M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin.
M. Daniel Marsin. Ma question s’adressait à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche ; je la poserai aujourd’hui à Mme la ministre chargée de l’outre-mer ; elle porte sur l’accord de libre-échange entre l’Union européenne, la Colombie et le Pérou.
Cette question est d’autant plus préoccupante que la présidence espagnole de l’Union européenne se félicite déjà de la prochaine signature d’accords de libre-échange entre l’Union européenne, la Colombie et le Pérou, lors du VIe sommet Union européenne-Amérique latine et Caraïbes.
Il faut le dire, ces accords suppriment, à terme, les barrières douanières sur les produits industriels et agricoles, d’une part, en ouvrant les marchés colombien et péruvien à l’industrie automobile, aux produits laitiers, au vin et, d’autre part, en ouvrant le marché européen à des produits industriels, et surtout agricoles, comme le sucre, le rhum, la banane ainsi que la viande.
Je constate, d’emblée, que ces accords semblent introduire une réelle incohérence entre les engagements protecteurs pris par l’Union européenne à l’égard des régions ultrapériphériques, les RUP, et les engagements pris par la Commission européenne : les concessions faites à la Colombie et au Pérou, et donc l’arrivée massive sur les marchés insulaires mais aussi continentaux de ces produits agricoles, auront forcément des effets dévastateurs sur l’économie des régions ultrapériphériques, comme sur les économies française et européenne.
Par ailleurs, ces accords vont créer un précédent, qui jouera contre les intérêts des RUP, mais aussi des agriculteurs français et européens. En outre, ce précédent risque d’être consolidé lors des prochaines négociations avec le MERCOSUR et de déstabiliser un peu plus l’ensemble de l’agriculture française, y compris celle des départements d’outre-mer.
Je m’interroge donc sur les intentions du Gouvernement, sachant que le Président de la République s’est engagé dans une politique nationale en faveur du développement endogène de l’outre-mer.
Madame la ministre, vous avez répondu à M. Serge Larcher que vous aviez attiré l’attention de la Commission européenne sur ce problème.
Je me permets cependant d’insister.
La France a-t-elle l’intention de signer cet accord en l’état, sans exiger de la Commission une renégociation de certaines dispositions du texte ?
Dans l’hypothèse d’une signature en l’état, quelles mesures compensatoires la France compte-t-elle prendre pour permettre aux agriculteurs français d’outre-mer, mais, au-delà, à tous les agriculteurs de France d’écouler leurs productions, de façon préférentielle, sur le marché européen ? (M. Yvon Collin applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée de l'outre-mer.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, vous interpellez le Gouvernement sur les conséquences pour l’agriculture des DOM de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et certains pays andins. Vous ciblez certaines productions agricoles, en particulier la banane.
Ce projet d’accord, annoncé le 1er mars, doit être signé prochainement ; il va bien au-delà de l’accord multilatéral conclu au mois de décembre 2009. C’est la raison pour laquelle j’ai attiré l’attention de la Commission et j’ai demandé des mesures de compensation tendant notamment à renforcer les clauses de sauvegarde prévues par le traité de l’Union pour les régions ultrapériphériques de manière à protéger nos productions locales. Le Gouvernement a officiellement transmis ses remarques.
J’ai également demandé que puissent être instaurées très rapidement des compensations financières au bénéfice de toutes les filières agricoles en outre-mer. Cette demande sera transmise prochainement sur la base d’un chiffrage précis.
Parce que l’Union européenne peut accompagner notre pays et soutenir les mesures nationales qui ont été décidées lors du conseil interministériel de l’outre-mer pour assurer le développement endogène de ces RUP, j’ai demandé que puisse être mis en place un système de facilitation en matière de régulation.
Enfin, lors d’échanges sur cette question auxquels j’ai procédé avec les différents commissaires concernés, y compris Michel Barnier, j’ai souhaité que des études d’impacts systématiques soient réalisées avant la conclusion de tout accord commercial pouvant concerner les régions ultrapériphériques. Ce point figure dans le mémorandum conjoint des RUP et des États membres que je signerai demain aux Canaries. (Applaudissements sur quelques travées de l’UMP.)
M. René-Pierre Signé. Maigres applaudissements !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Environ 7 % des élèves sont concernés par l’absentéisme scolaire, ce qui justifie grandement que l’on s’intéresse au problème. Pour autant, la suppression du versement des allocations familiales aux familles concernées que demande le Président de la République et que propose, par le biais d’une proposition de loi, un membre de votre majorité est une mauvaise réponse à un vrai problème.
Une telle focalisation est d’autant plus surprenante que cette possibilité existe déjà. La mesure n’est tout simplement pas appliquée, car l’ensemble des professionnels concernés s’accordent à dire qu’elle est contre-productive. D’ailleurs, les pays qui l’ont expérimentée, comme la Grande-Bretagne, font le même constat.
Un élève en décrochage scolaire est un enfant qui ne trouve pas sa place à l’école. Il n’est pas rare qu’il n’ait pas non plus la place qu’il devrait avoir au sein de sa famille. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
L’absentéisme scolaire est l’aboutissement de ces symptômes.
En répondant par la suppression des allocations familiales à ceux qui relèvent de situations sociales complexes, on rend l’enfant responsable des difficultés financières de sa famille. Au pire, une telle mesure peut engendrer violences et ruptures familiales ; au mieux, l’enfant reviendra à l’école, mais avec une image de lui encore plus dégradée et un sentiment d’échec renforcé. (Mme Jacqueline Panis proteste.)
En revanche, en permettant aux élèves de réussir quelque chose, en mettant en valeur leur savoir, leur savoir-être, leur savoir-faire, on peut modifier durablement les trajectoires d’un certain nombre d’entre eux et retisser véritablement le lien avec l’école.
M. Jacques Mahéas. Très bien !
Mme Raymonde Le Texier. Missionner des professionnels, tant au sein de l’école qu’auprès des familles, pour permettre à l’élève de retrouver l’estime de lui-même aurait une autre portée qu’une sanction financière.
Or, aujourd’hui, les élèves en situation de décrochage scolaire restent le plus souvent livrés à eux-mêmes, faute de prise en charge adaptée. Les causes de l’absentéisme sont donc rarement traitées.
Pourtant, l’enjeu en vaut la peine. L’école a pour mission d’empêcher que les inégalités de naissance ne se cristallisent en inégalités de destin. Le fait que les jeunes les plus concernés s’en détournent interpelle notre République.
Mesdames, messieurs les ministres, madame la secrétaire d’État, plutôt que de soutenir une proposition de loi qui ajoute l’exclusion à l’exclusion, allez-vous donner à l’accompagnement social comme à la réussite scolaire, à la réussite éducative, les moyens matériels et humains permettant de répondre aux enjeux de notre société ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie, tout d’abord, de bien vouloir excuser l’absence de M. Éric Woerth, qui m’a chargée, madame Le Texier, de vous apporter la réponse suivante.
M. René-Pierre Signé. Vous êtes missionnaire !
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Vous ne pouvez pas nier une réalité : l’absentéisme scolaire est extrêmement problématique et laisse des enfants en marge de la société. Il peut être source de délinquance et d’incivilités.
Pour l’année scolaire 2007-2008, le taux d’absentéisme a atteint 7 % en moyenne, comme vous l’avez rappelé, madame Le Texier.
Il est en progression et le Gouvernement ne peut rester sans rien faire.
M. Yannick Bodin. Et voilà !
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. M. le Président de la République s’est exprimé sur ce sujet hier devant les préfets, les recteurs, les inspecteurs d’académie, les procureurs. Avec plusieurs autres ministres concernés, j’étais présente. M. le Président de la République a bien expliqué que l’absentéisme scolaire avait de nombreuses causes et qu’il fallait pouvoir apporter à ce problème des réponses appropriées.
La responsabilisation des parents est l’un des moyens - pas le seul – pour lutter contre ce phénomène. La suspension des allocations familiales, et non la suppression, contrairement à ce que vous venez d’indiquer, madame Le Texier, constitue elle-même un moyen – ce n’est pas non plus le seul - de responsabiliser les parents.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Même Jean-Pierre Raffarin est contre !
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Le Président de la République a cité l’expérimentation menée dans l’académie de Créteil dénommée « la mallette des parents », qui vise à favoriser le dialogue entre l’école et les parents, notamment au moment de l’entrée en sixième. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. Vous êtes pour qui ?
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Ce dispositif va être étendu, car il a montré son efficacité. On a pu relever moins d’absences et une meilleure réussite scolaire des enfants.
M. Didier Boulaud. Madame la secrétaire d’État, c’est l’avis du maire de Chantilly que vous donnez ! Créteil n’est pas Chantilly !
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Mais la prévention peut ne pas être suffisante. Si nous voulons nous donner les moyens d’atteindre notre objectif politique, il faut pouvoir disposer d’outils de sanction qui donnent des résultats.
M. Jean-Pierre Sueur. Vous le pensez réellement ?
M. Jacques Mahéas. Cessez de supprimer des postes d’enseignant !
Mme Michelle Demessine. C’est vraiment scandaleux !
Mme Éliane Assassi. Les allocations familiales ne sont pas une récompense ! C’est un droit !
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Ces allocations ont bien pour objet de permettre aux parents d’éduquer convenablement leurs enfants. La suspension de leur versement en cas de carence de l’autorité parentale n’est pas un dispositif nouveau.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous justifiez l’injustifiable !
M. Didier Boulaud. Donnez-nous votre avis !
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Le Gouvernement a la volonté de faire en sorte que ce dispositif ne soit pas simplement un outil sur le papier, mais qu’il fonctionne. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Tel est d’ailleurs l’objet de la proposition de loi déposée par le député Éric Ciotti : en cas d’absentéisme avéré répété, l’inspecteur d’académie, après avoir épuisé les autres voies de dialogue, aura le pouvoir de demander directement au directeur de la caisse d’allocations familiales de suspendre le versement de ces allocations. Il s’agit bien d’une suspension. Dès que l’enfant retournera de façon régulière à l’école, les allocations, suspendues, seront reversées immédiatement à la famille. (Protestations indignées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. René-Pierre Signé. C’est bien le moins !
M. Didier Boulaud. Vous vous enferrez !
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Il ne s’agit pas de suspendre l’intégralité des allocations familiales versées à une famille nombreuse pour sanctionner le comportement d’un seul des enfants.
M. Didier Boulaud. Donnez-nous votre avis !
M. Jean-Louis Carrère. Votre avis à vous !
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. C’est la part des allocations correspondant à l’enfant absentéiste qui sera suspendue. Il y aura bien proportionnalité de la sanction.
M. Didier Boulaud. Toutes les communes de France ne sont pas Chantilly !
M. le président. Laissez parler Mme la secrétaire d'État !
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Contrairement à ce que vous affirmez, nos objectifs et les mesures permettant de les atteindre sont équilibrés.
M. Didier Boulaud. C’est dommage que M. Raffarin soit absent !
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. À chacun de jouer le jeu ! Aux élus aussi de prendre leurs responsabilités dans l’accompagnement lié à l’aide aux parents confrontés à des difficultés dans l’éducation de leurs enfants.
M. Jean-Louis Carrère. Et c’est à vous que l’on fait lire cette intervention !
M. Didier Boulaud. Mais il se passe quoi, dans les banlieues ?
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Je vous le dis, il vaut mieux s’occuper de ces gamins, ne pas hésiter à appliquer la bonne méthode, celle du care, pour qu’ils s’en sortent, au lieu de ne rien faire et de voir des centaines d’enfants des classes populaires devenir des délinquants. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. - Protestations vives et prolongées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Didier Boulaud. Vous pouvez vous en occuper sans pénaliser les familles ! Ce n’est pas l’avis de la secrétaire d’État aux banlieues, c’est celui du maire de Chantilly que vous donnez !
Mme Éliane Assassi. Une honte !
M. Jean-Louis Carrère. C’est une honte !
M. le président. Mes chers collègues, sachons raison garder et faire preuve de respect les uns vis-à-vis des autres !
affaire de nantes
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier.
Mme Gisèle Gautier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, la déplorable affaire dite de « Nantes » soulève bien des interrogations, voire de vives réactions, qui non seulement méritent d’être évoquées au sein de la Haute Assemblée, mais qui nous invitent à trouver ensemble - ensemble, mes chers collègues - des solutions, dont la nature il est vrai reste à définir !
En premier lieu, j’aborderai le port du niqab, qui devrait faire l’objet d’un projet de loi. Je souhaite obtenir des informations sur le contenu de ce texte et des précisions sur le calendrier de son examen.
En l’espèce, il est évident que la femme de M. Lies Hebbadj a choisi délibérément de placer cette affaire sur le plan politique en convoquant derechef une conférence de presse. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Il s’agit manifestement d’une provocation, bien orchestrée par son mari, qui, selon le président du Conseil français du culte musulman, M. Mohammed Moussaoui, « a multiplié les offenses à l’islam ». Il précise, en outre : « D’autres avancent une obligation religieuse : c’est mensonger. » Il estime que le Coran ne saurait l’exiger. Il ajoute que « ce vêtement ne permet pas à une femme d’avoir une vie sociale normale. Le porter, c’est s’exclure de la société. »
Par ailleurs, l’homme à l’origine de ce « fait divers », militant intégriste, se déclare fier d’être polygame, situation interdite par la loi française, ce qu’il n’ignore pas, ou bien encore d’avoir « seulement » quatre maîtresses ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Ce fait m’amène à évoquer les aides et autres prestations sociales indument perçues, en quelque sorte, par les quatre « femmes » de M. Hebbadj pour leurs douze enfants au titre soit des allocations familiales, soit du revenu de solidarité active, soit d’allocations de solidarité. Il s’agit d’un détournement des aides sociales au détriment de ceux qui en ont le plus besoin.
Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre face à ces dérives que la République française ne saurait tolérer ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée de l'outre-mer.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Madame Gautier, le ministre de l’intérieur, qui effectue aujourd’hui une visite officielle en Afghanistan, m’a chargée de vous répondre.
Je ferai deux remarques.
La première est d’ordre général. Oui, vous avez raison, le port du voile intégral en France est une expression radicale et communautariste qui nie la dignité de la femme et bafoue les règles fondamentales du « vivre ensemble ».
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. C’est pourquoi le Gouvernement présentera un projet de loi tendant à interdire le port de ce voile, texte qui sera examiné à l’Assemblée nationale lors de la session extraordinaire du mois de juillet.
La seconde remarque porte sur ce que vous avez appelé « l’affaire de Nantes ».
M. Didier Boulaud. La « bien curieuse affaire de Nantes », pourriez-vous dire, madame la ministre !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Le Gouvernement a la conviction que l’immense majorité des musulmans de France aspirent à vivre en paix au sein de la communauté nationale et désapprouvent les dérives radicales d’une petite minorité d’extrémistes qui ne respectent pas les lois de notre République.
Il est certain que quelques radicaux cherchent à utiliser le débat sur le voile intégral pour mettre à l’épreuve la République.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous les y aidez !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Tel a été le cas à Nantes, lorsqu’une femme portant le voile intégral a tenu une conférence de presse provocatrice, afin de critiquer les autorités. C’est la raison pour laquelle le ministre de l’intérieur, en liaison avec le Premier ministre, a tenu à saisir l’autorité judiciaire des suspicions graves et concordantes pesant sur un individu qui vivrait avec plusieurs femmes voilées, aurait douze enfants et détournerait le système d’aide sociale.
Madame Gautier, le dossier est suffisamment grave et étayé pour que le parquet ait décidé d’ouvrir une enquête confiée à la police judiciaire de Rennes et au GIR de Loire-Atlantique.
Vous l’avez compris, parce que la République respecte les droits des femmes, parce que la République refuse que des femmes soient emmurées, instrumentalisées, humiliées,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour l’instant, elles sont bien instrumentalisées !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. … parce que la République défend la dignité des personnes, parce que la République refuse que des femmes et des enfants soient exploités et que les allocations financées par la solidarité nationale soient détournées par des fraudeurs, le Gouvernement ne cédera rien à ceux qui refusent d’appliquer les règles du « vivre ensemble ». (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Didier Boulaud. Oh là !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit, et à lui seul, mes chers collègues.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'immigration, de l'intégration,…
M. Jacques Mahéas. Ministre de la désintégration, plutôt !
M. Jean-Pierre Cantegrit. … de l'identité nationale et du développement solidaire.
Le président de l’Union des Français de l’Étranger, l’Union des Français de Madrid viennent de me saisir d’un fait particulièrement grave, qui m’avait échappé. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
La FNAC de Nice a organisé un « marathon de la photo ». Elle a engagé cent cinquante équipes qui se sont disputé les trophées dans trois catégories, dont l’une était « le politiquement incorrect ». Dans cette troisième catégorie, la FNAC de Nice a primé une photo où l’on voit un homme se « torcher le cul » dans les plis du drapeau français !
M. Didier Boulaud. Et cela se passe chez Christian Estrosi ? Cette ville n’est pas tenue ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Cantegrit. Je veux bien croire que la direction générale de la FNAC à Paris n’était pas informée de cette opération. Elle a d’ailleurs publié un communiqué d’excuses et fait retirer la photo de la liste des lauréats.
M. Didier Boulaud. Mais que fait le maire ?
M. Jean-Pierre Cantegrit. Mais j’insiste, un jury de professionnels a choisi cette photo pour lui donner le premier prix de cette catégorie ; ils auraient eu un « coup de cœur » pour la photo de Frédéric Laurent.
Le journal gratuit Metro a révélé cette insulte et cette honte le vendredi 19 mars. Cela n’a cependant pas provoqué de bruits dans les médias, et les protestations officielles ont été tardives et peu entendues.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je m’étonne que vous n’en ayez pas entendu parler !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Les réactions des Français de l’étranger, que j’ai l’honneur de représenter,…
M. Didier Boulaud. Avec onze autres de vos collègues !
M. Jean-Pierre Cantegrit. … ces réactions ont été vives.
M. Didier Boulaud. Cela n’a rien à voir !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le ministre, oserais-je vous dire que je suis atterré ?
Que l’on siffle La Marseillaise dans des stades ou que l’on détourne ses paroles de façon ordurière dans des chansons, c’est inadmissible et scandaleux (Exclamations ironiques à gauche) ; que le drapeau français soit brûlé en public l’est tout autant, car l’excitation ne peut en aucun cas justifier une telle chose.
Mais ce concours où l’on prime une photo d’un quidam qui a baissé son pantalon et qui se torche avec notre drapeau national, là, trop, c’est trop !
Mme Éliane Assassi. Vous l’avez déjà dit !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Deux fois, c’est trop !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Le symbole de notre pays, lié à tant de souffrances et de morts, peut-il subir une telle outrance ?
M. Didier Guillaume. Mais nous sommes tous d’accord !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Je suis révolté et j’espère que vous l’êtes tout autant que moi.
M. René-Pierre Signé. Il l’est sûrement !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Je vous demande, monsieur le ministre, ce que vous entendez faire pour que les auteurs de ces faits soient sévèrement punis, ainsi qu’ils le méritent. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
M. Jean-Louis Carrère. Le grand nettoyage !
M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Monsieur Cantegrit, comme vous, comme beaucoup de Français et comme, je l’imagine, tous les Républicains sur toutes ces travées, j’ai été choqué par cette photographie révélée dans le journal que vous avez cité. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
Il est aussi choquant qu’un jury ait considéré qu’il s’agissait d’une œuvre artistique. Toutes celles et tous ceux qui ont pu voir cette photo en conviendront.
C’est une insulte, un outrage à la mémoire de celles et ceux qui ont défendu ce drapeau, qui se sont battus sous ses couleurs et qui, pour certains d’entre eux, sont morts, morts pour les valeurs de la France et le drapeau de la République Française.
M. René-Pierre Signé. Vous jouez sur la corde sensible !
M. Éric Besson, ministre. Cela a été perçu ainsi par beaucoup, en France et, au-delà, par les Français de l’étranger, par les étrangers eux-mêmes, mais aussi, bien évidemment, par les associations d’anciens combattants.
Monsieur le sénateur, vous posez à juste titre la question d’éventuelles sanctions. Dans beaucoup de pays étrangers, elles seraient automatiques et elles seraient lourdes.
M. Didier Boulaud. Vite, une loi en urgence !
M. René-Pierre Signé. Et une loi sévère !
M. Éric Besson, ministre. Avec ma collègue Michèle Alliot-Marie, ministre de la justice, nous avons considéré ce qu’était notre droit. En l’état actuel, il est improbable que nous puissions sanctionner ce type d’outrage. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Michel Billout. C’est faux !
M. Jean-Louis Carrère. Allez, une loi !
M. Éric Besson, ministre. Cette photo est considérée par la jurisprudence comme une « œuvre de l’esprit ».
La question qui nous est posée est donc tout à la fois de préserver la liberté d’expression, de défendre la liberté artistique, qui peut supposer le droit à l’impertinence et à l’insolence – il ne s’agit pas de tenter de réguler la création artistique – mais aussi de sanctionner ce type d’outrage. Mme Michèle Alliot-Marie est très décidée à soumettre prochainement au Parlement un ajout législatif qui permettra de sanctionner les outrages de ce type. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Vous nous faites travailler pour des clopinettes !
M. Éric Besson, ministre. La République a besoin d’être défendue, elle a besoin d’une société de respect mutuel, ce qui suppose le respect dû au drapeau, à notre hymne, à nos valeurs. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Nous entendons les protéger.
M. Jean-Louis Carrère. Créez des postes de gendarmes pour que la République soit défendue !
M. Éric Besson, ministre. Je suis persuadé que cette position est partagée sur toutes les travées de cette assemblée. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Louis Carrère. Je m’étonne qu’il ne nous ait pas proposé une table ronde ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)