M. Jean-Patrick Courtois. Il est heureux d’être là, c’est bien chauffé. Il ne manque que la télé ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Il existe des règles en la matière, monsieur le président, et je sais que vous y veillez ! M. le conseiller se réjouit de cette idée… Il a le droit !
Puisqu’on a parlé de philosophie, je demande simplement que le Gouvernement veuille bien expliquer à la représentation nationale pourquoi il faut changer le mode de scrutin et mettre en œuvre ce scrutin à un tour.
M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger, pour explication de vote.
M. Yves Krattinger. Je n’ai pas tout à fait saisi l’analyse de M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela ne m’étonne pas !
M. Yves Krattinger. Quand on parle du scrutin régional actuel, voté d’ailleurs par la majorité, il s’agit bien d’une proportionnelle de liste avec prime majoritaire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, c’est un scrutin de liste, pas une proportionnelle !
M. Yves Krattinger. Si, et je vais essayer de le démontrer.
Au premier tour, si une liste obtient 50 % des suffrages, elle bénéficie d’une prime majoritaire de 25 %...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, c’est n’importe quoi ! Apprenez le droit électoral !
M. Yves Krattinger. … et une fois que ces 25 % sont attribués, l’ensemble des sièges est réparti à la proportionnelle au plus fort reste.
Si aucune liste n’obtient 50 % au premier tour, il y a un deuxième tour,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est donc un scrutin majoritaire !
M. Yves Krattinger. …avec des possibilités de fusion. Les listes qui réunissent plus de 10 % des suffrages peuvent participer au deuxième tour, et l’équation est la même : la liste arrivée en tête a une prime de 25 % – c’est vous qui l’avez instaurée ! – et le reste des sièges est réparti à la proportionnelle au plus fort reste.
Il s’agit donc bien d’un scrutin de liste à la proportionnelle avec une prime majoritaire de 25 % des sièges.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !
M. Yves Krattinger. Ou alors je n’ai pas bien lu les textes ! Mais, aujourd’hui, il me semble que tout le monde prépare les élections régionales sur cette base-là.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas un scrutin proportionnel : ce n’est pas difficile à comprendre !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. La démonstration d’Yves Krattinger était suffisante ; je voudrais simplement ajouter un argument.
On a longtemps dit que les régions étaient ingouvernables.
M. Bruno Sido. Plus maintenant !
M. Martial Bourquin. Pour régler ce problème, on a instauré une prime majoritaire. C’est important, car ici, quelle que soit notre appartenance politique, nous nous apercevions tous que les régions étaient ingouvernables et lorsque l’on a instauré cette prime majoritaire pour les municipales…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On a justement supprimé la proportionnelle !
M. Martial Bourquin. … les communes ont eu les moyens de gouverner.
Cette prime permet de donner une stabilité à l’exécutif et de faire en sorte que le président élu gouverne au niveau tant municipal que régional.
Qu’est-ce qui explique un tel revirement dans l’approche des choses ?
Ce changement tant de l’organisation territoriale que du mode de scrutin ne risque-t-il pas de nous replonger dans les « péchés du passé », si je puis m’exprimer ainsi, de rendre demain l’organisation territoriale ingouvernable et d’aboutir à la situation ubuesque évoquée tout à l’heure par Yves Krattinger et plusieurs orateurs, où un président qui n’a pas été élu serait repêché ?
M. Martial Bourquin. Que l’on siège à droite ou à gauche de l’hémicycle, comment allons-nous expliquer cela à nos concitoyens ? Si c’est inexplicable, il faut essayer de comprendre la raison de cette situation. Pourquoi bouleverser l’organisation territoriale ?
M. Bruno Sido. Conservateurs !
M. Martial Bourquin. Il s’agit d’un vrai problème ! Cette organisation territoriale était-elle si mauvaise ?
Tout à l’heure, M. le ministre a dit fort justement que l’on allait s’appuyer sur les propositions du Sénat. Mais nous avons déjà l’excellent rapport de la mission Belot et Krattinger, que nous avons tous voté. Pourquoi ne pas puiser dans ce rapport pour essayer de rénover l’organisation territoriale, sans toucher à ce qui marche, c’est-à-dire avoir des régions …
M. Bruno Sido. Socialistes !
M. Martial Bourquin. … des départements, des intercommunalités qui fonctionnent, en gardant des modes de scrutin qui ont fait leurs preuves et qui permettent aux présidents de région, à l’ensemble des exécutifs de gouverner ?
Mes chers collègues, nous parlons de choses extrêmement importantes ; nous ne sommes pas dans un débat politicien. (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non…
M. Martial Bourquin. On l’a dit plusieurs fois, 73 % des investissements sont réalisés par les collectivités territoriales. Si, demain, on empêche les collectivités territoriales de fonctionner, les entreprises qui profitent de l’investissement public risquent de le payer très cher et nous aussi.
Par ailleurs, si les collectivités deviennent ingouvernables, l’État n’aura plus qu’une solution, tout régenter, et à entendre certaines interventions tout à l’heure, je crains une recentralisation. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous êtes hors sujet !
M. Martial Bourquin. La plus grande conquête pour les collectivités territoriales, c’est la décentralisation, et revenir à une recentralisation serait un recul considérable.
Tenons compte de ces arguments, mes chers collègues, et essayons d’avoir un débat de fond.
M. Longuet nous a dit tout à l’heure que nous allions travailler par petits bouts.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. Martial Bourquin. Il s’agirait aujourd’hui de regrouper l’ensemble des élections et on ferait le reste après. Non, une vraie réforme territoriale doit aborder les problèmes dans leur globalité ! Au fond, pourquoi veut-on élire des conseillers territoriaux à la place des autres élus ? Que veut-on faire des régions, des départements, et des collectivités en général ? Ensuite, on abordera le regroupement des élections et les modes de scrutin.
Il faut envisager la réforme globalement. Travailler ainsi par petits bouts est intolérable ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je n’arriverai pas à convaincre ceux qui ne veulent pas l’être, mais je reprendrai l’exemple du scrutin municipal. Si on a 50 % des voix au premier tour, on est élu. Il s’agit donc bien d’un scrutin majoritaire !
La prime a été instituée pour les conseils municipaux, puis pour les conseils régionaux avec le même objectif : dégager des majorités, ce que n’assure pas la proportionnelle. D’ailleurs, la proportionnelle ne nécessite pas deux tours. S’il y a deux tours, cela signifie que l’on est dans un scrutin de liste, avec prime majoritaire. (Signes de dénégation sur les travées du groupe socialiste.) Reprenez n’importe quel manuel de droit électoral et vous serez convaincus !
M. Gérard César. Et ce n’est pas le débat !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je n’ai pas l’intention de voter un amendement qui, sur le plan technique, n’est pas convenable.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Monsieur le président de la commission, si cet amendement est mal rédigé, qu’à cela ne tienne : nous sommes prêts à le rectifier ! Pour nous, compte tenu de notre histoire, de notre vie politique, de nos structures, l’essentiel est de nous protéger du déni de démocratie que constituerait l’adoption du scrutin uninominal à un tour.
Je vous renvoie, mes chers collègues, aux résultats des élections organisées en 2004 dans le canton de Fère-en-Tardenois, situé dans le département de l’Aisne. Au premier tour, est arrivé en tête un candidat du Front national, qui avait obtenu 23 % ou 24 % des voix. En deuxième position, à quelques dixièmes, se trouvait un candidat qui se présentait sous l’étiquette « divers gauche ». La troisième place était occupée par une candidate UMP, également à quelques dixièmes du deuxième candidat. C’est elle qui a été élue au second tour.
Si le système que vous proposez avait été pratiqué à ce moment-là, c’est le premier candidat, celui qui avait recueilli moins de 25 % des voix, qui aurait été élu. Qui pourrait y voir un progrès de démocratie ? Est-ce donner plus de sens au suffrage universel que de permettre l’élection de candidats qui recueillent moins de 25 % des suffrages exprimés ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre. J’ai suivi ce débat avec intérêt. Permettez-moi de clore le premier volet, dont M. Bourquin s’est fait l’écho. On entend régulièrement dire que les collectivités locales assurent 73 % de l’investissement public civil. Encore faut-il préciser, pour l’honnêteté et la compréhension du débat, qu’elles le font avec 93,7 milliards d’euros que l’État leur accorde chaque année, et c’est normal.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes des citoyens !
M. Michel Mercier, ministre. Nous sommes tous des citoyens ! Cela n’empêche pas de s’écouter, pour autant que je sache !
Je le répète, chaque année, l’État accorde 93,7 milliards d’euros aux collectivités locales pour qu’elles puissent réaliser 73 % de l’investissement public. Je tenais à le rappeler pour que le sujet soit appréhendé dans sa totalité.
J’en viens au mode d’élection, thème sur lequel on peut dire beaucoup de choses. Et ni les uns ni les autres ne nous en sommes privés ! J’ai bien entendu ce que vient de nous dire le président du conseil général de l’Aisne.
Je me souviens aussi des raisons, dites et non dites, qui ont poussé en 1986 à l’instauration du scrutin proportionnel. Peut-être trouverait-on des motifs assez proches de ceux qui viennent d’être évoqués. Il n’y a donc pas, d’un côté, des anges blancs et, de l’autre, des gens qui font n’importe quoi !
Mais il est une règle simple : la proportionnelle est un scrutin à un tour. Nous sommes face à un choix ! Le Gouvernement fera des propositions au Parlement, lequel tranchera, en toute clarté, au moment de la discussion de la loi électorale : il aura à choisir entre un mode de scrutin majoritaire à deux tours, ce qui favorisera, bien entendu, le bi-partisme et tuera le pluralisme, et un mode de scrutin à un tour, qui contiendra une dose de proportionnelle, ce qui favorisera le pluralisme politique. Le Gouvernement a choisi le scrutin majoritaire à un tour, avec une part de proportionnelle.
Mais le débat d’aujourd’hui porte simplement sur la concomitance des scrutins. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Il est très clair que, dans cet hémicycle, il y a ceux qui votent ce qu’on leur dit de voter en ignorant où cela va les conduire (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.), et il y a ceux qui veulent en savoir plus !
Ce n’est quand même pas moi qui ai écrit l’exposé des motifs du projet de loi ! Les paragraphes I et II font dépendre du vote de ce texte l’entrée en vigueur de la réforme.
Á ceux qui me parlent de logique, je demande où est celle du projet de loi ! Est-il logique de voter un texte en se disant que l’on verra après ? Supposons que, finalement, le Parlement n’adopte pas la création du conseiller territorial, que direz-vous aux conseillers généraux qui n’auront été élus en 2011 que pour trois ans ? Ne trouveront-ils pas un peu bizarre de recommencer comme avant ?
Donc, il y a ceux qui aimeraient bien en savoir plus et ceux qui font confiance, sans être davantage informés. C’est quand même une curieuse façon d’exercer le mandat de représentant de nos concitoyens !
Monsieur le ministre, vous avez raison de dire que les collectivités locales reçoivent des aides de l’État pour leurs investissements. Mais ces aides de l’État proviennent, pour la plupart, soit du FCTVA, c’est-à-dire des impôts payés par les collectivités territoriales, soit de la DGF, dont nous savons d’où elle vient, et d’exonérations. Je rappelle, pour mémoire, l’ancien versement représentatif de la taxe sur les salaires, le VRTS. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les collectivités territoriales font un bon usage de cet argent. Je ne dirai pas la même chose de l’État !
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par MM. Peyronnet, Sueur et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy, Povinelli et Collomb, Mme Alquier, MM. Bérit-Débat, Berthou, Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet, Chastan, Courteau, Daunis, Daudigny et Fichet, Mme Ghali, MM. Guérini, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Patriat, Percheron, Rebsamen, Sergent et Signé, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le cas d'un scrutin uninominal à un tour, nul ne peut être élu s'il n'a pas recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je ne me fais pas d’illusion sur l’avis de la commission des lois : celle-ci va me dire que cet amendement n’est pas praticable. Pourtant, c’est un bon amendement, dont les conséquences sont évidentes : rendre totalement inopérant le scrutin uninominal à un tour.
Ce que nous voulons dénoncer ici, c’est le côté absolument inique du scrutin à un tour, qui permettrait l’élection d’un conseiller territorial avec 20 % ou 25 % des voix, voire moins. Sur un plan plus politique, cela signifierait probablement l’élection de candidats d’un parti d’extrême droite. En effet, dans nombre de cantons – je pense au Sud-Est, à l’Alsace ou au Nord-Pas-de-Calais –, il n’est pas du tout impossible que le Front national arrive en tête.
M. Charles Revet. C’est vous qui l’avez instauré !
M. Christian Cambon. Oui, c’est Mitterrand, en 1986 !
M. Jean-Claude Peyronnet. Ce mode de scrutin est d’autant plus mauvais qu’il favoriserait la représentation d’un parti extrémiste, aux côtés duquel personne ici, me semble-t-il, ne souhaite siéger.
Cet amendement n’est que la traduction de notre mécontentement et de notre insatisfaction, pour ne pas dire plus, face à votre proposition. Outre que celle-ci est tout à fait inacceptable, elle s’appuie sur des exemples erronés. Vous invoquez l’exemple allemand, mais il est faux : en Allemagne, il y a deux votes, un vote local et un vote national.
Dans le système que vous proposez, on ne compte que les voix des candidats qui n’ont pas été élus. Bref, c’est un mauvais système ! Nous le dénonçons par cet amendement clin d’œil, qui a la vertu de mettre l’accent sur ce qui nous paraît inacceptable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Aux termes de cet amendement, il est prévu que, dans le cadre d’un scrutin à un tour, les candidats doivent recueillir plus de 50 % des voix pour être élus.
Il n’est pas inutile de faire remarquer que, même dans les scrutins à deux tours, cette condition n’est pas imposée. En effet, dans le cas de triangulaire, c’est le candidat qui a reçu le plus de voix, même s’il a obtenu moins de 50 % des voix, qui est élu.
Cet amendement est inapplicable. La commission y est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par MM. Bodin, Peyronnet, Sueur et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy, Povinelli et Collomb, Mme Alquier, MM. Bérit-Débat, Berthou, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet, Chastan, Courteau, Daunis, Daudigny et Fichet, Mme Ghali, MM. Guérini, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Patriat, Percheron, Rebsamen, Sergent et Signé, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le cas d'un scrutin uninominal à un tour, nul ne peut être élu s'il n'a pas recueilli les suffrages d'au moins 25 % des inscrits.
La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Cet amendement est le prolongement du précédent.
Le conseiller territorial serait élu au terme d’un scrutin à un tour. On peut s’interroger sur le pourcentage non seulement de voix, mais aussi de participation à partir duquel peut être assurée une véritable légitimité. Quelle est la légitimité du candidat élu avec, par exemple, 25 % des voix et 40 % de participation ?
Cet amendement vise tout simplement à fixer un seuil pour assurer cette légitimité. Ce seuil existe depuis l’instauration du mode de scrutin républicain : il est vieux comme la République ! Au premier tour, pour être proclamé élu, il ne suffit pas d’avoir 50 % des votants ; encore faut-il que ces derniers représentent au moins 25 % des inscrits.
En tout état de cause, quel que soit le mode de scrutin, premier tour avec un second tour ou un seul tour, nous demandons qu’il soit décidé que le seuil de 25 % des inscrits doit obligatoirement être atteint pour qu’un candidat puisse être déclaré élu. (M. Thierry Repentin applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement n’a pas de lien avec le présent texte, qui ne concerne pas le mode de scrutin applicable à une quelconque catégorie d’élus et n’institue pas de scrutin uninominal à un tour.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote.
M. Yannick Bodin. Je me suis exprimé pour la première fois ce soir à l’occasion de la présentation de cet amendement n° 10, et je ne pense pas m’être déplacé pour rien ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) J’ai par ailleurs la prétention de croire que je sais lire.
M. Yannick Bodin. Or quels sont les premiers mots que l’on découvre, à la toute première page, en tête de l’exposé des motifs ? Ceux-ci : « Le projet de loi de réforme des collectivités territoriales prévoit qu’à l’avenir, les conseillers généraux et les conseillers régionaux formeront un ensemble unique d’élus, les conseillers territoriaux… ».
Évidemment, je me suis immédiatement demandé ce que pouvait être ce nouvel animal politique. Évidemment aussi, ne sachant pas ce qu’est un conseiller territorial, nous ne pouvons pas nous déterminer sur quoi que ce soit, y compris sur une question de calendrier !
Quelles sont les compétences du conseiller territorial ? Comment est-il élu ? Qui est éligible, qui ne l’est pas ? Toutes ces questions, nous n’avons cessé de les poser tout au long de la journée et de la soirée, et nous continuerons à les poser, car, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas nous demander de débattre d’un calendrier sans nous donner la définition de ce qu’est un conseiller territorial !
M. Charles Revet. C’est un conseiller qui représente un territoire !
M. Yannick Bodin. La question que j’ai posée en ce qui concerne le mode de scrutin n’est donc absolument pas hors sujet : c’est une invitation du Gouvernement à nous dire ce qu’est pour lui un conseiller territorial et votre devoir, monsieur le ministre, est d’éclairer notre assemblée. À défaut, cela signifiera que vous préparez quelque chose qui n’est sans doute pas très honnête…
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, on ne peut pas être dans une contradiction permanente !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vous qui l’êtes !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. Marleix, votre collègue, nous a dit – et je suppose que vous nous auriez déclaré la même chose – que le présent projet de loi faisait partie de l’ensemble de la réforme territoriale dont le Parlement allait progressivement discuter et que, pour des raisons tenant au calendrier – calendrier électoral, nous l’avons bien compris… –, le Gouvernement entendait faire passer celui-ci à toute force et en urgence en utilisant la procédure accélérée.
Eh bien ! monsieur le ministre, nous aussi nous estimons que le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui fait partie de l’ensemble de la réforme et il est dès lors légitime que nous essayions, dès le début de la discussion de ladite réforme et quel que soit le calendrier, d’être éclairés sur la suite que, nécessairement, et vous le reconnaissez d’ailleurs vous-même, ce projet de loi engage.
J’ajoute que, lorsque nous entendons ici des membres du Gouvernement ou un président de commission, qui tous appartiennent à la majorité, nous expliquer, déjà, qu’ils vont défendre le scrutin uninominal à un tour, nous sommes en droit de nous étonner ! Ainsi, des personnes que nous connaissons tous, qui ont toujours défendu le scrutin uninominal à deux tours et se sont constamment opposées à la proportionnelle, commencent aujourd'hui, par un hasard extraordinaire, à défendre le scrutin uninominal à un tour, qui est ce qu’il y a de plus injuste en matière de scrutin…
Il est donc absolument impossible de nous engager dès maintenant dans cette première étape de la réforme qui va déterminer la suite, car nous manquons d’éléments, et ceux dont nous disposons sont extrêmement négatifs.
Je sais d’ailleurs, chers collègues de la majorité, que vous-mêmes vous interrogez et, lors de sa récente audition par M. Courtois, à laquelle j’ai assisté, M. Balladur a dit avec humour, à propos de ce scrutin uninominal à un tour, que les changements de modes de scrutin intervenant dans de telles conditions pouvaient se retourner contre leurs auteurs…
En effet, mes chers collègues, ce scrutin uninominal à un tour, dont personne jusque-là n’avait entendu parler et qui est tombé du ciel – du ciel de l’Élysée... (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) – pour vous assurer un meilleur score aux élections locales, quel que soit d’ailleurs le résultat aux élections nationales, peut se retourner contre vous, mais, surtout, il va faire de gros dégâts dans la démocratie !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le parti communiste défend la démocratie…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aussi, mes chers collègues, réfléchissez bien, car nous serions beaucoup plus à même de voter la première partie de la réforme, cette réduction des mandats que l’on nous présente aujourd'hui, si nous étions mieux éclairés. Mettons-nous au moins d’accord, les uns et les autres, sur le fait qu’il faut se méfier des manipulations des modes de scrutin, a fortiori quand il s’agit de nous imposer un mode de scrutin parfaitement antidémocratique.
M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger, pour explication de vote.
M. Yves Krattinger. Je lisais voilà quelques jours, dans un hebdomadaire, une analyse des trente-cinq élections cantonales partielles de 2009. Vingt et une ont été gagnées par des candidats de gauche, les quatorze autres ont été remportées par des candidats de droite, divers droite et UMP : vingt et une contre quatorze, c’est un peu la tendance actuelle aux cantonales partielles…
Puis, il y avait une analyse du premier tour de ces élections cantonales partielles qui faisait apparaître des résultats inversés : vingt-deux candidats de droite sont arrivés en tête au premier tour – et auraient donc pu être élus dans l’hypothèse d’un scrutin uninominal à un tour… –, contre treize candidats de gauche seulement.
M. Bruno Sido. Après des « magouilles » ?
M. Yves Krattinger. Non ! Il n’est pas dans mes habitudes, monsieur Sido, de tenir ce genre de propos !
M. Bruno Sido. C’était une question !
M. Yves Krattinger. Au contraire, il m’a semblé que cette analyse était un peu superficielle, son auteur en tirant comme conclusion que vous étiez en train de vous livrer à une manipulation. Loin de moi une telle idée ! (Exclamations amusées.)
M. Bruno Sido. Ce n’est pas possible, en effet ! (Sourires.)
M. Yves Krattinger. En revanche, cet analyste oubliait de dire que les électeurs ne savaient pas qu’il ne pouvait éventuellement n’y avoir qu’un tour et qu’ils avaient donc voté au premier tour en pensant qu’il y en aurait un second.
M. Bruno Sido. Bien sûr !
M. Yves Krattinger. Je mets en garde ceux qui espèrent que les électeurs se comporteront dans un scrutin à un tour comme s’il y avait deux tours : en général, ils déçoivent ceux qui les prennent pour des « billes »…
Pour ma part, je fais confiance aux électeurs pour voir qu’il s’agit d’un scrutin à un tour et comprendre que voter à ce tour pour la candidate ou le candidat qu’ils veulent voir gagner est déterminant.
M. Bruno Sido. Pour une fois, M. Krattinger a raison !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 21, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une consultation nationale des conseils généraux et des conseils régionaux sur la réduction de la durée du mandat de leur membre est organisée préalablement au vote de la présente loi.
L'amendement n° 22, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une consultation nationale des conseils généraux et des conseils régionaux sur la réduction de la durée du mandat de leur membre est organisée préalablement à la promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter ces deux amendements.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je sais bien ce que le Gouvernement et la commission vont dire de ces amendements,…
M. Bruno Sido. Hors sujet !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. …mais je vais tout de même les défendre, et ce pour trois raisons.
Premièrement, le Gouvernement nous dit vouloir renforcer la démocratie locale. Dont acte !
Deuxièmement, notre Constitution prévoit la libre administration des collectivités territoriales. Dont acte !
Troisièmement, nous l’avons dit, la réforme territoriale est globale et forme un tout. Dont acte !
Je propose donc que les conseils généraux et régionaux élus soient consultés sur la réduction du mandat ayant pour cause la réforme que le Gouvernement entend faire voter.