PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.
Avant d’appeler la première question, je voudrais indiquer que M. Gérard Larcher, président du Sénat, ne peut être présent cet après-midi en raison d’un déplacement en Allemagne consacré à la réforme de la politique agricole commune et aux problèmes économiques de la zone euro.
J’ai donc l’honneur de présider cette séance de questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.
compétitivité de l'agriculture
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois.
M. Daniel Dubois. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
La France agricole gronde : moins 34 % de revenus en 2009, et jusqu’à moins 50 % pour les laitiers !
Monsieur le ministre, vous ne l’ignorez pas, de nombreux agriculteurs français sont au bord du gouffre, toutes productions confondues : des laitiers aux céréaliers, des éleveurs aux producteurs de fruits et légumes,…
M. Roland Courteau. Les viticulteurs, aussi !
M. Jean-Louis Carrère. Les sylviculteurs, les arboriculteurs …
M. Daniel Dubois. … toutes les filières sont en crise.
Sans réponse rapide et efficace, c’est le modèle même de notre agriculture qui serait menacé.
En plus d’une crise des revenus, c’est une véritable crise de compétitivité que connaît notre agriculture. Nos exportations ont diminué de 20 % en 2009.
M. Paul Raoult. Que fait la droite ?
M. Daniel Dubois. Le coût du travail agricole dans notre pays est presque le double de celui de l’Allemagne, chers collègues de gauche. Quant aux prix agricoles, ils ont enregistré une baisse de 11 % entre 2007 et 2009, sans d’ailleurs que les consommateurs en aient vu la couleur.
Face à ces défis, le groupe centriste ne l’ignore pas, de nombreuses réponses sont dans les négociations bruxelloises,…
M. Paul Raoult. C’est un peu facile !
M. Daniel Dubois. … mais le gouvernement français doit aussi réagir, et notre groupe regrette, monsieur le ministre, qu’il ne propose qu’un texte manquant singulièrement d’ambition.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Daniel Dubois. Aussi ma question, monsieur le ministre, est-elle très simple : le Gouvernement est-il prêt à soutenir des mesures qui dépassent le simple catalogue de bonnes intentions et de schémas régionaux ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Jean-Louis Carrère. Bravo !
M. Daniel Dubois. Notamment, le Gouvernement est-il prêt à étudier un mécanisme de baisse des charges des ouvriers agricoles ?
Le Gouvernement est-il prêt à rendre réellement efficace l’Observatoire des prix et des marges en imposant aux supermarchés qui ne jouent pas le jeu de la transparence d’afficher cette non-transparence aux caisses afin d’en informer les consommateurs ? Cet affichage serait bien plus efficace pour les agriculteurs et pour les consommateurs que de dérisoires amendes.
Oui, monsieur le ministre, il faut oser l’affichage en France, ce « name, blame and shame » cher aux Anglo-saxons !
Le Gouvernement est-il prêt à faire un diagnostic de toutes les mesures franco-françaises imposées à nos agriculteurs et à supprimer d’ici à la fin de l’année toutes celles qui paraissent excessives, comme vient de le faire le Président de la République pour les camions de 44 tonnes, mesure demandée par notre groupe depuis plus d’un an ?
Enfin, le Gouvernement est-il prêt à demander à son administration d’être un peu moins zélée dans ses contrôles tatillons et plus efficaces dans son soutien à ses agriculteurs ?
M. René-Pierre Signé. Le temps de parole est dépassé !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est trop long !
M. Daniel Dubois. Monsieur le ministre, vous le savez, nos agriculteurs ne supporteront pas une nouvelle année aussi désastreuse que celle qu’ils viennent de vivre.
M. Jacky Le Menn. Très bien !
M. Roland Courteau. Oui, très bien !
M. le président. Mes chers collègues, j’invite chacun à respecter son temps de parole !
La parole est à M. le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.
M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Monsieur Dubois, j’ai bien compris votre question,…
Mme Raymonde Le Texier. C’est déjà ça !
M. René-Pierre Signé. Et ceux de la réponse ?
M. Michel Mercier, ministre. M. Le Maire aurait souhaité vous répondre lui-même, mais il est actuellement retenu au congrès de la Confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricoles, ce qui explique son absence cet après-midi.
Je veux d’abord vous dire que le Gouvernement a pris la pleine mesure du drame que vivent les agriculteurs. Aux différentes questions que vous avez posées, je vais d’ailleurs apporter des réponses qui vous montreront que le Gouvernement est dans l’action et non pas, comme vous l’avez peut-être un peu trop suggéré, dans l’incantation.
Vous avez d’abord évoqué la compétitivité de l’agriculture.
Je rappelle que nous avons supprimé les charges sociales, ce qui ramène le coût horaire pour les saisonniers à 9,29 euros…
M. René-Pierre Signé. C’était déjà fait !
M. René-Pierre Signé. Il y avait déjà des allégements de charges !
M. Michel Mercier, ministre. Nous ne sommes pas encore au niveau de l’Allemagne, mais il y a un net progrès.
Vous avez par ailleurs vous-même évoqué, monsieur Dubois, la mesure annoncée par le Président de la République à propos des camions de 44 tonnes.
S’agissant des prix et des marges, le 17 mai prochain, le Président de la République recevra à l’Élysée les producteurs, les distributeurs…
M. Didier Guillaume. Pas la peine de faire une loi !
M. Jean-Louis Carrère. Il va aussi recevoir les gendarmes !
M. Jean-Louis Carrère. Il va recevoir ensuite les voleurs !
M. Michel Mercier, ministre. Le but du Gouvernement est, d’une part, que soient pratiqués des prix qui permettent aux agriculteurs de vivre de leur travail, d’autre part, que les baisses des prix soient aussi perceptibles par les consommateurs.
M. Didier Boulaud. Baratin !
M. Michel Mercier, ministre. Des accords de modération vont être proposés aux distributeurs, et ceux qui refuseront de signer ces accords en subiront les conséquences.
Je crois, en outre, que le projet de loi de modernisation agricole, qui va venir très rapidement en discussion devant le Sénat, a le grand avantage de prévoir pour la première fois une organisation des filières.
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas l’avis des agriculteurs !
M. Michel Mercier, ministre. Chaque fois qu’il y aura un bras de fer entre agriculteurs, distributeurs et industriels, le Gouvernement sera aux côtés des agriculteurs pour leur apporter aide et soutien ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Roland Courteau. Vous n’avez rien dit !
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas convaincant !
M. le président. La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Ma question s'adresse à Mme la ministre chargée de l'outre-mer.
Madame la ministre, 2010 est une année charnière pour l’avenir du soutien accordé aux RUP, les régions ultrapériphériques, dans le cadre de l’Union européenne.
Nous souhaitons recevoir l’assurance que la France pèsera de toute son autorité et mettra en œuvre tous les moyens nécessaires pour la défense de nos outre-mer par votre voix, madame la ministre, dès demain, à Las Palmas, lors de la présentation du mémorandum relatif à la nouvelle stratégie de l’Union européenne à l’égard des RUP, mais aussi à l’occasion des nombreux rendez-vous qui jalonnent les prochaines semaines.
Si nous comptons sur votre détermination, madame la ministre, c’est que nous savons que certains de vos collègues ne sont guère enclins à entendre les appels de l’outre-mer, dont les spécificités dérangent…
Nous sommes donc inquiets, et deux sujets de préoccupation d’une actualité brûlante me conduisent à vous interpeller aujourd’hui.
Le premier concerne l’avenir de l’octroi de mer au-delà de l’échéance de 2014.
Il s’agit d’une ressource fiscale tout à fait essentielle pour les budgets de nos collectivités territoriales, qui connaissent de lourdes difficultés.
La France vient de remettre à la Commission européenne un nouvel argumentaire économique complétant le rapport d’étape de 2008, lequel ne démontrait pas assez clairement l’impact bénéfique de l’octroi de mer sur l’économie locale.
L’issue de ce dossier dépendra très largement de l’implication du Gouvernement français, dont la ligne politique n’a pas toujours été très lisible !
Pouvez-vous nous confirmer, madame la ministre, que le Gouvernement est désormais déterminé à obtenir la pérennisation de l’octroi de mer au-delà de 2014 ?
Mon second sujet de préoccupation concerne une autre menace qui pèse sur les économies des départements d’outre-mer ; je veux évoquer l’accord de libre-échange conclu le 1er mars dernier entre l’Union européenne, le Pérou et la Colombie.
Cet accord couvre notamment les produits agricoles et permettra l’entrée sur le territoire de l’Union européenne, en particulier des DOM, de la banane, du sucre et du rhum en provenance de pays aux coûts de production largement inférieurs.
Le risque de démantèlement de nos agricultures déjà fragilisées est d’autant plus important que le champ d’un tel accord pourrait ultérieurement être étendu à l’ensemble des pays d’Amérique latine !
Madame la ministre, que compte faire le Gouvernement pour permettre à ces secteurs d’activité de rester compétitifs face à ces nouveaux entrants qui arrivent sur le marché européen ? (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Serge Larcher. Le Gouvernement envisage-t-il d’intervenir avant le 18 mai, date de la signature définitive de cet accord, auprès de la Commission européenne et des États membres pour permettre une révision des termes de l’échange afin de prendre en considération la situation économique et sociale des régions ultrapériphériques ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, respectez vos temps de parole, car la séance fait l’objet d’une retransmission à la télévision.
La parole est à Mme la ministre chargée de l'outre-mer.
M. Paul Raoult. À question précise, il faut une réponse précise !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner l’action menée par le Gouvernement depuis plusieurs mois pour défendre auprès de l’Union européenne les intérêts de l’outre-mer.
Je veux d’abord vous rassurer en ce qui concerne l’octroi de mer, sujet de votre première question, et le rapport complémentaire qui a été adressé, en plus du rapport d’étape de 2008, à la Commission européenne : les éléments que nous avons apportés à celle-ci correspondent à ses attentes.
Maintenant, il nous faut étudier les conditions de pérennisation du dispositif, pérennisation dont vous soulignez avec raison la nécessité ; le Gouvernement, je vous le dis, est déterminé à se donner les moyens de l’assurer.
L’octroi de mer, je le crois, est bien compris par nos interlocuteurs de la Commission européenne parce que c’est un outil avant tout destiné à aider la production locale. Il nous appartient maintenant de le prouver et de convaincre nos interlocuteurs que cet aménagement fiscal est bien un outil de protection pour les emplois et pour les entreprises.
Pour se faire, il me semble que nous devons nous fixer trois objectifs.
Premièrement, l’octroi de mer doit être inclus dans le mémorandum des régions ultrapériphériques dont vous avez fait état. Je vous l’annonce, monsieur le sénateur, c’est chose faite, puisque c’est prévu dans le texte que je vais signer demain à Las Palmas.
Deuxièmement, nous devons obtenir l’adhésion de la Commission européenne sur notre rapport d’évaluation. Je m’y emploie tous les jours, et j’ai d’ailleurs demandé au commissaire Hahn de m’accompagner auprès du commissaire Semeta sur cette question.
Troisièmement enfin, vous avez raison, il faut lancer l’étude telle qu’elle avait été conçue dans le cadre du conseil interministériel de l’outre-mer pour apporter la preuve de l’intérêt d’une bonne utilisation de l’octroi de mer. Cela, nous le ferons en lien avec les élus et les acteurs économiques.
Votre seconde question porte sur l’accord de libre-échange.
À cet égard, je tiens à vous dire que le Gouvernement a fait part à la Commission européenne des inquiétudes relatives à l’impact potentiel pour l’agriculture de l’outre-mer.
J’ai ainsi d’ores et déjà demandé, lors de mon déplacement à Bruxelles le 19 avril, que des mesures soient prises, notamment en ce qui concerne le renforcement de la clause de sauvegarde prévue par le traité de l’Union pour nos régions ultrapériphériques de manière à protéger nos productions locales, ainsi que des compensations financières supplémentaires.
Nous pouvons également envisager la mise en place d’études d’impact systématiques chaque fois qu’un accord pourra avoir des conséquences sur l’économie de l’outre-mer. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
crise grecque
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, je voudrais d’abord saluer le peuple grec, qui se mobilise et résiste. Je déplore que la grande manifestation populaire d’hier ait été endeuillée par les agissements inqualifiables de quelques individus, qui n’ont rien à voir avec les manifestants.
Ma question s’adressait à M. le Premier ministre, mais je suis certaine, madame la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, que vous pourrez me répondre.
Votre gouvernement prétend aider la Grèce. En réalité, encore une fois, il soutient les banques. (Protestations sur les travées de l’UMP - Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.)
M. Alain Fouché. Que c’est mauvais !
M. le président. Mes chers collègues, s’il vous plaît…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Être solidaire du peuple grec, c’est refuser qu’il soit humilié et contraint de payer au prix fort une crise dont sont responsables les milieux financiers et leurs représentants politiques en Grèce. C’est refuser que ce peuple soit plongé encore davantage dans une dangereuse récession.
En 2008, vous étiez prêts à mettre 340 milliards d’euros d’argent public à la disposition des banques, sans conditions.
M. Josselin de Rohan. C’était un prêt !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Depuis, elles continuent leurs activités spéculatives et affichent aujourd’hui des profits insolents.
Alors qu’elles se refinancent sur les marchés au taux directeur de la Banque centrale européenne, c'est-à-dire autour de 1 %, elles vont prêter à près de 3 % à l’État français, lequel prêtera à la Grèce au taux prohibitif de 5 %.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est une honte ! Une honte !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ces mêmes banques françaises, le Crédit Agricole, la Société Générale, la BNP Paribas et d’autres organismes financiers, ont d’ores et déjà profité, au cours de ces dernières années, de la dette grecque, dont elles détiennent 41 %, soit 60 milliards d’euros. Elles vont en être récompensées non seulement en n’ayant jamais pris le moindre risque, mais, de plus, en engrangeant de nouveaux bénéfices.
Nous ne pouvons que faire le constat, mes chers collègues, de l’inexistence d’une Europe solidaire. En revanche, l’échec de l’Europe libérale des traités de Maastricht et de Lisbonne est patent.
Madame la ministre, je m’adresse à vous puisque M. le Premier ministre est absent, nous refusons de passer la corde au cou du peuple grec. (Très bien ! sur les travées du groupe CRC-SPG.)
À l’évidence, il serait urgent de revoir le traité de Lisbonne et de réorienter le rôle de la Banque centrale européenne.
Mais, dans l’urgence, nous vous demandons, d’une part, de renoncer à faire du profit sur le prêt que vous accordez à la Grèce et de lui appliquer le taux directeur de la BCE, c’est-à-dire 1 %, voire moins, et, d’autre part, de prendre des sanctions à l’encontre des banques, assurances et organismes financiers qui spéculent sur les dettes des États. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Madame Borvo Cohen-Seat, j’aimerais que l’on évite de mélanger toutes les questions !
Je me réjouis de pouvoir présenter devant cette assemblée, dès ce soir, avec François Baroin, le projet de loi qui permettra à la France de se mettre en règle et d’honorer ses engagements de solidarité envers le peuple et le gouvernement grecs.
M. Jacques Blanc. Très bien !
Mme Christine Lagarde, ministre. Vous pouvez être en désaccord avec ce que dit le gouvernement grec, avec les rapports du Fonds monétaire international et les conclusions de la Commission européenne ; pourtant, tous disent la même chose, si vous les lisez attentivement : la Grèce doit prendre aujourd’hui des mesures d’austérité et de rigueur difficiles, mais nécessaires.
Selon le Premier ministre grec, M. Papandréou, ces mesures sont indispensables ; lui-même considère qu’il n’existe pas d’alternative à ce plan, qui fait actuellement l’objet d’une négociation entre la Commission, le FMI et le gouvernement légitime grec représentant les intérêts du peuple grec.
Cette situation ne fait plaisir à personne et nous aurions préféré ne pas la connaître, mais c’est ainsi ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Didier Boulaud. C’est à cause de vos amis de la droite grecque !
Mme Christine Lagarde, ministre. Je ne vous laisserai pas dire, en tout cas, que le gouvernement de François Fillon et le Président de la République ne font pas œuvre de solidarité et d’exigence à l’égard de la Grèce, qui est non seulement l’un de nos partenaires, mais aussi un membre de la zone euro. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
S’agissant maintenant des taux d’intérêt, car je veux explorer tous les aspects de votre question, ne croyez pas qu’il existe un seul taux directeur. Il est faux de dire que la Banque centrale européenne fixe un taux directeur unique !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Faites payer les banques !
Mme Christine Lagarde, ministre. À chaque période d’endettement, à chaque concours financier, correspond un taux directeur spécifique. Comme je le préciserai à nouveau lors de notre débat de ce soir, les membres de l’Eurogroupe ont souhaité, en l’occurrence, s’aligner sur les conditions pratiquées par le Fonds monétaire international.
Ce faisant, nous permettons à l’État grec de se financer et de se refinancer, ce qu’il ne peut pas faire aujourd’hui, sauf à emprunter à un taux supérieur à 12 %. L’Eurogroupe a en effet choisi d’appliquer un taux fixe de 5 %, ou un taux variable proche de celui qui est pratiqué par le Fonds monétaire international.
Il n’est donc pas question de se faire de l’argent sur le dos des Grecs, mais il s’agit de faire preuve de solidarité, de se porter ensemble au secours de la Grèce et de soutenir l’euro et la zone euro ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. Didier Boulaud. La France sera dans la même situation dans deux ans, quand vous serez battus !
crise grecque
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour deux minutes et demie maximum !
M. Philippe Marini. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, ainsi qu’à M. le Premier ministre. J’évoquerai, à mon tour, la crise financière, en me tournant non pas vers le passé, mais vers l’avenir. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
Madame le ministre, quelles conséquences le Gouvernement nous invite-t-il à tirer de ce dramatique épisode en ce qui concerne le pacte de stabilité et de croissance, le respect de nos engagements, la soutenabilité de notre propre dette et notre capacité à la rembourser ?
Mme Michelle Demessine. À quand un plan d’austérité en France ?...
M. Philippe Marini. Avons-nous la capacité de continuer ainsi, comme l’ont fait depuis longtemps vos prédécesseurs ?
M. Didier Boulaud. Depuis 2002 !
M. Philippe Marini. Pouvons-nous, aujourd’hui encore, tenir à la fois un langage communautaire et un langage national ?
Bien entendu, la commission des finances du Sénat estime, pour sa part, qu’il convient aujourd’hui de tout faire pour soutenir la convergence, le respect de nos engagements et la crédibilité de notre monnaie.
Pouvez-vous m’indiquer précisément, madame le ministre, quel rôle le Parlement peut jouer sur ce chemin de la convergence ? Le programme de stabilité ne devrait-il pas un jour être voté par le Parlement ?
Le débat d’orientation budgétaire, qui doit se dérouler à la fin du mois de juin ou au début du mois de juillet, ne serait-il pas le moment opportun pour faire partager à la représentation nationale et, au-delà, à l’ensemble de nos concitoyens, les responsabilités qui sont les nôtres envers notre pays et envers l’ensemble des membres de la zone euro ?
M. Didier Boulaud. Le Parlement est méprisé !
M. Philippe Marini. Enfin, quelle place, quel statut, quelles responsabilités et quelle méthode de travail pour l’Eurogroupe voyez-vous dans les années à venir, compte tenu des leçons de la crise grecque ?
Je vous remercie d’avance, madame la ministre, de bien vouloir nous éclairer sur ces sujets stratégiques. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je vous félicite, mon cher collègue : vous avez respecté votre temps de parole.
La parole est à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Monsieur le rapporteur général, cher Philippe Marini, je vous répondrai en trois temps.
Je commencerai par l’Europe, ses institutions et les modifications qui sont d’ores et déjà envisagées par un certain nombre de chefs d’État et de gouvernement. Le Président de la République, Nicolas Sarkozy, s’en est expliqué. Je vous renvoie à la lecture d’un quotidien du soir qui relate et commente plusieurs éléments de la lettre qu’il a cosignée avec Mme Angela Merkel et adressée à la fois au président de la Commission européenne et au président du Conseil, M. Van Rompuy.
Mme Nicole Bricq. Les lettres...
Mme Christine Lagarde, ministre. J’en viens à nos politiques économiques.
Il est clair que nous devons faire preuve d’une plus grande convergence dans nos politiques économiques, afin de nous assurer une plus grande stabilité. Cela suppose probablement de faire évoluer les institutions européennes, sans toutefois modifier pour autant le traité – je l’espère, en tout cas ! –, et d’instaurer une gouvernance économique au sein de l’Union européenne, ou plutôt très probablement au sein de la zone euro.
Sur ce sujet, le Président de la République a toujours été en avance, prônant régulièrement un véritable gouvernement économique, que notre voisin d’outre-Rhin n’appelait pas toujours vraiment de ses vœux.
Mme Nicole Bricq. Vous non plus !
M. Didier Boulaud. On la réclame depuis trente ans !
Mme Christine Lagarde, ministre. Enfin, la situation grecque actuelle montre clairement que le pacte de stabilité et de croissance n’est pas suffisant.
M. Didier Boulaud. Si on faisait moins de cinéma, il serait plus crédible !
Mme Christine Lagarde, ministre. En effet, les critères appliqués, notamment ceux du déficit et de la dette rapportée au produit intérieur brut, ne sont pas suffisants, à eux seuls, pour assurer la convergence au sein notamment de la zone euro. Je pense qu’il conviendrait d’y ajouter, à tout le moins, un indicateur crédible de compétitivité, afin d’établir des comparaisons entre les pays qui font véritablement des efforts et, soyons clairs, ceux qui se sont un peu laissés aller en la matière.
Sur ces trois points, nous devons améliorer la situation au sein de l’Union européenne. Ces remarques valent également pour la zone euro, qui nous rassemble à seize autour d’une monnaie commune. Mais cette zone n’a d’existence juridique, pour le moment, qu’à travers l’article 136 du traité de Lisbonne, qui permet fort heureusement enfin d’explorer de nouveaux outils et de nouveaux modes d’alerte et de sanction, et qu’il serait particulièrement opportun d’utiliser.
Par ailleurs, sur le plan national, nous devons nous orienter sur le chemin de la restauration des grands équilibres de nos finances publiques. François Baroin et moi-même allons nous y atteler dans les mois et les années qui viennent ; c’est un travail de fond et de longue haleine, mais la souveraineté nationale est en cause. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Didier Boulaud. Dépêchez-vous, il ne vous reste que deux ans !