M. Richard Yung. Nous retrouvons d’autres exemples de ces textes de commande : je pense notamment à la proposition de loi déposée par Christian Estrosi, avant qu’il ne redevienne ministre, renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public ou à celle de Jean Arthuis relative à la création des maisons d’assistants maternels.

J’en viens à présent à l’examen du dispositif de la présente proposition de loi, qui vise à maintenir le Médiateur de la République dans ses fonctions. Cette pratique est certes autorisée par le Conseil constitutionnel, lorsqu’elle répond à un objectif d’intérêt général et « revêt un caractère exceptionnel et transitoire ».

On pourrait s’interroger sur ces deux derniers adjectifs, car il semblerait que certaines habitudes soient en train de s’installer : ainsi, comme l’a rappelé notre collègue Patrick Gélard, nous avons adopté récemment un projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental et nous serons amenés à examiner prochainement un projet de loi portant prorogation du mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature. Cette pratique devient un mode de Gouvernement !

Je ne sais pas si la bonne méthode consiste à saisir le Secrétariat général du Gouvernement pour qu’il revoie l’ordre d’examen des projets de loi organique, mais j’ai plutôt l’impression qu’un problème général d’ordre politique se pose. Il devrait trouver sa solution dans le nouveau « pacte » de la majorité, mais il ne m’appartient pas d’en parler !

Afin d’éviter que le mandat du Médiateur n’expire prématurément, nous avons décidé de repousser l’échéance au 31 mars 2011. J’espère que ce délai sera suffisant ! (M. le président de la commission des lois s’exclame.) Je prends date aujourd’hui et nous en reparlerons dans six mois !

Nous sommes donc invités à proroger le mandat d’une autorité qui est appelée à disparaître au profit d’une nouvelle entité dont nous ne connaissons pas les contours exacts. Des rumeurs insistantes portent sur le rattachement de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, au Défenseur des droits. Je sais que cette autorité n’a pas bonne réputation dans notre assemblée : on l’accuse d’outrepasser ses droits,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !

M. Richard Yung. … et de s’arroger des pouvoirs quasi législatifs.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et même supraconstitutionnels !

M. Richard Yung. Il semblerait également qu’un certain nombre des décisions de cette autorité ait déplu en haut lieu. Le Gouvernement aurait donc l’intention de demander aux membres de sa majorité au Sénat de supprimer la HALDE en l’intégrant dans le nouveau dispositif relatif au Défenseur des droits.

Monsieur le secrétaire d’État, je tiens à vous mettre en garde contre toute tentative de suppression de cette autorité. Le groupe socialiste éprouve déjà un certain nombre de réticences à l’égard de la suppression de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, qui a réalisé dans des conditions difficiles un excellent travail de défense des droits de l’homme et des libertés publiques. La fusion de la HALDE au sein du Défenseur des droits serait donc un très mauvais message adressé au pays.

Pour conclure, j’ajouterai un mot sur le fonctionnement de la CNDS. Deux de nos collègues, MM. Peyronnet et Courtois, siègent au sein de cette autorité : or leur mandat s’est achevé le 4 février dernier, sans susciter d’émotion particulière. J’ignore la raison pour laquelle aucun projet de loi ne nous a été présenté pour proroger le mandat de ces deux excellents collègues…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On ne nous a pas demandé de les remplacer !

M. Richard Yung. Toujours est-il que la CNDS n’est actuellement plus en mesure d’exercer ses missions, jusqu’à une date qui reste incertaine. Cette situation me paraît assez grave, et c’est pourquoi j’appelle l’attention du Sénat sur cet aspect du fonctionnement de notre démocratie.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, institué par la loi du 3 janvier 1973, expressément qualifié d’autorité indépendante par la loi du 13 janvier 1989, le Médiateur de la République a su gagner une place incontournable, à la fois au sein de nos institutions et auprès de nos compatriotes.

Il remplit une mission fondamentale par sa contribution à l’amélioration des rapports entre l’administration et les usagers, en cherchant à résoudre les litiges non juridictionnels pouvant survenir entre eux. À l’époque de sa création, cette institution constituait une innovation remarquable ; elle représente désormais un acquis sur lequel nul ne souhaite bien entendu revenir.

Le rapport annuel du Médiateur est devenu un révélateur de l’état et de l’évolution de la société française et de ses difficultés, des inquiétudes de nos concitoyens, de leurs problèmes quotidiens. Il dénonce des abus, des insuffisances et, surtout, montre quel meilleur chemin pourrait être emprunté pour rendre l’administration plus efficace, plus simple, mieux apte à s’adapter aux mutations de notre société, aux besoins des citoyens et à promouvoir les principes de notre République.

Malgré la réduction des effectifs de fonctionnaires ou les coupes budgétaires, la distance entre l’administration et ses usagers persiste. Mais, au-delà de cette antienne, il n’en reste pas moins vrai que nos concitoyens pâtissent au quotidien des arcanes de l’administration, souvent abritée derrière la complexité du droit et un langage peu accessible au non-initié.

À cet égard, le rôle du Médiateur de la République, conciliateur exigeant, est absolument fondamental, comme le démontrent les 76 000 affaires dont il a été saisi en 2009. Je sais que tous les hommes qui ont exercé cette fonction –  et je tiens à rendre ici hommage à la mémoire de Jacques Pelletier, ancien président du groupe du RDSE – s’en sont acquittés avec courage et conviction.

L’objet du présent texte est donc de proroger le mandat actuel du Médiateur, dans l’attente de la promulgation de la loi organique portant application du nouvel article 71-1 de la Constitution. Longtemps annoncé, ce nouveau « Défenseur des droits » a vocation à fusionner, outre le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la Commission nationale de déontologie de la sécurité, ou CNDS. Il aura pour mission de veiller, selon les termes mêmes de la Constitution, au « respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public, ou à l’égard duquel la loi organique lui attribue des compétences ».

Bien qu’un projet de loi organique ait été déposé au Sénat le 9 septembre 2009 – vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État –, la date de sa discussion reste encore indéterminée. Il est toutefois difficile de ne pas en aborder aujourd’hui le fond. Le champ de compétences ouvert par la Constitution et la loi organique au profit du Défenseur des droits est suffisamment large pour susciter des interrogations sur l’opportunité de faire disparaître des autorités spécialisées et ayant fait leurs preuves : en effet, l’institution de cette nouvelle autorité indépendante aura pour effet de diluer le champ d’expertise et d’investigation aujourd’hui partiellement occupé par les autorités indépendantes auxquelles il se substituerait.

Le regroupement des fonctions de contrôle et de médiation, qui relèvent de logiques différentes, risque de nuire à l’impératif d’effectivité de la protection des droits, comme n’a d’ailleurs pas manqué de le relever la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Le contrôle est coercitif, là où la médiation est une conciliation, à l’image de l’action de l’ombudsman suédois, institution dont s’est inspiré le législateur français en créant le Médiateur de la République.

Il est pourtant établi que les autorités spécialisées peuvent se focaliser sur une mission unique et fixer une identité claire susceptible de faciliter leur mission, en déterminant elles-mêmes, de façon adaptée, leurs propres standards de contrôle.

Sur ce point, la loi organique ne va sans doute pas au bout de sa logique : pourquoi n’intégrer « que » le Médiateur, le Défenseur des enfants et la CNDS, toutes autorités aux compétences finalement disparates et cloisonnées ? Pourquoi, si le Défenseur des droits a vocation à assurer une meilleure protection des droits et libertés individuelles de façon transversale, ne pas lui avoir adjoint, par exemple, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité des droits, la HALDE ? Bien que nous ne souhaitions pas un tel élargissement des compétences du Défenseur des droits, nous ne comprenons pas l’incohérence qui a présidé à l’élaboration de ce projet de loi organique. Nous aurons naturellement le temps d’y revenir lorsque ce texte nous sera soumis.

D’une manière générale, il est aussi plus que temps de s’interroger et d’agir pour limiter l’extension du nombre et des compétences d’organismes mutant vers le juridictionnel, afin de réserver ce statut à quelques rares exceptions, dont la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.

Avec cette proposition de loi visant à proroger les fonctions de l’actuel Médiateur, nous sommes aujourd’hui en présence d’une sorte de demande de renvoi préjudiciel. Il est toutefois dommageable que nous soyons aujourd’hui obligés de voter cette prorogation alors que le projet de loi organique a été déposé en septembre dernier, comme cela a déjà été indiqué.

Cette situation illustre à quel point la surcharge du calendrier parlementaire – je pense aux multiples textes pénaux à vocation médiatique – peut nous contraindre à agir dans la précipitation, voire l’improvisation. Il est ainsi anormal de devoir voter un tel texte à quinze jours de l’expiration du mandat du Médiateur.

Ce texte pallie néanmoins un vide prévisible et dommageable. Fort de cette constatation, c’est tout naturellement que l’ensemble du groupe du RDSE le votera. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de lUMP.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Heureusement que Patrice Gélard s’est aperçu que le mandat expirait !

M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.

M. Laurent Béteille. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a inscrit dans notre Constitution un nouveau titre relatif au défenseur des droits. L’article 71-1 prévoit ainsi l’instauration de cette nouvelle institution indépendante, dotée de pouvoirs et de moyens d’action accrus, afin que cette dernière puisse veiller au respect des droits et libertés de chacun de nos concitoyens.

Dans la mission qui est la sienne, le Défenseur des droits se voit confier par le projet de loi organique des attributions qui incluront celles qu’exercent actuellement le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la Commission nationale de déontologie de la sécurité.

D’ailleurs, puisque cela a été évoqué par un certain nombre de nos collègues, pourquoi ne pas y inclure aussi celles de la HALDE ? En effet, je crois sincèrement que le fait de multiplier des autorités est une façon de les marginaliser, de leur donner moins de visibilité. À l’inverse, le fait de regrouper sous la même autorité ces différentes missions donne à celui qui exerce cette fonction beaucoup plus de visibilité et une véritable audience sur le plan national.

Aujourd’hui, il existe toute une série d’autorités dont le grand public ignore aussi bien les compétences que le nom des dirigeants. Or, si nous avons un vrai Défenseur des droits en charge de la question du respect des droits de l’homme et du citoyen dans son ensemble, il sera à mon avis beaucoup plus audible et respecté.

Notre collègue le doyen Gélard, sur le fondement de sa proposition de loi, a souligné de manière opportune les difficultés qui nous seraient imposées par le calendrier législatif en cas de statu quo. En effet, eu égard à ce calendrier, il semble évident que les projets de loi organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits ne pourront pas être adoptés avant le 12 avril 2010, date à laquelle s’achève le mandat de Jean-Paul Delevoye, actuel Médiateur de la République.

La proposition de loi vise donc à modifier l’article 2 de la loi du 3 janvier 1973 instituant le Médiateur de la République pour une durée de six ans, afin de proroger le mandat de ce dernier jusqu’à l’adoption de la loi relative au Défenseur des droits.

Cette mesure caractérise notre volonté de préserver l’activité du Médiateur de la République jusqu’à la création de ce Défenseur des droits, évitant ainsi toute vacance de cette fonction cruciale pour la défense des droits et des citoyens face à l’administration.

Surtout, la nomination d’un nouveau Médiateur pour quelques mois n’aurait à mon avis pas été une solution adaptée. Ainsi, les membres du groupe UMP et moi-même partageons le pragmatisme qui a guidé notre collègue M. Gélard. En effet, les attributions du futur Défenseur des droits reprenant, entre autres, celles du Médiateur de la République, il semble plus cohérent que la passation de dossiers se déroule avec un Médiateur de la République présent depuis avril 2004, plutôt qu’avec un nouveau Médiateur en poste depuis peu, qui n’aurait pas eu le temps de prendre connaissance de l’ensemble des affaires traitées par l’institution.

Par ailleurs, le texte initial prévoyait que la prorogation ne pourrait dépasser la date du 31 décembre 2010. Toutefois, sur la proposition de M. le rapporteur, notre commission a souhaité modifier ce point, afin de prolonger de trois mois les délais impartis en portant la date butoir au 31 mars 2011.

Cette modification va dans le bon sens : elle permet de préserver un juste équilibre entre, d’une part, la volonté de proroger le mandat du Médiateur dans des délais acceptables – à savoir, moins d’un an – et, d’autre part, la nécessité de s’assurer que la promulgation de la loi organique sur le Défenseur des droits, qui doit être soumise préalablement au Conseil constitutionnel, interviendra dans des délais raisonnables. À cet égard, je partage complètement le sentiment de ceux qui, dans cet hémicycle, ont indiqué que cela n’avait que trop tardé.

Dans ces conditions, le groupe UMP est bien entendu favorable à l’adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Mesdames et messieurs les sénateurs, permettez-moi de formuler quelques brefs éléments de réponse à vos différentes interventions, toutes riches et intéressantes.

Je me tournerai d’abord vers le doyen Patrice Gélard, auteur de la proposition de loi. Il est un point, monsieur le rapporteur, que je n’ai pas relevé tout à l’heure dans mon discours liminaire, mais qui mérite un mot d’explication. En effet, vous avez indiqué que tous les projets de loi organique ou ordinaire ont été déposés, à l’exception du projet de loi organique relatif au référendum d’initiative populaire.

Ce retard résulte non pas d’une mauvaise volonté, mais seulement de l’importance du travail d’expertise technique nécessaire pour parvenir à comptabiliser les 4,4 millions de soutiens nécessaires à l’initiative populaire. Ce travail a été fait, et le texte est aujourd’hui en cours de finalisation. Je tiens à vous rassurer, monsieur le président de la commission : le projet sera déposé sur le bureau d’une des deux assemblées d’ici à la fin du printemps. Ainsi, nous avons à cœur de répondre à votre demande légitime.

Madame Borvo Cohen-Seat, le Gouvernement est véritablement déterminé à ce que la création du Défenseur des droits n’aboutisse en aucun cas à un recul de la protection des droits et libertés de nos concitoyens, bien au contraire. Comme je l’ai dit tout à l’heure, il s’agit d’une autorité constitutionnelle, qui aura le pouvoir et les moyens nécessaires pour assurer ses missions ; le futur débat parlementaire donnera d’ailleurs l’occasion au Gouvernement d’être à l’écoute de toute proposition d’amélioration qui pourrait émaner de votre assemblée.

Monsieur Yung, l’encombrement du calendrier parlementaire – j’y faisais moi-même allusion tout à l’heure – n’est pas une nouveauté liée à la révision constitutionnelle. Il est vrai que nous menons un travail important et qu’il y a beaucoup de réformes en cours. N’allons pas nous en plaindre : ces réformes sont attendues. Toutefois, je partage votre souhait de voir aboutir le plus rapidement possible les textes sur le Défenseur des droits.

Madame Escoffier, je ne reprendrai pas tous les éléments fort intéressants de votre intervention, mais vous répondrai sur un point précis.

Vous faisiez en effet allusion à un avis donné par la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Or, conférer au Défenseur des droits à la fois des missions de médiation et de contrôle ne doit pas être un problème. Le Défenseur des droits utilisera les moyens et les outils adéquats pour traiter chaque type de dossiers et de situations qui lui sera soumis.

La question du périmètre de ses attributions, que vous avez également soulevée, pourra bien sûr être discutée lors des débats parlementaires, débats qui seront, j’en suis certain, nourris et riches de propositions.

Enfin, Monsieur Béteille, vous avez clairement expliqué pourquoi le Défenseur des droits, en rassemblant plusieurs autorités administratives indépendantes, permettra aussi une rationalisation et une meilleure organisation de la défense des droits de nos concitoyens. Cette défense passe par des intentions, nobles, mais aussi par une méthode : c’est également là-dessus que repose la crédibilité de ces autorités. À cet égard, la crédibilité acquise par le Médiateur ainsi que la capacité de ce dernier à évoluer, à prendre en charge de nouvelles missions doivent nous servir d’exemple.

Le Défenseur des droits disposera d’une autorité plus importante du fait de son statut constitutionnel. Il permettra, comme vous l’avez souligné, un traitement plus efficace de cas complexes qui relèvent actuellement de plusieurs autorités. Je vous sais gré, monsieur le sénateur, de l’avoir rappelé. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l’article unique.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à proroger le mandat du Médiateur de la République
Article unique (fin)

Article unique

Par dérogation à l’article 2 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un médiateur, la durée du mandat du Médiateur de la République en fonction depuis le 13 avril 2004 est prorogée jusqu’à la date d’entrée en vigueur de la loi organique prévue à l’article 71-1 de la Constitution et, au plus tard, jusqu’au 31 mars 2011.

M. le président. Je ne suis saisi d’aucun amendement.

Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Je souhaite réaffirmer que le groupe socialiste n’a pas d’objection ni sur le montage juridique retenu ni même sur le fond. Cependant, le cadre général de notre travail – point sur lequel la réponse de M. le secrétaire d’État ne m’a pas vraiment convaincu – fait que nous nous abstiendrons. Ce faisant, nous voulons envoyer un message à la conférence des présidents et au Gouvernement : nous nous livrons à un véritable travail de gribouille ! Je rappellerai que, mardi soir, nous avons commencé le débat préalable au Conseil européen à minuit et quart…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’était pas pour les mêmes motifs ! Ne mélangeons pas les choses…

M. Richard Yung. Ce n’était peut-être pas pour les mêmes motifs ; reste que l’ensemble de notre travail est mal organisé !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. J’entends ce discours depuis vingt-six ans !

M. Richard Yung. Nous ne travaillons pas dans de bonnes conditions ! Voilà le sens de notre abstention.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !

Article unique (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à proroger le mandat du Médiateur de la République
 

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Dossier législatif : proposition de loi tendant à autoriser les petits consommateurs domestiques et non domestiques d'électricité et de gaz naturel à accéder ou à retourner au tarif réglementé
Discussion générale (suite)

Tarif réglementé d'électricité

Adoption d'une proposition de loi

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à autoriser les consommateurs finals domestiques d’électricité et les petites entreprises à retourner au tarif réglementé d’électricité, présentée par M. Ladislas Poniatowski et plusieurs de ses collègues du groupe UMP (proposition n° 183, texte de la commission n° 324, rapport n° 323).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Ladislas Poniatowski, auteur de la proposition de loi et rapporteur.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à autoriser les petits consommateurs domestiques et non domestiques d'électricité et de gaz naturel à accéder ou à retourner au tarif réglementé
Article unique (début)

M. Ladislas Poniatowski, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission de l’économie et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, la commission de l’économie et du développement durable a bien voulu me désigner rapporteur de ma proposition de loi tendant à autoriser les consommateurs domestiques et les petites entreprises à retourner au tarif réglementé d’électricité. C’est donc à la fois en tant qu’auteur et que rapporteur que j’ai le plaisir de vous exposer les motivations de ce texte, dont la portée est certes très limitée, mais qui présente un vrai caractère d’urgence. Permettez-moi, mes chers collègues, de vous rappeler brièvement les raisons qui appellent urgemment une nouvelle loi dans ce domaine.

Vous le savez tous, l’Union européenne a décidé de libéraliser le marché de la fourniture d’électricité et de gaz. En application des directives communautaires successives, la France a ouvert à la concurrence, par étapes, le marché de ces deux formes d’énergie. Depuis le 1er juin 2007, l’ensemble des consommateurs, particuliers comme professionnels, peuvent s’adresser librement au fournisseur d’électricité ou de gaz de leur choix.

Mais plus de deux ans après la libéralisation complète du marché, la très grande majorité des consommateurs ont choisi de demeurer aux tarifs réglementés, et la répartition des ventes entre les tarifs réglementés et le marché libre évolue très lentement.

Monsieur le ministre d’État, vous nous avez fourni les chiffres les plus récents, qui datent de décembre 2009.

Concernant l’électricité, seuls 1 312 000 particuliers très précisément, sur un total de 29 900 000, sont passés à un fournisseur alternatif à EDF ; pour les clients industriels, la concurrence est un peu plus importante puisque 366 000 industriels sont passés à un fournisseur alternatif, sur un total de 4 850 000.

La situation est comparable pour le marché du gaz puisque 637 000 particuliers seulement, sur un total de 10 790 000, sont passés à un fournisseur alternatif à GDF. Pour les industriels, grands et petits, le ratio est de 113 000 sites passés à un fournisseur alternatif, sur un total de 685 000.

Les tarifs réglementés bénéficient auprès des consommateurs d’une image positive, tenant à leur simplicité, à la notoriété des fournisseurs qui les proposent, ainsi qu’au caractère modéré de leur évolution, dû à leur encadrement par l’État.

En pratique, l’écart entre le tarif réglementé et le prix de marché – ce qu’il est convenu d’appeler le « ciseau tarifaire » – est demeuré plus grand pour l’électricité que pour le gaz, dont le tarif réglementé est très proche du prix de marché.

Deuxième observation, je voudrais attirer votre attention, mes chers collègues, sur l’importance de prolonger, d’étendre et de simplifier le principe de réversibilité.

La loi permet, jusqu’au 30 juin 2010, aux consommateurs d’électricité et à certains consommateurs de gaz qui quittent leur fournisseur d’origine et optent pour la concurrence de revenir, au terme d’un délai de six mois, au tarif réglementé s’ils jugent que tel est leur intérêt, s’ils ont été mal servis ou si les prix, à leurs yeux, étaient trop élevés.

Ce principe de « réversibilité » est essentiel pour un réel développement de la concurrence, et les consommateurs hésiteront en effet d’autant moins à quitter l’opérateur historique qu’ils auront la garantie de pouvoir revenir au tarif réglementé, que celui-ci est le seul à offrir, si d’aventure le tarif de marché évoluait à la hausse. C’est pourquoi la réversibilité est un argument commercial majeur pour les nouveaux entrants lorsqu’ils démarchent des clients.

Or ce principe de réversibilité a été défini comme une mesure transitoire. Dernièrement, la loi du 21 janvier 2008 en a fixé le terme au 1er juillet 2010, d’où la nécessité de le prolonger.

Par ailleurs, le périmètre du principe de réversibilité est complexe. Pour l’électricité, il convient de distinguer entre les consommateurs finals domestiques, qui bénéficient d’une réversibilité totale, et les consommateurs finals non domestiques, qui ne profitent du principe de réversibilité qu’en dessous d’un seuil de puissance de 36 kilovoltampères. Pour le gaz, il convient également de distinguer entre les consommateurs finals domestiques, qui ne bénéficient que d’une réversibilité partielle, et les consommateurs finals non domestiques, qui ne profitent pas du principe de réversibilité, d’où la nécessité de simplifier cette réversibilité.

Troisième observation, je voudrais également attirer votre attention sur un risque de caducité avant l’adoption du texte relatif à la nouvelle organisation du marché de l’électricité, dit projet de loi NOME, tant attendu, dont vous nous direz certainement quelques mots, monsieur le ministre d’État.

En effet, dans le prolongement du rapport Champsaur présenté au printemps 2009, le Gouvernement travaille actuellement à ce projet de loi. À ce propos, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre d’État, de votre volonté d’associer les nombreux acteurs concernés par ce sujet, y compris les élus que nous sommes, en diffusant assez largement un premier avant-projet, en amont de l’envoi du texte au Conseil d’État, mardi dernier. L’ensemble des acteurs concernés ont été sensibles à cette volonté de les associer, en amont, afin de faire réagir les uns et les autres.

Selon l’avant-projet soumis à concertation, ce texte devrait comporter notamment un mécanisme dit « d’accès régulé à la base » qui consistera à mettre à disposition des fournisseurs alternatifs une fraction de la production électronucléaire d’EDF. Je crois que c’est un des sujets qui fera largement débat,…