M. Bernard Kouchner, ministre. … et, en définitive, tout ce que j’espère est que cette agence culturelle, grâce à vous, fonctionnera, quel que soit le vote qui interviendra à la suite de votre débat.
J’insiste toutefois.
Met-on en doute la vivacité du souvenir de Victor Hugo ? Les ventes en livres de poche de ses œuvres sont sans commune mesure avec celles de n’importe quel auteur, même à « aspiration moderniste » !
Veut-on exprimer l’universalité ? Mais, l’universalité, c’est Victor Hugo ! Les Misérables sont joués aujourd'hui à l’opéra dans le monde entier, à New York comme à Pékin !
Le romantisme ? C’est encore Victor Hugo : relisez Ruy Blas !
Victor Hugo est connu de tous, partout : il fait partie des écrivains les plus traduits et les plus vendus, et sa notoriété d’écrivain, de dramaturge, de penseur politique, de révolutionnaire est unique.
L’antiesclavagisme ? C’est Victor Hugo ! Le dialogue à travers les continents ? C’est Victor Hugo !
M. Robert del Picchia. La liberté !
Un sénateur de l’UMP. Mais il a changé souvent…
M. Bernard Kouchner, ministre. Et alors ? Il personnifie justement plus que quiconque la France !
Je veux bien que l’on refasse un sondage : à une majorité écrasante, ce sera le nom de Victor Hugo qui sera retenu. Je voulais un nom plus moderne, et nous en avions proposé quelques-uns : les résultats ne sont pas mêmes comparables.
Je crois d’ailleurs que l’on se trompe lorsqu’on dit que les jeunes générations ne connaissent pas Victor Hugo ; elles le connaissent, et elles l’apprécient comme représentation de notre pays, la France, monsieur Chevènement.
Et il n’y a là rien de péjoratif ! Vous laissez entendre que la France se situe au-dessus de ces débats. Bien sûr, mais elle n’est jamais mieux représentée que par cette montagne qu’est Victor Hugo. Sa vie privée est connue, ses maîtresses sont connues… (Sourires.)
Je retiens tout de même un argument qui, à juste titre, mérite considération : sur 143 centres à travers le monde, une dizaine environ – et sans doute moins – ne devraient pas changer de nom, en tout cas tout de suite, l’institut Léopold Sédar Senghor par exemple. Mon sentiment profond est, comme pour nombre d’entre vous, qu’il faut marier nécessaire diversité et culture.
Le nom « Victor Hugo » porte l’appétit de France, pas la France en général ! Tout de même, il ne s’agit pas ici de nommer l’institut français du pétrole. À la rigueur, on pourrait admettre : « Institut français Victor Hugo », mais on ne peut pas s’en tenir à « Institut français » : c’est trop plat. D’ailleurs, entre Alliance française et Institut français, personne ne saura comment cela fonctionne…
Je le dis donc avec une conviction profonde : « Victor Hugo » portera à chacun, de la part de chacun d’entre vous, le message d’universalité de la France. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudit également.)
M. Jacques Gautier. Bravo !
M. le président. En conséquence, l’intitulé du chapitre III est ainsi rédigé. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
Article 6
I. - Il est créé un établissement public à caractère industriel et commercial pour l’action culturelle extérieure, dénommé « Institut Victor Hugo », placé sous la tutelle du ministre des affaires étrangères et soumis aux dispositions du chapitre Ier.
II. - S’inscrivant dans l’ambition de la France de contribuer à l’étranger à la diversité culturelle et linguistique dans un esprit de partenariat avec les pays d’accueil, l’Institut Victor Hugo a notamment pour missions :
1° La promotion et l’accompagnement à l’étranger de la culture française ;
2° Le développement des échanges avec les cultures européennes, francophones et étrangères ;
3° Le soutien à la création, au développement et à la diffusion des expressions artistiques du Sud, ainsi que leur promotion et leur diffusion en France et à l’étranger ;
4° La diffusion du patrimoine cinématographique et audiovisuel, en concertation étroite avec les organismes compétents dans ces domaines ;
5° La promotion et l’accompagnement à l’étranger des idées, des savoirs et de la culture scientifique français ;
6° Le soutien à une large circulation des écrits, des œuvres et des auteurs ;
7° La promotion, la diffusion et l’enseignement à l’étranger de la langue française ;
8° L’information du réseau, des institutions et des professionnels étrangers sur l’offre culturelle française ;
9° Le conseil et la formation professionnels des personnels français et étrangers concourant à ces missions, et notamment des personnels du réseau culturel français à l’étranger, en liaison avec les organismes compétents. À ce titre, il est associé à la politique de recrutement, d’affectation et de gestion des carrières de ces personnels.
L’Institut Victor Hugo exerce ses missions selon les orientations définies conjointement par le ministère des affaires étrangères et le ministère chargé de la culture.
Il opère sans préjudice des missions des organismes compétents en matière de promotion et d’exportation intervenant dans les domaines spécifiques mentionnés au présent article et en complémentarité avec ceux-ci, et dans une concertation étroite avec tous les opérateurs, qu’ils soient publics, associatifs ou privés. Il veille à répondre aux besoins exprimés par le réseau diplomatique à l’étranger.
L’Institut Victor Hugo collabore avec les organisations internationales et européennes, les collectivités territoriales et notamment les départements et collectivités d’outre-mer, les organisations professionnelles concernées par l’exportation des industries culturelles françaises, les institutions de création et de diffusion culturelle françaises et étrangères, ainsi qu’avec des partenaires publics et privés, dont les alliances françaises.
Pour l’accomplissement de ses missions, il fait appel au réseau diplomatique à l’étranger, sous l’autorité des chefs de mission diplomatique, et aux établissements placés sous leur autorité ou qui leur sont liés par convention. L’Institut entretient un dialogue permanent et régulier avec le réseau culturel français à l’étranger.
III. (nouveau) – L’Institut Victor Hugo se substitue à l’association «CulturesFrance », à la date d’effet de sa dissolution, dans tous les contrats et conventions passés par cette dernière pour l’accomplissement de ses missions.
Les biens, droits et obligations de l’association « CulturesFrance » sont transmis de plein droit et en pleine propriété à l’Institut Victor Hugo à la date d’effet de sa dissolution.
Ces transferts sont effectués à titre gratuit et ne donnent lieu ni à indemnité, ni à perception d’impôts, de droits ou taxes, ni au versement de salaires ou honoraires.
IV. (nouveau) – L’Institut Victor Hugo est substitué à l’association «CulturesFrance » à la date d’effet de sa dissolution, pour les personnels titulaires d’un contrat de travail de droit public ou de droit privé conclu avec cet organisme en vigueur à cette date. Il leur propose un contrat régi par le code du travail. Ce contrat reprend les clauses substantielles du contrat dont les agents sont titulaires antérieurement au transfert, en particulier celles qui concernent la rémunération.
Les agents concernés disposent d’un délai de trois mois pour accepter les modifications de leur contrat qui leur sont proposées à la suite du transfert d’activité. En cas de refus de ces agents, l’Institut Victor Hugo procède à leur licenciement dans les conditions prévues par les textes qui leur sont applicables.
Les salariés dont le contrat de travail est transféré demeurent à titre transitoire régis par la convention ou l’accord collectif qui leur est applicable. La convention nationale applicable à l’établissement public mentionné au présent article leur devient applicable dès que les adaptations nécessaires ont fait l’objet d’un accord ou, au plus tard, quinze mois après leur transfert.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.
Mme Marie-Christine Blandin. Je me félicite de l’adoption en commission de l’amendement présenté par notre collègue Catherine Tasca qui introduit la notion de diversité culturelle et linguistique comme ambition pour l’action culturelle extérieure de la France.
Pour la planète, comme pour chaque pays, la diversité linguistique est un véritable atout tant elle met en valeur la richesse des patrimoines, la diversité des identités ou bien le métissage des cultures.
À ce propos, j’emprunte d’ailleurs à Olivier Poivre d’Arvor cette phrase de Victor Hugo qu’il a citée dans Le Monde d’hier : « Avant de s’agrandir au dehors, il faut s’affermir au dedans ».
Comment rendre audible le message de la France si l’État persiste dans le verrouillage en matière de protection des langues régionales et minoritaires ?
Comment établir dans nos frontières ce que nous revendiquons à l’extérieur au nom de la diversité ?
Comment rayonner quand on ne brille pas par son comportement ?
La réponse est simple, et elle passe par la ratification de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires, ce que les gouvernements de droite s’obstinent à refuser malgré les mises en cause régulières du Parlement européen, du Conseil de l’Europe et du comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies.
Adoptée en 1992 et entrée en vigueur en 1998, cette charte a été ratifiée par vingt-trois États européens.
Elle est la plus à même de sauvegarder et de diffuser le patrimoine linguistique commun. Jamais les langues régionales et minoritaires n’ont empêché quiconque de parler français. Bien au contraire, la reconnaissance de ces langues accompagne la défense du français à l’étranger et elles constituent une formidable richesse.
Selon l’UNESCO, 60 % des langues européennes sont menacées. Au niveau planétaire, 90 % des langues du monde auront disparu dans les cent prochaines années. Cette disparition représente un désastre écologique, car en mourant, une langue emporte avec elle la connaissance traditionnelle des espèces animales et végétales dont nous aurons besoin demain. Préserver la diversité linguistique, c’est aussi préserver la biodiversité.
La reconnaissance de ces langues est également une nécessité sociale. Récemment, en Guyane française, des entretiens médicaux préalables à la vaccination contre le virus de la grippe A/H1N1 ont été des dialogues de sourds, faute de personnel pouvant s’exprimer dans la langue du patient, en créole ou saramaka. Brésiliens et Surinamiens présents en rient encore. (Sourires.)
L’État refuse de reconnaître ce droit élémentaire qui ne marque en aucun cas un repli communautariste. Il existe un réel attachement aux langues régionales. Il suffit de regarder le nombre de jeunes qui les étudient, ou de voir l’enjeu que ces langues représentent, y compris dans la campagne pour les élections régionales. Il est par exemple plaisant de voir en Bretagne des candidats, y compris de la majorité, conclure leur meeting par un sonore « Kenavo » pour créer l’adhésion. (Sourires.)
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Ils ont un vocabulaire plus riche, madame, et heureusement ! (Nouveaux sourires.)
Mme Marie-Christine Blandin. J’ai dit « conclure », monsieur le président de la commission !
On sait qu’un enfant qui apprendra une langue de sa région d’origine aura plus de facilité à apprendre une langue étrangère. Favoriser le bilinguisme stimule l’apprentissage des langues en général et n’est pas superflu étant donné le niveau peu glorieux des Français en langues étrangères. Le but est non pas communautariste mais culturel !
Alors que la France refuse encore et toujours de ratifier la charte des langues régionales ou minoritaires, l’influence de la langue française n’a jamais été aussi faible.
La révision constitutionnelle de 1992 ne saurait servir d’alibi à notre isolement. La France ne peut plus se cacher derrière son petit doigt en fondant son identité uniquement sur la nécessaire langue française commune. Mais cela ne signifie pas monolinguisme et nous devons nous appuyer sur la richesse de notre diversité linguistique. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, sur l’article.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 6 vise à créer une nouvelle agence chargée de la coopération culturelle, l’Institut français. Je ne reviendrai pas sur le choix de cette appellation. Il me semble que l’essentiel réside bien dans l’abandon du nom CulturesFrance afin de marquer, au moins linguistiquement, la rénovation tant attendue, et la forte identité que l’appellation choisie donnera à l’agence.
En revanche, le caractère industriel et commercial ou administratif de l’établissement public est important, d’un point de vue pragmatique, notamment quant au statut du personnel, mais aussi et surtout sur le plan symbolique.
Pourquoi ce recours à l’EPIC, alors que les trois critères précisés par la jurisprudence du Conseil d’État pour définir la qualification commerciale de l’activité ne sont pas remplis ?
Tout d’abord, s’agissant des ressources, l’article 3 amendé place en première position la dotation de l’État. Ensuite, concernant l’objet de l’établissement, les missions énumérées à l’article 6 sont loin de se limiter à la vente ou à la production de biens. Enfin, les modalités de fonctionnement ne peuvent être assimilables à celles d’une entreprise privée.
D’ailleurs, nombre d’institutions françaises à vocation culturelle ont le statut d’établissement public administratif, ou EPA. Je pense aux grands musées, tels que le Louvre, Orsay, le Centre Pompidou, ou encore à l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP.
L’Institut français devrait bénéficier du statut d’établissement public administratif ; c’est du reste l’objet de l’amendement que nous déposons avec Monique Cerisier-ben Guiga et le groupe socialiste.
Ce statut est déterminant en ce qu’il induit la distinction entre la culture considérée comme un bien public et la culture gérée de manière commerciale, avec la recherche du profit pour première intention et l’abandon du positionnement de la France en termes d’exception culturelle.
Je souhaite également évoquer la situation particulière de l’Alliance française. Le texte prévoit que l’établissement public pour l’action culturelle extérieure collabore notamment avec les institutions de création et de diffusion culturelle françaises et étrangères, « ainsi qu’avec des partenaires publics et privés, dont les alliances françaises ». Quelque 1 070 alliances sont présentes dans 135 pays, sur tous les continents.
Si les missions d’une alliance française sont identiques à celles d’un institut ou d’un centre culturel, à savoir la promotion de la culture et de la langue françaises, ce réseau est un acteur profondément original du dispositif culturel extérieur : les alliances françaises résultent le plus souvent d’initiatives locales et sont, en règle générale, constituées sous la forme associative.
Ainsi Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la fondation Alliance française, nous a-t-il rappelé que la France est le seul pays au monde à avoir confié la mission de promouvoir le rayonnement de sa culture et de sa langue à un réseau s’appuyant sur les « amis de la France » et des structures locales de droit privé.
Il importe que le réseau des alliances conserve toute sa place et que l’établissement public pour l’action culturelle extérieure associe étroitement l’Alliance française comme un véritable partenaire.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l’article.
M. Richard Yung. Mes collègues ayant déjà abordé de nombreux aspects de l’article 6, je serai bref.
Le premier point que je veux souligner ne concerne pas le contenu même de l’article – je m’en excuse auprès du président de Rohan –, mais le contexte.
Tout ce dont nous discutons en ce moment, la politique envisagée dans son ensemble, toutes les structures qui sont proposées ne serviront à rien si nous continuons dans la voie de la désertification du champ culturel et des moyens qui sont consacrés à la politique culturelle extérieure.
Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l’heure avoir créé quatorze instituts et en avoir fermé onze. Les chiffres que j’ai sont légèrement différents, mais peu importe.
Cependant, la réalité, c’est la diminution de 10 % des crédits chaque année depuis près de cinq ans. Autrement dit, c’est la grande misère de l’activité culturelle et là est le fond du problème. Les changements de structure que nous opérerons n’y changeront rien. La vraie vie d’un directeur de centre culturel, d’institut français, ou de toute autre structure culturelle française à l’étranger, c’est de trouver mille euros pour monter une exposition de photographie ! Voilà son vrai problème ! Il n’est aucunement préoccupé par des grands débats sur l’avenir de la culture française dans le monde. Il faut avoir cet élément présent à l’esprit.
Nous savons d’ailleurs que la loi de finances rectificative 2010 annule cinq millions d’euros dans le programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique ». La révision générale des politiques publiques, ou RGPP, est passée par là…
Le 11 décembre dernier, un certain nombre de hauts fonctionnaires du Quai d’Orsay, réunis au sein du cercle Paul-Claudel…tiens, Paul Claudel,…
M. Richard Yung. … nous aurions pu choisir ce nom, d’autant que c’était un diplomate.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. C’est trop calotin pour vous !
M. Richard Yung. J’avoue quand même une petite faiblesse pour Paul Claudel !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Vous allez avoir des ennuis !
M. Richard Yung. Oui, avec mon église !
M. Christian Cointat. Vous préférez Camille ! (Sourires.)
M. Richard Yung. Les hauts fonctionnaires que j’évoquais ont donc dénoncé une « incroyable, et pour tout dire scandaleuse, liquidation du réseau culturel français dans le monde », et ont reproché au Gouvernement et à vous-même de ne pas manifester d’intérêt réel pour l’influence culturelle de la France dans le monde. (M. le ministre proteste.) Ce n’est pas moi qui le dis,…
M. Richard Yung. … c’est ce groupe !
Je poserai deux questions. La première a déjà été posée tout à l’heure, mais je souhaiterais savoir si l’on a préfiguré le budget – c’est une obsession, me direz-vous ! – du nouvel institut. Le chiffre de 70 millions d’euros est évoqué, 40 millions d’euros étant prévus pour la formation des agents et 30 millions d’euros correspondant au budget actuel de CulturesFrance.
La seconde question est également similaire à celle qui a été déjà posée au sujet de l'Agence française pour l'expertise et la mobilité internationales : elle concerne les garanties que vous apporterez aux personnels de CulturesFrance qui seront transférés à la nouvelle agence, et en particulier aux agents contractuels de droit public. Ces derniers sont en effet tributaires de leur transfert à la nouvelle structure, alors que les agents de droit privé seront intégrés par le biais du statut du nouvel établissement public.
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, sur l’article.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en intervenant sur cet article qui porte création de l’Institut français, je voudrais insister sur un des aspects particuliers de celui-ci et revenir sur une préoccupation qui m’est chère, à savoir la formation professionnelle et la valorisation des carrières des personnels de ce nouvel établissement public.
Il est vrai que l’alinéa 11 de l’article 6 fait désormais mention d’une mission de conseil et de formation professionnels des personnels français et étrangers concourant aux missions de l’établissement, en associant celui-ci à la politique de recrutement, d’affectation et de gestion des carrières de ces personnels.
On ne saurait trop insister sur cet aspect, révélé, de manière consensuelle, par les auditions et les travaux de la commission de la culture et de la commission des affaires étrangères : il existe un véritable besoin de refonte de la politique de formation et de gestion des personnels à l’étranger, dans tous les domaines et en particulier dans le domaine culturel et artistique.
En effet, en matière de formation de ses personnels en poste à l’étranger et en matière d’évolution des carrières, la France reste largement en deçà de ce que l’on pourrait attendre et de ce que révèle l’analyse de l’action culturelle extérieure de nos voisins européens, l’Allemagne ou la Grande-Bretagne.
La formation et la professionnalisation des personnels est ainsi insuffisantes : la formation est de seulement cinq jours et la durée d’immersion dans le pays, extrêmement courte ; trois ans pour la France, contre cinq en Grande-Bretagne et en Allemagne.
Comment mettre en place une politique culturelle dans ces conditions ? À peine arrivés, et déjà partis ; comme le dit le poète, « Le temps d’apprendre à vivre il est déjà trop tard ».
Développer une gestion des ressources humaines rénovée nous semble donc être une priorité, car l’action culturelle de notre pays est avant tout portée par des hommes et des femmes qui la mettent en œuvre et la valorisent avec leurs compétences et leur savoir, et qui méritent la plus grande attention et doivent être davantage respectés.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 17 est présenté par MM. Hue et Billout, Mme Demessine et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 24 est présenté par Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage, Tasca, Blandin, Durrieu et Blondin, MM. Carrère, Boulaud, Yung, Dauge, Vantomme, Badinter, Lagauche, Percheron, Guérini, Berthou, Mazuir et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
industriel et commercial
par le mot :
administratif
La parole est à M. Michel Billout, pour présenter l’amendement n° 17.
M. Michel Billout. L’article 6 prévoit de modifier le statut de CulturesFrance, association fondée sur la loi de 1901 qui deviendrait un établissement public à caractère industriel et commercial, ou EPIC.
Selon vos intentions, monsieur le ministre, ce statut d’EPIC viserait à offrir un cadre juridique plus clair à l’Institut français, à lui donner une légitimité auprès des acteurs culturels et à renforcer le pilotage stratégique de l’État.
Je suis très sceptique sur ce dernier aspect. En effet, sur le plan financier, le statut d’EPIC permet une certaine souplesse de gestion pour faire fonctionner un tel type d’activité, mais il implique une logique de réduction du financement de l’État car il contraint ces établissements à tirer une part significative de leurs ressources du produit de leurs prestations.
Vous avez défendu ce statut tout à l’heure en indiquant que c’était celui de grands établissements culturels comme le théâtre de Chaillot, le théâtre de l’Odéon et d’autres encore.
On pourrait également citer le Louvre, le musée d’Orsay et le Centre Pompidou, qui ont un statut d’établissement public administratif, sans que cela crée de problème de rigidité.
Le choix du statut d’EPIC pour l’Institut français se justifie davantage par le fait qu’il permet, à terme, un désengagement de la puissance publique et l’introduction progressive d’intérêts marchands privés par le biais des financements extérieurs. Je pense, en ce sens, que le pilotage stratégique de l’État ne sera pas véritablement garanti par le statut d’EPIC ; on peut même redouter qu’il ne soit amoindri. Un statut d’établissement public à caractère administratif me semblerait plus approprié pour préserver une influence prépondérante de l’État sur ce nouvel opérateur.
Je rappelle qu’un rapport de la Cour des comptes avait relevé l’inadaptation du statut associatif dans le cas de CulturesFrance, dont la part du financement public s’élevait à 72 % en 2008. Ainsi, pour maintenir un haut niveau de financement public, le statut d’EPA serait totalement justifié. En outre, il ne serait pas incompatible avec la recherche de financements privés ou de financements sur fonds propres.
L’autre aspect du problème tient au futur rattachement de notre réseau culturel à l’étranger à l’Institut français. Le statut d’EPA, tout en assurant une certaine autonomie, permettrait d’affirmer, dès maintenant, que cette activité doit rester dans le domaine régalien. En outre, ce statut offrirait des garanties plus solides aux personnels et n’empêcherait pas l’emploi de fonctionnaires détachés ou de contractuels de droit privé.
Enfin, le lien avec le réseau, déjà tissé grâce à l’élargissement du périmètre de l’opérateur à la politique de recrutement, d’affectation et de formation professionnelle, serait renforcé.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons d’adopter cet amendement qui conférerait à l’Institut français le statut d’établissement public à caractère administratif. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour présenter l’amendement n° 24.