M. Bruno Sido. Je défendrai donc bec et ongles les communes, parce qu’il s’agit, de mon point de vue en tout cas, d’une institution très importante. Je vais vous expliquer pourquoi.
On nous propose la création de communes nouvelles : pourquoi pas ? À l’instar de l’orateur précédent, je ne suis pas hostile au fait que des communes fusionnent si elles le souhaitent. Simplement, il n’y a pas besoin d’un nouveau texte législatif pour cela ; pas besoin de cet article 8 : nous avons déjà la loi Marcellin. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC-SPG.) Les communes peuvent fusionner dans le cadre d’une fusion-association, voire d’une fusion simple. Il suffit qu’elles en fassent la demande. D’ailleurs, la loi Marcellin ne les oblige même pas à solliciter l’avis de la population.
Quoi qu’il en soit, le huitième alinéa de l’article 8 est inutile.
Ensuite, il est envisagé qu’une commune nouvelle puisse être créée à la demande des deux tiers au moins des conseils municipaux des communes membres d’un EPCI à fiscalité propre. Cela va encore occasionner des conflits. Toutefois, il existe un filet de sécurité.
La création d’une commune nouvelle pourrait également résulter de la demande de l’organe délibérant d’un EPCI à fiscalité propre. Honnêtement, s’il est une démarche dont l’initiative ne devrait pas revenir à un tel établissement public, c’est bien celle-là !
Dans les faits, il y aura toujours des oppositions, notamment de la part du tiers des communes restant.
M. Jean-Pierre Chevènement. Exactement !
M. Bruno Sido. Nous reviendrons sur les dispositions prévues par les quatorzième et quinzième alinéas de l’article.
Là où je vois une véritable provocation – même si le terme est sans doute un peu fort –, c’est dans le dispositif institué au onzième alinéa de l’article, c'est-à-dire la possibilité pour le préfet de prendre l’initiative d’une telle création ! (M. le président de la commission des lois s’exclame.)
Monsieur le président de la commission, je sais comment se sont passées les fusions et associations en Haute-Marne.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Moi aussi, je pourrais vous raconter mon expérience !
M. Bruno Sido. En attendant, je vous raconte la mienne !
Pour avoir prôné une fusion simple dans une commune où j’étais premier adjoint, puis avoir été obligé de réaliser une « défusion » – un véritable divorce – dans une commune dont j’étais le maire, je connais le sujet par cœur.
Des sous-préfets, donc des « hussards de la République », ont promis à certaines communes, ici, une station d’épuration, là, l’installation du téléphone, car l’ensemble du territoire n’était pas encore desservi à l’époque. Du coup, les communes se sont décidées dans la précipitation. Je peux vous citer une commune – mon grand-père en avait d’ailleurs été le maire – qui a fusionné avec une autre, mais la décision n’était même pas inscrite dans le registre des délibérations du conseil municipal ! C’est dire combien ces fusions ont pu être décidées à la va-vite !
Dès lors, donner au préfet un pouvoir d’initiative en la matière, c’est, me semble-t-il, quasiment revenir à la loi Marcellin, que le présent projet de loi ne vise d’ailleurs pas à abroger, à mon grand regret.
Heureusement, tout cela n’est pas bien grave, puisque, au final, la population devra se prononcer ! (M. Jean-Pierre Sueur s’exclame.) C’est clairement prévu aux quatorzième et quinzième alinéas de l’article 8, monsieur Sueur !
Toutefois, j’envisage de déposer un sous-amendement sur une des dispositions de l’article, à moins que je ne dépose un amendement en deuxième lecture si l’Assemblée nationale m’en laisse la possibilité.
Dans la mesure en effet où la création d’une commune nouvelle est une décision extrêmement grave pour les communes - il s’agit même d’un chemin sans retour -, je pense qu’elle devrait être décidée à la majorité des trois cinquièmes, comme cela se pratique pour les révisions constitutionnelles.
En matière d’intercommunalité, le département de la Haute-Marne se classe au premier rang français, suivi par la Meuse. (M. Gérard Longuet acquiesce.) En Haute-Marne, le mouvement de fusions-associations a concerné plus d’une centaine de cas, contre environ soixante-dix dans la Meuse et une trentaine ou une quarantaine dans le département qui occupe la troisième place au classement.
D’ailleurs, monsieur le ministre, comme je suis curieux et parce que j’ai un peu mauvais esprit, j’ai examiné la situation du Morbihan. (Sourires.)
M. Bruno Sido. Une fois de plus, l’adage selon lequel nul n’est prophète dans son pays se vérifie. Dans le Morbihan, il n’y a eu absolument aucune fusion-association : zéro !
Il est vrai que la Bretagne a pris beaucoup d’avance sur nous. Dans le Finistère, les fusions de communes se sont faites à la Libération, probablement pour sanctionner certains maires convaincus d’actes de collaboration.
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Sido !
M. Bruno Sido. Je conclus, madame la présidente, mais la question est tout de même importante.
D’autres communes ont été créées en Bretagne quelques années plus tard. Peut-être les Bretons avaient-ils pris suffisamment d’avance sur le reste de la France…
M. Gérard Le Cam. Comme d’habitude !
M. Bruno Sido. Toujours est-il que l’article 8 est extraordinairement important pour nos maires, pour la démocratie locale et – de ce point de vue, je suis d'accord avec notre collègue Jean-Pierre Chevènement – pour l’école de la démocratie locale. C'est la raison pour laquelle je déposerai un sous-amendement visant à imposer la règle de majorité des trois cinquièmes, à l’alinéa 15 de l’article 8. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam, sur l'article.
M. Gérard Le Cam. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mon sens, l’article 8 du projet de loi de réforme des collectivités territoriales est le plus évocateur, le plus révélateur et le plus redoutable d’un texte qui veut la mort des communes, mais qui n’ose pas le dire, tant l’opposition est grande au sein de nos mairies, quelles qu’en soient les obédiences politiques.
La fusion des communes ne date pas d’aujourd'hui, puisque la loi Marcellin de 1971 la permettait déjà. Certes, si elle avait rencontré un vif succès, cela se saurait…
À titre d’exemple, dans mon canton, la commune de Jugon-les-Lacs a fusionné avec deux autres petites communes. Résultat de l’opération : près de quarante ans plus tard, les deux autres communes ont complètement disparu ! Il reste, certes, deux églises à entretenir, mais il n’y a plus un seul commerce.
M. Gérard Longuet. Comment fait le curé ?
M. Gérard Le Cam. Les communes sont complètement mortes, et il faut les gérer. Ce n’est donc sans doute pas un exemple idéal, même si la commune en tant que telle continue d’exister.
Par ailleurs, dans le département, on a pu assister à deux ou trois fusions, mais également à des défusions, donc à des divorces ou à des séparations de communes, ce qui montre également toute la difficulté de l’exercice.
Les communes n’ont à l’évidence pas envie de fusionner, ni de se marier, et ce quelle que soit leur taille. Elles ont leur propre richesse, leur milieu associatif, leurs capacités d’identification pour les personnes qui viennent y habiter ou qui y vivent depuis longtemps, leur projet partagé autour d’élus pour l’essentiel bénévoles et le trésor incomparable que représente la gestion de proximité. Et, si l’on regarde le montant de la DGF versée au niveau national, notamment pour les 20 % de population rurale de ce pays, on s’aperçoit qu’elles ne coûtent rien.
Pourquoi créer des communes nouvelles, sinon pour réduire significativement le nombre de celles qui existent actuellement ? Selon nous, communistes, les communes qui veulent démocratiquement s’assembler peuvent le faire. Et il n’y a pas besoin d’une nouvelle loi pour cela ; il en existe déjà une ! (M. le président de la commission des lois s’exclame.)
Les quatre conditions de création d’une commune nouvelle vont à l’encontre de la démocratie, à l’exception du 1°du texte proposé par l’article 8 pour l’article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales, et sous réserve que la décision soit soumise à un référendum local.
Le 2° de ce même texte, qui prévoit la condition des deux tiers, méprise le tiers restant.
Le 3° laisse le champ libre aux instances de second degré de la démocratie locale que sont les communautés de communes, et livre aux appétits de quelques-uns, que l’on trouvera toujours ici et là, la volonté de gérer un espace toujours plus grand.
Et il faut d’office écarter le 4° du texte proposé par l’article 8 pour l’article L. 2113-2, toujours en ce qui concerne la procédure de création. Que vient faire là l’autorité de l’État ? Il s’agit simplement d’exercer une pression sur les maires, afin d’atteindre les objectifs visés par les promoteurs de la loi !
L’article 8 est conforme à la vision de ceux qui traitaient hier la République de « gueuse ». Aujourd’hui, ce sont les communes, issues de la Révolution, qui sont dans le collimateur. Lieux privilégiés de démocratie et de gestion de proximité, ce sont elles qu’il faudrait supprimer !
Les filles de la République…
M. Gérard Longuet. Ce sont les paroisses, héritées de l’Ancien Régime !
M. Gérard Le Cam. … seraient-elles devenues gênantes pour M. le Président de la République ?
L’intercommunalité portait le même danger en son sein par le mécanisme du coefficient d’intégration fiscale, qui vidait progressivement les communes de leurs compétences. Mais les élus ont eu la sagesse d’y mettre un coup d’arrêt en conservant pour leur propre commune les compétences nécessaires, et indispensables à la justification de leur existence.
Cet exemple montre bien jusqu’où il est possible d’aller sans briser le précieux équilibre qui règne dans notre pays. Cet équilibre est désormais remis en cause par l’UMP et par le Président Nicolas Sarkozy, qui n’ont que faire de la démocratie locale, mais qui ont une grande hâte de livrer les marchés publics, les emplois et tout ce qui peut rapporter de l’argent au secteur privé ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Quel est le rapport avec le projet de loi que nous examinons aujourd'hui ?
M. Gérard Le Cam. Oui, il faut barrer la route à cet article, et je compte sur vous tous pour le faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mes chers collègues, honnêtement, dans ce débat, on dépense beaucoup de salive pour…
M. Gérard Longuet. Pas grand-chose !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … pas grand-chose, en effet !
Mme Annie David. Ce n’est pas fini !
M. Guy Fischer. Si vous croyez que vous parviendrez à nous faire taire…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je ne me permettrai pas, monsieur Fischer ! Simplement, je suis obligé d’écouter vos interventions et, parfois, elles me fatiguent (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste), surtout quand elles sont un peu répétitives.
Mme Éliane Assassi. Ne dites pas n’importe quoi !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Madame Assassi, il est assez facile de se servir de tribunes pour affoler les maires, en prétendant que la création des communes nouvelles ira de pair avec des fusions autoritaires. C’est facile,…
M. Gérard Longuet. Mais c’est faux !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … mais c’est faux ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Claude Jeannerot. C’est inscrit dans le projet de loi !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mon cher collègue, je vous rappelle tout de même que, depuis la dernière révision constitutionnelle, nous examinons en séance le texte issu des travaux de la commission. Et, si le Gouvernement n’était pas d'accord avec le texte proposé par la commission des lois, il aurait pu déposer des amendements, ce qu’il n’a pas fait.
L’article 8 prévoit quatre hypothèses de création d’une commune nouvelle.
M. Sido évoque son expérience dans son département. Pour ma part, je peux me prévaloir d’une expérience encore plus importante, puisque j’ai été secrétaire de la commission des élus qui avait été mise en place pour travailler sur les fusions de communes, au moment de l’adoption de la loi Marcellin. À l’époque, les préfets disposaient de nombreux pouvoirs et ils les exerçaient parfois avec une certaine autorité…Pour autant, les élus locaux ne se sont pas laissé faire et il y a eu très peu de fusions de communes !
D’ailleurs, le président du conseil général du Morbihan n’était sans doute pas toujours totalement d'accord avec le ministre de l’intérieur.
M. Gérard Longuet. Bien que ce fût la même personne !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et le préfet devait sans doute avoir bien du mal à naviguer au milieu de tout cela.
Mon département a connu quinze fusions de communes.
Au demeurant, dans l’Histoire, il y a déjà eu des suppressions de communes ! Il y en a même eu toute une vague au cours du XIXe siècle ! On l’oublie complètement, mais, à l’époque, on ne consultait personne : c’était les préfets qui décidaient !
M. Gérard Longuet. Parce que ce n’était pas encore la République !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais si ! C’était déjà la République, car je parle de la fin du XIXe siècle !
À cette époque, il y a également eu des créations de communes. Je pourrais mentionner le cas de la commune, mondialement connue, de Barbizon. À l’origine, c’était simplement un hameau de la commune de Chailly-en-Bière. Depuis, c’est devenu une commune à part entière, dont nous avons célébré le bicentenaire il n’y a pas si longtemps.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est parce qu’il y avait les peintres !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ils n’étaient pas encore là, mon cher collègue !
M. Jean-Pierre Sueur. Quand ils sont venus, cela a tout changé !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais je ne suis pas là pour vous faire un cours sur l’histoire de mon département !
En fait, que proposons-nous, sinon la possibilité pour des communes qui le souhaitent de se regrouper au-delà d’une intercommunalité ? Cela s’est déjà produit. Or la volonté des élus doit être encadrée par la loi, notamment par des conditions précises. À défaut, il y aurait effectivement un risque de voir de telles décisions être prises de manière autoritaire.
Aujourd'hui, la loi Marcellin telle qu’elle avait été adoptée initialement n’est plus véritablement applicable. Nous créons donc la possibilité de demander la création d’une commune nouvelle, par exemple pour deux communes qui, compte tenu d’une communauté d’intérêts, décideraient de se réunir.
Mais, et notre collègue Hervé Maurey l’a bien souligné tout à l’heure – cela lui paraissait presque trop beau –, nous avons bien prévu, que, dans chacune des communes concernées par le projet de création, ce serait la population qui déciderait.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’était pas exactement le point de vue du Gouvernement à l’origine.
Il faut donc la volonté des élus. Quant aux préfets, même s’ils ont un pouvoir d’initiative, ils resteront extrêmement prudents ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Mes chers collègues, je trouve tout de même excessivement dommageable d’affirmer que les préfets, représentants de l’État, ne seraient pas dignes de formuler des propositions. (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.) C’est tout de même extraordinaire, monsieur Collombat !
M. Pierre-Yves Collombat. Ils font des conférences de presse pour légiférer à notre place !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et vous, vous en faites pour légiférer à la place de qui ?
M. Pierre-Yves Collombat. Je suis parlementaire !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. L’Association des maires ruraux de France a adressé à toutes les communes du pays un courrier truffé de contrevérités sur le projet de loi ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Pierre-Yves Collombat. Affirmation gratuite !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Franchement, monsieur Collombat, de ce point de vue, vous n’êtes pas du tout crédible !
À mon avis, les fusions de communes, même souhaitées par les élus, doivent être encadrées par la loi. C’est l’objet des précautions que nous avons introduites dans le texte et ajoutées aux dispositions proposées par le Gouvernement.
M. Gérard Longuet. Justement pour protéger les communes !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La commission a sans doute trop bien travaillé, surtout pour, en définitive, déclencher de telles réactions…
Bien sûr, cela a des conséquences juridiques, chers collègues. Il y aura des fusions de communes, comme dans le passé, mais elles seront moins amples que celles qui étaient imposées à l’époque par la loi.
Aujourd'hui, il s’agit simplement d’avancer une proposition. Dans certains cas, et j’en connais un certain nombre, on peut se poser la question de savoir pourquoi il y a deux communes !
Mme Annie David. Vous voulez dire que vous allez les obliger à fusionner ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas du tout ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Si les élus et la population sont d’accord, la fusion me paraît constituer une utile rationalisation.
Mme Annie David. Si elles ne veulent pas fusionner, elles ne fusionneront donc pas ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr que non, puisque ce sont les populations qui décideront, dans chaque commune !
M. Gérard Longuet. Lisez le texte !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous sommes pour le peuple et pour la décision du peuple, contrairement à d’autres ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Nous nous méfions !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En conclusion, l’article 8 me paraît tout à fait convenable. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. Je doute que le projet de loi ait été élaboré par des élus de base.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pourquoi ?
Mme Évelyne Didier. Les élus et les populations des communes ne rêvent pas tous les matins de fusionner ; ce n’est pas leur préoccupation essentielle.
Le travail principal des élus est d’essayer de répondre aux besoins des habitants, tout d’abord en trouvant des financements.
Ce texte a été pensé par des personnes qui ont l’habitude de vivre dans des grandes villes et qui ne comprennent pas l’intérêt d’habiter dans des petites villes.
Sur toutes les travées de cet hémicycle siègent des élus ruraux, qui savent ce que veut dire vivre dans une commune où tout le monde se connaît. C’est toute la richesse de ces petites communautés humaines dont l’animation repose en grande partie sur des bénévoles, associatifs mais aussi élus.
Et c’est cette richesse-là que vous voulez gommer, parce que vous ne la valorisez pas, parce qu’elle ne compte pas pour vous. En revanche, la compétitivité, l’attractivité, voilà, oui, ce qui compte pour vous !
Or l’attractivité d’un territoire, c’est également la qualité des relations entre les habitants.
Encore une fois, je suis convaincue que ces textes sont « pondus » par des personnes qui vivent à Paris, ou dans les grandes villes, et qui ne perçoivent pas l’intérêt d’habiter une petite commune.
Je le répète, le principal souci des élus n’est pas de fusionner. Plusieurs de nos collègues l’ont souligné, nous disposons déjà de la législation nécessaire. Je ne vois pas l’intérêt d’en ajouter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Adrien Gouteyron, sur l'article.
Mes chers collègues, je souhaite vraiment qu’il s’agisse de la dernière intervention sur l’article.
M. Adrien Gouteyron. Je n’ai pas beaucoup pris la parole jusqu’à présent, et il se trouve que j’ai envie de m’exprimer sur l’article 8, madame la présidente !
Lors du débat que nous avons eu, au Sénat, avec les représentants de la commission Belot, en présence de Mme Michèle Alliot-Marie, à l’époque responsable des collectivités locales, j’avais exprimé une crainte. Certains d’entre vous s’en souviennent certainement.
Je craignais, en effet, que l’on ne pousse aux fusions de communes, en particulier en mettant en œuvre des incitations financières.
M. Pierre-Yves Collombat se trouvait alors au banc de la commission, et était de ceux qui cherchaient à apaiser mes craintes.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il a changé d’avis !
M. Adrien Gouteyron. Moi aussi, peut-être, monsieur le président de la commission !
J’ai écouté avec beaucoup d’attention les interventions fort intéressantes des uns et des autres.
Si nous nous étions prononcés sur l’article 8 initialement présenté par le Gouvernement, monsieur le ministre, je suis au regret de vous dire franchement que je ne l’aurais pas voté.
J’aurais, en effet, pensé aux communes qui n’appartiennent pas à la majorité des deux tiers et à ce tiers des communes à qui nous aurions, d’une certaine manière, forcé la main.
Je crois moi aussi à la liberté communale. Je suis maire. Je sais ce qu’est une petite commune et je consacre beaucoup de temps à la mienne. C'est la raison pour laquelle je me passionne pour ce sujet et que j’ai demandé à intervenir, madame la présidente.
Finalement, je voterai cet article, car il prévoit la consultation des populations, qui est la condition première de la démocratie.
Parler des libertés communales, auxquelles je suis très attaché, est une bonne chose, mais décider de consulter les populations apporte la garantie démocratique suprême.
Je me pose néanmoins quelques questions.
Première question, monsieur le ministre, faut-il forcément que les communes appartiennent au même EPCI ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Adrien Gouteyron. Deuxième question, si elles n’appartiennent pas au même EPCI – il suffit, c’est écrit noir sur blanc dans le texte, qu’elles soient contiguës –, que se passera-t-il pour les EPCI auxquels elles appartenaient ?
M. Jean-Pierre Chevènement. Absolument !
M. Adrien Gouteyron. Troisième question, monsieur le ministre, si les populations sont consultées, la majorité absolue suffit. Ne s’agit-il pas de la règle démocratique normale ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. Adrien Gouteyron. Sur ce point, je ne partage pas tout à fait l’avis de mon ami Bruno Sido, qui prône une majorité qualifiée des trois cinquièmes.
Enfin, quatrième question, comment envisagez-vous les rapports entre les deux ou trois communes qui auront refusé la fusion et celles qui étaient à l’initiative de la demande de fusion ?
Mon EPCI compte onze communes. Supposons que deux communes refusent la fusion. Que se passera-t-il ? Que deviendront ces deux communes ? Quels seront leurs rapports avec les autres communes qui auront vu leur projet contrecarré par la volonté des électeurs de deux communes que l’on peut supposer petites ?
J’ai la faiblesse de penser que mes questions ne sont pas tout à fait absurdes. Je les pose d’autant plus facilement que je suis assez décidé à voter l’article. Je serai néanmoins totalement décidé, monsieur le ministre, lorsque vous aurez apporté des réponses à mes questions, qui sont autant de craintes que suscite en moi le dispositif en cet instant.
M. Gérard Longuet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre. Je souhaite répondre globalement à l’ensemble des orateurs qui ont pris la parole sur cet article. Je m’exprimerai moins longuement sur les amendements.
Je comprends parfaitement que bon nombre de sénatrices et de sénateurs se souviennent de la loi Marcellin. J’ai été moi-même élu l’année où cette loi a été votée, et mes premiers souvenirs d’élu local concernent précisément la mise en application des dispositions de ce texte, en 1971.
J’ai une assez bonne mémoire et je crois pouvoir affirmer qu’il existe une différence fondamentale entre la loi Marcellin de 1971 et le texte qui vous est proposé aujourd'hui.
La loi Marcellin prévoyait un schéma départemental des fusions, …
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Michel Mercier, ministre. … qui était établi par une commission composée de maires, d’élus, de représentants du conseil général et présidée par le préfet. Le préfet nommait des élus représentant cette commission pour aller expliquer dans chaque commune concernée le projet de fusion.
Ce n’est pas du tout le dessein du Gouvernement en présentant l’article 8.
Je veux le dire de la façon la plus claire possible, le Gouvernement n’a pas d’autre ambition que de proposer une formule simple et rénovée de réunion à des communes qui souhaitent se réunir. Si elles ne le souhaitent pas, elles n’utiliseront pas cette possibilité ; elles n’y seront pas obligées et il n’y aura pas de « carotte » financière.
Monsieur Chevènement, j’ai été rapporteur de votre loi avec beaucoup de passion et d’intérêt. Je vous remercie de la façon dont vous aviez, à l’époque, laissé toute liberté au rapporteur que j’étais. Nous savons, néanmoins, les uns et les autres, que le grand essor qu’a connu l’intercommunalité avec la loi qui porte votre nom est lié à l’incitation financière que contenait votre texte, contrairement à la loi Joxe. Ce n’est pas une critique, c’est un constat.
Le texte que nous vous présentons aujourd'hui ne contient aucune incitation pour les communes nouvelles. L’idée n’est pas d’exercer des pressions.
Nous misons sur l’accord des communes, des conseils municipaux et des populations pour la création de communes nouvelles. C’est la formule la plus démocratique qui soit. Si l’article 8 n’est pas utilisé, le Gouvernement n’en sera pas malade et il ne forcera personne !
En revanche, si des communes ont envie de se réunir, l’article 8 leur fournira une formule simple et pratique, qui se nourrit des enseignements de la loi Marcellin. La loi Marcellin, en effet, offrait le choix entre la fusion simple et la fusion-association, avec cette particularité, pour les communes associées, de conserver encore un peu d’autonomie, mais de ne jamais élire le maire, qui était toujours choisi par la commune-centre.
Nous ne voulons plus de cela. C’est pourquoi nous créons les communes nouvelles, avec participation des citoyens à l’élection du maire, ce qui est fondamental pour les libertés communales.
Madame Didier, j’ai participé à l’élaboration de ce texte et je ne suis pas un grand technocrate. Je suis un élu de terrain depuis trente-neuf ans.
Mme Évelyne Didier. Et vous avez rencontré du monde ?
M. Michel Mercier, ministre. J’ai même été réélu de nombreuses fois. Comme vous, je n’ai jamais changé de positions, ce qui explique certainement que nous soyons là aujourd'hui tous les deux.
L’article 8 est constitué de propositions simples et pratiques à la disposition des communes qui souhaitent se réunir de façon très démocratique. Ce sont les conseils municipaux qui décident, mais c’est la population qui vote et qui emporte la décision finale dans chaque commune.
La commission des lois est allée clairement plus loin que ce que souhaitait le Gouvernement.
M. Jean-Pierre Chevènement. L’intention était différente !