M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis naturellement heureux de participer à ce débat sur l’encadrement juridique de la vidéosurveillance. Je m’en réjouis d’autant plus que la commission des lois va se saisir dans quelques jours du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. Il est possible de voir dans notre échange d’aujourd’hui une sorte d’anticipation du débat que nous aurons sur les articles du projet de loi consacrés à la vidéoprotection. Croyez-le bien, je serai attentif aux analyses et aux propositions que vous avez développées à cette occasion.

Je profite de ma présence dans cette enceinte pour remercier les sénateurs Jean-Patrick Courtois et Charles Gautier, qui ont effectué, à l’évidence, un véritable travail de fond sur la vidéoprotection. J’ai compris qu’ils partageaient beaucoup d’analyses, ce dont je les félicite. (Sourires.)

Vous le savez, la vidéoprotection est au cœur de la politique de sécurité voulue par le Président de la République. Je le dis à l’attention de Mme Klès, elle constitue, en effet, un outil de prévention, de dissuasion et d’élucidation des crimes et délits. Parce qu’il s’agit donc d’un outil protecteur, nous avons la volonté de parler de « vidéoprotection ». Au-delà d’une bataille sémantique, le terme correspond à une réalité.

Aujourd’hui, où en sommes-nous ?

La France compte globalement un peu plus de 400 000 caméras autorisées. Ces caméras peuvent être situées dans des espaces publics et soumises à la procédure de la loi du 21 janvier 1995, qui organise la protection de la liberté individuelle. J’ai noté que Mme Escoffier y est particulièrement attentive.

Ces caméras sont également installées dans des lieux ouverts au public – aux alentours de 320 000 – et dans les transports, pour plus de 60 000. Sur la voie publique, elles sont à peine plus de 20 000, chiffre, à l’évidence, un peu faible.

C’est pourquoi le Président de la République et le Gouvernement ont placé au rang de priorité le déploiement effectivement massif de la vidéoprotection sur la voie publique avec, pour objectif – cela a été rappelé à juste titre – le triplement du nombre des caméras, qui devrait donc passer de 20 000 à 60 000 avant la fin de l’année 2011.

J’insiste sur le fait que, parallèlement, l’équipement des établissements scolaires les plus sensibles, des moyens de transports et des parties communes d’immeubles collectifs doit être poursuivi et amplifié. Cet équipement ne saurait remplacer la présence humaine, notamment des policiers et des gendarmes, mais il constitue l’un des moyens - certes, pas le seul - de ne laisser aucun répit aux délinquants.

Contrairement à ce que j’ai entendu, nous ne présentons pas cet outil comme la panacée ! Nous savons que tel n’est pas le cas, mais c’est pour nous l’un des moyens de lutter efficacement contre la délinquance.

Il est vrai, vous avez été plusieurs à le rappeler, que nos concitoyens plébiscitent la vidéoprotection. Si les chiffres cités illustrent, par leur grande variété, les différentes lectures des sondages, ils vont tous dans la même direction.

Je connais, pour ma part, une enquête parue en août dernier au terme de laquelle 81 % des Français interrogés estimaient que l’installation de caméras pouvait améliorer la sécurité. Si nos compatriotes la demandent, c’est au nom du bon sens : ils ont parfaitement compris qu’elle est efficace. Ils ne la réclameraient pas à 81 % si elle était inefficace, inutile, dangereuse ou liberticide, mesdames, messieurs les sénateurs !

Selon un rapport de l’Inspection générale de l’administration du mois de juillet 2009, les crimes et délits chutent, en effet, deux fois plus vite dans les villes équipées que dans celles où aucun dispositif n’est installé. À Cagnes-sur-Mer comme à Perpignan – et ce n’est pas l’ancien maire de Perpignan qui me contredira ! – des utilisations novatrices ont été engagées qui ont eu des résultats.

Il est très intéressant, et réconfortant, de constater que beaucoup de ses détracteurs d’hier sont devenus, aujourd’hui, des partisans de la vidéoprotection. Disant cela, je me place non sur le terrain de l’idéologie, mais sur le terrain du pragmatisme, refusant le déni de réalité

Je pense notamment à certains élus locaux, qui sont, à l’évidence, aujourd’hui ravis que l’État apporte son soutien financier à la vidéoprotection dans leurs communes. Entre 2007 et 2009, le Gouvernement a ainsi soutenu 1 169 projets, pour 42 millions d’euros, prenant souvent en charge jusqu’à 50 % du coût total.

Grâce à la dotation du Fonds interministériel de prévention de la délinquance, en 2010, je dispose de 30 millions d’euros pour soutenir les projets des communes, contre seulement 12 millions en 2008 et 17 millions en 2009.

Monsieur Alduy, j’ai bien compris l’habileté dialectique par laquelle vous avez suggéré que l’État, dont chacun sait qu’il dispose de moyens illimités - particulièrement en ce moment ! - aille plus loin que le seul investissement et couvre éventuellement une partie du fonctionnement…C’était bien essayé, monsieur le sénateur, mais je crains malheureusement de ne pouvoir vous suivre ! (Sourires.)

J’ai déjà engagé 14 millions d’euros pour 280 projets représentant plus de 3 500 caméras, et les préfets instruisent chaque jour de nouvelles demandes qui seront honorées dans l’année.

Bien entendu, il n’est pas question, madame Klès, d’étendre la vidéoprotection à n’importe quel prix ! Je suis, comme vous, comme la totalité d’entre vous, attaché à la préservation de la liberté individuelle. L’efficacité des moyens donnés aux forces de l’ordre, d’une part, aux magistrats, d’autre part, pour la prévention et la résolution des crimes et délits, doit aller de pair avec la légitime protection de nos compatriotes contre les abus.

J’entends vos observations concernant le contrôle de l’installation et du fonctionnement des caméras de vidéoprotection. Je pense, comme vous, que des améliorations sont possibles, mais, je le dis très clairement, elles ne devront pas venir freiner ou hypothéquer le déploiement de la vidéoprotection si nécessaire.

Vous aviez déjà fixé le régime de la vidéoprotection dans la loi du 21 janvier 1995 complétée par la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme. Je pense sincèrement que ce régime est efficace et qu’il assure déjà une protection effective de la liberté individuelle.

J’en veux pour preuve deux séries de chiffres.

La première illustre l’efficacité de ce régime juridique pour permettre un développement dynamique de la vidéoprotection. C’est ainsi que 114 468 autorisations d’installation de caméras ont été délivrées par les préfets depuis 1995. Le nombre annuel des autorisations est en augmentation constante, passant de 4 681 en 1999 à 10 853 en 2008 et à 13 240 en 2009. Entre 2008 et 2009, l’augmentation est donc de 24 %.

La seconde série de chiffres apporte une preuve de la solidité juridique des décisions prises : le nombre des plaintes et recours contentieux demeure très faible année après année. En 2008, vingt-neuf plaintes ont été adressées aux préfets sur des systèmes défaillants, contre quatorze en 2007. Seulement deux recours contentieux ont été déposés en 2008, contre quatre en 2007. Moins de cent recours gracieux ont été déposés durant ces mêmes années. En 2009, le nombre de plaintes demeure très réduit, dix-neuf, soit une baisse de 34 % par rapport à 2008, et le nombre de recours contentieux est à nouveau de deux. Cela démontre la solidité du système.

J’en tire deux conclusions, en forme de recommandations.

La première est que le volume des dossiers de demande d’autorisation déposés dans les départements ne pourrait certainement pas être traité directement par une instance nationale, quelle qu’elle soit, dans des délais raisonnables.

J’ai bien noté la très grande solidarité qui anime la Haute Assemblée, toutes familles politiques confondues, mais je suis encore plus heureux de constater que le président de la CNIL, votre collègue Alex Türk, opine quand j’évoque cette situation. J’y suis très sensible ! (Sourires.)

Je vais même un peu plus loin : je suis convaincu que l’embolie inévitable d’un dispositif d’autorisation établi sur le plan national hypothéquerait sensiblement le déploiement des caméras de voie publique dans lequel de très nombreuses communes s’engagent.

Quant au système intermédiaire, avancé par certains, consistant à faire traiter une partie seulement des autorisations au niveau national, je ne suis, à vrai dire, pas persuadé de la constitutionnalité d’un tel dispositif, au regard du principe d’égalité.

La seconde conclusion à laquelle j’arrive est que le dispositif actuel d’autorisation sur le plan départemental est suffisamment protecteur de la liberté individuelle parce qu’il est bien adapté aux besoins. Je le rappelle, le préfet doit, avant toute décision, consulter une commission départementale dont le président est un magistrat du siège. Par ailleurs, les décisions du préfet sont, bien évidemment, soumises aux voies de recours habituelles.

Le système actuel d’autorisation préalable des dispositifs de vidéoprotection établis dans les lieux ouverts au public ou sur la voie publique a donc, à mon sens, prouvé toute son efficacité. Je ne pense pas qu’il y ait lieu de le modifier, en tout cas, pas en profondeur.

Monsieur Fournier, je veux vous rassurer : j’ai demandé aux préfets de réunir les commissions départementales aussi souvent que nécessaire pour éviter les « files d’attente » dans le traitement des dossiers.

L’expérience montre, en revanche, que le dispositif de contrôle a posteriori du respect des autorisations délivrées mérite, lui, d’être adapté.

Je le dis clairement, le nombre des contrôles effectués sur des installations existantes est insuffisant. Cela démontre une faiblesse du système actuel : 483 contrôles avaient ainsi été effectués en 2007 ; 2 863 l’ont été en 2008, dont 2 166 dans un seul département, les Hauts-de-Seine. Le nombre des contrôles effectués en 2009 revient au niveau de 2007.

Le volume est donc clairement insuffisant alors que, dans notre pays, plus de 100 000 systèmes ont été autorisés depuis 1995 et que des caméras sont installées chaque jour.

Par ailleurs, comme l’a remarqué l’un d’entre vous, la coexistence de cent commissions départementales rend évidemment nécessaire une harmonisation des pratiques et la mise en ordre de la doctrine juridique.

C’est pourquoi, conformément à la proposition du Gouvernement, l’Assemblée nationale a donné un statut législatif à la Commission nationale de la vidéoprotection.

Les traits marquants de son organisation sont d’abord une composition large, puisque des parlementaires, dont deux sénateurs, y siégeront, ainsi que des magistrats et un représentant de la CNIL.

La saisine sera ouverte, puisque la Commission nationale de la vidéoprotection pourra être saisie par un parlementaire, une commission départementale de la vidéoprotection ou le ministre de l’intérieur.

Les pouvoirs en matière de contrôle seront renforcés : la Commission nationale de la vidéoprotection pourra directement faire effectuer des contrôles ou solliciter les commissions départementales dans le même objectif.

Enfin, de réelles prérogatives lui seront accordées pour assurer la cohérence de l’action des préfets et des commissions départementales. Cette commission nationale pourra ainsi émettre des recommandations sur tous les aspects de la vidéoprotection et assurer, selon les termes de M. Jean-Patrick Courtois, « le développement de l’expertise sur les caractéristiques techniques et sur les bonnes pratiques en matière de vidéosurveillance, l’évaluation de la performance des technologies existantes et à venir. »

J’ajoute – parce que, ici aussi, il faut éviter le malentendu – qu’il ne s’agit pas de créer une nouvelle autorité administrative indépendante et donc de nouvelles dépenses publiques. La Commission nationale de la vidéoprotection s’appuiera sur les services et les inspections du ministère de l’intérieur pour exercer les prérogatives qu’elle aura reçues de la loi.

J’ai conscience que, si je m’arrêtais là, il y aurait sur ces travées une certaine déception. J’ai bien compris que le Sénat souhaitait étudier d’autres pistes de travail.

Je suis naturellement attentif aux propositions qui ont été faites à l’instant. Je souligne, toutefois, que nous ne partons pas de rien en la matière et que l’Assemblée nationale a déjà longuement délibéré sur les articles 17 et 18 du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. Je suis certain que le Sénat et l’Assemblée nationale pourront trouver un accord qui convienne à tous, dans le cadre de la navette parlementaire.

J’ai aussi entendu le souhait exprimé par certains d’entre vous de confier le pouvoir d’autorisation et le contrôle de la vidéoprotection à la Commission nationale de l’informatique et des libertés. De façon générale, je rappelle que la loi du 6 janvier 1978, modifiée en 2004, ne confie pas à la CNIL de compétences en matière de vidéoprotection. Une telle prérogative ne figure nulle part dans la loi.

Je signale à cet égard que le commentaire publié par le Conseil constitutionnel à l’appui de sa décision du 25 février dernier, qui concerne notamment le statut de la vidéoprotection dans les parties communes des immeubles, confirme que « ne s’y applique pas non plus de manière automatique la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dite “informatique et libertés”, dans la mesure où des traitements automatisés de données à caractère personnel n’y sont pas systématiquement mis en œuvre ».

Cette hypothèse est néanmoins vérifiée, et déjà prévue par la loi du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité, par exemple dans le cas de la « vidéo intelligente », c’est-à-dire quand les images des caméras font appel à des éléments biométriques – c’est-à-dire, en clair, la reconnaissance faciale – et sont couplées à des traitements de données à caractère personnel.

Par ailleurs, j’attire votre attention sur le risque qu’il y aurait d’encombrer la CNIL, qui se consacre, avec le succès que l’on connaît – nous avons pu l’apprécier au cours des derniers mois encore -, à la protection des libertés dans le domaine des bases de données informatiques.

J’ai bien compris également le sens de la proposition de M. Courtois quant au rôle de la CNIL, proposition qui, je crois, ne choque pas le sénateur Türk. S’éloignant un peu des conclusions du rapport du 10 décembre 2008, M. Jean-Patrick Courtois a rappelé à juste titre la pertinence du dispositif actuel, qui confie au préfet de département le soin d’autoriser les systèmes de vidéoprotection.

Permettez-moi enfin de revenir sur les questions que vous avez soulevées concernant le fonctionnement et le déploiement des systèmes de vidéoprotection.

Certains d’entre vous l’ont rappelé également à juste titre, il s’agit d’un outil en permanente évolution technologique. Il revient donc au Gouvernement et au Parlement de construire une réponse juridique qui soit la plus adaptée possible.

Je voudrais préciser d’abord la portée de certaines dispositions contenues dans le projet de loi « LOPPSI » telles que l’Assemblée nationale les a adoptées et qui vont toutes – toutes, mesdames, messieurs les sénateurs ! – dans le sens du renforcement de l’efficacité de la vidéoprotection.

En effet, comme l’a indiqué dans son rapport l’Inspection générale de l’administration, la vidéoprotection est efficace, madame Escoffier, mais à condition tout d’abord qu’elle soit déployée à bon escient. C’est la raison pour laquelle le Royaume-Uni ne saurait constituer un bon exemple, puisque le déploiement de la vidéoprotection ne se fait absolument pas dans les mêmes conditions que celles qui prévalent en France. On ne peut donc pas comparer les deux systèmes. Vous arrivez d’ailleurs à la même conclusion après étude du cas.

Pour que la vidéoprotection soit efficace, il faut donc qu’elle soit déployée à bon escient. Le visionnage doit en outre être effectif et facilité par des prises de vue de qualité, et les images enregistrées doivent pouvoir être facilement exploitées par la police et la gendarmerie à des fins d’investigation, sous le contrôle de l’autorité judiciaire.

Pour parvenir à cette efficacité, il est nécessaire, dans les communes les plus importantes, de réunir les images dans des centres de supervision et de raccorder ceux-ci à la police ou à la gendarmerie, comme cela se fait déjà beaucoup.

Le projet de loi « LOPPSI » permettra donc concrètement de mutualiser le visionnage d’images provenant de plusieurs personnes morales au sein d’un même centre de supervision urbaine. Cette mutualisation a l’avantage de constituer un gain en termes de coûts de fonctionnement et de frais de raccordement aux forces de l’ordre.

Plus de 200 raccordements ont été effectués depuis 2007 et l’État soutient très fortement leur réalisation par des subventions importantes allant, dans certains cas, jusqu’à 100 % du coût. Je précise que, dans un souci d’efficacité opérationnelle bien compréhensible, le soutien de l’État est réservé aux projets de vidéoprotection qui prévoient un visionnage des images, pas seulement leur enregistrement, et une liaison avec les forces de l’ordre ; il faut naturellement que ce soit équilibré.

Un autre dispositif du projet de loi « LOPPSI » permet aux personnes morales de recueillir des images et de les faire visionner par des opérateurs publics ou privés dont c’est le métier. Je le rappelle, le projet de loi prévoit que des personnes privées ne peuvent en aucun cas avoir accès aux enregistrements, qui sont réservés à l’exercice de la police judiciaire. Elles peuvent seulement visionner les images, c’est-à-dire, comme tout citoyen, être conduites à signaler une infraction aux forces de l’ordre. Par ailleurs, des conditions d’agrément préalable sont prévues.

J’en viens à l’observation de Jean-Paul Alduy concernant les coûts de fonctionnement induits pour les communes par l’exploitation de ces systèmes de vidéoprotection. Il est vrai que le Gouvernement conçoit les mesures que je viens de rappeler comme un moyen de réduire ces coûts par la mutualisation des moyens, par exemple à l’intérieur d’une commune ou sur un plan intercommunal.

Comme vous le savez, la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance autorise les intercommunalités à exploiter des systèmes de vidéoprotection. Cette loi et les mesures à venir répondent en partie à votre préoccupation, monsieur Alduy.

Dans le même souci d’efficacité, je proposerai au Sénat de tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel relative à la vidéoprotection dans les parties communes des immeubles. Comme l’a demandé le Conseil constitutionnel, un amendement précisera les garanties attachées au transfert d’images prises dans ces parties communes vers un centre de supervision urbaine géré par la police municipale ou directement vers le commissariat ou la brigade.

Ainsi, ce transfert d’images ne pourra pas intervenir tant qu’une convention n’aura pas été conclue avec le préfet et, si le transfert est fait vers la police municipale, avec le maire de la commune.

La convention devra préciser les modalités d’information des usagers et la durée de conservation des images. La commission départementale de la vidéoprotection donnera un avis préalable au préfet, qui pourra, avant de signer la convention, renforcer, si c’est nécessaire, les dispositions de celle-ci.

Une autre condition de l’efficacité de la vidéoprotection est d’assurer un continuum de la prise d’images dans l’espace. Concrètement, il ne doit pas y avoir de rupture dans un secteur que l’on sait sensible. C’est pourquoi le projet de loi « LOPPSI » étend la capacité des personnes privées – les entreprises, par exemple – à visionner les abords de leurs bâtiments, et non plus seulement les abords immédiats, pour assurer une meilleure liaison avec les systèmes municipaux de voie publique.

J’ai bien entendu les demandes de simplification des procédures d’autorisation que MM. Courtois et Fournier ont formulées. Louis Nègre était d’ailleurs lui aussi sur cette ligne. Ces suggestions vont dans le sens d’une accélération du déploiement de la vidéoprotection. J’y souscris donc, naturellement, et ferai des propositions très précises dans le cadre des travaux que la commission des lois entamera la semaine prochaine sur le projet de loi « LOPPSI ». J’ai d’ores et déjà demandé à mes services d’examiner la faisabilité d’un certain nombre de propositions de la mission d’information, au regard notamment – c’est la limite de l’exercice – de la jurisprudence constitutionnelle, qui est très exigeante dans ce domaine.

Une seule proposition me paraît d’emblée assez difficile à satisfaire, celle qui concerne le contenu du dossier de renouvellement d’autorisation. Il est en effet nécessaire que le préfet et la commission départementale puissent examiner le dossier au regard de l’ensemble des changements qui auront pu intervenir dans le secteur concerné depuis la première autorisation. Une telle modification me paraît donc compliquée à mettre en œuvre.

Je voudrais revenir un instant sur le pouvoir de substitution du préfet aux communes. Il est indispensable dans trois cas très précis, et je les mentionne en considération des communes qui refuseraient obstinément la vidéoprotection pour des raisons idéologiques : la prévention des actes terroristes, la protection des installations sensibles – on pense aux centrales nucléaires - et la protection des intérêts fondamentaux de la nation. L’idée est d’assurer une continuité, une efficacité entre les systèmes de protection que les exploitants de sites sensibles ont l’obligation de mettre en place –  par exemple, dans les gares – et les systèmes qui sont aménagés sur la voie publique par les communes.

Je l’indique dès maintenant, il n’y aura pas de dépense obligatoire à la charge des communes. Il est cependant nécessaire que le préfet puisse imposer l’installation de caméras à une commune. Cet investissement se ferait aux frais de l’État, la commune pouvant bien évidemment accorder sa contribution financière.

Enfin, vous avez évoqué les évolutions que pourraient entraîner les progrès technologiques en matière de vidéoprotection. Il est vrai que, dans ce domaine, rien n’est figé et que les techniques changent rapidement. Certains développements technologiques comme le système de lecture automatisée des plaques d’immatriculation, ou LAPI, ont déjà fait l’objet de dispositions législatives. Nous faisons des efforts très importants sur ce plan. Nous avons décidé cette année d’ajouter 500 dispositifs de lecture de ce type.

Ces évolutions sont extrêmement rapides. Je fais étudier actuellement un régime propre aux caméras embarquées. Je rappelle d’ailleurs que les images provenant de ces caméras sont prises uniquement au cours d’interventions de la police ou de la gendarmerie et sont destinées à être utilisées dans le cadre d’une procédure et non pas à tout va. Elles ne sont pas reliées à une base de données.

Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président de la commission des lois, la vidéoprotection connaît un développement sans précédent, qui est justifié. Je suis convaincu qu’il s’agit d’un outil majeur au service de la protection des honnêtes gens.

Ce développement doit bien évidemment s’accompagner d’une adaptation du système de contrôle, au nom d’une bonne appréciation des situations au plan local et, encore une fois, de la protection de la liberté individuelle.

Le Gouvernement a fait des propositions, l’Assemblée nationale les a retenues. Il est aujourd’hui à l’écoute du Sénat. Nous sommes tout à la fois déterminés à mener une lutte implacable contre les délinquants et profondément attachés aux libertés individuelles.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce n’est pas l’un ou l’autre, ce n’est pas l’un sans l’autre, c’est tout simplement l’un et l’autre. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec ce débat sur l’encadrement juridique de la vidéosurveillance.

9

Nomination des membres de la mission commune d’information sur la tempête Xynthia

Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour la mission commune d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia.

La présidence n’a reçu aucune opposition. En conséquence, elles sont ratifiées et je proclame :

M. Alain Anziani, Mme Marie-France Beaufils, M. Claude Belot, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Michel Boutant, Philippe Darniche, Yves Dauge, Éric Doligé, Michel Doublet, François Fortassin, Charles Gautier, Mme Gisèle Gautier, M. Pierre Jarlier, Mme Fabienne Keller, MM. Ronan Kerdraon, Daniel Laurent, Gérard Le Cam, Dominique de Legge, Jean Claude Merceron, Albéric de Montgolfier, Paul Raoult, Bruno Retailleau, Daniel Soulage, Mmes Catherine Troendle et Dominique Voynet, membres de la mission commune d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia.

10

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 31 mars 2010, à quatorze heures trente :

1. Débat sur le coût des 35 heures pour l’État et la société.

2. Question orale avec débat n° 58 de Mme Bariza Khiari à M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire sur les dispositifs de lutte contre les discriminations.

« Le 18 mars 2010 - Mme Bariza Khiari appelle l’attention de M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire sur le fait que les pratiques discriminatoires sont légions. Elles constituent de nouvelles inégalités. Les premières victimes sont notamment les jeunes issus de l’immigration. Ils subissent le cumul des handicaps : âge, patronyme, confession, domiciliation, couleur de peau. Toutes ces caractéristiques pourtant fort éloignées des compétences jouent en leur défaveur. Confrontés à une véritable relégation sociale et territoriale, ces jeunes considèrent le pacte républicain, socle de notre cohésion sociale, comme un “miroir aux alouettes”. Les territoires perdus de la République prospèrent sur fond de précarité, de chômage.

« Lors d’un discours prononcé le 17 décembre 2008 à l’École polytechnique, le Président de la République avait annoncé de grandes avancées dans la lutte contre les discriminations. Reprenant nombre de propositions du groupe socialiste du Sénat, il avait présenté un programme destiné à améliorer la situation des populations exclues.

« Seulement, plus d’un an après ce discours, elle s’interroge sur les réalisations concrètes censées donner corps au verbe présidentiel. Le débat sur l’identité nationale a visiblement davantage stigmatisé les populations discriminées qu’il n’est venu les aider. Aucun train de mesures concrètes visant à renforcer la lutte contre les discriminations n’a été observé.

« La disposition législative de 2006 sur le CV anonyme attend toujours son décret d’application. La situation est similaire concernant les Chibani, ces vieux travailleurs maghrébins venus en France dans les années soixante et soixante-dix. Une disposition a été votée afin qu’ils puissent percevoir intégralement le minimum vieillesse tout en ayant la possibilité de passer leur retraite au pays, le décret reste là aussi en attente. Par ailleurs, la proposition de loi adoptée à l’unanimité des groupes au Sénat sur les emplois fermés, reprise partiellement dans la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, n’a toujours pas été portée à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Il suffit donc de peu de chose pour que des pas significatifs soient accomplis.

« Aussi, elle souhaiterait connaître les raisons pour lesquelles ces dispositions, votées par le législateur, sont restées lettre morte, faute de décret. Par ailleurs, elle aimerait connaître les intentions du Gouvernement pour traduire dans les faits les engagements présidentiels. Les parlementaires de tous bords se sont montrés soucieux par leurs votes de rendre effectifs les principes de cohésion nationale et d’égalité ; ils ont voulu s’attaquer aux discriminations faites aux jeunes et aux anciens, ils attendent désormais de l’exécutif qu’il prenne ses responsabilités. »

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur adjoint

du service du compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART