Mme Annie David. Eh oui !
M. Michel Billout. J’en rappelle quelques-uns : la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques, le projet de loi portant réforme de la représentation devant les cours d’appel, dont l’une des conséquences est la disparition des avoués ou la proposition de loi visant à encadrer la profession d’agent sportif. Aujourd’hui, c’est un projet de loi visant à réformer les réseaux consulaires qui nous est soumis.
Toutes ces mesures de transposition aboutissent au même résultat : la disparition programmée des services publics,…
Mme Annie David. Voilà !
M. Michel Billout. … y compris des services sociaux, par l’instauration, comme seule règle, de l’organisation d’un marché fondé sur la libre concurrence, indépendamment de toute considération sociale ou environnementale.
Nous nous opposons non seulement au contenu de cette directive – ex-directive Bolkestein, que nous avions fermement combattue –, mais également à cette pratique de gouvernement de dispersion législative.
À ce titre, l’excellent rapport d’information sur l’état de la transposition de la directive Services, de notre collègue Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, est éclairant. Employant d’autres arguments que les vôtres, monsieur le secrétaire d’État, il explique votre choix de la façon suivante : cette transposition « ne doit pas constituer un prétexte à la “cristallisation” des mécontentements de tous ordres, d’autant plus nombreux en période de crise […] ».
Mme Annie David. Voilà !
M. Michel Billout. Mieux vaut « instiller plusieurs dispositions de nature technique à l’occasion de l’examen de différents projets ou propositions de loi afin de mettre la législation française en conformité avec les prescriptions de la directive. Cette méthode est sans doute moins lisible, […], mais elle permet, en “technicisant” la transposition, d’éviter l’apparition de polémiques stériles ». Voilà qui a le mérite d’être clair !
Mmes Annie David et Odette Terrade. Eh oui !
M. Michel Billout. Pourtant, comme vous le savez, la plupart des pays de l’Union européenne ont décidé, pour transposer cette directive, de soumettre un projet de loi-cadre à leur représentation nationale. Si une telle procédure ne garantit en rien une meilleure application, elle permet à tout le moins aux différents parlements nationaux de s’emparer pleinement de cette question dans le cadre d’un véritable débat politique, et non pas seulement technique.
Nous pensons que, par respect de la démocratie et du rôle du Parlement, c’est cette démarche qui aurait dû être choisie par le Gouvernement. Car il est vraiment temps, mes chers collègues, d’établir le bilan des politiques prônées tant par les institutions européennes que par l’exécutif national.
Ainsi, au mépris du vote de nos concitoyens, le traité de Lisbonne a été ratifié. Or, malgré son entrée en vigueur, l’Europe connaît sa plus grave crise : le peuple grec, victime de la spéculation financière, est soumis à une cure d’austérité sans précédent. Celle-ci devrait bientôt toucher d’autres peuples européens, en Espagne, au Portugal et même en France, alors que l’on sait la misère sociale qu’une telle politique va générer.
Et ce n’est pas seulement l’avis des communistes ! Permettez-moi une citation et une seule, mais j’aurais pu en faire beaucoup d’autres : « L’Europe va dans la mauvaise direction. En adoptant la monnaie unique, les pays membres de la zone euro ont renoncé à deux instruments de politique économique : le taux de change et les taux d’intérêt. Il fallait donc trouver autre chose qui leur permette de s’adapter à la conjoncture si nécessaire. D’autant que Bruxelles n’a pas été assez loin en matière de régulation des marchés, jugeant que ces derniers étaient omnipotents. […] Et aujourd’hui, elle veut un plan coordonné d’austérité. Si elle continue dans cette voie-là, elle court au désastre ». C’est Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie et ex-chef économiste de la Banque mondiale, qui l’affirme. À ma connaissance, ce n’est pas un marxiste…
Car ce sont bien les traités consécutifs européens qui valorisent la rentabilité à outrance, l’indépendance de la BCE, l’entrée des marchés spéculatifs dans les activités d’intérêt général. Ce sont eux les responsables de la nouvelle crise que traverse l’Europe ! D’ailleurs, la directive Services est l’émanation la plus directe de cette philosophie économique dégénérescente.
À l’inverse, nous estimons que doit être mise en chantier une nouvelle directive garantissant non seulement aux États la possibilité d’intervenir dans l’économie comme acteur spécifique, mais également aux citoyens européens le respect de leurs droits fondamentaux, notamment grâce au mécanisme d’une harmonisation sociale par le haut.
Dans ce débat, nous continuons de penser de manière très prosaïque que moins de justice de proximité, moins d’enseignants dans nos écoles, moins de personnels soignants dans nos hôpitaux ne concourent pas à une société de progrès.
Ce discours de la rigueur n’est d’ailleurs plus supportable. Où est votre rigueur devant les banques et les actionnaires des grands groupes ? Quand allons-nous légiférer contre les parachutes dorés, sur les bonus des traders, contre la spéculation ? Sans doute faut-il encore un peu de gestation…
Aujourd’hui, les peuples européens mesurent que l’ouverture de tous les secteurs à la concurrence ne constitue pas une avancée, ni sur le plan social ni même sur le plan économique. C’est pourquoi nous estimons qu’il n’est pas temps de transposer la directive Services, au contraire. Renforçons plutôt les dispositifs de solidarité de notre législation nationale en faveur de la protection des droits sociaux de nos concitoyens et la présence effective de services publics sur l’ensemble du territoire.
Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à soutenir cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mmes Annie David et Odette Terrade. Bravo !
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Les membres du groupe CRC-SPG s’opposent à la transposition de la directive Services et à l’architecture de la réforme des réseaux consulaires. Dans cette logique, ils ont eu raison de déposer une motion tendant à opposer la question préalable. Cela étant, je leur rappelle que la transposition des directives constitue une obligation juridique. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Odette Terrade. Vous allez plus loin !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Il s’agit plus précisément d’une obligation communautaire et d’une exigence constitutionnelle, dont le respect implique une transposition fidèle, complète et ponctuelle. En cas de non-respect de cette obligation, la France s’expose à des risques de contentieux et d’insécurité juridique.
Concernant l’architecture du texte, la concertation existe depuis 2008. D’ailleurs, elle se passe bien avec les chambres de métiers. Pour les chambres de commerce et d’industrie, je le reconnais, elle se déroule un peu moins bien. (M. François Marc s’exclame.) Pour autant, on ne peut pas dire qu’elle n’a pas eu lieu.
M. Bernard Vera. Et avec les salariés ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Aussi, cessez d’avancer cet argument.
Pour toutes ces raisons, je ne peux qu’être défavorable à cette motion.
M. Michel Houel. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Il y aurait motif à voter la motion tendant à opposer la question préalable car la réorganisation territoriale des CCI est profondément ancrée dans la conflictualité, pas entre la droite et la gauche, entre la majorité parlementaire et l’opposition, comme il est normal en démocratie, mais entre les acteurs eux-mêmes, à qui le texte prétend pourtant apporter des améliorations, et au sein de la majorité sénatoriale. La conflictualité s’exprime également dans le hiatus entre gouvernance et schéma d’organisation et de financement.
Il y aurait également motif à voter cette motion car le texte ne répond pas à trois questions essentielles.
Premièrement, pourquoi ne pas laisser aux réseaux consulaires la même liberté d’organisation qu’aux chambres de métiers ? Pour sa part, le groupe socialiste est cohérent avec ses choix décentralisateurs : lorsqu’il réclame des mesures pour les collectivités locales, il les réclame pour ceux qui travaillent quotidiennement à leurs côtés, y compris en matière fiscale.
Deuxièmement, pourquoi la régionalisation laisse-t-elle la personnalité morale aux nouvelles chambres ? Je note d’ailleurs que celles-ci ont été baptisées « territoriales », car il semble que l’on n’ait pas osé les appeler « délégations » – ce qu’elles seront pourtant –, ce qui aurait été plus conforme à l’esprit et à la lettre du texte. Pourquoi l’Île-de-France aurait-elle un statut d’exception, faisant perdre leur personnalité juridique aux deux chambres de la grande couronne, celle de la Seine-et-Marne et celle de l’Essonne ? Un accord de dernière minute serait-il intervenu ? Dans ces conditions, il faut nous dire entre qui et qui et sur quels points ? Jusqu’à présent, nous n’avons pas obtenu de réponse.
Troisièmement, pourquoi la volonté initiale du Gouvernement – « faire des économies » au nom de la participation des réseaux consulaires à la trop fameuse RGPP, acronyme maintenant connu de tous – est-elle contredite par le texte lui-même, qui comporte « un risque mécanique d’augmentation des coûts » et « une source structurelle de charges supplémentaires », comme l’indique le rapport pour avis de M. Éric Doligé ?
Si nous en sommes réduits à choisir entre une coquille vide à l’échelon régional et/ou une usine à gaz, il y aurait en effet motif à voter cette motion. Pourquoi persévérez-vous dans l’erreur, monsieur le secrétaire d’État ?
Néanmoins, mes chers collègues du groupe CRC-SPG, nous nous abstiendrons. Nous préférons en effet combler le « déficit de préparation et d’ambition », pour citer une nouvelle fois le rapport de M. Éric Doligé, qui fait un commentaire sévère de ce texte pour ce qui concerne le réseau consulaire, en adoptant la motion tendant au renvoi à la commission que défendra dans quelques instants François Marc, au nom du groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.
M. Bernard Vera. Ce projet de loi comporte deux écueils : il transpose la directive Services, à laquelle nous sommes totalement opposés, et il engage une réforme des réseaux consulaires, contre laquelle de plus en plus de voix s’élèvent, y compris au sein de la majorité parlementaire – nous en avons eu un aperçu tout à l’heure – et des syndicats patronaux.
Cette opposition repose à la fois sur la préparation de la réforme et sur les modalités de sa mise en œuvre. Uniquement guidée par l’impératif de la révision générale des politiques publiques, cette réforme a été menée dans la précipitation et, s’agissant du volet relatif aux chambres de commerce et d’industrie, elle n’a pas fait l’objet d’une concertation suffisante pouvant aboutir à un consensus, à commencer par les 31 000 agents qui travaillent dans les CCI et qui, monsieur le rapporteur, n’ont pas été consultés.
L’exemple le plus flagrant concerne le statut dérogatoire des chambres de commerce et d’industrie de l’Île-de-France, proposition introduite par l’Assemblée nationale et qui a été décidée en l’absence du moindre consensus. Au lieu de devenir des chambres de commerce et d’industrie territoriales, elles seraient transformées en chambres de commerce et d’industrie départementales, dénuées de la personnalité morale et rattachées à la chambre de commerce et d’industrie de la région d’Île-de-France. Cette proposition a soulevé de nombreuses protestations, notamment de la part des CCI de l’Essonne et de la Seine-et-Marne, dont le poids économique est tel qu’il est inconcevable d’envisager que la future CCI régionale puisse exercer la moindre tutelle sur elles.
Nombreux sont les présidents de CCI qui observent avec attention l’issue qui sera donnée à cette exception francilienne, car ils estiment qu’elle est de nature à fragiliser l’équilibre de l’ensemble du réseau en faisant peser une menace sur le maintien, à terme, du statut d’établissement public des CCI territoriales.
Nombre de présidents considèrent que la concertation a été insuffisante. Ils perçoivent cette réforme comme une menace sur l’exercice de leurs missions et sur leur financement. Une majorité se dessine pour souhaiter une réforme source d’amélioration de services rendus aux entreprises et aux territoires et pour rejeter une vision centralisatrice totalement dépassée.
L’application aveugle de la RGPP vise en réalité à rationaliser les services et, donc, à diminuer le nombre d’agents. Elle ignore totalement l’atout majeur de la proximité, facteur de développement économique local, et c’est précisément cet atout qu’entendent préserver les CCI.
Par ailleurs, le projet du Gouvernement menace le financement des missions des futures CCI territoriales.
C’est dans ce contexte particulièrement tendu que la commission des finances, saisie pour avis, a émis un avis très réservé sur les articles portant sur la réforme du réseau des chambres de commerce et d’industrie, précisant même dans un communiqué de presse du 26 mai dernier : « si la commission des finances avait été saisie au fond, elle aurait demandé le rejet de la partie du projet de loi relative aux chambres de commerce et d’industrie ».
La première réserve concerne l’absence de consensus des CCI autour de la réforme, du principe de régionalisation de la gouvernance et du financement du réseau. La volonté du Gouvernement de passer en force sur ce point suscite de plus en plus de crispations dans nos départements.
La deuxième réserve émise par la commission des finances a trait au financement des charges de personnel, qui ne serait pas assuré. En effet, les agents de droit public seront transférés, à partir du 1er janvier 2013, des CCI territoriales vers les CCI régionales, ces dernières devenant leurs employeurs. Les agents seront ainsi mis à disposition des CCI territoriales. Or, le montant des ressources fiscales, assurées par la taxe pour frais de CCI et qui atteint 1,2 milliard d’euros, ne suffit pas à compenser les charges de personnel, que ce soit dans leur ensemble, pour un montant de 1,7 milliard d’euros, ou pour les seuls agents publics, pour un montant de 1,4 milliard d’euros.
La commission des finances a également pointé le manque de cohérence dans la gestion des agents de droit public. En effet, ceux-ci seront employés par les CCI de région à partir du 1er janvier 2013 alors qu’ils seront mis à disposition des chambres territoriales et placés sous leur responsabilité opérationnelle.
Ainsi, les agents seront soumis à une double autorité, l’une régionale et l’autre départementale. La crainte que nous avons exprimée de voir les CCI territoriales s’éloigner petit à petit des préoccupations locales prend ici tout son sens.
Ce « manque de cohérence » ne cache-t-il pas tout simplement une mesure propice aux mobilités forcées et aux licenciements ? La question mérite en tout cas d’être posée, monsieur le secrétaire d’État.
Déficit de préparation, insatisfaction de l’ensemble des acteurs : vous ne pouvez pas, mes chers collègues, rester sourds au concert de protestations contre cette réforme. Si elle devait être adoptée aujourd’hui, ce serait contre la volonté de ses principaux acteurs, ce qui semble inconcevable. C’est pourquoi nous demandons son rejet par l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable.
Si cette motion devait être repoussée, notre groupe voterait la motion de renvoi partiel à la commission déposée par le groupe socialiste, tout en estimant qu’il convient de rejeter l’ensemble du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 126, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
Demande de renvoi à la commission des dispositions du chapitre Ier du titre Ier et de l’article 18
M. le président. Je suis saisi, par Mme Khiari, MM. Bérit-Débat et Marc, Mme Bricq, MM. Raoul, Daunis, Mirassou et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 10 rectifiée bis.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire le chapitre 1er du titre Ier et l'article 18 du titre III du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services (n° 508, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. François Marc, auteur de la motion.
M. François Marc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Mme Bariza Khiari a précisé tout à l’heure, au nom de notre groupe, que les CCI et l’ensemble des réseaux consulaires nécessitaient un certain nombre de réformes. Nous avons indiqué, monsieur le secrétaire d’État, les points sur lesquels des avancées allaient, de notre point de vue, dans la bonne direction.
Pour autant, nous considérons que le texte n’est pas abouti sur un volet essentiel, celui des CCI. Compte tenu de l’insatisfaction quasi générale, au moins sur certains points, qui ressort de nos débats, je suggère à l’ensemble de nos collègues d’adopter cette motion de renvoi partiel à la commission des dispositions relatives aux CCI.
Tout au long de l’après-midi, des inquiétudes très significatives ont été exprimées sur l’éloignement programmé des centres de décision en ce qui concerne les chambres régionales, la diminution de l’autonomie financière et la capacité d’initiative des chambres territoriales qui allait s’en trouver réduite, la déresponsabilisation d’une partie des élus des chambres territoriales ou encore l’affaiblissement des missions de service public et d’intérêt général. Ces points sont très importants et suscitent de graves interrogations.
Le texte qui nous vient de l’Assemblée nationale a généré, reconnaissons-le, un désaccord profond entre les deux commissions du Sénat.
Notre collègue Doligé, rapporteur pour avis, nous a indiqué que la commission des finances avait émis un avis mitigé. À vrai dire, la commission des finances a manifesté son opposition très clairement. Même s’il n’y a pas eu de vote, je crois qu’il y avait une quasi-unanimité au sein de la commission des finances…
Mme Nicole Bricq. Unanimité !
M. François Marc. … pour dire que ce texte n’était pas abouti et pour considérer que, si la commission des finances avait eu à se prononcer sur le fond, elle aurait proposé le rejet. C’est en tout cas la position qui figure dans le communiqué de presse du 26 mai dernier.
Manifestement, mes chers collègues, nous sommes dans une situation inédite au Sénat : une commission juge qu’il faut poursuivre l’examen du texte et essayer d’aboutir, mais une autre commission estime que le texte n’est pas bon et qu’il faudrait logiquement en proposer le rejet. C’est pour trouver une voie médiane et un compromis qu’il nous semble opportun de proposer une motion de renvoi à la commission.
Je ne vais pas détailler la position exprimée par la commission des finances, puisque plusieurs orateurs l’ont fait avant moi. Je rappelle simplement qu’elle considère que « la réforme des CCI reste “au milieu du gué” et ne satisfait ni les acteurs du réseau, ni les objectifs de la révision générale des politiques publiques ». Dans ces conditions, l’avis réservé est pleinement justifié.
J’ajoute que les chambres de commerce et d’industrie, contrairement aux propos qui ont été tenus tout à l’heure, n’approuvent plus majoritairement le texte tel qu’il nous est soumis aujourd’hui.
À cet égard, je voudrais citer une lettre que nous a adressée un président de chambre de commerce et d’industrie et qui représente aujourd'hui le point de vue majoritaire : « La base de cette réforme s’inspire d’un texte qui était soutenu par une majorité de présidents de CCI fin 2008. Malheureusement, le texte qui vous est soumis a été largement modifié au gré des oppositions, des alliances souvent contre nature, voire des tractations de dernière heure. Il en reste un texte complètement dénaturé, souvent incohérent, inapplicable sur certains points ».
Tel est l’avis majoritaire des présidents de CCI aujourd’hui sur ce texte. Incontestablement, nous devons prendre en considération cette situation.
Dans ces conditions, mes chers collègues, nous avons deux solutions.
La première, c’est d’essayer d’amender le texte sur tous les points sur lesquels des objections ont été émises. Cependant, même si de tels amendements étaient adoptés, nous pourrions encore nous interroger sur leur sort. Des exemples récents sont là pour nous rappeler que notre satisfaction pourrait s’avérer fugitive, certaines évolutions acceptées pour la forme étant amenées à disparaître au cours de la navette parlementaire ou en commission mixte paritaire.
Nous avons également à l’esprit l’exemple des clauses de revoyure. Nous avons adopté un dispositif de réforme de la taxe professionnelle dans le cadre de la loi de finances au mois de décembre dernier à condition qu’il y ait une clause de revoyure avant le mois de juillet 2010.
Mme Nicole Bricq. On a déjà donné !
M. François Marc. Où en sommes-nous aujourd’hui ? On voit très bien que les engagements de cette nature qui peuvent être donnés n’engagent que ceux qui les écoutent. (M. Gérard Longuet s’exclame.) En l’occurrence, la pérennité de nos amendements ne serait pas assurée.
La seconde solution, c’est de poursuivre et d’approfondir l’examen de ce texte dans le cadre d’une commission spéciale. L’article 16 du règlement du Sénat prévoit, dans son paragraphe 3, qu’« en cas de conflit de compétence entre deux ou plusieurs commissions permanentes » – et nous sommes bien dans cette situation – « il est procédé à la nomination d’une commission spéciale ».
Nous demandons le renvoi à la commission saisie au fond, la mise en place d’une commission spéciale comme l’autorise le règlement de notre assemblée, afin de retravailler la partie du texte qui nécessite des améliorations et d’aboutir ainsi à un compromis acceptable pour tous.
C’est le bon sens qui l’emporterait. Le Sénat s’honorerait en procédant de la sorte, au lieu d’essayer d’apporter ici ou là quelques petites retouches sur un texte qui n’est vraiment pas abouti, de prévoir des adaptations, des améliorations qui ne seraient pas véritablement satisfaisantes.
Bref, retravaillons ensemble à la recherche d’un compromis, installons une commission spéciale comme l’autorise le règlement. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de voter cette motion de renvoi à la commission des dispositions du texte qui appellent un réexamen. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Bernard Vera et Gérard Le Cam applaudissent également.)
Mme Nicole Bricq. C’est le bon sens !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Monsieur le président, le sujet est important et mérite une réponse approfondie.
En fait, les auteurs de cette motion considèrent que la commission des finances était tout aussi compétente que la commission de l’économie pour examiner ce projet de loi au fond…
M. Daniel Raoul. Non, nous n’avons jamais dit cela !
Mme Nicole Bricq. C’est une facilité de langage !
M. Gérard Cornu, rapporteur. … et fait état d’un « désaccord profond » entre les deux commissions. Ils estiment par ailleurs que la nomination d’une commission spéciale eût été plus appropriée.
M. Daniel Raoul. Ça, c’est vrai !
Mme Nicole Bricq. Oui !
M. Gérard Cornu, rapporteur. À cet égard, je tiens à souligner deux points.
Premier point, la réforme des réseaux consulaires intervient, je le dis à nouveau, au terme d’une longue concertation avec les différents acteurs concernés.
M. Gérard Longuet. C’est exact !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Les deux réseaux se sont en effet concertés au cours de l’été 2008 avec le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation, pour étudier les différentes pistes de réforme ainsi que la méthode à retenir.
L’initiative a donc été laissée aux réseaux et aux élus afin de dégager un consensus autour d’un projet suffisamment ambitieux.
M. Daniel Raoul. On voit le résultat !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Laissez-moi poursuivre !
M. Daniel Raoul. Ce n’est pas la peine de lire !
M. Gérard Cornu, rapporteur. En ce qui concerne le réseau des CCI – puisque c’est au sein de ce réseau que les crispations sont les plus vives –,…
M. Daniel Raoul. Il continue de lire !
M. Gérard Cornu, rapporteur. … le comité directeur de l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie, l’ACFCI, s’est prononcé le 16 septembre 2008 en faveur d’un scénario qui privilégiait une approche régionale, avec la création de chambres régionales auxquelles serait octroyée la collecte de la taxe.
Dans une première mouture, le scénario prévoyait en réalité, et c’est important, que les chambres régionales disposeraient de délégations autonomes sans personnalité juridique. Mais, devant la contestation qui s’est élevée au sein du réseau,…
M. Daniel Raoul. Et cela continue !
M. Gérard Cornu, rapporteur. … contestation du reste tout à fait compréhensible, un autre schéma a été privilégié : celui d’un renforcement du niveau régional, parallèlement au maintien de la capacité des chambres territoriales – elles conservent leur personnalité morale – à assurer et à développer les services de proximité.
Voilà quel a été le cheminement.
Je tiens à rappeler que l’avant-projet de loi a été adopté par l’assemblée générale extraordinaire de l’ACFCI le 14 avril 2009, à une majorité de 98 voix pour…
M. Daniel Raoul. Ce n’est pas vrai !
M. Claude Bérit-Débat. C’est faux !