M. Bernard Vera. Très bien !
M. Serge Dassault. Je vous demande donc de rejeter un tel projet…
M. Alain Fauconnier. Très bien !
M. Serge Dassault. … et de préserver pour les chambres de commerce et d’industrie de l’Essonne et de la Seine-et-Marne leur personnalité juridique et leur liberté d’action.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, de votre attention et – je l’espère en tout cas – de votre soutien. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste. – M. Bernard Vera applaudit également.)
M. Daniel Raoul. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le nombre d’orateurs qui se sont exprimés dans cette discussion générale montre bien que ce texte a suscité beaucoup d’intérêt et qu’il procède à des réformes significatives.
Avant de répondre à l’ensemble des intervenants, je voudrais de nouveau féliciter la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ainsi que son rapporteur pour les améliorations apportées à ce texte.
Concernant les chambres de commerce et d’industrie, je pense en particulier aux amendements prévoyant un vote du budget de l’échelon régional à la majorité simple, ce qui permettra d’éviter le risque de paralysie dans le processus de décision. Je pense aussi aux précisions particulièrement utiles concernant les délégations permanentes en faveur des chambres de commerce et d’industrie territoriales en matière de recrutement.
Vous avez également eu raison, monsieur le rapporteur, de souligner que le régime des directeurs généraux des chambres de commerce et d’industrie relève du pouvoir réglementaire et ne doit donc pas être fixé par la loi.
S’agissant de l’historique de la réforme, Gérard Cornu a rappelé que les fusions entre chambres de commerce et d’industrie n’ont pas eu lieu aussi vite que les pouvoirs publics l’attendaient après la réforme de 2005. Voilà quelques semaines, une accélération liée au texte en discussion a été observée, mais il y avait encore plus de 150 chambres de commerce et d’industrie en France après la réforme introduite par la loi de 2005, dont vous avez, monsieur Cornu, été le rapporteur. Votre constat d’une réforme imparfaite est d’ailleurs partagé par Jean-François Mayet. Cela justifie la réforme dont nous discutons aujourd’hui.
Je tiens néanmoins à ce que l’effort des chambres – qui a été rappelé, notamment par M. Saugey – ne soit pas complètement passé sous silence. Depuis 2005, ce ne sont pas moins de 44 chambres qui ont décidé de fusionner en 18 nouvelles chambres, et 4 chambres sont appelées à fusionner dans les mois qui viennent.
Ce mouvement de rationalisation doit se poursuivre. Je rejoins sur ce point le constat de Mme Khiari et j’ai la faiblesse de croire que le mouvement de regroupement va véritablement s’accélérer grâce à la réforme qui vous est proposée.
Vous comprendrez que le Gouvernement ne souhaite pas aller à l’encontre des principaux choix du réseau. Je tiens donc à tous vous rassurer sur les conséquences de cette réforme, en particulier Mmes Terrade et Khiari.
Les changements de structure introduits par la future loi n’auront pas d’incidence négative sur les services qui seront effectués par les chambres territoriales au profit des entreprises.
M. François Marc. Ce n’est pas possible !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Les chambres territoriales sont et resteront leurs interlocuteurs de proximité. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. François Marc s’exclame également.)
Mesdames Khiari et Terrade, vous mettez en avant les inquiétudes – légitimes en de telles circonstances, quand on réforme – des responsables des chambres. Je vous rappelle que l’échelon territorial conservera la personnalité morale, et donc une autonomie propre.
M. Claude Bérit-Débat. Sans moyens !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. En effet, il conservera ses ressources propres, qui représentent actuellement 70 % de l’ensemble des ressources des chambres. Voilà la réalité ! Lorsqu’on dit que les chambres territoriales vont disparaître, on ne dit pas la vérité, puisqu’elles conserveront 70 % de leurs ressources et leur personnalité propre. J’aurai l’occasion de revenir sur le cas spécifique de l’Île-de-France.
M. Claude Bérit-Débat. Mise sous tutelle !
M. Claude Bérit-Débat. Mais justes !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. La réponse apportée au travers de ce texte nourrirait la « centralisation régionale » et serait un « jeu de dupes ». Bien évidemment, l’échelon pertinent de l’action en faveur des territoires est celui du bassin d’activités économiques – cela n’a échappé à personne, pas même à celui qui vous parle et qui en a, lui aussi, l’expérience –, mais la rationalisation des moyens n’empêche pas une mutualisation des services au niveau régional.
Il faut savoir être pragmatique : il appartient à chaque ensemble régional de trouver le bon équilibre entre la mutualisation régionale et les prestations de proximité. Il faut faire confiance. (M. Claude Bérit-Débat opine.) J’ai parfois le sentiment que l’on ne fait pas suffisamment confiance aux acteurs locaux. Je fais confiance aussi aux élus des entreprises pour retenir les formules les plus pertinentes à leur niveau.
Je voudrais remercier M. Fourcade, qui a rappelé l’enjeu de modernisation porté par ce texte et l’équilibre trouvé entre échelon régional et échelon territorial. Il a, à juste titre, souligné la qualité de l’intervention de la CCIP en Île-de-France, singulièrement dans les Hauts-de Seine.
J’ai particulièrement apprécié l’intervention de M. About et je me suis retrouvé dans ses propos lorsqu’il a signalé la nécessité de renforcer le niveau régional. C’est bien à ce niveau que doivent être en priorité organisés les soutiens et les politiques d’appui aux entreprises, et ce à toutes les étapes de leur existence, mais sans priver les chambres territoriales de leur mission quotidienne aux côtés des entreprises.
J’ai eu du mal à distinguer dans la critique de M. Masson le rapport avec le texte lui-même,…
M. Gérard Cornu, rapporteur. Il n’est plus là !
M. Christian Cambon. Il est parti !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. … son intervention m’ayant tout de même paru très éloignée du sujet qui nous préoccupe.
J’ai pris note de sa position sans concession à l’égard de ce projet de loi. Je voudrais lui rappeler, avec autant de force,…
M. Gérard Longuet. Ce n’est pas nécessaire.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. … que le Gouvernement a maintenu l’organisation spécifique des chambres de métiers en Moselle et en Alsace. Le projet de loi préserve pleinement les spécificités de la Moselle – qu’il soit rassuré – et de la loi de 1924.
Pour ce qui est des ressources fiscales des chambres, je partage la volonté du rapporteur pour avis, M. Éric Doligé, de fonder sur des objectifs et des critères de performance l’utilisation des ressources de nature fiscale, et de développer l’emploi d’une comptabilité analytique, qui nous sera bien utile.
Celle-ci permettra de vérifier que les fonds publics servent exclusivement à financer des activités de service public car d’intérêt général, et que des activités intervenant dans un domaine concurrentiel sont exclues d’un tel financement ; c’est très important. À cet égard, vous avez répondu, monsieur le rapporteur pour avis, par vos amendements, aux craintes de Mme Khiari, qui, sur ce texte, a exprimé beaucoup plus de craintes que d’habitude, ce que je déplore un peu. Il faut faire confiance aux acteurs du terrain, madame Khiari, et au pragmatisme du ministre, dont celui-ci ne s’est pas départi.
Il me semble important de revenir sur l’apport très judicieux de M. Éric Doligé au dispositif de financement des chambres de commerce et d’industrie. Afin d’assurer la meilleure mutualisation possible – je pense à la fois au back office et aux services que des chambres territoriales ne pourraient assurer aussi efficacement seules –, le projet de loi prévoit que les ressources fiscales soient affectées au niveau régional. C’est la clé de cette réforme ; c’est aussi un des points sur lesquels nous avons des divergences avec Bernard Saugey, qui préconise de laisser l’essentiel de la ressource fiscale au niveau local.
Permettez-moi d’attirer votre attention sur un chiffre, qu’il faut que vous connaissiez. D’après nos calculs, d’ores et déjà, en l’état actuel du texte, tel qu’il pourrait être adopté, environ 90 % des ressources seront gérées au niveau local (M. François Marc s’exclame.), après répartition des ressources fiscales par les CCIR à chaque chambre territoriale.
M. François Marc. Il faudra le prouver ! On a du mal à vous croire !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Ces 90 % résultent de l’addition des ressources propres des chambres de commerce et d’industrie territoriales avec la répartition des ressources fiscales qui redescendra du niveau régional au niveau territorial.
J’en viens aux ressources humaines, question que Bernard Saugey a, à juste titre, longuement évoquée.
Afin que la gestion des ressources humaines soit menée efficacement, il convient que les chambres régionales soient les employeurs des agents de droit public. En tant qu’employeurs, ce sont donc les CCI de région qui verseront le salaire des 25 000 agents de droit public, dont parlait Éric Doligé, ce qui représente environ 40 % du budget global des chambres. Je le dis à M. Raoul, les choses sont claires : c’est la chambre régionale qui assurera la paie des agents.
Avec l’avis favorable du Gouvernement, la commission de l’économie a permis une délégation permanente des ressources humaines au niveau territorial. Ce compromis permet de tenir compte des préoccupations exprimées tant par M. Saugey que par M. Fouché.
En tout état de cause, si l’on veut assurer la bonne cohérence de la gestion des ressources humaines, il serait incohérent que ce soit l’échelon territorial qui verse les salaires. Les chambres territoriales devront reverser aux chambres régionales le montant correspondant aux salaires des agents de droit public mis à disposition. C’est un mouvement comptable et naturel.
J’aborderai maintenant le dialogue social.
Madame Terrade, vous m’avez interrogé sur les personnels. La modernisation des chambres ne passe pas nécessairement par des changements considérables en ce qui concerne l’organisation du dialogue social, le cadre existant construit autour de la loi de 1952 et la commission paritaire nationale du réseau des CCI me semble pertinent. Je partage néanmoins votre analyse sur la question de la représentativité, qui, comme je l’ai indiqué aussi à l’Assemblée nationale, doit évoluer ; c’est indispensable. (Mme Odette Terrade s’exclame.) J’ai d'ailleurs reçu personnellement toutes les organisations syndicales, le 31 mai dernier.
De cette concertation, j’ai acquis la conviction qu’il est souhaitable de procéder à un ajustement en s’inspirant de la loi de 2008, qui a modifié le code du travail en modernisant les critères de représentativité. Le Gouvernement sera favorable à l’amendement déposé en ce sens par votre rapporteur, ainsi qu’à la création, dans les meilleurs délais, des commissions paritaires régionales, une fois le transfert des personnels de droit public des CCIT intervenu au profit des CCIR.
J’en viens à la transposition de la directive Services. Le rappel de M. About sur les exigences de cette transposition me semble le bienvenu. Il est vrai que la France n’a pas encore, malgré des efforts soutenus dans de nombreux secteurs d’activité, apporté une réponse complète à l’exigence de transposition de la directive relative aux services. Nous avons désormais l’obligation d’aboutir très rapidement pour les activités dont traite le titre II du projet de loi. À défaut, la France sera, encore une fois, condamnée pour manquement à des astreintes financières importantes. Je ne doute pas que l’on fera preuve de responsabilité sur ce délicat sujet.
Comme vous l’avez relevé, madame Khiari, d’autres pays de l’Union européenne ont transposé la directive Services en adoptant une loi-cadre. Pour notre part, et conformément à notre tradition juridique, plutôt que de recopier les termes de la directive dans une loi-cadre, nous avons choisi d’adopter des dispositions sectorielles permettant d’assurer une meilleure visibilité des mesures prises.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je rappelle qu’aucune mesure de transposition n’a été adoptée sans être explicitement fléchée dans les textes qui vous ont été soumis. Le Gouvernement a veillé à ce que le Parlement tienne toute la place qui lui revient, sans qu’il soit fait recours à des ordonnances, conformément au respect des prérogatives des assemblées en matière de transposition des directives européennes.
Par ailleurs, la France a rendu public à la fin du mois de janvier un rapport présentant la synthèse des travaux de transposition de la directive et rappelant les textes qui restent à adopter tant par l’Assemblée nationale que par le Sénat. Cet effort de transparence, essentiel pour éclairer les travaux en cours, n’a pas été suivi par de nombreux États membres.
J’évoquerai à présent les marchés d’intérêt national, les MIN.
Concernant la suppression du périmètre de référence des marchés d’intérêt national, évoqué notamment par M. Cambon et Mme Khiari, le Gouvernement y est opposé. Je l’avais déjà dit à l'Assemblée nationale.
En revanche, le Gouvernement est favorable à un assouplissement de la réglementation des marchés d’intérêt national, et c’est d’ailleurs dans ce sens qu’allait le texte initial, qui assouplissait les procédures d’autorisation en cohérence avec la directive Services. Je tiens à rappeler que la proposition initiale du Gouvernement répondait aux exigences de cette directive.
Je pense qu’il est préférable de maintenir un périmètre de protection. C'est pourquoi le Gouvernement s’est montré favorable aux amendements, déposés à l’Assemblée nationale, prévoyant un seuil de 1 000 mètres carrés pour les produits vendus dans le MIN.
Il ne semble pas raisonnable d’aller au-delà et de supprimer toute forme de contrôle des opérateurs situés à proximité des MIN. D’ailleurs, une telle suppression serait assez contradictoire avec les principes d’urbanisme commercial,…
M. Christian Cambon. Tout à fait !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. … dans la mesure où les petites surfaces commerciales seraient réglementées à partir de 1 000 mètres carrés – y compris à l’issue de la proposition de loi en cours de discussion à l’Assemblée nationale –, alors que des grossistes de taille importante ne seraient plus soumis à autorisation. Il faut maintenir une cohérence entre les diverses formes d’implantation commerciale et les différents textes en cours de discussion.
En ce qui concerne les missions des experts-comptables, je souhaite vous rassurer, monsieur Fortassin, si tant est que vous soyez inquiet. En effet, vous ne semblez pas être d’un naturel inquiet. (M. François Fortassin sourit.)
Il me semble important de revenir sur les dispositions permettant de formaliser en droit ce qui est aujourd’hui une pratique répandue des experts-comptables : l’assistance des personnes physiques pour des démarches à finalité administrative, fiscale et sociale. Cela répond à une réelle demande. Je précise que ce point a fait l’objet d’un accord national entre l’ordre des experts-comptables et le Conseil national des barreaux. C'est la raison pour laquelle le rapporteur a souhaité transcrire dans le texte cet accord national qui date de quelques jours.
Ces dispositions permettront un gain de temps pour le client ainsi qu’une meilleure sécurité juridique, grâce au travail d’expertise comptable.
Je voudrais maintenant répondre à M. Raoul, qui a qualifié ce projet de loi d’« immature ». Je rappelle que la gestation de ce texte a duré plus de deux ans. Ce projet de loi, même si la discussion a été vive et qu’il subsiste des divergences, a fait l’objet d’une concertation, d’abord dans les réseaux, puis à l’Assemblée nationale et maintenant au Sénat. On peut donc difficilement le qualifier d’immature. (M. Claude Bérit-Débat s’exclame.)
Par ailleurs, M. Raoul a estimé qu’il y avait une perte d’autonomie financière. J’ai rectifié les chiffres et indiqué que la ressource sera à hauteur de 90 % dans les chambres de commerce et d’industrie territoriales. Il n’y a donc pas de perte d’autonomie financière.
Enfin, M. Raoul se faisait le défenseur de la créativité locale, dont il craignait qu’elle ne disparaisse. Je voudrais lui indiquer que cette créativité est tout à fait permise par le texte. Je le renvoie à l’article 3, alinéa 7, qui consacre le droit à l’expérimentation.
Je voudrais indiquer à M. Cambon, au-delà de ce que j’ai déjà dit sur les MIN, que nous aurons l’occasion de débattre sur le cas spécifique de l’Île-de-France dans quelques temps. Je voudrais le remercier du soutien qu’il apporte aux objectifs de la réforme.
Je ne suis pas étonné que Serge Dassault défende avec opiniâtreté les intérêts économiques de l’Essonne. J’ai été sensible à vos propos, monsieur le sénateur. Nous aurons l’occasion de discuter de cette question dans la suite du débat.
Pour conclure, je citerai une réplique bien connue du film Le Guépard de Visconti : « Il faut que tout change pour que rien ne bouge ». Mesdames, messieurs les sénateurs, ne nous servons pas de cette sentence comme d’un alibi pour en rester au statu quo. Allons résolument vers cette réforme, qui est d’intérêt national ! Nous ne la regretterons pas, pas plus que les chefs d’entreprise et les élus consulaires. (Applaudissements sur la plupart des travées de l’UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mme David, M. Billout, Mme Terrade, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n° 126.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services (n° 508, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Michel Billout, auteur de la motion.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme mon amie et collègue Odette Terrade la rappelé lors de la discussion générale, ce projet de loi est une nouvelle illustration de la volonté idéologique constante du Gouvernement de libéraliser l’ensemble des activités humaines et de réduire à sa plus faible expression l’intervention publique.
Pour y parvenir, le Gouvernement use d’une application mécanique de la RGPP, renforcée localement par les contraintes liées à la réforme des collectivités territoriales, la suppression de la taxe professionnelle et le gel annoncé des dotations de l’État.
Monsieur le secrétaire d'État, avec ce projet de loi, nous sommes donc au cœur même des politiques d’austérité que vous expérimentez depuis maintenant plusieurs années et que vous voulez aujourd'hui considérablement aggraver.
Je suis pourtant surpris que vous vous engagiez dans la réforme du réseau consulaire en reprenant les principes qui ont prévalu lors de la refonte de la carte judiciaire, alors que celle-ci s’est avérée inefficace en termes de service rendu.
Mais nous savons bien que le service public n’est plus votre préoccupation. Seul compte le respect des critères de Maastricht et le fameux plafonnement à 3 % du PIB de la dette publique.
Pour réduire cette dette, vous privilégiez les économies qui seront supportées par le plus grand nombre, aggravant encore la situation des plus fragiles : réduction drastique du nombre de fonctionnaires – enseignants, personnels de santé, gendarmes –, nouvelle attaque contre notre système solidaire de retraite, etc.
Tout y passe, à l’exception, bien entendu, d’une réelle contribution des plus grandes fortunes et des revenus de la spéculation financière. Vous avez d’ailleurs encore récemment refusé de supprimer le bouclier fiscal ou de revenir sur l’aménagement de l’ISF.
Nous le voyons bien, la politique menée par le Gouvernement correspond non pas à la recherche de l’intérêt général, mais bien à la satisfaction d’intérêts très particuliers.
En cohérence avec vos politiques libérales, vous cherchez une nouvelle fois à faire des économies au détriment du service public et de l’aménagement des territoires, en privant d’assise territoriale forte les chambres de commerce et d’industrie. De manière connexe, cela permettra une nouvelle fois d’abaisser les charges des entreprises. C’est donc, selon vos critères, une excellente réforme que vous nous proposez d’adopter.
Alors que, comme cela a été rappelé au cours de la discussion générale par tous les intervenants, les chambres de commerce et d’industrie ont un rôle très important à jouer dans les territoires, pour porter un effort particulier en faveur du développement économique local et de la formation professionnelle, vous faites le choix de l’éloignement des territoires. Vous niez par là même tout principe de proximité, pourtant gage d’efficacité.
Il y a cependant un danger majeur à aller vers des concentrations autour de pôles de compétitivité, sans jamais se donner les moyens de concevoir une politique d’aménagement au service de l’ensemble du territoire par un maillage fin des services publics.
Ainsi, les restructurations et les regroupements de CCI qui sont sous-tendus par votre projet, et dont le cas de l’Île-de-France est une bonne illustration, ne feront que priver les territoires de relais et d’intervention publique dans le domaine économique, et ce sans compter la mise en œuvre, à terme, d’un plan de licenciements massifs des salariés des CCI, sous couvert de rationalisation. Les questions qui ont été posées sur l’emploi et le déroulement de carrière de ces salariés n’ont trouvé aucune réponse en commission de l’économie.
Cette précipitation a conduit la commission des finances à émettre un avis particulièrement critique sur ce texte, notamment sur le montage financier instauré en raison de la régionalisation du réseau. Les membres de cette commission ont même estimé que la partie du texte relative aux CCI ne devait pas être discutée en l’état dans l’hémicycle. Mes chers collègues, cette situation est tellement rare qu’elle devrait attirer votre attention et justifier à elle seule l’adoption de notre motion.
Par ailleurs, comme je le précisais dans mon introduction, ce projet de loi se situe dans le cadre de la réforme des collectivités locales, dont l’un des objectifs est de recentraliser notre organisation territoriale.
Il doit également permettre de répondre à la prescription n° 297 du rapport de Jacques Attali visant à « réduire de 175 à une cinquantaine le nombre de chambres de commerce et d’industrie », au motif que « l’efficacité et la nécessité de ces chambres, dans leurs formes actuelles, et avec leurs missions actuelles, ne sont plus établies […] sur le territoire ».
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez donc choisi, pour respecter cette prescription, de régionaliser le système consulaire, mettant sous tutelle financière et stratégique les chambres de commerce et d’industrie départementales. L’échelon départemental est systématiquement dévitalisé, conformément à votre volonté de voir à terme cet échelon démocratique supprimé.
Pourtant, nous estimons qu’il n’est pas bon de préjuger d’une future réforme des collectivités territoriales qui n’est pas encore adoptée et qui, nous le savons, soulève de nombreuses interrogations et contestations, toutes tendances politiques confondues.
Je souhaiterais maintenant aborder le titre II de ce projet de loi, qui vise à libéraliser un ensemble de professions réglementées au nom de la directive Services et, donc, de la libre concurrence.
Ainsi, le projet de loi comporte des dispositions sur le métier d’agent d’artiste, dont l’exercice nécessite aujourd’hui la possession d’une licence. Afin de faciliter l’accès à cette profession, il est proposé de remplacer cette licence par une simple obligation d’inscription sur un registre national. Les incompatibilités d’exercice de cette profession seront également réduites à l’activité de producteur d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles.
Vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, plusieurs dispositions portent sur les experts-comptables. Il est notamment proposé d’assouplir les règles de détention du capital et des droits de vote des sociétés d’experts-comptables.
M. Michel Billout. Il est également proposé de permettre aux experts-comptables d’exercer une activité commerciale à titre accessoire, d’accepter un mandat social dans une société, un groupement ou une association, de conseiller ou assister les entrepreneurs relevant du régime des micro-entreprises pour les aider à se développer.
Je ne peux également passer sous silence votre volonté de libéraliser totalement l’activité de placement des travailleurs à la suite de la loi de 2005 qui a mis fin au monopole de l’ANPE en ce domaine.
Nous avons bien compris l’objectif de ces mesures. Il s’agit de faciliter l’exercice de professions réglementées du commerce et des services.
M. Michel Billout. Nous pourrions en discuter. Cependant, il faut bien voir que, dans votre esprit, faciliter l’exercice revient à libéraliser totalement certains secteurs, indépendamment de toute considération d’intérêt général.
Il en est par exemple ainsi pour les marchés d’intérêt national. L’article 11 du texte considère que les MIN sont des services publics de gestion de marchés, répondant à des considérations d’intérêt général liées à l’aménagement du territoire, à l’amélioration de la qualité environnementale et à la sécurité alimentaire. Le choix a pourtant été fait, certes par les députés de la majorité, mais dans l’esprit général de ce projet de loi, de supprimer tout périmètre de référence, remettant ainsi directement en cause l’existence des MIN.
Ce choix a été dénoncé dans la discussion générale par nombre de nos collègues, et sur toutes les travées.
Pour notre part, nous considérons que reconnaître la qualité de service public à ces marchés est incompatible avec l’idée de développement d’une concurrence sauvage. Celle-ci ne permettra pas de garantir l’accomplissement des missions de service public, puisque les nouveaux entrants n’auront pas les mêmes contraintes que les grossistes actuels des MIN.
De fait, le projet de loi transpose, une nouvelle fois, la directive Services dans plusieurs secteurs d’activités. En effet, depuis plusieurs années, des textes législatifs transposent par bribes des dispositions de cette directive.