Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je m’étonne de voir figurer, dans un projet de loi relatif à la récidive, des dispositions portant sur les conditions liées à la révision éventuelle d’un procès pénal. Il me semble que ces questions auraient plutôt leur place dans une réforme de la procédure pénale. D’aucuns se plaisent à débusquer les cavaliers ; qu’on me permette donc de le faire à mon tour !
Ces dispositions auraient d’autant plus leur place dans un autre texte qu’il est ici question de personnes dont l’exécution de la condamnation est suspendue dans le cadre d’un recours en révision ou d’une demande de réexamen d’une décision pénale consécutive au prononcé d’un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme.
Traiter une telle situation dans un texte sur la récidive, c’est considérer a priori les personnes concernées comme des récidivistes potentiels, donc comme coupables d’une première infraction, alors même que le risque d’une erreur judiciaire n’est plus écarté par les juges et qu’elles vont donc éventuellement être innocentées. C’est d’ailleurs le fondement même de la décision de suspension de la peine.
Ainsi, le concept de dangerosité, pourtant contesté, est encore une fois mis au premier plan et des obligations très contraignantes vont peser sur des personnes en voie d’être probablement reconnues innocentes des faits pour lesquels elles ont été condamnées.
De surcroît, de telles situations sont extrêmement rares.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet article étant issu d’une recommandation de M. Lamanda, nous sommes bien au cœur du sujet !
Je comprends les objections de notre collègue, qui estime qu’une révision est susceptible d’ouvrir la voie à la reconnaissance d’une erreur judiciaire.
Il reste que, d’une part, à ce stade, rien n’est encore acquis et que, d’autre part, en soumettant certes la personne à un certain nombre d’obligations, on lui permet néanmoins de sortir. Il est sans doute préférable d’être libéré, fût-ce avec l’obligation de porter un bracelet électronique, que de rester enfermé quelques jours ou quelques semaines de plus.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Madame Borvo Cohen-Seat, vous reprochiez hier au Gouvernement de n’avoir retenu dans ce projet de loi que très peu de recommandations du rapport de M. Lamanda. Or, comme je l’ai dit hier, c’est tout le contraire, comme en témoigne d’ailleurs cet article. Il paraît donc quelque peu paradoxal de demander le retrait de cette disposition, qui est conforme aux conclusions de ce rapport.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
(Non modifié)
I. – Le 10° de l’article 768 du même code est ainsi rédigé :
« 10° Les jugements ou arrêts de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, lorsqu’une hospitalisation d’office a été ordonnée en application de l’article 706-135 ou lorsqu’une ou plusieurs des mesures de sûreté prévues par l’article 706-136 ont été prononcées. »
II. – L’article 769 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « révocation, », sont insérés les mots : « des décisions de surveillance judiciaire et de réincarcération prises en application de l’article 723-35, des décisions de surveillance de sûreté, des décisions de rétention de sûreté, » ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il est fait mention, sur les fiches du casier judiciaire relatives à des décisions de rétention de sûreté ou de surveillance de sûreté, des décisions de renouvellement de ces mesures. » ;
3° À la seconde phrase du deuxième alinéa, les mots : « ou des décisions d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental » sont supprimés ;
4° Il est ajouté un 9° ainsi rédigé :
« 9° Les fiches relatives aux jugements ou arrêts de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, lorsque l’hospitalisation d’office ordonnée en application de l’article 706-135 a pris fin ou lorsque les mesures de sûreté prévues par l’article706-136 ont cessé leurs effets. »
II bis. – Au dernier alinéa de l’article 769-1 du même code, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième ».
III. – Le 16° de l’article 775 du même code est abrogé.
IV. – L’article 775-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est également applicable aux jugements ou arrêts de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. »
V. – À la fin du dernier alinéa de l’article 778 du même code, la référence : « de l’article 769, alinéa 2 » est remplacée par la référence : « du troisième alinéa de l’article 769 ».
VI. – Au dernier alinéa de l’article L. 268-3 du code de justice militaire, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième ».
M. le président. L'amendement n° 62, présenté par MM. Anziani et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel et Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. L’article 8 comporte une disposition qui nous paraît gênante. L’Assemblée nationale a en effet adopté un amendement visant à inscrire dans le code de procédure pénale une réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel, laquelle, par conséquent, s’impose au juge. Il n’est donc pas nécessaire de l’introduire dans la loi.
Toutefois, cet amendement ayant pour objet de supprimer totalement l’article 8, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 62 est retiré.
L'amendement n° 34, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
Le 10° de l'article 768 du même code est abrogé.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame le garde des sceaux, vous m’avez reproché de vouloir supprimer une disposition inspirée du rapport de M. Lamanda après m’être plainte de ce que ce projet loi n’avait pas suffisamment suivi les conclusions de son rapport. Je défends simplement tout ce qui me paraît aller dans le bon sens et le rapport Lamanda n’est pas pour moi un dogme qu’il faudrait suivre point par point ! Je n’ai pas vocation à soutenir toutes les propositions de M. Lamanda ! (L’oratrice s’esclaffe.)
La loi du 25 février 2008 a introduit, à l’article 768 du code de procédure pénale, l’inscription au casier judiciaire des jugements ou arrêts de déclaration d’irresponsabilité pénale.
L’amendement n° 34 a pour objet d’abroger purement et simplement cette disposition, quelles que soient, par ailleurs, les modalités prévues par l’article 8.
Nous nous étions déjà opposés à l’inscription au casier judiciaire des jugements ou arrêts de déclarations d’irresponsabilité pénale au cours du débat parlementaire sur le projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Nous avions, en effet, souligné qu’une telle inscription concerne les condamnations. Or la déclaration d’irresponsabilité pénale ne constitue pas une condamnation à l’encontre d’une personne reconnue atteinte de troubles mentaux. Cette inscription nous paraît donc porter atteinte à la conception même du casier judiciaire, à sa fonction initiale.
En 2006, dans son avis sur le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, la CNIL avait d’ailleurs considéré que les informations relatives à des troubles mentaux constituaient des données très sensibles relatives à la santé des individus. Il semble illégitime d’inscrire au casier judiciaire des informations relevant de la catégorie des données de santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. En ce qui concerne les personnes souffrant de troubles mentaux, on est toujours extrêmement partagés entre, d’une part, la volonté de reconnaître leur totale irresponsabilité et, d’autre part, la nécessité de protéger la société.
La disposition en question ne fait que prendre acte de la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel sur la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Article 8 bis AA (nouveau)
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° L’article 132-16-6 est abrogé ;
2° Après l’article 132-23, il est inséré une sous-section ainsi rédigée :
« Sous-section 6
« Des effets des condamnations prononcées par les juridictions pénales d'un État membre de l'Union européenne
« Art. 132-23-1. – Pour l’application des dispositions du présent code et des dispositions du code de procédure pénale, les condamnations prononcées par les juridictions pénales d'un État membre de l'Union européenne sont prises en compte dans les mêmes conditions que les condamnations prononcées par les juridictions pénales françaises et produisent les mêmes effets juridiques que ces condamnations.
« Art. 132-23-2. – Pour l’appréciation des effets juridiques des condamnations prononcées par les juridictions pénales d'un État membre de l'Union européenne, la qualification des faits est déterminée par rapport aux incriminations définies par la loi française et sont prises en compte les peines équivalentes aux peines prévues par la loi française. »
II. – Après l’article 735 du code de procédure pénale, il est inséré un article 735-1 ainsi rédigé :
« Art. 735-1. – En cas de condamnation à une peine d’emprisonnement prononcée par la juridiction pénale d'un État membre de l'Union européenne, la révocation du sursis simple ne peut être prononcée que par le tribunal correctionnel statuant sur requête du procureur de la République, selon les modalités prévues à l’article 711. »
III. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur le 1er juillet 2010.
Toutefois, les effets juridiques des condamnations prononcées par les juridictions pénales d'un État membre de l'Union européenne en matière de réhabilitation entrent en vigueur le 1er avril 2012.
M. le président. L'amendement n° 35, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous demandons la suppression de cet article par cohérence avec notre amendement de suppression d’une disposition de la loi du 25 février 2008.
L’article 8 bis AA est la transposition d’une décision-cadre européenne du 24 juillet 2008 qui prévoit que toutes les condamnations prononcées par les juridictions pénales d’un État membre de l’Union européenne auront les mêmes effets que les condamnations prononcées par les juridictions pénales françaises. En clair, on étend encore le champ d’application des dispositions relatives à la récidive, en prenant en compte les jugements de l’ensemble des pays de l’Union européenne, pour les décisions à venir comme pour celles qui ont déjà été prises.
Étant formellement opposés à ces dispositions, que nous n’acceptons pas à l’échelle nationale, nous ne saurions cautionner leur application à l’échelle européenne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Les dispositions en question vont effectivement bien au-delà de ce qui nous préoccupe aujourd’hui, à savoir des mesures propres à amoindrir le risque de récidive criminelle.
Il s’agit tout simplement de prolonger ce qui a été décidé en matière de reconnaissance des condamnations prononcées à l’étranger dans le cadre de la récidive légale, ce qui nous paraît aller dans le sens de l’unification européenne du droit.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. L’article 8 bis AA a pour objet de respecter nos engagements européens. Seule la mise en œuvre de la réhabilitation, qui pose un certain nombre de difficultés pratiques, sera différée.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 8 bis AA.
(L'article 8 bis AA est adopté.)
Article 8 bis A
L’observatoire indépendant, chargé de collecter et d’analyser les données statistiques relatives aux infractions, créé par l'article 7 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, publie, en outre, dans son rapport annuel et public, des données statistiques relatives à la durée d’incarcération des personnes condamnées à une peine d’emprisonnement ou de réclusion criminelle ainsi qu’aux aménagements de peine. – (Adopté.)
Article 8 bis
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article 706-54 est ainsi modifié :
a) Les mots : « condamnées pour » sont remplacés par les mots : « déclarées coupables de » ;
b) Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« Sont conservées dans les mêmes conditions les empreintes génétiques des personnes poursuivies pour l’une des infractions mentionnées à l’article 706-55 ayant fait l’objet d’une décision d’irresponsabilité pénale en application des articles 706-120, 706-125, 706-129, 706-133 ou 706-134. » ;
2° Le I de l’article 706-56 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après les mots : « par un agent de police judiciaire placé sous son contrôle » sont insérés les mots : « ou par un agent spécialisé, technicien ou ingénieur de police technique et scientifique placé sous son contrôle, » ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « pour un » sont remplacés par les mots : « déclarée coupable d’un » et il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« Il en va de même pour les personnes poursuivies pour un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement ayant fait l’objet d’une décision d’irresponsabilité pénale en application des articles 706-120, 706-125, 706-129, 706-133 ou 706-134. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 36 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
L'amendement n° 64 est présenté par MM. Anziani et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel et Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 36.
Mme Éliane Assassi. Comme nous l’avons dit à plusieurs reprises, tout texte vous semble manifestement propice pour élargir encore et toujours le fichage et la surveillance de nos concitoyens.
Le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, ou LOPSI 2, qui vient d’être examiné par l’Assemblée nationale, regorge de dispositions en ce sens, dont certaines se croisent d’ailleurs avec les dispositions du présent projet de loi, par exemple avec celles qui sont contenues dans cet article 8 bis.
Il aurait été surprenant que ce projet de loi échappât à cette frénésie de fichage : nouveau « répertoire », information de la police et de la gendarmerie sur les libérations, extension du FIJAIS et, pourquoi pas, extension du FNAEG, le fichier national automatisé des empreintes génétiques, objet de cet article 8 bis.
Cet article prévoit en effet l’inscription au FNAEG des personnes ayant fait l’objet d’une déclaration d’irresponsabilité pénale à la clôture de l’instruction ou après une déclaration de culpabilité, ainsi que des personnes déclarées coupables, mais dispensées de peine.
Or la déclaration d’irresponsabilité pénale ne constitue pas une condamnation. De plus, l’inscription des personnes faisant l’objet d’une telle déclaration participe de l’amalgame entre maladie mentale et délinquance, amalgame dont nous avons dénoncé les dérives.
Concernant les dispenses de peine, vous cherchez, avec cet article, à contourner la position de la Cour de cassation, qui a considéré qu’il ne s’agissait pas, là non plus, d’une condamnation et qui a donc refusé des inscriptions au FNAEG.
Ce fichier de police et de gendarmerie a été mis en place en 1998. Il visait des personnes condamnées pour des infractions à caractère sexuel ou particulièrement graves ou sur lesquelles pesaient des indices graves et concordants. Il a certes contribué à l’élucidation d’affaires importantes, mais le problème c’est que, à partir de 2001, il a fait l’objet d’extensions successives qui en altèrent la finalité et la fiabilité. Le rapport d’information Batho-Benisti analyse cette croissance rapide et les difficultés qu’elle a engendrées.
Désormais, la quasi-totalité des délits donne lieu à la prise d’empreintes génétiques. C’est ainsi que le faucheur volontaire ou le syndicaliste sont fichés comme l’est le grand délinquant sexuel.
En septembre 2009, on comptait 1 080 000 profils génétiques recensés : 263 000 pour condamnation et 817 000 pour mise en cause, les durées de conservation étant respectivement de 40 et de 25 ans. Il n’y a là rien de surprenant, d’ailleurs, étant donné le nombre de gardes à vue ! Où va-t-on s’arrêter ?
J’ajoute que les poursuites pour refus de prélèvement se sont multipliées, ce qui ne contribue pas à désengorger les tribunaux.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 8 bis.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l'amendement n° 64.
M. Jean-Pierre Michel. Pour des raisons identiques à celles qu’a exposées notre collègue Éliane Assassi, nous demandons la suppression de l’article 8 bis.
La liste des personnes pouvant être inscrites au FNAEG ne cesse de s’étendre. Là, les bornes sont dépassées puisqu’il est proposé d’inclure dans cette liste les personnes qui n’ont pas fait l’objet d’une condamnation, soit parce qu’elles ont été dispensées de peine, soit parce qu’elles ont été déclarées totalement irresponsables sur le plan pénal après expertise, décision assez rare.
Dans le premier cas, cela reviendrait à contourner la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation, laquelle estime que les personnes dispensées de peine ne peuvent faire l’objet d’une inscription au FNAEG.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Dans une jurisprudence récente, c’est vrai, la Cour de cassation a entendu le champ d’application du FNAEG de manière rigoureuse, estimant qu’une dispense de peine ne constituait pas une condamnation permettant l’inscription au fichier.
Comme l’a rappelé le rapporteur de l’Assemblée nationale, notre collègue Jean-Paul Garraud, l’intention du législateur, en retenant pour critère d’application du champ du FNAEG la notion de personnes « condamnées », était non pas d’exclure de ce fichier les personnes dispensées de peine, mais bel et bien d’y inclure toutes les personnes déclarées coupables, quelle qu’ait pu être la décision sur la peine.
La substitution, au premier alinéa de l’article 706–54 du code de procédure pénale, de la référence aux personnes « déclarées coupables » d’une infraction à celle des personnes « condamnées » pour cette infraction permet de lever cette ambiguïté.
Je tiens à rappeler que, à la différence de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la jurisprudence de la Cour de cassation ne s’impose pas au législateur. D’ailleurs, notre collègue Jean-Paul Garraud, dont je partage l’opinion en l’espèce, a qualifié l’interprétation de la chambre criminelle de contra legem.
En l’occurrence, le législateur ne fait que préciser ce qu’était sa véritable intention.
Aussi la commission émet-elle un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Le fait qu’une personne ait été dispensée de peine ne change rien au fait qu’elle a réellement commis l’infraction qui lui est reprochée. C’est pourquoi doivent être inscrites au FNAEG toutes les personnes déclarées coupables de l’une des infractions énumérées à l’article 706-55 du code de procédure pénale, quelle qu’ait pu être la décision sur la peine.
Notre préoccupation est de prévenir la récidive, et cette inscription est une mesure de protection.
Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.
Mme Virginie Klès. Bien que mon entrée dans la vie politique soit encore assez récente, je crois me rappeler que, au moment de la création du FNAEG, il avait été affirmé haut et fort que les inscriptions à ce fichier seraient exceptionnelles et ne viseraient que les personnes s’étant rendues coupables de faits extrêmement graves.
Or force est de constater que les critères d’inscription à ce fichier se sont aujourd'hui complètement banalisés, et je me demande quel est le but poursuivi.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 36 et 64.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 92 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :
Alinéas 3, 8 et 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Madame le ministre d’État, monsieur le rapporteur, je me vois contrainte de revenir sur les arguments que vous avez avancés. En effet, si nous demandons la suppression des alinéas 3, 8 et 9 de l’article 8 bis, c’est parce qu’ils contreviennent à la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation.
Celle-ci, en effet, dans un arrêt rendu le 9 avril 2008, a fait une lecture stricte de l’article 706–54 du code de procédure pénale : la personne doit être « condamnée » pour une des infractions citées, et non uniquement être « reconnue coupable », comme le veut le principe d’interprétation stricte du droit pénal. Autrement dit, dans les quelques hypothèses où une personne est reconnue coupable d’une de ces infractions mais n’est pas « condamnée », elle ne commet pas le délit de refus de prélèvement si elle refuse celui-ci. Cet arrêt a ainsi considéré que la dispense de peine ne constituait pas une condamnation.
Dans un autre arrêt, rendu le 12 décembre 2007, la Cour de cassation avait suivi le même raisonnement avec une mesure éducative prise à l’encontre d’un mineur par le tribunal pour enfants.
Dans les deux cas, la décision de relaxe des cours d’appel fut confirmée.
Une condamnation suppose une peine et/ou une réparation. Le droit pénal est d’interprétation stricte. Il ne peut y avoir d’analogie en défaveur du condamné. Or cet article 8 bis introduit précisément une analogie qui va à l’encontre de la philosophie de la dispense de peine
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je ne conteste aucunement que notre volonté, sur ce point, est de faire échec à la jurisprudence de la chambre criminelle de la cour de cassation. Sans doute la rédaction de l’article 706-54 n’était-elle pas assez précise. D’ailleurs, je concède que mon « accusation » d’interprétation contra legem à l’encontre de la Cour de cassation n’est peut-être pas tout à fait justifiée.
Toujours est-il que le législateur affirme désormais clairement que c’est bien la notion de culpabilité qui doit être prise en compte, et non la notion de peine. La chambre criminelle de la Cour de cassation ne pourra qu’en prendre acte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Je ne vais pas me lancer dans un cours sur la hiérarchie des normes, mais je rappelle que le législateur exerce pleinement sa responsabilité quand il fixe des règles, quand bien même celles-ci font échec à la jurisprudence.
L’inscription ou non au FNAEG doit être déterminée par la seule nature de l’acte commis, peu importe que l’auteur de celui-ci ait été dispensé de peine ou ait été déclaré irresponsable.
La réalité est malheureusement faite de drames, et dès lors que le risque de récidive d’une personne est avéré, il est bien normal de tout mettre en œuvre pour protéger d’éventuelles futures victimes en ayant une connaissance aussi précise que possible de son profil.
Le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 8 bis.
(L'article 8 bis est adopté.)
Article 8 ter
(Non modifié)
Les dispositions du code de procédure pénale relatives à la surveillance judiciaire et à la surveillance de sûreté dans leur rédaction résultant des chapitres Ier, Ier bis et Ier ter de la présente loi sont immédiatement applicables après la publication de la présente loi.
Il en est de même de celles précisant les modalités d’exécution de la peine de suivi socio-judiciaire ou d’une libération conditionnelle.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 37 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
L'amendement n° 65 est présenté par MM. Anziani et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel et Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 37.