Sommaire
Présidence de M. Jean-Léonce Dupont
Secrétaires :
MM. Jean-Pierre Godefroy, Bernard Saugey.
2. Saisine du Conseil constitutionnel
3. Réforme des collectivités territoriales. – Suite de la discussion d’un projet de loi (Texte de la commission)
Amendements nos 116, 119 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 483 rectifié de M. Jacques Blanc (suite). – MM. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois ; Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire ; Hervé Maurey, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jacques Blanc, Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Sueur, Claude Bérit-Débat, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Gérard Bailly, François Fortassin, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Bernard Frimat, Yves Daudigny, Jacques Mézard, Claude Jeannerot, Gérard Miquel. – Retrait de l’amendement no 483 rectifié ; rejet, par scrutins publics, des amendements nos 116 et 119.
Amendement n° 117 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 118 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Odette Terrade, MM. le rapporteur, le ministre, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le président de la commission. – Rejet.
Amendement n° 120 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – M. Jean-François Voguet.
Amendement n° 482 rectifié de M. Jacques Blanc. – M. Jacques Blanc.
Amendement n° 351 rectifié de M. Jean-Claude Peyronnet. – M. Jean-Claude Peyronnet.
Amendement n° 350 rectifié de M. Jean-Claude Peyronnet. – M. Jean-Claude Peyronnet.
MM. le rapporteur, le ministre, Gérard Miquel, Jacques Blanc, Charles Gautier, Jean-François Voguet, Yves Daudigny, François Marc. – Retrait de l’amendement no 482 rectifié ; rejet des amendements nos 120 et 351 rectifié ; rejet, par scrutin public, de l’amendement no 350 rectifié.
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
Amendement n° 603 rectifié de M. Philippe Dominati. – MM. Philippe Dominati, le rapporteur, le ministre, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Yves Pozzo di Borgo. – Retrait.
Amendements nos 661 et 663 de M. Pierre Bernard-Reymond. – M. Pierre Bernard-Reymond, le rapporteur, le ministre. – Retrait des deux amendements.
MM. Alain Anziani, Hervé Maurey, Jean-François Voguet, Bruno Sido, Pierre Jarlier, Jean-Pierre Sueur, Jean-Jacques Mirassou, Jacques Mézard, Mme Jacqueline Gourault, MM. Alain Vasselle, le ministre.
Adoption, par scrutin public, de l'article.
Articles additionnels après l'article 1er
Amendement n° 352 rectifié bis de M. Jean-Claude Peyronnet. – MM. Claude Bérit-Débat, le rapporteur, Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales ; Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Sueur, Alain Anziani. – Rejet.
Amendement n° 353 rectifié de M. Jean-Claude Peyronnet. – MM. Jean-Jacques Mirassou, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 355 rectifié de M. Jean-Claude Peyronnet. – MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, le secrétaire d'État, Jacques Blanc, Pierre-Yves Collombat, Mme Dominique Voynet, M. Alain Fouché. – Rejet.
Amendement n° 356 rectifié de M. Jean-Claude Peyronnet. – MM. Yves Daudigny, le rapporteur, le secrétaire d'État, Gérard Bailly, Marc Laménie, Jean-Claude Peyronnet, Jacques Blanc, Mme Dominique Voynet, MM. Jean-Pierre Bel, Pierre-Yves Collombat, Jean-Pierre Sueur.
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
MM. Jean-Jacques Mirassou, le président de la commission. – Rejet de l’amendement no 356 rectifié.
Amendement n° 501 rectifié bis de M. Yvon Collin. – M. Jacques Mézard.
Amendement n° 617 rectifié ter de M. Hervé Maurey. – M. Hervé Maurey.
Amendement n° 502 rectifié bis de M. Yvon Collin. – M. Yvon Collin.
Amendement n° 503 rectifié bis de M. Yvon Collin. – M. Jacques Mézard.
Amendement n° 504 rectifié bis de M. Yvon Collin. – M. Jacques Mézard.
MM. le rapporteur, le ministre, Hervé Maurey, le président de la commission, Gérard Collomb, Alain Vasselle, Gérard Longuet. – Rejet des amendements nos 501 rectifié bis, 617 rectifié ter et 502 rectifié bis à 504 rectifié bis
4. Engagement de la procédure accélérée sur un projet de loi organique
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat
5. Réforme des collectivités territoriales – Suite de la discussion d'un projet de loi (Texte de la commission)
Articles additionnels après l'article 1er (suite)
Amendement n° 354 rectifié de M. Jean-Claude Peyronnet. – Mme Bernadette Bourzai, MM. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois ; Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales ; Mmes Josiane Mathon-Poinat, Dominique Voynet, Annie David. – Rejet.
Amendement n° 592 de Mme Dominique Voynet. – Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean-René Lecerf. – Rejet.
Amendement n° 640 rectifié de M. Yves Pozzo di Borgo. – MM. Yves Pozzo di Borgo, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Retrait.
Articles additionnels avant l’article 2
Amendement n° 7 rectifié de M. Jean-Louis Masson. – MM. Philippe Adnot, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Retrait.
Mme Josiane Mathon-Poinat, M. Jean-Pierre Sueur, Mme Dominique Voynet, MM. Gérard Collomb, Claude Bérit-Débat, Pierre-Yves Collombat, Hervé Maurey, Dominique Braye, Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Chevènement, Yves Daudigny, Yves Krattinger.
Amendement n° 123 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 508 rectifié de M. Yvon Collin. – M. Jean-Pierre Chevènement.
Amendement n° 121 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Odette Terrade.
Amendement n° 509 rectifié bis de M. Yvon Collin. – M. Jean-Pierre Chevènement.
Amendement n° 122 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Marie-Agnès Labarre.
Amendement n° 71 rectifié de M. Rémy Pointereau. – M. Rémy Pointereau.
Amendement n° 619 rectifié de M. Hervé Maurey. – M. Hervé Maurey.
Amendement n° 512 rectifié bis de M. Michel Charasse. – M. Michel Charasse.
MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean-René Lecerf, Gérard Collomb, Dominique Braye, Yves Krattinger, Mme Dominique Voynet, M. Michel Charasse. – Rejet des amendements nos 508 rectifié, 121 et 509 rectifié bis ; retrait de l’amendement no 619 rectifié ; adoption des amendements nos 122 et 71 rectifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
Secrétaires :
M. Jean-Pierre Godefroy,
M. Bernard Saugey.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Saisine du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 janvier 2010 d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution par plus de soixante députés de la loi ratifiant l’ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
3
Réforme des collectivités territoriales
Suite de la discussion d’un projet de loi
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales (projet de loi n° 60, texte de la commission n° 170, rapport n° 169 et avis n° 198).
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 1er, dont je rappelle les termes.
Article 1er (suite)
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
I. – L’article L. 3121-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il est composé de conseillers territoriaux. »
II. – L’article L. 4131-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il est composé des conseillers territoriaux qui siègent dans les conseils généraux des départements faisant partie de la région. »
M. le président. Nous poursuivons l’examen des amendements nos 116, 119 et 483 rectifié, qui font l’objet d’une discussion commune.
J’en rappelle les termes.
L’amendement n° 116, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
L’amendement n° 119, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les conseillers généraux sont élus à la proportionnelle intégrale. »
L’amendement n° 483 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Hérisson, Vial, B. Fournier, Faure, Revet et Pierre, Mme Payet et MM. Alduy, Carle, Juilhard et Bernard-Reymond, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Il est composé de quinze conseillers territoriaux au minimum. »
Ces trois amendements ont déjà été présentés.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. L’amendement n° 116 vise à supprimer les alinéas 2 et 3 de l’article 1er. Ses auteurs rejetant l’instauration des conseillers territoriaux, et compte tenu des votes qui sont déjà intervenus, la commission ne peut qu’être défavorable à cet amendement.
L’amendement n° 119 tend à récrire l’alinéa 3 de l’article 1er pour faire disparaître la référence aux conseillers territoriaux. La commission ne peut qu’y être défavorable.
L’amendement n° 483 rectifié a pour objet de fixer un seuil minimal pour le nombre de conseillers territoriaux par département. En la matière, il convient de concilier plusieurs impératifs : d’une part, la juste représentation des territoires et de la population ; d’autre part, la maîtrise de l’effectif du conseil régional. Il est donc nécessaire de fixer un nombre minimal de conseillers territoriaux pour chaque département. La réflexion sur le sujet doit être poursuivie. Il serait d’ailleurs utile d’entendre la position du Gouvernement sur ce point.
Quoi qu’il en soit, cet amendement n’a pas sa place dans le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui. C’est pourquoi nous en demandons le retrait, sous le bénéfice des explications du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Je partage entièrement l’avis du rapporteur sur ces trois amendements.
M. René-Pierre Signé. On s’en doutait !
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. M. Jacques Blanc, par son amendement n° 483 rectifié, répond à une préoccupation que nous avons été un certain nombre à évoquer dès la discussion générale, puis de nouveau hier à l’occasion de l’examen de l’article 1er. Malheureusement, le Gouvernement n’a pas daigné répondre à nos interrogations. Or nous aimerions tout de même en savoir un peu plus sur ce conseiller territorial ! (Exclamations sur certaines travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
J’ai indiqué que j’étais plutôt favorable à la création du conseiller territorial, qui permettrait une meilleure cohérence de l’action du département et de la région, une mutualisation des actions et sans doute une meilleure utilisation de l’argent public. Cependant, j’ai ajouté qu’il était un peu court de nous dire simplement du conseiller territorial qu’il siégera à la fois au conseil général et au conseil régional.
M. le ministre n’ayant pas pris la peine de me répondre hier, je lui demande de nouveau de nous donner un peu plus d’informations.
M. Hervé Maurey. Quel sera le périmètre des cantons ? Nous n’en savons toujours rien. Comme je l’ai dit hier, un canton qui compte soixante communes, ce n’est plus un canton, c’est une circonscription ! On ne peut pas à la fois prétendre, comme le Président de la République, que l’on est attaché aux cantons, et créer une entité qui ne ressemble plus à un canton. Un canton doit offrir une proximité entre l’élu territorial, les élus municipaux et la population : qu’en sera-t-il ? J’aimerais obtenir un minimum d’assurances de la part du Gouvernement sur ce point ! De la même façon, quid du statut du futur conseiller territorial, qui, par la force des choses, sera un élu à temps plein ?
Je demande des précisions depuis le début de l’examen de ce texte en séance publique, comme je l’avais déjà fait à l’occasion de questions cribles thématiques ou d’auditions publiques auxquelles a procédé la commission des lois. À force de me voir opposer le silence, je vais finir par penser, comme mes collègues de l’opposition, que l’on a des choses à nous cacher… (C’est trop tard ! sur les travées du groupe socialiste.)
En l’absence de réponse, monsieur le ministre, j’en tirerai les conséquences au moment du vote de l’article 1er.
M. René-Pierre Signé. C’est de la repentance !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne peux m’empêcher de noter que M. Maurey a réfléchi a posteriori. C’est dommage qu’il n’ait pas réfléchi avant de faire adopter par le Sénat un amendement instaurant les conseillers territoriaux, alors même que nous n’avions pas encore commencé l’examen de l’article 1er et sans avoir de plus amples informations sur lesdits conseillers territoriaux, ce qu’il déplore maintenant ! C’est donc bien vrai : les nuits portent conseil.
Nous voterons contre l’amendement n° 483 rectifié, et ce pour une raison très simple : nous estimons que la fixation d’un nombre minimal de conseillers territoriaux par département ne saurait être envisagée sans que soit déterminé un nombre global maximal de conseillers territoriaux dont la répartition tienne compte de la population. Ce dernier point est pour le groupe CRC-SPG le critère essentiel.
Déjà lorsque nous avons examiné l’amendement no 645 rectifié tendant à insérer un article additionnel avant l’article 1er, l’« amendement About », nous avons eu un débat intéressant sur les modalités possibles de l’élection des conseillers territoriaux et, bien que ce ne soit pas strictement son objet, vous avez trouvé normal d’en fixer les principes dans le texte du projet de loi.
Il aurait été tout aussi opportun que l’examen de l’amendement n° 483 rectifié soit l’occasion d’un débat sur le nombre de conseillers territoriaux, et nous étions en droit d’attendre du Gouvernement et de la commission un avis qui ne se limite pas à un simple rejet Or, monsieur le ministre, vous refusez ce débat puisque vous ne nous donnez aucune indication sur les réflexions du Gouvernement quant au nombre global de conseillers territoriaux, à leur répartition par département ou encore aux critères selon lesquels pourrait s’opérer cette répartition, toutes questions qui s’apparentent pourtant à des principes.
Dans ces conditions, nous ne pouvons absolument pas voter l’amendement n° 483 rectifié, a fortiori si la fixation d’un nombre minimal de quinze conseillers territoriaux signifie l’abandon du principe de proportionnalité entre le nombre d’élus et le nombre d’habitants du département.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.
M. Jacques Blanc. Monsieur le président, je vous prie d’excuser mon léger retard : j’ai été bloqué quelques instants dans l’ascenseur.
Si j’ai déposé cet amendement, monsieur le ministre, c’est essentiellement pour avoir l’occasion de demander au Gouvernement de prendre deux engagements précis et concrets.
En premier lieu, pouvez-vous nous garantir que le projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, qui nous sera prochainement soumis, fixera à quinze le nombre minimal de conseillers territoriaux d’un département ? En effet, aucun département ne peut fonctionner à moins !
M. René-Pierre Signé. Ils ne seront plus que trois, dans certains départements !
M. Jacques Blanc. Puisque le Gouvernement a la volonté de permettre aux espaces ruraux de s’affirmer et d’aller de l’avant, je considère qu’il doit leur apporter cette sécurité.
De plus, l’instauration d’un nombre plancher prémunirait la future loi de la censure du Conseil constitutionnel, dont je ne saurais oublier que mon département vient d’être victime. En effet, aucun nombre minimal de députés par département, indépendamment du nombre d’habitants, n’ayant été inscrit dans la Constitution, la Lozère va perdre un de ses deux sièges à l’Assemblée nationale. On comprendra que je ne souhaite pas voir une telle situation se reproduire !
En second lieu, monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que les quinze conseillers territoriaux seront également membres de l’assemblée régionale ? Cela conférerait à celle-ci une dimension nouvelle de représentation des territoires grâce au rééquilibrage du poids des villes et de celui des zones rurales. C’est à mes yeux indispensable pour que puisse être menée une véritable politique régionale d’aménagement du territoire. C’est seulement à cette condition que la réforme prendra une dimension vraie en faveur du pays rural et de l’aménagement du territoire !
Monsieur le ministre, j’attends pour me prononcer que vous me confirmiez votre position sur ces deux points.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Il a déjà répondu !
M. Jacques Blanc. Je veux l’entendre !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’attendais que M. Jacques Blanc soit présent pour détailler l’avis du Gouvernement sur l’amendement qu’il avait défendu hier soir : ce n’était pas mauvaise volonté de ma part, monsieur Maurey, c’était courtoisie à l’égard de M. Jacques Blanc, et je suis sûr que c’est bien ainsi que vous l’aviez compris.
À ce stade de notre débat, je voudrais rappeler quelques points.
Tout d’abord, le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales implique que chaque collectivité puisse disposer d’un nombre minimal de conseillers territoriaux. Le Gouvernement reprend très officiellement ce principe dans l’article 14 du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale.
M. Jean-Pierre Sueur. On l’examinera une prochaine fois !…
M. Michel Mercier, ministre. Oui, mais comme M. Jacques Blanc est un homme qui voit loin, je n’hésite pas à lui répondre dès à présent à propos du prochain texte.
M. René-Pierre Signé. C’est surtout un homme hésitant !
M. Michel Mercier, ministre. Cet article dispose en effet : « Dans chaque région, les effectifs des conseils généraux sont fixés dans le respect du principe d’égalité devant le suffrage tout en tenant compte notamment des impératifs de permettre la bonne administration du département et de la région par leur assemblée délibérante respective et d’assurer une représentation effective des territoires au sein des conseils régionaux. »
M. Jean-Pierre Sueur. Cela mérite le grand prix de la langue de bois !
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Sueur, vous pouvez considérer que c’est de la langue de bois, mais telle n’est pas mon opinion.
M. René-Pierre Signé. Des chiffres !
M. Michel Mercier, ministre. Cette disposition – le nombre de quinze conseillers territoriaux – sera soumise à la délibération du Sénat et de l’Assemblée nationale, mais il n’est pas possible d’inscrire dans le projet de loi que nous examinons aujourd’hui le nombre minimal exact de conseillers territoriaux que comptera chaque conseil général.
Je rappelle que M. Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales, s’est engagé dès cet automne à L’Argentière-La Bessée, devant le congrès de l’Association nationale des élus de la montagne, à ce que chaque département compte au minimum quinze conseillers territoriaux. C’est sur ce chiffre que le Gouvernement travaille. Naturellement, il ne manquera pas de fournir tous les éléments nécessaires pour chaque département dès que nous aborderons l’examen du projet de loi électorale.
Même si je comprends parfaitement les raisons qui motivent votre amendement, monsieur Blanc, je le répète, il n’est pas possible d’inscrire le nombre de conseillers territoriaux dans le projet de loi que nous examinons.
Je précise également, pour répondre le plus complètement possible à votre demande, monsieur le sénateur, que tout conseiller territorial sera à la fois conseiller général et conseiller régional.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Évidemment !
M. Michel Mercier, ministre. Si nous instaurons un conseiller territorial, c’est afin de lui permettre d’administrer à la fois le département et la région. Tous les conseillers territoriaux siégeront donc au conseil général du département dont ils sont élus et au conseil régional dans lequel se trouve leur département.
Je pense avoir répondu à l’ensemble des questions qui m’ont été posées. Par ailleurs, j’ai rappelé l’engagement qu’avait pris au nom du Gouvernement M. Alain Marleix, engagement que je fais mien.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Nous ne voterons pas l’amendement de M. Jacques Blanc, non que nous ne comprenions pas qu’il faille fixer un nombre minimum de conseillers territoriaux – c’est évident –, mais parce que nous nous demandons comment le nombre de conseillers territoriaux de chaque département sera calculé s’il faut à la fois tenir compte d’un seuil plancher et respecter le principe d’égalité devant le suffrage. Car c’est là que les difficultés commencent ! En effet, en application de ce seuil, le département de l’Hérault devrait compter 120 ou 130 conseillers ; dans les Bouches-du-Rhône, ce nombre pourrait atteindre 200. Il sera donc nécessaire d’établir un plafond, ce qui conduira à la rupture de l’égalité devant le suffrage. Je ne vois pas comment vous pouvez vous en sortir, monsieur le ministre !
Nous serions heureux de connaître ce plafond pour les Bouches-du-Rhône et pour l’Hérault. Il serait intéressant pour nous de savoir ce que vous avez à l’esprit, monsieur le ministre, et les conséquences qui en découleront pour la représentation dans les différents cantons des départements.
Cela étant, nous nous réjouissons que M. Maurey et le groupe Union centriste se réveillent sur la question de la défense des territoires. Il y a longtemps que nous disons que le problème est réel ! Jusque-là, mon cher collègue, nous ne vous avions pas beaucoup entendu sur le sujet, et j’ai relevé hier une certaine contradiction entre l’adoption, dans les conditions que l’on sait, de l’amendement dit « amendement About » et les commentaires auxquels vous vous êtes livrés.
Vous demandez à la fois la proportionnelle renforcée et le maintien des cantons. Or, monsieur Maurey, quand on accroît la proportionnelle, on diminue d’autant le nombre de cantons, c’est évident ! Il est assez simple d’obtenir la parité avec un scrutin de liste à la proportionnelle renforcée, mais, pour atteindre une représentation satisfaisante des partis qui ne sont pas les plus importants, notamment le vôtre, il faut qu’un nombre assez important de conseillers territoriaux soient élus à la proportionnelle, de l’ordre de 40 %, et non de 20 % comme c’est actuellement prévu. Dès lors, cependant, le nombre de cantons est réduit à due concurrence et les territoires ne sont plus correctement représentés. Je ne vois pas comment vous allez pouvoir sortir de cette contradiction, mon cher collègue !
Telle est la position du groupe socialiste sur l’amendement de M. Jacques Blanc.
M. le président. Monsieur Jacques Blanc, l’amendement n° 483 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Blanc. Je remercie le Gouvernement de s’être engagé sur le nombre minimum de conseillers territoriaux.
Je constate toutefois que M. Peyronnet refuse ce minimum, c’est-à-dire une représentation rurale plus forte. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Claude Peyronnet. Mais non !
M. Bernard Frimat. M. Blanc s’est déjà exprimé, monsieur le président !
M. Jacques Blanc. Le scénario qu’il vient de nous décrire pour l’Hérault et les Bouches-du-Rhône n’est pas acceptable pour moi, mais peu importe, car il ne se produira pas.
J’ai bien entendu ce que nous a dit M. le ministre, …
M. René-Pierre Signé. Il a été flou !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il l’a dit devant la commission des lois.
M. Jacques Blanc. … soutenu par le rapporteur et par le secrétaire d’État, M. Marleix. Je leur fais confiance.
Je note que l’article 14 du texte qui traitera des modalités électorales et qui nous sera prochainement soumis prévoit que le département doit compter un nombre minimum de conseillers territoriaux. Le Gouvernement, représenté par M. le secrétaire d’État et M. le ministre, estime ce nombre à quinze, mais considère qu’il ne peut pas être inscrit dans le présent projet de loi. Il nous assure qu’il figurera dans le prochain. J’en prends acte et je lui fais confiance. Chacun aura d’ailleurs compris que je ne voterai ledit texte qu’à cette condition.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Oui, on l’avait compris !
M. Jacques Blanc. Je le répète : je fais confiance au Gouvernement, qui m’a donné une sécurité. En revanche, je n’ai rien entendu de très agréable de la part de l’opposition. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Par ailleurs, je note avec une très grande satisfaction que tout conseiller territorial représentera bien à la fois le département et la région. La Lozère comptera donc quinze conseillers régionaux.
Compte tenu de ces éléments, monsieur le président, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 483 rectifié est retiré.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est clair que l’on se moque encore et toujours de nous !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et de nos concitoyens !
M. Jean-Pierre Sueur. L’image qui est donnée ici est pour le moins surprenante. Je résume.
Acte I : il nous est dit qu’il est exclu d’évoquer les questions électorales, car tel n’est pas l’objet du texte qui nous est soumis.
Acte II : M. About dépose un amendement ayant pour objet les questions électorales.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On ne va pas recommencer, l’argument est usé !
M. Jean-Pierre Sueur. Il devient alors licite d’évoquer ces questions – ou du moins l’accord passé avec M. About, et cet accord seulement.
M. Bruno Sido. C’est M. About !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur About, vous avez reçu un plat de lentilles dans lequel il n’y a pas de lentilles !
M. Bruno Sido. Et qu’y avait-il donc dans ce plat ?
M. Jean-Pierre Sueur. Acte III : M. Jacques Blanc dépose un amendement de bon sens. En ce qui nous concerne, nous sommes contre l’instauration du conseiller territorial ; mais puisque vous, monsieur Blanc, y êtes favorable, il est logique que vous demandiez combien de conseillers comptera chaque département et chaque région. C’est le bon sens même !
Acte IV : M. Maurey se dresse devant nous et déclare qu’il est inconcevable de ne pas connaître le nombre de conseillers territoriaux que comptera chaque département et chaque région et que, dans ces conditions, il ne votera pas l’article 1er du projet de loi. Tout le monde le comprend ! C’est effectivement la moindre des choses, pour ceux qui sont prêts à voter la création des conseillers territoriaux, que de savoir auparavant combien ils seront.
À l’instant, M. Jean-Claude Peyronnet nous explique de manière lumineuse que, si chaque département devait compter au moins quinze conseillers territoriaux, les départements qui comptent dix fois plus d’habitants que les moins peuplés pourraient, proportionnellement, en totaliser cent cinquante !
M. Jacques Blanc. C’est justement ce que je ne veux pas !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Blanc, vous avez entendu comme moi M. le ministre nous lire quelques lignes du futur projet de loi.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce texte est fabuleux, cher collègue : il y est affirmé à la fois qu’un nombre minimal de conseillers territoriaux sera instauré, que les territoires seront respectés et que l’égalité des Français devant le suffrage sera assurée. En d’autres termes, on y dit tout et son contraire !
C’est alors que M. Maurey se dresse pour déclarer que tout cela est inacceptable. M. Peyronnet l’a également souligné : monsieur About, vous eussiez tout de même pu demander, avant de présenter votre amendement, combien il y aurait de conseillers territoriaux ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Blanc, renforcé par l’appui précieux de M. Maurey, qui n’est pas content, se dresse à son tour et demande que l’on nous précise qu’il y en aura bien quinze par département, qu’on l’écrive et qu’on en tire les conséquences. Et, tant qu’à faire, autant que l’on nous dise aussi combien il y en aura dans chaque département et dans chaque région : au moins, ce sera clair !
Acte V : conclusion de la tragi-comédie.
M. Bruno Sido. Non, c’est une tragédie ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Elle est du plus haut burlesque, du plus grand comique : M. Jacques Blanc, après s’être dressé, avec le soutien de M. Maurey, retire naturellement son amendement.
M. Jacques Blanc. C’est une insulte ! Je demanderai un droit de réponse !
M. Jean-Pierre Sueur. Le tour est joué, tout le monde a compris.
Mes chers collègues et amis, peut-être pensez-vous que tout cela est d’une grande élévation parlementaire. Nous ne partageons pas ce jugement. (Très bien ! Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Encore une déclaration d’amour !
M. Michel Mercier, ministre. … mais je trouve que le rôle que vous jouez depuis hier n’est pas à la hauteur de votre véritable talent, et je regrette beaucoup que vous ne soyez pas celui que vous êtes normalement.
M. Jean-Pierre Sueur. Merci !
M. Michel Mercier, ministre. Qu’il me soit permis de préciser quelques points.
Actuellement, c’est par décret que la carte cantonale est fixée. J’ai bien écouté les propos de M. Peyronnet au sujet de l’Hérault, et je comprends tout à fait qu’il ait pris cet exemple.
M. Jean-Claude Peyronnet. J’ai cité ce département, mais j’aurais très bien pu en citer un autre !
M. Michel Mercier, ministre. Oui, mais puisque vous avez choisi l’Hérault, je vous imite. Nous parlons donc tous les deux de l’Hérault !
Aujourd’hui, le plus petit canton de l’Hérault compte 1 023 habitants, le plus grand 45 000. Les règles constitutionnelles qui s’appliquent aujourd’hui continueront de s’appliquer demain, aucune révision constitutionnelle n’est venue les modifier.
Que prévoient les textes du Gouvernement ? Premièrement, pour la première fois, c’est non plus le pouvoir réglementaire qui interviendra, mais le pouvoir législatif. C’est là, me semble-t-il, reconnaître au Parlement un rôle nouveau, et il me paraît important de le souligner devant les parlementaires que vous êtes.
Conformément à l’article 34 de notre loi fondamentale, le législateur devra concilier deux principes constitutionnels : celui de la libre administration des collectivités territoriales et celui de la juste représentation de la population et des territoires. Le premier critère qui doit être pris en compte est donc, bien évidemment, la juste représentation de la population. Pour autant, il ne saurait être le seul.
Le projet de découpage qui sera soumis au Parlement améliorera sensiblement la carte de l’Hérault, où ne subsisteront plus, entre le plus petit et le plus grand canton, que quarante-quatre points d’écart – c’est un progrès démocratique ! –, tout en assurant le respect des territoires ruraux grâce à un nombre minimum de conseillers territoriaux, disposition tout à fait légale et constitutionnelle.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Adrien Gouteyron. Voilà !
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Tant M. Maurey que M. Jacques Blanc semblent découvrir aujourd’hui que la majorité a défendu et voté hier la création des conseillers territoriaux sans rien savoir de leur mode d’élection ni de leur nombre.
Plusieurs de nos collègues, en particulier Claude Domeizel hier soir et, à l’instant, M. Jacques Blanc, ont cherché à savoir combien de conseillers compteraient leur département et leur région si chaque département était assuré de disposer d’un nombre minimum de conseillers, et, dans ce cas, combien de conseillers seraient élus dans les départements les plus importants, notamment dans les Bouches-du-Rhône. On nous maintient dans le flou, voire dans la fumée.
La semaine dernière, lorsque nous avons demandé combien seraient les conseillers territoriaux et quelles dispositions étaient envisagées pour assurer l’égalité entre les territoires et entre les Français, il nous a été répondu que ce n’était pas le sujet et que de telles questions seraient examinées ultérieurement. Et voilà que M. Mercier explique à présent à M. Jacques Blanc que, conformément aux engagements pris par M. Alain Marleix au congrès des élus de la montagne, les conseillers territoriaux seront quinze par département !
M. Bernard Frimat. Il a dit : quinze ou vingt !
M. Claude Bérit-Débat. Nous n’y comprenons plus rien ! Et d’ailleurs, pourquoi quinze ? Pourquoi pas vingt ?
Pour notre part, comme nous en avons déjà formulé la demande auprès de M. Marleix, nous souhaiterions disposer de simulations qui tiennent compte d’un plancher et d’un plafond du nombre possible de conseillers territoriaux.
M. Bernard Frimat. Elles sont déjà faites ! Simplement, on ne nous les montre pas !
M. Claude Bérit-Débat. Il semble que certains sénateurs ou députés aient pu en consulter ; ce n’est pas notre cas.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’y a que le Gouvernement qui les a !
M. Claude Bérit-Débat. Nous ne voterons pas cet amendement tant qu’il n’y aura pas de transparence totale sur les conséquences de la création des conseillers territoriaux, sur les conditions de la mise en œuvre du dispositif sur le terrain et, au-delà, sur les problèmes constitutionnels susceptibles de se poser. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le président, je pense qu’il faudrait tout de même ordonner un peu nos débats.
Je ne comprends pas pourquoi certains continuent d’expliquer leur vote sur l’amendement n° 483 rectifié alors que M. Jacques Blanc vient de le retirer ! Pour l’instant, nous devons nous prononcer sur l’amendement n° 116, qui vise à supprimer les deuxième et troisième alinéas de l’article 1er.
Quarante-huit de nos collègues se sont déjà exprimés sur l’article 1er pour dire tout le mal qu’ils pensaient du conseiller territorial.
M. Bruno Sido. Cinquante et un !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Quarante-huit sur les cinquante et un qui s’étaient inscrits, monsieur Sido !
Il ne me paraît plus convenable de retarder à ce point nos travaux ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Veuillez m’excuser, mes chers collègues, mais vous n’avez pas à expliquer votre vote sur un amendement que son auteur vient de retirer ! Sinon, il n’y a plus aucune organisation des débats.
M. Jacques Blanc. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Par ailleurs, je suis tout de même quelque peu surpris des arguments que vous utilisez, mes chers collègues.
En effet, le conseiller territorial, dont la majorité sénatoriale accepte le principe, ne pourra exister que si nous tombons d’accord sur le nombre d’élus et le mode d’élection,…
M. Nicolas About. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … c’est-à-dire si, sur ces points, une majorité se dégage au Parlement.
Mme Jacqueline Gourault. C’est bien de le dire !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Aussi, je le dis : si cette condition n’est pas remplie, le conseiller territorial ne pourra pas être institué ! De la même façon, la création des conseillers régionaux, qui a été décidée en 1982, n’aurait jamais pu entrer dans les faits si le Parlement n’avait pas adopté en 1985 une loi fixant leur mode d’élection.
M. Bruno Sido. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Par conséquent, il est inutile de continuer ce débat !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est incroyable !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous aurons une telle discussion sur le fond, en reprenant les principes de représentation qui ont été définis – ils sont importants –, lorsque nous examinerons le texte sur le mode d’élection des conseillers territoriaux.
Même si cela amuse certains, il est totalement illogique de poursuivre aujourd’hui le débat sur cette question, puisque, je le répète, sans accord sur les conditions de la mise en œuvre effective des dispositions que nous adoptons, le conseiller territorial ne sera pas institué.
Je comprends fort bien que d’aucuns veuillent faire de l’opposition. Pour notre part, nous sommes favorables à la création du conseiller territorial, qui nous semble de nature à rapprocher les élus des citoyens. Bien entendu, cela suppose une redéfinition des compétences respectives des collectivités territoriales.
M. Jean-François Voguet. Justement ! Nous n’avons aucune information à ce sujet !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Une loi portera spécifiquement sur les compétences des différentes collectivités ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vos propos démontrent l’absurdité du système, monsieur Hyest !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous pouvez choisir de prendre le problème à l’envers, ma chère collègue !
M. Jean-François Voguet. C’est exactement ce que vous faites !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour ma part, je préfère la cohérence.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes totalement incohérent !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non ! Vous aurez tout le temps de vous exprimer sur le mode de scrutin.
Je le répète, c’est ainsi que le conseiller régional a été institué : le principe de sa création avait été acté dans une loi de 1982, mais il a fallu attendre trois ans pour décider de son mode d’élection, et les premières élections régionales ont eu lieu en 1986.
M. René-Pierre Signé. Mais, à l’époque, le conseiller régional ne se substituait à personne ! Là, vous procédez à une substitution !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce qui était vrai hier doit pouvoir l’être aujourd’hui ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je vous rappelle que le Sénat est amené à se prononcer sur les amendements nos 116 et 119.
La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.
M. Gérard Bailly. Je souhaitais expliquer mon vote sur l’amendement n° 483 rectifié, mais, celui-ci ayant été retiré, je m’exprimerai sur l’article 1er.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Sans revenir sur l’amendement n° 483 rectifié, je voudrais souligner un point.
M. Jacques Blanc est un élu avisé, dont les interventions sont généralement pertinentes. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Aussi, je m’étonne qu’il pose aujourd’hui une question…
M. Bruno Sido. Il ne la pose plus, puisqu’il a retiré son amendement !
M. François Fortassin. … à laquelle la plupart des membres de l’opposition connaissent la réponse depuis quatre mois ! Peut-être voulait-il simplement organiser un débat « lozéro-lozérien », certainement fort utile pour son département ?
Mes chers collègues, cessez de reprocher à l’opposition d’allonger les débats ! (Rires sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Bruno Sido. C’est un peu facile !
M. François Fortassin. Pour en revenir au texte qui nous est soumis, je dois dire que j’en déplore l’incohérence.
Monsieur le ministre, quelque dispositif que vous nous proposiez, une nécessité au moins s’imposera toujours à vous : que puissent fonctionner à la fois les conseils généraux et le conseil régional. Or chaque département, dites-vous, comptera au moins quinze conseillers territoriaux : une commune de 501 habitants a déjà quinze conseillers municipaux, et vous nous proposez le même nombre d’élus pour un département de 200 000 habitants ? Qui plus est, l’assemblée régionale, avec ses 200 ou 250 élus, sera pléthorique ! Comment cela pourrait-il fonctionner ? Ce n’est pas réaliste !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Évidemment !
M. François Fortassin. Il existait pourtant une solution relativement simple : il suffisait de décider qu’un tiers des conseillers généraux seraient désignés à la proportionnelle pour aller siéger au conseil régional. Certains sénateurs auraient été d’accord, d’autres non, mais, au moins, le dispositif aurait été cohérent !
En l’occurrence, vous nous servez un mauvais brouet pour faire en sorte que le système ne fonctionne pas. Vous aurez ensuite beau jeu, une fois l’échec du dispositif constaté, de dire qu’il faut supprimer un échelon ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. Jacques Blanc. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Mes chers collègues, je ne crois pas que la majorité sénatoriale ait abusé du temps de parole dont elle dispose. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. René-Pierre Signé. Ça commence !
M. Jacques Blanc. Par conséquent, vous me permettrez tout de même de m’exprimer.
Mon rappel au règlement se fonde sur les articles 36 et 49.
Monsieur Sueur, vous n’avez pas l’habitude d’être aussi méprisant…
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne l’ai pas été !
M. Jacques Blanc. … que vos paroles de tout à l’heure le laissent supposer. Je vous demande donc de retirer ces propos.
Par ailleurs, monsieur Fortassin, il est légitime qu’un élu enraciné dans un territoire de montagne – c’est votre cas, c’est également le mien – demande un certain nombre de précisions. Or le Gouvernement les a apportées ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Ayant ainsi retrouvé la sérénité, nous pouvons à présent voter sainement.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Notre amendement n° 116, qui vise à supprimer les deuxième et troisième alinéas de l’article 1er, est très utile.
Nos débats prennent un tour grotesque ! Chacun vient, en quelque sorte, faire son marché ! D’abord, M. About formule diverses demandes en matière de mode de scrutin.
M. Nicolas About. Selon vous, défendre ses principes, c’est « faire son marché » ? Vouloir garantir le respect de la parité, c’est « faire son marché » ? Quelle honte !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Puis M. Jacques Blanc nous explique qu’il lui faudrait au moins quinze conseillers territoriaux pour sa Lozère. Je pourrais tout aussi bien demander combien il y en aura dans mon département, la Loire, ou en Isère, ou dans l’Allier… Où est l’intérêt général dans ces considérations ?
Monsieur le ministre, nous vous avons interrogé sur le nombre d’élus, puisque nous savons bien qu’il y aura un plafond. Vous envisagez de diviser par deux le nombre d’élus, puisque les conseillers territoriaux seraient 3 000, contre 6 000 conseillers généraux et régionaux aujourd’hui. Si l’on fixe un plancher de quinze conseillers territoriaux pour les départements ruraux, combien y en aura-t-il dans les autres départements ? C’est tout de même une véritable question, monsieur le ministre ! Or vous n’y répondez pas.
Nous devrions voter d’abord et obtenir des réponses ensuite. Excusez-moi, mais il me paraît très difficile de vous accorder un tel blanc-seing ! Aussi, je considère qu’il est essentiel que la création des conseillers territoriaux soit reportée et que l’article 1er soit retiré du présent projet de loi.
M. Nicolas About. Et vous, vous ne faites pas votre marché ? Quand on lit les amendements de votre groupe, ce sont même les quatre-saisons !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vous en prie, monsieur Nicolas About ! Les remarques personnelles, ça suffit !
M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote.
M. Gérard Collomb. Je n’abuserai pas de mon temps de parole. Cependant, nos débats tournent autour d’un sujet extrêmement important, sur lequel, à mon avis, l’attention du Conseil constitutionnel sera inévitablement fortement attirée : il s’agit du rapport entre les territoires et la démographie.
M. Nicolas About. Bien sûr !
M. Gérard Collomb. Ce point central sera le fil rouge du présent projet de loi.
Monsieur le ministre, vous nous invitez à examiner les disparités qui existent entre les cantons. Mais, vous le savez bien, cette situation est le produit d’une longue histoire qui, justement, s’achève avec ce texte.
Nous demandons qu’au sein d’une même région chaque canton compte à peu près la même population. Des disparités, même importantes, entre les cantons du Nord et ceux des Bouches-du-Rhône n’offusqueront personne. En revanche, je ne crois pas que le Conseil constitutionnel accepterait un découpage par lequel un conseiller territorial représenterait dix fois plus d’habitants qu’un autre conseiller territorial de la même région. En d’autres termes, il faudra forcément appliquer en la matière une logique d’échelle, une logique encadrée, d’autant qu’un problème similaire se pose à l’article 3. Il faudra bien que vous nous apportiez des clarifications à cet égard !
M. Nicolas About. Bien sûr !
M. Gérard Collomb. En outre, il vous faudra préciser avant la fin de cette première lecture du projet de loi par le Sénat les modalités d’élection des conseillers territoriaux. S’agira-t-il d’un scrutin à un tour ? à deux tours ?
En cas de saisine du Conseil constitutionnel, les Sages se montreront peut-être magnanimes s’il y a une ambiguïté, ils y seront moins enclins s’il y en a deux, et, au-delà, ils considéreront certainement que le législateur ne sait même pas ce qu’il a voté et retoqueront le texte. Par conséquent, si nous voulons qu’il puisse être validé, nous avons intérêt à clarifier le plus possible le dispositif au cours de nos débats.
Je rappelle que plusieurs dispositions de la loi sur la coopération intercommunale, défendue par M. Jean-Pierre Chevènement, auraient pu être remises en cause ; pourtant, à l’époque, personne n’avait saisi le Conseil constitutionnel. Aujourd’hui, en l’absence de consensus politique qui, au-delà de l’aspect strictement juridique, mettrait en lumière les convergences entre les uns et les autres, le présent projet de loi lui sera probablement soumis.
Il me paraît donc indispensable, monsieur le ministre, que, dans la discussion, vous précisiez ces deux points.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je souhaite revenir sur les arguments développés par M. le ministre et par M. le président de la commission des lois.
M. Mercier a rappelé qu’il existait de grandes différences démographiques entre les cantons d’un même département, le Var battant probablement tous les records. Nous souhaitons tous que ce découpage soit revu, d’autant qu’il serait extrêmement simple de parvenir à un meilleur équilibre dans chaque département, voire dans chaque région.
M. Pierre-Yves Collombat. Le problème, encore une fois, et vous le savez parfaitement, c’est de réaliser un découpage qui soit équilibré à la fois pour le département et pour la région.
Comment ferez-vous dans une région comme la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ? Y aura-t-il quinze conseillers territoriaux aussi bien pour les Alpes-de-Haute-Provence ou les Hautes-Alpes, ces dernières comptant environ 135 000 habitants, que pour les Bouches-du-Rhône, qui en comptent plus de 1 900 000 ? Le rapport démographique est pourtant de 1 à plus de 14 !
Le président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, observe qu’il est déjà arrivé que de tels découpages soient réalisés : en 1981, en 1985…
Je ne doute pas que vous vous accorderez avec les centristes sur un mode de scrutin mixte, à la fois proportionnel et majoritaire. Néanmoins, à ce problème d’arbitrage politique s’ajoute une difficulté technique.
Comment les Alpes-de-Haute-Provence, ou les Hautes-Alpes, pourront-elles être représentées par 15 conseillers territoriaux si vous ne voulez pas que le conseil régional en compte entre 330 et 440 ? Comment justifierez-vous que les Alpes-de-Haute-Provence, ou les Hautes-Alpes, aient 15 conseillers et que le Vaucluse seulement 25 ou 30, alors que ce dernier département est cinq fois plus peuplé que les deux précédents ? Ce n’est pas seulement un problème de choix politique, c’est un vrai problème technique, lié au fait que l’on prévoit d’élire des personnes qui siégeront dans deux assemblées différentes.
Mon cher Jacques Blanc, je suis évidemment tout à fait d’accord avec vous : les territoires ruraux doivent avoir une représentation minimum. Mais comment pouvez-vous être rassuré par de telles dispositions ?
Pour ma part, je crains que les élus ruraux de la majorité ne votent une disposition qui n’est qu’un « bidouillage » et que le Conseil constitutionnel invalidera !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce serait pourtant une grande victoire pour vous !
M. Pierre-Yves Collombat. Le Gouvernement s’abritera ensuite derrière le Conseil constitutionnel pour revenir sur la représentation minimum de 15 conseillers. J’attire l’attention des élus ruraux sur ce point.
Ils sont rassurés maintenant, ils risquent de l’être moins dans quelque temps ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Nous essayons d’être le plus clairs possible dans nos explications de vote sur les deux amendements déposés par Nicole Borvo Cohen-Seat et son groupe.
Ces amendements portent sur la composition du conseil général et du conseil régional. Le texte dont nous débattons aujourd’hui, Gérard Collomb et Pierre-Yves Collombat viennent de le démontrer, instaure une liaison entre les élus du conseil général et les élus du conseil régional.
Depuis que les projets de loi ont été déposés, nous demandons des explications et des clarifications, que ce soit pendant les auditions publiques, en commission ou, maintenant, à l’occasion de nos débats. Nous ne les avons jamais obtenues.
N’essayez pas, monsieur le ministre, de nous faire croire que vos ordinateurs n’ont pas tourné, que vous ne savez pas où vous allez et que vous créez le conseiller territorial à l’aveuglette ! Ayez un minimum de respect pour la représentation parlementaire et, au-delà d’elle, pour les citoyens !
Bien évidemment, nous souhaitons tous que les départements comptent suffisamment de conseillers généraux pour être bien administrés. Cependant, trouvez-vous cohérent de réduire la représentation départementale – car vous la réduisez dans tous les départements de France ! – alors que vous donnez plus de tâches aux élus des départements ? Espérez-vous sérieusement, en agissant de la sorte, que les départements seront mieux administrés qu’ils ne le sont aujourd’hui ?
Les départements ruraux, demain, auront moins d’élus. Pourtant, ces derniers devront assurer un travail plus important. Est-ce cohérent ?
Par ailleurs, comment réaliserez-vous le raccord ? Comment respecterez-vous le principe d’égalité des suffrages ? Vous savez parfaitement que vous n’y parviendrez pas, et c’est bien pour cette raison que vous ne nous communiquez pas les éléments statistiques qui sont en votre possession !
M. Alain Marleix, dont nous avons eu le loisir d’apprécier l’humour, a affirmé qu’il ne pouvait nous communiquer les chiffres parce que MM. Vaillant et Jospin ont fait réaliser des recensements glissants. Aujourd’hui, nous disposons des chiffres du recensement de 2007. Il va donc falloir trouver une autre explication !
Vos conseillers peuvent bien vous transmettre avec frénésie des petits papiers pour vous aider à démontrer que demain sera bien mieux qu’hier, nous, ce que nous voulons, c’est un minimum de clarté et d’explications !
Si vous n’êtes pas perturbé par la mise en place des conseillers territoriaux, si vous savez où vous allez, pourquoi ne pas nous dire en quoi c’est une mesure intelligente ? Expliquez-nous comment vous comptez vous y prendre dans l’ensemble des régions, notamment en Provence-Alpes-Côte d’Azur ! Dites-nous comment les choses s’organiseront et combien il y aura de conseillers, monsieur Mercier ! Ce n’est pas un domaine où règne le secret-défense ! Or vous nous dévoilez les choses petit bout par petit bout, vous nous demandez de voter d’abord et de comprendre après.
Mme Jacqueline Gourault disait hier qu’elle ne voulait pas se faire avoir à la sortie.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On ne veut pas se faire avoir !
M. Bernard Frimat. Nous, ce que nous demandons, c’est d’être éclairés à l’entrée !
Monsieur le ministre, où allons-nous ? Quelles sont vos intentions ? Pourquoi un tel silence radio ?
Un plancher sera peut-être créé, mais y aura-t-il un plafond ? Nous ne le savons pas.
Mon collègue l’a souligné, le Conseil constitutionnel ne vous permettra pas de fouler aux pieds le principe fondamental de l’égalité du suffrage dans des circonscriptions que vous continuez d’appeler des cantons, mais qui n’auront rien de commun avec les cantons d’aujourd’hui. Il vous faudra donc trouver une autre dénomination ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Je souhaite, sans agressivité et en toute cordialité, répondre à M. le président de la commission des lois.
L’enjeu de l’article 1er du projet de loi justifie amplement le nombre important des interventions des sénateurs de l’opposition.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ça recommence comme hier !
M. Yves Daudigny. Les dispositions qui sont envisagées ne sont pas anodines, et vous le savez bien, mes chers collègues ! Elles touchent à la vie démocratique de demain dans nos territoires ainsi qu’à la qualité et au volume des services et des équipements publics de nos communes, de nos villes.
Par ailleurs, il est tout de même un peu fort d’accuser l’opposition de nuire à la clarté des débats. Vous nous présentez cet article 1er, qui est un squelette contenant deux fois l’expression « conseillers territoriaux », sans qu’aucune explication nous soit fournie !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous n’avez rien compris, ce n’est pas un squelette, c’est une colonne vertébrale !
M. Yves Daudigny. Cet article 1er est immédiatement suivi du chapitre II, qui traite déjà de l’élection et de la composition des conseils communautaires. C’est donc bien sur un squelette que vous nous demandez de voter, et depuis des semaines vous nous répétez que nous verrons par la suite les détails du costume dont nous l’habillerons.
Or, depuis quelques jours, des amendements sont déposés au hasard des débats, des accords politiques entre tel et tel groupe ou des situations géographiques particulières. Certains de ces amendements sont votés, d’autres ne le sont pas. Certains sont rejetés, d’autres sont retirés. Pourtant, tous portent sur ces détails. C’est totalement incohérent !
La seule solution est donc de suivre l’exemple de notre collègue Philippe Adnot, membre de la majorité présidentielle, qui a affirmé hier qu’il ne votera pas l’article 1er. Nous devons l’entendre et reprendre la discussion sur une base de sagesse et de bon sens afin de dégager des consensus, en particulier sur le redécoupage des cantons, point qui a été évoqué à de nombreuses reprises au cours de nos discussions. Un accord peut être trouvé. N’oublions pas que l’Assemblée des départements de France s’est exprimée plusieurs fois sur la nécessité de revoir les périmètres des cantons si nous voulons conserver un scrutin uninominal.
Suivons ce conseil de modération et de sagesse, et reprenons la discussion. Mes chers collègues, ne votons pas l’article 1er de ce projet de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous recherchons la vérité : puisque le Parlement a voté il y a peu une loi « anti-cagoule », il est temps de l’enlever, cette cagoule !
La vérité se situe entre deux chiffres.
Vous voulez que nous votions cet article 1er portant création des conseillers territoriaux sans nous dire quel sera leur nombre et sans nous renseigner sur les futures modalités de leur élection.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous commençons à nous faire une idée du nombre des conseillers territoriaux, puisque vous avez évoqué à différentes reprises un plancher minimum d’une quinzaine d’élus par département. La France comptant une centaine de départements, cela fera 1 500 conseillers. Quant au plafond, vous nous avez indiqué qu’il fallait réduire de moitié le nombre de conseillers généraux et régionaux, ce qui le ramène à 3 000. Je n’étais pas très brillant en arithmétique, mais suffisamment pour savoir que 3 000 – 1 500 = 1 500. Il reste donc 1 500 élus à répartir entre les départements les plus peuplés !
De deux choses l’une : soit vos affirmations sont tout à fait inexactes, et il faudra tout reconsidérer, soit les départements les plus peuplés seront fortement sous-représentés dans les futurs conseils régionaux, ce qui aura des conséquences politiques parfaitement claires.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, quelles sont vos intentions, quels sont vos projets, puisque vous connaissez les simulations ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.
M. Claude Jeannerot. Le débat qui se développe depuis quelques instants est assez symptomatique. D’une certaine façon, il donne toute sa légitimité à l’amendement de notre collègue Jacques Blanc, même s’il a été retiré. Après tout, notre collègue soulevait une question essentielle : celle de la représentativité des territoires. Cette question fondamentale, nous le voyons bien, ne peut être désolidarisée de celle du conseiller territorial.
D’une certaine manière, l’amendement n° 483 rectifié de notre collègue Jacques Blanc apportait une confirmation aux arguments que nous avions développés hier après-midi. Nous dénoncions en effet la logique interne de ce projet de loi, qui nous conduit inéluctablement à signer un chèque en blanc – pardonnez-moi, cher collègue ! – à ce gouvernement, sans connaître les deux éléments majeurs du futur statut du conseiller territorial : son mode de désignation et, plus important encore, ses compétences. Je vous rappelle que nous créons aujourd’hui des conseillers territoriaux sans connaître précisément les compétences qu’exerceront les collectivités auxquelles ils seront rattachés.
Mes chers collègues, je crains que la difficulté que nous rencontrons cet après-midi ne soit que la première d’une longue série qui ponctuera nos débats au cours des prochains jours et dans les semaines à venir. En effet, nous avons laissé dans l’incertitude des questions qui touchent aux règles constitutives du statut du conseiller territorial. D’un certain point de vue, au tout début de ce débat,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous débattons depuis déjà plus d’une semaine !
M. Claude Jeannerot. … je comprends l’initiative de notre collègue Jacques Blanc, car je préside, comme lui, aux destinées d’un département. Elle soulève des questions majeures, auxquelles ce projet de loi ne répond pas ; or, si nous avions eu à les traiter, nous aurions pu sans doute trancher autrement la question du conseiller territorial ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel. Au fur et à mesure du déroulement des débats, nous nous rendons compte des incohérences de ce projet de loi. En effet, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous êtes l’un et l’autre élus de départements bien différents, M. Mercier dans le Rhône et M. Marleix dans le Cantal.
La France est diverse. Elle comprend des départements très peuplés, avec des zones de forte densité, et d’autres départements, pleins de richesses, mais avec une très faible densité de population. Vous voulez apporter les mêmes réponses à ces différents territoires. Eh bien, cela ne marche pas !
En effet, aujourd’hui, nos conseils généraux comptent un certain nombre d’élus qui travaillent beaucoup. Depuis la décentralisation, mes chers collègues, vous vous êtes, les uns et les autres, rendu compte de la modification du travail des élus, qui s’investissent au quotidien dans les divers domaines de compétence qui leur ont été délégués. Pour les conseils généraux, la définition de ces compétences est très large. Le travail réalisé par mes collègues qui s’occupent de la maison du handicap, par exemple, est très lourd.
Je vais établir une comparaison, car vous nous dites que vous voulez préserver les conseils généraux, mais nous ne le croyons pas ! La ville de Cahors, chef-lieu de mon département, compte 20 000 habitants et trente-trois élus. Le conseil général du Lot, avec 170 000 habitants, élit trente et un conseillers généraux. Demain, si l’amendement de notre collègue Jacques Blanc avait été adopté, ce département ne compterait plus que quinze élus au minimum. Nous vous avons fait la démonstration que ce nombre ne permettait pas de garantir de manière satisfaisante la représentativité. Mais, avec quinze élus, nous serons également dans l’incapacité de gérer un département comme celui du Lot, ou alors l’administration fera le travail et nous ne ferons que la surveiller d’un peu loin…
Mme Raymonde Le Texier. Voilà !
M. Gérard Miquel. Si ce que vous voulez, c’est redonner le pouvoir aux technostructures départementales et régionales, dites-le ! Elles le prendront avec grand plaisir.
Par ailleurs, une réforme de ce type doit être comprise et acceptée par la population de nos territoires. Vous avez refusé de soumettre cette réforme à référendum : si vous n’avez aucune inquiétude, pourquoi ne le faites-vous pas ? La solution était simple : vous soumettiez la réforme à référendum,…
M. Gérard Miquel. … nous aurions fait campagne, les uns et les autres. Nous aurions pris acte du résultat et nous l’aurions accepté.
Laissez-moi revenir sur un point. J’ai l’habitude de consulter la population de mon département, au travers de publications du conseil général. J’ai vu, dans la presse de ce matin, que des ministres ou certains collègues ont émis quelques critiques, que j’avais déjà entendues, sur des campagnes de communication menées par les départements.
Eh oui, j’ai été l’un des premiers à conduire une campagne de communication dans mon département !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Avec les moyens du département !
M. Gérard Miquel. Oui, mon cher collègue,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est illégal !
M. Gérard Miquel. … et je vais vous expliquer comment j’ai procédé, parce que cela mérite une précision. Ou bien, voulez-vous que je vous parle des moyens de communication utilisés à d’autres niveaux ?
Pour conduire ma campagne, je me suis interrogé sur ce que je devais faire et je me suis renseigné sur le coût qu’elle représenterait, parce que je suis gestionnaire des deniers publics. J’ai à un moment envisagé de faire réaliser un sondage – c’est à la mode, on en parle beaucoup…
M. Claude Bérit-Débat. Même à l’Élysée !
M. Gérard Miquel. Mais je me suis dit que le prix que me demandaient les instituts de sondage était trop élevé pour être accepté par le conseil général. J’ai donc présenté une proposition à mes collègues, qui l’ont adoptée à la quasi-unanimité – un seul a voté contre. J’ai donc mené une campagne de communication pas très coûteuse, vraiment économe des deniers publics – j’en indiquerai le montant quand on me le demandera, mais je pense que ce n’est pas le lieu pour le faire –, et j’ai obtenu plus de 10 000 réponses d’habitants de mon département, exprimant leur attachement au conseil général et à l’institution départementale, parce qu’elle est une collectivité de proximité, de solidarité territoriale et sociale.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On sait comment cela se passe ! C’est le même procédé qu’avec La Poste !
M. Gérard Miquel. Vous voulez casser l’édifice progressivement mis en place au cours de vingt-cinq années de décentralisation : nous ne l’accepterons jamais et nous nous battrons jusqu’au bout pour que ce projet ne voie pas le jour ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Philippe Adnot applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 116, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et tendant à supprimer les alinéas 2 et 3 de l’article 1er.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je vous rappelle que la commission a émis un avis défavorable et que le Gouvernement a également émis un avis défavorable sur cet amendement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Ceux qui souhaitent voter « pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.
Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.
Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
………………………………………………………
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 137 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 334 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 181 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 119, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et tendant à introduire une nouvelle rédaction de l’alinéa 3 de l’article 1er.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que la commission a émis un avis défavorable et que le Gouvernement a également émis un avis défavorable sur cet amendement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Ceux qui souhaitent voter « pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.
Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.
Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
………………………………………………………
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 138 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 225 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 113 |
Pour l’adoption | 24 |
Contre | 201 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L'amendement n° 117, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les départements sont administrés par le conseil général élu au suffrage universel direct. »
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Compte tenu de tout ce qui a été dit précédemment et des inquiétudes des élus, il nous semble utile et nécessaire d’insérer, dans le projet de loi, un alinéa précisant le rôle du conseil général dans le département. C’est précisément l’objet de cet amendement.
La France souffrirait, paraît-il, d’un nombre excessif d’échelons administratifs. C’est en tout cas le constat qui est à l’origine de ce projet de loi !
Face à ce supposé problème, le Gouvernement propose un remède quelque peu basique : il s’agit de vider l’échelon départemental de son contenu, alors même que cet échelon est, avec la commune, le mieux enraciné et le plus populaire.
La suppression du département n’est pas une idée neuve. Depuis plus d’une trentaine d’années, les élites parisiennes et certains dirigeants régionaux voient dans cette abolition le remède au mauvais fonctionnement des administrations.
Dernièrement, c’est l’essayiste Jacques Attali, chargé par Nicolas Sarkozy de déterminer à la place des élus et des électeurs les réformes des prochaines années, qui a ravivé ce « marronnier » politique, dans un rapport rendu le 23 février dernier. Devant le tollé que cette proposition avait suscité de part et d’autre de la classe politique, le Président avait tranché en saluant la qualité du rapport, mais en affirmant écarter la mesure.
Cette position n’aura pas tenu bien longtemps puisque, depuis plusieurs mois, les déclarations sur le caractère obsolète et bureaucratique du département se sont multipliées, à l’image de ce projet de loi qui nous est soumis et qui supprime de fait cette collectivité, au nom de la modernité.
Les départements seraient donc archaïques… Créés le 15 janvier 1790, ils le seraient alors tout autant que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dont ils sont une émanation ! (M. Nicolas About s’exclame.) Après plus de deux siècles d’existence, ils demeurent envers et contre tout la principale circonscription de référence et administration de proximité.
Ainsi, lorsque le Gouvernement institue une nouvelle aide, par exemple l’assistance aux personnes dépendantes, c’est aux conseils généraux des départements qu’il en délègue la gestion.
Quand il lance un énième plan banlieue, c’est sur les préfets qu’il s’appuie pour sa mise en œuvre. En effet, – et même si cela n’a pas empêché ce plan d’échouer – il aurait été inconcevable et absurde de demander à la région d’Île-de-France de se pencher sur les problèmes spécifiques de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne ou encore, s’agissant de l’Essonne, sur ceux que nous rencontrons dans le quartier des Tarterêts ou dans la cité de la Grande Borne.
Le département est donc un échelon solidement ancré dans les consciences et toujours aussi pertinent en termes de politiques publiques. Il nous paraît dès lors essentiel de réaffirmer son importance.
C’est pourquoi nous demandons qu’il soit inscrit dans la loi que les départements sont administrés par le conseil général élu au suffrage universel direct. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Mme Renée Nicoux et MM. Charles Gautier et Claude Bérit-Débat applaudissent également.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Les auteurs de cet amendement jugent nécessaire de préciser le rôle du conseil général. Ils proposent d’inscrire, dans le projet de loi, que les départements sont administrés par le conseil général élu au suffrage universel direct.
La réforme des conseillers territoriaux ne remet aucunement en cause l’existence des conseils généraux ni le principe de l’élection au suffrage universel direct. La précision proposée ne présente donc pas de nécessité, d’autant que le département est parfaitement confirmé dans ses fonctions.
Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. Charles Gautier. Ineptie !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Nous partageons l’avis défavorable de la commission.
Le conseiller territorial est élu au suffrage universel direct. Aucun changement n’étant envisagé sur ce point, l’amendement est donc sans objet.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous soutenons cet amendement, qui va tout à fait dans le sens de ce que nous pensons.
Mais je voudrais également profiter de cette explication de vote pour préciser que, si tout à l’heure j’ai cru devoir critiquer un certain nombre d’épisodes qui nous paraissent incohérents et préjudiciables, il n’était nullement dans mes intentions de mettre en cause quelque personne que ce fût, surtout pas M. Jacques Blanc.
M. Jean-Pierre Raffarin. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. Je tenais à le dire, car les débats que nous avons sur ce sujet sont aussi passionnés qu’utiles et intéressants, et nous y sommes très attachés. Nous espérons d’ailleurs que le nombre de scrutins publics « de confort » restera limité. En effet, même si nous sommes heureux d’être ici et n’entendons pas compter notre temps, nous préférons consacrer celui-ci à débattre.
M. Jean-Pierre Raffarin. Quelle malice !
M. le président. L'amendement n° 118, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
....- Après l'article L. 3121-1, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Les exécutifs des conseils généraux respectent le principe de parité. »
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Sans surprise, nous présentons de nouveau l’amendement que nous vous avions soumis, mes chers collègues, lors de la discussion du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux.
La majorité sénatoriale avait alors refusé d’adopter cet amendement, en se cachant derrière l’argument selon lequel cette discussion viendrait plus tard.
Nous souhaitons donc, une nouvelle fois, porter le fer dans la plaie et apporter des réponses quant à cet enjeu de démocratisation de l’espace public. À cette fin, nous proposons d’inscrire dans le projet de loi le principe de parité entre les hommes et les femmes au sein des exécutifs départementaux.
D’ailleurs, cette proposition est parfaitement conforme à la Constitution, dont l’article 1er dispose que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ».
Elle se place également dans l’esprit de la loi du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, loi qui permet d’étendre la parité, à compter de 2010, au sein des exécutifs des conseils régionaux et municipaux.
D’ailleurs, grâce aux scrutins de liste, les conseils régionaux figurent parmi les institutions dont les résultats sont les moins mauvais en matière de parité. En effet, plus de 47 % des conseillers régionaux sont des femmes.
Avec le nouveau mode de scrutin envisagé – 80 % des sièges attribués au scrutin uninominal majoritaire à un seul tour et 20 % à la représentation proportionnelle –, le nombre de conseillères territoriales passerait, selon l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, de 23 % à quelque 19 %, ce qui constituerait un recul considérable.
Je rappelle aussi qu’avant la loi de 1999, 23 conseils généraux ne comprenaient aucune femme et qu’aujourd’hui ils ne sont plus que trois à n’en compter aucune, preuve que la parité imposée dans les scrutins de liste a bel et bien eu une influence non négligeable sur les autres scrutins.
En outre, vous le savez bien, mes chers collègues, plus on monte dans la hiérarchie des élus et plus la proportion de femmes a tendance à se réduire dans les exécutifs. Notre amendement permettrait de rectifier cette distorsion.
Néanmoins, nous n’ignorons pas que la parité au sein des exécutifs départementaux ne peut être mise en place sans un changement du mode de scrutin et l’instauration d’une représentation proportionnelle, assortie de l’obligation, pour les partis, de présenter un nombre égal d’hommes et de femmes parmi les candidats titulaires.
Sans représentation proportionnelle, obtenir la parité sera difficile, mais il faudra bien un jour que les partis respectent leurs obligations en la matière !
Pour cette raison, nous sommes de farouches adversaires de la mise en place du scrutin uninominal à un tour pour l’élection des conseillers territoriaux, qui, de fait, éloigne encore la possibilité d’un renforcement effectif de la parité.
C’est justement pour garantir cette parité dans les exécutifs départementaux que nous vous demandons, mes chers collègues, de voter en faveur de notre amendement n° 118.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le renforcement de l’exigence de parité est un élément important de la modernisation des institutions locales.
Cet amendement prévoit que l’exécutif départemental soit paritaire. Une telle proposition paraît légitime. Toutefois, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer, elle relève plus du projet de loi n° 61 relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, qui nous sera soumis à la fin de second semestre, que du présent texte.
Pour cette raison, je ne peux que réitérer l’avis défavorable émis lors de l’examen du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, et suggérer que nous revoyons cette proposition à l’occasion de la discussion par notre assemblée du projet de loi n° 61.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Ce sujet est effectivement sérieux. C’est pourquoi le secrétaire d’État Alain Marleix a entamé une série de consultations et un travail de concertation avec la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale, ainsi qu’avec celle du Sénat, présidée par Mme Michèle André. Ce processus est en cours et ce n’est que lorsque celui-ci sera achevé que le Gouvernement pourra prendre position.
En attendant les conclusions de cet excellent travail que mènent conjointement M. Marleix et Mme André, et qui, je crois pouvoir le dire, se déroule dans de bonnes conditions, je demande au groupe CRC-SPG de bien vouloir retirer son amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne retirerons pas cet amendement. En effet, c’est une question de principe. Il s’agit du principe qui est inscrit dans la Constitution et aux termes duquel la loi doit favoriser la parité.
Certes, le projet de loi que nous examinons n’est pas celui qui organisera le mode de scrutin du conseiller territorial souhaité par la majorité. Nous avons néanmoins inscrit, dans ce texte, un principe concernant ce mode de scrutin, avant même de l’avoir discuté et acté.
Nous demandons que figure également le principe de parité dans les exécutifs, qui correspond parfaitement à l’obligation de parité imposée par la Constitution au législateur.
Par conséquent, je le répète, nous ne retirerons pas cet amendement et je demande à toutes les femmes de cette assemblée de faire un effort, car la parité ne s’obtient pas sans effort !
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Je voterai bien sûr l’amendement n° 118, qui, comme vient de le souligner la présidente de notre groupe, vise à inscrire dans le projet de loi le principe de parité dans les exécutifs départementaux.
Je rappelle que la parité est le fruit de nombreuses luttes des femmes pour leurs droits.
Or, mes chers collègues, une absence est notable dans le texte que nous examinons aujourd’hui : la question de la parité n’y est absolument pas abordée ! Serait-ce parce que l’on considère cette question comme secondaire devant l’urgence à modifier de fond en comble l’organisation territoriale de notre pays ?
C’est certainement cela, la rupture décomplexée d’aujourd’hui ! On centralise le pouvoir, on casse tout le système de solidarité, on réduit le Parlement à une chambre d’enregistrement et on recrée des féodalités, en lieu et place des départements et des régions, sous la coupe d’un procureur du Président ayant tout pouvoir sur le territoire.
Si l’on suit cette interprétation, un peu provocatrice, je vous le concède, le fait que la parité soit une préoccupation très lointaine des rédacteurs de ce texte devient facilement explicable. Pourquoi s’occuper de la place des femmes dans un tel système ?
Monsieur le ministre, vous nous dites que cette question sera examinée ultérieurement. M. Marleix nous a déjà répondu qu’en abaissant à 500 habitants le seuil à compter duquel les communes ont une obligation de parité, les choses se régleront naturellement.
Or, nous le savons bien, les choses ne se règlent pas naturellement. Pour assurer la parité, il faut de la volonté, qu’il est nécessaire de traduire dans des actions. Inscrire le principe de la parité dans ce texte serait un signal fort envoyé aux femmes.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Rappelons-le, dans l’amendement n° 645 rectifié que nous avons adopté, la parité figure parmi les principes qui devront présider au mode d’élection du conseiller territorial. Je serais prêt à voter l’amendement de Mme Terrade rien que pour voir les conséquences sur le terrain : dans certains départements, où il n’y a aucune femme conseiller général, l’exécutif serait réduit à une seule personne, ce qui serait pour le moins cocasse !
Mme Odette Terrade. Seuls trois départements sont concernés !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je vous signale qu’ils ne sont pas tous de la même couleur politique !
Mme Odette Terrade. Nous le savons !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Dans certains cas, même en réunissant toutes les femmes élues, nous n’arriverions pas à constituer le bureau. Madame Terrade, comment voulez-vous assurer la parité dans les exécutifs s’il n’y a aucune élue ? (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
J’ai entendu, sur toutes les travées, qu’il fallait favoriser les territoires…
M. Alain Fouché. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … et que, par conséquent, une représentation des conseils généraux par canton c’était très bien.
Un sénateur du groupe socialiste. Parfaitement !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il faut en effet favoriser la parité. Même si nous n’arrivons pas à nous mettre d’accord sur un mode de scrutin qui permette l’élection de conseillers territoriaux, votre amendement est, en l’état, totalement inapplicable. En revanche, j’en partage tout à fait l’objectif. Il conviendra de trouver des sanctions bien plus rigoureuses pour accroître le nombre de femmes dans les conseils généraux.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Votre argument ne tient pas, puisque l’on va renouveler les assemblées ! Si l’on applique la parité, on peut y élire des femmes.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce sont tout de même les électeurs qui votent ! Ils élisent qui ils veulent.
M. Éric Doligé. Pas chez les communistes !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les électeurs ne votent donc que pour des hommes ?
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 120, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. La création des conseillers territoriaux en lieu et place des conseillers régionaux et des conseillers généraux porte une atteinte sans précédent à l’implantation régionale et départementale d’assemblées d’élus distinctes et complémentaires.
L’institution de tels élus se fera sans aucun doute au détriment du département, mettant par là même en cause une diversité bien utile pour la gestion des territoires.
Afin de répondre au fantasme, qu’il a lui-même répandu, d’un nombre pléthorique d’élus, le Gouvernement souhaite en réalité, et il l’a d’ailleurs présenté ainsi, réduire de moitié le nombre des élus régionaux et départementaux.
Il est assez étonnant de confronter l’article 1er du projet de loi aux discours de Nicolas Sarkozy sur le cumul des mandats. Voilà quelques mois, un conseiller de l’Élysée déclarait à l’AFP : « le non-cumul est un engagement fort de Nicolas Sarkozy auprès des électeurs. Il a signifié qu’il n’était plus question d’y revenir. »
Or, que fait la réforme, si ce n’est officialiser en droit, à travers un mandat unique, le cumul de fonctions bien distinctes ?
Avec la création du conseiller territorial siégeant à la fois dans les conseils régionaux et généraux, c’est toujours la même logique qui prévaut : priver le pays d’élus de proximité pour les transformer en « élus professionnels », peu nombreux et sans liberté d’action.
Ce constat est bien évidemment aggravé par les difficultés engendrées par le mode d’élection des conseillers territoriaux, qui, s’il était adopté en l’état, porterait atteinte au pluralisme des opinions, garanti par l’article 4 de la Constitution.
En effet, une grande partie des formations politiques pourraient être exclues de la représentation au sein des collectivités territoriales.
L’article 1er du projet de loi s’inscrit au cœur d’une réforme qui remet en cause le développement des coopérations entre les différentes collectivités territoriales, notamment pour maintenir et développer des services publics de proximité. Parce que nous sommes bien sûr profondément convaincus de l’importance dans l’administration de notre pays du maintien des différents niveaux de collectivités et d’un élargissement de leur coopération, nous vous demandons, mes chers collègues, de voter en faveur de notre amendement.
M. le président. L'amendement n° 482 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Hérisson, Faure, Revet et Pierre, Mme Payet et MM. Alduy, Carle, Juilhard, Bailly, Bernard-Reymond et B. Fournier, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Il représente les territoires et est composé de tous les conseillers territoriaux qui siègent...
La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Cet amendement se situe dans le prolongement du débat que nous avons eu tout à l’heure, tant il est vrai que le rapport entre le territoire et la démographie est l’une des problématiques qui se posent.
Il s’agit de préciser que si l’assemblée territoriale représente la population, ce que personne ne nie, elle représente également les territoires. C’est le moyen, me semble-t-il, d’éviter que le Conseil constitutionnel ne prenne en compte que le critère démographique, et de faire en sorte qu’il prenne en considération le fait que l’assemblée régionale représente un territoire. Cela va dans le sens de l’amendement de qualité du président About, que nous avons voté.
Chacun doit bien avoir conscience de la dimension nouvelle que représentent les territoires. Les assemblées régionales pourront ainsi dégager des majorités plus faciles pour appliquer une véritable politique régionale d’aménagement du territoire, avec un équilibre nouveau entre territoire et population.
M. le président. L'amendement n° 351 rectifié, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Bel et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy et Povinelli, Mme Alquier, MM. Andreoni, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet et Chastan, Mme Cartron, MM. Courteau, Daunis et Daudigny, Mme Durrieu, MM. Fichet et Jeannerot, Mme Ghali, MM. Guérini et Guillaume, Mmes Khiari et Klès, MM. Lagauche, Marc, Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Miquel, Mirassou, Patriat, Percheron, Rebsamen, Ries, Sergent, Signé et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 5
Remplacer les mots :
conseils généraux
par les mots :
conseils départementaux
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
Dans le code électoral et les autres codes, les mots : « conseil général » sont remplacés par les mots : « conseil départemental » et les mots : « conseiller général » sont remplacés par les mots : « conseiller départemental ».
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, je ne comprends pas bien pourquoi mon amendement, qui porte sur une question de dénomination, est en discussion commune avec les précédents.
M. le président. Monsieur Peyronnet, l’amendement n° 120 tend à supprimer l’alinéa sur lequel porte le vôtre.
M. Jean-Claude Peyronnet. Soit !
Mon amendement, qui tend à modifier l’appellation des conseils généraux, est un grand classique. C’est une demande ancienne de l’Assemblée des présidents des conseils généraux, puis de l’Assemblée des départements de France, qui a déjà été défendue dans cette enceinte, sans être retenue. Malgré tout, l’importance du conseil général, son rôle – en particulier depuis la décentralisation –, sa proximité avec les habitants, qui lui sont très attachés, rend nécessaire, me semble-t-il, une meilleure identification de cette institution.
Aussi, il serait souhaitable que l’appellation de l’assemblée qui veille à l’avenir des habitants d’un territoire soit calquée sur le nom du territoire qu’elle dirige. Dans un souci de parallélisme des formes avec le conseil régional, qui représente la région, il faudrait un « conseil départemental » pour le département. Ce changement, qui ne constitue pas une révolution, rendrait les choses plus claires pour les citoyens et répondrait à un souci d’instruction civique.
M. le président. L'amendement n° 350 rectifié, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Bel et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy et Povinelli, Mme Alquier, MM. Andreoni, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet et Chastan, Mme Cartron, MM. Courteau, Daunis et Daudigny, Mme Durrieu, MM. Fichet et Jeannerot, Mme Ghali, MM. Guérini et Guillaume, Mmes Khiari et Klès, MM. Lagauche, Marc, Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Miquel, Mirassou, Patriat, Percheron, Rebsamen, Ries, Sergent, Signé, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
qui siègent
par les mots :
qui ne siègent pas
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Cet amendement, plus que le précédent, est relatif à l’existence même des conseils généraux et à leur défense. Il s’agit, en effet, de distinguer deux assemblées parfaitement identifiées et distinctes : le conseil régional et le conseil départemental ou général.
Malgré tout ce que nous ont affirmé hier le ministre, le rapporteur, le président de la commission des lois et quelques intervenants, nous craignons toujours que la réforme proposée ne conduise à la fusion et, en réalité, à une disparition de fait des départements.
En effet, nous l’avons dit et redit – je n’insisterai donc pas –, les missions confiées aux conseils généraux ne seront plus assurées dans des conditions satisfaisantes : le nombre même de conseillers généraux ne le permettra pas. Il faut fixer un nombre plancher, et quinze me paraît être vraiment un minimum, monsieur Jacques Blanc. Il sera probablement nécessaire d’en avoir plus.
Si on ajoute à cela le fait que les conseils généraux sont déjà étranglés financièrement, que leur autonomie en matière fiscale, et donc en matière financière, est à peu près nulle, on mesure l’évolution négative qui les frappe, laquelle pourrait être aggravée par un mode d’élection commun. En réalité, je le répète, nous sommes persuadés que, dans un avenir relativement proche, les conseils généraux disparaîtront ou seront absorbés : une « absorption-fusion » a ainsi été évoquée. Cette idée figure dans le rapport de M. Attali et dans le rapport de Balladur qui ont inspiré la lettre de mission du Président de la République, à moins que ce ne soit l’inverse.
Voilà pourquoi nous insistons sur la nécessaire distinction des deux assemblées territoriales et de leurs modes d’élection.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’amendement n° 120, qui tend à supprimer les alinéas 4 et 5, réécrit en fait l’article 1er pour faire disparaître la référence aux conseillers territoriaux. Puisque nous avons voté la notion même de conseiller territorial, la commission ne peut qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 482 rectifié vise à préciser que le conseil régional représente tous les territoires et qu’il comprend tous les conseillers territoriaux siégeant dans les conseils généraux des départements de la région. La préoccupation qui s’exprime à travers cet amendement est parfaitement légitime : il faut garantir une juste représentation des territoires au sein des assemblées locales, notamment à l’échelon régional.
Cependant, un certain nombre de garanties seront apportées sur ce point dans le texte électoral. L’adoption de l’amendement n° 645 rectifié permet d’ores et déjà de répondre à la préoccupation exprimée légitimement par M. Jacques Blanc. C’est pourquoi je lui proposerai de retirer son amendement au bénéfice des explications que pourra lui fournir sur ce point le Gouvernement, étant précisé que les conseillers territoriaux siégeraient dans les deux assemblées. À défaut de retrait de cet amendement, la commission émettrait un avis défavorable.
L’amendement n° 351 rectifié vise à remplacer les mots « conseil général » par les mots « conseil départemental » et les termes « conseiller général » par les termes « conseiller départemental ». Cette seconde modification n’est pas nécessaire dans la mesure où les conseillers territoriaux se substitueront bientôt aux actuels conseillers généraux.
Sur l’appellation de « conseil général », il convient de noter que, malgré ses défauts, elle est connue par les citoyens du fait de son ancienneté : en effet, elle date de 1800 et a été continûment utilisée depuis lors, sauf entre 1942 et 1945. (M. Jean-Claude Peyronnet s’exclame.) Ce changement de nom serait donc une source de confusion peu utile et peu opportune. La commission émet donc un avis défavorable.
L’amendement n° 350 rectifié a pour objet de distinguer les conseillers territoriaux élus à la région et ceux qui seront élus au département : c’est l’amendement inverse de celui de M. Jacques Blanc. Or, tout l’objet de l’article 1er est précisément de faire exercer ces deux fonctions par le même élu. Tout comme pour l’amendement n° 482 rectifié, la commission y est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Le Sénat ayant rejeté hier les amendements de suppression de l’article 1er, il ne pourra qu’être logique avec lui-même en repoussant l’amendement n° 120. En tout cas, c’est ce que le Gouvernement l’invite à faire.
Concernant l’amendement n° 482 rectifié, je rappelle à M. Jacques Blanc que la philosophie du texte du Gouvernement est que tous les conseillers territoriaux siègent au sein du conseil général et du conseil régional. Ceux-ci seront d’ailleurs élus dans le cadre de circonscriptions dont le découpage tiendra compte non seulement du nombre d’habitants, mais également du territoire. Tel est l’objet de l’article 14 du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, qui a été déposé sur le bureau du Sénat le 21 octobre 2009.
Il est évident que l’arrivée du conseiller territorial dans notre système institutionnel va considérablement changer les choses. À cet égard, pour répondre à M. Maurey, j’ajouterai que le Gouvernement a parfaitement compris qu’il fallait organiser la vie du conseiller territorial, si je puis dire, et prendre des mesures relatives à son « statut », terme que j’emploie entre guillemets car il serait préférable de trouver un autre mot puisque, ne l’oublions pas, ce sont les électeurs qui l’éliront.
Pour favoriser la candidature de ceux qui travaillent dans le secteur privé et qui n’ont donc pas un emploi garanti, le Gouvernement propose d’étendre le congé électif aux candidats dans les communes de 500 à 3 500 habitants et aux conseillers territoriaux, d’étendre l’allocation de fin de mandat aux maires des communes de moins 1 000 habitants et de faciliter l’accès à la formation des élus des plus petites communes et de l’ensemble des conseillers territoriaux. Ces mesures ne sont peut-être pas suffisantes, mais elles montrent que le Gouvernement tient compte de la situation des élus et du travail qui leur est demandé. Elles ouvrent surtout la possibilité à ceux dont la vocation pour l’engagement public serait contrariée à cause de leur travail dans le secteur privé de se présenter à des élections.
Je pense donc que votre amendement est satisfait, monsieur Blanc. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir le retirer. Vous pourrez le redéposer lors de l’examen du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale.
Faut-il adopter l’appellation de « conseiller départemental » comme le prône l’amendement n° 351 rectifié ? Il aurait été préférable de le faire lorsque cette suggestion avait été avancée. L’ayant moi-même proposé, je ne vais pas me contredire. Pour autant, le conseiller territorial ne sera ni un conseiller départemental ni un conseiller régional. Il n’y a donc pas lieu de le débaptiser.
Quant à l’amendement n° 350 rectifié, qui vise à supprimer la création du conseiller territorial unique, il est contraire à la logique du projet gouvernemental. L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel. Mon explication de vote portera sur les amendements nos 120, 351 rectifié et 350 rectifié, que je voterai car ils sont très intéressants.
Monsieur le ministre, j’attends de vous des explications, car je suis inquiet.
On nous a expliqué que la diminution de moitié du nombre de conseillers généraux et de conseillers régionaux permettrait de réaliser des économies – elles ont même été évaluées à 70 millions d’euros –, car les conseillers territoriaux coûteront moins cher. Or j’ai peur que nous ne trouvions pas suffisamment de candidats pour exercer ces nouvelles fonctions si leurs futures indemnités ne sont pas revues à la hausse. (Exclamations sur les travées de l’UMP) On ne peut pas indemniser au taux actuel des élus qui devront abattre un travail énorme qui les occupera à plein temps. Pensez ne serait-ce qu’aux distances qu’ils auront à parcourir dans certaines régions, aux diverses commissions dans lesquelles ils devront siéger et à la présence que requerront les nombreuses délégations.
Convenez également que nos assemblées doivent être composées de fonctionnaires, d’artisans, de commerçants, de patrons de PME ; bref, toutes les catégories socioprofessionnelles doivent être représentées. Comment le dispositif que vous proposez permettra-t-il à un chef d’entreprise ou à un agriculteur travaillant sur une grande exploitation de délaisser ses fonctions pour exercer un mandat de conseiller territorial qui dure six ans ?
M. Alain Vasselle. C’est déjà le cas !
M. Gérard Miquel. Telle est la raison pour laquelle ces amendements sont les bienvenus : ils préserveront des collectivités qui fonctionnent bien.
Pour autant, nous ne disons pas que rien ne doit changer. Revoir le découpage des cantons serait sans doute nécessaire, d’autant qu’il s’est écoulé beaucoup de temps depuis leur création et que, aujourd’hui, de grandes disparités existent.
Mais, je le répète, maintenons ces collectivités qui ont fait la preuve de leur efficacité, ne cassons pas notre système institutionnel, sinon, au lieu de faire des économies, nous engagerons des dépenses supplémentaires. Or, nous le savons, en matière de finances publiques, nous gérons mieux que l’État. Il suffit de voir les économies substantielles qui ont été réalisées après la décentralisation.
Quant à l’argument selon lequel les collectivités recruteraient beaucoup de personnels, je vous invite à faire la comparaison avec le nombre de personnels recrutés par l’État. Même si, en se déchargeant de nombreuses responsabilités au profit des collectivités, l’État a transféré des personnels, il en a aussi beaucoup recruté dans certains secteurs.
Tout le monde doit balayer devant sa porte, à commencer par l’État. Certes, la RGPP est en cours, mais il faudra encore aller beaucoup plus loin.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah !
M. Gérard Miquel. L’État doit exercer ses fonctions régaliennes et non faire appel aux collectivités pour financer des dépenses qui lui incombent.
M. Bernard Frimat. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.
M. Jacques Blanc. Les réponses de M. le ministre et de M. le rapporteur sont très positives.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tu parles !
M. Jacques Blanc. Premièrement, le fait que l’assemblée régionale ne représentera pas uniquement la population, mais également les territoires est totalement admis.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr !
M. Jacques Blanc. Les modalités électorales, conformément à l’amendement About, tiendront compte de cette exigence.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Jacques Blanc. Ce principe s’imposera à tous, y compris au Conseil constitutionnel, qui ne peut pas remettre en cause le fait que le Parlement décide qu’une assemblée est représentative des territoires.
Deuxièmement, M. le ministre et M. le rapporteur ont confirmé que tous les conseillers territoriaux siégeront à la fois au conseil général et au conseil régional.
Les demandes que j’avais formulées étant donc satisfaites, je retire l’amendement n° 482 rectifié.
M. le président. L’amendement n° 482 rectifié est retiré.
La parole est à M. Charles Gautier, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Sur quel amendement ?
M. Charles Gautier. Je vais intervenir sur l’amendement de suppression et expliquer pourquoi je le voterai.
Après quelques dizaines d’heures de débat, on s’aperçoit que, plus on avance, moins on comprend le sens du projet de loi.
Au cours des trois semaines qui viennent de s’écouler, tous les responsables locaux, notamment les maires, ont organisé des réunions pour présenter leurs vœux à leurs concitoyens. Dans ma propre commune, j’ai assisté à une trentaine de réunions de ce genre au cours desquelles j’ai rencontré des présidents d’association, des élus, des chefs d’entreprise, des représentants de quartier ; bref, toutes les strates de la population.
À cette occasion, j’ai abordé la conjoncture politique pour cette nouvelle année, notamment la réforme territoriale en cours. Certains de mes interlocuteurs m’ont alors dit qu’il fallait faire quelque chose par rapport à cette exception française, ce dont j’ai parfaitement convenu, et que nous ne pouvions pas conserver plus de 36 000 communes, soit autant que l’ensemble des autres pays d’Europe réunis. J’en ai à nouveau convenu, tout en précisant que cet argument ne serait pas entendu : lorsque les réformes seront arrivées à leur terme, il y aura toujours plus de 36 000 communes en France !
Notre pays est une exception, ont-ils surenchéri, en raison de ce mille-feuille, de toutes ces strates que vous connaissez aussi bien que moi, mes chers collègues. J’ai un peu tempéré leurs propos en faisant remarquer que les autres pays d’Europe comptent aussi une cascade de structures, au reste totalement adaptées à la gouvernance de ces pays. J’ai ajouté que si la réforme devait être votée, ce fameux mille-feuille sera encore plus épais, car les départements et les régions subsisteront, et il faut bien que ces collectivités coopèrent entre elles ! On va donc voir apparaître des structures interdépartementales et interrégionales. D’ailleurs, les différents rapports qui ont été remis avant l’examen de ce projet de loi faisaient déjà référence à ce besoin de négociation, de discussion, de coordination, de concertation.
M. Éric Doligé. C’est une histoire faite pour endormir les petits enfants…
M. Charles Gautier. J’ai également entendu : « Il y a trop d’élus ».
En France, ils sont à peu près 530 000, parmi lesquels une immense majorité d’élus du secteur rural et d’élus bénévoles, qui font preuve d’un dévouement extraordinaire pour tenter de résoudre les problèmes des habitants. Nos concitoyens attendent en effet des solutions à leurs problèmes. Si celles-ci ne sont pas apportées par des élus bénévoles, il faudra bien que quelqu’un s’en charge. Ce seront donc des fonctionnaires payés qui le feront !
Votre réponse à vous, c’est de supprimer 3 000 élus. Mais compte tenu du nombre de conseillers territoriaux que vous comptez créer, et qui auront tous un suppléant si j’ai bien compris, on retrouve exactement le compte de départ. En outre, il a excellemment été démontré tout à l’heure que les conseillers territoriaux auront des compétences élargies. Il leur faudra donc des moyens pour remplir leurs missions. Ils seront donc secondés par des assistants, des fonctionnaires, qui seront payés par la structure elle-même. Ce système coûtera donc encore plus cher que celui qui existe aujourd’hui.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Charles Gautier. Je conclus, monsieur le président.
La démonstration est faite que les objectifs affichés de la réforme auprès de l’opinion publique seront loin d’être atteints. Or il est encore temps d’interrompre le processus. Voilà pourquoi je voterai l’amendement n° 120.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour explication de vote.
M. Jean-François Voguet. L’amendement n° 482 rectifié a été retiré, mais j’en dirai tout de même quelques mots. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Non, mon cher collègue, il n'est pas possible d’expliquer son vote sur un amendement retiré ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat proteste.)
M. Jean-François Voguet. M. Jacques Blanc se contente de peu.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est son problème !
M. Jean-François Voguet. En effet, au cours de la discussion de cet amendement, M. le ministre n’a donné aucune indication précise sur le mode d’élection, le nombre et la répartition des élus, la représentation des zones rurales, la prise en compte de l’inégale population des départements.... Tous ces points restent très flous. Et il n’a toujours pas évoqué la question des compétences !
Nous devons nous prononcer sur un conseiller territorial dont nous ne savons ni comment il sera élu ni quelles seront ses missions. M. Jacques Blanc s’est donc contenté de peu pour retirer son amendement ! Cela dit, il ne l’a pas maintenu, donc je m’arrête sur ce point.
Nous voterons évidemment les amendements nos 351 rectifié et 350 rectifié, car, comme nous l’avons souligné tout au long de ce débat, nous souhaitons que les conseils généraux et régionaux subsistent dans l’organisation territoriale de notre pays.
L’expérience a montré que les conseillers généraux jouaient un rôle essentiel, du fait de leur proximité avec les citoyens, dans de nombreux domaines, comme l’action sociale, l’aménagement du territoire, la culture ou le sport. De même, chacun reconnaît que les régions occupent une place centrale dans les questions économiques, les transports, les lycées, notamment.
Cela étant, nous ne sommes évidemment pas partisans du statu quo. Nous l’avons déjà souligné lors de la discussion du rapport Belot, et nous aurons l’occasion de le répéter tout au long de ce débat.
Par exemple, il faut certainement renforcer les liens entre les régions et les départements, tant une étroite concertation est nécessaire entre ces deux strates de collectivités territoriales. Dans cette perspective, de nombreuses avancées doivent être réalisées.
Néanmoins, il est clair que le but de la manœuvre est ici, je le répète, de réduire la dépense publique, donc d’amoindrir le rôle de la région et du département, ce qui pose la question des compétences exercées.
Au bout de la chaîne, ce sera indéniablement le service public de proximité qui sera mis à mal. Or, celui-ci, notamment à travers les clauses de compétence générale, est porteur de sens pour les populations, à tel point d'ailleurs que, à l’instar du Lot, un certain nombre de départements se sont mobilisés sur le thème : « Notre département, nous y tenons ». C’est le cas du Val-de-Marne, où le conseil général a d'ores et déjà recueilli une pétition de 31 000 signatures demandant le maintien du département, et où plus de 1 500 personnes se sont réunies sur ce thème hier soir, à la préfecture.
Nous savons, et la population aussi, que le conseil général intervient dans différents domaines, qu’il s’agisse notamment de l’accueil de la petite enfance – le Val-de-Marne compte 77 crèches départementales –, de la réhabilitation des logements – l’ensemble du patrimoine du département a été réhabilité –, de la culture – le Mac Val, le musée d’art contemporain du Val-de-Marne, constitue à cet égard une réussite exemplaire, chacun en convient, qui montre ce que peuvent faire les collectivités de banlieue –, de l’aménagement du territoire ou de la politique sportive.
En l’état, il est évident que ces deux strates de collectivités territoriales sont utiles et nécessaires. Elles concourent à l’amélioration des conditions de vie de nos populations, en particulier à un moment où celles-ci souffrent du fait de la crise financière qui, vous le savez, mes chers collègues, a aggravé les difficultés sociales et économiques et frappe notamment les plus faibles.
C'est pourquoi nous soutenons ces deux amendements et réitérons notre refus du conseiller territorial.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Je veux intervenir sur l’amendement n° 351 rectifié, qui, lui, n’a pas été retiré.
Monsieur le ministre, je ne puis accepter l’argument que vous avez invoqué pour rejeter cette disposition. En effet, après la réforme, si celle-ci a bien lieu, l’assemblée du département et celle de la région conserveront leurs noms. Elles ne seront pas confondues sous le terme générique d’« assemblée territoriale » !
Par conséquent, le conseiller territorial, s’il est finalement créé, ce qui n’est toujours pas le cas pour le moment, sera bien départemental pour une partie de son activité, quand il siégera au conseil général, et régional pour une autre partie de celle-ci, quand il délibérera au sein du conseil régional.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est là qu’est l’embrouille !
M. Yves Daudigny. Vous nous demandez depuis plusieurs jours, dans le cadre de ces débats, de donner plus de lisibilité et de cohérence aux collectivités territoriales. M. Longuet nous disait hier : « Soyons modernes ! » (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.) Mais alors, allons jusqu’au bout de cette logique, abandonnons l’appellation ancienne, qui n’a plus de sens, de « conseiller général », et reconnaissons que le conseiller territorial, lorsqu’il siège dans le cadre du département, est devenu un « conseiller départemental ».
C’est d’autant plus nécessaire que ce conseil est dit « général » en raison de sa compétence générale, que vous avez justement l’intention de supprimer, monsieur le ministre. Il faudra bien, dès lors, abandonner cette appellation au profit de « conseil départemental ». Ce sera plus simple, plus lisible, et tout le monde comprendra !
Toutefois, une autre raison explique peut-être que vous vouliez conserver ce terme ancien : donner du conseil général l’image d’une assemblée archaïque, pour prouver qu’elle appartient au passé, qu’elle ne s’inscrit plus dans l’action contemporaine et qu’elle doit, un jour, disparaître.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est tout à fait cela !
M. Yves Daudigny. Vous refusez de reconnaître que, aujourd’hui, le conseil général joue un rôle déterminant dans l’action publique, qui est menée sur son territoire et qui s’exerce bien dans le cadre du département, ce qui justifie que cette institution soit dite « départementale ».
Il n’y a donc aucune raison de rejeter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Je veux, moi aussi, apporter mon soutien à l’amendement n° 350 rectifié.
En effet, – c’est mon sentiment – en matière de décentralisation, la philosophie qui était celle de notre pays depuis de nombreuses années se trouve aujourd'hui complètement remise en cause – nous avons changé de chemin ! – alors qu’elle guidait encore les choix réalisés quand M. Raffarin était Premier ministre.
À l’époque, il s’agissait de rapprocher la décision des citoyens. On nous avait d'ailleurs promis qu’après l’inscription dans la Constitution du principe de l’autonomie des collectivités territoriales seraient adoptées deux lois d’orientation relatives respectivement à l’autonomie financière et à la péréquation… Nous savons ce qu’il en est advenu !
La question de l’autonomie financière a été longuement débattue dans le cadre du projet de loi de finances lors de la réforme de la taxe professionnelle, et tout le monde a reconnu que l’on était très loin des engagements pris. De même pour la péréquation : alors que l’on nous avait promis une loi d’orientation sur cette question, rien n’est encore venu !
Nous avons donc le sentiment que l’on entend remettre en cause ce qui avait été imaginé en 2004 et, en outre, que nous avons complètement changé de trajectoire. La logique suivie est désormais celle de la recentralisation, et ce à travers un discours bien connu, qui consiste à affirmer que les élus locaux sont trop nombreux et, surtout, gaspillent l’argent public !
Nous avons encore entendu de tels propos ces derniers jours, notamment dans les déclarations de M. Xavier Bertrand qui, de ville en ville, bat les estrades en affirmant que les élus locaux gaspillent l’argent public, suscitant par là une augmentation des impôts ! Bien sûr, nous dénonçons ce discours : chacun le sait, les dépenses publiques et les recettes des collectivités territoriales sont victimes d’un effet de ciseaux.
Bien entendu, ce qui nous est proposé aujourd’hui, c'est-à-dire la mise en place du conseiller territorial, qui, de surcroît, siégera dans deux assemblées distinctes, s’inscrit tout à fait dans la perspective de cette recentralisation.
Mes chers collègues, si les élus éprouvent aujourd'hui des difficultés à gérer la collectivité – département ou région – dont ils sont les responsables, alors qu’ils peuvent lui consacrer tout leur temps, seront-ils capables de faire mieux demain, quand on leur demandera de siéger dans deux assemblées différentes et de répartir leur temps entre elles, ce qui les rendra nécessairement moins disponibles pour assumer leurs charges ?
Chers collègues de la majorité, j’attire votre attention sur ce point : n’utilisez pas l’argument selon lequel les collectivités seront mieux gérées après cette réforme, car c’est l’inverse qui se produira. Les élus sont incontestablement déjà très sollicités aujourd'hui. Requis de toutes parts, ils n’auront plus le temps, demain, de prendre à leur compte les décisions qu’ils doivent élaborer.
Dès lors, ce sont les technostructures décisionnelles qui interviendront, à la place des élus. La conséquence de ce processus est claire : le modèle discrétionnaire de la technostructure s’imposera partout en France. Nous sommes bien loin de l’esprit de la décentralisation, de ce souffle nouveau que nous avons tenté d’apporter à la République !
C’est pourquoi nous devons soutenir cet amendement, qui vise à apporter une garantie tout à fait nécessaire.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 350 rectifié de M. Peyronnet.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je vous rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est également défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Ceux qui souhaitent voter « pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.
Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.
Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
………………………………………………………
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 139 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l’adoption | 154 |
Contre | 181 |
Le Sénat n'a pas adopté.
(Mme Monique Papon remplace M. Jean-Léonce Dupont au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Mme la présidente. L'amendement n° 603 rectifié, présenté par MM. P. Dominati et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Par dérogation au Titre 1er du Livre IV de la troisième partie du code général des collectivités territoriales, cet article s'applique au département de Paris.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Il paraît difficile d’évoquer dans cet hémicycle un problème parisien alors que la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif au Grand Paris auditionne en ce moment même le président du conseil régional d’Île-de-France. On ne peut que regretter la concomitance des débats. (M. Bernard Frimat s’exclame.)
Pour ma part, malgré les longs débats que nous avons consacrés au projet de loi de réforme des collectivités territoriales, je considère qu’il s’agit d’une avancée majeure pour l’organisation administrative de notre pays et pour les collectivités territoriales. Ce texte a ceci d’original qu’il fait confiance aux futurs conseillers territoriaux : il appartiendra à ces nouveaux élus de trouver le bon degré de proximité et d’efficacité régionale pour les collectivités territoriales.
Par conséquent, Je suis un fervent partisan de ce texte. Toutefois, en tant qu’élu parisien, je vis un régime d’exception.
M. Jean-Claude Peyronnet. Ceci explique cela !
M. Philippe Dominati. Ce système dérogatoire a connu une évolution institutionnelle.
Ainsi, en 1977, un jeune Président de la République, réformateur, a réconcilié Paris avec le reste de la France en donnant à la capitale un maire. (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.)
Puis, en 1982, le Président François Mitterrand, après certaines hésitations, sous la pression du Sénat, est allé plus loin avec la loi relative à l’organisation administrative de Paris, Lyon, Marseille et des établissements publics de coopération intercommunale, dite « loi PLM ».
Comme, dans leur grande sagesse, les Parisiens avaient élu un futur Président de la République, cette évolution s’est ensuite poursuivie sous la présidence de Jacques Chirac.
En d’autres termes, tous les présidents de la Ve République ont apporté leur pierre pour réconcilier Paris avec le reste du pays et pour faire en sorte que Paris devienne une collectivité territoriale de droit commun.
Aussi, je ne comprends pas comment la ville-capitale et le département de Paris pourraient être exclus d’une réforme qui serait bénéfique à l’ensemble du pays !
Je sais bien qu’il n’est pas question d’évoquer ici le mode de scrutin. Il n’en reste pas moins que se posera le problème de l’équité de la représentation au conseil régional d’Île-de-France. C’est pourquoi je ne partage pas la position de certains de mes collègues qui soutiennent que Paris bénéficiera, systématiquement, d’un statut d’exception. Certes, je peux le concevoir à l’échelon du département. Cependant, pour que la représentation au conseil régional soit légitime, nous serons amenés à adopter un mode de scrutin uniforme entre Paris et les autres départements, les Hauts-de-Seine par exemple.
Comment exclure Paris de la réforme des collectivités territoriales alors que, sur l’initiative du Président de la République, nous avons l’ambition de créer le Grand Paris, objectif nécessaire et justifié, et que nous en débattons dans le cadre de cette commission spéciale ? C'est pourquoi je propose que Paris rejoigne le droit commun.
Il nous faut poursuivre l’évolution institutionnelle engagée voilà quelque trente ans afin d’achever la réconciliation entre la première collectivité territoriale de France et le reste du pays.
Tel est le sens de cet amendement. Je reconnais qu’il est complexe et que son objet, parce qu’il exige un changement de mentalités, peut provoquer une certaine frilosité et des réticences. Mais, depuis plus de trente ans, les Parisiens ont démontré que la France n’avait plus rien à craindre de la capitale et que Paris était en harmonie totale avec le reste du territoire ! (MM. Yves Pozzo di Borgo et Éric Doligé. applaudissent.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement, présenté par notre collègue Dominati, a pour objet d’appliquer à Paris le futur système des conseillers territoriaux. Un tel dispositif entraînerait une modification très importante du régime actuel, puisque les conseillers de Paris ne seraient plus des élus départementaux et que de nouveaux élus s’y substitueraient.
Sans méconnaître les problèmes que rencontre Paris et l’intérêt qu’il y aura à trouver un statut pour Paris qui corresponde à celui du reste de la France, la commission des lois a considéré qu’une telle évolution devait être appréciée dans la perspective de la réforme engagée du Grand Paris – une réunion a d’ailleurs lieu en ce moment même sur ce sujet, ce que vous n’avez pas manqué de déplorer, cher collègue Dominati. De ce point de vue, la proposition formulée par les auteurs de cet amendement intervient à un stade trop précoce.
C’est pourquoi, tenant compte de la position du Gouvernement, la commission demande le retrait de cet amendement. En revanche, il sera possible d’intégrer dans le projet de loi relatif au Grand Paris les dispositions préconisées, qui permettraient aux conseillers territoriaux de Paris d’avoir un statut juridique identique à celui de leurs homologues sur le reste du territoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Dominati, j’entends bien votre argument selon lequel, depuis 1977, on fait entrer Paris dans le droit commun. On ne peut que partager une telle position et se réjouir de cette évolution.
Toutefois, dans le même temps, vous rappelez que vous siégez à la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif au Grand Paris, lequel est extrêmement dérogatoire par rapport au droit commun ! (M. Nicolas About rit.)
Si vous parveniez à étendre à toute la France le financement de l’État sur les transports en commun tel qu’il est prévu pour le Grand Paris, ce serait un bon moyen de mettre l’ensemble de notre pays au diapason de la capitale ! Il s’agit bien sûr d’une plaisanterie, qui vise à souligner qu’un certain nombre de spécificités et de dispositifs dérogatoires sont nécessaires pour la ville-capitale et la région-capitale.
J’ignore quelle sera l’issue du débat sur le Grand Paris, mais il est certain qu’il faut faire cadrer le souhait d’intégrer Paris dans le droit commun du point de vue institutionnel, ce qui faciliterait sûrement l’action du conseil régional d’Île-de-France, et la volonté de tenir compte des nombreuses spécificités de Paris et du Grand Paris.
À l’instar de la commission, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. La disposition que vous proposez pourra être réexaminée lorsque la question du Grand Paris aura été réglée. Nous serons alors à même de voir comment cette disposition peut s’intégrer dans le dispositif. À défaut de retrait de l’amendement, j’émettrais un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne voterai pas cet amendement, pour plusieurs raisons.
D’abord, nous sommes toujours dans le même cas de figure : cet amendement vise à régler une question qui ne concerne pas le texte qui nous est aujourd'hui soumis mais sur laquelle il conviendra de statuer lors de l’examen du projet de loi relatif au Grand Paris. Là encore, nous sommes en pleine confusion. On ne peut donc pas légiférer sur ce point aujourd’hui.
Ensuite, vous souhaitez que Paris rejoigne le droit commun. Or le projet de Grand Paris du Président de la République tend au contraire à revenir sur l’autonomie des collectivités territoriales, donc sur l’autonomie de Paris, acquise de fraîche date. Ce projet, que vous soutenez, instaure en effet le pilotage par l’État de l’ensemble des collectivités des départements de la région parisienne. Vous imaginez bien que nous ne soutiendrons pas une telle proposition !
Enfin, monsieur Dominati, vous affirmez que Paris doit acquérir un véritable statut de droit commun. Or c’est déjà le cas grâce à l’autonomie dont elle bénéficie à l’échelon communal. Mais Paris est aussi un département ; c’est la seule collectivité qui soit à la fois ville et département. Aussi, la disposition que vise à instaurer cet amendement ne pourrait s’inscrire que dans le cadre de la suppression des départements, que certains souhaitent et qui se trouve en filigrane dans le texte que nous discutons aujourd’hui. À l’heure actuelle, c’est tout à fait impossible. En outre, la majorité parisienne, dont vous ne faites pas partie, monsieur Dominati, est très hostile à une révision « à la sauvette » du statut de Paris.
Cela étant dit, il y a un problème, que j’ai eu l’occasion de soulever lors d’une réunion ouverte de la commission des lois devant certains membres du Gouvernement. À cette occasion, M. Marleix a précisé que les élus parisiens qui siégeraient à la région ne seraient pas issus du conseil général de Paris. En d’autres termes, il s’agira de conseillers territoriaux qui ne seront que des conseillers régionaux et qui ne siégeront donc pas au sein du conseil général de Paris. Il faudra réfléchir attentivement à la solution à trouver, car il paraît difficile d’accepter que les conseillers régionaux issus de Paris soient totalement déconnectés du département de Paris !
Nous aurons l’occasion d’en débattre ultérieurement, lorsque le texte sur le mode de scrutin nous sera soumis. Je vous invite néanmoins à la prudence quant à l’avenir que vous souhaitez réserver à la ville de Paris et au département de Paris.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.
M. Yves Pozzo di Borgo. J’ai cosigné cet amendement et j’ai également déposé un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 1er qui est de même nature.
Le statut de la ville de Paris date de Napoléon, en 1800. Napoléon craignait énormément Paris, puisqu’il avait fait sa fortune politique en tirant au canon sur les Parisiens.
M. Jean-Pierre Chevènement. C’était contre les Royalistes !
M. Yves Pozzo di Borgo. C’est pourquoi il avait fait en sorte que Paris ne dispose pas de pouvoirs de police.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas seulement cela ! Chacun refait l’histoire comme il veut !
M. Yves Pozzo di Borgo. La capitale vit encore en partie la situation résultant de la crainte de Napoléon à l’égard de Paris.
C’est également pour cette raison que les institutions ont longtemps été spécifiques, avec un conseil général et un conseil municipal communs, et surtout pas de pouvoirs. Les Versaillais ont conforté cette singularité. Heureusement, à partir de 1977, la situation a évolué.
Le présent amendement et celui que je défendrai tout à l’heure ont un double objet. D’une part, il s’agit de séparer le conseil municipal du conseil général. D’autre part, il s’agit de faire en sorte que, conformément à ce qui est prévu dans le projet de loi, les futurs conseillers territoriaux de Paris soient non seulement représentants du conseil général et du conseil régional mais également élus par un mode de scrutin qui ne soit pas spécifique, c’est-à-dire à la proportionnelle.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir nous apporter des précisions sur cette matière. Vous affirmez que la question de la séparation du conseil municipal et du conseil général sera intégrée dans la logique du Grand Paris ; c’est d’ailleurs la réponse qu’avait apportée M. le secrétaire d'État devant la commission des lois. Or, pour avoir assisté à une partie de la réunion de la commission spéciale, je puis vous assurer que le projet de loi de loi relatif au Grand Paris n’abordera pas la question des institutions.
D’ailleurs, dans son discours du 29 avril 2009 sur le Grand Paris – discours très dense et très intéressant, qui a constitué un apport important –, le Président de la République a affirmé que la gouvernance du Grand Paris n’était pas d’actualité. Et le texte de Christian Blanc n’aborde pas du tout le problème de la gouvernance du Grand Paris, il ne traite que la question du transport.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le ministre, pourriez-vous répondre sur ce point, si ce n’est pas maintenant, du moins tout à l’heure ? Renvoyer cette question à un texte qui n’existe pas n’est pas la meilleure réponse…
Par ailleurs, concernant l’élection du conseiller territorial, je suis d’accord avec la commission et le Gouvernement pour renvoyer cette question à l’examen du statut électoral des conseillers territoriaux.
Néanmoins, je ne suis pas totalement satisfait de votre réponse à ma première question. Vous disposez de deux ou trois heures avant de répondre à propos de l’amendement que je présenterai alors sur ce point. Je vous remercie par avance des précisions que vous pourrez m’apporter.
Mme la présidente. Monsieur Dominati, l’amendement n° 603 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Dominati. Peut-être M. le ministre souhaite-t-il répondre à mon collègue Yves Pozzo di Borgo ?...
J’ai noté, monsieur le ministre, un début de réponse. Je reste néanmoins un peu sur ma faim. Ainsi, concernant l’allusion au financement des transports parisiens, je reprendrais très volontiers le débat avec le Gouvernement sur ce sujet, car il y aurait beaucoup à dire. Comme de nombreux élus parisiens, j’ai une vision décentralisée en ce domaine. Le monopole, d’ailleurs maintenu avec l’appui de la gauche, ne fait pas nécessairement l’unanimité parmi les élus parisiens, car il s’agit d’une exception en Europe. Nous reviendrons sur ce débat à une autre occasion.
Vous introduisez, au nom du Gouvernement, un volet institutionnel dans le projet du Grand Paris tel que nous allons bientôt l’étudier dans cet hémicycle. Effectivement, nous pourrons reprendre le débat à ce moment-là. Mais le projet du Grand Paris concerne aussi les Hauts-de-Seine, le Val-de-Marne, la Seine-Saint-Denis et les autres départements de la région d’Île-de-France.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas vraiment !
M. Philippe Dominati. Pourquoi ne pas les exclure du présent débat sur les collectivités territoriales ?
Quelle différence y a-t-il entre, d’une part, M. Yves Pozzo di Borgo, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et moi-même et, d’autre part, M. Christian Cambon ou un certain nombre de nos collègues d’Île-de-France, dans le débat sur les collectivités territoriales ?
Si, pour ce département, l’on reporte ces questions au débat sur le Grand Paris, il serait logique de prévoir un périmètre plus large. La vision d’avenir que nous inspire le Président de la République est un Grand Paris allant au-delà du périphérique.
Malgré ce que M. le ministre a dit voilà quelques instants, le Président de la République, le Gouvernement et les architectes travaillent dans cette perspective. On propose un projet d’avenir pour le pays. Or ce projet de loi reste confiné dans des frontières administratives !
Je retire mon amendement en raison de sa complexité. J’ai compris les problématiques et la cascade de questions qu’il suscite mais, d’ores et déjà, que ce soit pour le débat sur le Grand Paris, pour la seconde lecture du présent texte ou pour les prochaines lois concernant les collectivités territoriales, je souhaiterais que le Gouvernement affine sa réflexion sur cette question.
Mme la présidente. L’amendement n° 603 rectifié est retiré.
L'amendement n° 661, présenté par MM. Bernard-Reymond, Doublet, Laurent, Milon et Laménie, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« La fonction de conseiller territorial est incompatible avec celles de président de communauté de communes, de communauté d'agglomération ou de métropole, ainsi qu'avec celle de maire d'une commune de plus de 30 000 habitants ».
La parole est à M. Pierre Bernard-Reymond.
M. Pierre Bernard-Reymond. Au moment où nous créons un nouvel élu territorial, il me paraît important de préciser son statut au regard du cumul des mandats.
En effet, en siégeant à la région et au département, en représentant souvent un territoire plus important que les anciens cantons, le conseiller territorial devra exercer son mandat quasiment à plein temps. Nous avons entendu cette observation à plusieurs reprises dans cet hémicycle au cours des derniers jours.
Ce mandat ne lui laissera pas le loisir d’exercer sérieusement un autre mandat local, sans que ce soit au détriment de l’un ou de l’autre.
Par ailleurs, c’est l’occasion de faire un pas de plus vers moins de cumuls de mandats et d’offrir ainsi à un nombre plus important de nos concitoyens la possibilité de s’engager dans la vie publique.
Aussi, je propose que la fonction de conseiller territorial soit incompatible avec celles de président de communauté de communes, de communauté d’agglomération ou de métropole, ainsi qu’avec celle de maire d’une commune de plus de 30 000 habitants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à préciser certains éléments du régime juridique du mandat des conseillers territoriaux.
Cette question relève du projet de loi n° 61, qui sera examiné plus tard et qui porte spécifiquement sur l’élection des conseillers territoriaux et le renforcement de la démocratie locale.
Je demande à notre collègue Bernard-Reymond de retirer son amendement, puisqu’il s’agit d’une question de fond que nous aborderons lors de l’examen d’un autre projet de loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Bernard-Reymond, votre amendement pose un problème important : celui du temps dont dispose chaque élu pour remplir son mandat.
Le conseiller territorial sera très occupé par la gestion du département et de la région. Néanmoins, le Gouvernement a choisi de faire un mandat unique. Cette question, comme vient de le dire M. le rapporteur, se posera lors de l’examen du projet de loi électoral, qui aura lieu dans quelques jours en commission des lois.
Aussi, je vous propose, monsieur le sénateur, de retirer votre amendement et de reprendre la discussion lorsque nous en viendrons à ce texte.
Mme la présidente. Monsieur Bernard-Reymond, l'amendement n° 661 est-il maintenu ?
M. Pierre Bernard-Reymond. Dans la mesure où j’ai désormais, par la voix de M. le ministre et de M. le rapporteur, la certitude que cette question sera évoquée dans la loi à venir, je retire cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 661 est retiré.
L'amendement n° 663, présenté par MM. Bernard-Reymond, Alduy, Milon, Laménie et Leclerc, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Nul ne peut exercer plus de trois mandats successifs de conseiller territorial ».
La parole est à M. Pierre Bernard-Reymond.
M. Pierre Bernard-Reymond. Je retire également cet amendement, car il concerne la même question.
M. le président. L’amendement n° 663 est retiré.
La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote sur l'article 1er.
M. Alain Anziani. Il s’agit d’un article fondateur pour cette loi. De notre point de vue, je devrais plutôt parler d’article « défondateur » de la décentralisation.
Nous sommes contre le conseiller territorial, nous vous l’avons expliqué longuement et en détail depuis le début de ce débat. Je me contenterai de résumer nos propos.
Nous sommes contre parce que, la dernière intervention le montre, ce conseiller territorial est un être hybride. On ne sait pas exactement ce qu’il fera. Il doit à la fois remplacer l’élu régional et l’élu du conseil général mais il n’aura sans doute pas le temps de le faire.
Monsieur Bernard-Reymond, à la question que vous avez posée tout à l’heure, il y a une réponse, inscrite dans le texte, qui montre, d’ailleurs, toute la fragilité de ce conseiller territorial : il s’agit du remplaçant.
On veut diminuer le nombre d’élus mais on crée un remplaçant du conseiller territorial, parce qu’il n’aura pas le temps d’aller du sud au nord et de l’ouest à l’est pour siéger à la fois dans les lycées, dans les collèges ou dans bien d’autres endroits !
On ne sait rien du statut ni des indemnités du remplaçant. On ne sait rien non plus du coût du conseiller territorial et vous nous le vendez comme une source d’économies pour nos collectivités ! Vous ne nous avez pas donné d’indications sur le coût total du conseiller territorial, qui doit intégrer également le coût du conseiller remplaçant.
Bien plus, le conseiller territorial est un coup mortel porté non seulement au département, donc à la proximité, mais aussi à la région, qui deviendra, pour l’essentiel, une assemblée de conseillers cantonaux et qui perdra sans doute sa vocation. Quant au département, il sera ballotté entre des majorités différentes avec des membres élus au scrutin de liste ou au scrutin de canton. Il verra ses compétences rognées. (M. Alain Fouché s’exclame.)
J’attire l’attention de notre assemblée : le conseiller territorial, c’est un élu qui porte en lui le germe de la mort de la décentralisation ! Vous allez voter aujourd’hui sa création, sans grande solennité. Nous tous le regrettons, personne n’est vraiment d’accord, personne dans cet hémicycle n’a demandé cette création.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si !
M. Alain Anziani. Et pourtant, vous allez la voter, comme si cela allait de soi alors que chacun de nous, en son for intérieur – il suffit de discuter avec les uns et les autres, ici et sur le terrain –, ignore l’utilité de ce nouvel élu hybride à deux têtes. C’est une erreur que nous regretterons dans les années à venir, si ce texte aboutit. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Je répondrai d’abord à MM. Sueur et Peyronnet. Contrairement à ce qu’ils ont sous-entendu et même dit, je n’ai pas changé d’avis d’un jour à l’autre concernant le conseiller territorial.
Si vous voulez bien, chers collègues, vous donner la peine de relire mes propos au cours de la discussion générale – il y a déjà un peu plus d’une semaine, puisque nous avons passé beaucoup de temps à débattre avant d’aborder l’article 1er –, vous constaterez que je suis favorable à la création du conseiller territorial parce qu’il permettra de mettre en cohérence les politiques du département et de la région et de parvenir à une meilleure optimisation de l’action publique et, par là même, des moyens et des finances publics.
Lors de la discussion générale, j’ai dit que nous manquions d’éléments pour nous prononcer sur le conseiller territorial. En effet, on ne nous avait donné, à l’origine, aucune information, excepté celle qui figure dans l’article 1er précisant que le conseiller territorial siège au conseil général et au conseil régional.
Au terme de ces débats assez longs, force est de constater que nous en savons un peu plus. Nous avons obtenu l’adoption d’un amendement déposé par le groupe de l’Union centriste. Cet amendement est extrêmement important puisqu’il tue définitivement le mode de scrutin que voulait nous imposer le Gouvernement, à savoir un scrutin uninominal, une machine à broyer le pluralisme et destinée à instaurer, à marche forcée, le bipartisme, dont nous ne voulons pas.
L’amendement que nous avons fait adopter pose très clairement le principe d’un scrutin mixte : d’une part, un scrutin majoritaire, en partie, pour assurer une bonne représentation des territoires, et, d’autre part, un scrutin avec une vraie dose de proportionnelle, afin de permettre la représentation du pluralisme politique et une bonne représentation démographique, et d’assurer la parité. Ce n’est pas anodin !
Aujourd’hui, au cours des débats, j’ai enfin obtenu du Gouvernement quelques éléments de réponse sur une question qui me paraissait fondamentale, ce qu’on appelle le « statut » de l’élu – le terme n’est d’ailleurs pas forcément bien choisi, j’en conviens, monsieur le ministre.
Le conseiller territorial, qui aura une charge de travail et des compétences importantes, pourra bénéficier de temps, pour exercer son mandat et pour être candidat. J’ai obtenu des précisions sur ce point.
Autre point important qui a été mis en exergue aujourd'hui dans les réponses apportées aux amendements de M. Jacques blanc : le conseiller territorial devra représenter les territoires. Ce point, qui peut paraître anodin, est essentiel. En effet, comme je l’ai dit hier, pour un conseiller territorial en milieu rural, le nombre de communes et la taille du territoire qu’il aura à représenter sont bien plus importants que le nombre d’habitants de sa circonscription. (M. Jean-Marc Juilhard applaudit),…
M. Jacques Blanc. Bravo !
M. Hervé Maurey. … afin que la notion de canton ait encore un sens. Ne vous en déplaise, mes chers collègues, un certain nombre d’éléments ont donc d’ores et déjà été apportés, qui nous permettent d’y voir tout de même plus clair aujourd'hui qu’au début de ce débat la semaine dernière, et c’est heureux compte tenu des nombreuses heures que nous avons passées dans cet hémicycle.
Aussi, je voterai sans aucun état d’âme en faveur de la création du conseiller territorial. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste. – MM. Jean-Marc Juilhard et René Beaumont applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour explication de vote.
M. Jean-François Voguet. Mon explication de vote sera brève, car nous nous sommes exprimés à plusieurs reprises dans le débat.
Nous voterons bien sûr contre l’article 1er, et ce pour deux raisons.
La première est une raison de fond évidente : la création de ce conseiller territorial vise en quelque sorte à réduire l’activité des régions et des départements, alors que, selon nous, la situation actuelle, notamment économique et sociale, va à l’encontre de cette volonté.
Il faut, au contraire, préserver l’activité de ces deux strates de collectivités territoriales, qui, chacun le reconnaît aujourd'hui, jouent un rôle important dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Je pense notamment à l’action qu’elles mènent au travers des services publics locaux que j’ai évoqués tout à l’heure et qui irriguent une partie importante des activités humaines, qu’il s’agisse notamment de la petite enfance, de l’action sociale, de l’aménagement du territoire, de l’environnement, du cadre de vie, du développement économique, de la jeunesse et des lycées.
Le but de la présente réforme et de l’article 1er est, nous semble-t-il, de diminuer la dépense publique et, de ce fait, de réduire le service public territorial de proximité. Nous ne pouvons être d’accord avec cet objectif.
La seconde raison pour laquelle nous voterons contre l’article réside dans la complexité du processus qui nous est proposé, comme nous l’avons vu tout au long de ce débat. Je dirais même – mais je n’ose le croire ! – que les propositions qui nous sont faites souffrent d’une certaine impréparation.
Nous venons d’en avoir une illustration à l’instant sur la question du statut de Paris. Sur ce point, qui soulève des problèmes particuliers, la réflexion est totalement inexistante aujourd'hui. Il nous a été dit : « On verra plus tard ».
D’ailleurs, le Président de la République, lorsqu’il a présenté au palais de Chaillot le projet du Grand Paris, a clairement dit : « Faisons, et nous verrons la gouvernance après ! ». À l’évidence, il n’était pas prêt ! La population de la région parisienne ne semble pas être prête non plus, et l’on comprend bien pourquoi !
Au-delà des interrogations sur son rôle, la création du conseiller territorial tel qu’il nous est proposé pose de nombreuses autres questions.
Tout d’abord, le mode de scrutin met en cause, d’une certaine façon, la représentativité nationale.
Ensuite, quid des cantons ruraux et des cantons urbains, de la représentation des villes et des campagnes, du nombre d’élus, du nombre de voix nécessaires ?
De même, cela a été nettement démontré au cours du débat, la parité est remise en cause par le projet. Personne n’a pu faire la démonstration inverse : la proportion de femmes parmi les élus conseillers territoriaux diminuera. C’est inacceptable !
Enfin, se pose également la question de la juste représentation des différents courants de pensée existants dans notre pays. Ils sont bien réels et constituent une de nos particularités. Or, avec le mode de scrutin qui nous est proposé, ils ne seront pas représentés dans ces instances, en tout cas proportionnellement à leur réalité.
Pour toutes ces raisons, des raisons de fond et des raisons plus particulières liées au mode de scrutin et à la façon dont les choses sont présentées aujourd'hui, nous voterons contre l’article 1er qui, s’il était appliqué avec la création des conseillers territoriaux, serait, nous en avons la conviction, un recul démocratique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Au terme de ce débat sur l’article 1er, débat long, et souvent intéressant je dois le dire, je souhaite donner mon point de vue non seulement comme sénateur, mais également en tant que président de conseil général.
La durée du débat était normale car, s’agissant d’une réforme majeure depuis la création des départements, il était utile de développer, tantôt des vérités, tantôt des contre-vérités : c’est le principe même du débat au sein du Parlement.
Cependant, il faut le reconnaître, – et cela n’a pas été assez dit –le fonctionnement au sein du bloc département-région n’a pas toujours été idéal, les départements et les régions s’ignorant souvent réciproquement sur le terrain. C’est, au fond, l’une des raisons pour lesquelles le Gouvernement a engagé cette réforme.
Des arguments pertinents ont été souvent avancés, mais, selon la phrase d’Édouard Herriot, citée par le président de mon groupe : « Un bon discours m’a quelquefois fait changer d’avis, jamais de vote ! ».
Nous avons également entendu des répétitions de contre-vérités. Même si la répétition a une valeur pédagogique, elle ne transforme pas une contre-vérité en vérité.
M. Jean-Pierre Sueur. Et réciproquement !
M. Bruno Sido. En effet, mon cher collègue !
Par ailleurs, quelques-uns, peu nombreux il est vrai, ont traité les départements avec condescendance, allant jusqu’à évoquer une « cantonalisation » des élections régionales. Peu agréable pour les nombreux conseillers généraux qui siègent dans cet hémicycle, une telle attitude n’est pas non plus très heureuse au regard du rôle extraordinairement important que jouent les départements, comme les membres de l’opposition eux-mêmes l’ont reconnu.
Certains ont prédit l’évaporation, la disparition, l’effacement – les termes sont nombreux – des départements. Personnellement, je ne le crois pas. (Mme Josiane Mathon-Poinat s’exclame.)
MM. Daniel Reiner et Claude Haut. Mais si !
M. Bruno Sido. Mes chers collègues, ne relançons pas le débat ! Je vous donne mon opinion, si vous me le permettez.
Cela a été très bien dit, par vous-mêmes d’ailleurs, on ne voit pas comment les départements pourraient être effacés et s’effacer.
M. Pierre-Yves Collombat. Mais si !
M. Bruno Sido. Compte tenu de leur travail de proximité, d’humanité, de stratégie – vous l’avez dit vous-mêmes ; mais la stratégie n’est pas l’apanage des régions, de ceux qui veulent se faire plus gros que le bœuf –, je ne crois pas du tout que les départements disparaîtront.
D’abord, cette réforme permettra, naturellement, une meilleure articulation. Les mêmes siégeant ici et là, ils ne pourront pas se désavouer dans le département par rapport à un vote régional, et inversement.
Ensuite, – ce point n’a pas été abordé dans le débat, et je ne l’ai pas fait pour ne pas allonger ce dernier – la complexité de la réforme permettra aux conseillers territoriaux d’en faire ce qu’ils voudront sur le terrain, et ainsi notre pays ne sera plus un jardin à la française.
La loi donnera la possibilité de fusionner, après le vote des populations concernées, aux départements qui le souhaitent et aux régions intéressées. Puis, au sein des régions, les départements siégeront avec leurs présidents de conseils généraux, leur exécutif. Certains départements voudront se laisser faire, d’autres non. Dans certaines régions, les départements s’effaceront de leur propre volonté. En revanche, dans d’autres régions, je vous le dis très clairement, les départements prendront toutes leurs responsabilités. Dans ce cas, la région sera bien obligée de se concentrer sur ce qu’elle a à faire, plutôt que d’aller subventionner le lavoir du coin.
C’est pourquoi je considère que cette réforme est bonne. Elle permettra aux uns et aux autres de s’exprimer. Elle donnera aux territoires la possibilité d’exprimer leurs différences. Je comprends, par exemple, que l’Alsace souhaite faire différemment de la Bretagne.
C’est donc une véritable ouverture qui est proposée, pour permettre à la France de se réorganiser, et je regrette que le débat n’ait pas traité de cette question fondamentale. Peut-être est-elle trop vraie pour être abordée dans cet hémicycle ?
Personnellement, et pour toutes ces raisons, je voterai l’article 1er. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.
M. Pierre Jarlier. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vais m’abstenir sur l’article 1er.
Je le ferai, alors même que je ne suis pas opposé au principe d’un conseiller territorial qui pourrait créer un lien utile entre le conseil régional et le conseil général.
Mais, en l’état actuel de la discussion, on nous demande en quelque sorte de faire un chèque en blanc pour créer un nouvel élu, le conseiller territorial, alors qu’on ne sait pas quel territoire il représentera, quelles compétences exerceront les collectivités qu’il représentera, ni quel mode d’élection sera arrêté pour sa mise en place.
En revanche, ce que nous savons clairement, comme l’ont rappelé plusieurs collègues, c’est que cette création, en l’état actuel du texte, va signer la disparition de nombreux élus de proximité que sont les conseillers généraux.
Cette évolution me semble paradoxale, sachant que nos concitoyens nous demandent toujours plus de proximité.
Certes, une recomposition de certains cantons est sans doute nécessaire pour respecter l’évolution démographique de notre pays et la Constitution.
Mais le double mandat du conseiller territorial – car il s’agit bien de deux mandats distincts exercés par une seule tête – signe aussi une représentation des conseils généraux réduite à une part très faible d’élus, qui pourra aller jusqu’à la moitié des assemblées actuelles.
Dans les départements ruraux, notamment si l’on tient compte des discussions que nous avons eues tout à l’heure, en particulier celles qui ont été engagées par notre collègue Jacques Blanc, seuls quinze conseillers, et sans doute pas plus d’une dizaine pour une majorité, auront en charge le budget du conseil général, dans des hémicycles qui seront à moitié vides, pour gérer des budgets allant de 200 millions à 800 millions d'euros pour ces petits départements.
À l’opposé de cela, pour assurer une représentativité conforme à la Constitution dans les conseils régionaux, il faudra construire de nouveaux hémicycles, car les élus seront beaucoup plus nombreux qu’aujourd'hui.
L’objectif de diminution du nombre d’élus sera donc difficile à tenir, et les économies annoncées ne seront pas au rendez-vous,…
M. Jean-Luc Fichet. Voilà !
M. Pierre Jarlier. … alors que notre démocratie de proximité, si chère à la population, risque d’être affaiblie.
La navette parlementaire lèvera sans doute les incertitudes qui suscitent encore de multiples inquiétudes chez de nombreux élus.
C’est en tout cas ce que je souhaite et telle est la raison pour laquelle j’attendrai la deuxième lecture de ce texte pour me prononcer sur l’opportunité de créer ce conseiller territorial.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est courageux !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, M. Pierre Jarlier, sénateur du Cantal, parle juste ; il parle d’or.
Un auteur célèbre, que M. le ministre connaît bien, a écrit un jour : « La vérité vous rendra libres ». Je le cite après avoir entendu les propos tenus par notre excellent collègue M. Maurey, qui nous dit, en substance : « Avec l’amendement About, en quelque sorte, la lumière électrique est arrivée ; enfin, nous avons été illuminés ! » (Sourires.)
Mme Jacqueline Gourault. On passe de l’ombre à la lumière !
M. Jean-Pierre Sueur. Je me permets de faire observer à M. Maurey que, avant l’amendement About, il était question d’un scrutin mixte. Ce que le Gouvernement propose, c’est une élection uninominale avec une part de proportionnelle de 20 %.
M. Hervé Maurey. Une dosette !
M. Jean-Pierre Sueur. Après l’amendement About, il subsiste une part uninominale et une part proportionnelle. Cependant, M. Maurey affirme : « Au moins, c’est clair ! ». (Sourires.)
Puisque c’est clair, mon cher collègue, vous avez certainement perçu, par exemple, quel était le pourcentage de la part de proportionnelle. Est-ce 20 % ? 30 % ?
M. Nicolas About. Mais vous êtes dans les modalités, alors que nous en sommes encore aux principes !
M. Jean-Pierre Sueur. En tout cas, nous n’avons rien entendu de tel.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il ne distingue pas les modalités !
M. Nicolas About. Maintenant, nous négocierons !
M. Jean-Pierre Sueur. Donc, ce qui était connu avant l’amendement About subsiste après ce dernier ; il n’y a pas de changement.
Or vous dites, mon cher collègue : « Nous avons obtenu quelque chose ». J’aimerais bien savoir quoi.
M. Yves Pozzo di Borgo. L’essentiel !
M. Jean-Pierre Sueur. Apparemment, tout le monde comprend.
M. Bernard Saugey. En effet !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Saugey, c’est facile à comprendre !
M. Bernard Saugey. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous nous dites également, monsieur Maurey, que grâce aux efforts de M. Jacques Blanc, vous avez maintenant la certitude que les quelques conseillers territoriaux qui subsisteraient dans tous les départements pourront représenter le territoire.
Mais cette précision figure déjà dans le troisième projet de loi sur les quatre que nous avons reçus, et M. le ministre a bien voulu nous donner lecture du passage concerné. Personne ne peut le contester. Vous n’avez donc rien obtenu d’autre que la confirmation orale de ce que vous saviez déjà.
Les conseillers territoriaux représenteront non seulement les territoires, mais également la population. Voilà qui est très intéressant, sauf que nul ne sait comment cela se passera. Par exemple, combien y aura-t-il d’élus pour représenter la Lozère ?
M. Jacques Blanc. Quinze au minimum !
M. Jean-Pierre Sueur. M. Mézard vous l’a démontré avec beaucoup d’éloquence, à partir du moment où il ne pourrait y avoir moins de quinze conseillers territoriaux par département et plus de 3 000 élus locaux au total, il resterait 1 500 postes à répartir. N’est-il pas étrange d’imaginer qu’un département douze fois plus peuplé qu’un autre ne compterait peut-être que quatre fois plus d’élus ?
Le dispositif est tout à fait contraire à l’exigence de représentation du suffrage, qui est également inscrite dans votre texte.
M. Nicolas About. Je suis heureux de constater à quel point vous vous délectez de la situation !
M. Jean-Pierre Sueur. J’en suis désolé pour vous, vous n’avez rien obtenu. Ou alors, puisque j’ai dit tout à l’heure que la vérité rendait libres, vous avez obtenu des choses dont vous ne nous avez pas fait part,…
M. Bernard Saugey. Inavouables !
M. Jean-Pierre Sueur. … et, dans ce cas, il serait très intéressant que vous puissiez éclairer l’assemblée, car, si vous avez uniquement obtenu ce que vous annoncez, ce n’est pas grand-chose, c’est même pratiquement rien.
M. Jean-Luc Fichet. Absolument !
M. Jean-Pierre Sueur. Sans doute allez-vous me rétorquer que rien, c’est tout de même quelque chose, comme dans l’expression « un rien ».
M. Nicolas About. Et deux fois rien ?
M. Jean-Pierre Sueur. C’est encore quelque chose, bien sûr !
M. Dominique Leclerc. Quelle suffisance !
M. Jean-Pierre Sueur. Mais, entre nous, ce n’est pas grand-chose !
M. Nicolas About. Ce n’est déjà pas mal ! On verra !
M. Jean-Pierre Sueur. Tout cela est probant. J’ai été très heureux, comme vous tous, me semble-t-il, d’entendre notre collègue Pierre Jarlier dire que, dans l’état des informations dont il dispose, il ne pouvait raisonnablement pas voter cet article.
J’en termine, mes chers collègues, puisqu’il ne me reste plus que trois secondes.
M. Nicolas About. Top !
M. Jean-Pierre Sueur. Si vous suivez le raisonnement, tout simple, que nous avons présenté, le vote découle de lui-même ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela recommence !
M. Jean-Jacques Mirassou. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes effectivement à un moment clé de l'examen de ce projet de loi. Nous avons eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, le conseiller territorial dont il est question à l’article 1er incarne à la fois la loi et l’esprit de loi.
Décidément, la volonté de suppression des départements n’apparaît nulle part dans le texte de façon explicite. Mais, depuis hier soir, nous avons été nombreux à dénoncer la tactique employée, qui consiste à agir en trois temps.
Il s’agit, dans un premier temps, d’étouffer les départements en supprimant la taxe professionnelle.
M. Daniel Reiner. Eh oui !
M. Jean-Jacques Mirassou. Il s’agit, dans un deuxième temps, dans la perspective de la disparition de la clause générale de compétence, de leur interdire l’aide aux communes. Or c’est ce dispositif qui leur permet d’assurer la redistribution des ressources, la péréquation financière et, partant, la solidarité entre les communes riches et celles qui le sont moins.
Il s’agit, dans un troisième temps, pour couronner le tout, d’aspirer de manière mécanique, par le biais de la « métropolisation », une grande partie des compétences départementales.
Finalement, que restera-t-il des départements, de ces collectivités qui peuvent s’enorgueillir de plus de deux cents ans d’histoire ? Le mode de scrutin actuel – un mandat par canton – fait du conseiller général un élu de proximité. Cela fait très longtemps que ce dernier a prouvé, aux yeux de la population, son utilité sur le terrain.
Je l’évoquais hier soir, l’élaboration de l’étude d’impact du projet de loi aurait dû être l’occasion pour le Gouvernement de redessiner l’architecture des collectivités territoriales pour l’adapter aux problématiques du XXIe siècle. De nombreux orateurs ont décrit le conseil général et le conseil régional ainsi : le premier est une institution de proximité à l’égard à la fois des citoyennes, des citoyens et des communes ; le second est une collectivité tournée vers l’avenir, la stratégie industrielle, l’économie ou la recherche.
Au demeurant, j’observe que la mutualisation des moyens et des intelligences existe déjà dans nombre de régions et de départements. Je ne comprends donc pas l’insistance d’un certain nombre de nos collègues de droite, qui, pour justifier leur vote, s’échinent depuis hier soir à caricaturer les relations qu’ont leurs propres régions avec les départements concernés.
M. Albéric de Montgolfier. Mais non !
M. Jean-Jacques Mirassou. J’ai essayé de l’expliquer hier soir, en faisant référence aux départements que je connaissais, singulièrement celui de la Haute-Garonne : ce n’est pas un hasard si tout ce qui relève d’un projet ambitieux s’appuie sur de telles relations. Les exemples sont nombreux, et ce dans bien des domaines, qu’il s’agisse de l’essor d’EADS, de la construction d’un équipement collectif du type zénith ou stadium, de la logique prévalant dans le cadre des transports en commun. L’usager peut ainsi prendre dans la même journée, avec un seul titre de transport, un TER, un bus, un métro et un car interurbain.
Voilà ce qui existe dans la pratique, pour peu que l’on soit conscient de la réalité des besoins ! Fallait-il donc sacrifier toute l’architecture actuelle ou la nier pour arriver à un résultat que beaucoup de régions et de départements atteignent déjà aujourd'hui ?
Point n’est donc utile de créer ce fameux élu territorial, dont les compétences seront par définition très troubles, puisque, cela a été dit, les missions du conseil régional et celles du conseil général sont parfaitement distinctes.
Je le répète après bien d’autres, vous n’êtes pas arrivés, malgré votre obstination et un volontarisme tout de même quelque peu résigné, à réussir le tour de force de nous démontrer la pertinence de ce nouveau type d’élu.
Nous sommes profondément convaincus que cet article 1er est injuste et inique. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre, sans ambiguïté ! (Mme Bernadette Bourzai et MM. Claude Bérit-Débat et Daniel Reiner applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au nom du RDSE, je tiens à expliquer les raisons de notre vote, qui sera très majoritairement opposé à l'article 1er.
Nous attendions de ce débat qu’il nous donne des éléments pour comprendre en quoi la création du conseiller territorial améliorerait la vie de nos concitoyens et la gestion de nos collectivités. Or les arguments qui ont pu être échangés ne nous ont toujours pas convaincus.
Nous l’avons rappelé, la création du conseiller territorial n’est point issue des réflexions engagées par les associations d’élus, pas davantage de celles des partis politiques – cela ne figurait, me semble-t-il, dans aucun programme –, et encore moins du travail sénatorial réalisé dans le cadre de la mission Belot. Les membres de cette dernière s’étaient exprimés très majoritairement en faveur de l’instauration d’un conseil régional des exécutifs et contre le conseiller territorial.
Considérons donc qu’une telle idée est le fruit d’une « génération spontanée » !
Cela étant, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, est-il normal de nous faire délibérer sans connaître vos intentions réelles sur le nombre des conseillers territoriaux – je m’en suis expliqué tout à l’heure –, sur le mode de scrutin – en dépit du projet de loi qui a été déposé – et sur les compétences ?
Voilà une catégorie d’élus atypiques, dont nous ne connaissons ni le nombre, ni l’assise territoriale, ni le mode de scrutin, ni la répartition des compétences selon la casquette qui sera la leur ! Nous n’avons qu’une certitude : le principe de parité sera bafoué !
Ne nous faites pas croire que vous ne connaissez pas la suite du feuilleton et que vous n’avez pas fait réaliser toutes les simulations nécessaires. Je n’ai pas eu l’impression que les questions que j’ai posées ont été entendues. Peut-être faudra-t-il envisager de vous offrir un sonotone ?
Les objectifs affichés dans l’exposé des motifs du projet de loi sont inadéquats. Le texte ne prévoit aucune véritable simplification. Bien au contraire, il en rajoute, avec la commune nouvelle et la métropole.
M. Gérard Le Cam. Et les pôles métropolitains !
M. Jacques Mézard. Comment peut-on simplifier un édifice en y ajoutant des étages ?
Si le projet de loi est ambigu, c’est en réalité parce que vous n’avez pas osé aller au bout du raisonnement. Sur toutes les travées, nous avons entendu une ode au département. Je crains qu’une telle unanimité et un tel enthousiasme ne soient plus inquiétants que véritablement rassurants. Trop de fleurs ont été versées,…
Mme Jacqueline Gourault. La campagne des cent fleurs, c’est Mao !
M. Jacques Mézard. … pour ne pas penser à un éloge funèbre !
Au-delà de l’ambiguïté, c’est au contraire la suppression d’un étage qui s’annonce. Sur ce point, vous n’avez pas non plus répondu par rapport à ce que nous avons pu lire ici ou là. Il y a quelques jours, le Président de la République a utilisé le terme de « préfiguration » pour évoquer la situation outre-mer. On a aussi beaucoup entendu la référence à l’« évaporation ». Ce sont tout de même des mots très forts. Lors de la suppression de la taxe professionnelle, on nous a soumis à une clause de revoyure. Aujourd'hui, on nous impose la préfiguration.
Vous professionnalisez les élus et vous fabriquez une nouvelle usine à gaz, avec des risques évidents de conflits entre les territoires, qu’aurait au contraire restreint le conseil régional des exécutifs proposé par la mission Belot. Cette usine à gaz est censée consommer moins de gaz et en produire plus. Là encore, vous refusez de répondre à la question que vous avez vous-mêmes posée.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, comment cette réforme permettra-t-elle d’économiser les 20 milliards d'euros qui découlent, selon vous, du chevauchement des compétences ? Ce texte n’est aucunement une avancée démocratique, ne simplifie rien et n’a pas forcément été élaboré pour améliorer la gestion de nos territoires. Il a manifestement d’autres visées. Nous n’avons cessé de le dire, les véritables objectifs sont masqués, ce qui est inquiétant pour l’avenir. De fait, la majorité du groupe RDSE votera contre l'article 1er. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste. – M. Gérard Le Cam applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Gourault. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous ne pourrons pas nous retrouver dans la même situation lorsque nous aborderons la deuxième lecture de ce texte. La présentation de la réforme en quatre projets de loi présente en effet des inconvénients majeurs : beaucoup l’ont répété semaine après semaine, nous n’avons aucune vision sur la répartition des compétences. En d’autres termes, la charrue a souvent été mise avant les bœufs.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous vous engager à nous fournir, d’ici à la deuxième lecture au Sénat, l'ensemble des indications et des éléments de réflexion dont nous avons besoin ? Cela nous permettrait, le moment venu, de voter en toute sérénité et de façon définitive pour prendre un certain nombre de décisions, parmi lesquelles figure la création du conseiller territorial.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela ne dépend que de nous ! C’est nous qui votons la loi !
Mme Jacqueline Gourault. Nous ne pourrons pas, je le répète, aborder la deuxième lecture sans disposer de telles informations. Sans cette clarification absolument nécessaire, il est pour ma part évident que ce texte ne pourra pas passer.
Aujourd'hui, je suis solidaire de mes collègues, avec qui j’ai travaillé. Mais je vote avec l’espoir que cet engagement sera respecté. (Mme Françoise Férat applaudit.)
M. Jean-Jacques Mirassou. L’espoir sera déçu !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. À ce stade de la discussion de l’article 1er, je voudrais exprimer mon sentiment. Jusqu’à présent, je l’avais gardé pour moi afin de ne pas retarder les débats.
Je voterai cet article 1er et je balaie d’un revers de la main l’ensemble des objections qui ont été avancées par nos collègues de l’opposition.
M. Gérard Le Cam. Il vous faut un grand balai ! (Sourires.)
M. Alain Vasselle. Ces objections, je les rejette, fort de mon expérience de vice-président d’un conseil régional et d’un conseil général. Outre que le cumul des deux fonctions ne m’a posé aucune difficulté, il m’a permis de comprendre que les deux collectivités peuvent exercer leurs compétences d’une façon globalement complémentaire.
Force m’est néanmoins de reconnaître ici que, dans la plupart des cas, la région l’emportait sur le département. La création du conseiller territorial renforcera la complémentarité des compétences entre les deux collectivités. Je souligne, à cette occasion, la pertinence de la proposition qui nous est soumise.
Deux autres objections ont été soulevées, l’une par notre collègue Pierre Jarlier, l’autre, à l’instant même, par Jacqueline Gourault.
M. Jarlier a souligné que le conseiller territorial risquait d’être un peu éloigné des élus locaux. Il est vrai que le territoire sur lequel « sévissait », si j’ose m’exprimer ainsi, le conseiller général lui assurait une proximité réelle par rapport aux maires. Certains d’eux s’inquiètent donc du risque, demain, d’un éloignement.
Contre ce risque, contre cette difficulté, nous pouvons nous prémunir. Je rejoins l’objection de notre collègue Jacqueline Gourault, regrettant, comme elle, l’absence d’approche globale de la réforme. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.) En effet, le succès du conseiller territorial dépendra moins du mode d’élection, moins de la définition des compétences respectivement exercées que de l’autonomie financière dont bénéficiera chaque collectivité ; je pense, en particulier, aux communes et aux intercommunalités.
Si nous réussissons la réforme qui garantira leur autonomie financière, il sera mis un terme à la dépendance actuelle des communes vis-à-vis du conseil général. Il n’y a rien de plus désagréable pour les maires que d’être réduits à faire en permanence la manche pour obtenir la subvention nécessaire à la réalisation de tel équipement, tel service ou tel investissement ! La situation est plus insupportable encore quand, comme cela arrive, certains présidents de conseil général, dont la sensibilité politique n’est pas la même que les maires demandeurs, posent leurs conditions, voire exercent une sorte de chantage à leur encontre.
M. Bruno Sido. Mais non !
Mme Jacqueline Gourault. C’est vrai dans tous les sens !
M. Alain Vasselle. Peut-être ne le vivez-vous pas, cher Bruno Sido, mais je peux vous dire que j’en fais l’expérience dans mon propre département.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la réussite de la réforme des collectivités territoriales dépendra du succès de la réforme des finances locales ! (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de ces longues explications de vote - rien que de très normal, en l’occurrence !- je voudrais apporter deux précisions demandées par plusieurs orateurs, notamment Mme Gourault.
Dans le dispositif qui vous est présenté, il manque aujourd’hui un seul texte, certes important, celui qui traite des compétences. Je rappelle que le ministre de l’intérieur, en ouverture de la discussion générale ici même, au Sénat, s’est engagé à le déposer dans les six mois.
M. Daniel Reiner. Il aurait dû commencer par ce texte-là !
M. Michel Mercier, ministre. L’avant-projet de loi sur les compétences vous sera transmis très rapidement pour que vous abordiez la deuxième lecture du présent texte avec une vision globale de la réforme.
Le projet de loi électorale a été adopté par le conseil des ministres. Pour une bonne compréhension du texte, il manque encore un certain nombre de précisions ou de « modalités », pour reprendre un terme largement utilisé ces derniers jours.
Alain Marleix et moi-même avons pris l’engagement devant le Sénat de transmettre à sa commission des lois – je le dis sous le contrôle de son président –tous les documents nécessaires à l’exercice de sa pleine compétence.
Cette étude commencera avant la seconde lecture du présent texte par le Sénat. Je le redis pour dissiper toute ambiguïté et être parfaitement clair : l’examen du projet de loi électorale par la commission des lois du Sénat précédera la deuxième lecture du présent texte par la Haute Assemblée. Le Gouvernement lui aura transmis tous les documents nécessaires pour qu’elle soit en mesure de travailler en toute liberté et dans des conditions correctes.
Modifier l’ensemble de notre architecture locale, c’est une affaire très lourde, mesdames, messieurs les sénateurs ! Il fallait commencer par le début, c'est-à-dire, on l’oublie généralement, par la loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux. Alain Marleix a surmonté bien des difficultés, mais cette loi est aujourd’hui définitivement adoptée.
Alors que débute l’examen du projet de loi institutionnelle, le projet de loi électorale est donc d’ores et déjà adopté par le conseil des ministres. Il sera complété pour permettre à la commission des lois de travailler avec toutes les simulations et toutes les propositions du Gouvernement en termes de découpage – pas forcément à la limite près, mais en connaissant le nombre des conseillers territoriaux par département et par région.
Vous aurez au moins, avant la deuxième lecture, un avant-projet de loi sur les compétences qui vous donnera une vision complète de la réforme. Ainsi, le Sénat se prononcera, lors de la deuxième lecture, en totale connaissance des projets du Gouvernement et il lui sera loisible de les améliorer sans aucun problème.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin public dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Ceux qui souhaitent voter « pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.
Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.
Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
……………………………………………….
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
En l’absence d’observation, le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 140 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 166 |
Pour l’adoption | 174 |
Contre | 156 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Articles additionnels après l'article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 26, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après les mots : « conseil municipal », la fin de la première phrase de l'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigée : « deux espaces identiques sont réservés à l'expression d'une part, des conseillers municipaux appartenant à la majorité municipale et d'autre part, des autres conseillers municipaux ».
II. - Après les mots : « conseil général », la fin de la première phrase de l'article L. 3121-24-1 du même code est ainsi rédigée : « deux espaces identiques sont réservés à l'expression d'une part, des conseillers généraux appartenant à la majorité départementale et d'autre part, des autres conseillers généraux ».
III. - Après les mots : « conseil régional », la fin de la première phrase de l'article L. 4132-23-1 du même code est ainsi rédigée : « deux espaces identiques sont réservés à l'expression d'une part, des conseillers régionaux appartenant à la majorité régionale et d'autre part, des autres conseillers régionaux ».
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 352 rectifié bis, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Bel et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy et Povinelli, Mme Alquier, MM. Andreoni, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet et Chastan, Mme Cartron, MM. Courteau, Daunis et Daudigny, Mme Durrieu, MM. Fichet et Jeannerot, Mme Ghali, MM. Guérini et Guillaume, Mmes Khiari et Klès, MM. Lagauche, Marc, Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Miquel, Mirassou, Patriat, Percheron, Rebsamen, Ries, Sergent, Signé et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour toute élection locale ou nationale au suffrage universel direct, majoritaire ou proportionnel, un scrutin majoritaire ou un scrutin de liste à deux tours est organisé.
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Dans la tradition française, le scrutin à deux tours tient une place considérable. Les Français le connaissent bien et y sont très attachés parce que, au premier tour, il leur permet de s’exprimer librement, les débats étant riches, mais, au second tour, ils reportent leurs suffrages en fonction des deux ou trois forces en présence pour exprimer un vote plus utile, plus définitif.
Ne vous en déplaise, nos premiers tours font en partie la vitalité de notre vie démocratique !
Il y a une raison à cela : depuis le Second Empire, le scrutin majoritaire uninominal à deux tours n’a pas connu d’exception dans l’histoire électorale française.
Le Parlement a pu parfois, et passagèrement, adopter des modes de scrutin proportionnel ou majoritaire, plurinominal ou uninominal, mais, dès lors qu’il s’agissait d’un scrutin majoritaire uninominal, il comportait deux tours. Il en allait d’ailleurs systématiquement de même pour toutes les autres élections majoritaires uninominales : celles des conseillers généraux et des sénateurs, pour lesquels étaient même prévus trois tours de scrutin, la majorité absolue étant exigée pour être élu au premier ou au deuxième tour.
La référence faite aux travaux de la commission Vedel dans l’exposé des motifs du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale est inexacte.
Certes, la commission Vedel avait proposé un mode de scrutin mixte, proche du système allemand, dans lequel l’électeur disposait de deux voix. C’est loin d’être le cas, en l’état, dans le dispositif proposé pour la désignation du conseiller territorial.
Par ailleurs, le Conseil d’État a émis un avis plus que réservé sur le mode de scrutin projeté pour la désignation du conseiller territorial, qui serait, selon lui, de nature à porter atteinte à l’égalité : tous les conseillers territoriaux ne seraient pas élus selon le même mode de scrutin.
Il en serait de même pour la sincérité du suffrage. Ce mode de scrutin pourrait avoir comme conséquence de permettre qu’une liste ayant recueilli au niveau régional moins de votes qu’une autre puisse néanmoins recueillir plus de sièges qu’elle !
Vous admettrez que ce mode de scrutin est pour le moins curieux. Il ne suscite d’ailleurs guère l’adhésion au sein même de la majorité, on l’a vu.
En effet, le président de notre assemblée, M. Gérard Larcher, a récemment déclaré que le Président de la République, le Premier ministre ainsi que la majorité étaient tombés d’accord pour former un groupe de travail sur le mode de scrutin des conseillers territoriaux. Il était temps !
Une décision aussi tardive peut paraître étonnante, alors même que l’on sait qu’en 2003, Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur, plaidait avec talent devant cette assemblée contre ce mode de scrutin : « Le scrutin le plus simple, c’est incontestablement le système anglais, scrutin uninominal majoritaire à un tour. Il est d’une simplicité biblique, mais d’une brutalité sauvage ! » Et Nicolas Sarkozy de conclure que l’application de ce mode de scrutin ne convenait pas à notre pays. Notre Président aurait-il oublié depuis les idées qu’il développait alors ?
C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous invitons à soutenir cet amendement qui, dans la perspective du débat sur le projet de loi n° 61, vise à fixer autant que faire se peut les limites dans lesquelles les propositions du Gouvernement et de sa majorité devront se situer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement traite de questions de droit électoral qui ne relèvent pas du présent texte et devront être discutées dans le cadre de l’examen du projet de loi électorale.
En outre, il vise à poser un principe qui régirait toute élection, locale ou nationale, ce qui s’opposerait au pouvoir d’appréciation du législateur en la matière.
En tout état de cause, puisqu’il traite des élections nationales, il constituerait un « cavalier » dans un texte ne portant que sur des élections locales.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Irrecevable !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Pour les mêmes raisons que M. le rapporteur, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
J’ajoute à l’intention de M. Peyronnet qu’il est tout à fait outrancier d’utiliser ce genre d’argument.
D’abord, le scrutin à un tour se pratique dans toutes les grandes démocraties, que ce soit aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou en Allemagne pour les élections au Bundestag.
M. Claude Bérit-Débat. Ce sont des pays à bipartisme !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ensuite, il ne faut pas avoir la mémoire courte : vous avez vous-mêmes utilisé le scrutin à un tour !
En 1985, le gouvernement Fabius a décidé de passer à ce mode de scrutin pour les élections régionales, ce qui, d’ailleurs – comme je l’ai rappelé à M. Fabius la semaine dernière, lors du débat sur la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, à l’Assemblée nationale – a amené M. Rocard, alors ministre important de ce gouvernement, à démissionner de ses fonctions.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Enfin, je me permets de rappeler que le rapport Vedel, commandé en 1993 par le Président de la République François Mitterrand, et « assumé » par lui, préconisait le scrutin à un tour.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. On ne peut pas dire n’importe quoi : même pour le Gouvernement, il y a des limites à ne pas dépasser !
En premier lieu, le rapport Vedel proposait un mode de scrutin dans lequel les électeurs avaient deux voix, ce qui n’est pas du tout la même chose.
En deuxième lieu, il est faux de dire que le mode de scrutin que vous prévoyez est un scrutin « à l’allemande » : le scrutin uninominal à un tour avec une partie des sièges répartis à la proportionnelle conduira à faire une liste avec les voix des battus, de sorte que des gens qui n’auront jamais vu un électeur seront élus, ce qui n’est pas du tout le système allemand !
En troisième lieu, si vous nous présentez ce mode de scrutin comme étant celui de Weill-Raynal, proche d’un ministre socialiste de la IIIe République, je vous répondrai bien volontiers que ce n’est qu’un des deux cents modes de scrutin que ce dernier a inventés – deux cents au moins, car c’était un véritable spécialiste ! – et qu’il n’a été retenu par aucun des gouvernements socialistes qui se sont succédé depuis celui de Léon Blum.
Vos arguments ne tiennent donc pas, et ils sont inutilement polémiques après la présentation très sereine de notre amendement par Claude Bérit-Débat.
M. Alain Anziani. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le secrétaire d'État, et pour rétablir la vérité historique des faits, je tiens à préciser que, lorsque Michel Rocard a démissionné du Gouvernement, ce n’était pas du tout en raison du mode de scrutin retenu pour les élections régionales, mais en raison de l’instauration du scrutin proportionnel à l’Assemblée nationale.
M. Jean-Pierre Bel. Absolument !
M. Jean-Pierre Sueur. Ensuite, s’agissant du scrutin uninominal, qu’à l’évidence vous avez pour projet de retenir, puisque, chers collègues de la majorité, vous avez adopté l’amendement de M. About,…
M. Nicolas About. Encore ! Ce n’est pas possible !
M. Jean-Pierre Sueur. … revenons-y. M. About lui-même en conviendra, il ne serait pas logique que quelqu’un fût élu après n’avoir recueilli que 24% ou 25 % des suffrages.
Le scrutin à deux tours permet, au second tour, de rassembler une majorité.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et même des quadrangulaires ! J’ai vu un candidat se faire élire avec 26 % des voix…
M. Nicolas About. Moi, je m’en tiens aux principes !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous savons bien qu’il y a des triangulaires, voire des quadrangulaires, mais, au second tour, il y a toujours la possibilité d’un rassemblement.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous nous en tenons aux principes !
M. Jean-Pierre Sueur. Un système qui permettrait à des candidats minoritaires d’être élus serait tout de même une bien mauvaise solution, et un choix contraire à nos traditions démocratiques, chacun le sait. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Le Gouvernement affirme constamment que son objectif est la clarté et qu’il entend rendre notre vie démocratique plus lisible par les électeurs.
Pourtant, avec ce mode de scrutin, dont, avons-nous entendu tout à l’heure, vous allez préciser les modalités – il est grand temps ! –, c’est exactement le contraire qui va se produire, et je voudrais en apporter la rapide démonstration.
Ainsi, un électeur qui aura voté le dimanche matin pour un M. Dupont qui sera battu et dont les voix seront rattachées à une liste départementale verra le dimanche soir un M. Durand être élu. Eh bien, je crois que cet électeur ne comprendra pas qu’ayant voté pour M. Dupont ce soit un M. Durand qu’il ne connaît pas qui soit élu !
C’est, évidemment, un recul de la démocratie, et l’affaire se compliquera encore en cas de contentieux. (Murmures sur les travées de l’UMP.)
M. Nicolas About. Ce n’est pas le débat !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, ce n’est pas le moment d’en débattre !
M. Alain Anziani. C’est tout à fait le moment d’aborder ce sujet : puisque, nous avez-vous dit, vous allez nous donner des précisions sur la loi électorale à venir, je propose, monsieur le secrétaire d'État, que l’on examine d’ores et déjà les difficultés qui seront les vôtres à ce moment-là afin que les précisions que vous nous fournirez soient complètes et que nous n’ayons pas à attendre des mois pour obtenir celles qui nous feraient défaut…
Imaginons donc que les choses se compliquent. M. Dupont est battu, mais il fait un recours, ou un recours est formé par d’autres, et, finalement, à la suite de ce recours, M. Dupont se trouve élu. Que devient alors M. Durand, qui a été élu sur la liste départementale ?
C’est encore un mystère : au lieu de leur apporter de la clarté, c’est dans l’obscurité que vous allez plonger les électeurs de notre pays !
M. Alain Anziani. Sauf que l’on ne récupère pas les battus !
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. « La règle fondamentale du gouvernement représentatif est que les élus représentent la majorité du corps électoral et que, s’ils ne représentent que la minorité, l’existence du gouvernement représentatif, les droits des assemblées délibérantes ont perdu leur raison d’être. Je dis que se contenter d’élections de minorité, c’est faire une œuvre contraire au but même du gouvernement représentatif ; que les droits que nous apportons tous dans cette enceinte dérivent du mandat que nous a donné la majorité de nos concitoyens ; que les décisions des assemblées […] représentent l’opinion de la majorité du pays exprimée par des électeurs libres et non celle d’une fraction qui constituerait une minorité plus ou moins considérable. »
Guy Carcassonne citait ainsi, voilà peu, le « député Savary » pour illustrer sa thèse, à savoir qu’il existe en France un principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel tout scrutin majoritaire uninominal doit comporter deux tours.
Si je souhaite rappeler ce principe fondamental de notre démocratie, c’est parce que le gouvernement actuel, dans son projet de « renforcement de la démocratie locale », semble l’oublier.
En effet, tel qu’il nous a été présenté, le mode de scrutin qui permettra l’élection du conseiller territorial nous laisse plus que perplexes.
Je partage d’ailleurs tout à fait les craintes que vient d’exprimer mon collègue sur les risques juridiques qu’un tel système comporte. Qu’adviendra-t-il, en effet, en cas de recours, des conseillers territoriaux qui auront été élus à la proportionnelle ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 352 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 353 rectifié, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Bel et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy et Povinelli, Mme Alquier, MM. Andreoni, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet et Chastan, Mme Cartron, MM. Courteau, Daunis et Daudigny, Mme Durrieu, MM. Fichet et Jeannerot, Mme Ghali, MM. Guérini et Guillaume, Mmes Khiari et Klès, MM. Lagauche, Marc, Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Miquel, Mirassou, Patriat, Percheron, Rebsamen, Ries, Sergent, Signé, Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le cas d'un scrutin uninominal à un tour, nul ne peut être élu s'il n'a pas recueilli les suffrages d'au moins 25 % des inscrits.
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que le précédent, une chose étant désormais certaine : il y aura bien un avant et un après la loi relative à l’élection de ces conseillers territoriaux qui viendront remplacer les conseillers généraux et régionaux.
Les modes actuels de scrutin pour les élections tant régionales – scrutin proportionnel avec prime majoritaire – que cantonales – scrutin majoritaire à deux tours – assurent une représentativité et une stabilité des exécutifs : il n’y a pas d’ambiguïté. Ces modes de scrutin contribuent en outre à créer une relation forte entre l’élu et les électeurs.
C’est autour de ces deux axes, représentation de la diversité politique et stabilité des exécutifs, que s’est peu à peu bâti notre système démocratique local, en s’appuyant d’ailleurs sur le principe républicain selon lequel l’élu est dépositaire de l’intérêt général et que, pour l’être, il dispose de la légitimité du suffrage universel.
L’amendement n° 353 rectifié, dont je dirai qu’il a une vocation prophylactique dans la mesure où il vise à éviter le pire, tend à aligner les conditions d’élection pour tous les scrutins aux élections locales au regard du nombre d’électeurs inscrits.
Tout le monde en effet en a conscience, le mode de scrutin envisagé pour le conseiller territorial ne garantirait en rien le respect de la volonté générale d’un nombre minimal d’inscrits, fût-il très bas.
Pis, comme on vient de le dire à l’instant, certains seront élus sans avoir recueilli une seule voix sur leur nom, leur élection découlant de la prise en compte des candidats perdants au niveau de chacun des cantons concernés.
Comment pourrez-vous expliquer à l’électeur, monsieur le secrétaire d'État, que sa voix risque fort de contribuer à l’élection d’un candidat pour lequel il n’aura pas voté ou, pis, contre lequel il aura voté ?
Vos pensées comme vos arrière-pensées sont claires : vous souhaitez amoindrir le phénomène majoritaire dans des assemblées qui, jusqu’à présent, sont en grande majorité détenues par la gauche. C’est, du reste, la démonstration qu’en politique il n’y a pas de hasard !
Toutes ces interrogations nous conduisent à vouloir introduire un garde-fou en faisant en sorte qu’un conseiller territorial ne puisse être élu que s’il a recueilli les suffrages d’au moins 25 % des inscrits, afin d’éviter de diluer la légitimité des élus locaux.
Le Gouvernement sera certes contraint alors d’inventer un autre système, mais qui s’en plaindrait, mes chers collègues ? Vous êtes en effet nombreux, dans la majorité, à souhaiter que les discussions se poursuivent pour faire « bouger » le contenu du projet de loi n° 61 que nous examinerons bientôt.
Vous le savez comme nous, le système que propose le Gouvernement n’est pas valide et, faisant d’ailleurs déjà l’objet de nettes réticences du Conseil d’État, il risque fort de mal finir !
Nous vous engageons donc à être les plus nombreux possible à rejoindre le camp du bon sens en votant cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise exclusivement un élément du mode de scrutin applicable à la désignation des conseillers territoriaux.
Les modalités de cette désignation ne sont pas l’objet du présent projet de loi et leur définition doit être renvoyée à l’examen du projet de loi spécifiquement dédié à ce sujet.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. On continue, malgré les demandes répétées émanant tant de l’opposition que de la majorité, à naviguer dans le brouillard et tout laisse à penser qu’il en ira de même lors de l’examen des autres volets de la réforme !
M. Jean-Jacques Mirassou. Quel dommage que cet amendement ne soit pas adopté !
Mme la présidente. L’amendement n° 355 rectifié, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Bel et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy et Povinelli, Mme Alquier, MM. Andreoni, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet et Chastan, Mme Cartron, MM. Courteau, Daunis et Daudigny, Mme Durrieu, MM. Fichet et Jeannerot, Mme Ghali, MM. Guérini et Guillaume, Mmes Khiari et Klès, MM. Lagauche, Marc, Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Miquel, Mirassou, Patriat, Percheron, Rebsamen, Ries, Sergent, Signé et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au sein d'une même région, le nombre de représentants au conseil régional du département le moins peuplé rapporté à la population ne peut être supérieur à deux fois et demie celui du département le plus peuplé.
Les assemblées départementales comptent au moins vingt membres.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Cet amendement a le même objet.
Nous profitons de cette occasion pour interroger M. le secrétaire d’État sur le nombre et la répartition des conseillers territoriaux.
Sans revenir sur les arguments qui ont déjà été développés, je précise que nous souhaitons éviter que les conseils généraux ne puissent plus être gouvernés dans des conditions satisfaisantes en raison d’un effectif qui serait trop faible.
Beaucoup a été dit à propos des notions de plancher et de plafond. Il existe un risque évident de censure par le Conseil constitutionnel, fondée sur le non-respect du principe de l’égalité devant le suffrage.
Nous venons donc à votre secours, monsieur le secrétaire d’État, et au secours de la majorité, en vous proposant que le nombre de représentants au conseil régional du département le moins peuplé rapporté à la population ne puisse être supérieur à deux fois et demie celui du département le plus peuplé.
Il s’agit de limiter l’écart entre les populations des différents cantons tout en laissant une certaine marge de manœuvre et d’appréciation, sans toutefois qu’elle soit trop importante, ce qui nous ferait encourir la censure du Conseil constitutionnel.
Il existe également un autre risque.
J’ai bien entendu les propos qui ont été tenus sur la représentation respective des territoires et de la population. Étant attachés à la représentation du monde rural, en particulier, nous vous proposons de garantir la représentativité des départements en prévoyant un effectif minimal de vingt membres dans les assemblées départementales, ce qui va au-delà de la proposition de Jacques Blanc.
Pour autant, la représentation des territoires ne doit pas l’emporter sur la représentation politique de la population : il faut éviter que les départements les plus peuplés ne bénéficient d’une représentation excessive du seul fait de leur démographie.
Un équilibre doit être trouvé en la matière et je pense que cet amendement permet d’atteindre cet objectif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement relève, là encore, du droit électoral : il s’agit d’un cavalier, et il n’a pas sa place dans le présent texte. Nous pourrons, bien sûr, en débattre lors de l’examen du projet de loi électorale, spécifiquement dédié à ces questions, et notamment à celle du respect des exigences relatives à la représentation suffisante des territoires et de la population.
M. le secrétaire d’État en a donné l’assurance à M. Jacques Blanc, qui a accepté, compte tenu de ces explications, de retirer ses amendements.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Je rappelle qu’il nous faut attendre la validation par le Conseil constitutionnel de l’ordonnance relative à la délimitation des circonscriptions législatives, qui servira de base au redécoupage cantonal. Nous débattrons donc ultérieurement de cette question.
Si nous procédions autrement, vous nous reprocheriez de ne pas tenir compte du recours que vous avez introduit devant le Conseil constitutionnel. C’est le serpent qui se mord la queue ! Il est hors de question d’aborder ce sujet tant que le Conseil constitutionnel ne nous a pas donné quitus de cette ordonnance.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.
M. Jacques Blanc. Je suis favorable à ce plancher de vingt membres ; j’avais moi-même proposé de le fixer à quinze. Vingt, c’est encore mieux ! La discussion a été renvoyée à plus tard ; nous verrons bien ce qu’il adviendra.
Mais je suis très troublé par la première partie de cet amendement, car elle est complètement irréaliste ! Je vais prendre un exemple, celui de la Lozère, département de 75 000 habitants, dans la région Languedoc-Roussillon, dont par ailleurs, certains des départements comptent de 800 000 à 900 000 habitants, voire plus d’un million. Il serait dans ce cas très dangereux de prévoir, comme vous le faites dans cet amendement, que « le nombre de représentants au conseil régional du département le moins peuplé rapporté à la population ne peut être supérieur à deux fois et demie celui du département le plus peuplé » !
Nous avons dit tout à l’heure qu’il fallait tenir compte des territoires, et le Gouvernement nous a soutenus sur ce point. Or chacun sait que la densité de population diffère selon les territoires. Dans mon département, la Lozère, la densité de population est ainsi de douze habitants par kilomètre carré. Nier cette réalité en adoptant cet amendement conduirait à une catastrophe !
M. Jean-Claude Peyronnet. Si vous ne fixez pas de limite, la proportion pourrait être du simple au décuple !
M. Jacques Blanc. J’ai pris note des engagements qu’a pris le Gouvernement !
Je suis favorable, pour ma part, au minimum de vingt membres, mais nous en débattrons lors de l’examen du projet de loi électorale. M. le secrétaire d’État avait d’ailleurs évoqué, devant les élus des zones de montagne, l’idée d’un tel seuil. Pour ma part, j’ai réuni le groupe « Montagne » ; malgré nos divergences, nous sommes tombés d’accord sur un point : il faut assurer une représentation forte des territoires. Or un tel coefficient bloquerait cette représentativité !
Chers collègues, j’aurais volontiers voté la seconde partie de votre proposition, mais elle est en contradiction avec la première. En conséquence, je voterai contre l’amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Pour reprendre le mot d’un sénateur célèbre, les promesses n’engagent que ceux qui y croient.
M. Jacques Blanc. Ce n’est pas moi ! (Sourires.)
M. Pierre-Yves Collombat. Je crains que vous ne déchantiez, cher collègue.
M. Jacques Blanc. Si le Gouvernement ne tient pas ses promesses, je ne voterai pas son texte ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
M. Pierre-Yves Collombat. Mais vous ne le saurez pas le jour où vous devrez voter ! (Marques d’approbation sur les mêmes travées.)
Pour ceux d’entre nous qui ne sont pas des croyants, comme vous qui ajoutez foi à tout ce que l’on vous dit, le problème est très simple : il s’agit de trouver une solution viable et acceptable par le Conseil constitutionnel. Précisément, croyez-vous vraiment que le Conseil acceptera de tels écarts de représentativité – de 1 à 6 ! – d’un département à l’autre ? Cela me paraît bien improbable...
La seule façon de sortir de cet imbroglio est de fixer un nombre minimum de vingt membres pour la représentation des départements de montagne et des départements ruraux. Et même avec un minimum de vingt membres, si le système est retenu, cela fait seize cantons : ce n’est pas grand-chose ! Dans les Hautes-Alpes, par exemple, la gestion ne sera pas évidente. Ce seuil de vingt nous paraît donc raisonnable.
M. Jacques Blanc. On est d’accord !
M. Pierre-Yves Collombat. À L’Argentière-La Bessée, dans les Hautes-Alpes, j’ai entendu M. Marleix promettre que les conseils généraux compteraient vingt membres, même s’il est ensuite revenu au seuil de quinze.
Nous souhaitons que l’on fixe une règle. On nous dira que cette mesure relève du projet de loi électorale. Libre à vous, chers collègues qui croyez tout ce que disent le Gouvernement et le Président de la République, votre guide, libre à vous de leur faire confiance en tous points ! Nous aimerions, pour notre part, obtenir des précisions et des engagements.
Notre proposition me paraît tout à fait réaliste. S’il vous paraît impossible de la mettre en pratique, c’est que le couplage des modes d’élection du conseiller général et du conseiller régional ne tient pas la route d’un point de vue constitutionnel. Il faut donc trouver un autre système que celui qui est proposé : voilà un sujet de méditation extrêmement intéressant !
Pour l’instant, vous ne vous posez pas de questions et vous vous contentez de voter dans le sens indiqué par le Gouvernement. (M. Jean-Jacques Mirassou approuve.) On se croirait dans Le Livre de la jungle revu par Walt Disney, lorsque le serpent dit : « Aie confiance... ».
Mais nous ne sommes pas tous des adeptes de Walt Disney ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Cher Jacques Blanc, nous ne voulons aucun mal aux départements ruraux ! (M. Jacques Blanc manifeste son scepticisme.) Mon cher collègue, je suis élu d’un de ces départements !
Nous cherchons ici à prévenir le risque d’inconstitutionnalité. En effet, si nos propositions ne sont pas retenues, le Conseil constitutionnel censurera le texte pour non-respect du principe de l’égalité devant le suffrage, car votre système entraîne de trop grands écarts de représentation entre les départements ; et le Gouvernement ne pourra rien y faire. Il n’est pas suffisant de prévoir un nombre plancher de membres au sein des assemblées départementales ; il faut aussi prévoir un plafond.
Notre proposition vaut ce qu’elle vaut, mais elle est honnête et a pour seul objectif d’améliorer le dispositif. Vous ne pouvez pas la balayer d’un revers de la main : nous devons en parler sereinement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. L’argumentation de Jacques Blanc m’a amusée. Il n’existe pas de réponse simple au problème posé par la place accrue des départements au sein des conseils régionaux.
L’amendement proposé par Jean-Claude Peyronnet et les membres du groupe socialiste tend à garantir une représentation minimale des départements les moins peuplés. Il a le même objet que celui que je défendrai tout à l’heure et qui vise à interdire que plus de la moitié des membres du conseil régional viennent du même département, par hypothèse le plus peuplé.
J’y vois une raison de plus de remettre en cause le principe même de la création du conseiller territorial. Il sera en effet difficile d’assurer une représentation équitable des territoires au moment même où les missions des conseillers généraux et des conseillers régionaux seront en pratique confondues.
J’ai trouvé les arguments du rapporteur et du secrétaire d’État assez incohérents. Sur chaque amendement, M. le rapporteur nous rétorque, par une pirouette, que la question des modes de scrutin n’est pas à l’ordre du jour. Or nous n’avons pas oublié qu’il a réservé, jeudi dernier, dans cet hémicycle, un traitement bien plus favorable à l’amendement de M. About, qui concernait ce même sujet !
Les propos de M. le secrétaire d’État sont également incohérents. Il nous demande d’attendre la validation ou le rejet par le Conseil constitutionnel du charcutage des circonscriptions législatives avant d’entamer la discussion des modes d’élection du conseiller territorial. Or nos amendements ne concernent pas le découpage ou le regroupement des cantons ! Nous proposons simplement d’arrêter un certain nombre de principes, comme cela a été fait jeudi dernier, d’ailleurs à notre corps défendant, lors de l’examen de l’amendement de M. About.
Vous vous engagez, dites-vous, sur le mode de scrutin proportionnel et sur la parité. Pourquoi serait-il alors impossible de s’engager aussi, dès à présent, sur le principe d’une juste représentation des territoires, quelle que soit la densité de leur population ? Nous souhaitons entendre la position du Gouvernement sur cette question de l’équilibre de la représentation. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Je pense, comme Jacques Blanc, que quinze élus ne font pas un effectif suffisant pour gérer un département, surtout si ces élus doivent siéger à la fois au sein du conseil général et au sein du conseil régional. J’ai bien noté que la question serait réglée plus tard, mais je crois vraiment qu’elle mérite réflexion.
Il est nécessaire de fixer un seuil minimum. Le département et la région dont je suis l’élu comptent au total cinquante-trois élus ; ils ne sont donc pas vraiment concernés par cette mesure. Mais d’autres départements, sans la fixation de ce seuil, ne seront plus gérables ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Si l’amendement n’a pas été adopté, c’est de justesse !
Mme la présidente. L'amendement n° 356 rectifié, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Bel et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy et Povinelli, Mme Alquier, MM. Andreoni, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet et Chastan, Mme Cartron, MM. Courteau, Daunis et Daudigny, Mme Durrieu, MM. Fichet et Jeannerot, Mme Ghali, MM. Guérini et Guillaume, Mmes Khiari et Klès, MM. Lagauche, Marc, Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Miquel, Mirassou, Patriat, Percheron, Rebsamen, Ries, Sergent, Signé et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un même département, l'écart entre la population du canton le plus peuplé et celle du canton le moins peuplé ne peut excéder trente pour cent.
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le conseiller territorial est donc né ce jour, mercredi 27 janvier 2010, à dix-sept heures cinquante-cinq. Parce que nous ne sommes pas complètement idiots, nous avons bien compris que les modalités du scrutin pour son élection seront fixées ultérieurement.
Nous avons aussi noté, avec la même clairvoyance, qu’il était possible de déterminer des principes généraux relatifs à ce mode d’élection. Cet amendement n’a pas d’autre objet.
Les sénateurs socialistes, profondément attachés à la décentralisation – faut-il le rappeler ? –, estiment que la représentation locale doit tenir compte de la diversité de nos territoires. Elle doit aussi être adaptée aux dynamiques, différentes, de chaque niveau de collectivité. En créant aujourd’hui le conseiller territorial, sous prétexte de clarification, vous avez au contraire délibérément brouillé l’architecture institutionnelle des collectivités.
Je le répète une fois encore, n’en déplaise à certains, les Français sont profondément attachés au département. De nombreux collègues siégeant sur les différentes travées de cet hémicycle l’ont d’ailleurs rappelé. Nos concitoyens identifient parfaitement les missions du département. Après le maire, le conseiller général est l’élu de proximité par excellence, notamment en zone rurale, mais aussi en zone urbaine, où la situation n’est pas radicalement inverse, contrairement à ce que l’on nous décrit. La création du conseiller territorial va modifier cet état de fait.
Néanmoins, il importe que ce nouvel acteur soit élu le plus légitimement possible, selon des modalités qui seront fixées ultérieurement, dans un projet de loi que nous examinerons.
Or, nous le savons, l’application de la stricte règle de la proportionnalité, combinée à la réduction de moitié du nombre d’élus départementaux et régionaux, aura des effets paradoxaux dans les régions constituées de départements de taille très différente. Cela a été souligné à maintes reprises précédemment. Je le répète, car tel est bien le rôle de l’opposition sénatoriale, mes chers collègues, que de vous placer face à vos responsabilités et de vous rappeler les risques évidents, décrits voilà encore quelques instants.
Quels que soient les hypothèses et les critères retenus, le redécoupage des cantons sera extrêmement complexe. À cet égard, l’étude d’impact effectuée à la demande du Gouvernement n’est pas rassurante. De toute évidence, le problème vous embarrassait. Vous l’avez évacué en renvoyant son traitement à une ordonnance, qui ne sera connue que bien après nos présentes discussions. Le désormais fameux tableau n° 7 reste encore inconnu du public, et des parlementaires !
Comment le Gouvernement va-t-il concilier les trois impératifs qu’il s’est fixés, à savoir le découpage des cantons sur des bases démographiques, la réduction par deux du nombre d’élus, une représentation acceptable des départements les moins peuplés ? De toute évidence, le futur découpage ne pourra qu’entraîner une baisse du nombre d’élus beaucoup plus forte dans les départements peu peuplés, généralement plus vastes que les autres.
Le Gouvernement va, en réalité, affaiblir la légitimité des élus départementaux.
Avec l’amendement n° 356 rectifié, visant à instaurer un écart maximal de 30 % entre la population du canton le plus peuplé et celle du canton le moins peuplé, nous vous proposons de garder une certaine cohérence. Vous ne pourrez pas refuser, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, d’inscrire ce principe dans la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement porte sur un sujet de droit électoral, et il n’a donc pas sa place dans le présent texte. Il peut d’ailleurs être considéré comme un cavalier. Cette disposition devra être examinée lors de la discussion du projet de loi n° 61, spécifiquement dédié à ces questions.
M. Jean-Pierre Sueur. Et l’amendement de M. About ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ce texte visait des grands principes.
En tout état de cause, le respect des exigences relatives à la représentation suffisante des territoires et de la population – une assurance a été donnée tout à l’heure à notre collègue Jacques Blanc sur ce point – fait partie des éléments qui seront pris en compte dans la discussion du projet de loi n° 61.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je voudrais rappeler la situation.
Monsieur Peyronnet, selon la carte cantonale actuelle, l’écart maximal entre la population des différents cantons d’une même circonscription est de 1 à 45 ! Ce record est enregistré dans le Var, département cher à M. Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas le problème !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Sans aucun esprit polémique, je rappelle que cette carte électorale résulte d’une série de 134 découpages cantonaux effectués à l’époque où la gauche était au pouvoir, entre 1980 et 1985, puis entre 1988 et 1992. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Je ne vous adresse aucun reproche : j’énonce un fait ! Et je peux vous fournir la liste de ces redécoupages !
La majorité, quant à elle, n’a procédé qu’à une dizaine de redécoupages, et l’un d’eux concernait un département complet.
Le Gouvernement devra bien entendu effectuer un nouveau découpage, afin de réduire les disparités choquantes existant au sein d’un même département, en tenant compte de la population et des territoires, comme il l’a fait lors du découpage des circonscriptions législatives, diminuant ainsi fortement l’écart, puisque de 1 à 7, à l’époque, il n’est plus que de 1 à 2,1.
Mais, je l’admets volontiers, les disparités actuelles à l’intérieur d’un même département sont choquantes.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.
M. Gérard Bailly. La proposition formulée par nos collègues socialistes me surprend. Depuis hier, chers collègues, vous n’avez eu de cesse d’évoquer la représentation des territoires, à laquelle vous êtes très attachés, tout comme nous.
Or, si l’amendement que vous nous proposez était adopté, donc avec un écart maximal de 30 % entre la population du canton le moins peuplé et celle du canton le plus peuplé, c’en serait fini de nos territoires ruraux !
Certes, aujourd’hui, comme vient de le rappeler M. le secrétaire d’État, certains écarts ne sont pas acceptables. Sans même prendre en considération les extrêmes, ces écarts peuvent aller de 1 à 15, ce qui n’est pas acceptable. Il faut donc aller encore beaucoup plus loin si l’on ne veut pas porter préjudice à l’ensemble des territoires ruraux.
Pour ma part, je souhaite que le nombre d’élus soit augmenté considérablement. Tout à l’heure, je voulais intervenir lorsque nous avons examiné la question du nombre minimal de conseillers territoriaux, fixé à quinze. Or il est impossible de gérer un département à quinze, pas plus qu’à vingt ou à vingt-cinq, en raison de toutes les compétences désormais dévolues au département.
J’ai voté pour la création du conseiller territorial, mais ma position est la même que celle notre collègue Pierre Jarlier : demain, comment pourra-t-il gérer les collectivités concernées ? Un nombre minimal d’élus est nécessaire. Et je souhaite également que ces élus aient, en quelque sorte, les mains dans le cambouis, autrement dit qu’ils soient présents dans l’entreprise, dans l’atelier, dans la ferme, bref, qu’ils soient des actifs.
Pendant de nombreuses années, j’ai exercé concomitamment les fonctions de conseiller régional et de conseiller général. Cette expérience m’a appris qu’un élu ayant une telle casquette – ce sera bien le cas du conseiller territorial –, assume fort bien sa fonction.
Cependant, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, lorsque nous serons amenés ultérieurement à statuer sur le nombre de ces élus, lors du vote, vous ne recueillerez sans doute pas les 181 voix « pour » de tout à l’heure ! En effet, certains d’entre nous considèrent qu’au sein d’un département qui compte, en moyenne, entre 500 et 700 communes, les conseillers territoriaux doivent être en nombre suffisant afin de représenter toutes les parcelles de la circonscription, même les plus éloignées. Or un élu ne pourra pas gérer correctement soixante ou soixante-dix communes ; il ne pourra pas être présent au chef-lieu de département, au chef-lieu de région, dans toutes ces communes et, dans le même temps, avoir les mains dans le cambouis, pour reprendre mon image.
De grâce, chers collègues du groupe socialiste, retirez vite votre amendement n° 356 rectifié !
M. Jean-Claude Peyronnet. Il est protecteur !
M. Gérard Bailly. S’il était adopté, en pratique, dans des départements comme celui du Doubs ou de la Côte-d’Or, notamment, voisins de ma circonscription, la moitié des élus représenteraient la ville principale. Pauvres territoires ruraux ! Par qui seraient-ils représentés ?
Le présent amendement est en totale contradiction avec les principes que nous défendons. Je souhaitais également profiter de cette intervention pour bien faire passer le message au Gouvernement : que les élus, notamment des territoires ruraux, soient en nombre suffisant, et qu’ils soient encore en activité ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. M. Daudigny, que je peux comprendre, a rappelé un certain nombre de faits marquants relatifs au découpage des cantons. Un grand nombre d’entre nous se sont également exprimés avec beaucoup de conviction sur ce point.
La création des cantons date de 1790. Depuis, ils ont connu une certaine évolution, dont nous devons prendre conscience. On relève d’importants écarts dans certains de nos départements : il existe ainsi de très petits cantons, urbains ou non, et les disparités peuvent être fortes.
Tout à l’heure, le département de l’Hérault a été pris en exemple ; dans certains de ses cantons, on dénombre 1 000 habitants, tandis que, dans d’autres, on en recense 45 000. Sans vouloir donner un tour trop personnel à mon intervention, je peux constater que, dans le département des Ardennes, le plus petit canton, que je représente, compte 1 232 habitants, alors que d’autres cantons comprennent près de 20 000 habitants. Dans le bourg-centre, la gendarmerie et le bureau de poste ont disparu depuis trente ans, sans parler d’un certain nombre d’autres services.
La création des conseillers territoriaux peut représenter une avancée significative pour les territoires. Faisons confiance à M. le rapporteur. Un autre texte sera soumis à notre examen.
Nous sommes tous tournés vers les intercommunalités, qui participent à la vie de nos territoires, et soucieux de voir s’y développer les services que les populations attendent, en particulier en secteur rural. Nous devons avoir confiance dans les évolutions. Je m’associe ici aux propos de M. Bailly.
Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas l’amendement n° 356 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Manifestement, nous ne nous comprenons pas très bien, chers collègues !
M. le secrétaire d’État nous a indiqué que, dans certains départements, l’écart entre la population des différents cantons peut aller de 1 à 45. Pour notre part, nous proposons de retenir un écart de 30 %, afin de faciliter le découpage. Et on nous reproche d’être scandaleusement inégalitaires à l’égard des territoires ? C’est à n’y rien comprendre ! Au contraire, cette mesure les protégera.
M. Rémy Pointereau. Non !
M. Dominique de Legge. Mais non !
M. Jean-Claude Peyronnet. C’est pourtant l’évidence ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Vous ferez bien comme vous voudrez. Néanmoins, je ne suis pas sûr que vous ayez tout compris. (Protestations sur les mêmes travées.)
Vous vous déclarez défavorables à la professionnalisation, mais vous voulez aussi que les élus conservent une activité. Dans ces conditions, il ne fallait pas voter la création du conseiller territorial ! En effet, cet élu travaillera à plein temps, au département comme à la région. Il sera forcément un professionnel. Vous semblez donc avoir voté en méconnaissance de cause.
Monsieur le secrétaire d’État, je sais qu’il existe des écarts de 1 à 45. Vous m’avez indiqué que la gauche avait fait je ne sais combien de découpages. Pour ma part, j’en ai réalisé trois dans mon département.
Une règle très simple avait été proposée par Gaston Defferre : procéder au découpage des cantons dont la population est supérieure au double de la moyenne de la population des cantons du département. Si cette règle était appliquée régulièrement, à chaque élection, les écarts ne seraient pas énormes. Dans ma circonscription, l’écart maximal est de 1 à 3.
Sur la forme, j’accepte difficilement le renvoi, une fois de plus, à un texte ultérieur, alors que le présent amendement tend à fixer un principe. Il serait souhaitable de poursuivre la discussion à ce niveau.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.
M. Jacques Blanc. Je le dis sans agressivité, chers collègues socialistes, j’ai l’impression que nous ne vivons pas dans le même monde. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Dans un département rural peu peuplé, en particulier en montagne, vous ne pouvez pas prendre comme référence le nombre d’habitants. Vous devrez prendre en considération une unité géographique de vie – une vallée, par exemple.
M. Jean-Claude Peyronnet. Nous sommes d’accord !
M. Jacques Blanc. La limitation des écarts de population me paraît donc correspondre à une vision absolument fausse.
M. Gérard Bailly. Eh oui !
M. Jacques Blanc. Si vous voulez les limiter à 30 %, la plupart des conseillers territoriaux représenteront les villes. On va pleurer, dans nos campagnes ! (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
Je ne veux pas faire un numéro, mais il faut bien que vous compreniez que, dans un département rural comme le mien, si vous prenez quinze ou vingt territoires en appliquant la règle des 30 %, il ne va rien rester. Dans les Cévennes, chaque vallée, qu’il s’agisse de la vallée Longue ou de la vallée Française, forme un territoire. Je vous invite à venir voir sur place pour vous en convaincre.
M. Jean-Jacques Mirassou. Cela veut dire que la loi n’est pas bonne !
M. Jacques Blanc. L’écart maximal de 30 % que vous proposez ne permettra nullement de prendre en compte la réalité territoriale.
Je voudrais vraiment faire passer le message suivant : cessons d’être sous la tutelle de la démographie et regardons la réalité des territoires ! Dès lors, on pourra redécouper les cantons avec une vision objective. Bien sûr, il faudra faire attention à ce qu’il n’y ait pas de différences énormes, mais il y en aura ; et je peux vous dire que, si on les limite à 30 %, ce sera une catastrophe. Réalisez des simulations et vous verrez qu’il ne restera plus que des territoires urbains.
À cela, nous disons non ! (Applaudissements sur quelques travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Trop tard : il ne fallait pas voter l’article 1er !
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Voilà un de ces débats rituels qu’affectionne le Sénat, sans qu’aucune solution concrète ne découle de ces grandes envolées entendues au fil des ans.
Que n’avez-vous voté, chers collègues sénateurs, le mode de scrutin que je vous ai proposé par voie d’amendement ? Il s’agit d’adopter, pour le département, le mode de scrutin en vigueur pour les élections régionales et municipales, à savoir un scrutin de liste permettant une juste représentation des hommes et des femmes, chaque conseiller général étant non pas seulement le représentant de son canton mais également le garant de l’intérêt général et de la cohérence du territoire départemental.
J’ai écouté avec l’attention qu’elle mérite votre intervention passionnée, monsieur Bailly. Cependant, nous sommes l’un et l’autre élus du même département, le Jura, et je ne me souviens pas vous avoir entendu déplorer les inégalités de représentation à l’époque où, conseillère générale, je représentais une population près de dix fois supérieure à celle du canton le moins peuplé, qui était évidemment représenté par un conseiller de votre majorité…
Votre attachement au canton tel qu’il est actuellement ne vous a pas empêché de perdre des bureaux de poste, des gendarmeries, des collèges, et j’en passe. Il est stupide et déraisonnable d’opposer les cantons des villes aux cantons des champs. En réalité, dans nos quartiers, qui sont pour la plupart plus peuplés que vos cantons, nous avons tout comme vous perdu nos bureaux de poste, nos gendarmeries, nos collèges…
Cessons donc de nous opposer et essayons de rechercher la cohérence des territoires (Exclamations sur les travées de l’UMP) et la mutualisation des moyens avec un mode de scrutin qui évite que l’on soit pris en otage par des préoccupations qui ne peuvent être réglées qu’au niveau du département ou de la région, dans le cadre de politiques négociées avec l’État et les établissements publics, et pas au niveau du canton.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Bel. Je voudrais réagir aux propos que vient de tenir notre collègue Jacques Blanc. Cher collègue, cessez donc de nous prendre pour ce que nous ne sommes pas ! La description que vous faites de ce que nous sommes censés représenter ici me heurte profondément.
J’ai été maire d’une petite commune, Quérigut, chef-lieu d’un canton de l’Ariège qui compte 500 habitants. J’ai ensuite été élu conseiller général de l’Ariège, dans le canton de Lavelanet, qui compte 15 000 habitants.
Ce qui est scandaleux, monsieur Jacques Blanc, ce n’est pas tant cette manière de mégoter sur les pourcentages que l’avenir que vous nous promettez ! Le très éventuel conseiller territorial issu de Quérigut, petit canton situé à plus de 1 000 mètres d’altitude, une enclave de l’Ariège entre les Pyrénées-Orientales et l’Aude, devra, pour aller siéger à Toulouse, passer par Carcassonne, soit à peu près trois heures de route !
Oui, il est scandaleux de faire ainsi disparaître l’élu de proximité qu’était le conseiller général pour anticiper la fusion à venir des départements et de la région, sur laquelle plus personne ne se fait guère d’illusions après les propos qui ont été tenus par les plus hautes autorités de ce pays.
Par votre raisonnement, vous cherchez à nous culpabiliser, à nous stigmatiser en vous faisant les seuls défenseurs de je ne sais quoi, et surtout pas de nos territoires. J’ai vécu personnellement les situations dont vous rendez compte ici et je sais, tout comme vous, de quoi il s’agit !
Demain, avec ce projet de loi, c’en sera fini des territoires, et vous serez les premiers responsables de la situation !
Vous avez mis le feu et vous appelez maintenant les pompiers ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Nos discussions font apparaître une confusion. Il faut bien distinguer deux problèmes. Le premier, le plus important, est le suivant : combien y aura-t-il de conseillers territoriaux par département, notamment dans les départements ruraux et de montagne. Là, c’est la quadrature du cercle ! Je doute que M. Marleix dispose de simulations, en raison du problème technique qui se pose dans les régions composées de départements démographiquement très hétérogènes, ce qui n’est pas le cas partout, je le reconnais. Le Nord Pas-de-Calais, par exemple, ne posera pas de problème particulier.
La bataille que doivent mener ceux qui cherchent à défendre la représentation des territoires ruraux doit vraiment porter sur le nombre de conseillers territoriaux. Ce nombre doit être suffisant, et ce n’est pas avec quinze conseillers, a fortiori avec une représentation proportionnelle, que nous arriverons à nous en sortir.
Le second problème, et c’est l’objet de l’amendement, a trait à l’homogénéité de la représentation au sein de chaque département. Au-delà de l’écart maximal de 30 % que nous proposons, il s’agit d’assurer un plus grand équilibre, une plus grande homogénéité, dans la représentation.
Nous comprenons bien le problème des départements ruraux, même s’ils comportent des zones plus peuplées. Je pense aux alentours de Gap, par exemple, dans le département des Hautes-Alpes, pour lequel je me suis amusé à faire quelques découpages.
Même si nous sommes heureux, en tant qu’élus du monde rural, d’être surreprésentés, un écart de 1 à 43 paraît tout de même exagéré. Nous devons donc essayer d’harmoniser quelque peu les écarts de représentation, même si la question fondamentale reste celle du nombre de conseillers territoriaux.
Vous avez accepté le principe du conseiller territorial, qui pose énormément de problèmes, et il n’est pas scandaleux que nous essayions de border un peu le dispositif. Ce qui est scandaleux, en revanche, c’est que l’on ne puisse pas inscrire ne serait-ce que des promesses, des promesses sans doute bien illusoires, dans le projet de loi !
Ce que je crains, c’est que le Gouvernement ne nous mitonne pour ces départements un dispositif inconstitutionnel qui sera retoqué ultérieurement par le Conseil constitutionnel. Que ferons-nous, après ?
M. Jacques Blanc. On se mettra d’accord pour modifier la Constitution ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Pierre-Yves Collombat. Le Gouvernement aura beau jeu alors de nous dire qu’il est obligé, à son corps défendant, bien sûr, de tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel et de nous accorder non pas vingt mais cinq ou six représentants !
Autrement dit, ce n’est pas moi, Gouvernement, c’est le Conseil constitutionnel !
M. Jacques Blanc. Nous modifierons la Constitution !
M. Pierre-Yves Collombat. Nous ne ferons rien du tout ! Nous nous serons tout simplement fait avoir…
M. Jacques Blanc. Banco, mon cher collègue, je fais le pari du contraire !
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Nous avançons, ce soir, dans la connaissance de la langue française. Je pensais qu’il y avait les modalités et les principes ; nous comprenons maintenant qu’il y a aussi les petits et les grands principes, et que l’accès aux grands principes est de toute évidence réservé à certains groupes qui jouissent d’éclairages supérieurs…
Cela étant dit, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je veux réaffirmer ici qu’il n’y a jamais eu de blocages de la part d’organisations ou d’élus sur un redécoupage éventuel des cantons pour l’élection des conseillers généraux.
Nous sommes autant que nos collègues Gérard Bailly et Jacques Blanc porteurs de la ruralité, autant et même plus, car il y avait un moyen de protéger cette ruralité et de ne pas réduire la proximité : il suffisait de ne pas voter la création du conseiller territorial ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) En instaurant le conseiller territorial, vous avez éloigné le futur élu territorial des maires, des conseillers municipaux, des habitants. (Non ! sur les travées de l’UMP.) C’est le résultat arithmétique évident de votre vote !
Ne vous plaignez pas, à présent, d’une perte de proximité. Vous avez voté l’article 1er, vous devez maintenant en subir les conséquences !
Mme Dominique Voynet. Voilà !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne serais pas intervenu si notre collègue Jacques Blanc ne nous avait pas appelés à nous affranchir de « la tutelle de la démographie ».
Je voulais vous rappeler, mon cher collègue, que la devise de la République française est « Liberté, Égalité, Fraternité ». L’égalité entre les citoyens est une chose importante. Il peut certes y avoir des écarts liés à la réalité des territoires, mais ils doivent rester mesurés pour qu’il ne soit pas porté atteinte au principe de l’égalité devant le suffrage.
M. Jacques Blanc ne cesse de nous parler des territoires. Fort bien ! Mais je pense aussi aux territoires de Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, où vit une population en grande difficulté, avec peu de moyens, malheureusement de faibles dotations de l’État, peu de ressources économiques et une municipalité qui lance de véritables cris d’alarme.
Les quartiers en difficulté et en déshérence sont, eux aussi, des territoires, au même titre que les territoires ruraux en difficulté et en déshérence, chers collègues.
L’égalité entre les Français est un principe qui fonde la République. Nous ne pouvons pas dire que nous vivons « sous la tutelle » du principe de l’égalité, qui est absolument fondamental.
Cessons donc ces discussions sur les villes et les campagnes ! Nous représentons toute la population dans sa diversité. D’ailleurs, j’ai le sentiment que l’essentiel n’est pas tant le territoire que son projet. C’est en allant de l’avant en matière de développement, de création d’emplois, d’université ou de sciences qu’une collectivité – qu’il s’agisse d’une intercommunalité, d’un département ou d’une région – peut dynamiser son territoire.
Mais, si l’on persiste à penser qu’il faut représenter les territoires sans se préoccuper de la « tutelle » démographique, cela conduit à méconnaître le droit des habitants à être considérés comme des citoyens. Une voix vaut une voix, un citoyen vaut un citoyen : c’est un principe fondamental de la République, et rien ne saurait nous y faire renoncer.
(M. Jean-Léonce Dupont remplace Mme Monique Papon au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Vous ne serez pas surpris, mes chers collègues, d’apprendre que je souscris sans réserve à la déclaration de notre collègue Jean-Pierre Sueur.
Au lieu de nous intéresser au conseiller territorial, nous nous perdons en discussions d’apothicaire sur les dégâts collatéraux que sa création va entraîner. Or il est stupéfiant de constater qu’une heure après avoir été voté avec l’article 1er, qui l’introduit dans notre législation, le principe du conseiller territorial semble déjà trouver ses limites.
Je fais partie de ceux qui, comme les orateurs précédents, s’élèvent contre cette tentative de déviation des principes républicains qui consisterait à inventer, pour les besoins de la cause, des citoyens à géométrie variable.
Dominique Voynet a eu raison de souligner que les problèmes des milieux ruraux, « rurbains » et urbains ne sont pas rigoureusement les mêmes. J’ai cependant la fierté d’être élu d’un département, la Haute-Garonne, qui a permis, par l’organisation actuelle des pouvoirs locaux, d’assurer l’équilibre entre les territoires, mais aussi la solidarité, en aidant à la fois les populations et les communes les plus défavorisées.
Hélas, cet équilibre et cette solidarité sont voués à être sabordés par la réforme envisagée, car il s’agit bien de cela ici. Permettez-moi donc, chers collègues, de vous donner un conseil : ressaisissez-vous à la deuxième lecture ! Et, surtout, ne considérez pas comme argent comptant ce que l’on vous dit sur le banc des ministres !
Le Gouvernement a beau jeu de nous expliquer que les simulations, qui nous permettraient d’étayer notre discussion et de débattre sur une base concrète, ne peuvent pas être réalisées parce qu’il est tributaire du redécoupage des circonscriptions. De la blague ! Et pourtant, bien que la plupart d’entre nous exercent aussi un mandat local, le Sénat est tombé, il y a une heure, dans le piège qui lui était tendu.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout cela est fort intéressant.
J’admets volontiers que les situations sont extrêmement différentes selon les régions. Nous pouvons aussi convenir que, dans le cas où les départements d’une région sont d’une population comparable, le système devrait bien fonctionner
En revanche, je ne partage pas l’avis de ceux qui estiment que les élus cantonaux ne représentent pas l’intérêt général au motif que seul le scrutin proportionnel permettrait cette représentation. C’est le point de vue de Mme Voynet, tel que je l’ai entendu dans cet hémicycle. (Mme Dominique Voynet s’exclame.) Vous l’avez dit, chère collègue, et je le déplore, car il me semble au contraire que tous les conseillers généraux de France représentent l’intérêt général dans leur département, quoi que vous en pensiez.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr, les conseillers régionaux représentent aussi l’intérêt général, d’autant plus qu’ils n’ont même pas à rendre compte à leurs électeurs, qui ne les connaissent pas, du moins dans nos départements urbains. En règle générale, ils ne sont connus de leurs électeurs que s’ils exercent un autre mandat, de maire, de conseiller général ou de parlementaire.
M. Pierre-Yves Collombat. Ceux-là, on ne les connaît pas non plus !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En ce qui concerne les élus cantonaux, je conviens qu’une réduction draconienne de leur nombre rendrait impossible la gestion des affaires locales. Pour autant, un département qui compte 1,3 million d’habitants, ce qui n’est déjà pas mal, même si l’on peut trouver plus important, et qui est doté de quarante-deux conseillers généraux est-il forcément moins bien administré qu’un département de 150 000 habitants avec soixante conseillers généraux ? Allons, chers collègues ! Pour ma part, je me refuse à raisonner de cette manière.
En la matière, et tant que nous n’aurons pas révisé la carte cantonale, une règle ancienne consiste à scinder un canton pour en créer un autre lorsque sa population dépasse le double de la moyenne départementale. Cette règle, qui tient compte à la fois de la population et des territoires, a été appliquée dans un certain nombre de départements.
Il est inévitable qu’il y ait des disparités démographiques entre les cantons. Même si je suis favorable à un encadrement de ces disparités, je crois que nous devons attendre le résultat de toutes les simulations pour fixer les seuils. Le Gouvernement s’est engagé à réaliser ces simulations d’ici à la deuxième lecture ; quant à la commission des lois, je vous le garantis, elle ne se prononcera sur le projet de loi électorale que si elle dispose de tous les éléments pour ce faire.
M. Pierre-Yves Collombat. Croix de bois, croix de fer ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je m’y engage, Monsieur Collombat !
M. Pierre-Yves Collombat. Chiche ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je vous en prie, monsieur Collombat, restons sérieux !
M. Pierre-Yves Collombat. J’ai noté !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et d’ailleurs, cher collègue, si nous n’avions pas les éléments requis, il faudrait de toute façon dégager une majorité dans cette assemblée.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est facile !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vous qui le dites ! Mais cette majorité, je la souhaite bien plus large que celle que nous avons réunie sur le conseiller territorial.
Je crois avoir une certaine expérience des affaires locales. Je suis conseiller général depuis très longtemps, et j’ai aussi été conseiller régional. À ce titre, je peux vous assurer que la bonne gestion n’est pas uniquement fonction du nombre d’élus, mais qu’elle dépend aussi de la répartition des compétences entre les diverses collectivités. C’est pourquoi j’estime qu’il est nécessaire de mieux définir les responsabilités des unes et des autres, afin d’éviter ces concurrences permanentes que l’on a connues.
La loi de 2003 tentait de clarifier ces compétences. Elle est hélas ! restée inaboutie, notamment parce que certains élus avaient insisté pour conserver des compétences partagées, comme en matière d’infrastructures portuaires. Cette réforme, nous devons à tout prix la poursuivre afin d’assurer l’avenir de notre architecture administrative locale.
J’ai écouté avec un certain amusement les arguments développés contre le cumul des mandats. À en croire certains, les conseillers territoriaux deviendront de fait des professionnels de la politique et seront des élus à plein temps. Mais en lisant le Bulletin quotidien d’aujourd’hui, j’ai découvert que le maire adjoint d’une très grande ville – la Capitale, pour tout dire -, par ailleurs vice-président du conseil régional, vient d’accepter des responsabilités importantes comme consultant dans une société financière. Me direz-vous que cette personne est incapable d’assumer ses différents mandats ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
En définitive, c’est aux électeurs de juger si leurs représentants font bien leur travail ou non. J’ai été favorable à la limitation du cumul des mandats actuellement en vigueur, mais je crois qu’il serait néfaste d’aller au-delà. Il est dans la nature des choses que certains élus en fassent plus que d’autres et s’organisent en conséquence : l’essentiel est que les électeurs soient satisfaits.
Monsieur le secrétaire d’État, vous nous l’avez dit et répété : le but de la réforme n’est pas de supprimer la moitié des élus. (Protestations sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.) Je crois en effet que ce serait une erreur de ne la considérer que sous cet angle-là.
Ce que nous devons faire, c’est assouplir l’architecture administrative et, surtout, lutter contre la prolifération des doublons et des doubles emplois.
Il faut conserver suffisamment d’élus pour que les territoires et les populations soient bien représentés, mais leur nombre exact importe peu. Quatre mille élus, après tout, pourquoi pas ? Ce qui coûte cher aux collectivités, ce ne sont pas les élus, ce sont les doublons, les concurrences, les doubles emplois : voilà ce contre quoi nous devons lutter ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Ces objectifs sont à notre portée. Nous aiderons le Gouvernement à les atteindre, s’il n’y parvient pas tout seul ; et, si nous y arrivons, alors nous aurons fait une bonne réforme.
M. Marc Massion. Il y a encore du pain sur la planche !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous reprendrons ce débat au fond à l’occasion de l’examen du texte suivant et, comme le Gouvernement s’y est engagé tout à l’heure, nous ne commencerons pas une deuxième lecture avant d’avoir épuisé le sujet, ici, au Sénat. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 501 rectifié bis, présenté par MM. Collin et Mézard, est ainsi libellé :
I. - Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 46-1 du code électoral est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Nul ne peut cumuler les mandats électoraux énumérés ci-après : conseiller territorial, conseiller à l'assemblée de Corse, conseiller de Paris, conseiller municipal. »
2° Dans la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « d'un des mandats » sont remplacés par les mots : « du mandat ».
II. En conséquence, faire précéder cet article d'une division intitulée :
Chapitre 1er bis
Incompatibilités
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne sommes pas, en ce qui nous concerne, partisans d’un rejet systématique du cumul des mandats pour faire plaisir à l’opinion publique. Cependant, nous sommes tout à fait décidés à mettre le Gouvernement face à ses contradictions.
Par cet amendement, nous voulons nous « caler » sur le code électoral actuel, et plus précisément son article L.46-1 modifié par la loi du 27 février 2002. Cet article prévoit qu’un élu ne peut cumuler plus de deux mandats parmi les suivants : conseiller régional, conseiller à l’Assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller municipal.
Nonobstant le cumul pouvant aussi exister avec un mandat de parlementaire, dont une éventuelle limitation relèverait, le cas échéant, de la loi organique, il est évident aujourd’hui que la double casquette que le présent texte attribue au conseiller territorial, à la fois conseiller général et conseiller régional, implique, comme nous l’avons tous relevé, une charge de travail très importante ainsi que des déplacements considérables, dès lors que l’élu entend accomplir son mandat avec la célérité et le sérieux que ses électeurs sont en droit d’attendre de lui.
Or le Gouvernement défend la logique selon laquelle le conseiller territorial sera un élu plus « efficace » à partir du moment où sa double appartenance lui donnera à la fois une vision du local et une vision stratégique.
Nous entendons donc prendre au mot le Gouvernement en offrant au futur conseiller territorial la garantie qu’il sera à même d’exercer dans les meilleures conditions son mandat, en le soustrayant à tout autre mandat local.
Vous nous dites par ailleurs que le mandat de conseiller territorial est un mandat unique. On voit bien pourquoi ! Il s’agit là d’un artifice, monsieur le ministre (M. le ministre s’exclame.) Oui, monsieur le ministre, un artifice ! Alors, ne nous répondez pas que notre amendement est un cavalier, parce que, s’il en est ainsi, l’article 1er du projet de loi est un véritable escadron à lui tout seul ! (Sourires.)
Monsieur le ministre, nous tentons très simplement d’être cohérents et d’entrer dans votre logique !
M. le président. L'amendement n° 617 rectifié ter, présenté par M. Maurey, Mmes Morin-Desailly et Dini, M. Dubois et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la fin du premier alinéa de l'article L. 46-1 du code électoral, les mots : « conseiller municipal » sont remplacés par les mots : « maire, adjoint au maire, conseiller municipal bénéficiant d'une délégation, ou président, vice-président, délégué communautaire bénéficiant d'une délégation, d'un établissement public de coopération intercommunale de plus de 20 000 habitants ».
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Avec cet amendement, nous allons aborder un point très important dont, à notre grande surprise, il n’est pas du tout question dans le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, à savoir le cumul des mandats. Or je vois mal comment on peut vouloir rendre les élus plus efficaces et moderniser la vie politique sans aborder cette question.
À cet égard, la loi qui régit actuellement le cumul des mandats est assez curieuse. Les fonctions de président d’un établissement public de coopération intercommunale n’entrent pas en compte dans le calcul du cumul des mandats, contrairement à la simple fonction de conseiller municipal.
Cet amendement vise donc à remédier à cette situation en intégrant dans le calcul les fonctions de président et de vice-président d’un EPCI, à partir de 20 000 habitants, et à exclure de ce même calcul les fonctions de conseiller municipal dès lors qu’elles ne sont pas assorties d’une délégation.
Une telle disposition sera encore plus nécessaire demain, l’un des objets de la réforme étant de donner une plus grande importance à l’intercommunalité.
Cet amendement, frappé au coin du bon sens, me paraît tout à fait nécessaire, dans la logique de la réforme qui nous est proposée.
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 502 rectifié bis, présenté par MM. Collin, Alfonsi, Charasse, Mézard et Milhau, est ainsi libellé :
I. - Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 46-2 du code électoral, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Le détenteur d'un des mandats énumérés au premier alinéa de l'article L. 46-1 ne peut cumuler plus de deux fonctions exécutives parmi les fonctions ci-après énumérées : membre du conseil d'administration d'un établissement public local, à l'exception du centre communal ou intercommunal d'action sociale, du centre national de la fonction publique territoriale, d'un centre départemental ou interdépartemental de gestion de la fonction publique territoriale, du conseil d'administration ou du conseil de surveillance d'une société d'économie mixte locale. »
II. En conséquence, faire précéder cet article d'une division intitulée :
Chapitre 1er bis
Incompatibilités
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Je vais à mon tour évoquer la question du cumul des mandats.
Nombre d’élus locaux occupant des fonctions exécutives cumulent celles-ci avec une fonction également exécutive, même si elle n’est pas élective, laquelle découle d’ailleurs souvent de leur mandat local. Il est ainsi courant qu’un maire, qui peut par ailleurs être conseiller régional ou parlementaire, voire ministre, soit dans le même temps président du syndicat de traitement des déchets, de l’office public d’aménagement et de construction municipal, d’une société d’économie mixte ou du syndicat de traitement des eaux. Je pourrais citer de nombreux autres exemples.
Certes, le code général des collectivités territoriales prévoit déjà une limitation du cumul des indemnités résultant du cumul de ces fonctions, avec un écrêtement pouvant être redistribué selon des modalités fixées par l’assemblée délibérante.
Il n’en demeure pas moins vrai que la question réelle est celle du cumul de fonctions exécutives non électives en termes de disponibilité et d’implication de l’élu. Toute fonction exécutive exige nécessairement de son titulaire qu’il puisse l’exercer pleinement, d’un point de vue qualitatif, bien sûr, mais également en termes de temps passé à gérer des services souvent essentiels à la vie quotidienne des administrés.
La question du cumul du mandat de parlementaire avec un autre mandat doit aujourd’hui être analysée en profondeur si l’on veut réellement donner au Parlement les moyens d’être un contrepoids au pouvoir exécutif. Je sais qu’il nous faudrait pour cela passer par la loi organique. Nous ne manquerons pas de le proposer le moment venu, soyez-en assurés.
Pour l’heure, cet amendement vise à limiter le cumul des fonctions exécutives non électives, à l’exception de la présidence du centre communal d’action sociale, qui est de droit pour le maire, afin de permettre à leurs titulaires de disposer matériellement du temps nécessaire à l’accomplissement de leur mission.
M. le président. L'amendement n° 503 rectifié bis, présenté par MM. Collin, Alfonsi, Mézard et Milhau, est ainsi libellé :
I. - Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé:
Le deuxième alinéa de l'article L. 2122-4 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elles sont également incompatibles, dans les communes de 30 000 habitants et plus, avec le mandat de conseiller territorial. »
II. En conséquence, faire précéder cet article d'une division intitulée :
Chapitre 1er bis
Incompatibilités
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. À défaut de traiter du mandat unique de conseiller territorial, il est nécessaire à tout le moins d’interdire le cumul de ce mandat avec celui de maire d’une commune de plus de 30 000 habitants.
Siéger à la fois au conseil général et au conseil régional requiert une très grande disponibilité. Les fonctions de maire d’une commune de plus de 30 000 habitants exigent également, comme beaucoup d’entre nous le savent, une grande implication en termes de temps et de disponibilité pour régler l’ensemble des questions qui se présentent au quotidien.
En outre, si le maire de la commune la plus importante d’un département cumulait concomitamment un siège au conseil général et un siège au conseil régional, il pourrait devenir un véritable potentat local. De surcroît, si le mandat de conseiller territorial devait être finalement considéré comme un mandat unique, ce qu’il n’est évidemment pas, un conseiller territorial pourrait également être président du conseil général ou régional. Une telle situation est difficilement concevable au regard de la présente réforme.
Cet amendement va dans le sens de celui que vient de présenter M. Maurey.
M. le président. L'amendement n° 504 rectifié bis, présenté par MM. Collin, Alfonsi, Milhau et Mézard, est ainsi libellé :
I. - Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé:
Le deuxième alinéa de l'article L. 2122-4 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elles sont également incompatibles, dans les communes de 50 000 habitants et plus, avec le mandat de conseiller territorial. »
II. En conséquence, faire précéder cet article d'une division intitulée :
Chapitre 1er bis
Incompatibilités
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Il s’agit d’un amendement de repli. Il vise à interdire le cumul du mandat de conseiller territorial avec celui de maire d’une commune de plus de 50 000 habitants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ces cinq amendements visent à préciser certains éléments du régime juridique du mandat de conseiller territorial. Or ces éléments ne peuvent être précisés dans le présent projet de loi. Ils relèvent du projet de loi n° 61, que nous examinerons plus tard.
Je prie donc les auteurs de ces cinq amendements de bien vouloir les retirer, même si, à titre personnel, je suis favorable à certains d’entre eux. À défaut, la commission émettrait un avis défavorable, non pas tant sur le fond que pour des considérations de méthode.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Ces cinq amendements sont très intéressants, mais assez différents les uns des autres.
On peut les répartir en deux catégories.
Les amendements présentés par M. Collin et ses collègues du RDSE concernent le conseiller territorial. Ils considèrent qu’un conseiller territorial ne pourra exercer que ce seul mandat et qu’il ne pourra pas être maire, par exemple.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais un sénateur peut être maire, tout comme un député ! (Sourires.)
M. Michel Mercier, ministre. Et c’est tout à fait normal !
L’amendement de M. Maurey est différent. Son objet est beaucoup plus vaste. Il vise à interdire le cumul du mandat de conseiller territorial avec toute une série de fonctions exécutives. M. Maurey soulève la question du cumul du mandat de conseiller territorial avec la présidence d’un grand établissement public de coopération intercommunale. Peut-on considérer qu’il s’agit là d’un mandat, en termes de cumul, ou non ?
C’est une véritable question, qu’il est légitime de se poser, mais pas à l’occasion de l’examen de ce texte institutionnel. Il conviendra de le faire dans le cadre de l’examen du projet de loi électorale, car une telle disposition relève du code électoral.
Le Gouvernement n’esquivera pas le débat sur cette question.
Pour l’heure, le Gouvernement prie les auteurs de ces cinq amendements de bien vouloir les retirer, parce que leur place est non pas dans le présent projet de loi, mais dans le suivant, que nous examinerons ultérieurement. Dans l’hypothèse où ces amendements ne seraient pas retirés, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Mézard, l'amendement n° 501 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Oui, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Maurey, l'amendement n° 617 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Hervé Maurey. Je ne vois pas pourquoi je retirerais cet amendement, monsieur le président, alors qu’aucune disposition de même nature n’est prévue dans les autres textes relatifs à la réforme des collectivités territoriales que nous serons amenés à examiner.
Depuis le début de l’examen du présent projet de loi, on nous renvoie sans cesse à ces textes. C’est concevable sur certains points, mais pas en ce qui concerne le cumul des mandats, car, et c’est tout à fait stupéfiant – je l’ai dit dès la discussion générale –, ces autres textes ne contiennent aucune disposition sur la question.
J’avoue que, quand M. le ministre dit que la question de savoir si la présidence d’un EPCI doit être prise en compte en matière de cumul des mandats se pose, je suis stupéfait. Elle ne se pose pas, c’est une évidence !
J’indique que le seuil que je propose est plus élevé que pour le mandat de maire. Le mandat de maire est pris en compte dans le calcul du cumul des mandats pour les communes de plus de 3 500 habitants. Pour ma part, je propose de prendre en compte pour ce calcul les fonctions de président d’EPCI à partir de 20 000 habitants. Il s’agit donc là d’une proposition extrêmement modérée.
Je ne comprends pas que M. le ministre puisse se contenter de dire que la question se pose. Non, elle ne se pose pas ! Il est évident que la fonction de président d’un EPCI est au moins aussi lourde que celle de maire d’une commune de plus de 3 500 habitants.
Pour finir sur le dernier des arguments qui justifient le maintien de mon amendement, j’indique que, lors de la discussion générale, M. le président du groupe UMP – je parle sous son contrôle – a très clairement suggéré de régler ces problèmes à l’occasion de ce débat. (M. Gérard Longuet fait un signe d’approbation.) J’ai même cru l’entendre s’écrier « Très bien ! » lorsque je me suis exprimé tout à l’heure.
Fort du soutien du groupe UMP et du groupe de l’Union centriste, je maintiens donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Collin, l'amendement n° 502 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Yvon Collin. Oui, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Mézard, les amendements nos 503 rectifié bis et 504 rectifié bis sont-ils maintenus ?
M. Jacques Mézard. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur Maurey, pour information, le projet de loi n° 61 contient un chapitre – le chapitre IV – sur les incompatibilités applicables aux conseillers territoriaux. (M. Hervé Maurey s’exclame.)
J’ajoute, cher collègue, que, si certains ont effectivement tenté d’intégrer les grandes intercommunalités, jusqu’à preuve du contraire, le Parlement, dans sa majorité, n’est jamais allé aussi loin que vous.
Oui, la question se pose, et la réponse n’est en rien évidente ! (M. Hervé Maurey s’exclame de nouveau.)
Il me semble donc préférable, cher collègue, de discuter du fond de votre amendement à l’occasion de l’examen des dispositions du projet de loi n° 61 sur les incompatibilités et non au détour du présent projet de loi.
Votre amendement mérite d’être examiné dans un ensemble cohérent. Ne faudrait-il pas prévoir d’autres incompatibilités ? Celles que vous proposez sont-elles raisonnables ou pas ?
Ne vous méprenez pas : il y aura une réelle possibilité de discuter de ce sujet, ainsi que des propositions formulées par nos collègues du RDSE, lors de l’examen du projet de loi n° 61.
M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote sur l’amendement n° 501 rectifié bis.
M. Gérard Collomb. Je comprends évidemment la position de M. le ministre. Les questions relatives au cumul des mandats doivent être examinées dans un contexte plus général et toutes les situations doivent être étudiées.
Je comprends également la position de nos collègues. Si leur amendement était adopté et si M. le ministre était toujours sénateur, il pourrait alors être à la fois président de conseil général, vice-président en tant que conseiller territorial, éventuellement en tant que conseiller régional, et sénateur.
M. Gérard Collomb. En ce qui me concerne, je pourrais être candidat à la mairie de Lyon. En revanche, je ne pourrais évidemment pas être président du conseil communautaire et sénateur. Je serais alors obligé de faire un choix.
Je serais embarrassé, car, selon moi, la gestion d’une agglomération ne se découpe pas en tranches. En effet, en tant que maire, la culture et le sport, qui sont des éléments importants, comme je l’ai montré à l’occasion d’autres débats au Sénat, relèvent de mes compétences. L’urbanisme, le logement et le développement économique relèvent, quant à eux, des compétences de la communauté urbaine.
Or je gère l’agglomération de manière globale, en faisant en sorte que le sport soit une composante de la dynamique économique et que celle-ci soit une composante de la dynamique générale de la ville ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard César. Dans ce cas, il ne faut pas être sénateur !
M. Gérard Collomb. Mon cher collègue, si je n’étais pas sénateur, je ne pourrais pas participer ce soir à ce débat très intéressant sur la réforme des collectivités territoriales, ce qui m’ennuierait un peu. (Sourires.)
M. Gérard Longuet. Vous êtes tout seul ? Vous n’avez pas d’amis ?
M. Gérard Collomb. Peut-être aurons-nous l’occasion de nous expliquer de manière plus générale sur le cumul des mandats.
M. Gérard César. On ne vous voit jamais !
Mme Françoise Henneron. Nous, nous siégeons ici tous les jours !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je suivrai la commission et le Gouvernement.
Je souhaite simplement souligner un point, mais j’aurai l’occasion de l’aborder de nouveau, sous réserve que ma disponibilité me le permette, lors de l’examen du texte n° 61, qui traitera notamment, si j’ai bien compris, des incompatibilités.
J’ai toujours défendu la même position. Je suis par principe opposé à la limitation du cumul des mandats. Je considère que le peuple est souverain ; c’est d’ailleurs une disposition constitutionnelle. C’est au peuple d’apprécier, au citoyen de juger en son âme et conscience si un élu n’exerce pas correctement la fonction qui lui a été confiée par l’élection au suffrage universel et si le cumul nuit à sa compétence, à sa disponibilité et à la pertinence des décisions qu’il prend.
Cela étant, je reconnais que la question se pose effectivement pour toutes les fonctions, pour tous les mandats exercés par un élu sur lequel le peuple souverain ne peut pas porter d’appréciation, parce qu’il s’agit d’une élection non pas au suffrage universel direct, mais bien au deuxième degré.
Pour tous les autres mandats, en particulier celui de conseiller territorial, laissez donc au peuple le soin d’apprécier s’il y a lieu qu’un élu puisse ou non cumuler son mandat avec d’autres mandats ou fonctions ! Sinon, vous portez atteinte à la démocratie !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en écoutant Hervé Maurey, j’ai senti que ce débat était nécessaire. Et j’ai eu la certitude que nous l’aurions en écoutant M. le président de la commission des lois.
Dans son intervention, notre collègue Alain Vasselle a soulevé un point majeur. En effet, il faut certainement distinguer les mandats acquis au suffrage universel direct, où les électeurs sont libres de leur choix, des responsabilités qui s’acquièrent de manière indirecte.
C'est la raison pour laquelle vous avez toute notre sympathie, cher Hervé Maurey. (Exclamations ironiques sur les travées de l’Union centriste.) Mais notre sympathie serait encore plus forte si vous nous laissiez la possibilité de mieux examiner encore votre amendement à l’occasion d’un débat ultérieur. (Sourires.)
Quoi qu’il en soit, si vous ne retirez pas votre amendement, compte tenu du sujet et de mes convictions libérales, je laisserai une totale liberté de vote aux membres de mon groupe.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 501 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 617 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 502 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 503 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 504 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
4
Engagement de la procédure accélérée sur un projet de loi organique
M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature et du projet de loi relatif à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, déposés sur le bureau de l’Assemblée nationale.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Réforme des collectivités territoriales
Suite de la discussion d'un projet de loi
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 1er.
Articles additionnels après l'article 1er (suite)
M. le président. L'amendement n° 354 rectifié, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Bel et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy et Povinelli, Mme Alquier, MM. Andreoni, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet et Chastan, Mme Cartron, MM. Courteau, Daunis et Daudigny, Mme Durrieu, MM. Fichet et Jeannerot, Mme Ghali, MM. Guérini et Guillaume, Mmes Khiari et Klès, MM. Lagauche, Marc, Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Miquel, Mirassou, Patriat, Percheron, Rebsamen, Ries, Sergent, Signé et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 337 du code électoral est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La composition des conseils régionaux respecte les principes de la parité. »
La parole est à Mme Bernadette Bourzai.
Mme Bernadette Bourzai. Le projet de loi « relatif à l’élection des conseillers territoriaux » prévoit l’élection de 80 % d’entre eux au scrutin uninominal majoritaire à un tour, les 20 % restants étant élus sur des listes départementales et à la proportionnelle.
C’est une régression manifeste et inacceptable de la parité, et donc de la démocratie.
En effet, le scrutin uninominal n’est soumis à aucune des mesures paritaires contraignantes. Il ne favorise donc pas l’égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller territorial. De ce fait, il n’est pas conforme à la Constitution.
Souvenez-vous, chers collègues : aux élections cantonales de 2008, 87,7 % d’hommes étaient élus conseillers généraux au scrutin uninominal, pour seulement 12,3 % de femmes.
En revanche, le scrutin de liste avait permis, en 2004, l’élection de 47,6 % de conseillères régionales.
Selon les projections établies par l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes en fonction des précédentes élections, il n’y aurait, en 2014, que 19,3 % de femmes, pour 80,7 % d’hommes parmi les futurs conseillers territoriaux.
Parce qu’il défavorise l’accès égal des femmes et des hommes aux fonctions et mandats électifs, ce projet de loi est contraire à l’article 1er de la Constitution, dont je vous rappelle les premiers termes du second alinéa : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ».
C’est la raison pour laquelle vous pouvez légitimement craindre la non-constitutionnalité des dispositions relatives au mode de scrutin du futur conseiller territorial.
En outre, je tiens à rappeler que, dans les conseils municipaux de communes de plus de 3 500 habitants, dans les conseils régionaux, au Parlement européen, c'est-à-dire partout où le mode de scrutin le permet – le scrutin de liste -, on retrouve désormais plus de 47 % de représentation féminine, sans oublier que, depuis la loi du 31 janvier 2007, la parité est devenue une exigence pour les exécutifs régionaux.
Aujourd'hui, nous sommes tous convaincus que cette représentation est bénéfique et qu’elle est indispensable au bon fonctionnement de nos institutions. Il est hors de question de revenir en arrière.
L’amendement que nous présentons, en précisant que la composition des conseils régionaux respecte les principes de la parité, permet d’inscrire dans la loi que le conseil régional doit être composé d’un nombre égal d’hommes et de femmes.
Monsieur le secrétaire d'État, de grâce, ne nous redites pas que la parité va progresser parce que le scrutin de liste paritaire s’appliquera dans les communes de plus de 500 habitants. Certes, ce sera bien le cas, et nous nous en réjouissons et nous proposons même d’aller plus loin, puisque nous souhaitons que ce principe s’applique dès la plus petite commune.
Cela étant, ne comptez pas sur notre patience. Nous n’avons pas à faire nos preuves et nos classes. Les femmes élues, à quelque niveau que ce soit, depuis les communes jusqu’à l’Assemblée nationale,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Et au Sénat !
Mme Bernadette Bourzai. … ainsi que dans les ministères, font chaque jour la preuve de leur capacité, de leur compétence, de leur présence, pour gérer la Cité et servir l’intérêt général.
M. le président. Veuillez conclure, chère collègue.
Mme Bernadette Bourzai. Je vous l’ai dit en décembre, monsieur le secrétaire d'État, et je vous le répète : j’ai commencé ma carrière politique en 1978, lorsque le député Jacques Chirac déclarait que la femme idéale, selon lui, était la femme corrézienne, qui sert les hommes à table, qui se tient debout derrière et qui se tait !
Nous ne nous tairons plus !
Jacques Chirac l’a d’ailleurs lui-même compris, lui qui a demandé à sa femme de conquérir un canton et de le garder, ce qu’elle fait parfaitement depuis trente ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Avec des délégations !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement porte sur un sujet de droit électoral et n’a pas sa place dans le présent texte ; il pourra être examiné lors de la discussion du projet de loi n° 61 spécifiquement dédié à ces questions.
Cela étant, la parité fait partie des exigences que devra prendre en compte le mode de scrutin applicable aux conseils territoriaux.
La commission des lois a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Nous avons entamé une série de réunions de travail avec les délégations aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes des deux assemblées, singulièrement avec Mme Michèle André, pour le Sénat, et Mme Marie-Jo Zimmermann, pour l’Assemblée nationale, afin d’améliorer le texte dans ce domaine.
Nous avons déjà eu trois réunions et d’autres sont prévues.
Je souligne, même si cela ne vous fait pas plaisir, madame la sénatrice, que, pour le passage au scrutin de liste aux élections municipales, l’abaissement du seuil de 3 500 habitants à 500 habitants constitue une avancée très importante pour les femmes. (Mme Bernadette Bourzai proteste.)
Madame, que vous le vouliez ou non, cette disposition permet l’entrée de 40 000 femmes dans les conseils municipaux et un très grand nombre d’adjointes !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Bien sûr !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Par ailleurs, nous introduisons également la parité à l’échelon communautaire : entre 25 000 et 30 000 femmes feront leur entrée dans les conseils communautaires.
À l’heure actuelle, les conseils généraux comptent moins de 13 % de femmes puisque, sur 3 850 conseillers généraux, 488 seulement sont des femmes. Avec le projet du Gouvernement et la parité introduite sur la part proportionnelle, plus de 20 % de femmes siégeront désormais au sein des conseils généraux.
Mme Dominique Voynet. C’est trop ! (Sourires.)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je rappelle que, aujourd’hui, quatre conseils généraux ne comptent aucune femme, et ce ne sont pas des assemblées départementales de droite !
M. Jean-Claude Peyronnet. Il n’y a pas longtemps qu’elles sont à gauche, alors !
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Certes, les exécutifs ne sont pas encore à la hauteur, sous l’angle de la parité.
Quoi qu’il en soit, les assemblées régionales ont connu une progression du nombre de femmes en raison du mode d’élection.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, vous ne pouvez refuser ici l’affirmation du principe de la parité puisque vous avez précédemment été favorable à un amendement visant à assurer le respect d’autres principes. (Très bien ! sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le secrétaire d'État, si vous voulez nous faire dire qu’il n’est pas bien que des majorités départementales de gauche n’aient pas fait attention à la représentation des femmes en tant que telle, j’en conviens tout à fait.
La loi n’est pas censée reposer sur la bonne volonté des uns et des autres. En l’occurrence, la loi a pour but d’organiser la parité. Or, vous serez d’accord avec moi, la situation actuelle dans les départements est tout sauf satisfaisante.
Convenir que le suppléant d’un homme doit être de sexe opposé, parier sur le fait que le conseiller général pourrait cumuler des mandats ou connaître un sort funeste sur le plan personnel pour espérer rééquilibrer l’assemblée départementale en faveur des femmes, voilà qui n’est pas à la hauteur des défis qui nous attendent !
Chacun pourra citer ici les assemblées qui, à travers l’Europe et le monde, sont bien plus féminisées que ne le sont les assemblées françaises.
Compter sur une simple dose de 20 % de proportionnelle pour permettre une féminisation – toute relative - de certaines assemblées n’est pas suffisant.
Soyons à la hauteur des attentes des femmes et de la plupart des hommes.
M. Dominique Braye. Merci de le préciser !
Mme Dominique Voynet. Mettons en place un mode de scrutin qui permette de respecter les exigences de la Constitution et de satisfaire les attentes de la société ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. À écouter les explications de M. le secrétaire d'État, il faudrait sans doute le remercier de l’abaissement du seuil de déclenchement de la proportionnelle aux communes de 500 habitants, qui devrait permettre à un nombre très important de femmes d’entrer dans la vie politique. (M. le secrétaire d’État s’entretient avec M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.)
Apparemment, M. le secrétaire d'État ne m’écoute pas !
M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Nous vous écoutons tous les deux !
M. Dominique Braye. Ce sont des machos ! (Sourires.)
Mme Annie David. Si vous ne m’écoutez pas quand je parle de la parité, je vais vraiment me fâcher. (Nouveaux sourires.)
M. Dominique Braye. Cela ne vous irait pas du tout !
Mme Annie David. Monsieur le secrétaire d'État, il y a déjà beaucoup de femmes en politique aujourd'hui. Le problème est qu’elles n’arrivent pas à se faire élire !
Mme Odette Terrade. Tout à fait !
Mme Annie David. Grâce à votre proposition, de nombreuses femmes seront désormais élues dans les communes.
En revanche, demain, beaucoup moins de femmes encore seront élues conseillers territoriaux puisque le type de scrutin que vous prévoyez ne leur permettra pas de se présenter. Mais pourquoi donc, me direz-vous ?
La question a déjà été posée hier, mais je n’hésite pas à la poser de nouveau aujourd’hui : qu’est-ce qui empêchera donc les femmes de se présenter ?
Mmes Nathalie Goulet et Muguette Dini. Les hommes ! (Sourires.)
Mme Annie David. Oui, chers collègues, tout simplement les hommes !
Dire aujourd’hui que les femmes peuvent entrer dans les conseils municipaux, ce n’est pas bien différent que de les cantonner, comme hier, à la cuisine et de ne les tolérer dans la salle à manger que pour servir en silence leurs élus de maris, puisque c’est ainsi que l’un des plus illustres d’entre eux se représentait la femme idéale !
J’ai participé à une conférence de presse organisée par l’association des femmes élues de l’Isère, mon département. La présidente de cette association nous a expliqué que, finalement, les femmes resteront en cuisine, puisqu’elles géreront des communes largement transformées en coquilles vides par l’intercommunalité et les transferts de compétences, pendant que les hommes pourront passer au salon – le futur conseil territorial…
Monsieur le secrétaire d’État, votre argument selon lequel beaucoup de femmes pourront entrer en politique grâce à ce projet de loi ne nous convainc pas. Je tenais à vous le faire savoir !
M. le président. L’amendement n° 592, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après l’article 1er, insérer un article additionnel rédigé ainsi :
I. - Le premier alinéa de l’article L. 338 du code électoral est ainsi rédigé :
« Les conseillers régionaux sont élus dans chaque région au scrutin de liste à deux tours sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l’ordre de présentation. Chaque liste regroupe l’ensemble des candidats de la région, tous départements confondus. »
II. - L’article L. 338-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 338-1. - Au sein d’une même région, le nombre de représentants, au conseil régional, du département le plus peuplé, ne peut excéder 50 % du nombre total de conseillers régionaux. »
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Sur la forme, j’en conviens, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, cet amendement porte sur un sujet de droit électoral et « n’a pas sa place dans ce projet de loi » : il est facile d’anticiper sur votre argumentation, puisqu’elle est la même pour tous les amendements de cette nature.
Sur le fond, considérez que cet amendement constitue une sorte d’acte de foi dans les régions. Vous expliquez d’ailleurs régulièrement vouloir faire de l’échelon régional un pôle fédérateur et dynamique, doté de compétences lui offrant un véritable rayonnement territorial et légitimé par une gouvernance renforcée.
Je vous rejoins sur ce point, monsieur le secrétaire d’État : la région apparaît en effet aujourd’hui, à l’heure de l’Europe, comme la dimension propice au déploiement des politiques publiques qui assurent le dynamisme des territoires, en matière d’emploi, de formation, de recherche, d’innovation ou encore de développement économique durable.
Cela étant, une fois les motivations exposées, il serait logique de mettre concrètement en musique cette ambition régionale !
En ce qui concerne les compétences, nous l’avons déjà dit, nous regrettons que leur clarification soit reportée à un texte ultérieur. Nous pressentons la suppression de la clause générale de compétence des régions, inscrite plus loin dans ce projet de loi. Cela ne les aidera pas, bien évidemment, à valoriser leur territoire. Au contraire !
À l’heure où l’État se désengage de nombreux domaines qui relevaient jusqu’ici de sa compétence, sans transférer pour autant les ressources financières correspondantes, on peut légitimement s’interroger sur le devenir des diverses politiques aujourd’hui largement soutenues par les régions et les autres collectivités, notamment la politique culturelle. Quelle est donc la logique de cette réforme, monsieur le secrétaire d’État ? Souhaitez-vous encourager l’émergence de régions fortes, comme cela est affirmé dans l’exposé des motifs du projet de loi, ou entendez-vous continuer de les affaiblir, comme vous le faites, en rognant leur domaine de compétence et en les empêchant de consolider leurs ressources ?
Dans une perspective démocratique, il me semble important d’instaurer un mode de scrutin permettant de faire valoir pleinement le fait régional, en évitant à la fois la « cantonalisation », dénoncée par certains membres de mon groupe, et la départementalisation qui sous-tend l’actuel mode de scrutin. Un scrutin de liste régionale, paritaire, me paraîtrait de nature à nourrir l’idéal régional.
Pour éviter la surreprésentation du département le plus peuplé, nous avons par ailleurs prévu que 50 % au plus des élus pourraient être issus de celui-ci. C’est, hélas, une tendance de fond : afin de garantir l’assiduité et de faciliter la participation de leurs représentants au conseil économique et social régional, la tentation est grande, pour les associations, les organisations syndicales et les chambres consulaires, de désigner des personnes issues du département où se trouve la capitale régionale. C’est particulièrement vrai dans les régions où l’un des départements est beaucoup plus peuplé que les autres, par exemple Midi-Pyrénées ou le Languedoc-Roussillon.
Cette disposition, qui répond à la préoccupation exprimée tout à l’heure par Jacques Blanc au sujet de la représentation équitable des différentes composantes du territoire régional, vise à instaurer un mode de scrutin rendant à l’ensemble régional sa cohérence et son lustre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Mme Voynet a deviné l’avis de la commission ! Je ne peux que lui confirmer que son amendement n’a pas sa place dans ce projet de loi, mais qu’il la trouvera certainement dans le projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.
M. Jean-René Lecerf. Je souhaite simplement faire observer que, dans une région ne comptant que deux départements, comme celle que vous et moi connaissons bien, monsieur le président, il serait extrêmement difficile d’appliquer le dispositif présenté par Mme Voynet : comment faire alors en sorte que le nombre de conseillers territoriaux issus du département le plus peuplé n’excède pas 50 % de l’effectif total de l’assemblée ? (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
M. le président. L’amendement n° 640 rectifié, présenté par MM. Pozzo di Borgo et P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 2512-1 est ainsi rédigé :
« Les affaires de la commune de Paris sont réglées par les délibérations d’une assemblée dénommée " conseil de Paris ", présidée par le maire de Paris. » ;
2° L’article L.2512-2 est abrogé ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 2512-5, après les mots : « son règlement intérieur », les mots : « en distinguant les règles applicables aux délibérations du conseil en formation de conseil municipal et en formation de conseil général » sont supprimés ;
4° À l’article L. 2512-8, après les mots : « du conseil de Paris », les mots : « siégeant en formation de conseil municipal ou de conseil général » sont supprimés ;
5° Les articles L. 3411-1 à L. 3412-2 sont abrogés.
II. - Les charges éventuelles qui découleraient, pour les collectivités territoriales, de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation générale de décentralisation.
III. - Les charges éventuelles qui résulteraient pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Ce sujet a déjà été abordé tout à l’heure par M. Dominati et moi-même, à l’occasion de la discussion de l’amendement n° 603 rectifié.
Le présent amendement a un double objet.
En premier lieu, Paris étant à la fois une commune et un département, nous demandons que les fonctions de conseiller général soient exercées à l’avenir par les conseillers territoriaux, et donc que le conseil municipal de Paris soit dissocié du conseil général.
En second lieu, il nous paraît nécessaire que les conseillers territoriaux de Paris soient élus non pas à la proportionnelle, comme le prévoit le texte actuel du projet de loi, mais dans des circonscriptions territoriales. Cela permettrait que les quelque 2 millions d’habitants de la capitale, où un ménage sur deux est constitué par une personne vivant seule, selon les statistiques de l’INSEE, connaissent au moins leurs élus.
En réponse à notre amendement précédent, M. Mercier a indiqué, comme l’avait déjà fait M. le ministre de l’intérieur devant la commission des lois, que la réforme concernant Paris serait traitée dans le projet de loi relatif au Grand Paris. J’ai alors objecté à M. Mercier que ce dernier texte ne comporte pas, pour l’heure, de volet institutionnel.
Je vous repose donc la question, monsieur le secrétaire d’État, par le biais du présent amendement : comment cet aspect institutionnel sera-t-il intégré dans la réflexion sur le Grand Paris ? Ne serait-il pas envisageable de traiter le problème à l’occasion de la discussion de l’article 5 du présent projet de loi, consacré aux métropoles ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à modifier le régime spécifique du Conseil de Paris en supprimant la compétence départementale de celui-ci. Je rappelle que le périmètre de la commune de Paris est strictement identique à celui du département de Paris : la double compétence des conseillers de Paris relève donc de considérations de bonne gestion.
La modification proposée ne semble pas pouvoir être envisagée dans l’immédiat, dans la mesure où il importe de tenir compte des conséquences institutionnelles qu’entraînera la réforme du Grand Paris. Vous disposerez donc de deux occasions pour représenter votre suggestion, mon cher collègue : soit lors de la discussion du projet de loi relatif au Grand Paris, soit, si vous estimez que la situation n’évolue pas assez rapidement, lors de l’examen du projet de loi n° 61, que nous aborderons à la fin du deuxième trimestre.
Pour ces raisons, la commission souhaiterait que cet amendement soit retiré.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Je ne peux que confirmer l’avis émis cet après-midi par mon collègue Michel Mercier et demander le retrait de cet amendement, en attendant la fin des discussions sur le mode d’élection des futurs conseillers territoriaux. Il sera alors temps de décider si celui-ci sera applicable ou non aux représentants de Paris au conseil régional d’Île-de-France.
Si cet amendement n’était pas retiré, le Gouvernement serait dans l’obligation d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Pozzo di Borgo, l’amendement n° 640 rectifié est-il maintenu ?
M. Yves Pozzo di Borgo. Tout à l’heure, M. Mercier nous a indiqué, comme vous, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, que la question de l’élection des conseillers territoriaux dans des circonscriptions territoriales sera traitée dans le projet de loi consacré spécifiquement à ce sujet. Nous sommes d’accord.
Cependant, M. Mercier nous a également dit que la séparation entre conseil général et conseil municipal serait évoquée lors de la discussion du projet de loi relatif au Grand Paris. Or, ce texte, en son état actuel, ne comporte pas de volet institutionnel !
Je vais retirer mon amendement, mais je voudrais savoir, monsieur le secrétaire d’État, si vous confirmez les propos de votre collègue M. Mercier sur ce point.
M. le président. L’amendement n° 640 rectifié est retiré.
M. Yves Pozzo di Borgo. Je souhaiterais cependant obtenir une réponse à ma question !
Chapitre II
Élection et composition des conseils communautaires
Articles additionnels avant l’article 2
M. le président. L’amendement n° 25, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Avant l’article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au second alinéa de l’article L. 2541-1 du code général des collectivités territoriales, les mots : « de l’article L. 2121-22 » sont supprimés.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Masson et Adnot, est ainsi libellé :
Avant l’article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 5212-7, le dernier alinéa de l’article L. 5214-7 et le dernier alinéa de l’article L. 5216-3 du code général des collectivités territoriales sont complétés par une phrase ainsi rédigée :
« Dans ce cas, le délégué titulaire empêché désigne en priorité pour le remplacer l’un des délégués suppléants de la commune qu’il représente ; à défaut, il peut donner procuration au délégué titulaire de son choix ».
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Cet amendement tend à lever une ambiguïté, en permettant à une commune de se faire représenter par un suppléant de son choix. Cette mesure me paraît de bon sens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Dans quelques instants, nous examinerons, à l’article 2, l’amendement n° 512 rectifié bis, présenté par M. Charasse, qui règle le problème de manière plus complète. Je souhaiterais donc, mon cher collègue, que vous retiriez votre amendement à son profit ; à défaut, la commission émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Adnot, l’amendement n° 7 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Adnot. Puisque le Gouvernement et la commission préfèrent donner satisfaction à M. Charasse, pour lequel j’ai beaucoup de sympathie, je retire mon amendement ! (Sourires.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ce n’est pas une question de personne !
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié est retiré.
Article 2
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 5211-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5211-6. – Les métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomération et communautés de communes sont administrées par un organe délibérant composé de délégués des communes membres élus au suffrage universel direct dans les conditions fixées par la loi. Les autres établissements publics de coopération intercommunale sont administrés par un organe délibérant composé de délégués élus par les conseils municipaux des communes membres dans les conditions fixées à l’article L. 2122-7 du présent code. » ;
2° Les I et I bis de l’article L. 5211-7 sont abrogés ;
3° L’article L. 5211-8 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « des articles L. 2121-33 et L. 2122-10 » sont remplacés par les mots : « de l’article L. 2121-33 », et les mots : « qui les a désignés » sont remplacés par les mots : « de la commune dont ils sont issus » ;
b) À la fin du troisième alinéa, les mots : « par le nouveau conseil » sont remplacés par les mots : « conformément aux dispositions de l’article L. 5211-6 » ;
c) Le quatrième alinéa est complété par les mots : « selon les modalités prévues à l’article L. 2122-7 pour les syndicats de communes et celles prévues par la loi pour les autres établissements publics de coopération intercommunale » ;
d) Les cinquième et dernier alinéas sont supprimés ;
4° L’article L. 5212-7 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« À défaut pour une commune d’avoir désigné ses délégués, cette commune est représentée au sein du comité du syndicat par le maire si elle ne compte qu’un délégué, par le maire et le premier adjoint dans le cas contraire. L’organe délibérant est alors réputé complet.
« Toute commune déléguée créée en application de l’article L. 2113-10 du présent code est représentée au sein du comité syndical, avec voix consultative, par le maire délégué ou, le cas échéant, par un représentant qu’il désigne au sein du conseil de la commune déléguée. » ;
5° L’article L. 5215-10 est abrogé.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l'article.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet article, qui traite de l’élection des conseillers communautaires, n’est pas sans poser un certain nombre de problèmes.
Je ne m’étendrai pas sur le fait qu’il entérine la création des métropoles avant même que notre assemblée ne se soit prononcée sur le sujet. Nous y reviendrons certainement dans la discussion…
Nous avons déjà eu à plusieurs reprises l’occasion d’indiquer que nous n’étions pas opposés à ce que les électeurs aient leur mot à dire dans la désignation des délégués des communes au sein des conseils communautaires, et donc à la mise en œuvre de la méthode du fléchage des candidats.
C’est, semble-t-il, ce que l’on nous propose, mais la discussion parlementaire sur cette disposition est renvoyée à un projet de loi ultérieur. Cela ne saurait nous rassurer ! Il ne nous paraît d’ailleurs pas acceptable d’adopter un principe – encore un ! – sans avoir de prise sur la définition de ses modalités d’application.
Nous aurons l’occasion d’insister sur ce point au long du débat : notre conception de l’intercommunalité est fondée sur le volontariat et sur le libre choix des communes. Nous rejetons donc, en la matière, toute décision autoritaire.
Les établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI, ne sont pas et ne doivent pas devenir des collectivités territoriales, ni en droit ni en fait. Il s’agit avant tout de structures de coopération et de mutualisation, représentant les communes qui en sont membres. En conséquence, il nous apparaît absolument nécessaire de maintenir un lien institutionnel fort entre la commune, représentée par son conseil municipal, et la structure intercommunale.
Dans ces conditions, retenir un mode de scrutin fondé sur le suffrage universel direct, avec une élection autonome des conseillers communautaires, serait inopportun. Cela accroîtrait de fait les pouvoirs des intercommunalités au détriment de ceux des communes et légitimerait une forme de tutelle, ce que nous refusons.
Or la réforme proposée par le Gouvernement, sans jamais que cela soit explicitement dit, va précisément dans le sens de l’intégration des communes au sein des intercommunalités. La commission des lois évoque d’ailleurs, s’agissant de l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct, un « corollaire indispensable au fort degré d’intégration et aux larges compétences des EPCI à fiscalité propre ».
Nous savons donc bien quel est l’objectif de la majorité : donner la primauté aux intercommunalités pour, à terme, vider les communes de leur substance. Cela exige de créer des structures plus importantes, dont le modèle serait la métropole, cumulant pouvoirs et compétences.
Je pense que nous devons être très attentifs et refuser que l’intercommunalité se transforme en une machine à faire disparaître la démocratie communale et la libre administration des communes. L’alinéa 3 de l’article 2, en indiquant simplement que les délégués des communes seront élus au suffrage universel direct, laisse le champ libre à toute modification ultérieure. Or le projet de loi recouvre déjà trop de non-dits.
D’ailleurs, le rapport de la commission des lois souligne, à juste titre, que les dispositions incluses dans le projet de loi n° 61 pourront être modifiées par le débat parlementaire. Du flou s’ajoute donc au flou !
Effectivement, nous devrons pouvoir exercer notre droit d’amendement à cette occasion – du moins c’est ce que nous espérons, car, en définitive, peu de nos propositions sont acceptées par le Gouvernement… Néanmoins, nous restons méfiants et préférons donc le faire jouer dès aujourd’hui, afin de nous assurer que la méthode du fléchage ne pourra pas être remise en cause au bénéfice d’un autre mode de scrutin destiné à mettre en place, à la tête des intercommunalités, des équipes indépendantes dépourvues d’élus municipaux.
Les délégués communautaires sont et doivent rester liés au conseil municipal dont ils sont issus : telle est la philosophie qui sous-tend les amendements que nous avons déposés à cet article 2.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.
M. Jean-Pierre Sueur. Au moment où nous abordons la discussion des articles relatifs à l’intercommunalité, je souhaite préciser quelles sont nos propositions et nos positions sur ce thème.
Premièrement, nous avons beaucoup œuvré pour le développement de l’intercommunalité. En effet, on doit à la gauche la loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République, qui a créé les communautés de communes, et la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, qui a créé les communautés d’agglomération.
La méthode que nous avons toujours préconisée, celle de laisser la liberté de choix aux communes, a été, me semble-t-il, la bonne : l’intercommunalité a énormément progressé par le simple volontariat et concerne désormais plus de 92 % des communes.
Nous sommes donc attachés à la liberté des communes et, à cet égard, nous émettrons des réserves chaque fois qu’une disposition du projet de loi accordera un poids à nos yeux excessif aux représentants de l’État. Il nous semble qu’il faut encourager jusqu’au bout ce mouvement volontaire, qui a porté ses fruits.
Bien sûr, nous savons que le représentant de l’État devra forcément intervenir, ici ou là, quand il s’agira d’achever le processus, et nous ne nous y opposons pas. Mais nous estimons qu’il faut faire confiance autant que possible aux libertés communales.
Deuxièmement, nous pensons que l’intercommunalité, quelle que soit sa forme, ne doit jamais se traduire, explicitement ou implicitement, par la suppression des communes.
Nous avons besoin de deux niveaux : la commune est un échelon de proximité, tandis que l’intercommunalité permet de traiter des dossiers, relatifs par exemple au développement économique, à l’aménagement du territoire, à l’environnement, aux transports, que les communes ne peuvent prendre en charge seules.
En moins de quinze ans, nous avons donc assisté à ce que l’on pourrait appeler la révolution tranquille et silencieuse de l’intercommunalité. Le niveau communautaire est en progression, et nous proposons d’en tirer les conséquences. C’est pourquoi nous avons déjà présenté un amendement qui tendait à prévoir que la réalité des communautés soit prise en compte, à l’avenir, en particulier s’agissant du mode d’élection des élus départementaux. Nous le savons bien, dans nos territoires, les espaces de projets sont les communautés de communes, et non les cantons. Cela est une bonne chose, aussi pensons-nous que la région et le département doivent s’articuler autour de cette réalité montante de l’intercommunalité.
Troisièmement, de même qu’il faut des régions fortes, il faut des communautés fortes.
À cet égard, il est aujourd’hui indispensable d’accroître un certain nombre de compétences et de moyens accordés aux intercommunalités, dès lors que cette évolution s’opère toujours dans le respect des communes. Il n’y a pas là de contradiction ! En vérité, je pense même que ce sont les intercommunalités qui permettent le maintien des communes. Ainsi, sans elles, beaucoup de ces quelque 36 700 communes de France auxquelles nous tenons apparaîtraient comme n’étant pas viables. Le mouvement de l’intercommunalité a permis de conforter les communes !
Nous demandons donc plus de compétences, plus de moyens, plus de reconnaissance pour les communautés, et une bonne articulation entre celles-ci, les départements et les régions.
Reste la question de la démocratie, sur laquelle ma position sera quelque peu différente de celle de Mme Mathon-Poinat. Le débat est ancien et, pour nous, il n’est pas clos.
Le système du fléchage, tel qu’il est proposé par le Gouvernement, sera à notre sens un progrès pour les communautés de communes, les communautés d’agglomération, les communautés urbaines. Toutefois, nous savons qu’il ne faut pas exagérer la portée de cette évolution : les citoyens continueront de se prononcer sur des listes municipales, certains candidats ayant vocation, en cas d’élection, à siéger à l’échelon intercommunal.
C’est pourquoi nous estimons qu’il faudra un jour se demander s’il est moins légitime d’élire au suffrage universel direct les délégués communautaires dans une métropole, qui procédera, si nous avons bien compris, d’un degré d’intégration plus fort que les communautés urbaines ou d’agglomération, que l’équipe municipale d’une commune de 60 habitants ou le conseiller général d’un canton urbain dont aucun habitant ne connaît le périmètre ni les compétences. Je vous assure, mes chers collègues, que la réalité cantonale n’est plus guère perceptible dans une grande ville, au point que, dans bien des cas, la population ignore jusqu’à l’identité du conseiller général !
Nous pensons donc que, si une communauté urbaine ou d’agglomération fait le choix de pousser plus loin l’intégration en constituant une métropole, il convient de poser la question de l’instauration du suffrage direct pour l’élection des conseillers communautaires, afin que les citoyens puissent faire entendre leur voix à cet échelon.
Tel est le débat que nous souhaitons ouvrir pour l’avenir. Il faudra, d’une manière ou d’une autre, traiter cette question de la démocratie.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, sur l'article.
Mme Dominique Voynet. Le présent article tend à instaurer l’élection des délégués siégeant au sein des intercommunalités au suffrage universel direct. C’est une très bonne chose !
Compte tenu de la montée en puissance des EPCI à fiscalité propre dans le paysage territorial et de l’étendue des compétences structurantes pour la vie locale à présent déléguées par les communes aux intercommunalités, il était essentiel, et même urgent, de permettre aux électeurs de désigner de façon directe, plus transparente et plus démocratique, les élus censés les représenter au sein de celles-ci.
Cette proposition a été avancée, pour la première fois, par Pierre Mauroy dans un rapport publié en 2000. Si le Sénat ne s’y était pas alors opposé, on peut imaginer qu’elle serait déjà entrée en vigueur. Je salue donc comme elle le mérite cette avancée pour les citoyens, devenue consensuelle, ou presque, au fil du temps.
Pourtant, monsieur le secrétaire d’État, je regrette que nous ne puissions pas avoir une vision globale, cohérente de l’appareil législatif et institutionnel que vous nous proposez d’instituer. En effet, vous ne nous avez pas soumis de texte parachevant et simplifiant l’intercommunalité. Au contraire, nous le verrons plus loin, le présent projet de loi met en place des modalités d’organisation différentes, certes intéressantes, voire nécessaires dans le cas des métropoles, mais qui ne seront pas davantage lisibles pour nos concitoyens. Par ailleurs, puisque le Gouvernement semble tenir à réformer la gouvernance des régions et des départements, nous aurions aimé qu’il élabore un texte ad hoc.
L’article 2 tend donc à prévoir que les délégués communautaires seront élus au suffrage universel direct – cela est très bien ! – « dans les conditions fixées par la loi ». La définition des modalités de cette élection est par conséquent renvoyée à une loi ultérieure, au risque de nuire à l’intelligibilité du dispositif.
Le Conseil constitutionnel a pourtant fait sienne l’exigence d’intelligibilité de la loi, qu’il mentionne notamment dans des décisions de 1999 et de 2006. Selon ce principe, et conformément à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le législateur doit adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques. (M. Michel Charasse acquiesce.)
Je ne reviens pas sur l’amendement présenté, à l’article 1er, par nos collègues de l’Union centriste, qui est venu déposer un brouillard épais sur une situation déjà pour le moins floue, s’agissant des modalités de l’élection des conseillers territoriaux. Mais, monsieur le rapporteur, puisque vous avez déjà annoncé que vous entendiez donner un avis favorable à l’amendement de M. Charasse, je tiens à dénoncer une méthode qui s’apparente à du teasing législatif, méthode que je juge contre-productive et qui nuit à la lisibilité de la loi pour les citoyens. Vous nous expliquez qu’il est hors de question d’ouvrir un débat sur le mode de scrutin envisagé et excluez de traiter de certains principes dans le cadre de ce projet de loi : attendez-vous, pour aborder les questions de fond, un signal, sous la forme d’un éventuel amendement ou sous-amendement émanant d’un groupe de cette assemblée ? Le débat n’a même pas lieu d’être sur ce point, monsieur le rapporteur, puisque vous venez de reconnaître que c’est bien ainsi que vous entendiez procéder.
Dans l’attente de votre réponse définitive, monsieur le secrétaire d'État, laissez-moi vous faire remarquer que vous vous exposez, une fois de plus, à la censure du Conseil constitutionnel. La cohérence de la loi n’est pas garantie, l’examen des dispositions étant saucissonné entre plusieurs textes et dispersé au fil du temps. Je ne peux que regretter cet état de choses, qui nuit à la qualité de notre travail et à sa perception par nos concitoyens.
M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb, sur l'article.
M. Gérard Collomb. Si j’avais eu la responsabilité de préparer un projet de loi sur la réforme des collectivités locales, je ne l’aurais peut-être pas rédigé de cette façon.
M. Dominique Braye. « Peut-être » !
M. Gérard Collomb. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement a présenté son projet. Nous avons donc cherché, avec l’ensemble des élus, représentés notamment par l’Association des maires de France, l’Association des maires des grandes villes de France, l’Association des communautés urbaines de France et la Fédération des maires des villes moyennes de France, les moyens de l’améliorer.
Quelle a été l’évolution du texte et quelles positions avons-nous défendues ?
Par exemple, le projet de loi initial prévoyait que toutes les compétences seraient dévolues à la métropole, laquelle en déléguerait ensuite certaines aux communes. Nous nous sommes opposés à une telle démarche : il faut continuer à procéder dans l’autre sens, du bas vers le haut ; c’est la commune qui doit déléguer des compétences à la structure intercommunale.
Le Grand Lyon représente soixante années d’expérience de l’intercommunalité. Nous avons pu constater, au fil du temps, que, progressivement, un rapport de confiance s’établissait, amenant la commune à ne plus hésiter à déléguer un certain nombre de compétences à l’intercommunalité.
Dans le même esprit, le texte d’origine prévoyait logiquement que la métropole lèverait les impôts et centraliserait les recettes, avant d’en rétrocéder une partie aux communes en fonction des compétences très limitées qu’elles exerceraient. Sur ce point également, nous avons marqué notre opposition.
Je tenais à rappeler cela, afin d’éclairer le débat que nous aurons sur l’article 2, puis sur l’article 3.
L’élection des délégués communautaires au suffrage universel direct, comme le prévoit le texte, politisera-t-elle le scrutin ? Cela est vrai dans une large mesure, mais ce n’est pas moi qui ai inséré une telle disposition dans le texte ! On peut encore envisager, pour les communes les plus petites, des adaptations ; mais, pour les plus importantes, un minimum de concordance est nécessaire entre les personnes désignées par le suffrage universel et celles qui seront appelées à diriger l’intercommunalité. Sinon, si le décalage était trop important, l’injustice serait criante ! Je l’ai dit tout à l’heure, le Conseil constitutionnel sera vigilant sur ce point.
C'est la raison pour laquelle, en concertation avec les associations d’élus, nous avons déposé des amendements sur l’article 3 pour que soient prises en compte, sur le plan électoral, deux réalités : la démographie et le territoire, toutes les communes, même les plus petites, devant être représentées.
M. Michel Charasse. C’est gentil !
M. Gérard Collomb. Avec l’ensemble des associations d’élus, nous sommes parvenus, me semble-t-il, à des solutions équilibrées, que nous souhaitons voir préserver. Il est assez rare que les groupes politiques de cette assemblée parviennent à s’accorder sur des propositions communes.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, sur l'article.
M. Claude Bérit-Débat. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les débats sur l’article 1er ne se sont pas déroulés dans la plus grande sérénité… Je ne reviendrai ni sur la forme ni sur le fond de cette discussion. Je souhaiterais, en revanche, établir un parallèle entre l’article 1er et l’article 2, dont nous allons maintenant débattre.
Ces deux articles font partie du titre Ier, intitulé « Rénovation de l’exercice de la démocratie locale ». De ce point de vue, l’article 1er s’avère pour le moins discutable, ce qui n’est pas tout à fait le cas de l’article 2.
En effet, même si je n’en approuve pas toutes les dispositions, cet article manifeste néanmoins une certaine volonté de renforcer la représentativité des assemblées intercommunales : il s’agit là d’une véritable tentative de rénovation – dans le bon sens, cette fois ! – de la démocratie locale.
J’ai eu l’occasion de le dire à de nombreuses reprises dans cet hémicycle, il faut rapprocher encore davantage les intercommunalités des citoyens. Dans cette perspective, l’élection des délégués communautaires directement par les citoyens me paraissait être une étape nécessaire et complémentaire de l’achèvement de la carte de l’intercommunalité.
On ne peut pas, en effet, d’un côté, constater la réalité du fait communautaire et se réjouir de le voir prendre une place croissante dans le quotidien des Français, et, de l’autre, ne pas en tirer les conséquences qui s’imposent en termes de renforcement de la légitimité des délégués communautaires. De ce fait, la question du mode de désignation de ces derniers était posée : il fallait choisir entre une élection au suffrage universel direct, le maintien du mode de désignation actuel ou le fléchage.
C’est le fléchage qui a été retenu, ce qui, à mes yeux, permet de trouver un moyen terme acceptable. Je rappelle que la totalité des associations d’élus, dont la mission Belot a entendu des représentants, y étaient favorables. Assez paradoxalement, c’est sur le mode de désignation de ses représentants au sein de l’intercommunalité que ce texte est le plus favorable à la commune, quand les autres dispositions la concernant remettent son existence même en cause. Mais nous y reviendrons, notamment à l’article 3.
Le fléchage interviendra donc sur la base des listes établies pour les élections municipales. L’avancée est réelle. Cela permettra notamment de respecter les objectifs en termes de parité, en compensant très légèrement la régression à laquelle nous condamne la création du conseiller territorial en la matière. Le recours au fléchage donnera également une meilleure lisibilité, une plus grande transparence au mandat de délégué communautaire, ce qui renforcera mécaniquement sa légitimité.
Pour autant, je l’ai déjà dit à différentes reprises, on aurait pu aller plus loin, notamment en appliquant le fléchage à toutes les communes, sans distinction de nombre d’habitants, contrairement à ce que pensent certains de nos collègues. Si les élections municipales dans les toutes petites communes présentent effectivement des spécificités, elles ne sont pas nécessairement contradictoires, me semble-t-il, avec le fléchage. De toute manière, dès lors que l’on veut renforcer la légitimité du délégué communautaire et démocratiser son mode d’élection, il ne peut être question d’établir une distinction entre les citoyens selon la taille de leur commune de résidence.
Au final, cet article 2 ne va, globalement, pas assez loin. Il révèle les contradictions du texte sur la place des communes dans notre paysage institutionnel, eu égard notamment à certaines dispositions figurant à l’article 3. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l'article.
M. Pierre-Yves Collombat. Je voterai cet article, qui correspond à une vieille revendication de l’Association des maires ruraux de France. Nous étions alors bien seuls à proposer ce mode de scrutin, qui semblait à d’autres parfaitement révolutionnaire et contraire aux intérêts de la ruralité…
Aujourd'hui, les intercommunalités ont pris un tel poids, avec les compétences multiples qu’elles exercent et l’importance des budgets qu’elles gèrent, que l’on ne pouvait pas les laisser éternellement souffrir d’un déficit démocratique.
Ceux d’entre nous qui, comme moi, sont issus de petites ou de moyennes communes, n’auront sans doute pas manqué d’être frappés par le fait que l’intercommunalité n’est jamais évoquée lors des campagnes municipales. Seule l’opposition en parle, pour la dénigrer, avant d’ailleurs, en cas de victoire, de se hâter de chausser les bottes de l’équipe précédente ! Cette loi devrait au moins permettre de placer le sujet de l’intercommunalité au cœur du débat démocratique.
Cela étant, nous sommes nombreux à penser que l’intercommunalité est non pas une collectivité, mais, pour reprendre l’excellente formule de notre collègue Jean-Pierre Chevènement, une « coopérative de communes ». Dans ces conditions, il ne peut y avoir de concurrence avec la commune en matière de légitimité, les délégués au sein de l’intercommunalité devant être ceux de la commune, et ne pas exercer leur mandat à titre personnel.
C'est la raison pour laquelle la formule du fléchage – le terme n’est pas très heureux, mais il est compréhensible par tous – qui a été finalement adoptée permet de résoudre la quadrature du cercle. Monsieur le secrétaire d’État, j’espère que vous trouverez une formule aussi satisfaisante pour la désignation des conseillers territoriaux.
Certains redoutent que ce mode d’élection politise le scrutin dans les petites communes. Mais n’y fait-on pas déjà de la politique ? (Mme Dominique Voynet applaudit.) Je suis élu d’un département dans lequel la gauche n’exerce pas une domination écrasante : si seules les voix de gauche se portaient sur mon nom, je ne serais pas ici et je n’aurais pas été maire pendant vingt-deux ans ! Les électeurs votent aussi pour vous parce que vous défendez des projets, parce qu’ils vous font confiance, parce qu’ils vous ont vu à l’œuvre. Je ne vois pas en quoi ce mode d’élection changera les choses. L’argument me paraît fallacieux !
C'est pourquoi nous estimons qu’il n’y a pas de raison de réserver un sort particulier aux communes de moins de 500 habitants. Pour autant, des aménagements pratiques sont envisageables dans leur cas. On pourrait par exemple admettre la présentation de listes incomplètes, ce qui, soit dit par parenthèse, règlerait le problème de la parité.
Cet article correspond à mon sens à un assez large consensus, et je souhaite son adoption. Si, par la suite, les communes appartenant à de grandes intercommunalités décidaient, à une écrasante majorité qualifiée, d’aller plus loin et d’envisager d’autres modalités de coopération, cela ne me choquerait pas, mais il ne faut pas que, sous couvert de mettre en place des structures intercommunales, on cherche à faire disparaître les communes. (M. Jean-René Lecerf applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l'article.
M. Hervé Maurey. Je n’avais pas prévu d’intervenir à ce stade du débat, mais un certain nombre de propos que j’ai entendus m’incitent à prendre brièvement la parole.
Je voudrais tout d’abord dire à M. Sueur qu’il n’a pas le monopole de la défense des petites communes.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Hervé Maurey. Il est important de le préciser, car, depuis l’annonce de cette réforme, on cherche à faire croire aux élus que ce projet de loi viserait à remettre en cause l’existence même des communes. C’est totalement faux ! En adressant ses vœux aux parlementaires, le Président de la République a clairement indiqué qu’il voulait une réforme ambitieuse afin de renforcer les communes.
M. Michel Charasse. « C’est pour mieux te manger, mon enfant ! »
M. Hervé Maurey. Il a également rappelé à plusieurs reprises que la commune était la cellule de base de la démocratie.
Pour ma part, j’ai déposé un amendement, qui sera examiné à l’article 5, tendant à inscrire dans la loi que, quelque nécessaire que soit la coopération intercommunale, l’échelon de base de la démocratie reste la commune. Je tiens à réaffirmer très clairement, à ce stade du débat, que la réforme ne remet pas en cause l’existence des communes. Tous ceux qui tentent de faire croire le contraire cherchent à faire peur aux élus et à nos concitoyens.
En matière de coopération intercommunale, je suis d’accord avec MM. Sueur et Collombat pour souligner que la coopération intercommunale, quel que soit le nom qu’on lui donne, ne doit pas entrer en rivalité avec les communes. Elle doit au contraire les fédérer, être un outil à leur service.
En revanche, je ne suis pas du tout mes collègues sur la question du mode de scrutin dans les petites communes : il n’y a pas de politisation de la vie municipale dans les communes de moins de 500 habitants.
M. Pierre-Yves Collombat. Mais si !
M. Hervé Maurey. Ceux qui prétendent le contraire mentent effrontément ou n’ont jamais rencontré un maire de petite commune ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Pierre-Yves Collombat. Arrêtez !
M. Hervé Maurey. Je connais un maire socialiste, par ailleurs conseiller général, dont la commune franchira prochainement le seuil des 3 500 habitants. Il en est très malheureux, car, à l’avenir, deux listes devront nécessairement s’affronter : l’une dite de droite, l’autre dite de gauche, alors que, jusqu’à présent, il constituait une liste unique regroupant des personnes venues de tous horizons politiques et mues par le seul intérêt général.
Pour l’heure, je le répète, dans les communes de moins de 500 habitants, il n’y a pas de politisation de la vie municipale. Tous les nombreux maires que je rencontre – je ne crois pas que ceux de l’Eure soient très différents des autres – sont résolument opposés à un abaissement du seuil prévu. C’est pourquoi, comme je l’ai déjà annoncé, je proposerai au contraire de le relever de 500 à 1 500 habitants.
M. Michel Charasse. Très bien !
M. Hervé Maurey. Je vous invite instamment, chers collègues de l’opposition, à aller sur le terrain à la rencontre des maires. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Peut-être rencontrez-vous moins d’élus de terrain que moi parce que vous avez été élus à la proportionnelle. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Dominique Voynet. C’est nul !
Mme Annie David. C’est de la provocation gratuite !
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, sur l'article.
M. Dominique Braye. Ce débat très intéressant reflète la diversité de nos expériences.
Il a été dit et répété en de nombreuses occasions, ici même et en d’autres lieux, que la commune est la cellule de base de la démocratie,…
M. Pierre Hérisson. Très bien !
M. Dominique Braye. … certains allant jusqu’à affirmer que la commune est à la démocratie ce que la cellule biologique est au corps humain, c'est-à-dire sa composante vitale. Le président Larcher se plaît d’ailleurs à dire que les Français connaissent et plébiscitent deux élus : le Président de la République et le maire. Je crois que c’est la réalité.
Cela étant, encore faut-il que les dispositions que nous allons voter correspondent bien à cette pétition de principe. Or, toutes les simulations qui ont été faites, en particulier par l’Assemblée des communautés de France, qui représente tout de même 1 100 EPCI regroupant 35 millions d’habitants, monsieur Collomb,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et l’Association des maires de France ? Elle représente plus de 60 millions de Français !
M. Dominique Braye. … montrent que si le dispositif de l’article 3, dans sa rédaction actuelle, s’applique très bien aux grosses intercommunalités, telles que les communautés urbaines ou les futures métropoles, ou à celles dont les communes membres ne présentent pas de différences de population trop fortes – je pense par exemple à la communauté d’agglomération de Bayonne-Anglet-Biarritz ou à la communauté de communes de notre collègue Guéné, qui compte quelque 3 200 habitants répartis de manière équilibrée dans seize communes –, il n’en va pas du tout de même pour les communautés d’agglomération et les communautés de communes dont la ville-centre pèse très lourd par rapport à la quarantaine ou à la cinquantaine de communes qui l’entourent. C’est le cas à Aurillac, chez notre collègue Mézard, ou à Saint-Flour, chez notre collègue Jarlier, ainsi que dans la communauté de communes du président Larcher : la ville-centre y détient actuellement sept sièges sur trente-six ; avec le nouveau système, vingt-trois sièges sur quarante-six lui reviendront, et toutes les autres communes n’auront plus qu’un siège. Autrement dit, il suffira à la ville-centre de rallier une autre commune pour pouvoir imposer sa volonté. Ce n’est pas l’esprit de l’intercommunalité !
J’en veux pour preuve, mes chers collègues, que tous les maires de ville-centre ici présents ont minoré le poids de celle-ci quand ils ont voulu créer une intercommunalité, afin de rassurer les petites communes, en leur montrant qu’il ne s’agissait pas de les écraser. Va-t-on maintenant changer les règles du jeu et restreindre leur représentation au sein de l’intercommunalité, au profit de la ville-centre ? Elles seront alors prises au piège, et réduites à l’impuissance.
Si le dispositif demeure en l’état, l’alternative sera la suivante : soit les maires des petites communes se désintéresseront complètement de l’intercommunalité et ne viendront plus y siéger ; soit, au contraire, ils se regrouperont et s’organiseront pour s’opposer à la ville-centre. Monsieur le secrétaire d’État, vous allez susciter, entre les villes-centres et leur périphérie, des oppositions qui n’existaient pas auparavant. J’appelle votre attention sur ce problème particulièrement important.
Mes chers collègues, est-ce nous sénateurs, défenseurs des territoires, des élus locaux et des collectivités territoriales,…
Mme Nathalie Goulet. Et renouvelables !
M. Dominique Braye. … qui allons faire subir cela aux maires des petites communes ? Allez donc le leur expliquer si vous y tenez, mais alors vite, avant 2014 ! (M. Michel Charasse applaudit.)
Mme Nathalie Goulet. Avant 2011 !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, sur l'article.
M. Jean-Claude Peyronnet. Concernant l’élection des délégués communautaires dans les communes de moins 500 habitants, je ne partage pas du tout le sentiment de M. Maurey.
M. Hervé Maurey. Allez à la rencontre du terrain !
M. Jean-Claude Peyronnet. Le scrutin uninominal dans lequel on peut rayer des noms sur une liste est plus favorable à ceux qui ne font rien qu’à ceux qui travaillent beaucoup, dont il est toujours facile de dénigrer l’action.
En tout état de cause, on constitue déjà des listes dans les petites communes.
M. Michel Charasse. Elles ne sont pas complètes !
M. Jean-Claude Peyronnet. En effet, et pour notre part nous proposerons de maintenir la possibilité de présenter des listes incomplètes, tout en éliminant celle d’être élu sans avoir été candidat.
Cela étant dit, là n’est pas l’essentiel : la question de l’éventuelle suppression des communes est autrement importante.
Il est vrai qu’il n’est nulle part écrit que l’on va supprimer les communes. Au contraire, chacun se pose en défenseur de la proximité et y va de sa louange aux maires et aux 550 000 conseillers municipaux de notre pays. Pourtant, notre conviction profonde est que cela ne correspond pas à la logique de ce texte. Il en va de même pour les départements : en dépit de l’attachement unanimement proclamé à cet échelon territorial, nous pensons que leur suppression est inscrite en filigrane dans le projet de loi, d’ailleurs inspiré par le rapport Balladur, lequel évoque l’ « évaporation » des départements et prône en outre clairement la constitution de « communes nouvelles ». Ne subsisteraient alors plus que deux niveaux : l’intercommunalité et les communes nouvelles, d’une part, la région, d’autre part.
Je suis conscient que le projet du Gouvernement ne va pas jusque-là. Il ne sera pas très facile de créer des communes nouvelles, l’obligation de recourir à un référendum en l’absence de consensus entraînant un blocage définitif du processus. Cependant, imaginez que l’on mette en place une incitation financière, comme en prévoyait la loi Chevènement – certes, l’État est actuellement plutôt impécunieux, mais cette situation peut changer d’ici à quelques années, par exemple grâce à une montée de l’inflation –, et si elle se conjugue à un étranglement budgétaire des communes, les maires se précipiteront dans une voie qui mènera à la disparition de celles-ci. Telle est, j’en suis convaincu, la logique ultime du présent projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, sur l’article.
M. Jean-Pierre Chevènement. Je viens d’entendre tous les arguments des partisans de l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel par la voie du fléchage. Apparemment, ce système est plus démocratique que la désignation directe des délégués par les conseils municipaux.
Je voudrais attirer l’attention sur l’esprit de l’intercommunalité. Jusqu’à présent, l’intercommunalité était une coopérative de communes. Avec l’élection des délégués communautaires selon le système du fléchage et la multiplication des communes où s’appliquera le scrutin proportionnel de liste, vous allez introduire dans les conseils communautaires les divergences idéologiques et politiques séparant les différentes listes. C’est inévitable.
Cela est plus démocratique, nous dit-on, mais je voudrais souligner que si les états-majors décident très vite, il faut du temps pour percevoir les conséquences de ce que l’on veut.
La désignation des conseils communautaires selon ce système va entraîner une politisation, pas forcément au bon sens du terme. Certes, la politisation peut évidemment être positive, lorsqu’elle a trait aux grandes options idéologiques, mais en l’occurrence on verra apparaître, s’agissant de projets très concrets, tels que la création d’un gymnase ou la définition d’un intérêt communautaire sur telle ou telle voirie, des majorités quasiment automatiques, qui obéiront beaucoup plus à des présupposés politiques qu’à des considérations de terrain. Cela aussi est inévitable.
Je reconnais n’y avoir pas moi-même spontanément pensé. C’est au fil du temps que je suis arrivé à cette conclusion : ce mode de scrutin par fléchage va transformer l’esprit de l’intercommunalité, qui ne sera plus une coopérative de communes, mais deviendra un quatrième niveau de collectivité. Tel est bien l’objectif visé, au fond, par le projet de loi.
En effet, je ne suis pas convaincu par l’argument développé par M. Maurey tout à l’heure, selon lequel nul ne conteste que la commune est l’échelon de base de la démocratie et est à ce titre intangible. En réalité, les communes nouvelles constituent une innovation déjà inquiétante à cet égard, parce qu’une telle structure pourra être créée sur l’initiative d’un préfet ou d’un EPCI désireux d’absorber les communes qui le constituent.
Au-delà, c’est l’intercommunalité même, dont vous aurez transformé l’esprit, qui va inéluctablement diminuer la légitimité des maires. Jusqu’à présent, ces derniers choisissaient dans une très large mesure les délégués communautaires qui allaient les assister pour défendre leur commune. À partir du moment où l’élection de ces délégués se fera par fléchage, ils seront désignés dans l’ordre des listes. Des majorités ou des minorités de rencontre se formeront donc forcément à l’échelon du conseil communautaire. Vous aurez alors pollué, sans l’avoir voulu, l’esprit de l’intercommunalité.
En diminuant la légitimité des maires, vous ferez inévitablement s’estomper le rôle des communes. Je ne pense pas que ce soit ce que vous voulez, mais je vous garantis que c’est le résultat auquel vous aboutirez en faisant adopter en l’état le dispositif.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. Si cette discussion a parfois tendance à s’égarer, cela est dû à l’organisation du projet de loi.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas du tout !
M. Yves Daudigny. Par exemple, sauf erreur de ma part, la mention du seuil de 500 habitants ne figure pas dans le texte. Cela étant, il sera toujours possible, dans une petite commune, de présenter une liste d’intérêt local, comme cela se pratique déjà souvent, un scrutin de liste ne se traduisant pas obligatoirement par un affrontement dur entre deux sensibilités politiques. Tel n’est pas, cependant, l’objet de mon intervention.
Je préside le conseil général d’un département comptant 535 000 habitants et 816 communes. Il s’agit du deuxième département français par le nombre de communes, après le Pas-de-Calais. Je veux réaffirmer ici mon attachement à l’échelon communal en tant qu’échelon de base de l’organisation territoriale dans notre pays. La commune est bien, comme cela a déjà été dit, l’unité de base de la démocratie, l’unité de base du fonctionnement social, le lien entre les habitants et le premier niveau d’initiative, à la condition bien sûr que le maire ait toute sa légitimité et dispose d’un pouvoir réel, dans le cadre d’institutions qui demeureraient semblables à ce qu’elles sont aujourd’hui.
C’est là, monsieur Maurey, que je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous. Je voudrais bien vous croire, quand vous affirmez que ce projet de loi tend à protéger et à renforcer la commune. Mais son article 8 instaure la commune nouvelle, qui sera certes constituée sur la base du volontariat, mais aussi sur l’initiative du représentant de l’État dans le département !
On nous explique qu’il s’agit seulement de remplacer la loi Marcellin et que le nouveau dispositif ne fonctionnera pas davantage que cette dernière. En ce cas, et si vous ne voulez pas que ce texte soit le vecteur de la fusion des communes, le plus simple est de voter contre l’article 8 ou de le retirer du projet de loi. Si vous le maintenez et si vous l’approuvez tel qu’il est, cela signifie bien que ce texte est sous-tendu par la volonté de supprimer l’échelon communal et de fusionner les communes au sein de communes nouvelles.
J’en reviens à la défense de la commune comme cellule de base de notre organisation territoriale. La commune est moderne, elle n’appartient pas au passé, mais elle ne pourra s’inscrire dans l’avenir que si elle participe à une intercommunalité. Si un projet de loi était nécessaire, c’était bien pour clarifier le lien entre communes et intercommunalités, s’agissant en particulier de l’élection des conseillers communautaires. Comme cela a déjà été dit, plusieurs options étaient possibles à cet égard. Certains allaient jusqu’à préconiser l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires. Pour ma part, j’estime que la proposition qui nous est ici présentée peut être une solution de compromis. Elle permettrait de rendre plus simple et plus lisible la désignation des conseillers communautaires, tout en sauvegardant la légitimité et le pouvoir des maires.
M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger, sur l’article.
M. Yves Krattinger. Nous sommes en réalité presque tous d’accord pour estimer que l’intercommunalité a sauvé les petites communes, qui étaient souvent dans l’incapacité de répondre seules aux attentes de nos concitoyens. L’intercommunalité leur a ainsi permis d’assurer à leurs habitants des services qu’elles n’étaient pas en mesure de leur rendre auparavant, particulièrement dans le milieu rural.
Cela étant, si les maires s’approprient les réalisations permises par l’intercommunalité, en omettant au passage de mentionner qu’elle est à leur origine, ils rejettent sur elle la responsabilité des manques constatés. Dès lors, il apparaît souhaitable de mettre davantage en lumière, lors des élections, la question de l’intercommunalité. Tous les membres de la mission Belot s’étaient rejoints sur ce point.
Le fléchage pour l’élection des délégués communautaires nous est apparu, à ce stade du développement de l’intercommunalité, comme étant la seule solution, et je me réjouis qu’elle ait été retenue. Elle permettra à ceux qui construisent une liste de déterminer, avant les élections, qui siégera à l’échelon communautaire. Ce point me semble important. Avec l’abaissement du seuil à 500 habitants, accepté par l’Association des maires de France – je tiens ici à rendre hommage à son président, Jacques Pélissard –, nous disposerons d’un outil qui permettra d’introduire dans le débat électoral communal, au bénéfice d’un très grand nombre de nos concitoyens, la notion de représentation communautaire et de sécuriser l’élection du maire au conseil de l’intercommunalité.
En effet, jusqu’à présent, certains maires avaient parfois du mal à obtenir d’un conseil municipal à la composition complexe leur délégation au conseil communautaire. J’en ai connu qui ne parvenaient pas à se faire désigner ou qui ne voulaient pas passer sur le corps de leurs conseillers municipaux pour y réussir. Avec le nouveau dispositif, cette difficulté sera levée. Sur ce point, je ne cacherai pas ma satisfaction, car il est très important que les maires puissent siéger au conseil de l’intercommunalité.
Nous avons évoqué la possibilité d’abaisser le seuil jusqu’au premier habitant, comme l’a proposé courageusement la Fédération nationale des maires ruraux. Nous ne sommes peut-être pas en situation de le faire aujourd’hui, et il convient de ne pas brûler les étapes, mais cette question méritera néanmoins d’être posée.
Fort d’une expérience de trente-neuf années, je ne crois pas que, en milieu rural, l’existence de deux listes signifie nécessairement que l’une soit de droite et l’autre de gauche. Affirmer cela, c’est faire preuve d’une méconnaissance du monde rural. Certes, le cas peut parfois se présenter, mais il est minoritaire. Dans les campagnes, le maire, qu’il soit de droite ou de gauche, fait en général la liste « de son mieux » – je parle en connaissance de cause ! –, ce qui conduit souvent à des mélanges. Quoi qu’il en soit, quand sur une liste le nombre de candidats inscrits est égal à celui des sièges à pourvoir, les intéressés peuvent au moins se regarder dans les yeux sans honte. Il n’en va pas toujours de même en ce qui concerne les listes à rallonge, comme on en voit aujourd’hui…
Il s'agit là d’une étape importante, et il serait bon, parce que nous nous sommes rarement entendus depuis le début de ces débats, que nous la franchissions tous ensemble, afin de pouvoir la présenter conjointement aux maires. Je me suis rendu dans vingt-cinq départements pour y tenir des réunions sur ce sujet : les gens demandent des explications, mais quelle que soit leur tendance politique, ils ne manifestent pas d’opposition de fond.
M. le président. L'amendement n° 123, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Une fois encore, le Gouvernement nous demande de nous prononcer sur un dispositif, tout en renvoyant à plus tard la définition d’un certain nombre de modalités. Or les précisions à venir conditionnent la façon dont s’organisera, en l’occurrence, l’intercommunalité.
Comme d’autres orateurs l’ont souligné avant moi, la genèse de ce projet de loi, depuis les travaux du comité Balladur, montre bien qu’il s'agit ici, pour une bonne part de ses inspirateurs, d’une première étape, l’objectif étant à terme d’intégrer les communes dans les intercommunalités, avant de les supprimer en tant que collectivités locales de plein exercice.
Comme nous refusons absolument cette évolution, nous proposons la suppression de l’article 2.
Certes, vous affirmez que vous envisagez une élection des délégués communautaires par fléchage, mais cet élément ne figure pas dans le projet de loi. En outre, les articles suivants et certains projets relatifs aux intercommunalités laissent penser que l’on entend transformer progressivement ces dernières en collectivités locales. À terme, puisqu’il ne peut y avoir de double légitimité, les communes seraient dissoutes dans les communes nouvelles, les métropoles ou autres formes d’intercommunalité.
Cette perspective n’est absolument pas satisfaisante. Avant d’aller plus loin dans l’examen de ce texte, il faudrait que le Gouvernement précise clairement dès maintenant ce qu’il entend faire de l’intercommunalité.
C’est pourquoi je défends la suppression de cet article. Si le mode de scrutin était précisé, si la conception coopérative de l’intercommunalité était réaffirmée, peut-être pourrions-nous revoir notre position. En effet, nous ne sommes bien évidemment pas hostiles par principe à l’intercommunalité, mais celle-ci peut être entendue de bien des façons… Hélas, nous pouvons craindre que la conception que vous en avez ne soit pas du tout celle que nous défendons !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’élection des délégués communautaires au suffrage universel direct constitue selon nous une réforme importante, qui permettra de renforcer la légitimité des intercommunalités aux yeux de nos concitoyens. En effet, ces derniers participeront ainsi directement à la désignation de ceux des conseillers municipaux qui seront délégués communautaires.
Il s'agit là d’un progrès considérable, auquel nous tenons. La commission des lois a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le débat que nous venons d’avoir a été suffisamment consensuel, me semble-t-il.
L’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct par fléchage garantit la légitimité des conseils municipaux, des maires et donc des communes, tout en renforçant le caractère démocratique du fonctionnement des EPCI, qui lèvent l’impôt mais, paradoxalement, ne sont pas, pour l’heure, concernés par le suffrage universel.
Le système du fléchage permet de répondre à cette exigence.
M. Guy Fischer. Mais pourquoi n’est-il pas inscrit dans le projet de loi ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. L’article 3 porte pour partie sur les modalités de la désignation des délégués communautaires. Nous y reviendrons en outre dans quelques semaines, lors de la discussion du « paquet électoral ».
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 508 rectifié, présenté par MM. Collin, Charasse, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier et MM. Mézard, Tropeano et Plancade, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa
« Art. L. 5211-6. - Les établissements publics de coopération intercommunale et notamment les métropoles, communautés urbaines, communautés d'agglomération et communautés de communes, sont administrés par un organe délibérant composé de délégués élus, en leur sein, par les conseils municipaux des communes membres dans les conditions fixées à l'article L. 2122-7 du présent code. » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Cet amendement vise à préserver le système actuel de désignation des conseillers communautaires par les conseils municipaux. En effet, ces derniers incarnent la légitimité de la commune.
J’entends dire que plusieurs associations de maires seraient tombées d'accord sur ce système de désignation par fléchage.
M. Michel Charasse. Elles ne savent pas ce qu’elles font !
M. Jean-Pierre Chevènement. Tout à fait, mon cher collègue ! Il leur sera peut-être beaucoup pardonné, parce qu’elles ne voient pas quelles seront les conséquences de la mise en œuvre du système du fléchage, me semble-t-il.
Je m’entretenais récemment avec le maire d’une très grande ville, qui, lui, comprenait très bien quels seraient les effets de ce mécanisme : dès lors que les listes minoritaires disposeront d’un quart de la représentation de la ville-centre, nous entrerons dans un processus aléatoire de formation de majorités de circonstance, sur des bases qui pourront être excessivement politiciennes.
Les maires ne seront plus maîtres du choix des conseillers communautaires, comme ils le sont très largement aujourd'hui : ces derniers, en réalité, ne seront pas désignés au suffrage universel ; ils seront les conseillers élus en tête de liste, tout simplement. C’est l’ordre de la liste, tout à fait rigide, qui s’appliquera, et on ne pourra le modifier en fonction de considérations pratiques.
Mes chers collègues, le système actuel est souple. Je vous mets en garde : à force de multiplier les contraintes, la loi finira par rigidifier l’intercommunalité, qu’il s’agisse de la désignation des conseillers communautaires ou de la fixation de leur nombre selon l’importance démographique de la commune. Et on ne peut pas exclure que, un jour, le Conseil constitutionnel constate que la légitimité des maires et l’existence des communes se trouvent menacées !
Je présente donc, au nom de mes collègues du groupe du RDSE, cet amendement qui se veut essentiellement pédagogique. En effet, nous savons que les partis ont déjà pris leur décision, comme d’habitude au niveau des états-majors, mais sans avoir vraiment analysé les conséquences de la mise en œuvre de ce dispositif. Quand celles-ci seront enfin perçues, il sera alors trop tard, malheureusement ! (M. Jacques Mézard applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 121, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Supprimer le mot :
métropoles,
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Il s'agit ici d’un amendement de principe.
En effet, la nouvelle rédaction de l’article L. 5211-6 du code général des collectivités territoriales que vous nous soumettez, monsieur le secrétaire d'État, fait référence à un objet juridique non identifié : la métropole.
Cette notion n’existe pas dans notre arsenal juridique. Elle ne sera créée qu’à l’issue de nos débats, avec l’adoption définitive de ce projet de loi, et n’apparaîtra qu’au cours de la discussion de l’article 5. Par conséquent, la mentionner dès l’article 2 pose problème.
Aussi, comment accepter de préciser dès maintenant que les métropoles seront administrées par des délégués des communes membres ? Une fois encore, nous sommes confrontés à un texte global dont on pourrait considérer qu’il est mal construit s’il ne relevait pas en fait d’une tactique visant à faire accepter certaines propositions avant même que leur bien-fondé ne soit discuté.
Or, puisque nous sommes opposés à la création des « métropoles », nous ne pouvons que demander la suppression de ce terme à cet endroit du texte. Si nous ne le faisions pas, nous laisserions penser que nous pouvons nous satisfaire de la création de ce nouveau type d’intercommunalité, alors qu’il ne saurait en être question.
M. le président. L'amendement n° 509 rectifié bis, présenté par MM. Charasse, Collin, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier et MM. Mézard, Tropeano, Vall et Plancade, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Supprimer les mots :
élus au suffrage universel direct
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Il s'agit d’un amendement de coordination, cohérent avec les arguments que j’ai déjà développés.
Je suis très attaché à l’intercommunalité, et je veux vous mettre en garde contre ce que vous allez faire par inadvertance. En croyant bien faire, en imaginant aller dans le sens de la démocratie, vous allez, me semble-t-il, rigidifier de façon tout à fait excessive le fonctionnement des conseils communautaires. Cela aura été dit !
M. Michel Charasse. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 122, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après les mots :
membres élus
insérer les mots :
dans le cadre de l'élection municipale
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Je ne reviendrai pas sur l’argumentaire qui a fondé notre demande de suppression de l’article 2 dans son ensemble. Chacun comprendra que je défends ici un amendement de repli.
Notre objectif est d’ancrer le scrutin pour l’élection des délégués communautaires, pour le lier aux élections municipales. Inscrire cette précision dans le texte ne dissiperait pas toutes nos inquiétudes, mais elle les apaiserait pour partie. Et si nos craintes sont infondées, rien ne vous empêche, chers collègues de la majorité, de voter en faveur de cet amendement !
M. le président. L'amendement n° 71 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Bailly, Pillet, Pinton, Mayet, Trillard, Houel et Cornu et Mme Rozier, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après les mots :
suffrage universel direct
insérer les mots :
pour toutes les communes dont le conseil municipal est élu au scrutin de liste,
La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Il s'agit d’un amendement de précision.
L’alinéa 3 du présent article vise à généraliser l’élection des délégués communautaires au suffrage universel par fléchage à toutes les communes. Or je n’y suis favorable que pour les communes où s’applique le scrutin de liste. Dans les autres, où se pratique le panachage, j’estime que c’est le conseil municipal qui doit continuer à désigner les délégués communautaires. Il me semble important de préciser ce point dès maintenant.
Un prochain projet de loi fixera le seuil de population à partir duquel les conseils municipaux seront élus au scrutin de liste. Pour ma part, je préférerais que le seuil retenu soit de 2 000 ou de 2 500 habitants, afin d’éviter une politisation excessive du scrutin dans les communes rurales. Même si certains ici pensent le contraire, je suis persuadé que ce risque est avéré, et je tiens absolument à éviter une telle évolution : dans ces communes, l’intérêt général doit primer sur toute autre considération.
M. le président. L'amendement n° 619 rectifié, présenté par M. Maurey, Mme Morin-Desailly, M. Dubois et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Alinéa3, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Des délégués suppléants en nombre identique à celui des délégués titulaires des communes membres sont élus dans les modalités fixées par la loi dans la limite du nombre des membres du conseil municipal.
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Cet amendement vise à instaurer des délégués communautaires suppléants. Cette création me semble particulièrement nécessaire dans la mesure où, dans la prochaine répartition des sièges au sein des conseils communautaires, certaines communes ne disposeront plus que d’un seul siège. Il convient que celles-ci puissent être représentées et défendues si le délégué titulaire est empêché.
Cette disposition m’a été suggérée par les maires avec lesquels je suis en contact sur le terrain. En effet, nombre de conseils municipaux s’inquiètent du fait qu’ils n’auront plus qu’un seul délégué au sein de l’établissement public de coopération intercommunale, alors que ce cas de figure reste aujourd'hui assez rare. L’adoption de cet amendement permettrait de les rassurer.
M. le président. L'amendement n° 512 rectifié bis, présenté par MM. Charasse, Collin, Baylet et Barbier, Mme Laborde, M. Fortassin, Mme Escoffier et MM. Mézard, de Montesquiou, Tropeano, Plancade et Vall, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'une commune ne dispose que d'un seul délégué, elle désigne dans les mêmes conditions un délégué suppléant qui peut participer avec voix délibérative aux réunions de l'organe délibérant en cas d'absence du délégué titulaire et si celui-ci n'a pas donné procuration. »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Il s’agit d’une disposition très simple. Dans la mesure où de plus en plus de communes ne seront à l’avenir représentées que par un seul délégué, nous proposons que le conseil municipal soit obligé de désigner un délégué suppléant qui remplacera le délégué titulaire absent, si ce dernier n’a pas donné procuration.
Si le délégué titulaire donne procuration, pas de problème. Dans le cas contraire, c’est le délégué suppléant qui participera aux réunions, avec voix délibérative.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission souhaite que les délégués communautaires soient élus au suffrage universel direct. Elle émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 508 rectifié, qui vise à maintenir la désignation par les conseils municipaux.
La commission émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 121, qui tend à supprimer le mot « métropoles ». Or la commission considère que la création des métropoles est nécessaire, car elle constitue une avancée importante pour la compétitivité de nos plus grandes agglomérations.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elles seront créées après !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 509 rectifié bis étant contraire à la position de la commission sur la désignation des délégués communautaires au suffrage universel direct, l’avis est défavorable.
M. Michel Charasse. Voilà comment on traite le père de l’intercommunalité ! (Sourires.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 122 vise à prévoir que les conseillers communautaires seront élus dans le cadre de l’élection municipale. Cela va de soi, mais ce sera encore plus clair en le disant. C’est pourquoi la commission émet un avis favorable.
L'amendement n° 71 rectifié tend à écarter, pour les communes dont les conseillers municipaux ne sont pas élus au scrutin de liste, l’application du principe suivant lequel les conseillers communautaires sont élus au suffrage universel direct, en raison des difficultés techniques de l’organisation d’un tel scrutin dans ce cas. Cette proposition est tout à fait opportune, et l’avis de la commission est donc favorable.
M. Rémy Pointereau. Très bien !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 619 rectifié tend à prévoir la création de délégués communautaires suppléants pour tous les délégués titulaires. Or, quand une commune compte plusieurs délégués titulaires, procuration peut être donnée à un autre délégué titulaire en cas d’absence de l’un d’entre eux. La commission préfère l’amendement n° 512 rectifié bis, qui a le même objet mais vise spécifiquement le cas des communes ne comptant qu’un seul délégué, et elle demande donc le retrait à son profit de l’amendement n° 619 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 508 rectifié, à regret car les lois Chevènement sur l’intercommunalité ont marqué une étape importante.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur les amendements nos 121 et 509 rectifié bis. En revanche, il est favorable à l'amendement n° 122, ainsi qu’à l'amendement n° 71 rectifié.
Enfin, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 512 rectifié bis, dont la rédaction semble plus simple et plus judicieuse que celle de l’amendement n° 619 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote sur l'amendement n° 508 rectifié.
M. Jean-René Lecerf. L’enfer étant pavé de bonnes intentions, je crains que l’amendement n° 508 rectifié n’aille à l’encontre de l’objectif visé par ses auteurs.
Trois systèmes sont possibles pour la désignation des délégués communautaires.
Le mécanisme actuel est fondé sur l’élection au suffrage universel indirect, qui est déjà une forme du suffrage universel. Je partage le point de vue exprimé par M. Collombat : comme lui, je ne pense pas que ce mode d’élection soit encore longtemps tenable, en raison de l’évolution des pouvoirs de l’intercommunalité, qui exige de renforcer la légitimité des élus communautaires.
Par ailleurs, en ce qui concerne le recours au suffrage universel direct, si le projet de loi retient le système du fléchage, qui me semble respecter très largement les communes, il existe une autre modalité, qui a toujours eu la préférence de Pierre Mauroy ou de Bernard Roman, ancien président de la commission des lois de l’Assemblée nationale et rapporteur du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, comme l’a rappelé Mme Voynet tout à l’heure, ainsi que d’une grande partie de nos collègues du groupe socialiste siégeant au sein de la commission des lois du Sénat : l’élection au suffrage universel direct par scrutin de liste à l’échelle de l’intercommunalité.
Avec ce dernier mode de scrutin, il pourrait y avoir des maires « gagnants-perdants ». En effet, certains maires nouvellement élus mais ne figurant pas sur la liste parvenue en tête du scrutin à l’échelon intercommunal ne seront pas désignés délégués communautaires. Pis encore, c’est leur adversaire malheureux des élections municipales qui pourra occuper ce siège, s’il figurait, lui, sur la « bonne » liste à l’échelon communautaire !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Jean-René Lecerf. Si nous adoptons cette forme d’élection au suffrage universel direct, ce sera la mort annoncée de nos communes !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est évident !
M. Jean-René Lecerf. Le système retenu dans le projet de loi permet à la fois de renforcer la légitimité des délégués communautaires et de préserver l’existence des communes.
Avec cet amendement, nos collègues du RDSE me semblent aller contre leurs propres convictions.
M. Michel Charasse. Pas du tout !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 509 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Maurey, l'amendement n° 619 rectifié est-il maintenu ?
M. Hervé Maurey. Non, monsieur le président, je le retire au profit de l'amendement n° 512 rectifié bis, même si celui-ci me semble un peu restrictif.
M. le président. L'amendement n° 619 rectifié est retiré.
La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote sur l'amendement n° 512 rectifié bis.
M. Gérard Collomb. L’une des faiblesses de ce projet de loi est de vouloir mettre toutes les intercommunalités sur le même plan.
M. Dominique Braye. Très juste !
M. Gérard Collomb. Je veux bien que toutes les communes ne disposant que d’un siège de délégué communautaire puissent désigner un suppléant, mais, sur les cinquante-sept communes qui composent la communauté urbaine de Lyon, quarante relèvent de ce cas de figure ! Ce ne sera plus un conseil communautaire, ce sera l’auberge espagnole ! Je ne saurai jamais quels seront mes interlocuteurs, puisque ce sera tantôt le délégué titulaire, tantôt le délégué suppléant qui siégera.
M. Michel Charasse. Cela se passe comme ça au comité des finances locales !
M. Gérard Collomb. S’il en va de même au sein des commissions, cela deviendra totalement ingérable ! Et encore, la communauté urbaine de Lyon n’est pas celle qui compte le plus de communes : à Lille, par exemple, il y en a 122 !
Le cas échéant, il faudrait restreindre le champ du dispositif de cet amendement aux intercommunalités de moins de 40 communes.
M. Michel Charasse. Non !
M. Gérard Collomb. Au-delà, ce sera ingérable ! On n’aura jamais affaire deux fois de suite à la même personne, et chaque nouvel interlocuteur demandera à réétudier le dossier ! Ce sera extrêmement complexe !
M. Michel Charasse. C’est comme cela au comité des finances locales !
M. Gérard Collomb. Mon intercommunalité suit à l’heure actuelle 800 projets d’investissement : comment traiter tous ces dossiers si, à chaque fois, titulaires et suppléants alternent ? Nous allons faire du sur-place, et ce texte, loin de booster les grandes agglomérations et les métropoles, va leur donner un terrible coup de frein !
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.
M. Dominique Braye. Compte tenu de ce que je viens d’entendre, je suis obligé de prendre la parole !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On n’est jamais obligé de prendre la parole !
M. Dominique Braye. Je m’y sens obligé !
Avec ce projet de loi, on touche à une caractéristique du mal français : vouloir trouver une solution unique à des situations totalement différentes.
En l’occurrence, il me paraîtrait pertinent d’exclure du champ du dispositif les 16 communautés urbaines de notre pays, pour ne viser que les 2 585 autres communautés.
Mme Nathalie Goulet. Ce serait logique !
M. Dominique Braye. Je ne doute pas que le problème soulevé par M. Collomb soit réel, même si je connais mieux la communauté urbaine de Bordeaux que celle de Lyon. Il serait bon de le prévenir en rectifiant l’amendement dans le sens que j’ai indiqué.
M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger, pour explication de vote.
M. Yves Krattinger. Il faut traiter la question au fond. Dans les métropoles, dans les communautés urbaines, la mise en œuvre d’une telle disposition dégradera, à mon sens, les conditions du débat.
M. Michel Charasse. Non !
M. Yves Krattinger. Mais si ! Dans une métropole, les fonctions à assurer ne sont pas de même nature que dans une intercommunalité plus modeste. Cela compliquera les relations avec la technostructure, qui sont indispensables pour faire avancer ces entreprises publiques que sont les grandes agglomérations.
Autant le mécanisme proposé peut fonctionner à l’échelon d’une communauté de communes,…
M. Dominique Braye. Et dans les 174 communautés d’agglomération !
M. Yves Krattinger. … autant son application sera problématique dans les intercommunalités de grande dimension.
En effet, un conseil d’agglomération ou de métropole ne peut pas être une auberge espagnole. Les relations ne sont pas les mêmes dans les communautés de communes, souvent situées en milieu rural. Elles sont fondées sur un consensus local, et tout le monde est présent.
Je serais donc assez favorable au dépôt d’un sous-amendement tendant à viser exclusivement les communautés de communes…
M. Dominique Braye. Pas du tout ! Les communautés d’agglomération, elles aussi, sont preneuses !
M. Yves Krattinger. Chacun son point de vue, mon cher collègue. Je considère simplement qu’il convient d’exempter des conseils d’agglomération comme ceux de Nantes, de Bordeaux…
M. Dominique Braye. Ce sont des communautés urbaines maintenant !
M. Yves Krattinger. Soit, mais je maintiens que le mécanisme n’est pas adapté pour les communautés d’agglomération, les communautés urbaines et les métropoles, où les délégués ne peuvent délibérer sans avoir une connaissance suffisante de dossiers à forts enjeux politiques ou financiers. Il faut assurer une continuité dans le suivi et la prise de décision, sinon le jeu devient assez dangereux. Il convient donc, à mon avis, de tester d’abord le dispositif à l’échelon des communautés de communes.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Je fais mienne l’argumentation de M. Yves Krattinger. J’y ajouterai deux éléments.
Certains d’entre nous se sont inquiétés de la possibilité d’une politisation excessive des assemblées intercommunales. Il me semble que ce risque serait accru si le suppléant était amené à remplacer au pied levé un maire. En effet, dans de nombreuses communes ne comptant qu’un seul délégué, celui-ci est le maire. Lui seul peut, en travaillant avec ses égaux dans le cadre d’un échange construit, nourri et prolongé, faire évoluer la position de sa commune. Le suppléant, en revanche, aura souvent un mandat impératif, et la discussion souffrira alors d’un manque de souplesse, ce qui ne permettra pas de faire évoluer les positions des uns et des autres jusqu’au nécessaire consensus.
Depuis que nous débattons des conseils communautaires et de leur mode d’élection, nous occultons un fait incontournable pour qui a l’expérience de la coopération intercommunale : les votes sont en définitive assez rares dans un conseil communautaire. On n’y passe pas son temps à calculer le nombre de voix dont disposent la majorité et l’opposition. L’un des avantages essentiels de l’intercommunalité, que ce soit dans les communautés de communes, dans les communautés d’agglomération ou dans les communautés urbaines, est d’être un lieu dans lequel on cherche à construire une majorité d’idée qui souvent transcende les étiquettes politiques, pour aboutir sinon au consensus, du moins à un très large accord.
Nous ne devrions donc pas adopter de façon hasardeuse des mesures qui pourraient mettre en péril cette recherche du consensus. Je fais mienne la proposition d’Yves Krattinger : procédons de manière expérimentale, en prévoyant la possibilité de désigner un suppléant pour les seules communautés de communes. Nous verrons ensuite si le dispositif est fécond et mérite d’être étendu ou si, au contraire, sa mise en œuvre conduit à une perte, en termes de qualité des débats et d’efficacité dans la recherche du consensus.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Je ne pensais pas que ce petit amendement technique méritait un tel débat. Mes chers collègues, gardons notre sang-froid !
Après le vote de ce projet de loi, un grand nombre de communes, qui ont actuellement deux, voire trois délégués, n’en compteront plus qu’un.
M. Pierre Hérisson. C’est vrai !
M. Michel Charasse. Autrement dit, quand le délégué ne peut pas être présent, la commune n’est pas représentée à la réunion du conseil. Bien entendu, il peut toujours donner procuration à un collègue d’une autre commune, en lui indiquant, chère Dominique Voynet, dans quel sens voter. Le délégué a tout de même une sorte de mandat impératif.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est tout à fait différent !
M. Michel Charasse. Je propose, avec plusieurs de mes amis, que dans le cas où la commune a un seul délégué, et dans ce cas seulement, un délégué suppléant soit obligatoirement désigné et remplace le titulaire s’il ne peut pas venir et, cher Gérard Collomb, s’il n’a pas donné procuration. Le délégué suppléant interviendra donc plutôt dans des cas exceptionnels,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. Michel Charasse. … lorsque le titulaire ne pourra pas être présent, lorsque la question sera très importante pour la commune et lorsque le conseil municipal lui aura, par exemple, demandé d’intervenir en conseil pour faire valoir son point de vue et les légitimes intérêts de la commune.
De grâce, arrêtons d’écraser les petites communes, ça suffit ! Elles ont tout de même le droit d’être entendues ! (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. Dominique Braye. Bravo !
M. Michel Charasse. J’ajoute, cher Gérard Collomb, que je suis le plus ancien membre du comité des finances locales et que ce comité dispose d’un système de suppléants et de remplaçants. Jamais le comité ne s’est prononcé deux fois de suite avec les mêmes votants au titre des mêmes catégories de communes. Cela ne l’a pas empêché de voter et de devenir au fil des ans une instance efficace et respectée. Les élus de France ne peuvent que se féliciter du travail qu’on y fait !
Arrêtez de couper par tous les moyens la voix des petites communes ! Ça suffit ! Elles ont tout de même encore le droit de s’exprimer ! (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. Dominique Braye. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, je vais maintenant lever la séance, ce qui permettra à ceux qui le souhaitent de préparer des sous-amendements pour demain matin !
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
6
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 28 janvier 2010, à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi de réforme des collectivités territoriales (n° 60, 2009-2010).
Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 169, 2009-2010).
Avis de M. Charles Guené, fait au nom de la commission des finances (n° 198, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 170, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART