Mme Annie David, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de me féliciter du large débat que cette proposition de loi a suscité au sein de la commission des affaires sociales, débat qui, je l’espère, resurgira ce matin en séance publique. En effet, l’intérêt que nous portons à la question de l’indemnisation des victimes d’accidents du travail, même si nos approches divergent, mérite et, surtout, nécessite d’être rendu public et d’avoir lieu dans cet hémicycle.
Avant d’aborder le contenu de cette proposition de loi, permettez-moi de revenir un instant sur l’origine de l’indemnisation des victimes d’accidents du travail, dont il va être question à présent.
C’est en 1898, après dix-huit ans de débats parlementaires, qu’est adoptée la première loi en la matière. Ainsi, le régime de l’indemnisation des accidents du travail est passé d’une responsabilité individuelle de l’employeur pour faute à une présomption d’imputabilité du fait du risque encouru par le travailleur.
C’est donc d’abord une injustice, l’injustice tenant à la quasi-impossibilité de prouver la faute de l’employeur, qu’est venue corriger la loi de 1898. Mais cette dernière a aussi opéré une évolution fondamentale : la mutualisation du risque social et la reconnaissance de droits inconditionnels pour les salariés, répondant ainsi à une insécurité sociale des travailleurs, dont on disait alors qu’ils vivaient « au jour la journée », du fait qu’ils louaient leur force de travail à la journée et travaillaient dans des conditions extrêmement difficiles.
Mais ce compromis historique a eu pour conséquence l’indemnisation forfaitaire du préjudice subi. Ce système d’indemnisation n’a pas évolué depuis, bien que d’autres lois aient suivi ce texte emblématique, poursuivant toutes le même objectif : réduire cette insécurité sociale. Ces lois ont abouti à la création de notre sécurité sociale, fondée elle aussi sur la mutualisation des risques sociaux, qui accorde également de nouveaux droits inconditionnels aux salariés.
Or nous assistons, il faut le reconnaître, à un effritement, à une fragilisation de notre système social, qui glisse vers d’autres formes de protection répondant à une logique de contrepartie plutôt que de droits inconditionnels.
C’est la raison pour laquelle, après le vote du projet de loi de finances pour 2010, en décembre dernier, le groupe CRC-SPG a souhaité déposer cette proposition de loi dont l’objectif est triple : abroger la fiscalisation des indemnités journalières d’accidents du travail adoptée par le Parlement ; améliorer le montant des indemnisations servies en cas d’accident du travail ; enfin, soumettre à l’impôt sur les sociétés, dont elles sont aujourd’hui exonérées, les cotisations patronales AT-MP, en vue de favoriser la prévention des accidents.
Il me paraît important de rappeler le déroulement des événements qui ont permis de concrétiser cette fiscalisation.
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010, le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Gilles Carrez, soutenu par le Gouvernement, a pris l’initiative de modifier le régime fiscal des indemnités journalières perçues par les victimes d’accidents du travail, considérant que ces indemnités journalières devaient s’entendre comme un revenu de substitution.
Néanmoins, après débat, l’Assemblée nationale a ajusté sa mesure pour fiscaliser la seule part des indemnités journalières qu’elle jugeait correspondre au revenu de remplacement et non celle qui est destinée à compenser le préjudice subi par la victime.
Ainsi, puisque l’assurance maladie verse, à titre d’indemnité journalière, 50 % du salaire antérieur, le supplément servi par la branche AT-MP correspondrait à l’indemnisation du préjudice subi par le travailleur victime d’un accident.
Ce raisonnement aboutit à considérer que l’indemnisation du préjudice ne correspond qu’à 10 % du salaire pendant les vingt-huit premiers jours de l’arrêt et à 30 % au-delà, ce qui ne constitue pas, selon moi, une prise en compte acceptable du préjudice réel.
La commission des finances du Sénat, saisie à son tour du texte, a proposé, pour des raisons techniques, le principe d’une fiscalisation de 50 % de l’indemnité versée. C’est cette solution qui a été votée par la Haute Assemblée, puis retenue par la commission mixte paritaire. Certes, cette formule aura pour conséquence une moindre imposition des victimes – à hauteur de 40 millions d’euros –, mais elle ne me paraît pas meilleure.
Au-delà même de l’amputation de revenu qui en résultera, quoi qu’il en soit, pour les victimes, cette fiscalisation marque une nouvelle étape dans la mutation de notre rapport au travail, mutation que je crois lourde de périls.
En effet, la fiscalisation accrédite l’idée que l’indemnité journalière est une mesure de maintien du revenu, et non plus l’indemnisation d’un préjudice. J’en veux pour preuve que les rentes et indemnités versées aux victimes de dommages autres que professionnels ne sont pas imposables ! En affirmant que les indemnités journalières, par opposition aux rentes, constituent non pas une compensation mais un revenu, on affirme que le risque fait partie du travail du salarié et que ce dernier doit l’assumer tant que le dommage causé n’est pas irrémédiable. Cela revient à dénier le statut de victimes aux accidentés du travail !
Qui plus est, cette évolution remet en cause le fondement même de la loi du 9 avril 1898, qui avait alors remplacé la notion de responsabilité par celle de risque, dans un double intérêt : d’une part, celui des salariés, qui bénéficient d’une présomption d’imputabilité de l’accident au travail ; d’autre part, celui des employeurs, qui bénéficient de la possibilité de s’assurer collectivement contre le risque lié aux accidents et qui, par ailleurs, versent des compensations d’un niveau moins élevé, puisque le préjudice subi est réparé forfaitairement.
Par ailleurs, il est logique que seul l’employeur cotise au régime AT-MP, puisque c’est lui qui fait assumer un risque au salarié.
Fiscaliser les indemnités journalières revient, à mon sens, à reporter une part du risque sur le salarié. C’est oublier le lien de subordination qui le lie à son employeur.
Cette évolution n’est pas acceptable dans la mesure où elle ne fait qu’accentuer l’érosion progressive des droits des salariés. Selon certains sociologues, notre époque se caractérise par une mutation de notre rapport au travail, qui passe d’un modèle « taylorien » à un modèle fondé sur l’individualisation et l’auto-organisation du travail en vue d’objectifs inatteignables, tout cela sous couvert d’une prétendue autonomie que les salariés ne peuvent obtenir...
Cela aboutit à faire peser sur les salariés la responsabilité de s’auto-organiser et donc d’être adaptables, réactifs et disposés à prendre des risques.
Cette incitation à la prise de risque, au moment même où les formes collectives de travail disparaissent, aboutit nécessairement à des accidents et à une augmentation du mal-être au travail, phénomène sur lequel se penche par ailleurs la mission d’information que la commission des affaires sociales a constituée.
Cette fiscalisation revient aussi sur l’inconditionnalité des droits sociaux, au profit d’une logique de contrepartie.
En effet, la fiscalisation des indemnités journalières participe de la transformation, depuis le milieu des années soixante-dix, des droits inconditionnels reconnus aux salariés – ici, l’indemnisation du préjudice subi à l’occasion du travail – en aides conditionnelles, comme l’est le revenu de solidarité active, par exemple. La logique marchande de la contrepartie est ainsi insensiblement réintroduite dans le cadre de l’État providence, et altère sa nature.
La notion de subordination elle-même, intégrée au droit afin de permettre l’application de la loi du 9 avril 1898 qui nécessitait la caractérisation de la relation de salariat, se trouve amoindrie par cette augmentation des devoirs pesant sur les salariés.
Telles sont les raisons pour lesquelles il me paraît important de revenir sur la disposition adoptée en loi de finances. Cette décision me paraît d’autant plus facile à prendre que la fiscalisation partielle des indemnités journalières n’a qu’une portée symbolique pour les finances publiques : la recette fiscale attendue est de l’ordre de 135 millions d’euros seulement. Au regard du montant total des recettes fiscales – quelque 50 milliards d’euros – ou de celui des niches fiscales accordées à certains de nos concitoyens – 500 millions d’euros –, on mesure la goutte d’eau que représente cette fiscalisation...
Au-delà de cette mesure, la proposition de loi tend à aller plus loin que le simple retour à l’état antérieur du droit. Ses auteurs estiment en effet que, contrairement à une image trop souvent véhiculée par la presse, les victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles sont moins bien indemnisées que les autres, et qu’il convient de mettre un terme à cette situation.
Je l’ai dit, l’indemnisation forfaitaire faisait partie du compromis de la loi du 9 avril 1898. C’était, à l’époque, une grande avancée sociale. Mais l’évolution du droit, depuis cent dix ans, fait que, aujourd’hui, le régime AT-MP indemnise moins bien.
Ainsi, d’autres lois, dont celle du 5 juillet 1985 relative aux victimes d’accidents de la route, ont prévu une réparation intégrale du préjudice. Cela aboutit au paradoxe qu’un accident de la route sera indemnisé intégralement et qu’un accident se produisant sur le trajet du domicile au lieu de travail le sera forfaitairement, alors que les préjudices peuvent être les mêmes.
Par ailleurs, les critères de mise en cause de la responsabilité civile ont été progressivement assouplis. À la suite du drame de l’amiante, la Cour de cassation a jugé, en 2002, que l’employeur avait « une obligation de sécurité de résultat », le manquement à cette obligation présentant « le caractère d’une faute inexcusable ». Dès lors, une réparation intégrale est possible pour la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, à condition de se tourner vers les tribunaux pour engager la responsabilité civile de l’employeur. Cela reste néanmoins une procédure longue et douloureuse pour les victimes.
Mais la cohérence, autant que la justice, voudrait que l’on abandonne l’indemnisation forfaitaire pour passer à une indemnisation intégrale du préjudice. De nombreux rapports ont été écrits sur cette question depuis 1991, mais les partenaires sociaux n’ont pas retenu l’indemnisation intégrale, en raison de son coût. Il semble pourtant aux auteurs de la proposition de loi que l’argument budgétaire vise à détourner le débat de son objet véritable, la réparation intégrale, les coûts relevant d’un choix politique qu’il convient d’assumer.
Cette réparation intégrale devrait aussi couvrir le préjudice moral subi par la famille. Le coût de cette mesure a été évalué par le rapport Laroque de 2004 à 3 milliards d’euros. Rapporté au budget de la branche AT-MP, soit environ 10 milliards d’euros, ce montant n’est évidemment pas négligeable; je ferai néanmoins observer que, en l’absence de prise en charge de certains préjudices par la branche, ce sont les départements qui sont amenés à payer au titre des prestations compensatrices du handicap.
Sont donc supportés par la collectivité nationale des coûts qui, dans le cadre d’un contentieux de la responsabilité civile, relèveraient de l’employeur. Il s’agit là d’une charge que l’ensemble des citoyens n’a pas à assumer, ni les départements à budgéter, car elle ne relève pas, par nature, de la solidarité nationale.
Dans le même souci, les auteurs de la proposition de loi souhaitent que le calcul des rentes se fasse à partir du taux réel d’incapacité, en supprimant la référence actuelle au taux minimal d’incapacité de 10 %, au-dessous duquel aucune rente n’est due, et en n’autorisant plus la caisse à moduler la rente. Dès lors, toute incapacité permanente ou tout cumul d’incapacités permanentes ouvriraient droit à une rente égale au salaire annuel multiplié par le taux d’incapacité. Une première estimation de son coût, par la branche AT-MP, l’établit à près de 3 milliards d’euros.
Toujours en cohérence avec l’objectif général d’indemnisation intégrale, cette proposition de loi tend à fixer le montant de l’indemnité journalière au salaire net perçu, et non plus à 60 % du salaire journalier de base jusqu’au vingt-huitième jour de l’arrêt de travail et à 80 % au-delà. Le coût de cette mesure est estimé à 160 millions d’euros.
Enfin, je m’arrêterai un instant sur le troisième volet de la proposition de loi qui réintègre, dans l’assiette de l’impôt sur les sociétés, les 10 milliards d’euros de cotisations versés par les entreprises au titre du régime AT-MP et qui sont, pour l’instant, exclus de l’assiette de l’impôt. Cette fiscalisation aurait pour vertu d’augmenter les recettes de l’État d’environ 2 milliards d’euros par an, et donc de participer à la compensation des sommes déjà versées par les départements en raison de l’absence de réparation intégrale du préjudice par le régime AT-MP. Par ailleurs, cette mesure serait de nature à renforcer l’incitation, pour les entreprises, à mettre en œuvre des mesures de prévention.
Telles sont, mes chers collègues, les dispositions de cette proposition de loi auxquelles, vous l’aurez compris, je suis pleinement favorable.
Conformément à l’accord passé entre les présidents des groupes politiques, la commission des affaires sociales n’a pas adopté de texte, afin que cette proposition de loi soit discutée ce matin dans sa forme initiale. Je souhaite que nos débats parviennent à convaincre le Sénat du bien-fondé des mesures qu’elle comporte et vous invite donc, mes chers collègues, à la voter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité. Madame la présidente, madame le rapporteur, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, la prise en compte des risques professionnels encourus par les salariés et l’amélioration de leurs conditions de travail sont un préalable nécessaire à la réhabilitation du travail voulue par le Président de la République, afin que ce travail soit envisagé comme une source non pas seulement de souffrance et d’aliénation, mais au contraire d’épanouissement personnel et de progrès collectif.
La proposition de loi que le groupe CRC-SPG du Sénat nous demande d’examiner aujourd’hui remet en cause à la fois une décision récente du Parlement et un principe historique et fondateur en matière d’indemnisation des accidents du travail.
La fiscalisation des indemnités journalières versées aux victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles a été votée lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, au terme d’un débat approfondi, et validée par le Conseil constitutionnel.
Vous connaissez les raisons pour lesquelles le Parlement, sur l’initiative de Jean-François Copé et avec l’accord d’Éric Woerth, a voté cette disposition que la présente proposition de loi voudrait supprimer quelques mois après. Constatant une divergence de régime fiscal entre les différents types d’indemnités journalières, les députés, dans le cadre des états généraux de la dépense publique pilotés par Jean-François Copé, ont proposé de mettre fin à l’exonération totale des indemnités d’accidents du travail.
Je vous rappelle les arguments qui vous ont conduits à voter cette mesure.
D’une part, certaines indemnités journalières, en tant que revenus de remplacement, sont toutes imposables, à l’exception des indemnités versées aux personnes atteintes d’une affection comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse. Ainsi, les indemnités ou rentes servies par la sécurité sociale au titre de la maladie, de la maternité, de la paternité ou de l’invalidité sont assujetties à l’impôt sur le revenu. Il en va de même pour toutes celles qui sont servies par des régimes collectifs de prévoyance complémentaire d’entreprise à caractère obligatoire, quel que soit le risque couvert.
D’autre part, les indemnités temporaires, prestations et rentes viagères servies aux victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles par la sécurité sociale étaient exonérées en totalité d’impôt sur le revenu.
Considérant, comme le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale l’a soutenu, que les indemnités journalières versées aux victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles s’apparentent à un revenu de remplacement (M. Guy Fischer proteste.), il est apparu logique de remédier à cette divergence : comme pour les indemnités journalières de l’assurance maladie, les indemnités journalières versées au titre d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle compensent la perte de salaire due à l’accident qui a entraîné l’arrêt de travail. Le caractère indemnitaire de ces indemnités journalières n’a d’ailleurs jamais été reconnu ni par la législation ni par la jurisprudence.
En revanche, les rentes et indemnités en capital servies par la branche accidents du travail et maladies professionnelles ont clairement le caractère d’indemnisation du préjudice.
Mme Annie David, rapporteur. Indemnisation forfaitaire !
Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. En tant que telles, ces prestations ne sont ni imposables ni soumises à la contribution sociale généralisée, la CSG, ou à la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS, et ne sauraient l’être.
La fiscalisation des indemnités journalières versées aux victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles a donc été votée, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010, par l’Assemblée nationale comme par le Sénat. Cette disposition a conduit à soumettre à l’impôt sur le revenu une fraction de ces indemnités, celle qui correspond au seul revenu de remplacement et non à la compensation du préjudice subi par la victime.
Par souci de simplicité, votre assemblée a souhaité fixer cette part imposable à 50 % des indemnités journalières versées au titre d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. La fraction qui excède cette limite demeure exonérée d’impôt sur le revenu.
M. Guy Fischer. Heureusement !
M. Jean-Pierre Godefroy. Quel cadeau !
Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. Cette disposition, qui s’applique aux indemnités versées à compter du 1er janvier 2010, permet ainsi de traiter de la même manière, sur le plan fiscal, les indemnités journalières versées par les organismes de sécurité sociale ou la mutualité sociale agricole, en ce qu’elles constituent un revenu de remplacement du salaire normalement imposable, quel que soit le cadre, privé ou professionnel, dans lequel intervient la maladie ou l’accident.
J’insiste sur le fait que cette fiscalisation des indemnités journalières à compter du 1er janvier 2010 aura des effets mesurés. D’abord, l’imposition s’effectuera, dans la catégorie des traitements et salaires, après application de l’abattement de 10 % et déduction de la CSG dans les conditions de droit commun. Ensuite, je le rappelle, le Gouvernement a été attentif à ce que la fiscalisation ne s’applique pas aux rentes versées en cas d’incapacité partielle permanente, c’est-à-dire dans les cas les plus graves et pendant les durées les plus longues.
Cette fiscalisation est donc limitée et ne s’accompagne pas d’une remise en cause…
M. Guy Fischer. Ce n’est qu’un début !
Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. … du régime de sécurité sociale des accidents du travail et maladies professionnelles, auquel le Gouvernement est très attaché.
Introduire une réparation intégrale reviendrait à fragiliser le compromis fondateur de notre régime d’indemnisation des accidents du travail.
M. Fischer et Mme David ont parlé de réparation intégrale : ce principe peut sembler séduisant pour mieux protéger les travailleurs de notre pays, et ils ne sont d’ailleurs pas les premiers à le proposer. Mais je leur rappellerai cependant que notre régime d’indemnisation des accidents du travail repose, comme de nombreux rapports l’ont déjà montré, sur un compromis fondateur qu’il serait périlleux de remettre en cause. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez comme moi le rôle pionnier qu’a joué, près de dix ans avant la création du ministère du travail, la loi du 9 avril 1898 concernant les responsabilités dans les accidents du travail. Cette loi, votée quand Émile Loubet présidait votre assemblée, a marqué un changement radical pour la réparation des accidents du travail. Auparavant, pour obtenir réparation, la victime devait introduire une action en justice, apporter la preuve d’une faute commise par son employeur et démontrer le lien de causalité entre cette faute et l’accident.
Depuis cette étape majeure de notre histoire sociale, dès lors que l’accident est survenu « au temps et au lieu du travail », il est présumé d’origine professionnelle et doit être indemnisé comme tel.
Mme Annie David, rapporteur. Forfaitairement !
Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. En contrepartie de cette présomption d’imputabilité, la réparation servie devient forfaitaire.
Ce principe fondateur de la branche accidents du travail et maladies professionnelles a été complété par la faculté pour la victime d’obtenir une réparation intégrale, mais en cas de faute inexcusable de l’employeur.
Mme Annie David, rapporteur. Au bout de dix ans !
Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. Si nous décidions de généraliser cette réparation intégrale, nous serions conduits à abandonner la présomption d’imputabilité qui profite à la victime d’un accident ou d’une maladie d’origine professionnelle. Dès lors, pour bénéficier d’une indemnisation, la victime devrait prouver le lien entre l’accident ou la maladie et l’activité professionnelle, ce qui constituerait un véritable retour en arrière.
Les partenaires sociaux l’ont bien compris : c’est la raison pour laquelle ils n’ont pas voulu remettre en cause ce compromis historique lorsqu’ils ont signé, de manière majoritaire, l’accord du 25 avril 2007 relatif à la prévention, à la tarification et à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Ils se sont prononcés pour le principe du maintien d’une réparation forfaitaire,…
M. Jean-Pierre Godefroy. Sans fiscalisation !
Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. … et un certain nombre d’améliorations de l’indemnisation ont été transcrites, en conséquence, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 : l’indemnisation est ainsi passée de 100 % à 150 % du tarif de la sécurité sociale.
M. Jean-Pierre Godefroy. Depuis, vous avez changé la règle du jeu !
Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. Vous le voyez, ce modèle d’assurance lié au travail n’est pas seulement un mécanisme de compensation des préjudices : il est l’expression d’un modèle de société. Il s’appuie sur le consensus permanent de l’ensemble des acteurs du monde du travail, représentants des entreprises et des salariés, et le Gouvernement n’entend pas le remettre en cause.
Nous ne voulons pas nous contenter de préserver cet équilibre protecteur en matière d’indemnisation : la réparation est bien sûr essentielle, mais il importe aussi, en priorité, d’améliorer la prévention et d’inciter les entreprises à agir en ce sens.
C’est pourquoi la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 renforce l’incitation des entreprises à améliorer la prévention des risques professionnels, en instaurant un système de « bonus-malus » plus efficace dans le champ des accidents du travail : d’une part, il simplifie les mécanismes de majoration de cotisation qui existent en cas de risque avéré ou récurrent : c’est le malus ; d’autre part, il crée une nouvelle incitation financière pour les entreprises qui réalisent des investissements de prévention : c’est le bonus.
En outre, le deuxième plan « santé au travail » pour les années 2010 à 2014, que Xavier Darcos a préparé en concertation avec tous les acteurs concernés, vise à améliorer la prévention des risques professionnels en s’appuyant sur deux grands objectifs : premièrement, diminuer de 25 % le nombre des accidents du travail d’ici à 2012 ; deuxièmement, mettre fin à la croissance ininterrompue depuis dix ans du nombre de cas de maladie professionnelle, en particulier les troubles musculo-squelettiques dont le nombre de cas déclarés a doublé depuis 2001.
Pour toutes ces raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement n’envisage ni de revenir sur la fiscalisation des indemnités journalières versées aux victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles ni de modifier les règles fondamentales en matière de réparation des accidents du travail. Il se déclare donc défavorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe socialiste apporte son entier soutien à cette proposition de loi présentée par nos collègues du groupe CRC-SPG.
Malheureusement, si j’en crois le vote de la commission des affaires sociales et votre intervention, madame la secrétaire d’État, cette proposition de loi n’a aucune chance d’être adoptée, alors qu’elle soulève un problème important, la réparation due aux victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles.
Je souscris pleinement aux propos tenus par Guy Fischer et Annie David, car je connais bien ce problème. En effet, le bassin d’emploi dont je suis l’élu et l’entreprise dans laquelle j’ai travaillé pendant plus de vingt-cinq ans, comme beaucoup d’autres, comptent malheureusement de nombreuses victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles. En rappelant ces faits, je ne cherche pas à « faire du Zola » – pour reprendre les termes employés par M. Woerth qui s’offusquait des propos de l’un de mes collègues lors du débat de décembre dernier. Non, je cherche simplement à décrire la réalité vécue par tous ces travailleurs que je rencontre quotidiennement !
Ce fut le cas encore le week-end dernier, lors des assemblées générales de l’association des accidentés de la vie, la FNATH, et de l’association de défense des victimes de l’amiante, l’ADEVA, cette dernière comptant, simplement au niveau local, 1 100 adhérents. C’est vous dire, madame la secrétaire d’État, l’ampleur du problème ! Ces associations n’ont pas manqué de me faire part de leur profond mécontentement.
Comme elles et comme ma collègue Annie David, j’ai été choqué par la façon dont le Gouvernement et la majorité ont mené le débat sur la fiscalisation des indemnités journalières.
J’ai trouvé indécent – il n’y a pas d’autre mot – d’entendre le Gouvernement parler d’« équité fiscale », alors que notre système fiscal n’a jamais été aussi injuste que depuis 2007.
Le bouclier fiscal remet en cause deux des principes fondamentaux de notre système fiscal, l’égalité devant l’impôt et la progressivité de l’impôt. Il protège les plus riches de nos concitoyens et, pendant ce temps, les salariés malades ne cessent d’être taxés. Franchises médicales, hausse du forfait hospitalier, déremboursements de médicaments, et j’en passe, car la liste est longue de ces mesures qui viennent alourdir la charge supportée par les ménages modestes.
J’ai trouvé indécent d’entendre le Gouvernement citer en exemple le trader qui se casse un orteil au volant de sa Porsche ou le footballeur professionnel mis en arrêt de travail à la fin de la saison sportive, tandis que, chaque jour, des salariés sont blessés, parfois mutilés, en effectuant leur travail sérieusement, dignement, et dans l’anonymat. (M. Guy Fischer applaudit.)
J’ai trouvé indécent d’entendre le Gouvernement parler d’avantage indu et dénier purement et simplement le statut de victimes aux personnes qui ont eu un accident du travail.
Dans le rapport qu’il a établi, en vue de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles, notre collègue Gérard Dériot écrit : « L’idée de soumettre à l’impôt sur le revenu les indemnités journalières perçues au titre d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle repose sur une analogie que l’on peut qualifier de trompeuse, car le régime applicable aux indemnités servies par l’assurance maladie ne peut être de la même nature que celui applicable aux sommes versées par la branche AT-MP ». Madame la secrétaire d’État, c’est un membre de la majorité qui soutient cette position !
Vous le savez parfaitement, l’assurance maladie indemnise un risque social, sans faute imputable, et a pour but de maintenir un certain niveau de revenu jusqu’à la guérison et le retour à un emploi rémunéré. La branche AT-MP a, elle, été créée pour rembourser un préjudice dont la responsabilité est présumée imputable à l’employeur.
Je regrette que, sur ce sujet, notre commission des affaires sociales n’ait pas maintenu la position de refus qui était la sienne depuis plusieurs années.
Aujourd’hui, les victimes d’accidents du travail ont le sentiment d’être incomprises par une classe politique qui a choisi de détourner le regard de la réalité des conditions de travail et de l’indemnisation de leur préjudice.
Alors que de multiples rapports ont dénoncé le caractère obsolète des réparations, alors que les conditions de travail se détériorent – les témoignages reçus au sein de la mission d’information sur le mal-être au travail, que j’ai l’honneur de présider, sont à cet égard édifiants –, une prétendue justice fiscale a été préférée à une véritable et réelle justice sociale. Celle-ci commanderait plutôt que les victimes d’accidents du travail soient indemnisées, non pas forfaitairement et de façon limitée, mais intégralement et pour tous les préjudices. Seule cette justice autoriserait que l’on puisse se prévaloir de « courage politique » et de « rendez-vous d’équité », comme le Gouvernement a cru bon de le faire.
Mes chers collègues, les victimes d’accidents du travail ne sont pas une caste de « privilégiés sociaux », pour reprendre une formule déjà entendue. Elles aussi appartiennent à la France de Jean-Pierre Raffarin, cette France qui se lève tôt, cette France qui, pour d’autres, « ne possède en or que ses nuits blanches », cette France peuplée de travailleurs qui rentrent le soir et repartent le matin suivant, toujours dans la même nuit… Un jour, ces personnes ont perdu leur santé, souvent leur emploi, du fait précisément de leurs conditions de travail, et il faudrait admettre, sur la base d’une loi datant de 1898, qu’elles restent sous-indemnisées pour l’éternité ?
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui aurait mérité plus de considération de la part du Gouvernement et de la majorité.
La loi du 9 avril 1898 relative à la réparation des accidents du travail a constitué un progrès considérable pour le droit de la réparation du dommage corporel en France, en instaurant une réparation forfaitaire et limitée des préjudices subis, en échange d’une présomption d’imputabilité évitant à la victime d’avoir à démontrer la faute de l’employeur ou le lien de causalité entre la faute de l’employeur et le dommage. Tout accident intervenu sur le lieu et pendant le temps de travail est présumé d’origine professionnelle, mais la réparation ne sera pas intégrale. C’est ce que l’on a appelé communément le « compromis historique de 1898 ».
À cette époque, il s’agissait bien d’une loi de progrès social, mais, un peu plus d’un siècle après, le monde du travail a changé et, aujourd’hui, les règles d’indemnisation des victimes d’accidents du travail sont largement dépassées. C’est un droit du xixe siècle qui continue à s’appliquer à des situations et dans une société du xxie siècle !
Or, depuis 1898, le droit du dommage corporel a connu des avancées considérables, qui ont permis, d’une part, de généraliser le principe d’une réparation intégrale en présence d’un dommage corporel et, d’autre part, d’affiner et de mieux identifier les préjudices subis, ainsi que de clarifier les différents postes indemnisables.
C’était d’ailleurs l’objet de deux amendements déposés par nos soins, qui ont été déclarés irrecevables par la commission des finances. Sans commentaire, madame la secrétaire d’État : l’article 40 a encore frappé ! Je précise néanmoins que nous abordions des points très importants avec ces deux amendements, à savoir, en cas d’accident du travail, la réparation relative à l’adaptation des véhicules ou des logements et la prise en charge de la tierce personne qui s’occuperait de la victime.
Désormais, l’allégement de la charge de la preuve ou de l’exigence d’un lien de causalité pour la victime n’implique plus que la réparation soit limitée dans son assiette ou que certains préjudices ne soient pas réparés. Tel est le cas, par exemple, de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, dite loi Badinter, de l’indemnisation des infections nosocomiales ou encore, dernièrement, de l’indemnisation des victimes d’expositions aux essais nucléaires et, bien sûr, de l’indemnisation des victimes de l’amiante.
Au-delà de la discrimination, il y a là une difficulté majeure dans la lisibilité du droit pour les citoyens. Comment admettre qu’un salarié qui, écrasé par un ascenseur, a perdu un membre ne soit pas traité de la même façon qu’un accidenté de la route ayant perdu le même membre ? Est-il compréhensible qu’un salarié victime d’un cancer professionnel soit traité différemment parce qu’il a été exposé à des poussières de bois ou de fer, et non à des poussières d’amiante, ou, s’agissant précisément des victimes de l’amiante, selon qu’il a développé un cancer du poumon ou un cancer du larynx ? Pour les uns comme pour les autres, l’atteinte au corps et ses conséquences sont pourtant bien identiques.
Les victimes d’accidents du travail doivent pouvoir, elles aussi, bénéficier du principe républicain d’égalité et disposer, à l’image de toutes les autres victimes d’un dommage corporel, d’une véritable indemnisation de leurs préjudices.
Bien sûr, la question du financement se pose. C’est d’ailleurs ce qui a empêché les partenaires sociaux de progresser dans cette voie lors de leur négociation de 2007. À cet égard, madame la secrétaire d’État, un consensus a effectivement été trouvé dans ce cadre, comme vous l’avez indiqué, mais il reposait sur un principe de défiscalisation ; c’est donc le Gouvernement - pas les partenaires sociaux -, qui a cassé le consensus.
Comme ma collègue Annie David, je crois que cette égalité de traitement est un choix politique que la collectivité nationale doit assumer.
Il existe des solutions pour trouver les financements qui manquent aujourd’hui à la sécurité sociale, et vous les connaissez aussi bien que moi, madame la secrétaire d’État ! Je pense, en premier lieu, à la nécessité de se pencher sur la panoplie de niches et d’exonérations fiscales et sociales, synonymes d’injustices et, pour certaines d’entre elles, dénuées de toute réelle efficacité en termes d’emploi, de revenu ou d’investissement. Je vous invite, à ce titre, à lire le rapport que la Cour des comptes a publié cette semaine…
Le Gouvernement prétend s’attaquer à ces niches et à ces exonérations, mais, en réalité, il entretient soigneusement les plus injustes et les plus coûteuses d’entre elles. Ce sont ainsi plusieurs milliards d’euros de recettes qui échappent au budget de l’État comme au budget de la sécurité sociale.
La proposition de loi tend notamment à prévoir la réintégration, dans l’assiette de l’impôt sur les sociétés, des 10 milliards d’euros de cotisations versées au titre des AT-MP qui, à l’heure actuelle, sont exclues de cette assiette. C’est une bonne idée.
En effet, en France, les entreprises sont autorisées à déduire de leurs bénéfices le montant des cotisations qu’elles règlent en cas d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, ce qui vient minorer d’autant le bénéfice et, donc, l’imposition des actionnaires. Voilà une « anomalie fiscale » qu’il faudrait régler avant de fiscaliser les indemnités journalières, et ce d’autant qu’elle confine à l’absurde : avec ce système, plus une entreprise est dangereuse et moins elle paie d’impôt sur les sociétés !
Il n’est pas juste que la collectivité soit privée de recettes fiscales importantes parce que l’on considère normal de déduire des bénéfices les sommes dues au titre de la violation de l’obligation de sécurité au travail.
Selon les estimations, la suppression de cette niche fiscale rapporterait entre 1 et 2 milliards d’euros, soit une somme qui permettrait aisément d’améliorer l’indemnisation des victimes d’accidents du travail.
Bref, il s’agit avant tout de choix politiques, et je crois malheureusement qu’en la matière nous avons peu de chose à attendre de ce gouvernement. Mme la secrétaire d’État vient de nous en faire la démonstration, mais, si cette petite parenthèse m’est permise, le dossier de l’amiante l’illustre aussi parfaitement bien.
Depuis plusieurs années, les rapports et les propositions de réforme se succèdent sans qu’aucune suite y soit jamais donnée ; j’en parle d’autant plus aisément que je suis le rapporteur adjoint de la mission commune d’information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l’amiante.
En revanche, le Gouvernement n’a pas hésité à contrecarrer une décision de la Cour de cassation en publiant un décret qui réduit l’assiette servant de base de calcul pour la préretraite des personnes exposées à l’amiante. Une fois de plus, ce sont les salariés qui sont pénalisés ! En ôtant les primes RTT ou d’autres avantages de cette base de calcul, ce décret rend le départ en préretraite des salariés qui ont été exposés à l’amiante tout simplement impossible. C’est cela, la réalité !
La majorité et la commission mixte paritaire ont tempéré la fiscalisation des indemnités journalières pour accident du travail. N’est-ce pas là le signe d’un réel malaise ? Certains de nos collègues ne commencent-ils pas à penser qu’il aurait été préférable d’attendre une nouvelle négociation avant de voter cette fiscalisation, sachant que la recette annoncée pour l’État, de l’ordre de 135 millions d’euros, ne devrait finalement atteindre que de 80 à 90 millions d’euros ? Fallait-il, pour une telle recette et avant même de commencer réellement à discuter des conditions d’indemnisation des salariés victimes d’accidents du travail, remettre en cause un tel acquis ?
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous voterons cette proposition de loi. Il s’agit, pour nous, de revenir sur ce que l’on peut appeler, dès maintenant, comme le confirment les propos de Mme la secrétaire d’État, la « loi Copé ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Nous nous souviendrons de M. Copé !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.