M. le président. Je suis désolé, ma chère collègue, mais vous devez vous inscrire à l’avance pour vous exprimer sur un article. Il y a des règles, et je me dois de les faire respecter. Sachez cependant que vous pourrez intervenir pour explication de vote, si vous le souhaitez.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 59 est présenté par Mmes Assassi et Gonthier-Maurin, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 150 est présenté par Mme Bricq, MM. Caffet et Angels, Mmes Campion et Khiari, MM. Lagauche, Madec, Mahéas et Repentin, Mme Tasca, M. Teston, Mme Voynet, MM. Bodin et Assouline, Mme Le Texier, MM. Badinter et Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l’amendement n° 59.
Mme Marie-Agnès Labarre. Notre amendement vise à supprimer l’article 16.
Aux termes de cet article, la Société du Grand Paris pourra recourir aux partenariats public-privé pour la réalisation des infrastructures du Grand huit et, le cas échéant, pour l’acquisition de matériels ainsi que pour l’entretien et le renouvellement des lignes, ouvrages, installations et matériels concernés.
Selon le rapporteur de la commission spéciale, il est positif d’encourager ce type de contrat, qui serait souvent « gage d’efficacité pour les personnes publiques ». Pourtant, en 2008, le rapport de la mission d’information du Sénat portant sur le fonctionnement et le financement des infrastructures de transports terrestres soulignait que « ce secteur n’est sans doute pas le plus approprié à une large utilisation des partenariats avec le secteur privé ». Or, dans le cadre du Grand Paris, il est précisément question d’un projet de très grande ampleur et donc d’un financement de très grande importance.
La Cour des comptes a elle-même pointé dans un rapport des exemples de situations où la conclusion de contrats de partenariat s’était révélée plus coûteuse pour la collectivité qu’une autre solution plus couramment admise. Je pense au centre des archives du ministère des affaires étrangères ou au « pôle renseignement » du ministère de l’intérieur, par exemple.
Le financement privé des transports par le biais de partenariats public-privé a également montré sa nocivité : en Île-de-France, avec la ligne Orlyval qui a été confiée à la RATP après la défaillance de l’opérateur privé ; au Royaume-Uni, avec la faillite de Railtrack et Metronet, qui ont ensuite été renationalisés.
L’appel aux capitaux privés n’est évidemment jamais anodin. Il exige une rémunération des fonds investis, laquelle peut prendre des formes diverses : utilisation du domaine public à des fins commerciales ou réalisation de baux commerciaux. Les objectifs d’aménagement du Grand Paris laisseront le champ libre à des rémunérations de ce type, qui portent pourtant atteinte à l’utilisation du domaine public et aux choix des collectivités locales concernées.
L’exemple d’Orlyval est clair : quand l’opération paraît rentable, elle va au privé ; quand elle ne l’est plus, c’est le secteur public, et donc les contribuables, qui paie les pots cassés.
Tout cela doit nous inciter à la plus grande prudence.
Dans la loi de 2008 relative aux contrats de partenariat, vous avez assoupli les conditions pour y recourir. Nous nous y étions opposés au regard des risques encourus.
La présence de l’article 16 dans un projet de loi tel que celui qui est relatif au Grand Paris confirme nos inquiétudes, d’où notre amendement de suppression du recours aux partenariats public-privé concernant le réseau du Grand Paris.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l'amendement n° 150.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le secrétaire d’État, je vais citer une déclaration que vous avez faite dans Le Journal du Dimanche du 3 mai 2009.
À la question de savoir si vous comptiez recourir à un partenariat public-privé pour financer votre projet, vous avez répondu : « Il n’y aura pas de PPP, car c’est un financement cher. Ce système peut fonctionner sur certains investissements d’importance moindre, mais sur un chantier de ce calibre, ce serait une erreur d’ingénierie financière que nous ne commettrons pas ».
Nous avons donc été très surpris en prenant connaissance de l’article 16, qui permet à la Société du Grand Paris de recourir à des partenariats public-privé non seulement pour la réalisation des infrastructures et l’acquisition du matériel, mais également pour un champ beaucoup plus vaste pouvant comprendre l’entretien et le renouvellement des lignes, ouvrages, installations et matériels concernés.
Nous connaissons le problème des partenariats public-privé, surtout pour des infrastructures de cette ampleur. Nous savons qu’il est très difficile de maîtriser les coûts, car, sur une période aussi longue, leur évolution est très incertaine. Je pense notamment à l’évolution des taux d’intérêt, au prix de l’énergie ou à celui des matières premières, dont le marché est très volatil.
Je rappelle que, dès le début de ce débat, nous avons posé le problème de la rentabilité financière pour l’État. Il est en effet impossible à celui-ci d’évaluer précisément le coût final de ce montage.
Je ne vais pas revenir sur les inconvénients généraux des partenariats public-privé. Lorsque cette procédure a été réformée par ordonnance, nous avons déjà dit tout le mal que nous en pensions. Reste que nous ne comprenons pas votre revirement, monsieur le secrétaire d’État. Peut-être pourrez-vous nous l’expliquer, malgré l’heure tardive.
En attendant, voilà les raisons qui nous incitent à demander la suppression de l’article 16.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Il faut maintenir l’article 16. Personne ne connaît l’évolution des conditions financières sur les marchés ni la structure des entreprises en France dans les dix ans à venir. Il serait rigide et stérile de supprimer la possibilité offerte par cet article, car on ne sait jamais comment les choses peuvent évoluer.
Je rappelle qu’un contrat de partenariat est global, de longue durée, incitatif et souple.
Mme Nicole Bricq. Mais il coûte cher !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. S’il est bien calibré, il permet de réduire les délais de réalisation d’un projet complexe et de diminuer les dépenses des personnes publiques.
Recourir à un PPP n’est pas obligatoire. En revanche, une évolution préalable, elle, sera obligatoire.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Vous m’avez bien lu, madame Bricq. Ce que je disais au printemps 2009, je le pense encore. S’agissant d’une infrastructure de 21 milliards d’euros,…
Mme Nicole Bricq. Au moins !
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. … je pense toujours que ce serait une erreur de recourir à un PPP.
Vous avez bien compris qu’un certain nombre de réalisations allaient se greffer au réseau, en particulier des gares. Il peut très bien y avoir des PPP sur des opérations ponctuelles.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Bien sûr !
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi on se priverait de cette possibilité.
Je vous remercie d’avoir rappelé que j’étais très cohérent dans mes réflexions et dans mes décisions d’une année sur l’autre. (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. Pas vraiment !
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Je suis donc défavorable à ces deux amendements de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je note que les arguments du rapporteur et du secrétaire d'État diffèrent.
Mme Nicole Bricq. Le rapporteur nous dit que l’on ne sait jamais ce qui peut arriver et qu’il ne faut pas se priver d’un instrument de souplesse…
Mme Nicole Bricq. … et le secrétaire d'État affirme qu’il y est favorable, après avoir déclaré l’inverse l’année dernière, mais que sa position est cohérente !
Si les contrats de partenariat s’avèrent nécessaires à l’avenir, monsieur le rapporteur, pourquoi l’inscrire dès maintenant dans la loi ? Vous pourriez trouver un véhicule législatif, le moment venu. Le Gouvernement sait fort bien présenter des amendements, y compris quelquefois qui confinent à la « cavalerie », ou trouver un parlementaire complaisant pour le faire. Les exemples ne manquent pas, surtout, monsieur le président, depuis que le Gouvernement est obligé de partager l’ordre du jour et que nous n’y parvenons plus. Si nous siégeons cette nuit, vous le savez, c’est parce l’examen du projet de loi relatif à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée est venu s’intercaler dans le débat sur le projet de loi relatif au Grand Paris, qui a été quelque peu caviardé !
Quoi qu’il en soit, je persiste à demander la suppression de l’article 16, dont je ne comprends pas la nécessité.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Cet article vise à rendre possible le recours aux partenariats public-privé pour la réalisation des infrastructures et la mise à disposition des matériels, ainsi que pour l’entretien et le renouvellement des lignes, ouvrages, installations et matériels concernés.
Nous sommes plus que réservés sur ce type de partenariat. J’entends bien l’argument de M. le rapporteur qui nous déclare, pour justifier ce recours, qu’une possibilité ne constitue pas une obligation et qu’il s’agit simplement d’une porte ouverte, d’une option dont il convient de ne pas se priver. Je note également l’argument de M. le secrétaire d'État, qui nous indique qu’il pourrait être fait appel à un partenariat public-privé pour les gares.
Toutefois, nous ne pouvons ignorer tant les déclarations du Conseil constitutionnel que les rapports de la Cour des comptes sur ces questions. Ces deux institutions ont émis des réserves de plus en plus grandes à l’égard de ce type d’opération. Ainsi, en 2003, le Conseil constitutionnel avait considéré que les partenariats public-privé sont des contrats qui dérogent au droit commun de la commande publique. En conséquence, ils sont susceptibles de « priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l’égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics ». On ne peut être plus clair pour mettre en lumière les défauts de ces contrats.
La majorité défend souvent ces types de contrats au nom de la plus grande efficacité et du coût plus modeste qu’ils sont censés offrir. Ils permettraient d’aller plus vite et de réaliser de substantielles économies. On comprend que M. le secrétaire d’État, qui veut creuser partout avec empressement, soit tenté d’y avoir recours. Nous préférons la réalité des faits.
Les solutions habituelles pour les travaux publics ne sont pas rigides, elles contiennent simplement les éléments nécessaires à la protection de la propriété publique, de l’usager et des élus. Ce n’est pas accessoire. Concernant les coûts prétendument moindres que permettent les PPP, la Cour des comptes se montre très critique. Elle présente de nombreux cas où le coût final de l’infrastructure est plus élevé avec un PPP qu’avec un contrat classique.
Au sein de notre assemblée même, un rapport de la mission d’information sur les infrastructures de transport a estimé, il y a deux ans, que « la voie des partenariats public-privé ne saurait en aucun cas constituer une solution miracle au problème du financement des infrastructures de transports ». La preuve en est donnée par les difficultés que rencontrent certains grands projets.
Pour toutes ces raisons, nous estimons que cette possibilité de partenariat public-privé concernant le Grand Paris n’est pas souhaitable et demandons la suppression de cet article. Nous ne pouvons pas donner corps à la libéralisation de l’aménagement public. Dans le cas du Grand Paris, les PPP posent plus de problèmes qu’ils n’en résolvent. Nous ne pouvons décemment accepter que l’État se lie durablement avec des capitaux privés, en aliénant une portion de la propriété publique.
C’est pourquoi, si cet article n’est pas supprimé, nous voterons contre.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je m’interroge sur cet article 16, que je trouve par ailleurs excellent. Que dit-il ? Il rappelle une évidence, à savoir que la Société du Grand Paris peut recourir, dans le cadre de l’ordonnance du 17 juin 2004, à des partenariats privés, en particulier, monsieur le secrétaire d’État, pour la réalisation des infrastructures.
Je forme le vœu que la France ne soit jamais dans la situation de la Grèce et que, par conséquent, des capitaux garantis par l’État puissent toujours obtenir des taux d’intérêt plus faibles que des capitaux garantis par des sociétés strictement privées. C’est le seul cas où l’avantage financier du PPP est contrebattu par la réalité du coût du crédit public inférieur au coût du crédit privé.
Cependant, cet article va plus loin. Il dispose que si la Société du Grand Paris a recours à un contrat de partenariat public-privé pour la réalisation des infrastructures et, le cas échéant, pour l’acquisition des matériels roulants, elle peut également lui confier les infrastructures ferroviaires. Par conséquent, l’article 16 a simplement pour objet de rappeler que les infrastructures ferroviaires qui étaient sous le monopole de l’entreprise publique SNCF et en fait déléguées à RFF peuvent être réalisées en partenariat public-privé.
Donc, il n’y a pas de novation en ce qui concerne les infrastructures. Il y a une novation sur la partie strictement ferroviaire fixe, qui, à ma connaissance, au moment de l’ordonnance de 2004, restait sous une maîtrise d’ouvrage nécessairement publique, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui si on adopte cet article 16. C’est d’ailleurs tout à fait normal puisque nous allons dans le sens de la dérégulation de la réalisation des infrastructures.
Tel est le sens de l’article 16, car la Société du Grand Paris a parfaitement le droit, sans que la loi le précise, d’utiliser le PPP comme forme de financement des infrastructures qu’elle a la charge de réaliser.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme M. Longuet l’a clairement expliqué, cet article traduit la volonté de s’engager dans des partenariats public-privé. C’est précisément ce à quoi nous nous opposons. Cet article n’est donc pas là par hasard pour prévoir, au cas où, dans une quarantaine d’années, la possibilité de partenariats public-privé !
M. Gérard Longuet. C’est de droit !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, il s’agit de s’engager immédiatement dans cette voie et de permettre à des entreprises de venir sur ces marchés !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 59 et 150.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 16.
(L'article 16 est adopté.)
Article 17
I. – Sans préjudice des dispositions de l’article 16, les lignes, ouvrages et installations mentionnés à l’article 7 sont, après leur réception par le maître d’ouvrage, confiés à la Régie autonome des transports parisiens qui en assure la gestion technique dans les conditions prévues à l’article 2 de l’ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 précitée. L’établissement public « Société du Grand Paris » est propriétaire de ces lignes, ouvrages et installations, ainsi que des gares, y compris d’interconnexion, qu’elle réalise, jusqu’à sa dissolution.
Après leur réception par le maître d’ouvrage, les matériels mentionnés à l’article 7 sont transférés en pleine propriété au Syndicat des transports d’Île-de-France qui les met à la disposition des exploitants mentionnés au II de l’article 1er de l’ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 précitée.
Les personnes désignées gestionnaires des lignes, ouvrages et installations dans le cadre du présent article sont subrogées aux droits et obligations de l’établissement public « Société du Grand Paris » dans la mesure nécessaire à l’exercice de leur compétence de gestionnaire d’infrastructure. Une convention entre les parties établit les droits et obligations concernés.
II. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du I du présent article, notamment les conditions de rémunération de l’établissement public « Société du Grand Paris » pour l’usage ou le transfert de propriété de ses lignes, ouvrages, installations ainsi que de ses matériels.
III. – Le troisième alinéa de l’article 2 de l’ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 précitée est ainsi modifié :
1° À la septième phrase, après le mot : « conditions », est inséré le mot : « objectives, » ;
2° Avant la dernière phrase, sont insérées cinq phrases ainsi rédigées :
« L'activité de gestionnaire de l'infrastructure du réseau de métro affecté au transport public urbain de voyageurs en Île-de-France est comptablement séparée de l'activité d'exploitant de services de transport public de voyageurs. Il est tenu, pour chacune de ces activités, un bilan et un compte de résultat à compter du 1er janvier 2012. Ces comptes sont certifiés annuellement. Toute subvention croisée, directe ou indirecte, entre chacune de ces activités est interdite. De même, aucune aide publique versée à une de ces activités ne peut être affectée à l'autre. »
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, sur l'article.
M. Michel Billout. L’article 17 traite de la gestion des infrastructures du Grand huit une fois leur réception actée par la Société du Grand Paris, maître d’ouvrage de ces projets, en lieu et place du STIF.
Cette modalité proposée par cet article relatif à la gestion de ce patrimoine confirme le choix opéré dans la loi du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports : les infrastructures sont confiées à la RATP et le matériel roulant au STIF. Cette répartition est en effet issue de l’adoption d’un amendement présenté en catimini à l’Assemblée nationale, qui a conduit à une spoliation du STIF par la cession d’un patrimoine qui est estimé entre 1,5 milliard et 8 milliards d’euros.
Nous l’avons combattue en novembre dernier, nous continuons donc à nous opposer à cette orientation qui constitue un véritable déni de démocratie, a fortiori lorsque l’avenir public de la RATP est si incertain.
Sur le fond, nous estimons que cette solution pose problème. Le financement de la gestion du Grand huit va prendre une part importante des ressources du STIF, alors même que celles-ci sont aujourd’hui en souffrance.
Depuis de nombreuses années, par exemple, nous demandons l’augmentation du taux du versement transport. Aujourd’hui, la commission Carrez a abouti à la même conclusion. Quand allez-vous enfin consentir à l’adoption d’une telle mesure ?
Les estimations qui sont aujourd’hui réalisées indiquent que la région et les collectivités territoriales devraient doubler leur versement au STIF pour permettre de financer ce Grand huit.
Nous considérons qu’il existe aujourd’hui d’autres priorités de financement, notamment le plan de mobilisation des transports en Île-de-France de 18 milliards d’euros, dont la mise en œuvre demeure plus qu’incertaine.
Nous craignons donc que ce Grand huit, dont la pertinence n’est pas prouvée, n’absorbe l’ensemble des ressources du STIF, au détriment du reste. Or, aujourd’hui, il existe un besoin immense en termes de régénération et d’entretien. Les réseaux sont saturés et vétustes – cela a été rappelé à de nombreuses reprises –, et le matériel est souvent défectueux malgré les efforts réels de la région. De quelle marge de manœuvre disposera le STIF pour faire ces nécessaires investissements ?
Rien ne sert d’inaugurer à grand renfort médiatique la naissance d’un nouveau projet, alors même que les conditions actuelles sont si mauvaises en raison du désengagement massif de l’État. Les Franciliens n’ont pas besoin de savoir qu’il existera dans quinze ans de nouvelles lignes, ils ont besoin que leurs problèmes quotidiens de transports soient rapidement résolus.
Qu’a fait l’État pendant tout ce temps, si ce n’est se désinvestir, organiser les conditions de la mise en concurrence des transporteurs et des modes de transports entre eux ? Vous voyez aujourd’hui les conséquences particulièrement négatives de cette conception libérale de la gestion des services publics de transports urbains. Or vous souhaitez aller encore plus loin.
À l’inverse des remises en cause actuelles de la séparation entre RFF et la SNCF, qui n’a pas, loin s’en faut, fait la démonstration qu’elle constituait un progrès, vous prônez dans cet article le même schéma pour la RATP, en séparant les activités d’opérateur de celles de gestionnaire d’infrastructures.
En outre, nous savons très bien que cette séparation, même comptable, est toujours le prélude à l’ouverture à la concurrence. Or, dans la loi relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires, cette ouverture à la concurrence pour le métro n’est prévue qu’en 2039.
Pourquoi un tel zèle, surtout qu’en aucune manière le règlement OSP n’imposait cette mise en concurrence ? Pourquoi ne pas avoir contraint la RATP à limiter ses activités à la région parisienne ? Est-il si important de lui permettre de se développer à l’international pour se comporter comme n’importe quel opérateur privé ? Comment ne pas voir qu’une telle conception va nécessairement aboutir à une guerre fratricide entre la SNCF et la RATP ?
Je vous demande, mes chers collègues, un peu de pragmatisme et de sérieux sur ces questions. Ne prenons pas de décisions avant que toutes les hypothèses soient instruites et gardons-nous de démanteler encore un peu plus le service public des transports urbains.
M. le président. L'amendement n° 60, présenté par Mmes Assassi et Gonthier-Maurin, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Il s’agit d’un amendement de conséquence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. L’article 17 nous paraît tout à fait important. Il règle le problème du fonctionnement de l’exploitation lorsque le réseau sera constitué.
Quant à l’avenir de la RATP, celle-ci est devenue – son président nous l’a affirmé lorsque nous l’avons auditionné –, grâce à son potentiel technique, à ses ingénieurs et à ses travaux de recherche, un consultant et un opérateur très important dans un certain nombre de réseaux de grandes villes européennes et américaines. L’idée de restreindre strictement l’activité de la RATP à la région d’Île-de-France participe d’une conception que la commission ne partage pas.
Par conséquent, elle est opposée à cet amendement de suppression de l’article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 267, présenté par Mme Voynet, M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery et M. Muller, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Après les mots :
sont transférés
insérer le mot :
gratuitement
II. - Alinéa 4
Rédiger comme suit cet alinéa :
Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du I du présent article, notamment les conditions dans lesquelles est opéré le transfert de propriété des lignes, ouvrages, installations ainsi que des matériels de l’établissement public « Société du Grand Paris ».
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. L’article 17 est rédigé d’une façon ambiguë, qui a fait couler beaucoup d’encre et a suscité bien des paroles en commission, et déjà dans cet hémicycle. Je pense notamment à l’interprétation du sens du mot « confiés » : « les lignes, ouvrages et installations mentionnés à l’article 7 sont, après leur réception par le maître d’ouvrage, confiés à la Régie autonome des transports parisiens ».
Voilà qui mérite d’être interprété, surtout quand quelques lignes plus loin, il est prévu qu’un décret en Conseil d’État précise notamment les conditions de rémunération de l’établissement public Société du Grand Paris « pour l’usage ou le transfert de propriété de ses lignes, ouvrages, installations […] ». Les choses ne sont pas claires.
En tout cas, ce qui est clair, c’est que subsiste une ambiguïté quant au financement du réseau et des matériels, dont vous nous avez assuré, à maintes reprises, qu’il ne serait pas supporté par les collectivités. Le texte n’affiche pas explicitement la volonté de faire payer par le STIF les matériels roulants qui lui seraient transférés. Il ne permet pas non plus de rassurer totalement le STIF. C’est pourquoi nous proposons, par l’amendement n° 267, de préciser que les matériels roulants sont transférés « gratuitement » en pleine propriété au Syndicat des transports d’Île-de-France.
Par ailleurs, il nous semble également indispensable de préciser les conditions de rémunération de l’établissement public Société du Grand Paris. En effet, nous ne savons pas qui va percevoir les redevances pour l’usage du réseau. S’agit-il de la RATP ? S’agit-il de la Société du Grand Paris ? S’agit-il de faire payer deux fois au Syndicat des transports d’Île-de-France l’usage ou le transfert de propriété des lignes et ouvrages ? À cette heure, personne ne le sait !
Voilà pourquoi nous proposons – et c’est l’objet de la seconde partie de l’amendement – qu’un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application de l’article 17, notamment les conditions dans lesquelles serait opéré le transfert de propriété des lignes, sans préjuger la mise en place d’une rémunération de la Société du Grand Paris.
M. le président. L'amendement n° 151, présenté par Mme Bricq, MM. Caffet et Angels, Mmes Campion et Khiari, MM. Lagauche, Madec, Mahéas et Repentin, Mme Tasca, M. Teston, Mme Voynet, MM. Bodin et Assouline, Mme Le Texier, M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Les actes de transfert desdits matériels au Syndicat des transports d'Île-de-France sont réalisés à titre gratuit. Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application de ce transfert.
II. - Alinéa 4
Supprimer les mots :
pour l'usage ou le transfert de propriété de ses lignes, ouvrages, installations ainsi que ses matériels
La parole est à Mme Nicole Bricq.