne dans les facultés de droit le principe de spécialité des collectivités territoriales !
Je reprends l’exemple de Philippe Adnot. Une commune qui déciderait de recourir à l’expropriation et de demander une déclaration d’utilité publique pour construire une université ou un collège verrait bien évidemment cette délibération annulée, puisque cette compétence appartient à quelqu’un d’autre !
M. Bernard Frimat. Mais non !
M. Jean-René Lecerf. Dans l’esprit de certains, la clause de compétence générale signifie que l’on peut se préoccuper de l’ensemble des affaires qui présentent d’une manière ou d’une autre un intérêt régional, départemental, voire communal. Mais ce n’est absolument pas le cas ! La clause de compétence générale est limitée par les compétences attribuées par la loi aux autres collectivités.
Je rappelle la jurisprudence relative à la commune de Thérouanne, dans le Pas-de-Calais. La délibération par laquelle cette commune souhaitait céder gracieusement un terrain pour la construction d’un bureau de poste a été annulée.
Quand j’étais vice-président du conseil général du Nord chargé des collèges, j’avais mis en place une mesure qui me paraissait convenable et qui prévoyait que, lorsque le département construisait un collège neuf, la commune mettait gracieusement à disposition le terrain, ce qu’aucune commune n’a jamais refusé d’ailleurs. Cependant, le contrôle de légalité est intervenu et cette disposition a été interdite, car ce n’est pas autorisé.
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas vrai, cela dépend des endroits !
M. Jean-René Lecerf. Par conséquent, nous ne pouvons pas inscrire dans un texte législatif une notion qui appartient au langage courant et qui n’a rien à voir avec le droit.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est fantastique, vous supprimez quelque chose qui n’existe pas !
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. J’ai l’impression que nous sommes hors du temps et hors de tout ce qui se discute depuis des mois. La question de la clause de compétence générale, nous ne l’avons pas inventée : ce sont les représentants du Gouvernement eux-mêmes qui l’ont soulevée au moment de l’examen du texte, affirmant que les collectivités détenaient des compétences générales. Pour notre part, nous voulons des compétences plus spécialisées et plus précises. Alors, soyons sérieux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le Gouvernement l’a supprimée pour les départements et pour les régions !
Mme Marie-France Beaufils. À l’occasion des multiples rencontres qui ont pu avoir lieu sur ce texte, le Gouvernement a affirmé que cette clause serait maintenue pour la commune. Certains des ministres ici présents l’ont confirmé. Soit dit en passant, comme il est question de beaucoup transférer à l’intercommunalité, la compétence générale de la commune va se réduire comme peau de chagrin…
Il est temps de cesser de tourner autour du pot pour nous faire changer d’avis. Nous savons que vous avez voulu gagner le vote de certains élus en ayant recours à des arguties – c’est le terme qui convient – plutôt qu’en vous attachant au fond.
Aujourd’hui, les collectivités territoriales ont droit à cette liberté d’initiative qui leur a toujours été accordée mais qui reste encadrée, puisque certaines compétences ont été redéfinies précisément par les lois de décentralisation ou par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
Lors du débat sur ce texte, tout le monde s’est déclaré prêt à continuer la discussion sur les compétences des collectivités. Il faut cesser de dire une chose et son contraire quelques jours plus tard ! Nous devons tous respecter le déroulement des débats. On ne peut pas changer d’avis parce qu’un vote n’a pas l’heur de satisfaire le Gouvernement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bravo !
M. le président. Je rappelle que la commission a émis un avis favorable sur l'amendement n° A-1.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 1er AAA est supprimé.
Articles additionnels après l'article 1er
M. le président. L'amendement n° A-2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région est fixé par le tableau annexé à la présente loi.
II. – En conséquence, insérer une annexe ainsi rédigée :
ANNEXE
RÉGION |
Conseil régional |
DÉPARTEMENT |
Nombre de conseillers territoriaux |
Alsace |
74 |
Bas-Rhin Haut-Rhin |
43 31 |
Aquitaine |
211 |
Dordogne Gironde Landes Lot-et-Garonne Pyrénées-Atlantiques |
33 79 27 27 45 |
Auvergne |
146 |
Allier Cantal Haute-Loire Puy-de-Dôme |
35 21 27 63 |
Bourgogne |
134 |
Côte d'Or Nièvre Saône-et-Loire Yonne |
41 21 43 29 |
Bretagne |
190 |
Côtes-d'Armor Finistère Ille-et-Vilaine Morbihan |
35 55 57 43 |
Centre |
184 |
Cher Eure-et-Loir Indre Indre-et-Loire Loir-et-Cher Loiret |
27 29 21 39 27 41 |
Champagne-Ardenne |
136 |
Ardennes Aube Marne Haute-Marne |
33 33 45 25 |
Franche-Comté |
104 |
Doubs Jura Haute-Saône Territoire de Belfort |
39 27 23 15 |
Guadeloupe |
43 |
Guadeloupe |
43 |
Ile-de-France |
308 |
Paris Seine-et-Marne Yvelines Essonne Hauts-de-Seine Seine-Saint-Denis Val-de-Marne Val-d'Oise |
55 35 37 33 41 39 35 33 |
Languedoc-Roussillon |
167 |
Aude Gard Hérault Lozère Pyrénées-Orientales |
27 39 55 15 31 |
Limousin |
91 |
Corrèze Creuse Haute-Vienne |
29 19 43 |
Lorraine |
134 |
Meurthe et Moselle Meuse Moselle Vosges |
37 19 51 27 |
Midi-Pyrénées |
246 |
Ariège Aveyron Haute-Garonne Gers Lot Hautes-Pyrénées Tarn Tarn-et-Garonne |
15 31 75 21 21 25 33 25 |
Basse-Normandie |
117 |
Calvados Manche Orne |
49 39 29 |
Haute-Normandie |
98 |
Eure Seine-Maritime |
35 63 |
Nord - Pas-de-Calais |
138 |
Nord Pas-de-Calais |
81 57 |
Pays de la Loire |
173 |
Loire-Atlantique Maine-et-Loire Mayenne Sarthe Vendée |
51 39 21 31 31 |
Picardie |
109 |
Aisne Oise Somme |
33 39 37 |
Poitou-Charentes |
124 |
Charente Charente-Maritime Deux-Sèvres Vienne |
25 41 27 31 |
Provence-Alpes-Côte d'Azur |
226 |
Alpes-de-Haute-Provence Hautes-Alpes Alpes-Maritimes Bouches-du-Rhône Var Vaucluse |
15 15 49 75 45 27 |
La Réunion |
49 |
La Réunion |
49 |
Rhône-Alpes |
298 |
Ain Ardèche Drôme Isère Loire Rhône Savoie Haute-Savoie |
33 19 27 49 39 69 25 37 |
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Il s’agit de reprendre l’amendement n° 580 de M. Courtois, tel qu’il a été sous-amendé par le Sénat avant d’être soumis au scrutin public.
Je rappelle que les modifications, qui reprennent les dispositions des sous-amendements adoptés, concernent les effectifs de conseillers territoriaux : dans le Bas-Rhin, ils sont portés à 43 ; dans les Vosges, à 27 ; dans la Haute-Garonne, à 75 ; dans le Nord, à 81 ; dans le Pas-de-Calais, à 57 ; dans l’Aisne, à 33 ; l’Oise, à 39 ; dans la Somme, à 37.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. À dire vrai, je ne sais pas comment nous en sommes arrivés là. J’essaie d’être aussi cartésien que possible et de reconstituer le scénario qui compte plusieurs actes.
À l’acte 1, le Sénat a voté ce tableau.
À l’acte 2, qui a commencé quelques instants après, M. Mercier a déclaré que des erreurs matérielles étaient survenues. À cette heure de la nuit, nous ne savons toujours pas lesquelles : il n’a pas eu l’amabilité de le préciser, en tout cas pas dans le détail.
À l’acte 3, sur un ton plus vif et sans doute plus direct, Gérard Longuet nous a livré sa version : il s’agissait non pas d’une erreur matérielle, mais d’une captation de voix. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Anziani. La captation de voix, c’est une infraction pénale ! Dans ce cas, Gérard Longuet devrait saisir le procureur de la République – c’est à la mode, d’ailleurs ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) – ...
M. Rémy Pointereau. Ne faites pas d’effet de manche !
M. Alain Anziani. ... ou le juge d’instruction, puisqu’il existe encore. Plutôt que d’agir ainsi, il préfère retirer ses propos et nous demander de bien vouloir l’excuser de sa méconnaissance de la langue française…
Où en sommes-nous ? Un nouvel acte vient de s’ouvrir. Je me plais à faire remarquer que, en commission des lois, nous avons constaté une épidémie de maux de gorge, accompagnée d’une inflation de pouvoirs. Il est bon de souligner les miracles qui se produisent dans cette assemblée !
Permettez à un néophyte de vous dire son sentiment. En quelques heures, tant par l’effet de la rénovation de la Haute Assemblée que vous appelez de vos vœux, monsieur le président du Sénat, que par les tractations tribales auxquelles nous avons assisté au pied même de la tribune, la vérité du soir n’a plus été celle du matin. Il faudra un jour expliquer tout cela.
M. Charles Revet. Cela n’a aucun intérêt !
M. Alain Anziani. Y a-t-il un seul mot ou un seul fait inexact dans ce que je viens de relater ?
Sur le tableau, il n’y a pas grand-chose à dire. Il n’a plus de sens. Le conseiller territorial est créé, mais aucun mode d’élection n’est prévu : nous ne savons pas comment il sera élu et nous ne savons même pas ce qu’il fera.
M. Charles Revet. Cela va venir !
M. Alain Anziani. Il est donc incompétent, au sens strict du terme. Dans le même temps, nous ne savons même pas s’il sera né. La seule préoccupation de notre assemblée, semble-t-il, c’est de lui donner un territoire.
M. Mercier a parlé de confusion : c’est le seul point sur lequel je suis d’accord avec lui.
M. Bernard Frimat. Très bien !
M. le président. Je rappelle que la commission a émis un avis favorable sur l'amendement n° A-2.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.
L'amendement n° A-3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 46-1 du code électoral, les mots : « conseiller municipal » sont remplacés par les mots : « conseiller territorial, maire, adjoint au maire, conseiller municipal bénéficiant d’une délégation, président, vice-président, délégué communautaire bénéficiant d’une délégation, d’un établissement public de coopération intercommunale de plus de 30 000 habitants ».
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Cet amendement vise à introduire dans le cumul des mandats les fonctions exécutives au sein d’un établissement public de coopération intercommunale de plus de 30 000 habitants. En effet, le renforcement du rôle de ces structures nécessite, dans un souci de réalisme et d’efficacité, qu’elles soient intégrées dans le cumul des mandats.
En revanche, il semble nécessaire de prendre en compte la différence de responsabilités et, donc, de charge de travail entre les mandats de maire et d’adjoints, d’une part, celui de conseiller municipal, d’autre part. Aussi le présent amendement tend-il à exclure du calcul du cumul des mandats les conseillers municipaux n’étant ni maire, ni adjoint au maire, ni même délégué.
Enfin, afin de tenir compte de l’innovation introduite par le présent projet de loi, la liste des mandats électoraux dont le cumul est encadré est complétée par le mandat de conseiller territorial.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Lors de la première lecture, les membres du groupe de l’Union centriste avaient subordonné leur vote au fait qu’il y eût un mode de scrutin double, à la fois uninominal et proportionnel. Nous avions alors – peut-être avions-nous tort – évoqué un plat de lentilles, en faisant observer qu’il n’y avait peut-être pas beaucoup de lentilles mais que l’histoire dirait ce qu’il en adviendrait.
Avec cet amendement – je n’évoque même pas le fond –, je constate que les prétentions du groupe Union centriste sont revues à la baisse. Le vote final qui interviendra tout à l’heure nous éclairera tout à fait sur la position de nos collègues, à la suite de ce qu’ils ont affirmé en première lecture. Je crains néanmoins que leur plat contienne encore un peu moins de lentilles !
M. le président. Je rappelle que la commission a émis un avis favorable sur l'amendement n° A-3.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette séance, comme les précédentes consacrées à l’examen de ce texte, resteront dans les annales du Sénat.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Bel. Après avoir vécu des moments très intéressants, le résultat auquel nous sommes parvenus aujourd'hui a le mérite de la clarté.
Il me fait penser à la chanson Il n’y a plus rien du grand poète Léo Ferré. Dans le texte tel qu’il nous a été soumis, il n’y a en effet presque plus rien, puisque le Sénat – il a fait son travail – l’a vidé d’une grande partie de son contenu, s’agissant, sans entrer dans le détail, du mode de scrutin, de la définition des compétences, de la clause de compétence générale – on sait dans quelles conditions – et du tableau de répartition des conseillers territoriaux par région et par département.
En fait, le Sénat a clairement indiqué que ce texte, qui a fait l’objet de nombreux rebondissements, qui était promis à un brillant avenir et devait être adopté avant l’été parce que le Président de la République et la majorité le souhaitaient, n’est pas à la hauteur des enjeux. Le vote final qui va intervenir dans un instant n’a, au fond, plus vraiment d’importance : la montagne a accouché d’une souris !
Le message que le Sénat a fait passer au travers du travail que nous avons réalisé sera-t-il entendu ?
M. Jean-Pierre Raffarin. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Bel. Pour l’instant, nous avons eu une réponse à cette question, celle du Président de la République, qui a déclaré hier, en substance, que peu importait ce que le Sénat allait dire ou construire, puisque ce serait l’Assemblée nationale qui déciderait et mettrait la dernière main au projet final.
Dès lors, une question simple est posée ce soir à chacun d’entre nous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégions : le Sénat sera-t-il respecté dans sa fonction de défenseur des collectivités territoriales ? Les élus locaux trouveront-ils ici le bouclier dont ils ont besoin ou le Gouvernement va-t-il les livrer en pâture à la majorité de l’Assemblée nationale ?
Si tel était le cas, très sincèrement, je serais triste de voir le Sénat rétrogradé, bafoué et, d’une certaine façon, humilié.
Après ce que nous avons vécu dans cette enceinte, où nous avons vu un avion sans pilote ou plutôt, je le redis, un bateau ivre qui avait perdu le cap, nous devrions tirer des conclusions : le bon sens et la raison commanderaient de revoir le texte, de prendre du recul et le temps de la réflexion.
Si, par malheur, c’était le rouleau compresseur qui tenait lieu de mode de gouvernance, dirigé contre les territoires et les élus locaux qui ont été tellement stigmatisés, si l’on continuait à s’acharner contre les collectivités alors que le pays a tant de difficultés à affronter, alors nous en appellerions à tous les élus de France pour les prendre à témoin face à l’injustice et à la régression territoriale.
Vous le savez, vous les avez tous rencontrés, les élus locaux sont inquiets. Ils attendaient beaucoup du Sénat, qui, au cours de cette deuxième lecture, les a grandement défendus contre la majorité.
Il appartient maintenant au Gouvernement et à la majorité sénatoriale de faire respecter notre assemblée et ses choix. Pour cela, il n’y a pas d’alternative, il faut revoir la copie. Messieurs les ministres, retirez votre texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Au terme de ce débat, nous nous retrouvons avec un projet de loi un tant soit peu en lambeaux, en tout cas confus, et que vous avez tenté, par tous les moyens, dont certains sont contestables, mais cela vous regarde, de faire aboutir.
Nous avions demandé le renvoi en commission, vous auriez dû l’accepter ; cela vous aurait peut-être évité une telle confusion et tant d’actes manqués.
Aujourd’hui, personne ne peut se satisfaire de ce fiasco législatif.
Il tient, au-delà de la forme que je regrette, au contenu même du texte. Vous ne pouvez occulter le fait qu’il a reçu des critiques de toutes les organisations d’élus, de milliers d’élus même et d’un grand nombre de collectivités locales qui ont pris des délibérations pour le faire savoir.
Beaucoup se sont accordés pour dénoncer la remise en cause de la décentralisation, l’évaporation annoncée des communes et des départements, votre volonté de concentration des compétences et des pouvoirs, la marche forcée vers l’intercommunalité, la multiplication des structures qui a transformé le mille-feuille en pouding indigeste, votre objectif, au fond essentiel, de réduction des dépenses publiques, c’est-à-dire des dépenses sociales utiles, au détriment des actions et des services à la population, l’organisation qui va en découler du transfert au secteur privé de nombreux services publics locaux.
Ces aspects très néfastes ont été renforcés par l’attitude du Gouvernement, faite de précipitation, d’improvisation, d’obstination et empreinte, au fond, d’une certaine suffisance, puisque vous faites fi des remarques qui remontent des collectivités territoriales.
Précipitation d’abord, puisque vous décidez de mettre dans cette loi, par amendement, les éléments jugés par vous essentiels de deux autres projets de loi annoncés, sans organiser le débat sur le fond.
Précipitation encore, pour avoir un maximum d’articles conformes, en ne donnant pas le temps nécessaire à la commission des lois d’une vraie relecture, et ce afin de réduire les débats en deuxième lecture.
Improvisation, car vous ne prévoyez pas de réformes tenant compte de tous les paramètres, comme nous l’avons particulièrement vu lors du débat sur l’article 35. Ainsi, sur toutes les travées du Sénat, des modifications étaient demandées pour sauver telle ou telle politique locale qui aurait disparu avec la suppression de la clause de compétence générale et la réduction des financements croisés.
Improvisation, car vous êtes incapables de décliner l’ensemble des conséquences de certaines dispositions de ce texte.
Obstination ensuite, car vous affirmez en permanence votre volonté de concentration des pouvoirs et des compétences d’intercommunalité sous la férule des préfets, doublée de votre volonté de réduire, une fois encore, la dépense publique locale utile. Vous avez été aveuglés par cette obstination, ne voyant plus les remises en cause de notre droit républicain contenues dans votre projet.
Obstination enfin, car même lorsque vous constatez que vous n’avez pas de majorité, vous continuez à refuser d’entendre les colères et les mécontentements exprimés dans notre hémicycle.
Du fait de la nocivité de votre texte et malgré votre attitude, nous avons défendu des amendements. Quelques-uns ont été adoptés, à notre satisfaction, pour le peu qu’ils recouvraient.
J’ajoute que nous étions très satisfaits de l’adoption de l’amendement n° 166 rectifié. Je suis particulièrement désolée, et je suis sûre que nombre de collectivités le seront également, que certains collègues, sur différentes travées de cette assemblée, soient revenus sur les votes qu’ils avaient émis initialement.
J’apprécie cependant qu’ait été voté notre amendement sur l’article 8 prévoyant la consultation obligatoire des citoyens, disposition qui avait été supprimée par l’Assemblée nationale, ce qui semble d’ailleurs assez curieux de sa part.
Nous sommes également satisfaits du vote de l’amendement visant à refuser un avantage financier en termes de dotation en faveur des métropoles au détriment des autres communes et EPCI.
Enfin, nous nous félicitons de l’adoption de notre amendement de suppression de l’article réduisant les financements croisés.
Cela étant dit, une fois ce texte adopté en l’état, une question se pose : comment sortira-t-il de sa deuxième lecture par l’Assemblée nationale ?