M. Martin Hirsch, haut-commissaire. ... mais force est de constater que nous voyons se réaliser et se concrétiser ce petit miracle républicain, un petit miracle appelé à grandir.
Toutefois, pour qu’un miracle ne se transforme pas en mirage (Nouveaux sourires), il faut qu’il s’accompagne d’engagements et de moyens. En quatre mois, sous votre pression, nous avons accompli des progrès considérables, nous avons engrangé des assurances, nous avons de quoi bâtir solidement ce service civique, qui doit être plus durable que l’airain, plus solide que les tentatives précédentes.
Lors de l’examen de ce texte en première lecture, vous vous étiez collectivement interrogés sur les moyens qui seraient déployés pour soutenir le service civique. Les mauvais résultats du service volontaire, liés en grande partie au manque de financements qui avaient été prévus, laissaient nombre d’entre vous sceptiques quant à la volonté du Gouvernement de soutenir le service civique pour en faire une véritable étape dans le parcours citoyen de nos jeunes.
La loi de finances pour 2010, en consacrant 40 millions d’euros pour le service civique dès cette année, a apporté une première assurance. Mais il fallait un engagement dans la durée, un engagement de montée en charge. C’est chose faite puisque, le 16 février dernier, le conseil des ministres a adopté une communication que je lui ai présentée et qui affirme l’engagement de l’État, dans sa forme la plus solennelle, d’atteindre 10 % d’une classe d’âge, soit 75 000 volontaires en 2014, à partir des 10 000 possibilités offertes en 2010. C’est bien en cinq ans que nous atteindrons cet objectif.
Cet objectif est assorti de moyens. L’engagement du conseil des ministres correspond à un engagement du Gouvernement, à l’issue d’une procédure d’arbitrage, de faire augmenter régulièrement les crédits consacrés au service civique, pour atteindre un peu plus de 500 millions d'euros en 2014. Je pense que chacun ici peut mesurer l’importance de cet engagement en ces temps difficiles.
« Un avenir à tout jeune » avait préconisé la mission commune d’information du Sénat sur la politique en faveur des jeunes, dont Christian Demuynck était le rapporteur. « Reconnaître la valeur de la jeunesse » avait écrit dans son Livre vert la commission de concertation sur la politique de la jeunesse que j’ai présidée. « Agir pour la jeunesse » avait affirmé le Président de la République le 29 septembre dernier à Avignon. Les paroles ont été prononcées, les écrits ont été publiés, les actes suivent, l’engagement est là.
Oui, nous brisons la malédiction des faux engagements précédents et nous entérinons des engagements réels. Nous les gravons, je l’espère, dans le marbre. Par la même occasion, mesdames, messieurs les sénateurs, nous répondons aux préoccupations que vous aviez exprimées sur ces travées, lorsque certains d’entre vous avaient souhaité que l’on instaure un service civique obligatoire : je vous ai déjà répondu sur ce point et sur la nécessité de promouvoir l’engagement. Les moyens que le Gouvernement va mettre en place vous garantissent que le service civique ne s’adressera pas uniquement à quelques-uns, mais qu’il a véritablement vocation à s’élargir et à monter en puissance.
Vous nous aviez également interrogés sur les paramètres financiers qui seraient retenus et votre rapporteur avait été particulièrement attentif à ce que nous ne proposions pas un service civique « au rabais ». Le soutien financier que l’État apportera au service civique sur le long terme constitue la preuve manifeste de sa mobilisation.
Le montant de l’indemnité servie aux jeunes pendant les six à douze mois durant lesquels ils accompliront leur service civique sera compris entre 440 euros et 540 euros par mois en fonction de la situation sociale du jeune engagé, auquel viendront s’ajouter 100 euros par mois versés par la structure d’accueil, sous la forme d’une prestation en nature ou en espèce. Au total, c’est donc une indemnité mensuelle pouvant atteindre jusqu’à 640 euros qui sera servie au jeune engagé en service civique.
L’État assurera par ailleurs la couverture intégrale de la protection sociale et de la cotisation retraite du volontaire pour environ 387 euros par mois. Il contribuera à l’accompagnement du volontaire en soutenant les structures associatives à raison de 100 euros par mois et assurera l’organisation de formation civique et citoyenne pour 1,5 million d'euros en 2010.
C’est sur cette base que nous pourrons mettre en œuvre un service civique dont l’indemnité ne constituera pas l’unique motivation pour le jeune, mais qui sera suffisamment protecteur pour ne pas être un obstacle à son engagement.
Toutefois, s’il est essentiel dans la réussite du service civique, le soutien financier de l’État ne garantit pas seul son succès. À cet égard, vous aviez tous très largement insisté sur la nécessité de clarifier la gouvernance. Ces questions tout à fait pertinentes étaient même contenues dans l’objet de la proposition de loi d’Yvon Collin : la clarification et la simplification opérées par le texte n’auraient eu que peu d’effet s’il n’y avait eu une véritable gouvernance.
C’est ainsi qu’en attribuant à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, l’INJEP, le pilotage du service civique, la Haute Assemblée avait souhaité alerter le Gouvernement sur la nécessité de disposer d’un dispositif de gouvernance simple, visible, spécifiquement dédié au service civique. Nous avons entendu cet appel : l’Agence du service civique, constituée sous forme de groupement d’intérêt public, sera créée pour assurer le pilotage et l’animation du service civique. Elle sera appuyée par un comité stratégique qui associera l’ensemble des partenaires du service civique, dans lequel le Parlement sera représenté par deux députés et deux sénateurs. Cette structure se voit confier des responsabilités importantes : promotion des missions, mise en relation entre les offres et les demandes, coordination locale, mobilisation des acteurs, définition des missions prioritaires, définition du socle commun de la formation civique, modalité d’accueil des volontaires, respect de la mixité sociale entre jeunes volontaires en service civique.
Je tiens à cet égard à rassurer votre rapporteur qui s’inquiète de la création de cette instance. L’objectif de l’Agence du service civique est de promouvoir le service civique et de faire en sorte qu’il ne fonctionne pas comme une super-structure administrative supplémentaire. C'est la raison pour laquelle nous rassemblons les services d’organismes existants dans un établissement dédié. Nous serons vigilants quant à son coût pour les finances de l’État : il s’agit bien de mutualiser les moyens existants pour leur donner d’avantage d’efficacité, tout en prévoyant les personnels nécessaires pour animer un projet qui concernera 10 000 jeunes d’abord, 75 000 jeunes ensuite. Il faut faire en sorte que les premières collectivités territoriales et associations intéressées puissent rapidement être agréées pour pouvoir accueillir ces jeunes.
Je veux ici saluer également le travail réalisé par l’Assemblée nationale, tout particulièrement par le rapporteur, Claude Greff, et le rapporteur pour avis, Françoise Hostalier, mais aussi par les porte-parole des groupes politiques, Bernard Lesterlin pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, Jean Dionis du Séjour pour le groupe Nouveau Centre, Marie-Hélène Amiable pour le groupe Gauche démocrate et républicaine et Patrick Beaudouin pour le groupe UMP. Tous ont su à la fois respecter les grandes lignes de la proposition de loi et travailler dans un esprit constructif en vue d’améliorer et de perfectionner les dispositions adoptées par le Sénat.
Un effort de clarification du texte a été mis en œuvre. Le service civique est désormais constitué de deux formes, l’une que j’appellerai le service civique de droit commun, le service civique au sens strict, et l’autre qui, faisant droit à la diversité des formes d’engagement des jeunes ou des moins jeunes, auprès d’associations, en France ou à l’étranger, reconnaît la valeur de l’engagement désintéressé.
À ce propos, je crois utile de préciser que le volontariat associatif sort renforcé de cet exercice. Les dispositions de la loi de 2006 sont supprimées, mais elles sont reprises dans le nouveau texte : les associations, avec le nouveau « volontariat de service civique », continueront de bénéficier d’un outil – il reste d’ailleurs largement à développer – leur permettant d’associer des jeunes et des moins jeunes à la réalisation de leurs projets.
Je sais, par ailleurs, que certains aménagements apportés par l’Assemblée nationale ont pu vous interpeller, comme l’a souligné M. le rapporteur. Ces aménagements ont tous eu le même objectif : clarifier le message à destination des jeunes.
C’est par souci de cohérence et pour ne pas brouiller les intentions que l’Assemblée nationale a supprimé les dispositions autorisant le cumul d’un service civique avec l’exercice d’une activité professionnelle ou la poursuite d’études.
Cette suppression ne doit pas être interprétée comme une interdiction de cumul, monsieur le rapporteur. Comment pourrait-on, en effet, viser un objectif de mixité sociale en interdisant strictement aux jeunes engagés dans un service civique d’exercer une activité rémunérée complémentaire pour subvenir à leurs besoins ?
C’est donc à l’appréciation de l’organisme d’accueil et de l’Agence du service civique qu’est laissé le soin d’autoriser ou non ce cumul en fonction des missions exercées et de la situation sociale du jeune.
Il s’agit non pas d’une mesure de restriction, mais d’une souplesse, qui permet d’adapter le contrat en fonction des situations constatées sur le terrain.
Ainsi, rien n’empêchera un jeune de faire son service civique dans la journée en fonction des horaires que nous avons définis et de travailler quelques heures le soir ou le week-end ou de suivre des cours du soir pour poursuivre ou achever une formation. Il doit juste veiller à bien pouvoir assumer ses missions telles qu’elles sont définies dans son contrat d’engagement.
En résumé, l’Assemblée nationale a craint que le maintien de la rédaction initiale n’aboutisse à instituer un service civique auxiliaire par rapport à un emploi principal, ce que personne ne souhaitait.
Aux termes du texte tel qu’il a été transmis au Sénat, dans le silence des dispositions sur ce point, il s’agit bien d’un service civique principal, c'est-à-dire de l’activité exercée à titre principal par le jeune pendant une période de six à douze mois, pour lui permettre de s’immerger et de s’investir dans le service civique, sans que rien ne s’oppose juridiquement à ce qu’il exerce d’autres activités, si elles sont conformes aux missions définies dans le cadre du contrat qu’il a conclu avec l’organisme d’accueil et de l’agrément délivré par l’Agence du service civique. Ainsi, rien n’interdira à ce jeune de suivre quelques cours s’il est étudiant, de démarrer un travail s’il le souhaite, autrement dit de pratiquer une activité qui lui permette de se consacrer au service civique.
C’est également pour clarifier le dispositif qu’a été retirée la disposition visant à accorder une attestation de service civique aux bénévoles placés dans les mêmes conditions que des jeunes engagés en service civique.
J’ai le même regret que vous sur ce point. J’ai plaidé avec le plus de vigueur possible pour que des jeunes qui passent tous leurs week-ends pendant des années à s’occuper, par exemple, de personnes handicapées puissent se faire délivrer l’attestation de service civique. Finalement, l’Assemblée nationale a considéré qu’il fallait d’abord laisser monter en charge le système et attendre le rendez-vous fixé en 2011, date à laquelle un rapport d’évaluation du service civique doit permettre de déterminer s’il y a lieu de se montrer plus souple et d’accorder cette reconnaissance.
Le dispositif est donc réservé à une période continue d’engagement et n’interfère pas avec le bénévolat des jeunes en la matière. Mais je suis sûr que nous aurons l’occasion de revenir sur ce point.
C’est toujours pour apporter plus de lisibilité et de cohérence au dispositif que la nature de l’organisme susceptible d’accueillir un jeune en service civique a été précisée : désormais, les associations cultuelles, politiques, les congrégations ou les fondations d’entreprise ne pourront être agréées comme organismes d’accueil. Cette exclusion est expressément prévue et me paraît aller dans le sens de ce que vous avez souhaité : un service civique non lucratif, républicain, laïc.
Enfin, je tiens à rassurer M. le rapporteur : c’est bien par pragmatisme que l’Assemblée nationale a accordé la possibilité de déroger à une durée hebdomadaire de vingt-quatre heures par semaine sur toute la durée du contrat. Il s’agit ainsi de répondre au mieux aux attentes du terrain pour accorder davantage de souplesse à l’exercice des missions de service civique qui seront proposées aux jeunes. L’agrément pourra effectivement prévoir l’exercice d’une activité moins intense de service civique, si la mission le permet ou si la situation du jeune le justifie.
Parmi les aménagements apportés à la proposition de loi, l’Assemblée nationale n’a pas oublié le lien intergénérationnel, point que nous avions évoqué à la fois à l’occasion du débat sur le service civil volontaire en juin dernier et lors de la première lecture au Sénat de la présente proposition de loi voilà quatre mois. Ainsi, un service civique senior est prévu pour permettre aux jeunes retraités, nombreux à vouloir s’engager au service de la collectivité, de ne pas rester à l’écart du nouveau service civique. Ils peuvent y apporter beaucoup, notamment en encadrant les jeunes volontaires. Cet engagement devait faire l’objet d’une reconnaissance et d’une valorisation particulières. Cela est désormais prévu dans la proposition de loi.
La réforme du service civique a par ailleurs trouvé à s’articuler avec celle de la Journée d’appel de préparation à la défense, la JAPD. Votre assemblée avait inscrit dans le programme de cette journée une présentation du service civique. En renommant « Journée défense et citoyenneté » la JAPD, l’Assemblée nationale a placé sous un angle nouveau le service civique au sein de cette Journée, tout en soulignant le lien indéfectible qui existe entre défense et citoyenneté. Si vous adoptez ce texte, mesdames, messieurs les sénateurs, vous permettrez donc à 800 000 jeunes chaque année d’en bénéficier.
L’introduction dans la proposition de loi d’une obligation de formation des jeunes âgés de seize à dix-huit ans est également une avancée qui se révélera sans aucun doute considérable. Comme certaines grandes avancées, elle est passée pour l’instant inaperçue. Mais elle ne l’a pas été aux yeux de la mission commune d’information du Sénat sur la politique en faveur des jeunes, qui a insisté sur la perte que représente le manque de formation de ces jeunes.
La proposition de loi prévoit que les pouvoirs publics doivent s’organiser pour qu’aucun jeune entre seize et dix-huit ans ne soit laissé hors de tout parcours. Pour la première fois, la loi reconnaît une obligation de prendre en charge systématiquement les jeunes dans cette tranche d’âge, en formation, en emploi ou, éventuellement, en service civique. Elle s’inscrit ainsi dans le prolongement de l’œuvre de Jules Ferry et des lois instituant la scolarité obligatoire jusqu’à quatorze ans, puis seize ans. Ce sera un travail considérable.
Le texte proposé à l’article 3 ter pour l’article L.313-8 du code de l’éducation dispose : « Le service public de l’orientation tout au long de la vie et tous les organismes qui y participent s’organisent au plan régional et local pour permettre à tout jeune âgé de seize à dix-huit ans sorti sans diplôme du système de formation initiale et sans emploi de se réinscrire dans un parcours de formation, d’accompagnement ou d’exercer une activité d’intérêt général lui permettant de préparer son entrée dans la vie active. »
Je pourrais être intarissable sur ce projet, l’un des plus beaux que l’on puisse mener. Ceux qui hésitent encore à le voter devraient penser à l’élan qu’il suscitera chez les jeunes.
Deux personnalités fortes, Stéphane Hessel et Simone Veil, ont apporté, voilà dix jours, leur soutien au service civique en ces termes : « Nous qui avons vécu toutes les horreurs du siècle précédent, qui avons été contraints à l’engagement en raison des circonstances épouvantables que nous avons traversées, qui nous sommes engagés au service de la liberté dans les grands combats de la Résistance, nous venons dire aux jeunes d’aujourd'hui que le service civique est un engagement choisi, face à d’autres enjeux, d’autres défis qui paraissent peut-être moins immédiats, moins chargés de menaces directes, mais qui nécessitent pourtant de se mobiliser. » On ne peut laisser sans écho ce message formidable qu’ils sont venus délivrer à la jeunesse.
Je fais donc appel à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, sur toutes les travées de la Haute Assemblée, pour que ce texte, qui a vu le jour grâce à votre initiative et que nous avons élaboré ensemble, devienne un projet réel et ambitieux pour la jeunesse, qui est attentive à nos actes. C’est le moment de lui montrer que nous sommes capables de lui offrir l’opportunité de s’engager pour la nation, l’intérêt général, le développement international.
Nous avons ainsi conçu un outil pour la renaissance de l’engagement et le plein accomplissement de la citoyenneté. Que vive le service civique ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP, de l’Union centriste et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Demuynck, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, je me réjouis de présenter aujourd’hui devant vous un texte issu d’une proposition de loi sénatoriale, adopté à la quasi-unanimité en première lecture par le Sénat, puis de nouveau à la quasi-unanimité par l’Assemblée nationale.
Vous parliez tout à l'heure de miracle, monsieur le haut-commissaire, mais il a déjà eu lieu : vous avez répondu à mes questions avant même que je ne vous les pose ! (Sourires.) Voilà qui est extraordinaire et qui ne va d’ailleurs pas simplifier mon intervention !
Dans chaque chambre, le débat a été riche et constructif et a permis d’améliorer le texte dans le sens d’une plus grande efficacité.
Le Sénat, avec l’objectif de réussir le lancement d’un outil majeur de cohésion sociale en direction de notre jeunesse, avait travaillé principalement dans deux directions : le renforcement du caractère citoyen du service civique et l’amélioration du dispositif de gestion administrative, qui n’avait pas été prévu dans la proposition de loi initiale.
L’Assemblée nationale a souhaité, quant à elle, selon les mots de Mme Claude Greff, rapporteure du texte, au nom de la commission des affaires culturelles, « rationaliser le dispositif proposé ».
Globalement, si l’Assemblée nationale a profondément modifié le texte sur la forme, elle ne l’a pas bouleversé sur le fond.
Des clarifications ont tout d’abord été apportées sur la nature des organismes susceptibles d’accueillir des volontaires et sur les conditions d’accès au service civique pour les étrangers.
Par ailleurs, il est désormais prévu que c’est l’État qui indemnisera directement les volontaires, les associations n’ayant donc plus besoin de se faire rembourser les sommes versées aux volontaires. Toutes les associations que j’ai pu auditionner après l’examen du texte à l’Assemblée nationale sont très favorables à cette disposition de nature à assouplir leurs formalités administratives et à renforcer la solennité du service civique. Je crois qu’il s’agit effectivement d’une réelle avancée.
Mais la question majeure réside dans les montants d’indemnisation prévus. Après le vote de ce texte à l’Assemblée nationale, j’ai reçu au Sénat, la semaine dernière, une soixantaine de jeunes qui m’ont indiqué que, pour accomplir ce service civique, il leur était indispensable de disposer d’une somme mensuelle de près de 600 euros, montant au-dessous duquel ils se trouveraient en difficulté.
Vous venez de nous annoncer qu’elle se situerait, si j’ai bien compris, entre 540 euros et 640 euros, ce qui nous donnerait tout à fait satisfaction. Je suis, quant à moi, convaincu que le succès et le bon fonctionnement du service civique passent par une indemnisation de ce niveau.
Par ailleurs, comme le Sénat l’avait souhaité, le Gouvernement a proposé à l’Assemblée nationale un montage administratif ambitieux pour le service civique en créant un groupement d’intérêt public, ou GIP, dénommé « Agence du service civique », qui serait responsable de l’ensemble du pilotage du dispositif, en amont, avec la définition des missions prioritaires et la gestion des agréments, et, en aval, avec l’évaluation du dispositif et l’animation du réseau, ainsi que de la politique de communication de l’établissement. Ce GIP réunira l’État, l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire et l’association France Volontaires. Cette solution devrait permettre de donner une efficacité et une notoriété réelles au dispositif.
Toutefois, je tiens à insister sur le point suivant, que vous avez également évoqué, monsieur le haut-commissaire : la nécessité de ne pas ajouter une structure supplémentaire à celles qui existent déjà. Le Sénat, en matière budgétaire, se montre toujours très attentif aux dépenses, et les propos tenus tout à l'heure par le président de la commission des finances le confirment. Compte tenu de la complexité des dispositifs mis en œuvre dans le secteur de la jeunesse, il est essentiel que les structures dans ce domaine soient bien lisibles et n’entraînent pas de dépenses supplémentaires.
Au-delà de ces approfondissements des orientations sénatoriales, qui sont autant de points de satisfaction pour la commission de la culture, comme pour la plupart de nos collègues, l’Assemblée nationale est aussi revenue sur des dispositions que le Sénat avait adoptées.
La « Journée d’appel de préparation à la défense » serait ainsi transformée en « Journée défense et citoyenneté », plutôt qu’en « Journée d’appel de préparation au service national ». Si la dénomination change, la mutation de la journée qu’a souhaité inspirer le Sénat, en renforçant l’information citoyenne, est maintenue.
Plus fondamentalement, l’Assemblée nationale a introduit une distinction nouvelle entre l’engagement de service civique et les autres formes de service civique.
L’engagement de service civique correspondrait au cas où l’État prend en charge l’indemnisation des volontaires et serait donc réservé aux jeunes de seize à vingt-cinq ans. Sur le fond, là encore, l’esprit du texte sénatorial n’est pas modifié.
Il est prévu que l’engagement soit exercé de manière continue – la possibilité de fractionnement prévue par le Sénat disparaît donc – et qu’il soit limité à douze mois et non plus à vingt-quatre mois. Ces légères modifications sont à rebours des souhaits du Sénat, mais elles restent très minimes.
Cependant, deux modifications sont plus importantes : l’une porte sur la possibilité de cumuler un service civique et l’exercice d’une activité professionnelle ou la poursuite d’études, qui a été supprimée par l’Assemblée nationale.
Il s’agit là, à mon sens, d’une « rigidification » inutile du dispositif qui pourrait nuire à l’objectif de mixité sociale que nous visons, les jeunes travailleurs et les étudiants qui souhaitent poursuivre leurs études en parallèle risquant d’être exclus du service civique.
Je crois néanmoins pouvoir dire que le fait que cette possibilité de cumul entre un service civique et une activité ne soit pas explicitement mentionnée dans le texte n’empêche absolument pas qu’elle puisse exister. Vous l’avez confirmé il y a quelques instants, monsieur le haut-commissaire, il est extrêmement important pour la mixité sociale que nous puissions avoir aussi bien des jeunes en difficulté, sans emploi et qui ne suivent pas d’études, que des jeunes qui travaillent tout en poursuivant des études.
L’autre modification vise à renforcer l’obligation de durée minimale d’activité fixée à vingt-quatre heures hebdomadaires. Toutefois, une possibilité de dérogation est laissée ouverte. La commission de la culture souhaite, à cet égard, qu’elle soit la plus large possible afin, encore une fois, de favoriser la mixité des volontaires.
Monsieur le haut-commissaire, j’avais une question à vous poser sur l’application de cette règle des vingt-quatre heures hebdomadaires d’activité. Vous y avez répondu : il est nécessaire d’avoir le système le plus souple possible pour que chaque jeune puisse s’investir à son gré.
Réservé aux personnes âgées de plus de vingt-cinq ans, le volontariat de service civique ressemble au volontariat associatif actuel et est conforme aux objectifs que le Sénat avait fixés.
Je souligne une grande nouveauté, le fait que le volontariat international en entreprise, le VIE, sera inclus dans le dispositif du service civique. Cette mesure déroge au principe selon lequel le service civique doit absolument s’exercer en faveur de l’intérêt général mais il apparaît que le VIE participe fortement au rayonnement de la France à l’étranger et que son caractère marginal ne remettra pas en cause la philosophie profonde du service civique.
Une « attestation de service civique senior » pourra également être délivrée pour les personnes qui contribuent à la formation civique et citoyenne ou au tutorat des personnes effectuant un engagement de service civique.
Enfin, des dispositions transitoires plutôt intéressantes ont été introduites.
La question qui se pose aujourd’hui à nous est donc de savoir si nous souhaitons repousser de plusieurs mois l’adoption de ce texte en votant l’un des amendements déposés. Ma conviction, qui est celle de la commission, est que ce texte est bon et qu’il pourrait être utilement réexaminé après un bilan d’activité dans un an.
Rappelons, à cet égard, que le comité de suivi mis en place par le Sénat a été maintenu à l’Assemblée nationale et qu’il permettra que les parlementaires se penchent sur les évolutions possibles du service civique et, éventuellement, sur la question du service civique obligatoire que soutiennent certains de nos collègues.
C’est la raison pour laquelle, en attendant ce bilan d’étape, et sous réserve d’éclaircissements complémentaires du haut-commissaire, la commission a adopté ce texte sans modification afin qu’il puisse être promulgué le plus vite possible et que des jeunes puissent s’investir dans le service civique dès la rentrée prochaine. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, dont c’est la première intervention à la tribune. (Applaudissements.)
Mme Marie-Agnès Labarre. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, les membres de mon groupe et moi-même sommes convaincus de l’intérêt de créer un dispositif qui permette aux jeunes de s’engager dans des projets d’intérêt général et d’œuvrer pour des organismes dont la vocation est l’exercice de la solidarité.
En revanche, nous sommes malheureusement beaucoup moins enthousiasmés par le service civique que nous propose le Gouvernement.
En effet, nous avons bien noté l’étonnante récupération de cette proposition de loi, déposée par le groupe du RDSE, mais qui a été annoncée par le Président de la République lui-même dans le cadre du « plan jeunes » en octobre 2009 !
Voilà qu’il devient urgent d’agir pour la jeunesse, voilà que le Gouvernement se précipite sur une initiative législative dont il n’est même pas à l’origine !
Alors que l’on mesure, en ces temps de crise économique et sociale, une explosion du chômage, comment ne pas voir dans ce curieux service civique un stratagème destiné à réduire artificiellement les chiffres du chômage ?
La précipitation et le besoin de communication sont tels, en cette période pré-électorale peu favorable au Gouvernement, que l’on annonce déjà, avant même le vote définitif de la loi, les premiers services civiques internationaux !
Au-delà des conditions d’élaboration de la loi, et malgré notre volonté affirmée de créer un véritable service national de solidarité, il faut permettre aux jeunes de réaliser leur envie de s’engager, de revaloriser leur place au sein d’une société qui les stigmatise.
Nous ne saurions donc partager la volonté de mettre en place le service civique tel qu’il est conçu par cette proposition de loi, et ce, malgré les améliorations certaines, dont il faut prendre acte, qui ont été opérées par les deux assemblées.
Tout d’abord, ce service civique est conçu sur des bases contestables que nous ne saurions cautionner
Ce nouveau dispositif est, en effet, conçu, non pas comme un apprentissage des valeurs de notre République, mais comme une réponse aux délits et aux troubles sociaux qui minent notre société en mal de repères.
Le service civique qui nous est proposé serait donc un remède au mal de la société. Rien de moins !
Nous savons bien que ce service civique-là, une fois passé l’effet d’annonce médiatique, ne permettra pas au Gouvernement de cacher son incapacité à identifier et à résoudre des problèmes sociaux d’envergure.
Ensuite, je relève que ce service civique se trompe de public.
Parce que le service civique ne doit pas être une réponse pour des adultes sans emploi, nous défendons, nous, un service civique qui ne s’appliquerait qu’aux jeunes majeurs de dix-huit à vingt-cinq ans.
Parce que le service civique ne doit pas constituer une réserve de main-d’œuvre à bon marché pour toutes sortes d’entreprises qui en rêvent, nous défendons, nous, l’idée que les bénéficiaires de ce dispositif ne puissent être que des structures publiques ou privées à but non lucratif.
Enfin, je relève que ce service civique stigmatise curieusement une partie de la jeunesse de notre pays.
Vous pointez sans cesse du doigt une jeunesse déscolarisée, incivique et délinquante, en perpétuelle contestation de l’ordre et de l’autorité.
Si l’on attend du service civique qu’il propose une solution à des jeunes en échec scolaire et confrontés à un chômage toujours plus important, si l’on attend du service civique qu’il résolve l’inégalité sociale et territoriale inadmissible qui sévit en France, la désillusion risque d’être de taille !
Nous ne souhaitons pas, nous, que le service civique puisse constituer une alternative à l’école et qu’il puisse être un moyen d’occuper des jeunes sortis du système scolaire. Nous ne partageons pas votre vision de ce que peut être la jeunesse française, ni même cette conception du rôle que pourrait jouer le service civique dans la résorption de problèmes beaucoup plus larges.
Pour notre part, nous préférons appeler de nos vœux un dispositif d’engagement national de solidarité qui, bien au contraire, revaloriserait la jeunesse et sa place dans la société, et aiderait à lutter contre sa stigmatisation, que répercute malheureusement cette proposition de loi.
Pour notre part, nous continuons de militer pour que s’exercent les valeurs de solidarité sur une base volontaire, pour elles-mêmes, et non dans la seule perspective d’éduquer les mauvais citoyens aux valeurs de la République, de la nation et au respect des leurs symboles.
Mme Marie-Agnès Labarre. Le service civique s’applique ici dans des conditions de précarité inadmissibles Nous estimons qu’il n’est pas assorti des garanties nécessaires et que le risque est ainsi grand de créer une nouvelle forme d’emploi précaire qui ne dit pas son nom.
En effet, la proposition de loi renvoie à un décret ultérieur la fixation du montant minimal et maximal de l’indemnité versée aux volontaires accomplissant ce service. Vous avez tout à l'heure levé le voile sur le montant de l’indemnité. Alors même que ce service dure six mois minimum et peut aller jusqu’à douze mois, il nous apparaît cependant indispensable de s’assurer que l’indemnité perçue garantit un niveau de vie décent aux volontaires.
Ainsi, il est primordial de garantir que le montant minimal de l’indemnité soit fixé au moins au seuil de pauvreté, évalué autour de 750 euros, et de préférence au-delà. Vous en conviendrez, en effet, ce montant est bien faible pour qui doit se loger en ville et subsister par ses propres moyens.
Indemniser convenablement celles et ceux qui décident de donner de leur temps pour la collectivité et l’intérêt général serait un bon signe adressé à eux-mêmes et au pays.
Quel message enverrions-nous aux citoyens en affirmant, d’un côté, regretter l’absence de solidarité, en proposant donc aux jeunes de développer ces valeurs par un engagement personnel et, de l’autre, en ne leur garantissant pas en contrepartie les conditions nécessaires à leur subsistance ?
La solidarité serait-elle uniquement le fait des citoyens, et non plus de la responsabilité de l’État ? Soyons équitables : l’engagement de service civique, si solidaire il est – et il me semble qu’il s’affirme comme tel –, doit l’être dans les deux sens : des citoyens vers la collectivité, et de la collectivité vers les citoyens.
Ne créons pas une nouvelle trappe à précarité, une nouvelle forme de sous-salariat qui risquerait, de plus, de faire concurrence aux deux millions de salariés du secteur associatif !
Si nous ne pensons pas que le service civique puisse constituer une réponse aux maux de notre société, encore faut-il, d’abord, éviter qu’il ne contribue à les renforcer !
C’est pourquoi nous nous opposons formellement à la possibilité de permettre que le contrat de service civique puisse atteindre quarante-huit heures par semaine sur six jours.
Nous proposons ainsi de limiter les possibilités d’abus qui, malheureusement, existeront toujours en l’absence d’une réglementation suffisante, et de limiter la durée de la mission à trente-cinq heures sur une période de cinq jours par semaine.
Puisque le service civique n’est pas un contrat de travail, ne lui transposons pas ses conditions d’exercice : il aurait alors tout d’un sous-emploi !
Nous partageons donc avec vous cette volonté de créer un véritable dispositif d’engagement solidaire pour la jeunesse. Malheureusement, nous ne pourrons voter ce texte en l’état, tant les objectifs affichés diffèrent de notre vision de l’engagement d’intérêt collectif, et tant les conditions de mise en œuvre de ce service civique ne sauraient satisfaire à une véritable vision d’une politique soucieuse des intérêts de notre pays et de sa jeunesse. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, le texte de notre collègue Yvon Collin sur le service civique revient donc au Sénat en deuxième lecture. Pour paraphraser une formule célèbre, je tenais, en préambule, à rendre à M. Collin ce qui lui appartient !
L’enjeu de ce texte est fondamental pour notre société. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce point en première lecture, je ne m’y attarderai donc pas aujourd’hui.
Apprendre à vivre ensemble, filles et garçons, avec la notion de respect réciproque que cela implique, transcender les individualismes, respecter les différences, s’ouvrir aux autres, constituent les fondamentaux de la vie en collectivité. Et cela passe par le développement du civisme, culture première du citoyen, à laquelle il faut redonner un élan nouveau.
Après la famille, c’est à l’État qu’il appartient de tout mettre en œuvre pour faire vivre les valeurs du pacte républicain. C’est à lui d’organiser le cadre qui permettra de réinventer un système capable d’inculquer aux jeunes que le civisme est un devoir, et la citoyenneté un droit. C’est pour cela que nous sommes favorables à la proposition de loi de M. Collin.
Pour autant, nous ne devons pas oublier que notre objectif à long terme doit être la création d’un service civique, universel, mixte et obligatoire, qui permettrait un nécessaire brassage social, une confrontation aux différences, pour tous les jeunes de notre pays, un brassage des cultures qui se mêlent sur notre sol et un apprentissage de la citoyenneté faite de droits et de devoirs.
Le texte que nous réexaminons aujourd’hui constitue une véritable première étape dans la réalisation de cet objectif. Du moins est-ce ainsi que nous le considérons. C’est pourquoi nous avions déjà exprimé, en première lecture, notre satisfaction sur un grand nombre de points. Il constitue une évolution notable pour notre société et une première étape décisive vers la réalisation de notre objectif républicain de renforcement du civisme.
Notre travail commun avait déjà permis d’adopter des amendements améliorant et précisant le texte. L’Assemblée nationale a, elle aussi, poursuivi cette tâche de clarification.
Je voudrais particulièrement revenir sur quelques points précis où des avancées ont été obtenues.
Concernant les frais relatifs à la mission du volontaire, les députés ont adopté la prise en charge du coût des déplacements relatifs aux missions, ce qui permet de favoriser la mobilité des futurs volontaires. Ils pourront ainsi choisir d’effectuer leur mission loin de leur lieu d’habitation, ce qui favorisera le brassage culturel et social que nous souhaitons tant pour le service civique.
L’adoption d’un amendement mettant en place un réseau de familles d’accueil pour les volontaires en mission éloignée de leur domicile va également dans le sens d’une amélioration de la mobilité des jeunes.
Nous nous félicitons de l’amendement de nos collègues députés instaurant la prise en charge de 100 % par l’État des indemnités du jeune volontaire et de sa couverture sociale. Une telle disposition permettra aux associations et aux collectivités locales de jouer réellement le jeu du service civique. Pour une fois, l’État assume la totalité de sa responsabilité et ne se décharge pas sur elles de l’essentiel de ses responsabilités ! Cela mérite d’être signalé !
À l’Assemblée nationale, le dispositif de valorisation de l’expérience d’engagement pour l’université a été élargi au secondaire pour permettre aux jeunes en difficulté scolaire de s’investir dans une expérience enrichissante et de pouvoir valider cette expérience pour le baccalauréat.
Enfin, le dispositif de gouvernance finalement retenu nous semble bon : il est exclusivement public, le groupement d’intérêt public conciliant un pilotage par l’État et un partenariat tant au sommet qu’au niveau local avec les associations et les collectivités.
Pour autant, et même si nous avons obtenu des éléments de réponses, quelques incertitudes ou imprécisions subsistent qui pourraient être dommageables au texte et à sa mise en œuvre. Nous aurions pu être tentés de déposer quelques amendements, nous ne l’avons pas fait, mais, monsieur le haut-commissaire, j’attends de votre part des réponses aux dernières questions que je vais maintenant vous poser.
Tout d’abord, je m’interroge sur l’opportunité de la disposition de l’article 3 ter qui prévoit que, lors de l’entretien avec le service public d’orientation que cet article instaure, le jeune en décrochage scolaire pourra se voir notamment proposer d’accomplir le service civique.
En effet, est-il raisonnable de fixer une nouvelle mission à un service public qui n’a déjà pas les moyens de suivre tous les élèves qui auraient besoin d’être accompagnés ? Croyez-vous vraiment, monsieur le haut-commissaire, que ce service public pourra remplir sa nouvelle mission alors qu’il n’est pas en mesure d’assurer le minimum de ce qui lui est demandé aujourd'hui ? La question porte donc sur les moyens, et non pas sur le principe.
Par ailleurs, puisque des discussions sont en cours sur une réforme du lycée devant comprendre une refonte complète du système d’orientation scolaire – on parle d’un grand service public de l’orientation scolaire –, ne serait-il pas plus judicieux de traiter le cas particulier des jeunes en décrochage scolaire dans le cadre de cette réforme ?
De plus, étant donné qu’il s’agit là d’un cas particulier par rapport à l’objet tout à fait général du service civique, cette disposition ne constitue-t-elle pas un « cavalier », préjudiciable à la lisibilité de la future loi ?
La possibilité de dérogation pour l’accueil des personnes de dix-huit à vingt-cinq ans qui sera accordée par l’Agence du service civique aux associations et fondations qui en feront la demande, s’agissant du volontariat de service civique, apporte de la souplesse mais, pour autant, cette souplesse ne doit pas se traduire par l’absence de tout encadrement. Il aurait peut-être fallu accompagner la délivrance des dérogations de critères garantissant à l’État une utilisation judicieuse du volontariat de service civique.
Concernant ensuite le rapport remis par le Gouvernement au Parlement sur l’application de la loi, la version proposée par le Sénat en première lecture faisait mention d’une évaluation du « rôle qu’un service civique obligatoire et universel peut jouer » dans la préservation et le développement de la politique française en matière de cohésion sociale et républicaine. Cette mention a disparu du texte après son passage à l’Assemblée nationale : il n’est plus question de service civique obligatoire en tant qu’objectif.
Pourtant, nous considérons pour notre part que le service civique tel qu’il est actuellement mis en place doit être considéré comme une première étape vers l’instauration, à long terme, d’un service civique obligatoire et il me semble qu’une large majorité de parlementaires, tant à l’Assemblée nationale que dans cet hémicycle et tous bords politiques confondus, est d’accord sur ce point. Pourquoi donc ne pas laisser la possibilité au Gouvernement de maintenir cet objectif à la vue de tous ? Je souhaiterais, monsieur le haut-commissaire, que vous vous exprimiez sur ce sujet avant que nous passions au vote.
Pour finir, j’aimerais m’attarder sur un point qui me semble d’une grande importance.
Si nous sommes satisfaits de voir se mettre en place un service civique de qualité, je dois dire franchement, monsieur le haut-commissaire, que nous nous interrogeons sur sa mise en œuvre. Nous savons en effet que, dès les élections régionales terminées, nous allons entrer, malheureusement, dans une période d’austérité budgétaire.
Mon inquiétude est donc grande que tous les moyens annoncés par le Gouvernement en faveur du service civique tel que le prévoit le présent texte ne soient pas débloqués et je crains, monsieur le haut-commissaire, que tous les chiffres avancés par vous ne soient revus à la baisse, et peut-être même drastiquement. Vous ne serez d’ailleurs certainement pas le seul membre du Gouvernement touché…
Certes, l’engagement a été pris à l’Assemblée nationale d’une montée en charge pluriannuelle du dispositif, ce qui, je le reconnais, assure une certaine pérennité. Mais il faut espérer que cette mise à disposition de moyens ne soit pas prise sur le budget de la vie associative et de l’éducation populaire, secteur déjà sinistré !
Vous avez une grande responsabilité, monsieur le haut-commissaire : nous devons offrir à notre jeunesse l’espoir d’une vie plus harmonieuse et plus solidaire où chacun aura appris à vivre, non pas à côté, mais avec son voisin.
C’est à ce véritable enjeu de société que nous nous trouvons aujourd’hui confrontés et, dans cette optique, nous approuvons, cher Yvon Collin, la présente proposition de loi.
À vous, monsieur le haut-commissaire, de prouver maintenant que ce texte peut être rapidement mis en œuvre, mais, ne m’en veuillez pas si, à la différence de notre rapporteur et de vous-même, je ne crois pas aux miracles… (Sourires.) Je vous demande simplement de faire parler les faits et sachez que, si nous sommes sincères dans notre vote en faveur du texte, cela ne nous empêchera pas d’être vigilants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.