Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Même si ce texte n’est pas baptisé « loi anticasseurs », ni même « loi antibandes », puisqu’il est moins questions de casseurs que de bandes, cela revient à peu près au même.
En effet, ce projet de loi permet de considérer comme potentiellement coupables des individus qui auraient prétendument l’intention de commettre des actes de délinquance, parce qu’ils seraient censés appartenir à des bandes. Il va de soi qu’une telle situation est, d’une part, très préjudiciable, d’autre part, peu conforme à la justice qui doit juger uniquement des actes.
Nous ne pouvons nous contenter de discuter de cette question de façon théorique. Sans faire de rappel historique, je soulignerai que les phénomènes de violences et de bandes sont très anciens et coïncident souvent avec des périodes de crise, qu’elles soient sociales, économiques, etc. Il faudrait tout de même s’interroger sur la récurrence de ces phénomènes en fonction du contexte et de la situation.
Examinons les implications concrètes de tels textes. Quand des jeunes gens de bonne famille se retrouvent en garde à vue, leurs parents sont ahuris et ne comprennent pas ce qui se passe. Ils s’étonnent que la police et la justice d’un grand pays démocratique s’en prennent à leurs enfants, lycéens et étudiants, et ils se tournent vers les parlementaires…
Je ne reviens pas sur le débat qui vient d’avoir lieu, mais c’est pourtant de cela qu’il est question. On s’aperçoit que des jeunes bien comme il faut, parce qu’ils ont participé à une manifestation et se sont trouvés à l’endroit où d’autres ont jeté des canettes de bière – en général vides – sur les forces de l’ordre, se voient placés en garde à vue et passent en jugement. Certes, ils ne se voient infliger que des peines avec sursis ou sont relaxés. Il n’en reste pas moins que de telles situations existent.
Cela démontre que vous voulez toujours aller plus loin avec ce genre de dispositions et légaliser les interpellations, les gardes à vue et les peines à l’encontre des jeunes et des manifestants. Il est même arrivé que des syndicalistes se soient retrouvés en garde à vue et fouillés à corps au motif qu’ils avaient occupé le local de leur direction. Sans doute avait-on constaté quelques dégradations, mais tous n’avaient pas commis d’actes délictueux.
Je sais que le Gouvernement aime les lois de circonstance, mais le législateur se doit de réfléchir aux conséquences des textes qu’il vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. L’article 1er pose de nombreux problèmes. Il n’est qu’à lire le rapport de la commission des lois rédigé à l’occasion de l’examen de ce texte en première lecture pour en avoir la preuve et mesurer les difficultés d'application des dispositions prévues. Il s’agit en fait d’intervenir très en amont, sinon cela n’a aucun sens.
Le Gouvernement comme la commission sont assez flous sur la nature des faits matériels qui pourraient être retenus. M. le rapporteur a évoqué les blogs : voilà qui risque de faire débat ! C’est bien le signe que ce projet de loi peut être le prétexte à bien des dérives.
La justification juridique apportée par la commission, c’est l’« infraction-obstacle », l'article 1er « s’inscrivant dans un mouvement contemporain du droit pénal tendant à pénaliser, en amont de la commission d’infractions, les comportements menaçants susceptibles de déboucher sur des atteintes aux personnes ou aux biens ».
« Même lorsque le fait matériel constitutif de l’infraction est extrêmement ténu, le principe selon lequel un acte matériel est nécessaire ne souffre aucune exception.
« Néanmoins, dans un souci de prévention, certains comportements sont incriminés en l’absence de tout résultat. Tel est notamment le cas des "infractions-obstacles", que l’on peut définir comme "un comportement dangereux susceptible de produire un résultat dommageable" [...] Leur but est de permettre d’incriminer, en tant qu’infractions autonomes, des comportements qui sont en réalité des actes préparatoires à la commission d’infractions plus graves, et qu’il n’est pas possible de réprimer au titre de la tentative.
« Parmi ces infractions-obstacles, on peut citer le complot, les menaces d’atteintes aux personnes ou aux biens, la participation à un attroupement, la conduite sous l’empire d’un état alcoolique... »
Monsieur le secrétaire d'État, vous êtes un démocrate, je n’ai aucun doute là-dessus, mais imaginez ce texte entre d’autres mains.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Jacques Mézard. On pourra faire n’importe quoi ! Nous sommes là pour le dénoncer ! (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Élections régionales obligent, le Gouvernement sort tous azimuts à l'Assemblée nationale et au Sénat des textes sur la sécurité publique. Vous affirmez que la délinquance diminue, alors même que l’Observatoire national de la délinquance constate qu’elle augmente et que les actes de violence sont en hausse. Il est vrai que l’état 4001 n’est pas un bon thermomètre, dans la mesure où il recense des délits de nature très différente. Nous sommes bien d’accord sur ce point.
Et finalement tout le monde s’y met ! Valérie Pécresse affirme qu’en Île-de-France, où elle est candidate, les vols avec violence ou à la tire ont crû de 19 % dans les tramways et les bus, rien qu’au premier semestre de 2009. Elle incrimine le Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, placé sous l’autorité de la gauche depuis trois ans seulement. De toute façon, la région n’a pas la compétence première en matière de sécurité, même dans les tramways et les bus.
Il suffit d’un fait divers pour qu’on légifère… Ainsi, ce texte est né d’un événement survenu en Seine-Saint-Denis : à Gagny, une intrusion violente a eu lieu dans l’enceinte d’un collège, une bande pénétrant au sein de l’établissement pour agresser certains élèves.
Mais imaginons ce qui risque d’arriver avec ce texte : à la sortie d’un match de football, un groupe prend d’assaut un autobus et se livre à des destructions et dégradations de biens, provoquant l’intervention de la police. Quelques individus qui n’ont pas assisté au match sont présents par hasard sur les lieux. Dès lors qu’il s’agira d’une action collective pouvant être grave, tout le monde sera raflé et mis en cause par les forces de l’ordre, y compris les passants et les voyageurs de l’autobus.
Si l’existence de preuves matérielles, sur un blog par exemple, concernant des faits tangibles, permet, en effet, de démontrer une préparation de violences, laquelle doit être sanctionnée, je ne comprends pas qu’on puisse procéder ainsi à une intervention globale. Cela me paraît même aller à l’encontre du but poursuivi.
Dans la commune de Neuilly-sur-Marne, dont je suis le maire, nous avons décidé, à la suite d’un problème lié à une rencontre de football, de charger des éducateurs d’encadrer les jeunes, ce qui me paraît une bonne chose.
Si une intervention de la police a lieu, comment délimiter la frontière entre celui qui a l’intention de commettre un délit et celui qui veut s’interposer ?
Nous rejoignons là la question qui a été soulevée hier à propos de l’adolescente de quatorze ans…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas le sujet !
M. Jacques Mahéas. … qui a été conduite au commissariat de police, apparemment menottée. Alors qu’elle avait simplement voulu s’interposer dans une bagarre, semble-t-il, elle a tout de même été mise en cause en responsabilité première. Soit dit au passage, un jeune de cet âge peut être extrêmement choqué par une telle méthode.
Pour toutes ces raisons, je souhaite que cet article 1er disparaisse de la présente proposition de loi.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Lors de la première lecture, vous aviez admis que la commission avait amélioré le texte.
M. Jean-Pierre Sueur. Je l’ai dit !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non, vous ne le dites pas !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous l’avons dit !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Peut-être, mais vous venez de tenir un propos exactement contraire !
Mme Éliane Assassi. Nous ne sommes pas satisfaits !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En fait, mes chers collègues, vous devriez vous féliciter qu’en deuxième lecture l’Assemblée nationale ait suivi le Sénat.
En effet, les députés n’ont pas apporté de modification majeure à l’article 222-14-2 par rapport à la rédaction du Sénat, hormis celle consistant à substituer les mots « présente loi » aux mots « renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public ».
La comparaison que vous établissez avec la loi dite « anticasseurs » de 1970 ne me paraît pas du tout pertinente et me surprend quelque peu. C’est comme si vous disiez qu’il convient d’attendre que le conducteur en état d’ivresse ait provoqué un accident pour l’arrêter.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas du tout ce que nous disons ! Pourquoi la comparaison avec la loi anticasseurs n’est-elle pas pertinente ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La loi anticasseurs visait une responsabilité collective ; dans le présent texte, il s’agit d’une responsabilité individuelle.
M. Jean-Pierre Sueur. Mais non, ce n’est pas cela !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur Sueur, répéter les choses n’en fait pas des vérités, sinon cela se saurait depuis longtemps ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. C’est ma conviction !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En l’occurrence, nous ne sommes pas dans le domaine des convictions, nous faisons du droit ! C’est différent !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est le Conseil constitutionnel qui tranchera !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je ne suis pas inquiet quant à la décision du Conseil constitutionnel sur un tel sujet.
M. Jean-Pierre Sueur. On verra !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je veux néanmoins rappeler un fait qui s’est produit voilà quelques mois et qui montre l’importance des moyens modernes de communication. Deux bandes de jeunes de deux communes de Seine-et-Marne, qui avaient décidé d’aller s’affronter au forum des Halles, avaient tout organisé.
M. Jean-Pierre Sueur. L’incrimination d’association de malfaiteurs existe déjà !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ces jeunes ont communiqué entre eux, notamment par SMS, et préparé leurs armes. Heureusement, la police les a arrêtés avant qu’ils ne se battent.
Et vous, vous estimez qu’elle ne devait pas intervenir et qu’il ne faut surtout pas condamner ces jeunes, puisqu’ils n’ont rien fait… Encourageons-les donc à recommencer ! (M. Jean-Pierre Sueur proteste.)
Je sais que je ne vais pas convaincre M. Sueur !
M. Pierre Fauchon. Votre espérance de vie est trop courte ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Donc, j’y renonce !
M. Jean-Pierre Sueur. Contrairement à M. Fauchon, je vous souhaite longue vie, monsieur le président de la commission ! J’espère que nous aurons longtemps l’occasion de débattre ensemble !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Certes, monsieur Sueur, mais je pense qu’à un moment nous cesserons de siéger sur ces travées, ce qui ne nous empêchera pas de débattre hors de cette enceinte…
M. Jean-Pierre Sueur. Avec plaisir !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques n° 1 du groupe socialiste et n° 7 du groupe CRC-SPG, tendant à supprimer l’article 1er.
J‘ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 151 :
Nombre de votants | 334 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l’adoption | 151 |
Contre | 181 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 1er.
M. Jean-Pierre Sueur. Le groupe socialiste vote contre !
(L'article 1er est adopté.)
Article 2 bis
(Non modifié)
Après l’article 11-4 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité, sont insérés trois articles 11-5, 11-6 et 11-7 ainsi rédigés :
« Art. 11-5. – Les propriétaires, exploitants ou affectataires d’immeubles ou groupes d’immeubles collectifs à usage d’habitation peuvent constituer une personne morale dont l’objet est l’exercice, pour le compte de ses membres, de l’activité mentionnée au 1° de l’article 1er, dans les conditions prévues par l’article L. 127-1 du code de la construction et de l’habitation.
« Les agents de cette personne morale peuvent être nominativement autorisés par l’autorité préfectorale à porter une arme de sixième catégorie dans l’exercice de leurs missions, lorsque les immeubles ou groupes d’immeubles collectifs à usage d’habitation dans lesquels ils assurent les fonctions de gardiennage ou de surveillance sont particulièrement exposés à des risques d’agression sur les personnes.
« Un décret en Conseil d’État précise les types d’armes de sixième catégorie susceptibles d’être autorisés, leurs conditions d’acquisition et de conservation par la personne morale, les modalités selon lesquelles cette dernière les remet à ses agents, les conditions dans lesquelles ces armes sont portées pendant l’exercice des fonctions de gardiennage ou de surveillance et remisées en dehors de l’exercice de ces fonctions, les modalités d’agrément des personnes dispensant la formation à ces agents ainsi que le contenu de cette formation.
« Art. 11-6. – Les personnes qui ont fait l’objet d’une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent, ne peuvent exercer les fonctions prévues à l’article 11-5. Il en va de même :
« 1° Si l’agent a fait l’objet d’un arrêté d’expulsion non abrogé ou d’une interdiction du territoire français non entièrement exécutée ;
« 2° S’il a commis des actes, éventuellement mentionnés dans les traitements automatisés et autorisés de données personnelles gérés par les autorités de police, contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l’État.
« L’embauche d’un agent par la personne morale prévue à l’article 11-5 est subordonnée à la transmission par le représentant de l’État dans le département de ses observations relatives aux obligations mentionnées aux trois premiers alinéas du présent article.
« Art. 11-7. – (Non modifié) »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par MM. Sueur et C. Gautier, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 8 est présenté par Mmes Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour défendre l’amendement n° 2.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d’État, le caractère tout à fait inopportun de l’article 2 bis vous aura frappé à la première lecture.
Vous qui connaissez très bien les réalités de la vie urbaine dans notre pays, pensez-vous qu’il soit opportun de doter d’une arme de sixième catégorie les salariés des organismes chargés du logement social, ainsi que les agents des sociétés auxquelles les organismes chargés du logement social font ou feraient appel ?
Vous serez d’accord avec moi pour considérer que le fait de doter ces personnes d’une arme de sixième catégorie n’est propice ni à leur propre sécurité, ni à celle des habitants, ni à celle de qui que ce soit.
Je vous propose – et vous souscrirez sans nul doute à ma proposition très simple – que la police fasse son travail et que les personnels des organismes de logement social effectuent le leur.
Si vous n’étiez pas convaincu par ce seul argument, en voici un second : estimez-vous logique que le port d’arme de sixième catégorie soit autorisé aux agents des sociétés employées par les organismes chargés du logement social et qu’il soit refusé au personnel des activités privées de sécurité qui exercent le transport de fonds s’il existe un dispositif de destruction des billets et si les fonds sont transportés dans des véhicules banalisés, ou encore aux agents exerçant des activités de protection de l’intégrité physique de personnes, métiers autrement plus exposés aux agressions ?
Vous le voyez, dans votre prurit sécuritaire, vous en arrivez à de grandes contradictions ! Tout ce que je viens de dire est écrit, noir sur blanc, dans l’article 10 de la loi n° 83-629 tendant à réglementer l'exercice de la profession de directeur ou de gérant de sociétés de surveillance, de sécurité ou de gardiennage.
Si vous ne dotez pas les transporteurs de fonds dans un certain nombre de circonstances d’une arme de sixième catégorie – au demeurant, elle n’est pas toujours d’une grande efficacité ! –, pourquoi vous obstinez-vous à en équiper les personnels des sociétés dépendant des organismes de logement social ?
Y aurait-il un impératif kantien – mais ce serait faire injure au grand philosophe qu’est Emmanuel Kant que de le penser – …
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ne mêlez pas Kant à cette sauce !
M. Jean-Pierre Sueur. … en vertu duquel cette loi devrait absolument être votée en ce mois de février 2010 ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est là le problème !
M. Jean-Pierre Sueur. Je n’arrive pas à comprendre ni même à concevoir, monsieur le secrétaire d’État, votre position sur ce point et je vois mal comment vous pourriez soutenir cet article.
M. Jean-Pierre Sueur. Je me réjouis à l’avance de vous voir soutenir cet amendement n° 2 que j’ai eu l’honneur de présenter.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 8.
Mme Éliane Assassi. Vous l’aurez compris, nous sommes opposés à cet article 2 bis.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas à cause de Kant ?
Mme Éliane Assassi. Non, au contraire, c’est un auteur que j’apprécie.
M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez raison !
Mme Éliane Assassi. Merci, monsieur Sueur.
En effet, par cet article, vous laissez supposer que les bandes violentes agissent toutes dans des immeubles. C’est faire un rapprochement facile entre les quartiers populaires et la délinquance ! De la sorte, on stigmatise encore un peu plus les jeunes de ces quartiers.
Cette disposition est irresponsable. Même si vous mettez en place différentes mesures réglementant l’acquisition, la conservation, l’usage ou la formation de la personne pouvant utiliser ces armes, les risques resteront grands. Rien n’est dit, en outre, concernant l’encadrement de ces personnes.
En réalité, vous créez une police privée qui pourra se doter d’armes de sixième catégorie, c’est-à-dire, pour être précise, de bombes lacrymogènes, de poings américains, de matraques, de couteaux, bref, d’un véritable arsenal !
Cette disposition s’inscrit dans votre logique qui consiste à ouvrir de plus en plus les missions de service public au secteur privé. Or la sécurité des citoyens doit rester l’apanage de la seule puissance publique.
Pour ces raisons et bien d’autres, nous sommes farouchement opposés à cette mesure.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Nous nous sommes déjà expliqués sur cet amendement en première lecture.
Il existe une loi, votée le 12 juillet 1983, qui réglemente les activités des sociétés de gardiennage. Cette loi autorise les agents de sécurité ou de gardiennage à utiliser une arme dans les conditions prévues par décret.
Le texte proposé est beaucoup plus précis, puisque le dispositif se limite aux armes de sixième catégorie.
Madame Assassi, pour répondre à votre objection, je vous ferai remarquer, d’abord, que, grâce à un amendement proposé au Sénat par la commission des lois en première lecture, il est précisé dans le texte qu’il s’agit non pas de n’importe quel immeuble mais des immeubles particulièrement exposés à des risques d’agression.
Ensuite, le décret devra préciser que seules les matraques de type « tonfa » peuvent être utilisées. Par ailleurs, l’utilisation des armes sera soumise à autorisation, laquelle ne sera qu’une possibilité. Enfin, ce ne sont pas les gardiens d’immeubles qui porteront ces armes de sixième catégorie mais les agents de sécurité des sociétés constituées, et elles ne seront utilisables qu’en cas de légitime défense.
Nous avons ainsi encadré dans tous les domaines l’utilisation de cette arme de sixième catégorie.
C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. J’ai pour principe assertorique de ne pas m’engager ce soir dans la critique de la raison pure ! (Sourires.) Je rejoins donc l’avis de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur. Mais il y a aussi la critique de la raison pratique, monsieur le secrétaire d’État !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 8.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par MM. Sueur et C. Gautier, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
L'autorisation mentionnée à l'alinéa précédent ne peut faire l'objet d'aucune délégation.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement est très simple.
Son initiative revient à notre collègue Alima Boumediene-Thiery. Il s’agit d’un amendement de bon sens et j’espère, madame la présidente, qu’il sera retenu.
Puisque nous n’avons pas pu empêcher l’autorisation du port d’arme, en dépit de nos arguments frappants – si je puis dire…–, cet amendement a pour objet de préciser que non seulement cette autorisation est nominative mais qu’elle ne peut faire l’objet d’aucune délégation.
La question du port d’arme est très délicate. Lorsqu’une personne dispose d’une autorisation de port d’arme, c’est elle qui en est titulaire. Par conséquent, cette autorisation ne peut être déléguée par cette personne à une autre personne. Qui pourrait soutenir l’inverse ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n’en est pas question ! On vous l’a expliqué en commission !
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement se défend de lui-même. Je n’en dirai donc pas plus.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Il existe deux interprétations possibles de votre amendement, monsieur Sueur.
D’une part, s’il s’agit de préciser que le préfet ne peut déléguer l’autorisation de port d’arme, la précision n’est pas utile. En effet, l’autorisation de port d’arme relève du pouvoir de police administrative et la désignation est nominative. À ce titre, l’amendement n’a pas lieu d’être.
D’autre part, s’il s’agit de préciser que la personne qui est autorisée à porter une arme ne peut déléguer elle-même cette autorisation, la précision est à l’évidence également inutile puisqu’une telle possibilité violerait toutes les règles de droit que nous connaissons. L’autorisation étant nominative, une telle délégation est impossible.
Les deux interprétations de votre amendement ne débouchent sur rien. Le texte ne justifie pas la crainte que vous avez évoquée à deux reprises.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. Pierre Fauchon. Temps perdu, monsieur Sueur !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2 bis.
(L'article 2 bis est adopté.)
Article 4
(Suppression maintenue)
Article 4 bis
(Non modifié)
Après l’article L. 126-1 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un article L. 126-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 126-1-1. – Lorsque des événements ou des situations susceptibles de nécessiter l’intervention des services de la police ou de la gendarmerie nationales ou, le cas échéant, des agents de la police municipale se produisent dans les parties communes des immeubles collectifs à usage d’habitation, les propriétaires ou exploitants de ces immeubles ou leurs représentants peuvent rendre ces services ou ces agents destinataires des images des systèmes de vidéosurveillance qu’ils mettent en œuvre dans ces parties communes.
« La transmission de ces images relève de la seule initiative des propriétaires ou exploitants d’immeubles collectifs d’habitation ou de leurs représentants. Elle s’effectue en temps réel et est strictement limitée au temps nécessaire à l’intervention des services de police ou de gendarmerie nationales ou, le cas échéant, des agents de la police municipale.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 4 est présenté par MM. Sueur et C. Gautier, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 9 est présenté par Mmes Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour défendre l’amendement n° 4.
M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agit de la vidéosurveillance et de la possibilité, pour les propriétaires ou exploitants des immeubles collectifs à usage d’habitation, de rendre destinataires les services de la police, de la gendarmerie nationale ou, le cas échéant, de la police municipale des images des systèmes de vidéosurveillance qu’ils mettent en œuvre dans les parties communes de ces immeubles.
Cela pose des problèmes de droit non négligeables.
Pour ne pas allonger le débat, conformément aux vœux de M. Fauchon, que j’écoute toujours avec intérêt,…
M. Pierre Fauchon. Admirable formule ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. … je m’en tiendrai à un point sur lequel j’espère obtenir une réponse précise de M. le secrétaire d’État, plutôt laconique cet après-midi.