Article 8 quater
I. - Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l'article 474 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les durées de deux ans prévues par le présent alinéa sont réduites à un an si le condamné est en état de récidive légale. » ;
2° Le second alinéa de l'article 712-18 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce délai est porté à un mois lorsque le débat contradictoire doit se faire devant le tribunal de l'application des peines en application des dispositions de l'article 712-7. »
II. - L'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi modifiée :
1° Les cinquième (3°) et huitième (2°) alinéas de l'article 11 sont complétés par les mots : « ou à celles d'une assignation à résidence avec surveillance électronique » ;
2° Le troisième alinéa de l'article 12 est complété par les mots : « ainsi qu'avant toute décision du juge d'instruction, du juge des libertés et de la détention ou du juge des enfants et toute réquisition du procureur de la République au titre de l'article 142-5 du code de procédure pénale. »
M. le président. Sur les articles 1er à 8 quater, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Y a-t-il une demande de parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Encore une fois, le Sénat a eu le dernier mot, contrairement à la règle constitutionnelle…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ne l’ébruitez pas ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Michel. Comme pour toute une série de textes, dont par exemple la loi pénitentiaire, une position de sagesse et d’équilibre, respectueuse des libertés publiques, a prévalu sur une position plus influencée par l’actualité immédiate et le très court terme. Soit dit par parenthèse, je ne pense d’ailleurs pas, dans cette perspective, que la réforme ayant ramené à six ans la durée du mandat sénatorial et instauré le renouvellement par moitié tous les trois ans de notre assemblée ait été une bonne chose. Cette évolution ne favorisera sans doute pas l’émergence des positions de sagesse et d’équilibre que j’évoquais à l’instant…
Je voudrais saluer le travail accompli par les commissions des lois et des affaires sociales. MM. Lecerf et About sont allés aussi loin qu’ils le pouvaient, compte tenu de la présence du Gouvernement… Nous leur en savons gré !
Au final, le texte qui nous est soumis aujourd’hui est bien meilleur que celui qui nous avait été transmis par l’Assemblée nationale.
Néanmoins, nous voterons contre, d’abord parce que nous estimons qu’il ne permettra pas de lutter efficacement contre la récidive. Nous sommes tout à fait d’accord sur l’objectif, mais, comme l’a rappelé tout à l’heure Mme Borvo Cohen-Seat, ce projet de loi ignore toute une série de situations de récidive.
Ainsi, tout récemment, un homme placé sous contrôle judiciaire a tué son ex-compagne : un tel cas ne relève pas du présent texte. Cette récidive est sans doute due à l’insuffisance du contrôle judiciaire, au manque d’éducateurs, à l’absence de suivi, peut-être aussi à un certain laxisme des services de police, qui avaient pourtant été alertés à plusieurs reprises par la malheureuse victime.
La même semaine, un jeune schizophrène, déclaré pénalement irresponsable, a été autorisé à sortir de l’hôpital psychiatrique par arrêté du préfet du département, après une double expertise des médecins psychiatres. Ayant exprimé le souhait de rencontrer le médecin coordonnateur, il n’a malheureusement pu obtenir de rendez-vous avant six mois. Quelques jours après sa sortie, il est retourné sur le lieu de ses précédentes tentatives de crime et y a tué une personne qu’il connaissait à peine. Le présent projet de loi ne traite pas non plus d’une telle situation. J’espère que M. Lecerf pourra présenter des propositions visant à y remédier.
Pour le reste, je suis heureux que la commission mixte paritaire n’ait pas retenu un amendement de M. le rapporteur, qui à ma grande surprise avait été accepté par Mme le garde des sceaux, tendant à reporter à 2012 l’entrée en vigueur de certaines dispositions visant à renforcer les modalités d’examen des personnes susceptibles d’entrer dans le champ de la surveillance judiciaire. M. le rapporteur, qui connaît mieux que n’importe lequel d’entre nous la situation des prisons françaises, avait estimé que le Centre national d’observation de Fresnes n’était pas en mesure de satisfaire immédiatement à ces nouvelles prescriptions légales. Je suppose que cette décision de la commission mixte paritaire résulte d’un engagement du Gouvernement à mobiliser tous les moyens nécessaires pour que la loi puisse être appliquée immédiatement, et non en 2012… (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Certainement !
M. Jean-Pierre Michel. C’est magnifique, et nous ne pouvons que nous en réjouir !
En conclusion, nous maintenons notre opposition à un texte qui ne permettra pas de traiter les problèmes au fond et de pallier les insuffisances du dispositif extra pénitentiaire.
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face aux drames d’une extrême gravité auxquels nous sommes trop souvent confrontés, je me réjouis que la majorité ait su être à la fois réactive, responsable et pragmatique.
La sécurité est l’affaire de tous. Pour répondre à cette aspiration des Français, ce texte est réellement fondateur en ce qu’il couvre toutes les phases nécessaires pour lutter contre la récidive, à savoir la prévention, la répression et le suivi des criminels en dehors de la prison.
Le projet de loi initialement déposé à l’Assemblée nationale a été considérablement enrichi par les députés. D’un texte qui visait principalement à résoudre les difficultés techniques nées de la censure par le Conseil constitutionnel des dispositions relatives à la rétention de sûreté, sur le fondement notamment du principe de non-rétroactivité de la loi, nous sommes passés à un véritable ensemble juridique permettant de mieux lutter contre le fléau que constitue la récidive criminelle.
À ce titre, je salue les apports de la Haute Assemblée. Garant des libertés publiques et individuelles, le Sénat a su respecter l’avis du Conseil constitutionnel en rétablissant à quinze ans le seuil de la peine requis pour l’application de la surveillance de sûreté.
Nous nous félicitons, en outre, de ce que, sur l’initiative de M. le rapporteur, ce texte prévoie l’obligation pour le médecin traitant, lorsqu’un condamné refuse ou interrompt contre son avis un traitement proposé dans le cadre d’une injonction de soins, d’en informer le médecin coordonnateur. Cela permet de concilier le respect du secret professionnel médical et le décloisonnement des relations entre le corps médical et les services judiciaires.
Cependant, nous nous réjouissons que la commission mixte paritaire ait aussi prévu les cas d’urgence. En effet, dans certaines hypothèses très circonscrites, en l’absence du médecin coordonnateur, il est indispensable que le médecin traitant puisse informer directement le juge de l’application des peines de l’arrêt ou du refus de traitement du condamné.
Pragmatisme et respect des droits fondamentaux sont les principes qui nous ont guidés et qui nous ont permis d’aboutir à ce texte équilibré. Grâce à ce nouvel arsenal juridique, nous prenons nos responsabilités pour assurer le droit à la sécurité, auquel aspirent l’ensemble de nos concitoyens.
Au vu de ces quelques remarques, le groupe UMP votera le projet de loi ainsi modifié. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. M. le rapporteur et M. le ministre ont exposé les avancées permises par ce texte, que Mmes Borvo Cohen-Seat et Klès ou M. Michel ont pour leur part critiqué.
En tout état de cause, je tiens à saluer à mon tour le remarquable ouvrage accompli par M. le rapporteur, avec qui c’est toujours un grand plaisir et un véritable honneur de travailler,…
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Plaisir et honneur partagés ! (Sourires.)
M. Nicolas About. … ainsi que par la commission des lois. J’ai pu apprécier les contributions au débat de ses membres, juristes, professionnels de santé et même vétérinaires (Sourires), qui nous ont apporté un précieux éclairage sur des sujets aussi techniques que les hormones et leurs inhibiteurs.
Je voudrais également remercier la commission des affaires sociales de sa confiance et de son soutien.
Notre groupe, tout en étant bien conscient que ce texte n’est pas la panacée contre la récidive, espère néanmoins qu’il portera quelques fruits. C’est pourquoi il le votera dans sa rédaction issue des travaux de la CMP. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
7
Loi de finances rectificative pour 2010
Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixe paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2010 (n° 305).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, le présent projet de loi de finances rectificative aura été examiné et définitivement adopté par les deux assemblées, si le Sénat en décide ainsi tout à l’heure, en trente-sept jours. Ce délai court, à la mesure de l’urgence, l’aura peut-être été un peu trop pour nous permettre de définir de manière véritablement éclairée les priorités en vue de relever la croissance de notre pays.
Dans ce contexte, il faut reconnaître que, une fois n’est pas coutume, le Sénat a été plutôt mieux servi que l’Assemblée nationale. Compte tenu de l’importance du sujet, il est dommage que nos collègues députés n’aient pu développer toutes les problématiques liées à ce texte, certaines d’entre elles n’ayant été abordées qu’en commission mixte paritaire.
La CMP a validé les principales options retenues par le Sénat. Elle a confirmé deux suppressions que nous avions votées, a supprimé elle-même six articles, en a adopté dix dans la rédaction issue des travaux du Sénat et en a modifié trois.
La commission mixte paritaire a refusé les niches fiscales et leur élargissement. Elle a supprimé des articles non normatifs, tout en insistant sur des sujets que les travaux préparatoires avaient vocation à éclairer. Ainsi, les radios associatives n’exerçant pas leur activité à titre professionnel, il n’y avait aucune raison qu’elles soient assujetties à l’impôt forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER. De la même façon, le calcul de la compensation relais qui sera versée en 2010 aux collectivités territoriales en substitution de la taxe professionnelle prendra bien en compte la revalorisation des valeurs locatives inscrite dans la loi de finances pour 2010. Cela allait peut-être sans dire, mais cela va mieux en l’ayant dit au cours des travaux préparatoires, sans qu’il soit pour autant nécessaire de le préciser dans la loi.
Nous avons veillé à la gouvernance du programme d’investissement dit d’avenir. Si la CMP a considéré que les missions du commissaire général à l’investissement étaient correctement définies dans le décret, elle a élargi les fonctions du comité de surveillance, consacré son rôle d’évaluation, précisé sa composition en permettant notamment à quatre représentants de chaque assemblée d’y siéger. Cela assurera la représentation dans leur diversité des commissions permanentes concernées par ces fameux investissements d’avenir.
Par ailleurs, la commission mixte paritaire a confirmé certains choix importants.
Comme le souhaitait le Sénat, la taxe sur les bonus sera étendue à toute la chaîne hiérarchique et ne se limitera pas aux seuls opérateurs de salles de marché.
La réforme de la TVA immobilière entrera bien en application de manière anticipée. Députés et sénateurs ont considéré que ce projet de loi de finances rectificative nous offrait une bonne occasion de nous mettre en conformité avec le droit européen et de procéder aux simplifications nécessaires, sans que cela ne coûte ni aux collectivités bénéficiaires des droits de mutation ni aux redevables.
Je souhaiterais maintenant insister sur la nécessaire implication du Parlement dans le contrôle de la mise en œuvre du programme d’investissement d’avenir.
Je ne reviendrai pas sur les avantages qui, selon nous, sont attachés à la procédure définie par le texte ni sur le fait que celle-ci s’inscrit bien dans la politique de réforme de l’État et dans la logique de la révision générale des politiques publiques : remise en cause des habitudes, généralisation des bonnes pratiques, recours à la confrontation des idées et des projets, rôle des agences ou des organismes de mission, mise en balance des coûts et des avantages.
Il faut cependant, à ce stade, rappeler l’ampleur des mécanismes dérogatoires au droit commun que comporte le présent projet de loi de finances rectificative.
Au total, il s’agira de dépenser 35 milliards d’euros hors normes de dépenses, sur une assez longue période il est vrai –Dieu merci ! De plus, à partir de 2011, l’ « emprunt national » entraînera des opérations de trésorerie complexes au sein des comptes de l’État.
J’ajoute que le Premier ministre sera compétent pour décider des redéploiements de crédits. La répartition que votera le Parlement au travers du présent texte ne revêt dès lors qu’un caractère indicatif. En d’autres termes, bien que le Parlement ait insisté sur sa nécessaire représentation au sein du comité de surveillance, il s’agit bien d’une brèche sérieuse dans les principes issus de la loi organique relative aux lois de finances.
Nous avons toutefois limité la portée de cette exception : la procédure de redéploiement a été formalisée sur notre initiative et les commissions compétentes des assemblées devront en être informées. Néanmoins, il nous appartiendra d’être vigilants et, autant que possible, de ne rien laisser passer.
Que l’on me permette enfin de formuler quelques recommandations pour contribuer au succès du programme d’investissement d’avenir.
Certains des membres de la commission mixte paritaire ont regretté que des questions aient été tranchées de manière insatisfaisante, sans que de vrais arguments aient été échangés.
Ainsi, on a considéré comme une vérité acquise, selon le principe d’autorité du rapport Juppé-Rocard, que les infrastructures de transport n’étaient pas des investissements d’avenir.
Mme Nicole Bricq. Le logement non plus !
M. Philippe Marini, rapporteur. Cela n’a fait l’objet d’aucune véritable discussion, d’aucun échange d’arguments digne de ce nom, d’aucun chiffrage à partir d’exemples. Le Parlement ne s’est pas pour autant opposé au choix du Gouvernement.
Cependant, quelques jours plus tard, l’excellent secrétaire d'État chargé de la région capitale nous a expliqué que le devenir de ladite région dépendait du « grand huit », en d’autres termes d’investissements dans des infrastructures de transport appelées à structurer le développement de la métropole d’Île-de-France, pour en faire une zone attractive et compétitive à la face du monde.
Mme Nicole Bricq. Elle en est déjà une !
M. Philippe Marini, rapporteur. Certes, mais il s’agit de préserver cette image, pour le moins, dans les décennies à venir !
D’un côté, on nous demande de voter un texte dans lequel les infrastructures de transport ne sont pas considérées comme des investissements d’avenir, de l’autre, on prône des transformations du système de transport dont l’ombre du financement n’est d’ailleurs pas encore apparue,…
Mme Nicole Bricq. Ni l’ombre ni la lumière !
M. Philippe Marini, rapporteur. … mais qui nous sont présentées comme vitales pour le développement économique. Bien que la commission mixte paritaire n’ait pas souhaité revenir sur le choix de principe inscrit dans le texte que nous sommes appelés à adopter, je considère pour ma part qu’il s’agit là, pour le moins, d’un défaut de cohérence.
J’imagine que, dans les jours qui suivront la promulgation de la loi, les crédits seront délégués aux opérateurs et que les processus de sélection des projets se mettront en place. Cette sélection devra être la plus rigoureuse possible. En effet, dès lors que l’on a choisi d’écarter un secteur aussi porteur de croissance que celui des transports, il devient encore plus nécessaire que les projets retenus présentent un intérêt incontestable et que leur mise en œuvre ne se traduise pas par la simple débudgétisation de dépenses déjà inscrites dans les crédits de missions ou de programmes.
Monsieur le haut-commissaire, permettez-moi d’insister sur cette nécessaire sélectivité. À cet égard, si les projets jugés intéressants ne suffisaient pas à saturer l’enveloppe, il conviendrait de faire preuve de pragmatisme, conformément à l’esprit qui prévaut depuis le lancement de cette idée d’emprunt national, et de ne pas s’interdire de revenir sur certaines priorités pour en privilégier de nouvelles. Je fais naturellement confiance au Premier ministre et au commissaire général à l’investissement pour travailler dans cet esprit.
Mes chers collègues, à la lumière de ces observations, la commission des finances vous invite à adopter les conclusions de la commission mixte paritaire sur ce premier collectif budgétaire de 2010. En examinerons-nous un autre avant l’été ? Nous prenons goût à l’exercice ! (Sourires.) C’est une des conséquences heureuses de la crise, qui nous conduit à être mieux associés à la réflexion, à avoir davantage de latitude pour exprimer nos points de vue, nos approbations, nos questions, nos réserves.
En tout état de cause, il est une certitude : il faudra, dans de brefs délais, légiférer à nouveau en matière fiscale et financière. Deux rendez-vous sont d’ores et déjà fixés : l’examen du projet de loi de régulation financière et bancaire, qui a été approuvé par le conseil des ministres et dont je souhaite qu’il soit discuté le plus tôt possible, car il est urgent de tirer les leçons de la crise ; le réexamen de nombreux aspects de la réforme de la taxe professionnelle, par le jeu de la clause de rendez-vous prévue à l’article 76 de la loi de finances initiale pour 2010. Nous pourrons alors nous fonder sur les résultats des simulations que nous aurons demandées et sur les consultations auxquelles la commission des finances aura procédé.
Mes chers collègues, en conclusion, je ne puis que réitérer mon appel à adopter les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Votre présence, monsieur le haut-commissaire, est hautement symbolique. Elle démontre que l’on peut mener le combat pour les solidarités actives, contre la pauvreté, pour la jeunesse, tout en veillant à l’équilibre budgétaire ! (Sourires.)
M. Marini a précisément retracé les résultats des travaux de la commission mixte paritaire, dont les débats se sont déroulés dans un climat très consensuel et n’ont buté sur aucune difficulté majeure.
Je n’insisterai pas outre mesure sur l’ « emprunt national ». Vous savez ce que je pense de cette illusion budgétaire, qui cette année ne creusera notre dette publique qu’à hauteur de 2 milliards à 3 milliards d’euros. Cela est heureux, car nous n’avons clairement pas les moyens de nous offrir un trou supplémentaire de 35 milliards d’euros ! Notre crédibilité est en jeu, alors que nos finances publiques demeurent fragiles et que nous n’avons pas vraiment commencé à prendre, ni même à définir, les mesures qui nous ramèneront au respect des critères de Maastricht et, à un terme plus éloigné, à l’équilibre budgétaire.
Je me bornerai à revenir sur le dispositif du crédit d’impôt recherche pour les PME, sur lequel j’avais déposé un amendement, adopté par le Sénat puis rejeté par la CMP.
J’avais proposé, avec mes collègues Christian Gaudin et Philippe Adnot, d’inclure dans l’assiette du crédit d’impôt recherche les dépenses de recherche soutenues par des avances remboursables, et de revenir ainsi au schéma qui prévalait jusqu’à la loi de finances de 2008. Nous avions de bons motifs de le faire : le mécanisme actuel, certes inspiré des critiques de la Cour des comptes sur l’absence de suivi des avances par l’Agence nationale de valorisation de la recherche, l’ANVAR, apparaît cependant fortement pénalisant pour les petites entreprises qui sont les plus actives en matière de recherche et développement. En particulier, il écarte de fait les jeunes entreprises innovantes, dont le taux de recours au crédit d’impôt recherche est anormalement bas, alors qu’elles sont actives en France et ne sont pas tentées, comme les plus grosses structures, d’en détourner parfois l’usage pour des investissements réalisés en pratique hors de nos frontières.
La mesure, qui s’analyse comme une aide de trésorerie supplémentaire, était évidemment neutre en termes budgétaires, même si un surcoût temporaire de 75 millions d’euros était prévisible dans un premier temps. Par rapport à la situation antérieure, OSEO, qui s’est doté de meilleurs instruments de suivi que ceux dont disposait l’ANVAR, est aujourd’hui en situation de garantir que les avances définitivement acquises, notamment en cas d’échec des projets, sortiront de l’assiette du crédit d’impôt recherche. La gouvernance d’OSEO est infiniment plus appropriée que celle de l’ANVAR.
J’ai bien entendu le plaidoyer du Gouvernement contre le dispositif, en particulier la remarque selon laquelle l’entreprise qui ne remboursera pas son avance aura bénéficié, à un moment donné, de l’avance et, parallèlement, du crédit d’impôt, ce qui revient à cumuler, au moins temporairement, deux avantages financés par le budget de l’État. C’est donc de bonne grâce que j’ai accepté que la CMP revienne sur le vote du Sénat, mais je ne voudrais pas que l’on perde de vue ce qui avait justifié notre démarche, à savoir le constat d’un recours anormalement faible des PME innovantes à un instrument qui devrait pourtant leur être prioritairement destiné.
La réponse à notre requête, que j’estime toujours parfaitement justifiée, passe sans doute par un effort plus soutenu d’OSEO en faveur de ces structures. La CMP a conservé le schéma de financement qui crée un fléchage du produit de la taxe sur les bonus des traders vers OSEO, en vue, précise l’article 1er du collectif, « de financer une dotation en capital exceptionnelle au titre de sa mission de service public de financement de l’innovation et des petites et moyennes entreprises ».
J’attends cependant des engagements plus précis de la part du Gouvernement. Pouvez-vous m’assurer qu’OSEO augmentera effectivement son soutien aux jeunes entreprises innovantes, dans le cadre des moyens nouvellement mis à sa disposition, et indiquer au Sénat quelles seront les procédures mises en œuvre ? Je vous remercie par avance de votre réponse, monsieur le haut-commissaire.
Pour le reste, je voterai ce premier collectif budgétaire de l’année 2010.
Je le voterai d’abord parce que la dette publique ne sera aggravée qu’à hauteur de 10 % des 35 milliards d’euros de l’ « emprunt national ».
Je le voterai ensuite parce que les 19 milliards d’euros consacrés aux investissements d’avenir seront, en dépit de la débudgétisation qu’ils recouvrent, sous le contrôle du Parlement. Il s’agit bien d’une débudgétisation, car il n’y aura pas de dégradation du solde budgétaire pour les exercices postérieurs à 2010.
Cela étant, les lignes de dépense ne couvrent pas tous les investissements d’avenir. En effet, les infrastructures de transport entrent dans cette catégorie, et les lois de finances initiales ont aussi vocation à porter ce type d’investissements. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme Lagarde et de M. Woerth, retenus cet après-midi hors de Paris par d’autres engagements.
C’est avec une certaine émotion que je revêts pour quelques instants le costume de ministre du budget. Un petit emprunt à l’occasion d’un grand emprunt, en quelque sorte… (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Émotion partagée !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Monsieur le président de la commission des finances, ma présence aujourd’hui montre en effet que les crédits consacrés à la lutte contre la pauvreté sont les meilleurs investissements et que préparer l’avenir revient à mener une politique en faveur de la jeunesse.
M. Woerth m’a dit que si je me mettais ne serait-ce que quelques minutes à sa place, ma vision du monde s’en trouverait changée. Je pense pourtant pouvoir conserver la même vision du monde tout en endossant un costume certes trop large pour moi… (Sourires.)
Par l’acuité et la pertinence de vos remarques, vous avez montré, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, quel a été l’apport du Parlement et en quoi il était important de renforcer la place des parlementaires au sein du comité de surveillance qui sera chargé de veiller à ce que les conditions d’utilisation du grand emprunt soient conformes aux souhaits du législateur.
L’adoption de ce projet de loi de finances rectificative permettra de franchir une étape importante dans la préparation de l’après-crise, avec la mise en place d’un programme d’investissement de 35 milliards d’euros.
L’actualité la plus récente montre qu’il ne faut pas relâcher l’effort, pour confirmer la sortie de crise. Pour autant, elle ne doit pas détourner notre regard de l’enjeu, tout aussi important, que représente l’avenir de notre économie dans les prochaines années.
En effet, c’est dans cette période de transition qu’il faut veiller à garantir les conditions de la croissance de demain, laquelle ne peut être durablement assurée sans investissements dans la connaissance et l’innovation.
La discussion du texte au Parlement a permis de confirmer les grands équilibres du programme d’investissement présenté par le Gouvernement. Le texte maintient les choix effectués sur la base des conclusions du rapport remis par MM. Juppé et Rocard. On y retrouve un nombre limité de priorités, articulées autour de la recherche, de la formation et de l’enseignement supérieur tout d’abord, de l’industrie et des PME ensuite, du développement durable et du numérique enfin.
Les échanges sur la définition du cadre de mise en œuvre de ce programme d’investissement inédit ont été riches. Le Gouvernement a dû faire preuve de pédagogie pour justifier un schéma, il est vrai, assez original.
La référence à une « débudgétisation » a donné lieu à des échanges nourris avec le Gouvernement, et même à une nouvelle trouvaille linguistique de M. le rapporteur, qui a parlé de « cantonisation » !
M. Philippe Marini, rapporteur. Je préfère finalement le terme de « cantonnement » !