M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Madame Bricq, la double taxation n’interviendra que dans de rares cas, par exemple à proximité des gares d’interconnexion, lorsque des terrains auront été valorisés à la fois par des équipements neufs de la région et par la double boucle.
La plupart des gares ne seront assujetties qu’à une seule taxation à 15 %. Le dispositif s’appliquera donc de manière très légère.
Mme Nicole Bricq. Qu’en sait-on ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Monsieur Desessard, nous ne taxons pas les premières ventes, mais seulement les ventes successives, car c’est là qu’apparaîtra une plus-value.
M. Alain Gournac. Erreur de calcul !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Je reconnais toutefois que le plafonnement peut conduire à un blocage.
Mme Nicole Bricq. Ah !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Nous verrons s’il faut modifier ce système, le cas échéant, une fois que le mécanisme aura commencé à jouer.
M. le président. L’amendement n° 111, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Les cessions à titre onéreux des terrains nus et des immeubles bâtis et les cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière définies au I de l'article 726 représentatives de ces immeubles qui figurent dans un périmètre de moins de 1 500 mètres d'une entrée de gare déjà existante au jour de la publication de la loi n° ... du ... précitée.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 301, présenté par M. Fourcade, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 9, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« 5° Les terrains et bâtiments qui sont vendus à un organisme d'habitations à loyer modéré, à une société d'économie mixte gérant des logements sociaux, à l'association mentionnée à l'article L. 313-34 du code de la construction et de l'habitation, aux sociétés civiles immobilières dont cette association détient la majorité des parts pour les logements visés au 4° de l'article L. 351-2 de ce code ou à un organisme bénéficiant de l'agrément relatif à la maîtrise d'ouvrage prévu à l'article L. 365-2 du même code ;
« 6° Les terrains et bâtiments qui sont vendus à une collectivité territoriale, à un établissement public de coopération intercommunale compétent ou à un établissement public foncier mentionné aux articles L. 321-1 et L. 324-1 du code de l'urbanisme en vue de leur cession à l'un des organismes mentionnés au 5° ; en cas de non respect de cette condition dans un délai d'un an à compter de l'acquisition des biens, la collectivité territoriale ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent reverse à l'État ou à la région Île-de-France, selon le cas, le montant dû au titre du I ; ce délai est porté à trois ans pour les cessions réalisées par un établissement public foncier au profit de l'un des organismes mentionnés au 5°.
II. - En conséquence, supprimer l'alinéa 18.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. La commission avait modifié le dernier alinéa de l’article 9 bis pour indiquer : « Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article et prévoit les conditions dans lesquelles, pour des motifs d’ordre social, certaines cessions d’immeubles ou certaines zones sont exonérées de la taxe. »
Or les spécialistes nous ont expliqué qu’on ne pouvait pas exonérer des zones entières par décret en Conseil d’État et que l’expression « pour des motifs d’ordre social » était trop vague.
Par conséquent, afin de prendre en considération les débats de la commission spéciale sur les problèmes de logements sociaux, je propose d’exclure du champ des deux taxes, c'est-à-dire de celle dont le produit sera affecté au budget de la Société du Grand Paris et de celle dont le produit sera affecté à la région, les terrains et bâtiments qui sont vendus à un organisme d’habitations à loyer modéré, à une société d’économie mixte gérant des logements sociaux, aux associations chargées de ces questions, aux sociétés civiles immobilières qui construisent des logements sociaux, les terrains et bâtiments qui sont vendus à une collectivité territoriale, à un établissement public de coopération intercommunale compétent, à la condition, évidemment, qu’ils cèdent les terrains ou les immeubles concernés à des organismes de logement sociaux.
Ces exonérations me paraissent constituer des mesures incitatives importantes. Elles favoriseront la réalisation de logements sociaux dans les zones d’aménagement autour des gares. Le prix du foncier, m’a-t-on dit, rendait parfois ces opérations difficiles.
Telle est la raison pour laquelle je propose de modifier l’article 9 bis. C’est un acte positif en faveur de la construction de logements sociaux, soit par les organismes de logements sociaux eux-mêmes, soit par les collectivités territoriales, qui les cèderont ensuite aux organismes de logements sociaux.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 214, présenté par M. Dallier, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Pour les premières ventes en l'état futur d'achèvement et les premières ventes après leur achèvement d'immeubles bâtis, visées au b du 1 du 7° de l'article 257, le montant de la taxe est de 2,5 % du prix de cession.
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Cet amendement étant satisfait, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 214 est retiré.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote sur l'article 9 bis.
Mme Bariza Khiari. L’article 9 bis institue une taxe forfaitaire sur le produit de la valorisation des terrains nus et des immeubles bâtis afin de financer les infrastructures du Grand Paris. Cette taxe est parée de nombreuses qualités par ses promoteurs. Elle nous est vendue comme la solution permettant de mobiliser des moyens financiers importants au profit de ce métro.
Or nous ne pouvons formuler que des hypothèses, car nous n’avons aucune estimation de cette valorisation. Nous savons tous que la valeur d’un terrain n’est pas uniquement fonction de la proximité d’une gare, fût-elle reliée à un métro rapide. Elle dépend également d’autres facteurs, parmi lesquels l’environnement semble primer. La construction d’une gare pourrait donc ne pas modifier fortement le prix de l’immobilier. On ne spécule pas partout !
Par ailleurs, certaines gares seront situées dans des secteurs où les prix sont déjà élevés. Peu de modifications sensibles sont à attendre dans ces secteurs.
On fait donc reposer une partie du financement sur une base peu solide et peu fiable.
En outre, force est de constater que certaines gares n’entraîneront pas de valorisation foncière. Au contraire, dans les lieux où cette dernière se produira, l’absence de mécanisme de régulation au nom de la volonté de rentabiliser au maximum les opérations entraînera des effets pervers. Les classes populaires vivant dans ces zones ne pourront faire face à la flambée des prix de l’immobilier et devront partir. On va ainsi renforcer, par endroits, l’éloignement des classes populaires des moyens de transports publics et accroître leur sentiment de déclassement et de frustration. Exit donc la mixité sociale !
De tels risques devraient nous inciter à tenter de contrôler davantage l’évolution des prix au lieu de taxer la hausse. On ne saurait accepter une « gentrification » en masse de certaines banlieues, alors que l’Île-de-France souffre déjà d’une situation sociale délicate.
De plus, il est à craindre que, faute de financements suffisants, ce ne soit à l’usager, c'est-à-dire au contribuable francilien, de payer. Certains ont déjà du mal à acheter le titre de transport mensuel leur permettant de circuler. Comment peut-on accroître ainsi la charge qui pèse déjà sur les ménages populaires, premiers usagers des transports publics ?
C’est pourquoi, comme M. Carrez, nous sommes opposés à cet article, car, indépendamment du fait que l’on y tire des plans sur la comète et du problème de l’affectation autoritaire du produit de cette taxe, le dispositif nous paraît dangereux.
Monsieur le rapporteur, vous avez entendu, comme moi, les promoteurs immobiliers auditionnés par la commission spéciale expliquer qu’ils s’adapteraient et que la taxe instituée par cet article aurait une incidence sur le coût final des logements. Nul doute que cela entraînera l’éloignement des classes populaires.
Pour les raisons que je viens d’évoquer, et parce que cette taxe n’est pas de nature à sécuriser le financement, nous voterons contre cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. Nous ne voterons pas non plus l’article 9 bis.
Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale ne comportait aucune disposition sur le financement du réseau de transport public du Grand Paris. Telle était la volonté du Gouvernement, qui ne voulait pas entendre parler de financement. On comprend bien pourquoi !
Cet article qui est soumis à notre vote ce soir est le résultat d’un bricolage d’une ampleur rare, sur un projet qui nécessite de 20 milliards à 25 milliards d'euros d’investissements, sans parler du fonctionnement, dont le Gouvernement, je le rappelle, n’a pas voulu s’occuper. On l’a vu tout à l’heure lorsque Mme Bricq a proposé un amendement tendant à assurer le financement tant des investissements que des coûts de fonctionnement : alors que la commission spéciale était prête à envisager une solution dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, le Gouvernement nous a fait comprendre que, dans la mesure où le fonctionnement relevait non pas de l'État, mais du STIF, ce dernier n’aurait qu’à se débrouiller !
À titre personnel, je reconnais que M. le rapporteur a fait des efforts pour trouver des sources de financement. Cependant, compte tenu notamment des amendements qui ont été adoptés, les contraintes sont telles que les recettes destinées à financer les investissements se sont réduites au fil de nos débats.
Il en est ainsi du dispositif instituant le partage du produit de la taxe entre la région et la SGP, avec le plafonnement de cette dernière à 5 % du prix de cession. J’avoue ne pas très bien comprendre pourquoi le Gouvernement a instauré la même taxe au profit de la Société du Grand Paris et de la région. N’eût-il pas été plus logique de supprimer le verrou du plafonnement à 5 % ?
À cet égard, permettez-moi, mes chers collègues, de me livrer, comme Jean Desessard, à un petit exercice de calcul.
Pour cet investissement, nous allons devoir emprunter environ 20 milliards d'euros sur quarante ans, ce qui représente un remboursement de près de 30 milliards d'euros. Notre seule source de financement aujourd'hui est une taxe plafonnée à 5 % du prix de cession. Autrement dit, pour rembourser 30 milliards d'euros – il suffit de diviser 30 milliards d'euros par 5 % –, il nous faudra réaliser 600 milliards d’euros de cessions !
M. Dominique Braye. 600 milliards !
M. Jean-Pierre Caffet. Eh oui, mon cher collègue ! C’est un calcul très simple !
En outre, nous avons réduit de 1 500 mètres à 800 mètres autour d’une entrée de gare le périmètre dans lequel doivent se trouver les terrains et les immeubles pour donner lieu au paiement de ladite taxe. En conséquence, il nous semble illusoire d’espérer pouvoir financer de tels investissements !
M. le rapporteur a fait ce qu’il a pu face à des contraintes insurmontables ; mais autant dire que cela relevait de la quadrature du cercle !
Reste que le dispositif auquel nous sommes parvenus est totalement incohérent. L’investissement n’est pas financé, sans parler du fonctionnement, dont nous serons amenés à rediscuter dans les années à venir.
M. le président. Je mets aux voix l'article 9 bis, modifié.
(L'article 9 bis est adopté.)
Article 9 ter
Après l'article 1599 quater A du code général des impôts, il est inséré un article 1599 quater A bis ainsi rédigé :
« Art. 1599 quater A bis. - I. - L'imposition forfaitaire mentionnée à l'article 1635-0 quinquies s'applique au matériel roulant utilisé sur les lignes de transport en commun de voyageurs mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l'article 2 de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Île-de-France, pour des opérations de transport de voyageurs.
« II. - L'imposition forfaitaire est due chaque année par les personnes ou organismes qui sont propriétaires au 1er janvier de l'année d'imposition de matériel roulant ayant été utilisé l'année précédente sur les lignes de transport en commun de voyageurs mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l'article 2 de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 précitée.
« III. - Le montant de l'imposition forfaitaire est établi pour chaque matériel roulant en fonction de sa nature et de son utilisation selon le barème suivant :
«
(En euros) |
|
Catégorie de matériels roulants |
Tarifs |
Métro Motrice et remorque |
12 260 |
Autre matériel Automotrice et motrice Remorque |
23 000 4 800 |
« Les catégories de matériels roulants sont précisées par arrêté conjoint des ministres chargés du transport et du budget en fonction de leur capacité de traction, de captation de l'électricité, d'accueil de voyageurs et de leur performance.
« Les matériels roulants retenus pour le calcul de l'imposition sont ceux dont les personnes ou organismes sont propriétaires au 1er janvier de l'année d'imposition et qui sont destinés à être utilisés sur les lignes de transport en commun de voyageurs mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l'article 2 de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 précitée.
« Lorsque du matériel roulant est destiné à être utilisé à la fois sur le réseau ferré national et sur les lignes de transport en commun de voyageurs mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l'article 2 de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 précitée, ce matériel est retenu pour le calcul de l'imposition s'il est destiné à être utilisé principalement sur ces lignes.
« IV. - Le redevable de la taxe déclare, au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai de l'année d'imposition, le nombre de matériels roulants par catégorie. Cependant, pour l’année 2010, cette déclaration intervient au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er juillet.
« Le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties, sûretés et privilèges sont régis comme en matière de cotisation foncière des entreprises.
« V. - La composante de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux prévue au présent article est affectée au budget de l'établissement public « Société du Grand Paris » créé par la loi n° du relative au Grand Paris. Toutefois, si le décret fixant les attributions et les modalités de fonctionnement du conseil de surveillance et du directoire de cet établissement public n'est pas publié avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la date limite de dépôt de la déclaration prévue au IV, cette composante est affectée à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France afin de financer des projets d'infrastructures de transport en Île-de-France. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 55 est présenté par Mmes Assassi et Gonthier-Maurin, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 143 est présenté par Mme Bricq, MM. Caffet et Angels, Mmes Campion et Khiari, MM. Lagauche, Madec, Mahéas et Repentin, Mme Tasca, M. Teston, Mme Voynet, MM. Bodin et Assouline, Mme Le Texier, MM. Badinter et Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour défendre l’amendement n° 55.
Mme Éliane Assassi. L’article 9 ter est pour le moins surprenant.
Souvenez-vous, nous avons passé l’automne dernier à débattre d’une réforme de la taxe professionnelle, dont la complexité et les attendus sont tels qu’une clause de revoyure a été immédiatement décidée. Sauf contrordre, nous devrions donc en reparler, avant la fin de la session parlementaire, même si nous ne savons pas encore dans quel cadre ni à partir de quel texte.
L’article 9 ter du projet de loi prévoit de financer la Société du Grand Paris par une partie du produit de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, alors que le produit de cette imposition devait constituer l’une des recettes de compensation pour les collectivités territoriales à la suite de la réforme de la taxe professionnelle.
On notera d’ailleurs avec intérêt que cette même imposition constitue, avec une partie de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la ressource fiscale unique des régions, donc de la région d’Île-de-France.
Cette dernière risque donc d’être privée d’une partie des ressources dont elle pourrait bénéficier, alors qu’elle fait partie pour le moment des régions dont les ressources seraient « écrêtées » pour compenser l’insuffisance de ressources des autres régions !
Sur la base des évaluations actuelles, telles qu’elles figurent dans les simulations du site Internet du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, quelles sont les données ?
La région d’Île-de-France devrait percevoir 1 082 millions d’euros au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et 119 millions d’euros résultant de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux. Ces sommes feront l’objet d’un écrêtement, à hauteur de 534,7 millions d’euros, destiné à compenser les pertes de ressources que vont connaître les autres collectivités.
La commission spéciale propose donc de partager les 119 millions d’euros du produit de l’IFER en Île-de-France entre la région et la Société du Grand Paris, ce qui, malgré le caractère pérenne de la ressource, sera sans doute loin d’être suffisant pour financer le réseau dont elle aura directement la maîtrise.
Le problème, c’est que six des huit départements de la région d’Île-de-France attendent 40 millions d’euros en garantie de ressources, somme qui correspond probablement au produit de l’IFER destiné à la Société du Grand Paris.
Une telle orientation ne nous semble pas devoir être suivie, d’autant qu’elle rend encore plus complexe la réforme de la taxe professionnelle et que les problèmes de péréquation en résultant ne sont toujours pas résolus.
En effet, mes chers collègues, comment peut-on oublier que la disparition de la taxe professionnelle a entraîné celle des fonds départementaux de péréquation de taxe professionnelle ? Il va bien falloir que nous nous penchions rapidement sur cette question.
La mise en œuvre des mesures prévues à l’article 9 ter adopté par la commission spéciale ne saurait constituer une réponse à cette question essentielle. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l'amendement n° 143.
Mme Nicole Bricq. Après la capture d’Arc Express, qui était vraiment la déclaration de guerre qu’il ne fallait pas faire – je l’ai souligné lors de la discussion générale –, cet article constitue une deuxième déclaration de guerre, même si elle ne revêt pas la même importance.
Monsieur le rapporteur, avec l’article 9 ter, vous contredisez le principe que vous avez inscrit à l’alinéa 2 de l’article 1er selon lequel le projet du Grand Paris « s’appuie sur la création d’un réseau de transport public de voyageurs dont le financement des infrastructures est assuré par l’État. »
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Absolument pas !
Mme Nicole Bricq. L’article 9 ter, adopté sur votre initiative par la commission spéciale, institue en effet une imposition forfaitaire des entreprises de réseau appliquée au matériel roulant utilisé sur les lignes RATP.
Or ce nouvel impôt, dont le produit est affecté au financement de la Société du Grand Paris, sera acquitté par le propriétaire du matériel roulant, c'est-à-dire le STIF. C’est le résultat de l’adoption d’un amendement surprise, que je pourrais qualifier de scélérat, et je pèse mes mots, dans la mesure où le texte était, encore une fois, en procédure accélérée et où le Sénat n’a pas eu à en débattre. C’est pour le moins intéressant quand on affirme que le Sénat est le représentant et le défenseur des collectivités territoriales.
Par conséquent, cet article revient à faire financer la Société du Grand Paris par le STIF, donc par les collectivités territoriales franciliennes qui en sont membres, c’est-à-dire la région et les départements.
Cette seule raison suffirait à justifier la suppression d’un tel article !
Mais il y en a une autre : cette nouvelle charge imposée au STIF est un détournement de la fonction des impositions forfaitaires des entreprises de réseau. Ce nouvel impôt a été créé dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2010 afin de permettre aux collectivités territoriales de compenser leurs pertes de recettes fiscales du fait de la suppression de la taxe professionnelle, en récupérant les gains réalisés par les entreprises, grandes bénéficiaires de la réforme qui était destinée à soulager les entreprises industrielles.
Dans le cas qui nous occupe, vous allez pénaliser une collectivité territoriale en lui imposant une charge supplémentaire.
En outre, depuis leur création, les IFER sont contestées par les entreprises redevables. Ces dernières commenceront à l’acquitter au mois de mai, si je ne me trompe.
J’ajoute que l’environnement juridique des IFER n’est pas encore parfaitement stabilisé et que l’on ne connaît pas le produit de cette imposition.
C’est pourquoi, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2010 consacré au grand emprunt, le rapporteur général de la commission des finances a renvoyé tous les amendements de nos collègues, relatifs aux IFER, à la prochaine clause de revoyure, qui doit nous occuper en juin ou en juillet prochain.
L’article 9 ter est donc tout à fait prématuré et, je le répète, il va à l’encontre du principe affirmé à l’article 1er de ce projet de loi.
M. le président. Mes chers collègues, je vous demande d’être plus concis, afin de respecter le délai de trois minutes qui vous est imparti pour présenter vos amendements. Je vous rappelle que vous pouvez ensuite disposer de cinq minutes pour expliquer votre vote.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 55 et 143 ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Je rappelle tout d’abord que, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010, l’Assemblée nationale, puis le Sénat, sur l’initiative de notre collègue Christian Demuynck, ont déjà adopté une disposition de ce type concernant les ressources affectées au Grand Paris.
Mme Nicole Bricq. Mais la disposition a disparu !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. En effet, ma chère collègue, cette mesure avait été supprimée en commission mixte paritaire, dans l’attente du projet de loi que nous examinons actuellement.
Je le précise très clairement, la mesure sera neutre pour la Ville de Paris, puisque la taxe professionnelle sera intégralement compensée. En revanche, ce mécanisme évite un effet d’aubaine pour le STIF, qui rembourse actuellement la taxe professionnelle versée par la RATP pour son matériel et qui aurait bénéficié du doublement de ce remboursement dans l’hypothèse où elle n’aurait pas fait cette opération. Il nous est apparu raisonnable, comme à mon collègue Yves Albarello, rapporteur de l’Assemblée nationale sur ce projet de loi, d’affecter de telles sommes à la Société du Grand Paris.
Mes chers collègues, nous discutons depuis trente heures. On me dit que le plan de financement n’est pas clair, que le dispositif est opaque. Mais lorsque je propose d’instituer une taxe sur les plus-values, le groupe socialiste la refuse. C’est tout de même fantastique ! Je m’en étonne d’autant plus qu’il a voté la taxe proposée par M. Nègre dans le cadre du Grenelle II et que le système envisagé représente un effet d’aubaine pour le SDRIF.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement sur ces deux amendements est également défavorable.
Le dispositif de l’IFER est extrêmement complexe. Pour ceux qui n’ont pas suivi cette piste, je vais m’efforcer de le présenter simplement.
M. Jean-Pierre Caffet. On apprend cela à l’école primaire !
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. À l’école primaire, c’est parfois un peu plus simple !
Il n’est pas dans mon intention d’introduire un débat sur ces chiffres, qui ne serait pas nécessaire quelle que soit l’heure à laquelle on l’aborderait. L’avenir dira qui a raison. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
Dans l’immédiat, je vais vous dire ce qu’est la réalité. Toutefois, comme cela va à l’encontre de ce que j’ai entendu, je pense que cela pourrait provoquer des effets contraires, et ce n’est pas là ce que je recherche.
Il convient, c’est le plus important, de mesurer les effets de l’IFER sur le STIF, sur la Ville de Paris et sur l'État.
Chaque année, la RATP payait 150 millions d’euros à la Ville de Paris, somme qui lui était intégralement remboursée par le STIF.
Désormais, la RATP paye un peu plus de 80 millions d’euros à la Ville de Paris, qui lui sont également remboursés par le STIF.
Il existe donc une perte de recettes de 70 millions d’euros pour la Ville de Paris.
M. Jean-Pierre Caffet. Bravo !
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Monsieur Caffet, ces 70 millions d’euros sont intégralement compensés à la Ville de Paris par l’État.
M. Jean-Pierre Caffet. Les compensations intégrales par l'État, parlons-en ! Nous avons déjà gagné un recours !
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Ce que je dis n’est pas un propos de bar ; cela figurera au compte rendu intégral de nos débats. Vous pourrez donc vous y reporter et le faire vérifier. (M. Jean-Pierre Caffet s’exclame.)
M. le président. Monsieur Caffet, veuillez laisser M. le secrétaire d’État s’exprimer !
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Le bilan du dispositif est le suivant : pour la Ville de Paris, il n’y a aucun impact. Pour le STIF, il faut constater un gain de 70 millions d’euros, ce que M. le rapporteur appelait à juste titre un effet d’aubaine, c’est-à-dire un enrichissement sans cause.
Mme Nicole Bricq. Bravo !
M. Jean-Pierre Caffet. Mais c’est illégal !
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Pour l’État, il existe une dépense supplémentaire de 70 millions d’euros.
Il est donc totalement faux d’affirmer que l’IFER vient peser sur les comptes du STIF. Je vais probablement étonner tout le monde et j’en ai été moi-même surpris lorsque l’on m’en a apporté la preuve, cette IFER traduit simplement une situation où l’État garde son argent et décide de l’affecter au financement de la réalisation du réseau du Grand Paris.
Tel est le point d’arrivée de ma démonstration, qui, je l’espère, est cette fois-ci simple.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.