compte rendu intégral
Présidence de M. Bernard Frimat
vice-président
Secrétaires :
M. Alain Dufaut,
M. Jean-Noël Guérini.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Réseaux consulaires
Discussion d'un projet de loi
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services (projet n° 427, texte de la commission n° 508, rapport n° 507 et avis n° 494).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’économie, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services que j’ai l’honneur de vous présenter porte l’une des réformes les plus importantes des chambres consulaires depuis leur création.
Si d’aucuns doutaient de l’importance des enjeux, la vitalité, la virilité des échanges, à l’Assemblée nationale comme ici, au Sénat, sont sans doute la meilleure façon de lever leurs doutes.
Les chambres consulaires, qu’il s’agisse des chambres de métiers et de l’artisanat ou des chambres de commerce et d’industrie, sont des acteurs fondamentaux du maillage territorial et du développement économique de nos entreprises. Tous ceux qui siègent ou ont siégé au Parlement, tous les élus locaux ayant eu très concrètement l’occasion d’apprécier le travail et l’implication de ces instances dans la vie économique locale savent l’importance qu’elles revêtent pour nos territoires.
C’est parce que le Gouvernement partage pleinement une telle appréciation qu’il est déterminé à mener à bien cette réforme des chambres consulaires.
Par ailleurs, il n’est pas inutile de rappeler une évidence. Si cette réforme vise les réseaux consulaires, elle concerne aussi au premier chef des acteurs plus importants encore – on a parfois tendance à l’oublier –, à savoir les entreprises. Alors que le Gouvernement concentre ses efforts sur la création, le développement et l’accompagnement des entreprises, qu’y a-t-il de plus cohérent que de vouloir renforcer l’efficacité des chambres, qui sont les premiers relais de ces actions ?
En élaborant ce projet de loi, le Gouvernement a constamment gardé à l’esprit les entreprises, leurs intérêts et le service qui doit leur être apporté. C’est d’ailleurs cette préoccupation qui devra nous guider. À chaque fois que nous serons tentés de modifier le texte, à chaque nouveau débat que nous amorcerons, nous devrons vérifier si nos choix répondent véritablement aux intérêts des entreprises, c’est-à-dire de la croissance et de l’emploi.
Je veux rappeler maintenant une vérité parfois oubliée. La réforme dont nous débattons aujourd’hui a une particularité : elle a été très largement conçue, portée et même promue par les acteurs concernés. Bien entendu, le texte du Gouvernement ne prétend pas satisfaire toutes les demandes et tous les points de vue, ce qui relèverait de la quadrature du cercle ! Toutefois, je tiens à insister sur la profonde concertation menée avant que ce texte voie le jour.
Le processus de conception de cette réforme a débuté voilà maintenant plus de deux ans avec la création d’un groupe de travail dédié. De nombreux débats ont eu lieu au sein du réseau des chambres de commerce et d’industrie, les CCI, dont les acteurs se sont pleinement emparés du sujet. Lors de son assemblée générale du 25 novembre 2008, l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie, l’ACFCI, a approuvé par 108 voix contre 58 une motion constituant une synthèse entre l’approche régionale intégrale et la préservation de l’autonomie des chambres de base. Ce fait doit également être pris en compte.
De même, l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat s’est prononcée, à 94 %, pour une réforme de son réseau reposant sur un renforcement de l’échelon régional.
Je voudrais relever le fait que le présent projet de loi, qui prend en compte les grandes lignes approuvées par les deux réseaux consulaires précités, tire une forte légitimité des délibérations et des votes des assemblées générales de ces derniers.
Après le temps de la concertation est venu celui du travail parlementaire. Depuis la présentation du présent projet de loi en conseil des ministres au mois de juillet dernier, les députés, en premier lieu, ont mené un travail approfondi ; ils ont manifesté leur souci d’écouter les acteurs et de veiller à l’équilibre du texte. Je tiens à souligner devant la Haute Assemblée le travail remarquable effectué par le rapporteur, M. Gérard Cornu. (M. Jean-Pierre Fourcade applaudit.) Les compliments sont parfois de circonstances ; sachez, monsieur le rapporteur, que tel n’est pas le cas aujourd’hui. Votre vie professionnelle et vos mandats électifs vous donnent une connaissance intime des réseaux consulaires, connaissance que vous avez encore améliorée grâce à votre travail de concertation et de consultation mené en vue de l’élaboration de votre rapport. Je souhaite également saluer l’important travail réalisé par M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, Éric Doligé.
J’ai également parfaitement conscience d’un fait : la plupart d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont fait l’objet de sollicitations, ce qui est normal. Mais ce procédé a pu vous donner – à tort – une impression de dissensions. Il est en effet courant que la minorité opposée à une réforme sollicite plus ses auteurs que la majorité qui y est favorable. Il serait pourtant regrettable de pénaliser cette dernière, au motif qu’elle fut moins pressante lors des débats.
Quelles mesures prévues par le projet de loi, qui comporte deux volets, sont soumises à votre appréciation ?
Le premier volet concerne la réforme les réseaux consulaires – chambres de commerce et d’industrie et chambres de métiers et de l’artisanat – et tend à renforcer l’échelon régional.
Le second vise à simplifier les régimes administratifs de certaines professions réglementées, afin de dégager des marges de compétitivité. Cette simplification s’intègre dans la transposition dans notre droit national de la directive européenne relative aux services dans le marché intérieur.
J’aborderai tout d’abord la réforme des réseaux consulaires.
L’ambition assumée du présent projet de loi est de renforcer l’échelon régional des chambres consulaires. À cet objectif doit être immédiatement ajouté un second, de même importance : la préservation des services de qualité effectués sur le terrain par les chambres.
On a prêté à cette régionalisation des intentions qu’elle n’avait pas. Nous n’avons cédé en aucun cas à la tentation d’une position dogmatique, qui consisterait, au nom d’un parti pris prorégional, à sacrifier les territoires, les départements, la proximité, auxquels nous sommes tous attachés, moi le premier, dans cet hémicycle. Non, il ne s’agit pas de cela ! Dès lors, pourquoi faire le choix d’un renforcement de l’échelon régional ? Afin de répondre à cette question, j’évoquerai trois éléments, après avoir cependant rappelé que cette réforme s’inscrit dans le droit fil de la précédente, à savoir la loi adoptée sous la précédente législature et défendue par mon prédécesseur, Renaud Dutreil.
Premièrement, la régionalisation permettra aux chambres consulaires – nous en avons la conviction – de mutualiser un certain nombre de services et de compétences. Il s’agit, très concrètement, des services supports, comme l’informatique, la gestion des systèmes de paie, les outils de communication. La chambre régionale offrira aussi à l’ensemble des entreprises situées sur son territoire des services et des compétences que chaque chambre, au niveau local, ne peut pas nécessairement développer de la même façon.
Avant d’évoquer les avantages évidents en termes de coûts de gestion, en raison d’économies d’échelle et de capacités d’achat permettant de réduire les dépenses, je veux vraiment insister sur la qualité du service rendu. Les chambres régionales, en concentrant les compétences, en disposant d’un panel complet d’expertise, seront plus performantes, plus pointues et plus réactives pour répondre aux demandes des entreprises. En menant une réelle politique de gestion des ressources humaines, aujourd’hui inexistante à l’échelon régional, impliquant la formation des agents, lesquels pourront bénéficier d’un déroulement de carrière attractif, les chambres régionales deviendront à la fois des catalyseurs de compétences au service des entreprises et des acteurs attractifs pour les salariés eux-mêmes. Ce qui est vrai pour la mutualisation des compétences l’est aussi pour celle des process et des pratiques. La chambre régionale aura une position privilégiée de vigie pour repérer, apprécier et diffuser les meilleures pratiques.
Bien évidemment, chaque chambre territoriale conservera ses spécificités, des marges d’initiative, et un droit à l’expérimentation territoriale est même prévu explicitement dans le projet de loi.
Deuxièmement, cette régionalisation se justifie par le fait que la région est, d’un point de vue institutionnel, un puissant acteur pour la conduite des stratégies de développement économique. Sans chambre régionale forte, les entreprises – j’en ai la conviction – n’auraient pas le même poids pour faire entendre leur voix et pour peser sur les politiques économiques régionales. Or, je le dis clairement, je ne peux imaginer une politique régionale de développement économique qui ne s’appuierait pas en premier lieu sur les entreprises. Il est donc cohérent, naturel, logique et même indispensable de donner aux chambres les moyens de créer un interlocuteur de référence et, disons-le, susceptible de faire contrepoids à l’exécutif régional.
Troisièmement, la régionalisation permettra de diminuer les prélèvements qui pèsent sur les entreprises. Gardons toujours à l’esprit que le prélèvement opéré sur ces dernières pour financer les chambres de commerce et d’industrie s’élève à 1,2 milliard d’euros. Alors que nous sortons difficilement de la crise, l’objectif de réduction de la pression fiscale sur nos entreprises doit être partagé par tous et encore davantage lorsqu’il va de pair, comme je l’ai indiqué, avec une amélioration de l’efficacité et de la qualité du service rendu.
Les réseaux consulaires eux-mêmes ont largement fait leur cet objectif. Si les services publics dans leur ensemble ambitionnent de proposer aux citoyens les meilleurs services à un coût moindre, il n’est pas illégitime que les établissements publics que sont les chambres s’engagent dans la même dynamique. Elles le font d’ailleurs avec détermination et le présent projet de réforme permettra une diminution de 120 millions d’euros des charges pesant sur les entreprises.
J’en viens aux missions dévolues aux chambres territoriales par le projet de loi.
Certains ont redouté que la réforme ne prive ces instances des ressources nécessaires. Je le dis solennellement, de telles craintes sont infondées ! Le Gouvernement n’a aucunement l’intention de remettre en cause le rôle et les missions des services de proximité assurés par les chambres consulaires. Le renforcement régional ne se fera pas aux dépens des chambres territoriales, qu’il s’agisse des chambres de commerce et d’industrie territoriales ou des chambres de métiers et de l’artisanat départementales. Toutes les chambres, sans exception, conserveront leurs missions de service de proximité aux entreprises, et il n’est pas question de se priver de leurs compétences. Une telle évolution ne serait pas supportable. Les chambres locales sont et demeureront l’échelon de proximité du réseau au service des chefs d’entreprise.
La commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a trouvé un juste équilibre en affirmant le principe du recrutement des agents de droit public par les chambres de commerce et d’industrie de région, tout en prévoyant la possibilité d’une délégation permanente au profit des chambres territoriales pour le recrutement des agents de droit administratif.
Par ailleurs, grâce au travail de l’Assemblée nationale, la configuration spécifique, et même atypique, des chambres de commerce de la région d’Île-de-France est prise en compte. En effet, l’Île-de-France représentant environ un quart du poids économique de notre pays et la chambre de commerce et d’industrie de Paris recouvrant Paris et les trois départements de la petite couronne, il fallait tenir compte de cette situation exceptionnelle.
Enfin, les chambres disposeront de ressources fiscales pérennes, calculées à hauteur de 40 % sur une assiette foncière et à hauteur de 60 % sur une assiette « valeur ajoutée ». M. le rapporteur pour avis a utilement fait adopter un amendement visant à encadrer l’utilisation de ces ressources fiscales, et je ne peux que souscrire à cette initiative.
Le Gouvernement remettra un rapport faisant le bilan de ce dispositif sur la période 2011–2013 et proposera, le cas échéant, les adaptations qui s’imposeront. Je pense en particulier à la question de la pérennisation ou non du fonds de financement des chambres de commerce et d’industrie de région.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous rappelle que ces ressources fiscales ne représentent qu’environ 30 % des 4,4 milliards d’euros de ressources des chambres. Les chambres de commerce et d’industrie territoriales, les CCIT, continueront donc de disposer directement d’environ 3,2 milliards d’euros. D’ailleurs, les ressources fiscales elles-mêmes seront reversées par les chambres de commerce et d’industrie de région, les CCIR, aux CCIT, après prélèvement de la seule quote-part nécessaire au fonctionnement de la CCI de région. Au total, les chambres de commerce et d’industrie territoriales conserveront la très grande majorité des ressources financières.
L’ensemble de ces éléments, ainsi que le texte qui vous est aujourd’hui soumis, complété par les dispositions qu’y ont introduites les députés et les améliorations qu’y apportera certainement le Sénat, tiennent compte des appréhensions qui ont pu être exprimées. Le présent projet de loi est le fruit d’une recherche d’équilibre entre les orientations majoritaires des réseaux et les craintes exprimées par certaines chambres. Cependant, toute recherche d’équilibre doit se faire sans que soient perdus de vue les objectifs premiers et les fondements de la réforme. Le texte issu de la commission parvient, de ce point de vue, à un bon équilibre.
Comme je vous l’ai indiqué précédemment, le titre II du présent projet de loi concerne certaines professions réglementées du commerce, de l’artisanat et des services et vise à en simplifier les régimes administratifs et à dégager des marges de compétitivité pour ces professions.
Les simplifications initialement proposées s’inscrivent dans le cadre de la directive européenne relative aux services dans le marché intérieur. Pour ce qui concerne les domaines relevant de ma compétence, j’ai souhaité mener des concertations approfondies avec les professions concernées et, ainsi, profiter de la transposition de la directive précitée pour moderniser et adapter à un environnement en forte évolution leurs capacités d’exercice professionnel. Le travail de l’Assemblée nationale a permis d’en élargir le périmètre.
La réforme la plus importante est, bien sûr, celle des marchés d’intérêt national, les MIN. Aujourd’hui, un grossiste concurrent du marché d’intérêt national ne peut s’installer dans le périmètre dit « de référence » du marché, sauf dérogation préfectorale exceptionnelle. Le projet du Gouvernement vise à simplifier les critères d’octroi de cette autorisation.
L’Assemblée nationale est allée au-delà de cette ouverture en supprimant ces périmètres. Nous aurons l’occasion d’échanger nos points de vue sur ce sujet, mais, si le Gouvernement souhaite effectivement favoriser et stimuler la concurrence en réformant le dispositif actuel, il estime néanmoins qu’il faut maintenir la possibilité de créer ou de conserver un périmètre autour des marchés d’intérêt national.
Par exemple, il me paraîtrait raisonnable de soutenir une position de compromis consistant à ne soumettre à autorisation que les grossistes de taille importante. Ce compromis permettrait de concilier les différents intérêts : les intérêts des artisans, commerçants, épiciers, restaurateurs, qui souhaitent parfois pouvoir bénéficier de services de proximité, grâce à l’installation facilitée de nouveaux acteurs ; les intérêts de tous les entrepreneurs et agriculteurs, pour lesquels les marchés d’intérêt national constituent un débouché important et un modèle économique essentiel et satisfaisant.
À travers ce projet de loi, nous nous penchons aussi sur le métier d’agent d’artiste, dont l’exercice nécessite aujourd’hui une licence. Afin de faciliter l’accès à cette profession, il est proposé de remplacer cette licence par une obligation d’inscription à un registre national. Les incompatibilités d’exercice de cette profession sont réduites à l’activité de producteur d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles.
Plusieurs dispositions portent sur les experts-comptables.
Il est proposé d’assouplir les règles de détention de capital et de droits de vote des sociétés d’experts-comptables, ce qui permettra à ces dernières de faire venir de nouveaux partenaires.
Il est également proposé de permettre aux experts-comptables d’exercer une activité commerciale à titre accessoire, d’accepter un mandat social dans une société, un groupement ou une association, de conseiller et d’assister les entrepreneurs relevant du régime des micro-entreprises pour les aider à se développer.
La commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a également adopté, sur proposition de M. le rapporteur, un amendement que je qualifierai d’« historique » pour les experts-comptables et les avocats. Cet amendement, il faut le saluer, convient parfaitement au Conseil national des barreaux comme au Conseil supérieur de l’ordre des experts comptables. Ainsi, les experts-comptables et les associations de gestion et de comptabilité pourront assister les personnes physiques dans leurs démarches administratives, fiscales et sociales.
L’Assemblée nationale a inséré un article additionnel qui étend les prestations relevant des services à la personne pouvant faire l’objet d’un paiement par un chèque emploi service universel. À cet égard, j’émettrai un avis favorable sur les amendements visant à renforcer les pouvoirs de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, en matière de contrôle des services à domicile.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, il s’agit là de faciliter l’exercice de professions réglementées du commerce et des services, et, dans cette période économique difficile, toute simplification administrative susceptible de développer la compétitivité me paraît bienvenue.
Telles sont les principales mesures du présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Cornu, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la philosophie de la réforme qui nous est proposée tient en deux mots : cohérence et proximité. « Cohérence », car il s’agit de renforcer l’efficacité des réseaux consulaires en donnant à l’échelon régional des compétences et des moyens plus consistants ; « proximité », car la réorganisation du paysage consulaire ne doit en rien sacrifier les missions d’accompagnement des entreprises et de développement des territoires, qui sont la raison d’être des chambres.
Cette réforme s’inscrit dans un mouvement engagé depuis plusieurs années. Je rappelle que la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, dite loi « Dutreil II », dont j’étais déjà le rapporteur au Sénat, a organisé les chambres de commerce et d’industrie, les CCI, en réseau. S’agissant des chambres de métiers et de l’artisanat, les CMA, le décret du 2 novembre 2004 visait à clarifier et à conforter leurs missions de niveau régional.
Il faut bien constater, cependant, que ces différents textes n’ont pas eu les résultats escomptés, sans doute parce qu’ils ne mettaient pas en place les mécanismes d’incitation à la fusion ou à la mutualisation des moyens sur lesquels la régionalisation aurait pu s’appuyer.
Le chantier de la réforme des réseaux consulaires a donc été relancé dès l’été 2008. Une très large concertation s’est engagée dans les réseaux des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat. Elle a abouti au présent projet de loi, que vous avez porté avec courage et détermination, monsieur le secrétaire d'État.
Il est temps que cette réforme aboutisse enfin ! Alors que les entreprises françaises doivent s’adapter à un monde économique en mutation permanente, alors que l’État s’est engagé dans une révision générale de son organisation et de ses politiques, alors que les collectivités territoriales connaissent elles aussi une réforme profonde,…
M. François Patriat. Pas une bonne réforme !
M. Gérard Cornu, rapporteur. …il serait aberrant – je pèse mes mots – que les réseaux consulaires restent en marge de ce mouvement général. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je constate avec satisfaction que la réforme du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat s’est déroulée dans une atmosphère apaisée et constructive, que je tiens à saluer.
En revanche, malgré tout le soin apporté à sa préparation, la réforme des CCI suscite encore des interrogations et des inquiétudes.
M. Bernard Saugey. C’est sûr !
M. François Marc. Des oppositions !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Compte tenu de la diversité de nos territoires et de la place qu’y occupent les chambres consulaires, ce n’est guère surprenant. Mais je tiens à dire que, en ma qualité de rapporteur, je n’ai pas négligé les interrogations qui demeurent. J’ai auditionné tous les acteurs concernés, je les ai écoutés avec attention et je me suis efforcé d’apporter des réponses aux problèmes qu’ils soulevaient parfois.
M. Daniel Raoul. Toujours !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Je reviendrai ultérieurement sur ce point.
Mais, si j’ai été attentif aux difficultés particulières qui peuvent se poser ici ou là, j’ai aussi voulu ne pas perdre de vue l’essentiel : la réforme des réseaux est nécessaire et pressante, et il serait dommageable pour nos entreprises, nos territoires et pour les réseaux consulaires eux-mêmes de la retarder davantage.
Après ces quelques propos introductifs, j’en viens maintenant au détail des mesures proposées.
Le premier chapitre du titre I réforme l’organisation du réseau des CCI afin de rationaliser leur maillage sur le territoire et, comme le relevait le conseil de modernisation des politiques publiques, « d’améliorer le service rendu aux entreprises ».
L’un des points clés de cette réforme est le renforcement du niveau national – avec l’ACFCI, comme « tête de réseau » –, mais, surtout, de l’échelon régional, qui exerce l’ensemble des missions du réseau, sous réserve de celles qui sont confiées aux CCIT, qu’il s’agisse de l’attribution de la ressource fiscale et de la définition de la stratégie – c’est l’article 4 du projet de loi –, de l’affectation juridique des personnels – la chambre de région devient l’employeur de l’ensemble des personnels – ou du regroupement des fonctions supports.
Un autre point clé est la réforme du système électoral. Les CCIR et les CCIT sont désormais issues des élections consulaires, alors que, jusqu’à présent, les membres des chambres régionales de commerce et d’industrie, les CRCI, étaient désignés par les CCI.
Les apports de l’Assemblée nationale à cette partie du projet de loi ont été substantiels.
Premièrement, les missions générales des établissements du réseau ont été clarifiées : la traditionnelle distinction, issue de la loi de 2005, entre missions de service public, missions d’intérêt général et missions d’intérêt collectif, dont les contours étaient particulièrement difficiles à délimiter, a été supprimée au profit d’une liste exhaustive de missions générales de l’ensemble des établissements du réseau.
Deuxièmement, un dispositif spécifique pour les établissements consulaires de la région d’Île-de-France a été mis en place. Il s’articule autour d’un établissement régional, doté de la personnalité morale et auquel sont rattachées des chambres de commerce et d’industrie départementales d’Île-de-France, constituées par les anciennes délégations de la CCI de Paris et les chambres de commerce et d’industrie situées dans la région.
Troisièmement, l’Assemblée nationale a prévu le recrutement à l’échelon territorial des personnels de droit privé et des agents de droit public sous statut dits « opérationnels ».
Quatrièmement, enfin, les chambres territoriales bénéficieront d’un droit à l’expérimentation.
Je tiens à souligner la qualité des travaux qu’a conduits l’Assemblée nationale sur ce pan de la réforme, sous la responsabilité de Catherine Vautrin, rapporteur au fond de la commission des affaires économiques. Prenant appui sur ces travaux, les amendements que j’ai proposés et qui ont été adoptés par la commission de l’économie permettent d’améliorer encore l’articulation pratique entre rationalisation du réseau et proximité avec les entreprises.
Ainsi, sur le plan de la gouvernance des établissements, la commission a entériné le principe de la majorité simple pour le vote du budget, tout en laissant la majorité qualifiée pour le vote de la stratégie.
En effet, la majorité qualifiée paraît irréaliste pour le budget. Elle risque d’entraîner une véritable paralysie du fonctionnement des chambres de région. Par ailleurs, associé au plafond du nombre de sièges – fixé à 40 % – dont peut disposer une chambre territoriale au sein de la chambre de région, le maintien de la majorité des deux tiers permettrait de fait à une seule grande chambre territoriale de détenir une minorité de blocage.
Pour ce qui concerne les personnels, la commission a également accepté ma proposition visant à préciser le système de recrutement prévu pour les agents de droit public sous statut dits « opérationnels » : d’une part, les chambres territoriales doivent avoir la possibilité de procéder elles-mêmes au recrutement, sans que cela devienne pour elles une charge et, d’autre part, ce recrutement doit être encadré par une délégation de la chambre de région à la chambre territoriale, délégation qui doit être permanente et non accordée au coup par coup.
Par ailleurs, le présent projet de loi intègre également mes propositions tendant à préciser les modalités du déroulement simultané de l’élection des membres des CCIT et de celle des membres des CCIR.
J’ai également souhaité revenir sur deux dispositions introduites à l’Assemblée nationale.
Tout d’abord, il ne me semble pas opportun de faire figurer dans un texte législatif les dispositions relatives aux directeurs généraux des CCI, qui relèvent du domaine réglementaire, tout comme les dispositions relatives aux directeurs de service au sein des collectivités territoriales, par exemple.
Ensuite, l’introduction à l’article 6 d’une limite d’âge, fixée à soixante-cinq ans, pour être candidat à la présidence d’une CCI me semble injustifiée et ressortit au domaine non pas législatif mais réglementaire. Mais nous aborderons à nouveau cette question au cours de la discussion.
En outre, afin de permettre aux CCI de disposer d’informations économiques et sociales fiables sur les entreprises du secteur du commerce de détail et de la distribution, une nouvelle disposition prévoit que l’administration chargée du recouvrement de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, est tenue de leur transmettre un certain nombre d’éléments, comme l’identifiant Siret, le secteur d’activité ou encore la surface des locaux destinés à la vente au détail. Cet outil d’observation des surfaces commerciales de plus de 400 mètres carrés permettra d’analyser l’évolution des implantations commerciales et, ainsi, de mieux évaluer l’impact de la loi de modernisation de l’économie en la matière.
Le renforcement de l’échelon régional du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat, les CMA, est l’objet du deuxième chapitre du titre I.
Le texte prévoit un schéma de fusion volontaire, et non imposée, des CMA au sein de la chambre de ressort régional. Les chambres ont jusqu’au 1er janvier 2011 pour choisir, à la majorité des établissements de chaque région, entre leur fusion au sein d’une chambre de métiers et de l’artisanat de région, une CMAR, ou bien leur rattachement à la chambre régionale de métiers et de l’artisanat. Dans tous les cas, les établissements hostiles à la fusion conservent leur personnalité morale en tant que chambres départementales rattachées.
Ce schéma peut paraître quelque peu complexe. Mais en conservant aux CMA un espace de choix, il a sans doute contribué à rendre la réforme plus acceptable, sans pour autant remettre en question son axe essentiel. En effet, quel que soit le choix des établissements du réseau, les compétences des CMA de région seront de toute façon significativement renforcées. Ce sont elles qui définiront la stratégie du réseau dans leur circonscription, tandis que les CMA départementales exerceront leurs missions dans le respect du cadre fixé par leur chambre de rattachement.
Les chambres régionales seront également dotées d’un pouvoir financier nouveau. Elles répartiront les ressources entre les chambres départementales qui leur sont rattachées, après déduction de leur propre quote-part. Ces dispositions financières donnent une crédibilité nouvelle et des moyens d’action renforcés aux chambres régionales.