Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Monsieur le sénateur, vous interrogez le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales sur la compensation des dépenses de gestion du RMI et du RSA pour les départements.
La situation financière des départements, s’agissant en particulier des effets de la crise économique sur leurs recettes et leurs dépenses d’aide sociale, est suivie avec une attention toute particulière par le Gouvernement.
Le Premier ministre a réuni, le 1er juin dernier, les ministres concernés et la commission exécutive de l’Assemblée des départements de France afin d’engager un travail de concertation. Il a annoncé, à l’issue de cette rencontre, les quatre mesures suivantes.
Il s’agit, tout d’abord, de la mise en place, d’ici au mois de septembre, d’une mission d’appui pour accompagner les départements les plus en difficulté et leur proposer un contrat de stabilisation qui comportera des mesures d’accompagnement financier.
Il s’agit, ensuite, de l’installation de groupes de travail chargés d’étudier les suites à donner aux propositions du rapport remis en avril dernier par M. Jamet.
Il s’agit, encore, conformément aux annonces du Président de la République, du gel de toute norme nouvelle entraînant des dépenses pour les collectivités locales, à l’exception de celles qui sont imposées par les directives communautaires.
Il s’agit, enfin, du lancement d’une réflexion sur les trois prestations d’aide sociale que sont le RSA, la PCH, la prestation de compensation du handicap, et l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie. Pour cette dernière en particulier, il convient de se situer dans le cadre du débat sur la réforme de la dépendance qui sera engagée avant la fin de l’année 2010.
S’agissant des modalités de compensation du RSA, les clauses de revoyure prévues par la loi sont mises en œuvre chaque année, jusqu’en 2011, pour assurer la meilleure adéquation entre le montant des compensations provisionnelles et celui des charges supportées par les départements.
Du fait de la crise, la part du RSA financée par les départements s’est révélée supérieure aux prévisions initiales. C’est ce qui a notamment incité le Gouvernement, dans le cadre de la loi de finances pour 2010, à reconduire le montant en année pleine de la compensation versée en 2009, soit 644 millions d’euros, alors qu’une application stricte de la loi aurait amené à fixer la compensation pour 2010 à 599 millions d’euros ; l’effort de l’État est donc égal à 45 millions d’euros.
Nous aurons de nouveau l’occasion d’examiner, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, les modalités de compensation du RSA. En effet, comme vous le savez, l’article 7 de la loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion prévoit un ajustement « au vu des dépenses constatées dans les comptes administratifs des départements pour l’année 2009 », ajustement « inscrit dans la loi de finances suivant l'établissement de ces comptes ».
C’est dans ce cadre que nous pourrons, monsieur Grignon, en liaison avec le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État et le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, examiner les propositions que vous formulez.
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon. Madame la ministre, à l’évidence, nous sommes tous dans le même bateau, confrontés à des problèmes similaires. Si je pose cette question ce matin, c’est aussi dans l’espoir de renforcer la prise de conscience sur les difficultés rencontrées par les uns et des autres.
gel des dotations de l’état aux collectivités locales
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 932, transmise à M. le secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales.
M. Jean Boyer. Madame la ministre, j’ai bien conscience que répondre à des questions dans le domaine des finances locales est indiscutablement un exercice difficile, plus encore dans le contexte actuel. Certes, il y a le vouloir et le pouvoir, mais, en la matière, le pouvoir, nous ne l’avons pas.
Je tiens néanmoins à vous exprimer nos inquiétudes sur le gel des dotations de l’État aux collectivités locales, évoqué à l’issue du séminaire gouvernemental consacré à la préparation du budget triennal pour la période 2011-2013, au cours duquel a été réaffirmé l’objectif de revenir à un déficit public inférieur à 3 % du PIB en 2013.
Afin de respecter cet engagement, un gel des dépenses de l’État pendant cette période a donc été annoncé, ce qui aura également pour conséquence une baisse des dotations aux collectivités locales.
Ainsi, comme vous le savez, les dépenses de fonctionnement de l’État diminueront de 10 % en trois ans, avec une baisse de 5 % dès 2011. Seules les dépenses d’intervention, qui regroupent essentiellement des aides économiques, des aides à l’emploi ou encore des aides sociales, seront, et pour cause, soumises à un réexamen.
Pour tenir ces engagements, il nous est demandé de veiller à ce que nos dépenses soient strictement limitées au niveau prévu par la loi de finances votée par le Parlement.
Au vu de ce contexte difficile, je m’efforce de vous présenter mes questions avec le plus de modération possible. Pourriez-vous donc m’indiquer si le montant des dotations de l’État aux collectivités locales connaîtra précisément un gel identique, au regard, en particulier, de l’accompagnement des projets structurants ?
Il convient de rappeler que les collectivités locales sont les premiers investisseurs publics en France et qu’un soutien constant, au travers non seulement de la DGE, la dotation globale d’équipement, mais aussi de la DDR, la dotation de développement rural, est déterminant pour l’avenir de nos territoires ruraux, notamment en termes de développement durable.
Dans ces conditions, l’Europe ne devrait-elle pas prendre le relais pour conforter les programmes d’intervention, particulièrement dans les zones de montagne, dont je suis originaire, les plus défavorisées.
Il importe, madame la ministre, de rassurer les élus locaux que nous sommes et que nous représentons au sein de ce « Grand Conseil des communes de France », comme le Président de la République aime à le rappeler.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, l’État et les collectivités locales se sont engagés dans un effort conjoint de réduction des déficits et de la dette. Dans cette perspective, les concours financiers de l’État, qui représentent 57 milliards d'euros d’euros en 2010, devraient être gelés à partir de 2011.
Le gel est appliqué à la totalité de l’« enveloppe » des concours financiers, elle-même composée de plusieurs dotations. La dotation globale de fonctionnement, la DGF, occupe une grande part de ces concours puisqu’elle s’élève, en 2010, à plus de 41 milliards d'euros. Sont également compris dans cette enveloppe le FCTVA, le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, les dotations budgétaires de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », dont la dotation globale d’équipement et la dotation de développement rural, et le produit des amendes de police.
Le Gouvernement maintiendra en 2011 sa volonté d’accroître la péréquation, principe constitutionnel et véritable objectif de politique publique.
Afin de contribuer à la réduction des écarts entre les collectivités locales, il est prévu de faire progresser les dotations de péréquation des communes, des départements et des régions, et ce par le biais d’abondements et de redéploiements au sein de l’enveloppe « gelée ».
La progression des autres composantes sera par conséquent très limitée, au vu du peu de marges de manœuvre disponibles sur l’ensemble des dotations.
Le Gouvernement entend cependant concentrer ses efforts sur la dotation globale d’équipement et la dotation de développement rural. Des réflexions sont d’ailleurs en cours afin de fusionner ces deux dotations, ce qui permettrait par là même d’accroître leur effet de levier sur l’investissement local.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Madame la ministre, si je ne suis pas de ceux qui écoutent les « yaka » et les « fokon », je n’en reste pas moins lucide, car, comme je l’ai dit, il y a le vouloir et le pouvoir. Vous connaissez d’ailleurs aussi bien que moi les difficultés liées au contexte mondial actuel.
Voilà pourquoi il est important, comme vous l’avez fait, de bien expliquer la situation. Je ne manquerai pas de répercuter localement les informations que vous venez de nous donner, car nos collectivités doivent se préparer à s’engager dans cet effort de solidarité collective.
Lorsque, en amont, la source se tarit et que l’on ouvre moins grand le robinet, il n'y a pas de miracles : en aval, on reçoit forcément moins.
Cette solidarité s’exprime d’abord effectivement à l’échelon de l’État, et j’ai bien pris note de la réflexion engagée sur la gestion des fonds qui touchent l'investissement, mais elle se doit de descendre jusque dans ce que l’on appelle la « France d’en bas ». Dans le cas de l’APA, par exemple, évoquée tout à l’heure et qui représente un gros poste de dépenses pour nos départements, il faudra avoir le courage et l’honnêteté de demander à ceux qui reçoivent une aide d’apporter, en retour, une contribution. C’est aussi cela, la solidarité nationale.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Roland du Luart.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Russie
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le plaisir et l’honneur de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d’une délégation du Conseil de la Fédération de Russie, conduite par la présidente du groupe d’amitié, Mme Ludmila Narusova. (M. le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire ainsi que Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
Cette délégation est reçue en France par le groupe d’amitié France-Russie, présidé par notre collègue Patrice Gélard.
Comme vous le savez, l’année 2010 est placée en France sous le signe de la Russie, avec de fréquentes visites officielles et de nombreuses manifestations culturelles, en France et en Russie.
Grâce au groupe d’amitié, le Sénat, qui entretient d’étroites relations avec le Conseil de la Fédération de Russie, prend ainsi toute sa part dans la célébration de l’amitié franco-russe.
Je formule donc le vœu que cette visite contribue au renforcement des relations d’amitié et de coopération qui lient la France et la Russie. (Applaudissements.)
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Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Paul Alduy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier chaleureusement le Sénat d’avoir autorisé Reporters sans frontières à investir les grilles du Luxembourg pour amplifier le mouvement de solidarité en faveur des deux journalistes de France 3 Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière, qui sont depuis maintenant 182 jours pris en otage en Afghanistan.
Je souhaitais simplement faire ce rappel. J’invite chaque collègue à signer la pétition et à mobiliser les communes et les départements. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)
M. le président. Je vous donne acte de votre déclaration, mon cher collègue.
Je précise que la présidence du Sénat a donné son accord à l’accrochage de deux bâches sur les grilles du jardin du Luxembourg dans le cadre d’une manifestation organisée aujourd’hui mardi 29 juin 2010 de dix heures à dix-huit heures, aux abords de la porte Royer-Collard, face au 71-73 boulevard Saint-Michel, entre la station RER Luxembourg et le bâtiment de l’École des mines, en soutien aux deux journalistes de France 3, Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, retenus en otage en Afghanistan depuis le 29 décembre 2009.
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour un rappel au règlement.
M. Nicolas About. Je voudrais rappeler l’engagement qui avait été pris de ne plus tenir de réunions de commission pendant que nous siégeons en séance publique.
M. Jean-Pierre Sueur. Il y en a cinq !
M. Nicolas About. Alors que nous débattons de cette réforme, présentée comme majeure, car elle touche les collectivités territoriales – et Dieu sait que le Sénat leur est attaché ! –, cinq commissions sont réunies.
M. Roland Povinelli. Très bien !
M. Nicolas About. On peut donc expliquer un peu l’absentéisme en séance publique… (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. C’est le triomphe du bon sens, monsieur About !
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Réforme des collectivités territoriales
Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, de réforme des collectivités territoriales (projet de loi n° 527, texte de la commission n° 560, rapports nos 559, 573, 574 et 552).
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais m’associer – une fois n’est pas coutume ! – à mes deux collègues qui viennent de s’exprimer. Je veux, d’abord, soutenir à mon tour nos deux concitoyens journalistes détenus en Afghanistan depuis hélas ! trop longtemps. Je ne suis, fort heureusement, pas la seule à porter ce bracelet. (L’orateur montre le bracelet qu’elle porte au poignet.) Nous espérons que beaucoup vont s’associer à cette action.
Je veux dire, ensuite, que quand le Sénat discute des collectivités territoriales, tout le monde devrait être dans l’hémicycle.
J’en reviens à l’ordre du jour. Le Président de la République veut sa réforme des collectivités locales, et le Gouvernement comme la majorité font tout pour essayer de la faire passer par tous les moyens.
À vrai dire, cette réforme ne correspondait à aucune demande. Elle a suscité, dès le départ, beaucoup de critiques de la part des élus, y compris dans la majorité.
Ladite majorité a voulu faire campagne au moment des élections régionales sur le thème de cette prétendue simplification de l’organisation territoriale qu’elle entendait faire approuver par nos concitoyens. Non seulement elle n’en a pas eu le loisir mais, en plus, elle a perdu les élections ! En fait, nos concitoyens n’ont pas été consultés. Ils en sont pour leur frais. Les collectivités sont financièrement étranglées, ce qu’ils devront supporter.
Quant à la simplification, nous sommes passés de quatre échelons – commune, intercommunalité dans sa diversité, ce qui fait des échelons différents, département et région – à dix : commune, commune nouvelle, intercommunalité avec ses différents développements, ancien canton – les chefs-lieux, qu’il faut garder –, territoire, département, métropole, pôle métropolitain, région, collectivité « sans nom », avec la fusion départements-région et les interrégions à venir. Autrement dit, nous sommes passés du millefeuille qui avait du goût à un pudding indigeste !
Oui, le débat démocratique est nécessaire. Or il n’a pas encore vraiment commencé avec nos concitoyens.
Notre assemblée, tout en validant la réforme en première lecture, était cependant revenue peu ou prou sur la mise en cause de l’autonomie des collectivités pour tenir compte du profond mécontentement des élus locaux à l’égard du projet de loi initial, tant sur la forme que sur le fond.
Ainsi, elle avait accepté la consultation des citoyens pour les fusions de communes. Hélas, l’Assemblée nationale l’a supprimée ! Elle avait encore tempéré la décision du préfet en renforçant les règles de majorité qualifiée pour l’intercommunalité.
Toujours en première lecture, si la majorité du Sénat était favorable à la création des conseillers territoriaux, leur mode de scrutin n’était pas officiellement en discussion, puisqu’il devait résulter d’une loi ultérieure. Mais la majorité avait néanmoins émis un avis favorable à une dose de proportionnelle et au respect, certes limité, de la parité.
Il va sans dire que le coup de force du Gouvernement suivi par la majorité à l’Assemblée nationale, consistant à inclure d’ores et déjà le mode de scrutin dans le texte, était doublement inacceptable.
Inacceptable sur le fond, puisque ce qui a finalement été retenu après des tergiversations est le scrutin uninominal à deux tours dans des cantons élargis. Il renforce encore le bipartisme et le recul du pluralisme. Ensuite, il sonne le glas de la parité, présente au moins, et après de longs combats, dans les assemblées régionales, grâce à la proportionnelle. Comme le disait la délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes, triste dixième anniversaire de la loi sur la parité qui impose de tout faire pour rendre cette dernière effective ! On en est loin !
Inacceptable sur la forme, puisque, l’article 24 de la Constitution prévoyant que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales, le mode de scrutin aurait dû lui être soumis en priorité. Après qu’une majorité à la commission des lois a, la semaine dernière, voté contre l’inclusion dans la loi du mode de scrutin, le président de la commission des lois lui-même ayant semblé chagrin que le Sénat n’ait pas été consulté, elle a hier finalement donné son accord à un second coup de force du Gouvernement !
Traitant du mode de scrutin, le texte issu de l’Assemblée nationale inclut un tableau de répartition des conseillers territoriaux. Or celui-ci pose « un problème de taille », ce que disait notre rapporteur. Il paraît, en effet, peu conciliable avec le principe constitutionnel de l’égalité devant le suffrage.
De ce point de vue, les modifications proposées par notre rapporteur, ou par d’autres, comme les marchandages – sûrement d’opportunité – qui interviendront sans doute encore n’y changeront rien.
Ce qui est contestable dans ce tableau, c’est que la représentation des citoyens y est très inégale sur l’ensemble du territoire et, qui plus est, à l’intérieur d’une même région. Cela pose un problème sérieux quant à la représentativité de ce qui sera encore – pour combien de temps ? – le conseil régional. En Poitou-Charentes, par exemple, un conseiller sera élu par 15 000 habitants environ. En Île-de-France, un conseiller sera désigné par 38 000 habitants.
Dans le département du Rhône, qui compte 1,7 million d’habitants, il y aura 69 conseillers territoriaux. Dans la Seine-Saint-Denis et les Hauts-de-Seine, pour 1,5 million d’habitants, on dénombrera respectivement 39 et 41 conseillers. D’ailleurs, pourquoi les Hauts-de-Seine auront-ils deux conseillers de plus ?
Au sein d’une même région, les différences entre départements ruraux et ceux qui sont plus urbains sont exorbitantes. D’autres ici feront valoir mieux que moi cette distorsion difficilement acceptable en démocratie concernant le futur conseil régional.
Vous le savez, nous sommes totalement opposés à la création des conseillers territoriaux, sorte de monstres bicéphales, cumulant mandats et compétences et annonçant la fin des départements.
Ils seront plus éloignés des citoyens que les élus actuels et, avec les pouvoirs dévolus aux commissions permanentes, on assistera au triomphe de la technocratie, pour un coût supérieur à celui que l’on connaît aujourd’hui.
Il est grave que le Gouvernement ne veuille pas tenir compte des critiques nombreuses et convergentes sur ce nouvel élu.
Je note une autre contradiction : le Gouvernement se précipite pour inscrire dans la loi leur mode d’élection, mais renvoie à plus tard celui des conseillers communautaires.
Vous avez, semble-t-il, renoncé à proposer un texte ultérieur sur la répartition des compétences. L’article 35, issu de l’Assemblée nationale maintient la fin de la clause de compétence générale, mais introduit des compétences partagées dans trois domaines.
Ce qui est préoccupant, c’est que l’État, dans les faits, se désengage, de plus, de ses obligations – il n’en est d’ailleurs nulle part question dans ce texte. Les finances locales sont totalement contraintes. La capacité des collectivités à intervenir dans les domaines que vous souhaitez partager, ou que vous consentez à partager, est donc de plus en plus mise en cause. Pis : les collectivités deviennent responsables des choix de l’État en matière de finances publiques.
C’est, il faut le dire, cohérent avec votre objectif de supprimer 34 000 postes de fonctionnaires par an jusqu’en 2013, comme le secrétaire général de l’Élysée l’a annoncé – c’est un comble – dans un journal anglais !
C’est cohérent avec la RGPP, la réforme de l’État et votre politique d’austérité : austérité pour les collectivités locales et austérité donc, encore, pour nos concitoyens, mais je ne m’attarde pas sur les moyens des collectivités puisque mon collègue Jean-François Voguet y reviendra dans quelques instants.
Très présente dans le texte, l’intercommunalité, de « coopérative et volontaire », devient, comme le souligne l’Association des maires ruraux de France, « contrainte, antichambre de la disparition des communes », évolution que nous dénonçons depuis le début du débat malgré les artifices déployés pour faire croire au maintien de celles-ci.
Pour nous, l’intercommunalité et l’interterritorialité ne sauraient exister que sur la base d’une volonté commune, avec la possibilité d’avoir une collectivité pilote ou chef de file, en lien avec le principe de subsidiarité, mais mis en œuvre de manière ascendante !
Restructurer le territoire de façon autoritaire, c’est nier les principes élémentaires de la démocratie.
Certes, le Gouvernement a une vision de l’organisation du territoire : quelques grands pôles de compétitivité drainant l’argent public et engendrant une forte rentabilité du capital privé, le reste du pays étant de plus en plus dépourvu de moyens…
Cette vision s’oppose à un développement harmonieux du territoire. Elle renforcera les inégalités et la désertification de zones importantes. Ce n’est pas ce qu’attendent les citoyens.
Ces derniers devraient pour le moins pouvoir décider eux-mêmes, mais ils sont, hélas ! les grands absents du projet de loi.
Vous l’avez bien compris, nous refusons cette reprise en mains par l’État, opérée notamment par le biais des pouvoirs accrus accordés aux préfets.
Nous refusons la diminution du nombre d’élus, qui les éloignera des citoyens.
Nous refusons l’embrouillamini des nouvelles structures, incompréhensibles pour les gens et qui, en tout état de cause, sonneront le glas des communes et des départements, échelons proches et compréhensibles.
Tout cela n’a rien à voir avec l’intercommunalité choisie.
Les sénateurs ont accepté en première lecture nos amendements prévoyant la consultation des comités techniques permanents et le maintien des acquis des agents territoriaux. C’était bien le moins que notre assemblée pouvait faire à leur égard.
Cependant, cela ne change rien au fait que la diminution accélérée des dépenses publiques et la réduction de leurs moyens à laquelle les collectivités sont acculées, avec en ligne de mire des transferts aux grands groupes privés, amèneront une dégradation des services publics locaux et du statut des agents publics.
Mes chers collègues, le débat n’est pas fini, loin s’en faut, si l’on en juge par le nombre d’amendements déposés sur le texte, mais aussi par les résistances très fortes, dont on ne peut que se réjouir, à cette réforme des collectivités locales.
Nous nous inscrivons dans ce débat en opposant une démarche à celle du Gouvernement : la démocratie pour les citoyens, la libre administration des collectivités locales, la réponse aux besoins des habitants, et donc la défense des services publics et de leurs agents.
Monsieur le ministre, vous disiez hier que c’était là le débat démocratique, mais le droit au débat démocratique n’est pas octroyé ! Il a été conquis de haute lutte, dans la rue et dans les urnes, par nos prédécesseurs et il concerne d’abord les citoyens. Il faudrait donc que ceux-ci soient consultés et puissent donner leur avis éclairé sur ce type de réforme.
Mon groupe espère que la raison l’emportera. Pour sa part, il votera contre une réforme dangereuse pour l’avenir de nos collectivités et, par conséquent, de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG ainsi que sur de nombreuses travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi d’abord d’excuser l’absence du président de mon groupe, M. Gérard Longuet, retenu par un empêchement de dernière minute.
À l’issue de sa deuxième lecture devant notre assemblée, l’UMP votera le projet de loi de réforme des collectivités territoriales. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Quelle surprise ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. David Assouline. Enfin une surprise au Sénat ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)