M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, c’est pour moi un immense plaisir d’entamer aujourd’hui l’examen en deuxième lecture de la proposition de loi relative au service civique.
Cette proposition de loi nous revient de l’Assemblée nationale, qui l’a approuvée, certes avec des modifications – que j’estime pertinentes pour certaines d’entre elles et moins pertinentes pour quelques autres –, mais à une très large majorité, allant bien au-delà des clivages entre majorité et opposition, et c’est bien là l’essentiel !
Ce texte, déposé sur l’initiative de l’ensemble des membres du RDSE, est le fruit de réflexions et de discussions d’abord à l’intérieur de mon groupe, puis avec vous, monsieur le haut-commissaire, avec le rapporteur, avec le Sénat et, désormais, avec l’Assemblée nationale.
Ce texte n’est donc plus totalement le nôtre ; nous en partageons désormais tous la paternité, mais il n’en demeure pas moins qu’il nous tient tout particulièrement à cœur parce qu’il concerne au premier plan la jeunesse de notre pays et parce qu’il réintroduit le civisme au cœur de la République et dans le quotidien des Français.
Malmenée par une crise profonde des valeurs, notre jeunesse souffre du chômage, de la précarité et, plus largement, d’une perte de repères dans une période que l’on peut qualifier de particulièrement difficile.
Avec l’instauration du service civique tel que nous l’avons conçu, nous allons enfin apporter un début de réponse aux centaines de milliers de jeunes qui se cherchent, souhaitent trouver leur place dans notre société et rendre à leur pays, la nation française, un peu de ce qu’elle leur a apporté et continuera à leur apporter.
Nous allons ainsi responsabiliser l’apprenti citoyen et, nous l’espérons, réhabiliter les valeurs civiques de solidarité, de participation, d’engagement et de responsabilité, valeurs qui font trop souvent cruellement défaut dans nos sociétés dites modernes.
Pour nous, radicaux de gauche et, plus largement, pour les membres du RDSE, le retour au civisme est une condition indispensable du redressement de notre pays.
C’est pourquoi le service civique viendra utilement compléter le dispositif existant. Facilement accessible, il constituera une opportunité de s’engager, dans de bonnes conditions, au profit d’un projet collectif d’intérêt général et au service de valeurs de la République trop souvent oubliées, méconnues ou parfois galvaudées.
L’Assemblée nationale a apporté, on l’a dit, quelques modifications au dispositif que nous avions élaboré et voté au Sénat le 27 octobre dernier.
Certains éléments ont évolué au cours des discussions, de façon globalement positive, mais, sur le fond, le service civique reste, nous semble-t-il, tel que le groupe du RDSE l’avait imaginé et conçu dans son exercice pratique.
Quelles sont les conditions et les modalités de ce service civique ? En d’autres termes, le service civique, « comment ça marche » ?
Tout d’abord, une distinction liminaire voulue par nos collègues députés s’impose entre engagement de service civique et volontariat de service civique, équivalent de l’actuel volontariat associatif.
L’engagement de service civique concernera tous les jeunes de seize à vingt-cinq ans qui, sans condition de diplôme, s’engageront pour une durée de six à douze mois auprès d’une association, d’une fondation, d’une ONG à but non lucratif ou auprès d’un organisme public, qu’il s’agisse d’une collectivité locale, d’un établissement public ou d’une administration de l’État.
Ces jeunes engagés recevront une indemnité mensuelle non imposable de 440 euros nets, prise en charge par l’État et versée par l’Agence du service civique.
Par ailleurs, l’État prendra à sa charge la couverture maladie et maternité ainsi que les cotisations retraites, ce qui n’est pas neutre au regard des difficultés qu’il y a à constituer une retraite.
Des indemnités complémentaires pourront aussi être versées par l’organisme d’accueil, notamment pour contribuer aux frais de transport et d’hébergement.
Autre élément fondamental, le service civique sera valorisé dans le parcours de formation du jeune, notamment dans son cursus universitaire et à travers la validation des acquis de l’expérience.
Dernier point essentiel, le volontaire engagé en service civique bénéficiera d’un accompagnement structuré : une phase de préparation à sa mission en amont, un accompagnement pendant la réalisation des missions qui lui seront confiées, une formation citoyenne et un appui à sa réflexion sur son projet d’avenir.
Il s’agit donc bien d’un engagement réfléchi et accompagné.
Le volontariat de service civique différera de l’engagement de service civique sur plusieurs de ces points.
Concernant uniquement les plus de vingt-cinq ans, pour une période de six à vingt-quatre mois, il offrira un accompagnement moindre et l’État ne prendra pas en charge financièrement les volontaires. Je ne peux d’ailleurs que regretter cette mesure qui résulte des travaux de l’Assemblée nationale.
Je me réjouis néanmoins que le service civique puisse s’adresser à tous les citoyens, quel que soit leur âge. C’était l’un des souhaits contenus dans notre rédaction de départ.
Le service civique pour les seniors est une idée intéressante. Les retraités, avec leur expérience et leur plus grande liberté d’emploi du temps, ont beaucoup à apporter à la société. Cela leur sera donc désormais possible durant leur engagement, notamment sous la forme d’un tutorat auquel nous tenons beaucoup.
La distinction entre engagement et volontariat de service civique n’est pas du goût de tous, que ce soit à l’Assemblée nationale, où elle a suscité un long débat, et sans doute au sein de notre Haute Assemblée. Je suis sensible à ces réserves.
D’autres points méritent débat.
Ainsi, l’instauration d’un engagement hebdomadaire d’au moins vingt-quatre heures ne me semble pas forcément adaptée à ce que nous recherchons, d’autant que la proposition de loi ne prévoit plus explicitement la possibilité de cumuler le service civique et un emploi ou des études, ce qui est une de ses faiblesses.
Nous espérons qu’une grande souplesse permettra, dans les faits, ce cumul dans les meilleures conditions. Monsieur le haut-commissaire, pourriez-vous nous rassurer en nous apportant des précisions supplémentaires, en particulier sur le contenu des décrets d’application que vous serez prochainement amené à préparer ?
Aujourd'hui, l’heure ne doit en effet plus être à la discussion, mais à l’action et à la concrétisation. Nous sommes déjà à la fin du mois de février et nous tenons à ce que les premiers services civiques « démarrent » avant l’été.
C’est la principale raison pour laquelle je souhaite que la proposition de loi du RDSE soit adoptée telle qu’elle a été modifiée et proposée aujourd’hui à notre examen. Ne tardons plus ! Je l’ai dit à plusieurs reprises, nous devons avancer et évoluer en marchant.
Bien qu’inévitablement imparfait, et probablement en retrait par rapport à celui qui avait été voté ici en première lecture, le dispositif actuel n’en demeure pas moins satisfaisant.
Si des problèmes d’application ou des lacunes apparaissaient chemin faisant – et ce sera nécessairement le cas –, il sera toujours de rectifier le tir.
En tout état de cause, des bilans d’étape seront indispensables et je veillerai d’autant plus attentivement à ce qu’ils soient établis que, comme plusieurs de mes collègues appartenant à tous les groupes politiques de cette assemblée, je ne perds pas de vue l’idée d’’instaurer un jour un service civique obligatoire, dont a également parlé M. Bodin. Quand ce jour viendra, cela signifiera que le service civique volontaire aura été un succès !
Notre proposition de loi est donc un travail collectif qui, je l’espère, constituera un premier pas dans la conception d’une nouvelle politique en faveur des jeunes.
L’inscription rapide de ce texte à l’ordre du jour de chaque assemblée, preuve d’un consensus politique rare, démontré aussi et surtout par les votes et les débats en séance publique, ajoute à la satisfaction et à la fierté des membres du RDSE d’avoir pris l’initiative de cette proposition de loi relative au service civique qui concrétise enfin dans la pratique parlementaire le concept, si souvent évoqué mais si rarement mis en application, de co-législation.
Il ne suffit pas de parler de co-législation : il faut se donner les moyens de la mettre en pratique, avoir la volonté politique de le faire, surtout quand le sujet s’y prête, et savoir placer l’intérêt général au-dessus des considérations politiques et des stratégies personnelles !
Alors, oui, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, malgré les chausse-trappes et les embûches, les « miracles républicains » peuvent se réaliser parfois : le service civique en est un. À quand le prochain ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, nous arrivons aujourd’hui au terme de l’examen de la proposition de loi déposée par notre collègue Yvon Collin, qui vise à donner un second souffle à l’engagement citoyen.
Au moment où nous nous interrogeons tous sur le sens de l’identité nationale, la création du service civique doit permettre de rassembler, de mobiliser, de transcender les clivages.
Il s’agit de retrouver l’esprit du service militaire qui donnait aux jeunes Français le sens de l’intérêt général et du respect de la collectivité. La conscription introduisait dans leur vie une période citoyenne et, surtout, assurait une fonction de brassage social et culturel en leur permettant de côtoyer des personnes qu’ils n’auraient jamais rencontrées autrement.
Sans idéaliser le service militaire, qui eut ses défauts, il faut reconnaître le rôle que celui-ci a joué en tant que lien social et le vide qu’a laissé sa suppression.
Depuis, face à l’incivisme et à la montée de la violence dans les banlieues, bien des tentatives ont été engagées pour renforcer le lien entre citoyen et nation. Bien qu’il ait été apprécié des structures associatives et des jeunes inscrits, le service civil volontaire, créé en 2006, n’a pas rencontré le succès escompté. Il devait concerner progressivement jusqu’à 50 000 jeunes en 2007. Or, au 31 décembre 2008, seules 5 900 personnes s’étaient engagées et on ne comptait que 3 200 volontaires en poste.
L’explication de cet échec tient très certainement au manque de visibilité du dispositif, à sa complexité, ainsi qu’à un réel manque de moyens. Il faut aujourd’hui tirer les leçons de cette expérience pour mettre en place un système attractif et efficace.
Nous avons tous à l’esprit l’objectif fixé par le Président de la République lors de son discours du 29 septembre 2009. Le nouveau service civique doit concerner, d’ici à cinq ans, 10 % d’une classe d’âge, soit environ 70 000 jeunes.
La question du coût de la réforme va donc se poser. Nous vous écouterons sur ce point, monsieur le haut-commissaire, car vous prévoyez une mobilisation de 500 millions d’euros chaque année, ce qui représente un effort très important, à la hauteur de l’enjeu.
Avec la proposition de loi, les jeunes disposeront d’un cadre clairement identifié pour s’engager dans un projet collectif d’intérêt général et exprimer leur générosité.
Le service civique est un échange.
Le volontaire fournira son temps et ses compétences, pour des causes environnementales, sociales, culturelles, citoyennes, pour la solidarité internationale et pour le développement.
La société, en retour, lui garantira une indemnité, une protection sociale et l’acquisition des droits à la retraite. Sur le plan de l’insertion et de la valorisation des acquis de l’expérience, les jeunes volontaires pourront obtenir officiellement la reconnaissance de leur engagement solidaire grâce à une attestation de service civique volontaire. Ils pourront mettre en avant cet engagement sur leur curriculum vitae.
Les députés ont modifié le texte que nous avions adopté sur divers points sans en bouleverser la philosophie.
Ils ont prévu que l’indemnité perçue par les jeunes serait versée directement par l’État, ce qui simplifiera la tâche administrative des associations.
Ils ont souhaité créer une structure nouvelle, bien identifiée et entièrement dédiée au service civique : l’Agence du service civique, groupement d’intérêt public associant les divers acteurs existants. La politique de communication de cette structure sera très importante pour le succès du dispositif.
La nouvelle rédaction distingue clairement l’engagement de service civique, réservé aux volontaires de seize à vingt-cinq ans, des autres formes de service civique.
Je me réjouis par ailleurs que les députés aient mis l’accent sur le lien entre générations en prévoyant un engagement civique des seniors, qui pourront apporter leur contribution à l’encadrement des jeunes.
Comme l’a souligné notre rapporteur, l’Assemblée nationale est revenue sur certains points adoptés par le Sénat, rigidifiant davantage le dispositif sans pour autant remettre en cause la pertinence du texte. Pour cette raison, notre commission s’est prononcée en faveur d’un vote conforme. Le texte pourra ainsi être mis en œuvre dans les meilleurs délais.
À titre personnel, je regrette que l’Assemblée nationale ait supprimé une disposition présentée par notre collègue Sophie Joissains, que nous avions été nombreux à soutenir et qui avait été adoptée par le Sénat : il s’agissait de prévoir que le rapport d’évaluation remis par le Gouvernement d’ici à un an étudie la faisabilité d’un service civique obligatoire. Cette précision ne figure plus dans l’article prévoyant la remise du rapport et je pense que nous reportons là une réflexion essentielle en matière de cohésion sociale.
Le caractère volontaire du service civique est une très bonne chose pour le moment, car un délai de mise en route est nécessaire. Il faudra néanmoins envisager de rendre ce dispositif obligatoire si sa montée en puissance est concluante, sans quoi celui-ci risquerait de manquer en partie sa cible. Le service civique volontaire ne peut être un succès que s’il est représentatif de la jeunesse dans toute sa diversité. Or les jeunes qui se porteront volontaires seront ceux qui sont déjà sensibilisés aux valeurs qu’entend promouvoir le dispositif grâce à leur parcours ou à leur milieu social. Ce sont les autres qu’il faut aller chercher : ceux qui sont en rupture avec la société ou qui sont sans solution pour leur avenir.
Si, pour l’heure, le caractère obligatoire n’est pas envisageable, pour des raisons tant budgétaires que pratiques, j’espère que l’Agence du service civique fera des propositions allant dans ce sens.
Je tiens à remercier notre collègue et rapporteur Christian Demuynck pour la qualité de son écoute et son implication personnelle sur le sujet, dans la continuité de ses travaux au sein de la mission d’information sur les politiques en faveur des jeunes.
Monsieur le haut-commissaire, je salue également votre détermination et votre engagement en faveur de la jeunesse.
Les jeunes représentent l’avenir de notre pays. C’est pourquoi il paraît important de leur donner la possibilité de vivre un moment fort, marqué par la solidarité et l’enthousiasme. Le service civique constitue un moyen de leur adresser un message positif, de reconnaître leur place dans notre société et de leur montrer qu’il est possible de s’y épanouir au service d’autrui.
Pour que cette belle idée se concrétise, le groupe UMP votera bien évidemment cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, après son adoption par l’Assemblée nationale, la proposition de loi de notre collègue Yvon Collin relative au service civique revient donc devant notre assemblée.
Je me réjouis de ce vote qui, tout comme au Sénat il y a quelques mois, est le fruit d’un travail commun de tous les parlementaires, qui ont œuvré dans un esprit de rassemblement, animés d’une volonté de parvenir au consensus le plus large possible.
L’Assemblée nationale a enrichi le texte que nous avons adopté, tout en en conservant, bien sûr, la philosophie.
Qu’attendons-nous, en effet, de ce service civique?
D’abord, nous souhaitons qu’il comble le vide qui s’est creusé en termes de lien social, de sentiment d’appartenance à la communauté nationale et de transmission des valeurs républicaines.
À cet égard, je me réjouis du maintien de l’amendement que nous avions déposé en première lecture afin de revenir à la disposition initiale du texte, laquelle prévoyait d’ouvrir le dispositif aux personnes justifiant d’une seule année de séjour régulier en France pour permettre aux étrangers non originaires de l’Union européenne de souscrire au service civique. En effet, ce dispositif constitue, assurément, un gage d’intégration à la communauté nationale.
Le service civique doit également encourager le brassage social et culturel. Or cette mixité suppose que le dispositif soit universel, à défaut d’être obligatoire, ce que nous sommes nombreux, sénateurs comme députés, à appeler de nos vœux. Dans ces conditions, la garantie et la prise en charge intégrale de l’indemnité versée aux jeunes par l’État est très positive.
Monsieur le haut-commissaire, vous annoncez la mobilisation de 500 millions d’euros par an à l’horizon 2015 pour un service civique qui concernerait 75 000 jeunes. C’est très encourageant, mais nous sommes encore loin de l’universalité souhaitée, puisque l’objectif que vous envisagez se limite à 10 % d’une classe d’âge.
Par ailleurs, dans une volonté de brassage tant culturel que géographique et parce que le lien social passe aussi par la confrontation aux différences, donner la possibilité de recourir à des familles d’accueil constitue une disposition extrêmement positive.
En revanche, la prise en charge des frais de logement ou de nourriture, pourtant gage de mixité sociale en ce sens qu’elle donne à tous la possibilité de vivre cette expérience, quelle que soit la condition sociale, ne me semble pas clairement établie. II importe en effet de s’assurer de la compensation complète et totale des frais engagés, une contrainte que ne remplira pas forcément le forfait de 100 euros en nature ou en espèce que vous annoncez, monsieur le haut-commissaire.
Cette considération prend une acuité toute particulière concernant le service civique à l’étranger en raison des coûts plus importants que celui-ci engendre.
À ce propos, je me félicite de la disposition qui vise à étendre le bénéfice de l’attestation de service civique aux jeunes effectuant un service volontaire international en entreprise ou un service volontaire international en administration, un VIE ou un VIA, ou encore un volontariat de solidarité internationale, VSI.
Permettez-moi également d’évoquer, à ce stade, la situation, certes plus particulière, des volontaires internationaux en entreprise, parmi lesquels certains doivent aussi subvenir aux besoins d’une famille et qui devraient pouvoir bénéficier de prestations familiales si leur situation l’exige.
L’inscription de la promotion de la francophonie et de la langue française au nombre des missions du service civique constitue également un signal très fort pour encourager les volontariats à l’étranger.
Je souhaite insister également sur le projet de service civique européen, qui me tient particulièrement à cœur en tant que sénatrice des Français établis hors de France. Monsieur le haut-commissaire, vous nous assurez que ce dispositif, garant d’un véritable brassage, sera instauré. La possibilité de faire reconnaître tout engagement dans un pays de l’Union européenne au titre du service civique induit une véritable citoyenneté européenne et doit, assurément, constituer un objectif. La réflexion engagée par nos voisins italiens, allemands ou polonais me semble, à cet égard, très encourageante.
Le service civique tel que nous venons de le définir peut constituer un moment clé du parcours citoyen des jeunes. Et il saura, j’en suis sûre, bien mieux manifester l’attachement des jeunes à la communauté nationale et aux valeurs qui la fondent que le nauséabond débat sur l’identité nationale que nous venons de subir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, cette proposition de loi sur le service civique est excellente. Je regrette cependant que le dispositif qu’elle tend à créer ne soit pas obligatoire, au moins pour certaines catégories de jeunes, notamment ceux qui sont inactifs.
Facultatif, le service civique risque d’être en effet peu utilisé, comme l’ont montré toutes les lois instaurant des dispositifs non obligatoires.
Qui utilisera le service civique ? Ceux qui sont en activité ou en formation ne s’y intéresseront pas, pas plus que ceux qui sont inactifs, s’ils n’y sont pas obligés.
Je voudrais attirer votre attention, monsieur le haut-commissaire, sur le sort des garçons de dix-huit ans qui, sans aucune formation, sans travail et sans ressources, traînent dans les rues. Ils n’ont pas d’autres possibilités, dans la vie, que de livrer de la drogue, de voler ou de brûler des voitures, d’agresser les policiers ; j’en ai l’expérience... Ils sont la principale source de l’insécurité dans nos cités.
Comment les aider à sortir de la « galère » ? Quelles solutions proposez-vous ?
Ni la police, ni les tribunaux, ni la prison ne résoudront ce problème. Et cela coûtera très cher. La situation est d’autant plus grave que ce contingent ne cesse de croître d’année en année : tous ceux qui, mal formés dans nos collèges et dans nos lycées, se retrouvent sans diplôme, sans formation professionnelle, sans métier et sans motivation, viennent grossir ce peloton de délinquants, car ils n’ont pas d’autres solutions dans la vie.
Qu’allez-vous faire pour éviter qu’ils ne continuent à rendre nos communes invivables ? Allez-vous demander à Brice Hortefeux des milliers de policiers supplémentaires ? Allez-vous demander à Michèle Alliot-Marie d’agrandir les prisons ? Franchement, je ne vois pas d’autre solution pour eux que de les obliger à travailler.
Seul le service civique peut les aider à s’en sortir, à condition qu’il soit obligatoire exclusivement pour eux, comme le service militaire qui, naguère, permettait à tous les jeunes gens de dix-huit ans de sortir de leurs cités. Mme Bruguière et M. Bodin l’ont dit : le service civique doit être obligatoire, tout au moins pour certains jeunes.
Ces jeunes pourraient être intégrés dans un service public, une administration : pourquoi pas la police, les pompiers, la SNCF, la RATP, l’armée, l’éducation nationale, les collectivités territoriales ? Il ne s’agit pas de les mettre dans une caserne, mais de les faire travailler. Ce serait une sorte de contrat d’accompagnement dans l’emploi obligatoire. Il s’agit surtout de les placer dans un monde différent, de les sortir de leurs « quartiers », de les soumettre à une discipline de travail, de les former à des métiers, ou même de leur apprendre à conduire.
On les sortira ainsi de leur misère et on en fera des hommes. On rétablira également la sécurité dans nos communes, car ils ne seront plus là pour brûler des voitures... C’est l’objectif principal du Président de la République et de tous les élus locaux.
Et pourquoi ne pas commencer à faire le recensement de ces jeunes ? On ne sait même pas combien ils sont !
Monsieur le haut-commissaire aux solidarités actives, sortez ces jeunes de leur situation dramatique, dont la responsabilité incombe pour beaucoup à la mauvaise organisation de notre enseignement scolaire, qui n’a pas su leur donner la formation professionnelle leur permettant d’exercer un métier !
Je voulais vous proposer un amendement d’appel tendant à prévoir que le service civique ne s’appliquerait qu’aux volontaires « sauf pour tous les garçons, ayant atteint l’âge de dix-huit ans, qui sont sans formation, sans métier et inactifs ». Cet amendement était simple, mais vous m’avez fait valoir qu’il entraînerait des coûts supplémentaires non budgétés, et serait donc irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. J’y renonce donc. Songez toutefois que les coûts qu’entraîneront l’inactivité de ces jeunes dans les communes et les désordres qu’ils causeront seront sans doute plus élevés.
Pensez à tous ces jeunes, perdus, que vous pourriez ainsi sauver ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La parole est à M. le haut-commissaire.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. M. le rapporteur a souligné le travail accompli en commun. Effectivement, les travaux de la commission ont été pris en compte et nous avons cherché ensemble à apporter des réponses aux questions que vous vous posiez, notamment sur le montant de l’indemnité et sur la souplesse du dispositif.
Je suis reconnaissant à M. Collin de bien vouloir partager la paternité de ce texte, qui restera à jamais la « loi Collin », avec l’ensemble de celles et ceux qui ont apporté leur pierre à cet édifice, sans le dénaturer.
Madame Labarre, l’outrance de vos propos dénote, selon moi, une forme de mépris. Personne n’est obligé d’être favorable à ce texte, mais votre intervention quelque peu caricaturale disqualifie le travail réalisé : vous accusez ainsi tous ceux qui y ont participé de vouloir exploiter les jeunes en les entraînant vers le sous-emploi.
Un gouvernement, des partis politiques peuvent se tromper. Mais il s’agit, en l’occurrence, d’un travail collectif réalisé avec l’ensemble des associations concernées, avec les jeunes qui ont été consultés sur ce projet et, au sein des collectivités territoriales, avec des adjoints chargés de la jeunesse, de tous bords, qui se sont fortement impliqués dans le dispositif. Si l’on suit votre raisonnement, tous se seraient trompés, et vous seule auriez raison contre tous... Je n’y crois pas !
Je regrette que vous tentiez de ternir ce travail, que nous avons fait dans un esprit de grande tolérance, tout en acceptant d’être évalués. Je suis convaincu que vos propos ont dépassé votre pensée, car je ne peux pas croire que vous ressentiez un tel mépris pour tous les gens qui se sont investis dans ce projet.
Monsieur Bodin, vous m’avez demandé, tout d’abord, si nous allions charger davantage la barque du service public de l’orientation. Je vais vous apporter une réponse très précise : le président du Centre d’information et de documentation jeunesse, qui sera intégré dans le service public de l’orientation, m’a demandé, hier, que le CIDJ soit un point d’entrée du service civique, afin de pouvoir informer les jeunes que cette expérience pourrait intéresser.
Nous ne voulons donc pas charger la barque du service public de l’orientation, mais étendre encore son champ de compétences, avec l’accord de ses responsables !
Vous m’avez interrogé, ensuite, sur les dérogations possibles et sur la situation des jeunes âgés de moins de vingt-cinq ans intéressés par le volontariat associatif.
Nous n’avons pas souhaité encadrer trop strictement le service volontaire. Il existait jusqu’à présent un dispositif de volontariat associatif, accessible dès l’âge de seize ans, et sans limite d’âge maximal. L’Assemblée nationale a donc voulu, puisque le service civique indemnisé concerne les jeunes de moins de vingt-cinq ans, repousser le volontariat associatif au-delà de l’âge de vingt-cinq ans. Les associations nous ont dit qu’il pourrait être intéressant de combiner les deux dispositifs ; il faudra toutefois arrêter le curseur à un moment donné...
Tel est l’objet des dérogations. Nous ne pouvons pas prévoir tous les cas qui se présenteront, mais nous en rendrons compte au comité stratégique, au sein duquel les parlementaires seront représentés ; nous présenterons les résultats obtenus lors de l’évaluation, dans un an et demi.
Vous m’avez demandé, enfin, quelles conséquences pouvait avoir la modification de l’article 1er, relatif au rapport d’évaluation, sur la possibilité de mettre en place un service civique obligatoire et universel. Serge Dassault m’a également interrogé sur ce point.
Quelle est notre position ? La société se sait redevable à l’égard des jeunes et se doit de leur offrir des perspectives. Il ne s’agit pas de leur dire : puisque nous ne pouvons pas donner un emploi à chacun de vous, nous allons vous obliger à effectuer un service civique. Si nous avions présenté une telle disposition, le reproche que nous a fait Mme Labarre aurait été justifié !
La perspective est ouverte... Nous prévoyons 10 000 missions cette année, et 75 000 en 2014. Ensuite, nous ferons le point, et nous verrons si le service civique universel répond aux attentes de la jeunesse.
Plusieurs d’entre vous, en particulier Mmes Bruguière et Lepage, m’ont demandé si les engagements financiers seraient tenus, et de quelle manière. Cela ne dépend que de nous, et notre responsabilité est très grande en la matière.
Tout le monde a conscience du coût du dispositif et de la montée en charge à venir. Nous avons tous compris que, en deçà de 10 % d’une classe d’âge, ce dispositif était voué à demeurer marginal. Au-delà de ce seuil, c’est-à-dire à partir d’un jeune sur dix, le service civique fera partie intégrante de l’arsenal général de la politique de la jeunesse et concernera tous les jeunes.
Si, dès cette année, 10 000 jeunes s’inscrivent sur des missions, nous devrons suivre le rythme de la montée en charge. Voilà pourquoi nous nous hâtons ! En effet, si les jeunes volontaires ne sont pas plus de 5 000 à la fin de 2010, les responsables des finances publiques diront que nous n’avons pas anticipé la montée en charge, menaceront de diminuer nos crédits, et le dispositif se perdra dans les sables.
Si nous réussissons à convaincre des associations, des collectivités territoriales, en France et à l’étranger, des établissements publics, de proposer 10 000 missions, je suis persuadé que nous trouverons 10 000 jeunes volontaires.
Lorsque nous avons lancé un appel pour trouver des volontaires acceptant de partir six mois ou un an en Haïti afin de remplacer les enseignants décédés dans le tremblement de terre, nous avons reçu des centaines de réponses de jeunes très motivés. Je ne suis donc nullement inquiet : si les missions sont intéressantes, les jeunes répondront présents. Ensuite, les crédits suivront.
Nous sommes tous très vigilants concernant la mise en œuvre du dispositif ; ce consensus nous donne une légitimité pour veiller au respect des engagements pris solennellement.
Monsieur Dassault, l’amendement que vous souhaitiez déposer présentait l’inconvénient, non négligeable, d’être anticonstitutionnel, puisqu’il opérait une discrimination entre les garçons et les filles. Il encourait la censure du Conseil constitutionnel, qui comprend désormais deux anciens sénateurs, et risquait donc d’être rejeté aussi par la Haute Assemblée ! (Sourires.)
Nous voulons que les services publics aident les jeunes le plus en difficulté, qui ne savent ni où aller ni que faire, en les encourageant à effectuer leur service civique. Nous verrons bien ce qui se passera... Je suis intimement convaincu, pour avoir souvent travaillé avec des personnes en grande difficulté, que, si nous proposons à ces jeunes des missions intéressantes, nous obtiendrons des résultats positifs.
Les meilleurs auxiliaires du service civique seront ceux qui l’auront déjà expérimenté, après avoir « galéré » ; ils expliqueront en effet aux jeunes qu’ils s’en sont sorti grâce à cet engagement, qui leur a permis de découvrir des horizons nouveaux. Je parle ici sous le contrôle de Christian Demuynck, qui a mis en place un dispositif similaire à Neuilly-Plaisance. En tout état de cause, le rapport d’évaluation, qui sera remis le 31 décembre 2011, nous dira si l’engagement que nous prenons aujourd’hui a été tenu ou non, mais je ne doute pas qu’il le sera.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu’aux termes de la nouvelle rédaction de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence sont en principe irrecevables les amendements remettant en cause les « conformes » ou ceux qui sont sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.
Article 1er AA
(Suppression maintenue)
Article 1er B
(Non modifié)
Aux premier et troisième alinéas de l’article L. 111-2, à la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 113-3, à l’intitulé du chapitre IV du titre Ier du livre Ier et aux articles L. 114-2 à L. 114-12 du même code, les mots : « l’appel de préparation à la défense » sont remplacés par les mots : « la journée défense et citoyenneté » et au deuxième alinéa de l’article L. 130-1 du même code, les mots : « d’appel de préparation à la défense » sont remplacés par les mots : « défense et citoyenneté ». – (Adopté.)
Article 1er
(Non modifié)
Le deuxième alinéa de l’article L. 111-2 du même code est ainsi rédigé :
« Il comporte aussi un service civique et d’autres formes de volontariat. » – (Adopté.)
Article 2
(Non modifié)
L’article L. 111-3 du même code est abrogé. – (Adopté.)
Article 3 bis
(Non modifié)
L’article L. 114-3 du même code est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « les formes de volontariats » sont remplacés par les mots : « le service civique et les autres formes de volontariat » ;
2° Après la première phrase du premier alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Ils sont sensibilisés aux droits et devoirs liés à la citoyenneté et aux enjeux du renforcement de la cohésion nationale et de la mixité sociale. » – (Adopté.)
Article 3 ter
(Non modifié)
Après l’article L. 313-7 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 313-8 ainsi rédigé :
« Art. L. 313-8. – Le service public de l’orientation tout au long de la vie et tous les organismes qui y participent s’organisent au plan régional et local pour permettre à tout jeune âgé de seize à dix-huit ans sorti sans diplôme du système de formation initiale et sans emploi de se réinscrire dans un parcours de formation, d’accompagnement ou d’exercer une activité d’intérêt général lui permettant de préparer son entrée dans la vie active.
« Pour l’application de cette obligation, le jeune est reçu conjointement avec son représentant légal par l’un ou l’autre des organismes visés au premier alinéa, dans les trois mois qui suivent le signalement par son établissement d’origine dans les conditions mentionnées à l’article L. 313-7, pour bénéficier d’un entretien de réorientation.
« Cet entretien, assuré dans le cadre de la coordination mentionnée à l’article L. 313-7, vise à proposer au jeune et à son représentant légal des solutions de reprise d’études, d’entrée en formation, d’exercice d’une activité d’intérêt général ou d’accompagnement personnalisé vers l’emploi ou la création d’entreprise. » – (Adopté)