Article 12 A (nouveau)
Après le deuxième alinéa de l’article L. 330-1 du code rural, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La politique d’installation contient un volet spécifique à l’installation en société, comprenant un diagnostic et un accompagnement des sociétés agricoles en recherche d’associé ainsi que des jeunes candidats à l’installation, et facilitant le développement des remplacements d’associés par l’intermédiaire du répertoire mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 330-2. »
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, sur l'article.
M. Jacques Muller. Nous abordons la question de l’emploi agricole.
Après la Seconde Guerre mondiale, mécanisation oblige, l’exode rural s’est amplifié. Il s’est encore accentué avec les grandes lois des années 1960-1962. L’objectif de l’époque était d’obtenir, dans le secteur agricole, une productivité équivalente au secteur industriel. Cela a abouti à une forte diminution du nombre d’agriculteurs et à une concentration des exploitations.
Le phénomène a ensuite continué. Il a même été aggravé par la réforme de la PAC de 1992, puis avec les fameuses primes à l’hectare, transformées depuis peu en DPU. Alors que, dans d’autres secteurs économiques, on essaie d’alléger le coût du travail, en agriculture, on subventionne le capital. C’est unique !
Le projet de loi de modernisation de l’agriculture doit absolument mettre l’emploi au cœur de son dispositif. La « modernisation », cela veut dire inverser la tendance et stabiliser le mouvement. Lorsque des emplois agricoles disparaissent, ce sont l’artisanat, les PME, les services qui disparaissent.
Chacun l’aura compris, l’agriculture durable n’est pas simplement pour nous l’environnement, c’est aussi l’économie et l’emploi, lequel est le pilier de l’aménagement du territoire.
Dans cette optique, je proposerai trois amendements.
Le premier est destiné à faciliter l’accès à la terre.
Le deuxième vise à fixer la valeur du foncier, sans lequel aucune installation n’est possible. Cette référence est d’autant plus importante que le Sénat a rejeté tout à l’heure le critère des heures de travail.
Quant au troisième, il tend à améliorer le fonctionnement du contrôle des structures qui pose aujourd'hui problème : en témoigne la concentration des exploitations.
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Botrel, sur l'article.
M. Yannick Botrel. Nous sommes confrontés à une situation que personne ne conteste. Ce serait d’ailleurs vain, car les chiffres sont sans équivoque : le nombre d’installations de jeunes agriculteurs chute très nettement. Comme l’indique le rapport de la commission de l’économie, 5 163 jeunes agriculteurs se sont installés en 2009, contre 6 246 l’année précédente, soit 1 083 de moins.
La crise qui sévit depuis 2009 n’a évidemment pas amélioré la situation. Elle a au contraire accentué cette tendance. Les cessations d’activité et le déficit d’installations réduisent de façon drastique le nombre d’agriculteurs. C’est la raison pour laquelle l’installation des jeunes agriculteurs doit être une priorité affirmée par l’État et ses services ainsi que par la profession agricole elle-même et ses représentants.
En l’occurrence, la commission de l’économie s’est substituée au Gouvernement. Elle a en effet introduit dans le projet de loi deux articles relatifs à l’installation des jeunes agriculteurs, là où rien n’avait été prévu. Comment peut-on imaginer une politique agricole sans traiter un sujet aussi déterminant pour l’avenir que le renouvellement de la profession à travers les installations ? Il est donc pour le moins surprenant qu’un projet de loi qui prétend redonner des perspectives à l’agriculture n’aborde pas ce thème. Un tel sujet aurait d’ailleurs mérité à lui seul un grand débat.
On ne peut considérer, en dépit des articles introduits par la commission, que la LMAP réponde à ces préoccupations. En abordant la question de l’installation des jeunes agriculteurs de façon marginale, il est clair que le projet de loi ne prépare pas l’avenir de l’agriculture. Il laisse au contraire la porte ouverte à l’agrandissement et à l’extension des structures.
Durant plusieurs décennies, la gestion du foncier agricole, par la demande préalable d’autorisation d’exploiter les terres, a été administrée et régulée. Non que la méthode ait été en tout point parfaite et n’ait mérité aucune critique, mais cette politique volontariste a permis de favoriser les reprises de foncier en faveur des nouveaux exploitants comme de conforter les petites structures. Bien sûr, cette démarche a fait surgir des contestations ponctuelles et des récriminations, mais elle a globalement été comprise.
Il est advenu que cette politique de gestion du foncier a été délaissée, vidée de sa raison d’être par les lois de 2005 et de 2006. Le résultat le plus clair de cette décision est que le contrôle du foncier agricole, dans sa très grande partie, échappe désormais aux CDOA.
Mieux encore, le dévoiement des formes sociétaires, qui sont pourtant d’excellents outils d’installation, permet de contourner encore davantage le contrôle de la CDOA à l’avantage des grosses exploitations. Bien conseillé, un postulant à la reprise peut en effet entrer dans la structure sociétaire avec ses moyens propres, puis se substituer rapidement à l’un de ses membres, dont il peut alors reprendre le foncier, qui vient s’ajouter au sien propre.
Les représentants professionnels les plus lucides voient bien le résultat négatif de cette libéralisation du contrôle, intervenue il y a quatre ans. Cette dérégulation, qui ne vient pas de l’Europe, mais de décisions bien françaises, condamne de plus en plus souvent l’accès des plus jeunes au métier d’agriculteur, de même qu’elle empêche de conforter les petites et moyennes structures. Il faut donc rétablir des règles susceptibles de redonner une perspective à ceux que le métier d’agriculteur intéresse.
Vous avez affirmé, monsieur le ministre, votre souci de remettre la régulation au cœur des politiques agricoles. La gestion du foncier n’attend que cela !
Mme la présidente. La parole est à Mme Renée Nicoux, sur l'article.
Mme Renée Nicoux. Les articles 12 A et 12 B, introduits par le rapporteur Gérard César en commission, comblent en partie l’une des principales carences du texte initial : la place de l’être humain.
La situation des hommes et des femmes qui font quotidiennement vivre l’agriculture française n’était en effet pas traitée. Or, pour que l’agriculture continue à exister, il est indispensable qu’il y ait des hommes et des femmes ayant envie d’exercer le métier d’agriculteur. Le soutien à l’installation est donc un aspect essentiel qui aurait dû figurer dans le texte initial.
En dépit des dispositions législatives existantes et, parfois, du soutien complémentaire des collectivités territoriales, le nombre d’installations, quoique en légère hausse en 2009, a tendance à stagner depuis 2002. Dans nombre de départements, dont l’Ardèche, cette situation se traduit par un accroissement de la déprise agricole. Nous en connaissons les conséquences, tant sur l’activité des zones rurales fragiles que sur l’environnement.
Bien sûr, et nous en avons largement traité depuis le début de l’examen de ce texte, la crise profonde que subissent les professions agricoles ainsi que le niveau de leurs revenus ne sont pas de nature à promouvoir l’installation de nouveaux agriculteurs. Pour autant, la tendance de nos concitoyens en faveur du développement durable, d’une alimentation saine et de produits authentiques est de plus en plus marquée.
Cette tendance a un effet sur l’offre. D’ailleurs, parmi les personnes souhaitant s’installer en agriculture, nombreuses sont celles qui poursuivent l’objectif de répondre à cette demande nouvelle et croissante sur la base de modes de production différents, voire de modes d’organisation de l’exploitation différents. L’essor des associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, les AMAP, en est un exemple. Au demeurant, ce n’est pas la seule forme nouvelle, loin de là !
Dans ce contexte, il semble que les règles régissant l’installation des jeunes agriculteurs ne soient pas adaptées à ces nouvelles façons de produire et de concevoir le métier d’agriculteur. Ainsi, les critères et conditions déterminant l’accès au statut d’exploitant agricole concernant, notamment, la surface minimale d’installation ou l’installation sous forme d’entrée dans une société devront sans doute être repensés si nous voulons permettre à ces femmes et à ces hommes motivés par un projet agricole innovant, et souvent économiquement pertinent, de venir renforcer à terme les rangs des agriculteurs. Néanmoins, compte tenu des nombreuses implications de ces critères, il s’agit là d’une réforme en profondeur qui dépasserait sans doute l’objet de ce projet de loi.
Les difficultés d’installation ne se limitent pas à des formes innovantes de production et d’exploitation agricoles. D’une manière générale, le jeune agriculteur qui souhaite s’installer se heurte à des difficultés qui tiennent, d’une part, à sa situation sociale et à son logement et, d’autre part, à l’accès au foncier dans toutes ses dimensions.
Ainsi, avant de pouvoir être affiliés à la MSA en tant que non salariés des professions agricoles, les candidats à l’installation en agriculture doivent réaliser un plan de professionnalisation personnalisé, un PPP, adapté au profil de chacun. Celui-ci peut comprendre un certain nombre de formations et de stages. Durant cette période, aucune couverture sociale harmonisée n’est prévue. L’un de nos amendements vise donc à ce qu’un rapport soit réalisé sur cette question.
En lien avec la situation sociale, la question du logement doit être posée. Les jeunes rencontrent souvent des difficultés à se loger, les maisons d’habitation étant souvent plus onéreuses que l’exploitation elle-même. C’est pourquoi nous proposons que, durant les cinq premières années suivant l’installation, la maison d’habitation soit amortissable comme partie indissociable du corps de ferme.
Toutes les composantes du monde agricole reconnaissent que le frein le plus important à l’installation réside dans l’accès au foncier. L’urbanisation en est l’une des causes, mais les difficultés ne se résument pas à un problème de rareté de l’offre de terres agricoles. L’accès difficile au foncier est un problème structurel qui prend également sa source dans la constitution des exploitations – individuelles ou sociétaires – ainsi que dans le faible niveau des pensions de retraite agricole. En effet, d’une part, les critères de surface exigés pour la constitution des exploitations ont tendance à provoquer un « gel » de certaines terres surnuméraires pour l’exploitant ; d’autre part, l’assouplissement du contrôle des structures a conduit à favoriser l’agrandissement d’exploitations existantes aux dépens de l’installation.
Par ailleurs, pour les exploitants retraités, les propriétés foncières dont ils disposent sont souvent utilisées, à contrecœur, comme une réserve financière, vendues en parcelles constructibles, pour compenser le faible niveau de leurs pensions.
Nous proposons plusieurs amendements visant à renforcer le contrôle des structures ou à améliorer le niveau des pensions. Si vous les adoptez, mes chers collègues, ils pourraient contribuer à faciliter l’accès au foncier des jeunes souhaitant s’installer.
L’introduction de ce volet « installation » était indispensable. Toutefois, les dispositions qui seront adoptées n’apporteront pas les moyens d’assurer un avenir à l’activité agricole dans notre pays, faute de réflexion approfondie intégrant toutes les dimensions de la question de l’installation.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. L’installation des jeunes est un enjeu majeur pour notre agriculture. Or nous savons les difficultés que ceux-ci rencontrent pour s’installer et nous pensons qu’ils pourraient bénéficier de parrainages.
En l’occurrence, le groupement agricole d’exploitation en commun est une structure très intéressante pour favoriser cette installation. Dans un GAEC, le jeune est parrainé par deux ou trois associés. Mais, pour être intégrés, on leur demande aujourd’hui, non seulement d’avoir une qualification, de pouvoir bénéficier des aides à l’installation dans le cadre des prêts spécifiques, mais également d’apporter une superficie minimum. Et pourtant les GAEC disposent souvent d’une superficie suffisante, ne serait-ce que par la perspective du départ à la retraite de l’un de ses membres.
Monsieur le ministre, il nous apparaît inopportun de demander à un jeune d’apporter une superficie supplémentaire alors que les structures d’exploitation d’un GAEC sont déjà très importantes. Peut-être serait-il préférable de régler cette question par la voie réglementaire… Laissons à nos collègues députés le soin d’en décider.
En tout cas, c’est la meilleure façon de parrainer les jeunes en agriculture puisque les autres membres du GAEC apportent la structure d’exploitation et les capitaux nécessaires, même si les jeunes ont bien sûr la possibilité, grâce aux prêts, d’apporter des capitaux complémentaires.
Mme la présidente. L'amendement n° 280, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle contient un volet relatif à l'installation individuel en agriculture biologique, et un volet relatif à l'installation des jeunes ne disposant pas des diplômes requis. »
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Le présent article a été inséré grâce à l’adoption d’un amendement présenté par Gérard Cornu en commission.
Nous comprenons et nous partageons la volonté de notre collègue d’introduire dans ce projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche des mesures concernant l’installation des jeunes agriculteurs.
Pour autant, nous considérons que le présent article tel qu’il est rédigé reste limitatif puisqu’il dispose simplement que la politique d’installation contient un volet spécifique à l’installation en société, comprenant un diagnostic et un accompagnement des sociétés agricoles en recherche d’associé ainsi que des jeunes candidats à l’installation.
Pour notre part, nous estimons que la politique d’installation ne peut se limiter à l’installation en société et qu’elle doit prendre en compte la question de l’agriculture biologique ainsi que celle des jeunes qui ne disposent pas des diplômes légalement requis pour exercer des activités agricoles. Cette question avait déjà été largement débattue à l’occasion de l’examen de la loi d’orientation agricole.
Je vous le redis, pour garantir l’emploi agricole en milieu rural il est vital d’assurer le renouvellement des exploitants qui partent à la retraite. Les difficultés financières et la pénibilité du travail, qui font bien souvent le quotidien des agriculteurs, rendent d’autant moins attrayante l’activité agricole. Il est important, dans ces conditions, d’aider le plus grand nombre de jeunes qui décident de se lancer dans cette activité.
Si cet article a réellement pour but de promouvoir l’emploi agricole, il faut mettre en œuvre une politique d’installation volontariste. Une telle politique suppose d’agir sur un certain nombre de freins. Nous proposons notamment d’aider à l’installation les jeunes agriculteurs les moins diplômés.
À l’heure actuelle, il est exigé de tout jeune né après 1971 qui désire s’installer un diplôme de niveau IV, alors que, pour les artisans et les commerçants, un diplôme de niveau V est requis.
Cette exigence tenant au diplôme interdit à certains jeunes de bénéficier des aides. Elle constitue un frein à l’installation et agit comme un couperet. Nous aurions souhaité que les jeunes agriculteurs ne possédant pas les diplômes requis puissent se voir octroyer une aide sous certaines conditions et ne soient pas exclus de fait du bénéfice de la dotation d’installation aux jeunes agriculteurs.
C’est un combat que nous menons de longue date. Les choses avaient failli bouger au moment du débat sur la loi d’orientation agricole, mais je constate qu’elles sont à nouveau bloquées.
Pour relancer ce débat, nous avons déposé cet amendement de bon sens qui mérite réflexion : la politique d’installation doit contenir un volet sur l’installation des jeunes agriculteurs ne disposant pas de diplôme qui s’installent aujourd’hui dans des conditions particulièrement difficiles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Madame Labarre, vous posez un réel problème. Je rappelle que le plan agriculture biologique vise à tripler les surfaces cultivées en « biologique » afin d’atteindre 6 % de la surface agricole utile à l’horizon 2012. L’installation de jeunes pourra contribuer à cet objectif, mais le développement des surfaces en agriculture biologique repose surtout sur la conversion des parcelles.
En outre, je suis personnellement très attaché à ce que les jeunes qui sollicitent des aides au titre de la DJA puissent justifier de certains diplômes. S’engager dans la voie qui consisterait à les en dispenser ne me semble pas de nature à apporter les meilleures garanties de réussite tant les compétences requises pour mener à bien une exploitation sont aujourd'hui pointues.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, madame la présidente, et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, l’installation en agriculture biologique est déjà favorisée dans le cadre du dispositif général d’aide à l’installation. Je ne pense pas qu’il soit opportun d’aller plus loin en la matière. Le nombre d’installations en agriculture biologique ne cesse d'ailleurs d’augmenter année après année, ce qui est une bonne chose. Toutefois, en termes d’équité, comme je l’ai déjà indiqué, je pense qu’il vaut mieux s’en tenir au dispositif actuel.
Ensuite, la question des diplômes est évidemment très importante. En vue d’assurer le succès des jeunes agriculteurs, nous souhaitons que les conditions de diplôme et de capacités professionnelles conformes aux exigences communautaires soient maintenues. Il s’agit de faire en sorte que chacun d’entre eux réussisse dans la voie agricole en percevant un revenu décent, et non d’emmener dans cette voie le plus de monde possible dans n’importe quelles conditions.
Je précise néanmoins que nous avons assoupli les conditions de diplôme en ouvrant la dotation d’installation aux jeunes agriculteurs aux personnes titulaires d’un baccalauréat général qui n’ont pas d’autres capacités professionnelles.
Nous avons ainsi, me semble-t-il, trouvé le bon équilibre entre le souci de voir des jeunes réussir dans des activités agricoles de plus en plus techniques, qui demandent de nombreuses connaissances et donc des capacités professionnelles sérieuses, et l’ouverture d’un débouché pour ceux qui disposent d’un baccalauréat général.
Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.
Mme Odette Herviaux. Je ne soutiendrai pas cet amendement dans la mesure où il y est fait référence à l’installation des jeunes « ne disposant pas des diplômes requis ».
En revanche, il me paraîtrait important que soit prise en compte, outre le diplôme obtenu à l’issue d’une formation agricole qui pourrait être diversifiée et évolutive, la validation des acquis de l’expérience. Un diplôme pourrait être délivré par équivalence sans qu’il soit besoin de retourner suivre une formation lourde.
M. Jean-Paul Virapoullé. Eh oui !
M. Gérard César, rapporteur. C’est juste !
Mme Odette Herviaux. J’ai eu plusieurs fois l’occasion d’aborder cette question. La VAE est quelque peu dévoyée. On propose non pas des équivalences mais des remises à niveau pour passer des diplômes. Je considère que le but de la VAE est de reconnaître à une personne, en fonction de son profil et de ses acquis, une équivalence avec tel ou tel diplôme.
Si la proposition de nos collègues avait pris cette forme, je l’aurais soutenue, mais je ne puis apporter mon suffrage à l’amendement dans sa rédaction actuelle.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 12 A.
(L'article 12 A est adopté.)
Articles additionnels après l’article 12 A
Mme la présidente. L'amendement n° 409, présenté par MM. Sueur et Chastan, Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, M. Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 12 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur les difficultés rencontrées par les candidats à l'installation dans le cadre sociétaire qu'il s'agisse de la création d'une société ou de l'intégration à une société existante avec modification de la consistance de l'exploitation ou en remplacement d'un des associés et sur les moyens d'y remédier.
Ces difficultés portent notamment sur la recherche du cédant, la complexité des procédures, l'accès aux aides à l'installation, l'obligation d'apport de foncier, la reconnaissance des associés exploitants et l'organisation du travail dans un cadre souvent familial.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Il eût été vraiment paradoxal qu’un texte sur l’avenir de l’agriculture ne traitât point de l’installation des jeunes agriculteurs. Or c’était le cas du projet de loi initial. Nous devons rendre hommage au président et aux rapporteurs de la commission de l’économie pour avoir ajouté un titre consacré à l’installation des agriculteurs.
Nous avons comme vous travaillé, au sein de notre groupe, avec les représentants des jeunes agriculteurs, qui sont à juste titre très attachés à cette question. Nous proposerons à cet égard plusieurs amendements au cours du débat. L’un d’eux porte sur la fameuse taxe concernant les espaces d’origine agricole voués désormais à l’urbanisation, de manière à ce que le produit de cette taxe revienne non seulement au secteur agricole, mais plus spécifiquement à l’installation des jeunes agriculteurs.
Il n’y a pas d’avenir pour notre agriculture si l’on ne développe pas l’aide à l’installation des jeunes. Or, monsieur le ministre, vous le savez, 5 163 jeunes ont obtenu l’octroi d’une dotation d’installation aux jeunes agriculteurs en 2009, contre 6 246 en 2008, soit une baisse de près de 20 % en un an. Même si la DJA ne concerne qu’une partie des installations, le phénomène est préoccupant alors que de nombreux jeunes veulent, avec beaucoup de dynamisme, s’installer.
J’en viens à l’amendement n° 409. Nous l’avions d’abord rédigé de manière plus positive, monsieur le ministre, mais nous avons craint qu’il ne tombe sous les fourches caudines de l’article 40 de la Constitution. C'est pourquoi nous avons proposé, comme vous l’avez fait vous-même, monsieur le rapporteur, qu’une attention toute particulière soit portée à l’installation des jeunes dans le cadre d’une association, d’un groupement.
On constate à cet égard bien des difficultés. En particulier, un apport foncier est nécessaire. Cette clause est souvent rédhibitoire pour un jeune qui souhaite s’installer dans le cadre d’une association ou d’un groupement. Il convient donc d’étudier de près les conditions d’installation non seulement à titre individuel, mais également par la reprise de parts au sein d’une association ou d’un groupement. Cette dernière solution est souvent beaucoup plus réaliste, même si les jeunes y pensent moins.
On note qu’une majorité de candidats à l’installation recherche une exploitation individuelle, alors que les associés d’exploitants sont de plus en plus nombreux à souhaiter remplacer l’un des leurs partant à la retraite. Les études ont d’ailleurs montré qu’un candidat sur trois concrétise son projet d’installation dans le cadre sociétaire, alors que seulement un sur neuf y parvient individuellement.
Les obstacles doivent donc être étudiés de près, qu’il s’agisse de la création d’une société, de l’intégration à une société existante avec modification de la consistance de l’exploitation ou en remplacement d’un des associés. Il convient en particulier de tenir compte de la grande difficulté liée à l’obligation d’un apport foncier.
Si nous proposons que le Gouvernement remette un rapport au Parlement, ce n’est pas pour multiplier le nombre des rapports, c’est parce que nous pensons que cette question mérite vraiment d’être étudiée et que favoriser l’insertion d’un jeune dans un groupement est une manière utile et efficace d’œuvrer pour l’installation des jeunes dans l’agriculture.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Je remercie Jean-Pierre Sueur d’avoir plaidé pour la nécessité d’aider à l’installation des jeunes agriculteurs et surtout d’avoir indiqué que la commission avait bien travaillé. (Sourires.) C’est tellement rare que je tenais à le souligner ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
Il ne me paraît pas souhaitable, Mme Odette Herviaux le sait bien, de multiplier la remise de rapports. Jean-Pierre Sueur proposait que nous engagions un travail de fond pour identifier les obstacles à l’installation sociétaire, qui constitue certainement une forme bien adaptée à l’installation agricole aujourd'hui. Un groupe de travail comprenant des jeunes agriculteurs et des représentants des exploitations agricoles me semblerait plus approprié.
Monsieur Sueur, je fais confiance en particulier au syndicat Jeunes Agriculteurs pour poser ces problèmes à M. le ministre. Je note que ce syndicalisme est très dynamique, comme il l’a montré dimanche dernier à l’occasion d’une magnifique présentation sur les Champs-Élysées. Je leur fais donc confiance pour, avec les organisations professionnelles, le ministère de l’agriculture et de la pêche et, pourquoi pas, le Parlement, trouver les meilleures solutions afin de favoriser l’installation, qu’elle soit sociétaire ou pas.
La commission a donc émis un avis défavorable, préférant l’installation d’un groupe de travail à la remise d’un rapport au Parlement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement. La question est importante mais je ne suis pas sûr qu’un rapport permette de la résoudre.
Je souhaite formuler deux observations complémentaires. La première sera pour saluer une nouvelle fois le travail de la commission, de son président et de ses rapporteurs. La deuxième porte sur les propos tenus par Jean-Pierre Sueur, concernant notamment l’affectation de la taxe sur la spéculation sur les terres agricoles. Nous aurons un débat sur ce sujet et je trouve sa proposition intéressante, comme je l’ai déjà indiqué en commission.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. À propos de ce titre II bis relatif à l’installation, j’évoquerai l’article 1er quater sur l’enseignement agricole qu’a vaillamment défendu Françoise Férat, qui défend bien autre chose que la Champagne…
Je dirai ensuite à notre collègue Jean-Pierre Sueur que le conseil régional et l’excellent conseil économique et social régional de Basse-Normandie ont mis en place, en collaboration avec la chambre régionale d’agriculture et le service régional d’information et du développement, une politique destinée à promouvoir un rapprochement entre les conseillers et les jeunes, afin d’encourager ces derniers à réfléchir davantage sur l’organisation du travail avant d’entrer en activité. Il faut également les sensibiliser aux structures juridiques et sociales auxquelles ils pourront être confrontés.
Nous ne l’avons pas assez répété, que ce soit en agriculture ou dans l’artisanat, la préparation du projet est très importante pour n’importe quel futur chef d’entreprise, qu’il s’agisse du nombre d’heures de travail, de la forme de société, bref de tout élément constitutif du projet d’entreprise.
Si vous lisez l’excellent rapport du conseil régional de Basse-Normandie, vous constaterez, par exemple, que les jeunes se déclarent prêts à travailler soixante-dix heures car, au moment de l’élaboration du projet d’installation, le nombre d’heures n’a donc aucune importance pour eux. En revanche, lorsqu’ils se retrouvent dans leur exploitation et doivent faire face à un certain nombre de nécessités, le problème devient tout autre.
Il faut donc lier ce problème de l’installation à celui de la formation, formation continue ou valorisation des acquis peu importe, et je crois qu’en la matière les agents locaux, le conseil régional, le conseil régional économique et social, les chambres d’agriculture et les structures administratives ad hoc apportent, d’ores et déjà, au niveau local, une très bonne assistance.
S’il est un sujet sur lequel il faut délocaliser au niveau local, c’est bien celui-là, précisément parce que l’agriculture comporte un certain nombre de spécificités locales. En effet, nos amis de la montagne confrontés aux loups, nos amis des régions viticoles ou encore les normands en général ne sont pas confrontés aux mêmes problématiques. Dès lors, faisons confiance à l’initiative locale !