Sommaire
Secrétaires :
Mme Sylvie Desmarescaux, M. Alain Dufaut.
2. Communication relative à une commission mixte paritaire
MM. Jean Louis Masson, le président.
MM. Guy Fischer, le président.
Suspension d'agrément d'une assistante maternelle et réparation du préjudice
Question de M. Jean-Léonce Dupont. – Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville ; M. Jean-Léonce Dupont.
Financement du déploiement de la TNT sur la totalité du territoire de la Drôme
Question de M. Jean Besson. – Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville ; M. Jean Besson.
Disparité des effectifs de forces de police en Seine-et-Marne
Question de M. Michel Billout. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Guy Fischer, en remplacement de M. Michel Billout.
Transfert des compétences d'urbanisme à l'échelle intercommunale
Question de M. Jean Boyer. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Jean Boyer.
Modernisation du scrutin municipal et modalités de découpage des intercommunalités
Question de M. Jean Louis Masson. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Jean Louis Masson.
MM. Michel Charasse, le président.
freins au développement économique de saint-pierre-et-miquelon
Question de M. Denis Detcheverry. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Denis Detcheverry.
Question de M. Daniel Reiner. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Daniel Reiner.
Question de Mme Bernadette Bourzai. – Mmes Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; Bernadette Bourzai.
détermination des valeurs locatives dans le quartier de la source à orléans
Question de M. Jean-Pierre Sueur. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Jean-Pierre Sueur.
suppression annoncée de 182 blocs opératoires
Question de M. Jacques Mézard. – Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports ; M. Jacques Mézard.
situation des chantiers stx ou chantiers de l'atlantique
Question de M. André Trillard. – Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports ; M. André Trillard.
adaptation de la fiscalité agricole au contexte de la crise
Question de M. Alain Houpert. – Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports ; M. Alain Houpert.
accueil des mineurs étrangers isolés
Question de M. Jean-Pierre Bel. – MM. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ; Jean Besson, en remplacement de M. Jean-Pierre Bel.
devenir de la maison d'arrêt de privas
Question de M. Yves Chastan. – MM. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ; Yves Chastan.
lutte contre les macro-déchets du littoral
Question de M. Robert Tropeano. – MM. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme ; Robert Tropeano.
gestion des captages labellisés « grenelle »
Question de M. Philippe Leroy. – MM. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme ; Philippe Leroy.
déconstruction des bateaux de plaisance
Question de M. Jean-Luc Fichet. – MM. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme ; Jean-Luc Fichet.
zonage des communes pour l'application de la loi sru
Question de Mme Nicole Bricq. – M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme ; Mme Nicole Bricq.
renouvellement des concessions de barrages hydrauliques
Question de M. Alain Fauconnier. – MM. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme ; Alain Fauconnier.
Question de M. Thierry Foucaud. – MM. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme ; Thierry Foucaud.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
8. Candidatures à des organismes extraparlementaires
M. Nicolas About, Mme Jacqueline Gourault, MM. Jean Louis Masson, Pierre-Yves Collombat, Jean-Pierre Bel, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le président.
10. Renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux. – Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Discussion générale : MM. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales ; Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois.
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
MM. Jean-Léonce Dupont, Jean-Claude Peyronnet, Jean-Michel Baylet, Jean Louis Masson, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. François-Noël Buffet, Mme Jacqueline Gourault, MM. Yves Krattinger, Jacques Mézard, Mmes Éliane Assassi, Muguette Dini, MM. Pierre-Yves Collombat, François Patriat, Pierre Mauroy, Mmes Michèle André, Dominique Voynet.
MM. le secrétaire d'État, Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.
Clôture de la discussion générale.
Motion no 1 de M. Jean-Pierre Sueur. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement ; Jean-Claude Peyronnet, François Fortassin, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Gérard Longuet. – Rejet par scrutin public.
11. Nomination de membres d'organismes extraparlementaires
Suspension et reprise de la séance
12. Renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Motion no 2 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois ; Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire ; Pierre-Yves Collombat, François-Noël Buffet. – Rejet par scrutin public.
Demande de renvoi à la commission
Motion no 3 de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, le ministre. – Rejet par scrutin public.
Articles additionnels avant l'article 1er
Amendement n° 5 de M. Jean-Claude Peyronnet. – MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, le ministre. – Rejet par scrutin public.
MM. Daniel Raoul, Robert del Picchia, Mme Évelyne Didier, M. François-Noël Buffet.
Articles additionnels avant l'article 1er (suite)
Amendement n° 23 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 6 de M. Jean-Claude Peyronnet. – Mme Nicole Bonnefoy, MM. le rapporteur, le ministre, Mme Bariza Khiari. – Rejet.
Amendement n° 7 de M. Jean-Claude Peyronnet. – MM. Pierre-Yves Collombat, le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Sueur, Jean-Jacques Mirassou, Gérard Cornu, Jacques Mézard, Yves Krattinger, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jean-Pierre Leleux, Yves Daudigny, Jean-Claude Peyronnet, Mme Josette Durrieu, M. le président. – Rejet.
Amendement n° 8 de M. Jean-Claude Peyronnet. – MM. Jean-Claude Peyronnet, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; le ministre, Alain Anziani, Jean-Pierre Sueur, Yves Krattinger, Martial Bourquin, Yves Daudigny, Pierre-Yves Collombat. – Rejet.
Amendement n° 9 de M. Jean-Claude Peyronnet. – MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 10 de M. Yannick Bodin. – MM. Yannick Bodin, le rapporteur, le ministre, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Yves Krattinger. – Rejet.
Amendements nos 21 et 22 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le ministre, Jacques Mézard, Yves Krattinger. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 24 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Évelyne Didier, MM. le rapporteur, le ministre, Robert del Picchia. – Rejet.
Amendement n° 25 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 26 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Odette Terrade, MM. le rapporteur, le ministre, Yves Krattinger. – Rejet.
Amendement n° 27 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Évelyne Didier, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
13. Dépôt d’une question orale avec débat
14. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Roger Romani
vice-président
Secrétaires :
Mme Sylvie Desmarescaux,
M. Alain Dufaut.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2010 est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
3
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, nous sommes dans une démocratie et je voudrais revenir sur le scrutin public d’hier soir.
J’ai été profondément choqué d’entendre certains de nos collègues remettre en cause ce scrutin. D’aucuns voulaient même faire croire que le dépouillement n’avait pas eu lieu ! Je pense que notre démocratie mérite mieux que ce genre de pratique !
Par ailleurs, j’ai lu dans la presse de ce matin qu’un président de groupe mettait en cause la présidence de Mme Tasca. Il ne faut pas exagérer ! Si un sénateur centriste a voté contre le Gouvernement, Mme Tasca n’y est strictement pour rien !
Le problème qui se pose doit être réglé au sein de la majorité. C’est à elle d’apprécier les erreurs qui ont pu être commises. Il ne s’agit certainement pas de mettre en cause la présidente de séance !
Je n’appartiens ni à la majorité, ni à l’opposition, mais je peux dire que, sur ce point, la présidence de séance a été tout à fait correcte.
Cette « erreur » de notre collègue centriste, qui a choisi le mauvais paquet de bulletins de vote, met en évidence l’un des problèmes du système de vote à l’intérieur du Sénat.
Quand je suis arrivé à la Haute Assemblée, j’ai eu l’énorme surprise de constater que, ici, contrairement à l’Assemblée nationale, il suffit qu’un sénateur membre d’un groupe soit présent pour venir déposer dans l’urne 20, 50, 100, voire 150 bulletins de vote, alors qu’aucune autre personne du groupe n’est dans l’hémicycle !
Cet incident devrait nous donner l’occasion de revoir les conditions de vote au Sénat. La moindre des choses serait que, comme à l’Assemblée nationale, chaque parlementaire présent ne puisse recevoir plus d’une procuration et qu’on n’autorise pas une seule personne à voter pour 100 autres !
M. le président. Monsieur le sénateur, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.
M. Guy Fischer. Je crois qu’il conviendra de dresser le bilan de la séance qui s’est déroulée hier.
Permettez-moi de revenir sur un thème que j’ai déjà évoqué à plusieurs reprises, celui de la multiplication des séances. À vouloir nous faire siéger du lundi au dimanche soir, les conditions deviennent de plus en plus difficiles ! On l’a bien vu hier, lorsqu’il arrive que des groupes de la majorité soient quasiment absents. Il suffit alors qu’un incident survienne, dans un contexte politique qui se tend, pour en arriver à ce que nous avons vécu !
Pour notre part, nous voudrions souligner toute la considération que nous portons à la présidence de Mme Tasca telle qu’elle l’a assumée. Il faudra que chacun tire les leçons d’une telle séance et se pose des questions sur le fonctionnement de notre assemblée lorsque l’on veut nous faire travailler vingt-quatre heures sur vingt-quatre et trois cent soixante-cinq jours sur trois cent soixante-cinq !
Je force un peu le trait, mais il n’en reste pas moins qu’il faut beaucoup d’abnégation pour faire notre travail de législateur dans de telles conditions !
Nous aurons d’ailleurs l’occasion de reparler de la manière dont notre assemblée fonctionne lors de la prochaine conférence des présidents.
M. le président. Monsieur Fischer, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
4
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
Suspension d'agrément d'une assistante maternelle et réparation du préjudice
M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont, auteur de la question n° 658, adressée à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.
M. Jean-Léonce Dupont. Madame la secrétaire d'État, je souhaite vous interroger sur l’éventuelle réparation par le département des préjudices subis par une assistante maternelle ayant fait l'objet d'une suspension ou d'un retrait d'agrément prononcé par le président du conseil général à la suite de l'ouverture d'une enquête pénale portant sur des suspicions d'actes répréhensibles, de son fait ou du fait d'une des personnes vivant au foyer, suspicions considérées postérieurement comme non fondées par la justice pénale.
La jurisprudence admet la responsabilité sans faute d'un département dans des cas de suspension, puis de retrait d'agrément d'une assistante maternelle, finalement réintégrée dans ses fonctions après un classement sans suite. Elle reconnaît ainsi le droit à cette dernière de réclamer des dommages et intérêts en se fondant sur le principe de rupture d'égalité devant les charges publiques.
Aussi, en adoptant le principe de précaution dans l'intérêt et la protection de l'enfant, le département s'expose-t-il systématiquement à des recours, par ailleurs de plus en plus nombreux, ce qui a un coût d'autant plus substantiel que les procédures pénales engagées sont souvent longues.
Je souhaiterais donc savoir si la procédure de suspension, dans des cas précis et définis préalablement, ne pourrait pas être liée à l'instruction pénale et aboutir à la mise en place d'une nouvelle mesure, appelée « retrait temporaire », qui s'éteindrait avec la clôture de l’instruction.
À défaut, dans des cas précis et définis préalablement, le principe d'un plafonnement des sommes réclamées au département en cas de recours en dommages et intérêts ne pourrait-il pas être envisagé ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Monsieur le sénateur, je vous prie d’abord d’excuser Mme Nadine Morano, que je vais tenter de remplacer au mieux.
Vous posez la question d’une éventuelle réparation par le département des dommages subis par une assistante maternelle ou un assistant maternel ayant fait l’objet d’une suspension ou d’un retrait de son agrément à la suite de l’ouverture d’une enquête pénale.
Je rappelle d’abord que l’agrément des assistants maternels est de la responsabilité départementale.
Ce cas de suspension d’agrément se présente notamment lorsque sont suspectés des actes répréhensibles commis par une assistante maternelle et que ces suspicions ont été considérées postérieurement comme non fondées par la justice pénale.
Il faut évidemment comprendre la mesure de suspension ou de retrait de l’agrément par le département, pendant l’enquête pénale, comme un principe de précaution visant d’abord la protection du ou des enfants accueillis habituellement par l’assistant maternel.
On sait que, dans ce cas, les procédures pénales sont parfois longues et que le département peut être exposé à des recours, d’autant que l’assistant maternel réintégré dans ses fonctions pourra réclamer des dommages et intérêts en se fondant sur le principe de rupture d’égalité devant les charges publiques. La jurisprudence va d’ailleurs dans ce sens.
Autrement dit, dès lors qu’une décision administrative lui a fait grief, un assistant maternel rétabli dans ses droits par le juge peut demander, comme tout justiciable se trouvant dans cette situation, réparation du préjudice causé par la décision, dans les conditions de droit commun.
Je dois également préciser qu’en cas de refus d’indemnisation par le département le bien-fondé de la demande sera alors apprécié par le juge de façon circonstanciée, en fonction des éléments fournis.
De ce fait, vous demandez, monsieur le sénateur, si une mesure de « retrait temporaire » pourrait être créée, mesure dont la durée d’application serait liée à celle de l’instruction pénale.
Cette mesure, qui nécessiterait un fondement législatif, ne nous paraît pas souhaitable, car les dispositions législatives actuelles sont relativement équilibrées, avec une suspension d’une durée de quatre mois jugée non excessive et protectrice de l’intérêt de l’enfant et de l’assistant maternel.
Par ailleurs, votre interrogation sur la mise en place d’un plafonnement des sommes réclamées au département se heurte à l’appréciation souveraine du juge. Dès lors, il ne paraît pas possible d’y donner suite, même dans des cas précis et définis préalablement, comme vous le suggérez.
Au-delà des aspects juridiques de la question, je veux également préciser que nous avons récemment terminé la rédaction d’un référentiel de l’agrément destiné aux services de protection maternelle et infantile, dont l’attention est notamment attirée sur la nécessité d’une bonne collaboration avec les services de police ou de gendarmerie ainsi qu’avec le parquet.
Il est souhaitable, et c’est là le point essentiel, que, dans ces cas de suspicion de mauvais traitements, les procédures d’enquête ou d’instruction soient accélérées dans le but de réduire les conséquences vis-à-vis des enfants concernés, des professionnels et, bien entendu, des départements.
Enfin, dans ce référentiel, les services de protection maternelle et infantile sont sensibilisés à la nécessité d’informer très rapidement – concrètement en moins de quinze jours –l’assistant maternel concerné de la décision prise à la suite de sa convocation en commission consultative paritaire départementale.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter sur cette question délicate.
M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont. J’entends, madame la secrétaire d'État, l’ensemble de vos arguments.
Je puis néanmoins vous dire, pour présider la commission technique départementale, que la durée de ces affaires dépasse le délai de quatre mois, de sorte que, pratiquement systématiquement, le département est dans l’obligation de prononcer un retrait et donc, si au terme de la procédure il apparaît que l’affaire est sans suite et qu’un recours est formé, d’entrer dans le dispositif d’indemnisation.
Je puis ainsi citer l’exemple d’une affaire qui dure depuis près de huit ans. Je n’ose imaginer qu’elle puisse se conclure par un non-lieu et que le département soit amené à réparer le préjudice ainsi causé !
Je maintiens donc que le problème existe et se pose très concrètement.
Financement du déploiement de la TNT sur la totalité du territoire de la Drôme
M. le président. La parole est à M. Jean Besson, auteur de la question n° 667, adressée à Mme la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique.
M. Jean Besson. Madame la secrétaire d'État, la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur impose une couverture numérique de 95 % de la population aux chaînes historiques gratuites.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a pour sa part arrêté le 10 juillet 2007 les modalités de couverture pour les autres chaînes de la TNT.
Malgré ces dispositions qui se veulent rassurantes, les conditions de déploiement de la télévision numérique ne manquent pas d’inquiéter les élus et les habitants des territoires ruraux dans la perspective de l’échéance du 30 novembre 2011, date butoir du basculement au tout numérique.
Cette inquiétude se fonde dans mon département sur des études précises du syndicat départemental de télévision, qui réunit toutes les communes de la Drôme et qui estime que, malgré le « débridage » des émetteurs TNT du mont Ventoux, il restera soixante-seize réémetteurs à équiper pour une couverture complète du territoire.
Si cette situation n’évoluait pas, dans la Drôme ce sont plus de 20 000 habitants répartis dans 143 communes qui deviendraient les laissés-pour-compte non seulement de la TNT mais aussi de la télévision, à laquelle ils n’auraient plus accès.
Toujours dans ce cas de figure, un foyer habitant dans une zone d’ombre devrait débourser plus de 300 euros – montant calculé par le syndicat départemental de télévision – entre l’achat de la carte d’accès, de la parabole et du décodeur pour recevoir la TNT.
Quant aux collectivités territoriales drômoises, si elles finançaient elles-mêmes l’équipement en paraboles des 14 000 foyers drômois non desservis, elles devraient débourser plus de 12 millions d’euros sur dix ans.
Le vote, la semaine dernière au Sénat, de la proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique peut laisser penser que ce « scénario catastrophe » n’aura pas forcément lieu. Le titre Ier de ce texte, intitulé « Faciliter la transition vers la télévision numérique », prévoit des aides aux particuliers et aux collectivités territoriales qui ne sont pas négligeables.
Pour autant, ce texte ne lève pas toutes les incertitudes, tant s’en faut. Il en crée même de nouvelles !
Dorénavant, il appartient au CSA de fixer un taux de « couverture minimale de la population de chaque département ». Ainsi, toute référence à un pourcentage précis et contraignant de couverture de la population, comme c’était le cas auparavant, a disparu !
Ce recul, je ne vous le cache pas, madame la secrétaire d'État, fait naître un certain scepticisme sur les intentions réelles du Gouvernement.
Le passage au numérique, en libérant un certain nombre de fréquences hertziennes, aurait dû se faire avec le souci de garantir l’accès pour tous à cette technologie. Or, force est de constater que l’objectif de 100 % n’est toujours pas d’actualité et que, dans ces conditions, le respect de l’intérêt général n’est pas pleinement garanti.
C’est pourquoi je souhaiterais savoir, madame la secrétaire d'État, quelles assurances vous pouvez nous apporter sur la généralisation de la TNT, en particulier dans la Drôme, et sur son équité.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Monsieur le sénateur, la télévision numérique terrestre, lancée en France voilà quatre ans, rencontre, comme vous le savez, un très vif succès auprès des Français puisque l’on compte désormais plus de deux foyers sur trois qui reçoivent la télévision numérique quel que soit le support, hertzien terrestre, ADSL, câble ou satellite.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que l’extension de la couverture de la TNT dans tous les départements, notamment dans la Drôme, est un objectif majeur du Gouvernement et du Conseil supérieur de l’audiovisuel.
Plusieurs critères ont été retenus : un critère national de 95 % de couverture de la population inscrit dans la loi ; un critère départemental, défini par le CSA, de 91 % de couverture de la population dans la majeure partie des départements ; un critère de rentabilité économique afin de ne pas maintenir des petits émetteurs, trop coûteux à numériser.
Comme vous le soulignez avec raison, il est nécessaire que le dispositif d’accompagnement du Gouvernement soit juste et équitable.
Afin de mener à bien ce projet d’envergure, d’importants moyens budgétaires seront ainsi mobilisés par l’État, jusqu’à 333 millions d’euros.
Tout d’abord, il s’agit d’informer nos concitoyens au travers d’une grande campagne nationale d’information, lancée à la fin du mois de septembre dernier, d’un site internet et d’un centre d’appel.
Ensuite, il nous faut accompagner les publics sensibles, avec une assistance technique, et les publics défavorisés, avec une assistance financière, vers le numérique.
Cependant, les débats que nous avons eus avec les parlementaires à l’occasion de l’examen de la proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique nous ont montré qu’il était nécessaire d’assurer en priorité l’équité territoriale dans tous les départements, y compris dans la Drôme.
C’est pourquoi, à la demande de Nathalie Kosciusko-Morizet, le Premier ministre, François Fillon, a décidé de renforcer le programme national d’accompagnement vers le tout numérique le 21 octobre dernier.
La première mesure est de donner de nouveaux pouvoirs au CSA pour qu’il augmente la puissance de certains émetteurs afin d’améliorer la couverture TNT « hertzienne ».
La seconde est de rendre éligibles tous les foyers au fonds d’aide spécifique aux zones d’ombre de la TNT hertzienne, et cela sans condition de ressources. Ce fonds sera utilisé pour aider financièrement les foyers devant passer à la TNT par satellite, notamment dans les zones où il n’est plus rentable de conserver des émetteurs hertziens.
La participation des chaînes sera sollicitée pour abonder ce fonds.
Enfin, pour donner plus de flexibilité en matière d’aménagement numérique du territoire, l’État s’engage à aider financièrement les collectivités qui souhaitent néanmoins maintenir, via un investissement en propre, des émetteurs secondaires pour des raisons spécifiques.
L’ensemble de ces engagements a été inscrit dans la proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique, qui vient d’être définitivement adoptée en deuxième lecture au Sénat.
Toutes ces mesures permettront donc aux habitants de la Drôme de passer à la télévision tout numérique dans des conditions justes et équitables.
M. le président. La parole est à M. Jean Besson.
M. Jean Besson. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de ces précisions, qui me paraissent positives ; vous comprendrez toutefois que les collectivités territoriales veillent avec une attention particulière à la mise en place des mesures que vous annoncez.
Disparité des effectifs de forces de police en Seine-et-Marne
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, en remplacement de M. Michel Billout, auteur de la question n° 653, adressée à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.
M. Guy Fischer. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la disparité des effectifs de forces de police nationale dans le département de Seine-et-Marne.
Qu’il me soit permis d’illustrer cette inégalité de traitement entre zones géographiques par quelques exemples frappants cités par le journal Le Parisien : Provins compte un policier pour 294 habitants ; Pontault-Combault un pour 640. De même, si les 69 policiers rattachés à Coulommiers ont affaire à une moyenne de 57 faits criminels constatés pour 1 000 habitants, leurs homologues de Mitry-Mory sont seulement 64, alors qu’ils sont aux prises avec un taux de 110 faits criminels pour 1 000 habitants.
De nombreux élus locaux se sont émus de cette situation et ont réclamé l’augmentation des moyens humains. Je n’ignore pas, évidemment, que certaines disparités puissent être justifiées au regard de circonstances et d’infrastructures exceptionnelles, telles que le parc d’attraction Disneyland à Chessy. Mais, pas plus qu’ailleurs, un écart de 1 à 5 n’est pas admissible en Seine-et-Marne, d’autant qu’il est porteur d’un ressenti et d’une atmosphère d’insécurité dont vous connaissez les effets néfastes.
Ainsi, fin septembre, quelques habitants se sont constitués en milice à Roissy-en-Brie, ce qui a défrayé la chronique. Cette ville dépend du commissariat de Pontault-Combault, le bien moins loti de Seine-et-Marne, selon Le Parisien. Dans ce même quotidien, l’un des instigateurs de la milice déclarait : « On ne fait pas ça pour jouer aux cow-boys, on en a juste ras-le-bol. Comme la police reconnaît qu’elle n’a pas les moyens d’intervenir rapidement, on se sent laissés-pour-compte ». Si cette initiative doit être fermement condamnée, elle n’en souligne pas moins le malaise ambiant dans des communes laissées en déshérence par les pouvoirs publics et frappées, comme c’est le cas dans l’ensemble de notre pays, par la hausse de la délinquance.
En fait, cette évolution insidieuse est due pour beaucoup à une politique de suppression massive des postes de fonctionnaires d’État dans la police nationale et les services publics de proximité. La loi de finances pour 2010 prévoit ainsi près de 34 000 suppressions de postes, dont 16 000 dans l’éducation nationale et 3 450 au ministère de l’intérieur, soit 2 000 policiers en moins, selon les organisations syndicales, et cette baisse importante des effectifs devrait se poursuivre dans les prochaines années. Pensez-vous remplacer tous ces fonctionnaires par des caméras de vidéosurveillance ?
À mon sens, la question de la sécurité ne peut se limiter aux seules missions de surveillance et de répression. La prévention reste la première mission en termes de tranquillité et de sécurité publiques.
Dès lors, madame la ministre, vous l’aurez compris, je souhaiterais connaître les raisons qui justifient la disparité des effectifs de forces de police en Seine-et Marne, et votre position sur cette volonté de transfert de la mission régalienne de sécurité de l’État vers les collectivités locales.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Monsieur le sénateur, le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, M. Brice Hortefeux m’a chargée de vous apporter la réponse suivante.
La répartition des policiers dans les circonscriptions de sécurité publique est déterminée sur la base de critères précis et objectifs – population, délinquance, etc. –, révisés annuellement.
Au 1er novembre de cette année, le département de Seine-et-Marne comptait 3 077 fonctionnaires, soit 164 de plus qu’en janvier 2004. À ce chiffre viennent s’ajouter 205 adjoints de sécurité. Le nombre de gradés et de gardiens de la paix est supérieur à l’effectif de référence pour ce type de département.
S’agissant de la circonscription de sécurité publique de Pontault-Combault, le nombre de gradés et de gardiens de la paix qui y sont affectés est également supérieur à l’effectif de référence fixé pour cette circonscription.
Il convient, par ailleurs, de rappeler qu’au-delà de leurs effectifs locaux les circonscriptions peuvent bénéficier du renfort d’unités départementales ou de forces mobiles.
Une augmentation strictement quantitative des forces de police est loin de constituer le seul moyen de renforcer la lutte contre la délinquance.
Cette lutte exige avant tout des moyens modernes, des méthodes adaptées aux nouvelles formes de criminalité et aux territoires, des modes d’action efficients et une mobilisation de tous les partenaires concernés. Elle doit s’accompagner d’une politique dynamique de prévention de la délinquance. Tel est le sens des réformes décidées par le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.
Le ministre a ainsi fixé, le 2 septembre, aux directeurs départementaux de la sécurité publique et aux commandants de groupement de gendarmerie des objectifs précis de lutte contre la délinquance.
Il a notamment demandé une mobilisation renforcée dans la lutte contre les cambriolages et décidé, dès le 1er octobre, la création de cellules anti-cambriolages, composées de policiers et de gendarmes, pour renforcer la cohérence et l’efficacité des forces de sécurité intérieure.
La cellule anti-cambriolages dont est dotée la direction départementale de la sécurité publique de Seine-et-Marne a ainsi déjà permis l’élucidation de trois vols par effraction commis par le même individu sur la circonscription de sécurité publique de Meaux.
D’autres actions engagées par le ministre vont permettre de mieux lutter contre la délinquance, en particulier celle des bandes violentes. Les forces de police de Seine-et-Marne disposent par exemple, depuis le 1er octobre, de deux groupes spécialisés d’investigation sur les bandes, à Melun et à Meaux, qui permettent, en lien notamment avec le groupe d’intervention régional, le GIR, de renforcer la répression des agissements des bandes.
Enfin, à l’action de l’État doit s’ajouter une mobilisation de tous les acteurs de la sécurité, au premier rang desquels figurent les collectivités territoriales, par le biais en particulier du développement de la vidéo-protection. À cet égard, le Plan national de prévention de délinquance et d’aide aux victimes, adopté le 2 octobre, sera le gage d’une mobilisation renouvelée de l’État et des collectivités territoriales pour prévenir plus efficacement la délinquance.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Le chef de cabinet de M. Brice Hortefeux, saisi par Mme le maire de Roissy-en-Brie des difficultés que j’ai évoquées, lui répondait, le 15 septembre dernier, « qu’il prescrivait immédiatement auprès des services compétents un examen diligent de la situation » afin de « garantir partout et pour tous, le droit à la sécurité ». Or, trois mois plus tard, elle n’a rien vu de plus !
Il s’agit d’une question fondamentale pour la population, mais également pour les conditions de travail des fonctionnaires de police. En témoigne le très fort mouvement syndical qui s’est exprimé le 3 décembre dernier. En 2004, les syndicats policiers signaient un accord prévoyant des effectifs de gradés et de gardiens de la paix programmés à 108 000 en 2012. Cet engagement est totalement rompu, puisque, selon l’Union SGP Unité Police-Force ouvrière, « les effectifs seront réduits à 100 000 à l’horizon 2012 ». Et ce syndicat de rappeler que la police nationale est la profession la plus affectée par les suicides : sur les dix dernières années, une triste moyenne de 50 suicides par an est enregistrée dans les rangs de la police.
Votre seule réponse, qui consiste à tripler le nombre de caméras de vidéosurveillance, ne suffira pas à résoudre ce très sérieux problème !
Transfert des compétences d'urbanisme à l'échelle intercommunale
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 704, adressée à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.
M. Jean Boyer. Madame la ministre, je souhaite, avec une certaine insistance, attirer votre attention sur la réforme des collectivités territoriales et, plus particulièrement, sur le projet de transférer des responsabilités d’urbanisme à l’échelle intercommunale.
Longtemps évoqué, ce transfert de certaines compétences liées à l’urbanisme aux communautés de communes et communautés d’agglomération semble réapparaître progressivement. Pour l’Association des maires de France, pour les élus que nous sommes et que nous représentons, cette proposition ne semble pas cadrer avec les priorités d’action en matière d’aménagement du territoire national.
De plus, les réformes de 2001 et 2003 ont apporté une certaine stabilité avec, d’une part, les schémas de cohérence territoriale, les SCOT, et, d’autre part, les plan locaux d’urbanisme, les PLU, qui transcrivent à une échelle plus petite, la plupart du temps communale, les grandes actions en matière d’aménagement et de développement durable. Remettre en cause cet équilibre risquerait d’apporter de l’instabilité, ce qui ne peut que fragiliser les documents d’urbanisme. Dès lors, l’échelle de travail pertinente demeure fondamentalement la commune, notamment parce que des liens sociaux de plus en plus nombreux se tissent à ce niveau.
Qui mieux qu’une municipalité connaît les spécificités de son territoire ? C’est cette proximité avec le territoire de vie de nos concitoyens qui implique de maintenir un lien étroit entre les maires et la définition du plan local d’urbanisme ou de la carte communale. Face aux inquiétudes des élus municipaux, nous souhaitons, plus que jamais, connaître votre position sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Monsieur le sénateur, vous interrogez le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales sur la réforme des collectivités locales et, plus particulièrement, sur le projet de transférer des responsabilités d’urbanisme à l’échelle intercommunale.
De par leur nature, les schémas de cohérence territoriale, les SCOT, relèvent du niveau intercommunal. En effet, le SCOT constitue un outil de planification stratégique, élaboré au niveau d’une agglomération qui constitue un espace de solidarité et de projet commun. Il recouvre plusieurs communes ou groupements de communes, et il est élaboré soit par un établissement public de coopération intercommunale, soit par un syndicat mixte.
S’agissant de la compétence en matière de PLU, dont vous souhaitez le maintien au niveau communal, je vous rappelle qu’à ce jour seules les communautés urbaines sont compétentes de plein droit en matière de PLU. Aucun texte actuel n’impose un transfert de compétence au niveau intercommunal pour les autres types de structures, c’est-à-dire les communautés d’agglomération ou les communautés de communes.
Le projet de loi portant engagement national pour l’environnement, adopté en première lecture par le Sénat, renforce certes la nature transversale du PLU, mais il ne modifie pas l’organisation de la compétence en la matière et ne remet pas en cause la possibilité pour les communes d’élaborer un PLU. Deux mesures sont susceptibles de renforcer son caractère transversal : le contenu du PLU intercommunal est renforcé en lui permettant de tenir lieu de programme local de l’habitat et de plan de déplacement urbain ; par ailleurs, le texte modifie le périmètre des PLU intercommunaux, en prévoyant que le PLU élaboré par un établissement public de coopération intercommunale, un EPCI, couvre l’intégralité de son territoire. Il ne sera donc plus possible d’élaborer plusieurs PLU au sein d’une même intercommunalité.
Je vous précise également que le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, déposé le 21 octobre dernier au Sénat, ne modifie pas les modalités d’exercice de cette compétence.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, on ne saurait, dès lors, évoquer une remise en cause de la compétence des communes en matière de plan local d’urbanisme.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Je vous remercie, madame la ministre, de m’avoir apporté ces réponses, qui sont nécessaires, car on ne peut pas avancer dans une période d’indécision.
Modernisation du scrutin municipal et modalités de découpage des intercommunalités
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, auteur de la question n° 725, adressée à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.
M. Jean Louis Masson. Madame la ministre, je souhaite savoir si, dans le cadre du projet de réforme des collectivités territoriales, le Gouvernement serait favorable à des mesures d’adaptation concernant, d’une part, la modernisation du mode de scrutin municipal qui restera applicable dans les communes de moins de 500 habitants et, d’autre part, l’encadrement des pouvoirs exorbitants accordés à titre transitoire aux préfets pour modifier le découpage existant des intercommunalités.
Plus précisément, lors de son assemblée générale du 23 octobre 2005, l’Association des maires ruraux de France avait déjà demandé à l’unanimité une modernisation du scrutin municipal dans les petites communes. Récemment, elle a souhaité à nouveau que la réforme faisant suite au rapport Balladur ne se limite pas au cas des communes de 500 à 3 500 habitants. Cette demande est pertinente, car le scrutin qui resterait en vigueur dans les communes de moins de 500 habitants permet des dérives regrettables. Ainsi, des tiers peuvent distribuer à leur insu des bulletins de vote au nom de personnes n’étant pas candidates. De même, un candidat peut figurer sur deux listes concurrentes, et je pourrais citer de nombreux autres exemples.
En fait, les modalités de ce scrutin sont désuètes. C’est pourquoi, tout en maintenant la logique du scrutin de liste avec panachage, trois correctifs pourraient être envisagés en priorité, à savoir l’obligation de présenter des listes complètes de candidats ; l’interdiction pour un candidat de figurer sur plusieurs listes ; la nullité des bulletins de vote comportant le nom de personnes n’étant pas candidates ou comportant plus de noms que de sièges à pourvoir.
Je vous demande donc, madame la ministre, si le Gouvernement serait favorable à une évolution en ce sens.
Par ailleurs, le projet gouvernemental prévoit aussi qu’en 2013, et à titre transitoire, le préfet de chaque département ait carte blanche pour modifier à son gré le découpage existant des intercommunalités. De tels pouvoirs étant exorbitants, je demande à M. le ministre de l’intérieur s’il serait favorable à un encadrement permettant aux communes de conserver une influence réelle sur leur destin.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, dans le cadre du projet de réforme des collectivités territoriales, vous souhaitez une modernisation du scrutin municipal dans les communes de moins de 500 habitants et un encadrement des pouvoirs des préfets en matière d’intercommunalité.
Le ministre de l’intérieur m’a chargée de vous apporter la réponse suivante. Dans les communes de moins de 500 habitants, il paraît nécessaire de maintenir une grande souplesse dans les conditions d’élection des conseillers municipaux.
Les mesures que vous proposez - obligation de présenter des listes complètes de candidats, nullité des bulletins de vote comportant le nom de personnes n’étant pas candidates ou comportant plus de noms que de sièges à pourvoir - pourraient avoir pour effet de restreindre le vivier des candidats dans des communes où les fonctions de maire et de conseiller municipal impliquent une lourde charge. En outre, avant toute mise en œuvre, elles exigeraient une large consultation des élus et des associations d’élus.
Toutefois, le Gouvernement n’est pas hostile, dans son principe, à une modernisation du droit applicable aux élections municipales et prendra connaissance avec grand intérêt des travaux du groupe de travail sénatorial sur le droit électoral qui s’est récemment constitué au sein de votre commission des lois.
S’agissant du volet intercommunal de la réforme, les objectifs sont, d’ici au 1er janvier 2014, d’achever la couverture de la carte par des établissements publics de coopération intercommunale, EPCI, à fiscalité propre et de rationaliser le périmètre de ces derniers.
Ces deux objectifs sont partagés, de manière consensuelle, par l’ensemble des associations d’élus. Certaines d’entre elles demandent même que l’échéance soit avancée par rapport au calendrier envisagé par le projet de loi.
À cette fin, le projet de loi de réforme des collectivités territoriales donne la possibilité au préfet, après avis des organes délibérants de la commune, de l’EPCI, ainsi que de la commission interdépartementale de coopération intercommunale, CDCI, de procéder à des créations ou à des fusions d’EPCI à fiscalité propre, à des modifications de leur périmètre, des fusions ou dissolutions de syndicats intercommunaux ou mixtes, et à des modifications du périmètre de ces syndicats.
Toutefois, cette extension des pouvoirs du préfet en matière d’intercommunalité n’a pas vocation à être utilisée si les regroupements s’organisent sur l’initiative des communes et de leurs EPCI dans le cadre du schéma départemental. Elle est temporaire puisqu’elle portera essentiellement sur les années 2012 et 2013.
Enfin, elle est strictement encadrée, pour trois raisons. Premièrement, les projets présentés par le préfet doivent essentiellement s’appuyer sur les propositions formulées dans le schéma de coopération intercommunale établi en concertation avec les communes, les EPCI existants et la CDCI.
Deuxièmement, les projets ne peuvent s’écarter de ces propositions que s’ils restent conformes aux objectifs assignés au schéma et, dans cette hypothèse, la CDCI disposera à la majorité qualifiée d’un pouvoir d’amendement du projet présenté par le préfet.
Troisièmement, si une majorité qualifiée des conseils municipaux ne se dégage pas pour approuver le projet et que le préfet décide de poursuivre sa mise en œuvre, la CDCI aura à nouveau la possibilité d’amender le projet à la majorité des deux tiers de ses membres, et c’est la version du projet issu de l’examen de la CDCI, et éventuellement modifiée, qui sera finalement autorisée par le préfet.
Les communes conserveront donc leur autonomie et les mécanismes exceptionnels mis en place, respectueux du principe de libre administration, n’ont vocation à intervenir qu’en dernier recours.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Je vous remercie, madame la ministre, des précisions concernant les intercommunalités.
Pour ce qui est du mode de scrutin dans les petites communes, je constate que M. le ministre de l’intérieur fait preuve d’un certain conservatisme, c’est le moins qu’on puisse dire, car ses arguments sont fort peu convaincants.
Il nous explique qu’on ne peut pas considérer comme nul un bulletin de vote sur lequel figure le nom d’une personne qui n’est pas candidate au motif que cela pourrait restreindre le nombre des candidats.
Je ne saisis pas très bien la logique de ce raisonnement, car si une personne n’est pas candidate, on ne restreint pas le nombre des candidats en considérant comme nul le bulletin de vote correspondant.
J’aurais pu relever d’autres exemples d’incohérence dans la réponse que vous avez formulée. Il serait souhaitable que le Gouvernement ne s’intéresse pas aux seules grandes réformes électorales dans lesquelles il peut parfois faire des « tripatouillages », comme c’est notamment le cas pour le projet d’introduction du mode de scrutin pour les conseillers territoriaux. Il devrait s’intéresser davantage aux scrutins déjà en vigueur pour les améliorer.
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Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour un rappel au règlement.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, mon rappel au règlement concerne la distribution des documents parlementaires. Demain, à midi, expire le délai limite de dépôt des amendements au collectif budgétaire, voté en première lecture par l’Assemblée nationale. Quand je suis allé ce matin au service de la distribution pour prendre le document, parce que c’est quand même difficile de faire des amendements sans avoir le document écrit, on m’a dit qu’il ne serait pas distribué avant demain matin en milieu de matinée.
Je ne vois pas comment demain matin on peut présenter en une ou deux heures des amendements au collectif budgétaire, qui compte une cinquantaine d’articles au moins.
Monsieur le président, de deux choses l’une, ou bien on se débrouille pour trouver le texte d’une manière ou d’une autre ou même un document provisoire, ou bien on repousse le délai limite. Sinon, je considère que nous sommes privés de l’exercice de notre droit d’amendement. Par conséquent, ma demande ne peut pas rester sans suite.
Bien sûr, ce n’est pas la faute de la présidence. En ce moment, l’ordre du jour de nos travaux est très encombré puisque doivent venir en discussion de nombreux textes, dont la CMP de la loi de finances et le collectif. Il n’empêche que, quand la conférence des présidents fixe une date limite de dépôt des amendements, elle doit arrêter de tourner dans l’espace, descendre de son piédestal, atterrir et venir voir comment cela se passe à la base et dans la réalité.
Monsieur le président, vous êtes un homme de bon sens, et je sais que vous comprenez ce que je veux dire.
M. le président. Monsieur Charasse, j’ai atterri et je vais envoyer quelques éclaireurs.
M. Michel Charasse. Il paraît qu’on peut avoir le texte sur internet. Mais moi, je ne sais pas m’en servir ; j’ai droit à un document écrit, qui soit pratique.
Le report du délai limite est prévu par le règlement de notre assemblée. Des crédits sont inscrits dans le budget du Sénat pour sortir les textes dans les délais. Je ne vois pas pourquoi on ferait autrement.
M. le président. Monsieur Charasse, nous allons œuvrer en ce sens.
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Questions orales (suite)
M. le président. Nous poursuivons les réponses aux questions orales.
freins au développement économique de saint-pierre-et-miquelon
M. le président. La parole est à M. Denis Detcheverry, auteur de la question n° 713, adressée à Mme la ministre chargée de l'outre-mer
M. Denis Detcheverry. Madame la ministre, comme vous le savez, en adéquation avec le souhait exprimé par le Président de la République, lors du premier conseil interministériel de l’outre-mer, ainsi qu’avec le projet de réforme des collectivités territoriales, j’ai demandé que le Sénat mette en place une mission sur les problèmes institutionnels de Saint-Pierre-et-Miquelon. L’archipel connaît de réels problèmes de gouvernance et de fonctionnement, qui empêchent tout développement économique adapté et durable.
Pourtant, depuis l’arrêt brutal de la pêche en 1992, de nombreux projets porteurs de développement économique ont été élaborés. Tous ont cependant rencontré des barrières administratives infranchissables et n’ont donc jamais vu le jour, malgré une assistance financière très importante de l’État. La situation se dégrade, aucun projet structurant d’avenir n’a été mis en place et la population est en déclin.
Bien sûr, en vertu de l’article 74 de la Constitution, la responsabilité du développement économique appartient aux collectivités d’outre-mer. On me le rappelle souvent, ici, à Paris. Mais, comme vous le savez, Saint-Pierre-et-Miquelon n’est peuplé que de 6000 habitants. Il est difficile, au sein d’une masse critique aussi basse, de trouver la ressource humaine nécessaire pour constituer des dossiers complexes, surtout quand il s’agit de servir de trait d’union entre le continent nord-américain et l’Europe, comme nous tentons de le faire aujourd’hui.
Malheureusement, nous avons actuellement une administration d’État pléthorique, qui a pour mission - et je ne saurais lui en vouloir puisqu’il s’agit de la seule mission qui lui a été assignée - de gérer au jour le jour une situation économiquement exsangue, alors que le conseil territorial n’a pas les moyens de se doter d’une administration de développement au niveau de ses besoins.
Certes, notre statut actuel, qui date de 1985, stipule que « les agents et les services de l’État sont mis à la disposition de la collectivité et du président du conseil territorial, de façon permanente et en tant que de besoin », mais cela ne fonctionne pas dans les faits. Il suffit que le président du conseil territorial et le préfet en place ne s’entendent pas pour que tout s’effondre.
En fait, nous sommes dans un système bicéphale en fonction duquel on ne sait plus qui est le réel décideur, et donc le réel responsable. De ce fait, on n’arrive pas à évaluer pour améliorer, et rien n’avance. Bien souvent, on attend la fin du séjour du préfet, qui dure de douze à dix-mois mois, et on recommence à zéro.
À l’image du « paradoxe outre-mer », compris et souligné par le Président de la République dans son discours lors du conseil interministériel de l’outre-mer, les états généraux à Saint-Pierre-et-Miquelon ont fait ressortir de nombreuses questions sur le statut et sur le transfert d’un certain nombre de compétences vers la collectivité, ainsi que en même temps la demande forte d’un « plus » ou d’un « mieux » d’État, d’un État régulateur, mais aussi d’un État partenaire.
En premier lieu, il faudrait que l’État, outre ses missions régaliennes, joue plus amplement un rôle d’arbitre grâce à des règles et des indicateurs précis. La répartition des rôles de chacun doit être claire et les moyens humains et financiers doivent correspondre à cette répartition.
Il faut dire qu’il y a un déficit criant concernant les indicateurs à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ainsi, nous ne connaissons ni la réalité du chômage, ni la réalité des prix par rapport à la métropole, pour ne citer que quelques-uns des indicateurs qui nous font défaut.
Une fois cette méthode et cette transparence bien établies, l’État pourra devenir un vrai partenaire de développement économique, un partenaire technique et pas seulement financier, permettant à tous plus d’efficience, ainsi qu’une meilleure utilisation de l’argent public mis sur la table par chacune des parties.
Madame la ministre, à l’issue de cette mission sénatoriale qui devrait être menée dans les mois à venir, pouvez-vous m’assurer que vous nous donnerez les moyens humains et techniques, et que vous nous accompagnerez pour une mise en œuvre concrète et efficace afin que nous puissions bâtir ensemble le véritable projet de territoire dont Saint-Pierre-et-Miquelon a besoin pour un redémarrage de son économie ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, vous exprimez, à juste titre, vos préoccupations concernant les perspectives de développement économique de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Tout d’abord, je souhaite vous rassurer. L’État a toujours soutenu Saint-Pierre-et-Miquelon et son aide n’a pas faibli depuis des années, notamment au regard de sa population.
Dans le secteur de la pêche, il cherche à accompagner les initiatives locales. Il a ainsi soutenu le rachat de l’entreprise Interpêche par une société canadienne, au moyen d’une subvention d’un peu moins de 2 millions d’euros pour la seule année 2009. En outre, toujours en 2009, le Gouvernement a financé l’achat de deux navires, pour plus d’un million d’euros.
Je n’oublie pas non plus les 300 000 euros versés à l’entreprise de Saint-Pierre-et-Miquelon spécialisée dans la coquille Saint-Jacques. Vous le voyez, l’État a ainsi toujours répondu présent lorsque des demandes d’aides lui ont été adressées par l’archipel.
Au-delà des chiffres, je partage votre sentiment sur le besoin de redynamiser l’économie de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui souffre depuis l’effondrement de son secteur historique.
Le conseil interministériel de l’outre-mer, voulu et présidé par le Président de la République, nous a ainsi donné quelques pistes à suivre concernant le développement de Saint-Pierre-et-Miquelon par la structuration des filières « pêche » et l’expansion de l’aquaculture, par une plus grande transparence des circuits d’importation et de distribution et par une plus grande coopération avec le Canada.
La coopération avec le Canada est une piste prometteuse de développement économique, en particulier en ce qu’elle facilite l’accueil de sociétés canadiennes sur l’archipel, et leur donne accès au marché européen.
Nous allons donc renforcer nos relations diplomatiques et économiques avec notre partenaire canadien. Il s’agira de mettre en exergue les atouts et les contraintes d’une installation d’entreprises canadiennes sur votre archipel.
Enfin, de très nombreuses questions persistent sur le statut de Saint-Pierre-et-Miquelon. Je vous rejoins sur l’opportunité de mettre en place une mission sénatoriale de réflexion sur l’exercice de ses compétences par la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Il revient désormais à la présidence du Sénat de procéder à la désignation des membres de cette mission.
Les pistes d’action que la Haute Assemblée proposera seront soigneusement étudiées. Elles compléteront utilement les mesures du conseil interministériel pour l’archipel. Le Gouvernement examinera l’articulation de ces propositions avec les possibilités d’évolution statutaire.
Monsieur le sénateur, la seconde partie de votre question concerne l’accord de partenariat économique renforcé, qui correspond à une révision de l’accord-cadre commercial existant entre l’Union européenne et le Canada, en cours de négociation.
Afin de vous donner une information complète, je vous indique qu’une première session s’est tenue à Ottawa, au mois d’octobre dernier, dans une atmosphère très constructive. La prochaine se déroulera à Bruxelles.
Les intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon seront bien évidemment défendus par l’Union européenne, d’autant que, du côté canadien, cette négociation associe le gouvernement fédéral et les provinces. Les Canadiens ont d’ailleurs été sensibilisés à ce point.
M. le président. La parole est à M. Denis Detcheverry.
M. Denis Detcheverry. Madame la ministre, je vous remercie de ces propos plutôt rassurants.
Vous comprendrez néanmoins mon inquiétude quant à un nouveau rapport : j’en ai en effet rédigé un, en 2007, à la demande du Gouvernement, quant à la coopération régionale entre Saint-Pierre-et-Miquelon et le Canada atlantique, et j’attends toujours sa traduction concrète !
S’il peut donc être utile de mettre en place une mission, il ne faudrait cependant pas que le seul résultat soit un rapport de plus au fond d’un tiroir !
application pour les sdis des dispositions relatives au fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, auteur de la question n° 677, transmise à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
M. Daniel Reiner. Monsieur le président, j’avais adressé ma question à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, que je pensais concerné au premier chef, mais elle a été redirigée vers le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Cette question porte sur l’application aux services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, des dispositions de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 et du décret 2006-501 du 3 mai 2006 relatif au fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.
En effet, comme dans toutes les autres collectivités employeur public de vingt agents au moins, l’obligation d’embaucher des personnes handicapées n’est considérée comme réalisée que lorsque le rapport entre le nombre de bénéficiaires de cette obligation et l’effectif total atteint 6 %.
Or les SDIS emploient majoritairement des sapeurs- pompiers professionnels affectés en service opérationnel, soumis à de strictes conditions d’aptitudes physiques et médicales, définies par un arrêté du 6 mai 2000, et ne peuvent en aucune façon atteindre cet objectif de 6 %. Ils ne le pourraient pas davantage si l’obligation en cause était appliquée par priorité au personnel administratif et technique, dont le nombre est bien moindre.
Alors que le code du travail a prévu, pour le secteur privé, des minorations de contribution pour les catégories d’emploi exigeant des conditions d’aptitudes physiques particulières, la situation des SDIS paraît inadaptée, voire aberrante. Pourquoi être soumis à un traitement différent selon que l’on est employeur privé ou employeur public ?
En conséquence; des aménagements peuvent-ils être envisagés pour ce qui concerne l’application aux SDIS de la loi précitée ? Je souhaite à tout le moins que l’effectif servant d’assiette au calcul des 6 % ne tienne plus compte des sapeurs-pompiers professionnels en service opérationnel.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, vous venez d’exprimer vos préoccupations quant à l’application aux services départementaux d’incendie et de secours des dispositions de la loi du 11 février 2005 et du décret du 3 mai 2006 relatif au fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique. Le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales m’a chargée de vous apporter la réponse suivante.
La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées place l’emploi au cœur des enjeux de solidarité nationale. Les employeurs publics se doivent, à cet égard, d’être exemplaires.
Une difficulté est toutefois apparue pour ce qui concerne les services départementaux d’incendie et de secours. En effet, en dehors des personnels administratifs et techniques, les SDIS ne recrutent que des sapeurs-pompiers sélectionnés sur des critères d’aptitudes. En outre, ne pouvaient être intégrés aux effectifs déclarés au fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique que les sapeurs-pompiers reclassés sur un poste non opérationnel. Or la majorité des reclassements des sapeurs-pompiers inaptes se fait sur des postes qui sont adaptés, mais qui conservent une fonction opérationnelle, tel le poste d’opérateur de centre de traitement de l’alerte-centre opérationnel départemental d’incendie et de secours, ou CTA-CODIS.
À la demande du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État vient d’accepter un assouplissement qui, par circulaire du 26 octobre 2009, a été porté à la connaissance des SDIS. Ces derniers pourront désormais comptabiliser au titre de leur obligation d’emploi de travailleurs handicapés les sapeurs-pompiers professionnels bénéficiant d’une affectation non opérationnelle.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Madame la ministre, je prends note avec satisfaction de votre réponse. Les modifications nécessaires ont semble-t-il été apportées à la fin du mois d’octobre, alors que ma question avait été posée au début du même mois. Je vais donc faire part de votre réponse aux personnes m’ayant demandé d’interroger le Gouvernement sur ce point, en espérant qu’elles seront satisfaites par cette solution, qui, telle que vous la décrivez, me paraît de bon sens.
accès des urbanistes diplômés de l'université au concours d'ingénieur territorial (mention urbanisme)
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai, auteur de la question n° 682, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.
Mme Bernadette Bourzai. Ma question s’adressait à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, mais je vous remercie de bien vouloir y répondre, madame la ministre. J’espère qu’en vous désignant à cette fin, le Gouvernement a voulu montrer qu’il sait entendre les besoins des collectivités territoriales.
Ma question porte sur l’incompréhension que suscite la restriction opposée depuis cet été aux urbanistes diplômés de l’université souhaitant s’inscrire au concours d’ingénieur territorial, mention urbanisme. En application du décret n° 2007-196 du 13 février 2007, ces urbanistes doivent passer devant une commission d’équivalence de diplômes. Dans les faits, les deux tiers des dossiers seraient rejetés.
Ces diplômés en urbanisme, qui réussissaient remarquablement bien le concours, apportaient au statut d’ingénieur territorial qui leur était alors conféré les compétences requises pour servir les collectivités recherchant des professionnels de l’analyse et de la prospective territoriale, de la conduite et du pilotage de projets urbains et de politique de la ville. La transversalité de leur formation signe la spécificité des responsabilités auxquelles ils se destinent et auxquelles sont attachés leurs futurs employeurs.
Un minimum de pragmatisme devrait permettre de prendre en compte le métier d’urbaniste – certes relativement jeune, tout comme l’approche du fait urbain – tel qu’il est et tel qu’il est devenu en s’adaptant aux évolutions de la société dans la civilisation urbaine. Les problèmes relevant de la politique de la ville sont loin d’être réglés, tout le monde en convient.
Le Gouvernement compte-t-il revoir ou préciser le décret précité, afin que les collectivités territoriales continuent à disposer d’ingénieurs territoriaux, mention urbanisme, ayant reçu la formation pluridisciplinaire et universitaire qu’elles apprécient sur le terrain ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Madame le sénateur, tout d’abord, je vous prie de bien vouloir excuser Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, qui ne peut être présent ce matin.
Vous avez souhaité attirer l’attention de mon collègue sur l’accès des urbanistes diplômés d’université aux concours d’ingénieurs de la fonction publique territoriale.
Le décret portant statut particulier du cadre d’emploi des ingénieurs territoriaux a été modifié par décret du 12 avril 2002. Depuis cette date, le diplôme permettant d’accéder au concours pour le recrutement doit sanctionner une « formation à caractère scientifique ou technique ».
Cette disposition a été prise pour corriger la distorsion constatée par les élus entre les profils des candidats et les besoins des collectivités locales. Elle a traduit les conclusions d’un groupe de travail associant les organisations syndicales et les employeurs territoriaux. C’est donc pour répondre à une demande de leur part, afin d’assurer une meilleure qualification technique des candidats, que la modification statutaire est intervenue.
Madame le sénateur, depuis son instauration en 2007, la commission d’équivalence de diplômes, placée auprès du Centre national de la fonction publique territoriale, veille au respect des qualifications exigées par les statuts de la fonction publique territoriale. S’agissant des ingénieurs territoriaux, mention urbanisme, elle s’assure du caractère « scientifique et technique » du diplôme du candidat. Elle s’appuie en particulier sur la jurisprudence du Conseil d’État, qui, par de nombreux arrêts, a apprécié le caractère scientifique et technique pour confirmer des décisions de rejet de demandes de reconnaissance d’équivalence de diplômes pour l’accès au concours d’ingénieur territorial. Ainsi ont été écartés des candidats possédant le master de sciences humaines et sociales, spécialité géographie environnementale, ou détenant une maîtrise de sciences et techniques en développement économique régional et commerce international, ou encore titulaires d’un diplôme d’études supérieures spécialisées de relations publiques de l’environnement, au motif que ces diplômes « ne présentent pas un caractère scientifique et technique ».
En pratique, s’agissant du domaine de l’urbanisme, qui recouvre un concept transversal et pluridisciplinaire, les diplômes peuvent, selon leur contenu et les universités les délivrant, traduire l’acquisition soit de compétences techniques, soit de compétences plus généralistes. Dans le cas d’une formation véritablement scientifique et technique, les candidats peuvent se présenter au concours d’ingénieur territorial. Dans le cas d’une formation plus généraliste, ils doivent davantage être orientés vers le cadre d’emplois des attachés, spécialité « urbanisme et développement des territoires ».
Aussi, si l’on souhaite continuer à répondre à la demande exprimée par les employeurs territoriaux, qui a conduit à la réforme de 2002, il est nécessaire de maintenir la distinction entre, d’une part, les diplômes à caractère scientifique et technique et, d’autre part, les diplômes correspondant à des formations plus généralistes.
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.
Mme Bernadette Bourzai. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, que j’examinerai avec grand intérêt et beaucoup d’attention, dans la mesure où elle comporte un certain nombre d’éléments intéressants.
Je suis cependant un peu étonnée de constater que certains diplômes universitaires puissent ne pas avoir un caractère scientifique et/ou technique. Pour ce qui concerne le premier de ces qualificatifs, tout dépend de l’acception que l’on a du domaine des sciences. Mais, que je sache, les sciences humaines sont bien scientifiques. Écarter un candidat titulaire d’un master de géographie de l’environnement au prétexte que sa formation serait généraliste et non scientifique me paraît un peu byzantin.
détermination des valeurs locatives dans le quartier de la source à orléans
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la question n° 693, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.
M. Jean-Pierre Sueur. Ma question s’adressait à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. Nous sommes heureux de constater, madame la ministre, que, ce matin, vous représentez tout le Gouvernement ! Je vais donc vous interroger sur la situation des habitants du quartier de La Source, situé dans la commune d’Orléans, dans le Loiret, au regard de la détermination des valeurs locatives qui servent de base au calcul de la taxe d’habitation et des impôts fonciers qu’ils acquittent.
S’il existe des écarts injustifiés entre les montants des valeurs locatives sur l’ensemble du territoire national, dans le cas du quartier d’Orléans-La Source, qui a été construit entre 1960 et 1980, ces écarts prennent de telles proportions qu’ils suscitent le très compréhensible mécontentement des habitants, que je côtoie et dont je peux donc évoquer la situation en toute connaissance de cause.
Dans ce quartier, le montant de la valeur locative moyenne est égal à une fois et demie celui du reste de la ville d’Orléans, ce qui est en contradiction avec le II de l’article 1496 du code général des impôts qui dispose ceci : « La valeur locative des locaux de référence est déterminée d’après un tarif fixé, par commune ou secteur de commune, pour chaque nature et catégorie de locaux, en fonction du loyer des locaux loués librement à des conditions de prix normales et de manière à assurer l’homogénéité » – j’insiste sur ce mot – « des évaluations dans la commune et de commune à commune ».
En l’espèce, les disparités sont évidentes, puisque, à situation égale à l’intérieur de la même commune, les impôts locaux diffèrent très fortement, ce qui est dû aux inégalités quant au montant de la valeur locative, mais aussi – j’insiste sur ce point, madame la ministre – au coefficient d’entretien qui entre en compte pour la définition de ladite valeur.
Ces disparités ont conduit l’administration fiscale, à la demande de deux bailleurs sociaux, à revoir à la baisse le coefficient d’entretien pour un certain nombre de logements. Toutefois, madame la ministre, nous ne comprenons pas pourquoi la même diminution n’a pas été effectuée pour l’ensemble des logements du quartier d’Orléans-La Source ! Il y a là une certaine incohérence.
En fait, la valeur locative de la plupart des logements a été appréciée au 1er janvier 1970 – cela ne date donc pas d’hier ! –, et elle n’a jamais été révisée depuis lors, en contradiction, notamment, avec les termes de l’article 1516 du code général des impôts, qui dispose ceci :
« Les valeurs locatives des propriétés bâties et non bâties sont mises à jour suivant une procédure comportant :
- la constatation annuelle des changements affectant ces propriétés ;
- l’actualisation, tous les trois ans, des évaluations résultant de la précédente révision générale ;
- l’exécution de révisions générales tous les six ans. Les conditions d’exécution de ces révisions seront fixées par la loi ».
Pour conclure, je n’ignore pas que se pose là un problème général, qui a d’ailleurs conduit M. le Président de la République à déclarer récemment à Saint-Dizier : « Avant la fin de l’année » – nous approchons de cette échéance, madame la ministre ! –, « des marges de manœuvre pour actualiser les valeurs locatives seront proposées aux élus ».
Tout d'abord, puisque nous touchons bientôt au terme de l’année, pouvez-vous nous donner des précisions sur les marges de manœuvre qui seront proposées aux élus ?
Ensuite, au-delà des informations que vous pourrez m’apporter quant à la mise en œuvre de cet engagement, quelles dispositions précises comptez-vous adopter à l’égard des contribuables du quartier d’Orléans-La Source, qui sont victimes de disparités plus fortes encore que celles qui sont constatées sur le plan national ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l’attention du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État sur la détermination des valeurs locatives dans le quartier de La Source, à Orléans. Éric Woerth, qui ne peut être présent ce matin, m’a demandé de vous répondre à sa place.
La valeur locative des logements du quartier d’Orléans-La Source, notamment le classement des locaux et le coefficient d’entretien, est déterminée par l’administration, en étroite collaboration avec les instances locales, en particulier la commission communale des impôts directs d’Orléans. C’est ce partenariat qui, depuis 2002, a permis de revoir les paramètres d’évaluation de plus de 3 000 logements HLM.
En outre, une opération de réexamen sélectif a été menée en 2008 sur près de 800 pavillons individuels. Cette procédure a conduit, pour 20 % des locaux, à une modification des valeurs locatives, dont certaines ont été revues à la hausse et d’autres à la baisse.
Pour autant, la révision des bases de la fiscalité locale est nécessaire. Comme l’ont annoncé le Président de la République à Saint-Dizier le 20 octobre dernier et le Premier ministre au congrès des maires de France le 17 novembre dernier, la révision des valeurs locatives doit être engagée.
Ainsi, comme cela a été précisé le 10 décembre 2009 lors des débats à l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances rectificative pour 2009, le Gouvernement lancera dans les jours qui viennent une consultation sur les modalités d’une révision des valeurs locatives associant les associations d’élus et le Parlement. Cette démarche pourrait être engagée en priorité pour les locaux commerciaux.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, vous n’avez malheureusement pas apporté de réponse aux questions que j’ai posées, et vous le savez bien !
Sur le plan national, tout d'abord, je vous répète les propos qu’a tenus M. le Président de la République : « Avant la fin de l’année, des marges de manœuvre pour actualiser les valeurs locatives seront proposées aux élus » ! Or vous venez de me répondre qu’une concertation serait organisée, qui porterait en priorité sur les valeurs locatives des locaux commerciaux.
Ce n’est pas ce que j’avais compris ! J’avais cru que M. le Président de la République annonçait des mesures pour la fin de l’année et que celles-ci concernaient les valeurs locatives pour l’ensemble de nos concitoyens, puisqu’il existe à cet égard de grandes injustices dont sont victimes les ménages de ce pays.
J’en viens à présent à la situation du quartier d’Orléans-La Source. Tout d'abord, je le précise avec beaucoup de force, je n’ignore pas que le coefficient d’entretien a été diminué pour un certain nombre de logements sociaux, comme je l’ai d'ailleurs souligné en posant ma question.
Je n’ignore pas non plus que, à la suite de demandes qui ont été formulées, un certain nombre d’habitants du quartier d’Orléans-La Source ont reçu un formulaire de la part du service des impôts.
Toutefois, je le rappelle, ces formulaires peuvent être envoyés à tout moment, à tous les habitants de toutes les villes de France. Il n’y a pas eu là de traitement particulier, et d'ailleurs nous n’en demandions pas.
Ce que nous réclamions, c’était une mesure générale, eu égard à la spécificité d’un quartier où les valeurs locatives ont été déterminées il y a longtemps et où elles sont totalement inéquitables en comparaison de celles qui s’appliquent dans les autres quartiers de la ville.
Pour être tout à fait clair, le coefficient d’entretien à La Source est de 1,2 : c’est celui qui s’applique normalement aux habitations neuves, alors que ce quartier compte de très nombreux logements datant de trente ou quarante ans !
Nous demandons donc – et cette mesure relève de l’administration fiscale de l’État – la révision à la baisse de ce coefficient d’entretien, qui, par exemple, madame la ministre, pourrait passer de 1,2 à 1, ce qui produirait alors un effet sur l’ensemble des locaux concernés.
S’il paraissait justifié de procéder à une baisse du coefficient d’entretien pour un certain nombre de logements sociaux, comme l’a fait à juste titre l’administration fiscale, il n’y a aucune raison de ne pas faire bénéficier de cette mesure l’ensemble des habitants et des contribuables du quartier de La Source. Tel était le sens de ma question.
Je suis souvent intervenu sur ce sujet et, malheureusement, je constate qu’aucune réponse ne m’a été apportée. Madame la ministre, il n’y a rien de nouveau dans vos propos aujourd'hui, et je le regrette vivement. En effet, je dénonce une injustice, sur laquelle je reviendrai tant qu’elle ne sera pas réparée, car elle est inacceptable.
suppression annoncée de 182 blocs opératoires
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la question n° 715, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.
M. Jacques Mézard. Madame la ministre, ma question porte sur l’éventuelle suppression de services de chirurgie pratiquant moins de 1 500 actes par an, soit 182 blocs sur les 1 075 que compte notre pays. Cette mesure concernerait 25 % des établissements chirurgicaux du secteur public et seulement 9 %, semble-t-il, de ceux du secteur privé.
Il s'agirait donc de supprimer les « petits » services de chirurgie qui ne seraient pas assez modernes, selon vos propos, madame la ministre, pour « assurer une filière de soins chirurgicaux extrêmement complète » et « assurer la sécurité et la qualité des soins » ; j’aimerais d'ailleurs savoir si des statistiques ou des audits ont été réalisés sur cette question de la sécurité et de la qualité des soins dans les blocs opératoires...
Ainsi, le critère choisi pour évaluer la qualité d’un tel bloc serait de 1 500 actes par an et par établissement. Or les différents types d’interventions et le nombre des chirurgiens nécessaires pour les réaliser n’entreraient pas en ligne de compte.
Cette approche nous semble purement technique ; elle ne prend pas en considération la dimension humaine des petites structures de proximité, ce qui nous pose problème.
Il s'agit là d’une nouvelle menace, pouvant aller parfois jusqu’à la suppression pure et simple, qui pèse sur les « petits » établissements hospitaliers.
J’entends bien la nécessité d’assurer la qualité des soins et la sécurité de l’usager ; nous partageons bien entendu votre souci, madame la ministre. J’ai d'ailleurs noté que le Conseil national de la chirurgie avait préconisé la fermeture des établissements réalisant moins de 2 000 actes par an mais que vous aviez choisi, dans le souci de maintenir une certaine proximité des soins, d’abaisser ce seuil à 1 500 actes.
Il n’en reste pas moins que cette approche laisse de côté l’évaluation de la qualité dans les grands hôpitaux ou dans les établissements privés, qui prendront en charge les malades en cas de fermeture des petits blocs opératoires.
L’accès aux soins d’urgence pose problème, selon nous : nous craignons que de telles fermetures n’obligent le patient à réaliser un plus long trajet avant de rejoindre un hôpital, ce qui n’est pas sans risque, notamment dans les territoires qui sont particulièrement enclavés et connaissent les difficultés de transport que l’on sait.
Madame la ministre, nous souhaitons que vous preniez en considération les difficultés particulières de ces territoires et puissiez nous préciser les intentions exactes du Gouvernement en matière d’organisation territoriale des soins chirurgicaux, en tenant compte, je le répète, de la réalité de zones très enclavées, afin de garantir l’offre publique de soins de proximité.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui me permettra de répondre au fond sur ce sujet sur lequel, je dois le dire, j’ai entendu bien des bêtises et des propos polémiques !
Vous m’interrogez sur l’organisation territoriale des soins au regard, notamment, des décrets à venir concernant les autorisations en médecine et en chirurgie.
Il faut le savoir, les activités de soins sont actuellement réglementées par des décrets qui datent de mars 1956, soit de plus d’un demi-siècle ! Or – j’enfonce ici une porte ouverte –, depuis lors, la pratique a tout de même légèrement évolué en médecine et en chirurgie ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
En outre, ces textes anciens n’étaient applicables qu’au secteur privé. Ils méritaient donc – vous le reconnaîtrez, monsieur le sénateur – d’être sérieusement actualisés : nous avons enregistré des évolutions lourdes, comme le vieillissement et l’accroissement des pathologies chroniques, et, bien entendu, le niveau d’exigence de nos compatriotes en matière de sécurité et de qualité des soins a augmenté, ce qui est d'ailleurs tout à fait légitime au regard des énormes progrès scientifiques et technologiques qu’a connus la médecine pendant cette période.
À partir de ce constat, un travail de refonte de ces textes réglementaires a été engagé par l’un de mes prédécesseurs, en l’occurrence Xavier Bertrand.
Les services du ministère de la santé ont mené une démarche de concertation étendue avec tous les acteurs publics et privés concernés, les fédérations d’établissements, les syndicats médicaux, les sociétés savantes, le Conseil national de la chirurgie – vous l’avez évoqué, monsieur Mézard –, le Conseil national de l’ordre des médecins et la Haute autorité de santé.
Ce travail de concertation et de confrontation scientifique ne vise pas, comme je l’ai lu ici ou là, à fermer des établissements ! Il s'agit d’identifier les principes qui garantissent la sécurité et la qualité des soins afin d’améliorer la prise en charge des patients.
Parmi ces critères figure, entre autres, le nombre des actes effectués par les praticiens, car, nous le savons, ce que l’on fait bien, c’est ce que l’on fait souvent ! À l’évidence, la qualité d’un acte chirurgical ou obstétrical est directement liée à la fréquence avec laquelle celui-ci est pratiqué par un médecin ou un chirurgien.
Cette démarche nous a conduits à définir un seuil minimal d’activité. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu rappeler que le Conseil national de la chirurgie avait proposé de fixer celui-ci à 2 000 actes. J’ai pour ma part beaucoup insisté pour que ce seuil soit établi à 1 500 actes, et on pourrait d’ailleurs me reprocher de ne pas avoir suivi les préconisations du Conseil national de la chirurgie ; 1 500 actes, c’est bien le minimum pour qu’une activité chirurgicale se déroule dans des conditions de sécurité et de qualité optimales. C’est ce seuil qui figure dans le projet d’arrêté annexé aux deux décrets. Il garantit également que les opérateurs – chirurgiens, anesthésistes, équipes soignantes présentes au sein du bloc – ont une pratique suffisante pour conserver le niveau de compétence et d’expertise requis pour des opérations souvent spécialisées.
Les patients le savent d’ailleurs, qui votent avec leurs pieds. Les établissements de proximité dont l’activité est faible connaissent souvent des taux de fuites importants : les patients choisissent de ne pas se faire opérer dans ces établissements et ont recours à des plateaux techniques plus éloignés, mais plus importants. Ce taux de fuites peut atteindre 80 %, voire 90 %, et c’est tout à fait considérable. Nous ne pouvons nous satisfaire de ces situations où nos concitoyens ont certes accès aux soins, mais sans que l’offre qui leur est proposée réponde à toutes les exigences de qualité et de sécurité.
J’ai souhaité renforcer le rôle propre aux établissements de proximité, afin qu’ils répondent au mieux aux besoins de la population. Si cette réponse peut passer par une reconversion partielle d’activités, elle ne conduit jamais – j’insiste sur ce point – à une fermeture d’établissement : je n’ai en effet jamais fermé d’établissement !
Les centres hospitaliers voient ainsi leur rôle de proximité renforcé, en développant des services de soins de suite et de réadaptation ou des services de médecine gériatrique et en s’intégrant dans des filières de soins, notamment au moyen de formules de coopérations hospitalières. Je suis particulièrement attachée à la prise en charge graduée et coordonnée des patients en tout point du territoire.
Enfin, monsieur le sénateur, vous avez évoqué les urgences. Celles-ci ont vocation à faire partie intégrante des activités de l’hôpital de proximité. C’est l’une de ses missions, avec la médecine courante, les soins post-aigus et la gériatrie. C'est la raison pour laquelle j’ai tenu à renforcer les services d’urgence et j’ai pris des engagements chiffrés très précis pour que 90 % de la population, au lieu de 80 % actuellement, puisse être prise en charge par une structure adéquate dans un délai très rapide. Et vous savez bien, monsieur le sénateur, que ce sont les 10 % supplémentaires qui sont les plus difficiles à obtenir !
Les textes réglementaires qui sont publiés ne sont pas un couperet, loin s’en faut. Un établissement dont le service de chirurgie n’atteint pas le seuil minimal d’activité ne ferme pas pour autant. C’est l’occasion de se poser un certain nombre de questions, de se demander ce qui se passe, comment apporter des améliorations, notamment en matière de qualité des soins, quelles coopérations seraient les plus opportunes pour remédier aux difficultés rencontrées, quelles activités pourraient être transformées. Il s’agit de tout mettre en œuvre pour éviter que ce ne soit considéré comme une relégation.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Je tiens à remercier Mme la ministre de ses explications.
Lors de l’examen de la loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, il a été beaucoup question des déserts médicaux. Nous ne souhaitons pas avoir à déplorer l’existence de déserts chirurgicaux.
M. Jacques Mézard. Il faut assurer tant un équilibre entre les territoires que la présence d’un établissement de proximité dans les départements n’ayant pas de métropole régionale.
situation des chantiers stx ou chantiers de l'atlantique
M. le président. La parole est à M. André Trillard, auteur de la question n° 663, transmise à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
M. André Trillard. La date du 29 mars 2007 doit requérir notre attention : c’est celle de la dernière commande de paquebot enregistrée par les chantiers nazairiens. Depuis presque trois ans, seule une commande de l’État, très appréciée d’ailleurs – un navire militaire –, est en effet venue garnir le carnet de commandes.
Aussi – et c’est la conséquence inévitable de cette importante baisse de charge – les chantiers, en surcapacité de production, se voient-ils dans l’obligation d’ajuster leurs effectifs par le biais d’un plan de départs volontaires, qui concerne aujourd’hui 351 salariés.
Certes, ce plan, qui touche toutes les catégories professionnelles, épargne préférentiellement les postes liés à l’activité commerciale ou les bureaux d’étude ; cette stratégie est destinée à redémarrer l’activité rapidement en cas de déblocage des offres. Dans une telle hypothèse, le plan serait ajustable à la baisse d’ici à la fin du mois de janvier prochain.
Certes, les Chantiers STX France SA s’attachent aussi à diversifier leur activité, en particulier vers l’offshore, mais leur qualité de nouvel entrant sur ce marché exige patience et ténacité.
Certes, la direction continue à travailler pour boucler la commande de deux paquebots pour MSC, armateur italo-suisse, et nous savons que l’État travaille à finaliser le montage financier.
Il n’en reste pas moins que, même si un frémissement est aujourd’hui perceptible, les problèmes de financement laissent les armateurs hésitants. Il n’est pas réaliste d’espérer conserver un rythme annuel de 2,5 unités.
Cette situation appelle donc de la part de l’État une vigilance d’autant plus grande que, en l’état actuel de son plan de charges, la baisse d’activités des chantiers aura des effets démultipliés sur la sous-traitance et affectera par voie de conséquence l’ensemble de l’économie régionale.
Le ministre de la défense, M. Hervé Morin, a indiqué que, « même actionnaire à 34 %, l’État ne peut pas tout ». Cela me semble évident.
Toutefois, pour débloquer la prise de commandes bridée par un climat attentiste et pour permettre à plusieurs projets aujourd’hui en négociation de se concrétiser rapidement – je pense en particulier aux informations qui circulent sur le marché des bâtiments de projection et de commandement russes –, l’action de l’État comme son accompagnement financier peuvent être déterminants.
Madame la ministre, je vous remercie de nous communiquer sur ce dossier des informations concrètes.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Christian Estrosi, retenu loin de Paris. Cela me donne d’ailleurs l’occasion de vous apporter une réponse sur une entreprise à laquelle je suis profondément attachée, étant moi-même élue ligérienne et ayant eu souvent à ce titre l’occasion de me battre à vos côtés sur ces dossiers.
La société STX France SA, détenue à hauteur de 33,34 % par le Fonds stratégique d’investissement depuis que l’État lui a transféré sa participation au mois de juillet dernier, fait face à une situation de sous-activité importante depuis l’annulation malheureuse de la commande d’un navire par l’armateur NCL au second semestre de l’année 2008 et en raison de la crise économique et financière qui a fortement affecté les compagnies de croisière et leur capacité de financement.
L’État et le Gouvernement sont particulièrement vigilants quant à l’évolution de la situation des chantiers de l’Atlantique et n’ont pas ménagé leurs efforts ces derniers mois pour accompagner l’entreprise dans une période de transition.
La prise de participation de l’État a eu pour effet d’injecter 110 millions d'euros dans l’entreprise. « L’État ne peut pas tout », rappeliez-vous, monsieur le sénateur, en citant les propos d’Hervé Morin, mais il peut tout de même beaucoup.
M. André Trillard. Tout à fait !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il l’a d’ailleurs montré : 110 millions d'euros, ce n’est pas rien !
Au mois d’avril 2009, dans le cadre du plan de relance de l’économie, la commande par l’État d’un bâtiment de projection et de commandement, afin de répondre aux besoins de la marine nationale, a notamment partiellement atténué l’incidence de la crise.
La direction générale de STX France SA fait des efforts pour obtenir de nouvelles commandes et négocie notamment avec l’armateur MSC, qui est un client régulier des Chantiers de l’Atlantique.
Monsieur le sénateur, l’État est extrêmement vigilant quant à l’avenir de cette société, qui est l’un des fleurons de l’industrie française, mais aussi de l’industrie des Pays de la Loire et de la Loire-Atlantique. Christian Estrosi et ses services seront bien entendu à vos côtés pour appuyer et pour seconder vos efforts.
M. le président. La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard. Je tiens à remercier Mme la ministre, que je sais très attentive à ces dossiers.
Je me permets néanmoins d’insister : c’est l’un des derniers grands constructeurs français capables de construire des grands paquebots dont l’avenir est en cause ! Cela concerne un large pan de notre économie. Nous devons donc œuvrer tous ensemble, et l’État doit aider au montage financier, indispensable à des prises de décision.
adaptation de la fiscalité agricole au contexte de la crise
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, auteur de la question n° 699, adressée à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
M. Alain Houpert. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, mais je ne doute pas que Mme la ministre de la santé et des sports parviendra à répondre à mes interrogations concernant l’état de santé de la filière agricole, laquelle est en crise. En effet, gérer une crise s’avère parfois un sport : il faut en effet être sur tous les fronts !
L’agriculture est l’un des piliers de l’économie française, avec une balance commerciale fortement excédentaire. Mais elle a ses spécificités par rapport aux autres secteurs de notre économie.
Aujourd’hui, le secteur agricole est en crise et, pour que notre agriculture soit viable et pérenne, il faut mettre à sa disposition des outils fiscaux mieux adaptés et plus souples, lui permettant de corriger les évolutions sinusoïdales du revenu agricole qui ont une incidence forte sur ses perspectives de rentabilité.
En effet, les entreprises agricoles ont peu de trésorerie, et la fiscalité actuelle n’est pas en prise directe avec leurs résultats. Pour compléter l’actuel dispositif de dotation fiscale à l’investissement, ou DFI, qu’il faut absolument maintenir, il faut faire évoluer la dotation pour aléas, ou DPA, peu utilisée aujourd’hui car réservée aux seuls aléas climatiques et sanitaires. C’est pourquoi il faut ouvrir la DPA aux aléas économiques et familiaux, afin qu’elle couvre non seulement la chute des cours sur les marchés agricoles, mais aussi l’ensemble des répercussions des événements familiaux ou humains sur l’exploitation ; cette épargne professionnelle doit être utilisée avec beaucoup de souplesse dans le cas d’une chute de la marge brute de l’exploitation supérieure à 10 %.
À ce dispositif, il convient d’ajouter une assurance destinée à protéger l’exploitation contre les risques économiques, afin de sécuriser le revenu des exploitants dans ce monde économique profondément dérégulé.
Enfin, il faudrait prévoir un allégement fiscal sur l’investissement souvent lourd et peu rentable, mais indispensable, que constituent les sommes réinjectées dans l’exploitation, par rapport au revenu du travail utilisé pour vivre.
Compte tenu de la crise agricole qui touche l’ensemble des producteurs, le Gouvernement envisage-t-il de réformer la fiscalité agricole, d’une part, pour que soit allégée la charge fiscale en contrepartie des efforts d’investissement et des aléas économiques et familiaux, d’autre part, pour que l’impôt sur le revenu agricole soit calculé dorénavant, comme les charges sociales, sur une moyenne triennale ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Bruno Le Maire, actuellement retenu à Bruxelles par le Conseil européen « Agriculture et pêche ». Cela me donne le plaisir de répondre à votre question, étant moi-même élue de l’une des premières régions agricoles françaises, et suivant, à ce titre, ces questions avec beaucoup d’intérêt.
Vous avez tout à fait raison de souligner que l’agriculture traverse une crise exceptionnelle. Les radios ont annoncé ce matin la baisse du revenu des agriculteurs, donnant un retentissement médiatique à la réalité que vivent les exploitants agricoles. Tous les secteurs sont touchés. C’est une crise de revenu, mais c’est aussi une crise d’identité : le monde agricole se demande quelle est sa place dans la société. Nous devons lui offrir des perspectives.
Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour trouver des solutions à cette crise. À cet égard, le plan présenté le 27 octobre dernier par le Président de la République est sans précédent. Doté de 1,6 milliard d’euros, il comprend deux volets : des mesures bancaires, d’une part, des mesures d’allégements de charges, d’autre part. Ce plan est composé d’une batterie de mesures pour répondre aux besoins de tous les exploitants en difficulté, quelles que soient les filières et les régions. Ce sont les résultats qui comptent. C’est un parlementaire, M. Nicolas Forissier, qui a été nommé médiateur national pour le plan d’urgence en faveur de l’agriculture, afin de s’assurer que les agriculteurs seront entendus.
La déduction pour aléas est un dispositif déjà inscrit dans le code général des impôts, en cas d’aléa climatique, naturel ou sanitaire, afin d’inciter les agriculteurs à constituer une épargne de précaution en vue d’y faire face.
Comme vous le demandiez, l’Assemblée nationale vient d’étendre aux aléas économiques cette disposition par un amendement déposé par le député Marc Le Fur, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010.
Par ailleurs, le Gouvernement a pour ambition de généraliser l’assurance récolte. Il a décidé d’augmenter les moyens qui y sont consacrés en 2009 pour la développer dans les secteurs les plus exposés, comme les fruits et légumes ainsi que la viticulture, en portant le taux de subvention à 40 % et à 45 % pour les jeunes.
Dans le même temps, la couverture des risques climatiques et sanitaires a été inscrite dans le cadre du premier pilier de la politique agricole commune, la PAC. C’est une avancée majeure qui va permettre en 2010 de mobiliser 100 millions d’euros de crédits communautaires. Une nouvelle impulsion pourra ainsi être donnée au développement de l’assurance récolte en portant le taux de subvention à 65 % pour l’ensemble des secteurs agricoles concernés – grandes cultures, fruits et légumes, viticulture.
Cette évolution constitue une perspective pour l’après-2013 pour développer d’autres dispositifs assurantiels, de type assurance revenu ou chiffre d’affaires. À cet effet, le Gouvernement souhaite mettre en place rapidement une expérimentation d’un produit d’assurance couvrant les productions fourragères. Cette position de principe soulève la question de la réassurance publique. C’est la raison pour laquelle Bruno Le Maire préconise que les assureurs se lancent dans l’expérimentation de terrain. Au vu des résultats, nous pourrons en toute connaissance de cause examiner la question de la réassurance.
En parallèle, le Gouvernement prépare aussi – vous le savez d’ailleurs – un projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, qui a notamment pour priorité de stabiliser et de mieux garantir les revenus des agriculteurs et des pêcheurs. Ce projet permettra d’organiser l’indemnisation des calamités agricoles climatiques et le développement des assurances récoltes, notamment fourragères, en inscrivant dans la loi l’examen de la question de la réassurance, privée et publique.
Enfin, monsieur le sénateur, vous demandez que, pour leur imposition sur le revenu, les agriculteurs puissent bénéficier, comme pour leurs charges sociales, d’un dispositif d’étalement sur trois ans. Je vous confirme que ce mécanisme existe déjà : il s’agit de la moyenne triennale prévue à l’article 75-0 B du code général des impôts, qui permet de lisser les revenus imposables pour tenir compte de l’irrégularité des bénéfices agricoles. Ainsi, sur option du contribuable, le bénéfice agricole est déterminé en retenant la moyenne des bénéfices de l’année d’imposition des deux années précédentes.
Tels sont les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter au nom de M. Bruno Le Maire, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert.
M. Alain Houpert. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
L’entreprise agricole n’est en effet pas une entreprise comme les autres. Sa croissance et sa décroissance sont non pas linéaires, comme celles des autres entreprises, mais sinusoïdales. La situation est d’ailleurs paradoxale : quand la production est bonne, elle l’est partout, ce qui entraîne une chute des cours, et donc des revenus ; quand la production baisse, les cours chutent partout également !
Vous parlez d’assurance récolte. Il est important de la requalifier en la faisant davantage porter sur le revenu. En effet, comment assurer une récolte comme la dernière qui a été excellente et pour laquelle les revenus ont été très bas ?
accueil des mineurs étrangers isolés
M. le président. La parole est à M. Jean Besson, en remplacement de M. Jean-Pierre Bel, auteur de la question n° 698, transmise à M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
M. Jean Besson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord vous demander de bien vouloir excuser l’absence de Jean-Pierre Bel, qui préside actuellement une réunion de notre groupe et m’a donc demandé de le remplacer.
J’attitre votre attention, monsieur le ministre, sur la charge financière considérable supportée par les départements pour l’accueil des mineurs étrangers isolés dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance, ou ASE.
Actuellement, un mineur étranger isolé en situation irrégulière qui manifeste sa présence sur notre territoire est confié par ordonnance du procureur de la République au président du conseil général du lieu où il se déclare. Ainsi, la prise en charge financière, sociale et familiale est réalisée dans son ensemble par le département.
Cette procédure, effectuée en application des dispositions du code de la famille et de l’aide sociale, engendre, pour certains départements – c’est le cas de l’Ariège, le département de M. Bel –, de nombreuses difficultés.
Tout d’abord, les règles applicables aux mineurs étrangers isolés sont différentes du régime de droit commun de l’aide sociale à l’enfance.
Lorsqu’un mineur, dont le domicile est situé en dehors du département, fait l’objet d’un placement dans une structure installée dans ce département, c’est le conseil général du lieu d’habitation qui s’acquitte financièrement des charges d’accueil. Pour les mineurs étrangers isolés, il en va différemment. Et, alors que la solidarité nationale, à travers la prise en charge par le budget de l’État, devrait s’exprimer, ce n’est pas le cas.
La conséquence financière de cette situation est le poids important sur les budgets départementaux du placement de mineurs étrangers. Cela représente ainsi, en Ariège, 12 % du budget total de l’aide sociale à l’enfance.
Par ailleurs, à cette charge financière vient s’ajouter le souci de l’organisation du service en lui-même. En effet, les structures d’accueil liées à l’aide sociale à l’enfance se trouvent saturées. Récemment, dans le département de l’Ariège, deux ordonnances de placement ont été prises, mais une seule a pu être honorée, faute de places disponibles.
Cette prise en charge importante numériquement pose également la question du placement en urgence de tous les enfants, qu’ils soient étrangers ou ressortissants du département, lorsqu’il n’existe plus de places disponibles ou aucune autre possibilité.
Naturellement, monsieur le ministre, je ne remets absolument pas en cause le principe d’accueil des mineurs étrangers et je n’oppose en aucune façon un jeune à un autre. Il s’agit simplement de savoir comment peut être traitée une situation urgente. L’État entend-il prendre ses responsabilités ?
La politique d’accueil et les actions à mettre en œuvre pour les mineurs étrangers isolés doivent relever de la seule compétence de l’État, surtout à un moment où, compte tenu des projets de réforme en cours de discussion – je pense notamment à la réforme de la taxe professionnelle qui privera les conseils généraux d’une partie de leurs ressources et de leur autonomie fiscale –, les départements vont se trouver dans l’incapacité d’apporter les financements nécessaires.
Fort de ce constat, monsieur le ministre, comptez-vous faire évoluer la loi afin que l’État exerce seul la compétence d’accueil des mineurs étrangers isolés, et réponde ainsi à une situation humaine dramatique ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Monsieur le sénateur, j’espère ne pas vous porter préjudice auprès de votre groupe en vous disant que j’ai un plaisir personnel particulier à vous répondre. (Sourires.)
Il s’agit là d’un sujet complexe et délicat, qui concerne un public particulièrement fragile, estimé entre 3 000 et 4 000 mineurs.
Cette question ne doit pas donner lieu à des querelles partisanes, comme en témoignent le sens et l’esprit de votre intervention. Elle appelle, dans le respect des compétences de chacun, une coopération étroite de l’ensemble des acteurs concernés.
J’ai rendu visite, dès février 2009, aux associations qui mettent en œuvre, à Paris, le dispositif de mise à l’abri des mineurs étrangers isolés, financé par l’État à hauteur de 2,7 millions d’euros.
J’ai mis en place, en mai dernier, un groupe de travail pluraliste sur les mineurs étrangers isolés, avec mission d’établir un diagnostic partagé et de présenter des propositions d’amélioration du dispositif de prise en charge. Il comprenait des représentants de l’Association des maires de France, l’AMF, et de l’Association des départements de France, l’ADF.
Son rapport m’a été remis le 16 novembre, et j’ai fait connaître mes premières propositions, telle la séparation absolue des mineurs et des majeurs dans les zones d’attente créées en 1992 par le gouvernement de Pierre Bérégovoy.
En ce qui concerne la prise en charge financière des mineurs étrangers isolés au titre de l’aide sociale à l’enfance, je veux rappeler, sans en négliger l’incidence sur les budgets des collectivités départementales, qu’un mineur étranger isolé est légalement considéré, d’abord, comme un mineur.
Il n’est pas envisageable, sans heurter nos principes républicains les mieux établis, d’opérer des distinctions selon l’origine des mineurs confiés à l’aide sociale à l’enfance.
Je veux également indiquer que la loi du 5 mars 2007 sur la protection de l’enfance a clairement rappelé la compétence des services d’aide sociale à l’enfance, et donc des départements.
L’État se montre déjà solidaire des collectivités départementales. Il finance, pour un montant annuel de 7 millions d’euros, des structures d’accueil et d’hébergement de mineurs étrangers isolés : dispositif parisien, lieu d’accueil et d’orientation de Taverny, centre d’accueil et d’orientation des mineurs isolés demandeurs d’asile de Boissy-Saint-Léger.
J’ai également décidé l’ouverture, en septembre dernier, à Vitry-sur-Orne, en Moselle, d’un centre de 50 places pour mettre à l’abri et prendre en charge les mineurs étrangers isolés, livrés jusque-là aux filières mafieuses de la « jungle » de Calais.
Mais vous avez raison de le souligner, la prise en charge des mineurs étrangers isolés n’est pas équitablement répartie entre les départements. Sans doute une meilleure utilisation, par les parquets et les juges des enfants, du pouvoir de placement dont ils disposent sur l’ensemble du territoire pourrait-elle faciliter une meilleure répartition géographique de cette prise en charge.
Je suis, de plus, prêt à rechercher, avec le président de l’Association des départements de France, une plus grande efficacité du dispositif.
En outre, je crois nécessaire, s’agissant d’une question européenne, de mobiliser des financements communautaires dans le cadre d’un fonds européen, qui serait à créer, de protection des mineurs étrangers isolés. J’ai demandé à la présidence espagnole de l’Union européenne, qui débutera le 1er janvier prochain, d’inscrire ce sujet à l’ordre du jour, et je crois savoir qu’elle est d’accord.
Je voudrais enfin rappeler que la France est exemplaire : notre pays est l’un des seuls en Europe à offrir une protection absolue aux mineurs étrangers présents sur son territoire, ces jeunes ne pouvant faire l’objet ni d’une mesure d’éloignement contraint ni d’une remise à un autre État membre de l’Union européenne.
M. le président. La parole est à M. Jean Besson.
M. Jean Besson. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos réponses, qui vont dans le bon sens.
Mon collègue Jean-Pierre Bel est sénateur de l’Ariège, département transfrontalier où les problèmes quant aux mineurs étrangers isolés sont plus importants que dans le département de la Drôme, qui nous est cher à tous les deux, monsieur le ministre.
Mais le maire que vous êtes sait bien que les collectivités territoriales connaissent de nombreuses difficultés d’ordre financier. Et c’est en raison de ces dernières que mon collègue Jean-Pierre Bel vous a posé cette question.
devenir de la maison d'arrêt de privas
M. le président. La parole est à M. Yves Chastan, auteur de la question n° 666, adressée à Mme le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
M. Yves Chastan. Le 29 juillet dernier, j’interpellais par écrit le directeur de l’administration pénitentiaire concernant le projet de restructuration de cette même administration sur le territoire rhônalpin, notamment. Je l’interrogeais quant au devenir de la maison d’arrêt de Privas. À ce jour, la seule réponse qui m’a été transmise explique qu’aucune décision n’est arrêtée quant au maintien ou à la fermeture de l’unique établissement pénitentiaire présent sur le territoire ardéchois.
En fonction depuis 1820, en plein cœur de la ville-préfecture de l’Ardèche, cette maison d’arrêt accueille aujourd’hui, dans les vingt-neuf cellules qui la composent, moins d’une centaine de détenus purgeant de courtes peines ou se trouvant en détention provisoire.
Or, selon des informations diffusées par voie de presse, la seule et unique prison présente sur le territoire de mon département, l’Ardèche, pourrait disparaître dans le cadre du chantier de restructuration du service public pénitentiaire en Drôme-Ardèche.
Ce projet ne peut que susciter mon intervention, et ce pour plusieurs raisons.
Pourquoi, monsieur le ministre, l’administration pénitentiaire projetterait-elle de supprimer un établissement souvent qualifié d’exemplaire par les différents acteurs du monde judiciaire ?
La maison d’arrêt de Privas est en effet un établissement pénitentiaire à visage humain mettant en œuvre avec succès des actions de prévention contre les dépendances, comme l’alcool et la drogue, et assurant un véritable suivi psychologique des détenus avec des résultats largement encourageants.
Bien insérée dans le bassin de vie privadois, elle a bâti des coopérations locales avec les principaux établissements publics de santé, l’hôpital général et l’hôpital psychiatrique de Privas. Elle a également entrepris un travail exemplaire en matière culturelle, en partenariat avec le théâtre de la ville.
Dans le même temps, de nombreux travaux de réhabilitation et de modernisation des bâtiments ont été engagés, associant d’ailleurs dans les chantiers des détenus volontaires et des acteurs locaux du bâtiment.
Je ne comprends pas non plus pourquoi serait pris le risque de fragiliser les services publics présents sur les territoires ruraux tels que le mien.
Vous connaissez bien sûr, monsieur le ministre, cette célèbre phrase de Victor Hugo : « Celui qui ouvre une porte d’école ferme une prison ». Mais que penser, que faire, que dire quand on constate que, dans les départements comme l’Ardèche, on ferme et on menace de fermeture écoles et prisons ?
Comment expliquer, monsieur le ministre, aux familles de détenus, notamment ardéchois, aux femmes et aux enfants vivant en Ardèche et qui ont le droit de voir leur mari et leur père sur ce territoire, qu’ils devraient désormais faire plusieurs dizaines voire plusieurs centaines de kilomètres pour leur rendre visite ? Et ce sont des détenus, je le répète, qui purgent de courtes peines ou qui sont simplement placés en détention provisoire !
Je ne l’oublie pas non plus, en fermant le cas échéant – je n’en ai en effet pas la confirmation – cette prison, seraient soustraits 35 postes de fonctionnaires et près d’une centaine d’emplois induits sur le bassin de vie de Privas, parmi les fournisseurs concernés mais aussi les établissements de formation, de services et de prestations, sans compter la trentaine de familles qui quitteraient le territoire ardéchois pour suivre les fonctionnaires éventuellement mutés.
Aussi, je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir préciser les intentions de l’administration quant au devenir de cet établissement pénitentiaire.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Monsieur le sénateur, Mme Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, empêchée, m’a demandé de vous faire part de la réponse qu’elle souhaitait vous apporter.
Elle tient à vous dire que le projet de restructuration de l’administration pénitentiaire en Rhône-Alpes, plus particulièrement le devenir de la maison d’arrêt de Privas, fait de sa part l’objet d’une attention particulière.
Ainsi que vous le soulignez, cet établissement, mis en service en 1820, est situé en plein cœur de la ville. Alors que sa capacité est limitée à 64 places, au 1er novembre dernier, 80 personnes y étaient écrouées.
Un nouveau programme immobilier pénitentiaire, en cours d’élaboration, doit permettre de poursuivre la mise à niveau des établissements pénitentiaires soit par rénovation, soit par reconstruction.
Il implique la mise aux normes d’une partie du parc pénitentiaire, dans la mesure où, initialement, l’ouverture de 12 300 places nouvelles correspondait à la fermeture de 12 300 autres situées dans des établissements particulièrement vétustes ou inadaptés à la réalisation d’une politique pénitentiaire moderne. À cet objectif est venue s’ajouter la création, annoncée par le Président de la République, de 5 000 places supplémentaires.
C’est dans le cadre de l’élaboration de ce programme immobilier que le devenir de la maison d’arrêt de Privas sera prochainement évoqué. Mme le ministre d’État me prie de vous préciser qu’aucun arbitrage n’est encore rendu sur le choix des nouvelles implantations et sur les fermetures éventuelles d’établissement. Bien évidemment, vous serez tenu informé des avancées de la réflexion.
M. le président. La parole est à M. Yves Chastan.
M. Yves Chastan. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, que je considère donc comme une réponse d’attente.
Je souhaite que puissent être associés à la réflexion en cours non seulement les partenaires locaux, mais également les cadres et agents de la maison d’arrêt de Privas. Il importe en effet de sauvegarder cet établissement, lequel, bien que datant de 1820, dispose de bâtiments fort bien entretenus, grâce notamment à une aide récente octroyée dans le cadre du plan de relance.
Au-delà des arguments que j’ai pu avancer, mon souci principal est de défendre l’intérêt et, même, l’honneur de notre système pénitentiaire. À ce sujet, la mise en œuvre de la récente loi pénitentiaire doit retenir aujourd’hui toute notre attention, car c’est dans ce cadre que le maintien d’établissements comme celui de Privas trouve sa justification. Si les cadres et agents de l'administration pénitentiaire méritent notre soutien, les personnes détenues doivent pouvoir purger leur peine et s’acquitter de leur dette envers la société dans des conditions de détention dignes et les mieux à même d’assurer leur réinsertion dans la vie sociale et économique.
Un certain nombre d’événements récents ont d’ailleurs montré que le maintien de petits établissements de qualité, ce qui, je le répète, est le cas de Privas, constitue, par la typologie des détenus qu’ils accueillent, un élément de réponse à ne pas négliger dans l’ensemble du système pénitentiaire.
lutte contre les macro-déchets du littoral
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano, auteur de la question n° 694, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
M. Robert Tropeano. Monsieur le secrétaire d'État, la Conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, qui se déroule actuellement à Copenhague, revêt une importance fondamentale pour sauvegarder l’équilibre climatique de notre planète et, par voie de conséquence, pour anticiper les bouleversements écologiques majeurs qui ne manqueront pas de se produire dans les trente prochaines années.
C’est l’occasion pour l’ensemble de la communauté scientifique, ainsi que pour les élus et les associations de protection de l’environnement, d’attirer plus particulièrement l’attention sur l’état de pollution de plus en plus inquiétant de nos mers et océans.
Grâce à l’importance de son littoral, tant en métropole qu’outre-mer, la France possède la plus grande surface maritime au monde. La saison estivale vient à peine de s’achever que les élus locaux et les associations tirent, une fois de plus, la sonnette d’alarme sur l’état de délabrement de nos côtes et fonds marins.
Les chiffres établis par les structures scientifiques parlent d’eux-mêmes. L’IFREMER, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, estime à plus de 540 millions de tonnes le poids des déchets plastiques qui encombrent les fonds marins européens, la mer Méditerranée étant de loin la mer la plus polluée.
Ce type de déchets représente entre 60 % et 95 % des macro-déchets, avec une biodégradabilité polluante située entre 100 et 500 ans ; viennent, ensuite, les déchets en verre et en métal. Sur le plan écologique, l’accumulation menace l’écosystème sous-marin en empêchant le renouvellement des biotopes et en provoquant la mort par étranglement ou étouffement de grands organismes marins – tortues, cétacés, thons –, ainsi que de milliers d’oiseaux en surface.
Or le développement de la navigation de plaisance constitue aujourd’hui un facteur aggravant : la France compte plus de 900 000 bateaux immatriculés et, chaque année, quelle que soit la conjoncture économique, 25 000 nouvelles immatriculations sont enregistrées ; c’est, au fil des ans, autant de pollution supplémentaire !
Monsieur le secrétaire d’État, au printemps dernier, le Gouvernement a lancé le processus du « Grenelle de la mer », qui devait aboutir à l’élaboration de normes réglementaires visant à assurer une gestion de la mer plus efficace et plus respectueuse de l’environnement.
Il est impératif que, dans ce cadre, soient promus les éco-gestes et la responsabilisation des comportements individuels. Les campagnes de communication locales et nationales ne suffisant pas à endiguer ce phénomène destructeur, il est urgent de traiter le problème à la source, c’est-à-dire en prônant l’arrêt des rejets en mer de centaines de milliers de tonnes de déchets.
La solution la plus efficace, la plus simple et la moins coûteuse serait la mise en place de collecteurs flottants de déchets domestiques dans les zones de mouillage et les réserves naturelles marines. Déjà utilisés par certaines collectivités et personnes morales en charge de la collecte des déchets, ces collecteurs ont démontré leur efficacité en permettant la récupération massive de milliers de tonnes de détritus.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question est donc la suivante : dans le cadre des normes prochainement édictées, le Gouvernement envisage-t-il de généraliser l’implantation de tels collecteurs flottants ? En effet, la mer n’est pas une poubelle !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme. Monsieur le sénateur, la gestion des macro-déchets du littoral est une question complexe. Derrière ce terme générique se cachent des déchets de natures, de tailles et d’origines variées, dont 80 % proviennent de la terre.
La réduction de leur impact environnemental nécessite, par conséquent, la mise en œuvre d’actions complémentaires, en matière aussi bien de prévention de la production de ces déchets, dont les différentes sources sont identifiées, que de développement de filières adéquates de collecte et de traitement.
Menée dans le cadre du Grenelle de l’environnement au sein du comité opérationnel chargé de la question des déchets, la réflexion sur les macro-déchets s’est poursuivie de décembre 2008 à mai 2009 par le biais d’un groupe de travail spécifique, dont les travaux ont abouti à la rédaction d’un plan de réduction et de gestion des macro-déchets flottants, repris dans l’engagement 67 du Grenelle de la mer.
Les mesures retenues, qu’elles soient de nature législative ou réglementaire, portent à la fois sur la sensibilisation du grand public, la recherche et l’innovation, notamment en matière de gestion des déchets portuaires, la connaissance qualitative et quantitative des différents types de macro-déchets. Il s’agit plus particulièrement de prendre en compte dans les outils de planification les zones d’accumulation de ces déchets, pour être en mesure de les traiter.
Au-delà des aspects techniques se pose également la question du mode de financement et de la responsabilité de la prise en charge de ces déchets.
En effet, l’impossibilité de remonter jusqu’aux pollueurs et les distances importantes parcourues par les déchets obligent à développer des approches innovantes. Les travaux du groupe de travail sur les macro-déchets flottants ont permis de développer la notion de solidarité amont-aval : l’objectif est de responsabiliser les acteurs en amont dans le traitement des déchets accumulés en aval. À cette fin, l’engagement 95b du Grenelle de la mer prévoit la création d’un fonds de solidarité fondé sur le principe pollueur-payeur. Un groupe de travail chargé de la mise en œuvre de cet engagement sera prochainement constitué et devrait remettre ses conclusions avant le printemps 2010.
Monsieur Tropeano, le Gouvernement encourage les gestionnaires des ports et des zones de mouillage à mettre en place des collecteurs flottants de déchets lorsque cela s’avère pertinent. Si la gestion spécifique de ces déchets est une nécessité, elle ne relève pour autant pas de la loi, pas plus, en tout cas, que l’installation des poubelles dans les rues.
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. La mise en place de collecteurs flottants est une solution simple et évidente, qui, de surcroît, ne coûterait rien aux collectivités et permettrait d’apaiser le mécontentement des pêcheurs professionnels. Ces derniers se plaignent en effet avec force, leurs prises étant aux deux tiers polluées par les plastiques.
La prolifération des méduses sur nos côtes est l’une des conséquences directes de cette pollution, puisque leurs principales prédatrices, les tortues, meurent étouffées par les plastiques. Parallèlement, la faune marine fragile, notamment les dauphins, souffre d’occlusion intestinale.
En matière de dépollution de la mer, il est très important que la France, dotée du territoire maritime le plus vaste au monde, donne l’exemple.
gestion des captages labellisés « grenelle »
M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy, auteur de la question n° 696, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
M. Philippe Leroy. Monsieur le secrétaire d’État, aux termes de l’article 27 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite loi Grenelle I, « d’ici à 2012, des plans d’action seront mis en œuvre en association étroite avec les agences de l’eau pour assurer la protection des cinq cents captages les plus menacés par les pollutions diffuses » sur le territoire national.
Cependant, les ministères en charge du développement durable, de la santé et de l’agriculture ont jugé utile de publier, dès le 1er juillet 2009 – soit plus d’un mois avant le vote final et la promulgation de la loi ! –, une liste de 507 sites se référant explicitement aux dispositions de l’article 27 précité. À l’époque, huit se situaient dans mon département de la Moselle ; ils sont un peu plus nombreux aujourd'hui.
Cette situation suscite nombre d’interrogations quant à la désignation locale des sites et, plus particulièrement, quant à la manière dont la concertation préalable a été conduite.
L’identification des captages « Grenelle » est bien sûr une étape essentielle en vue de la concrétisation des objectifs fixés dans la loi Grenelle I, qui s’inscrit dans la droite ligne de la directive-cadre européenne sur l’eau, elle-même transcrite en droit français par la loi du 21 avril 2004. Loin de moi l’idée de dire que la loi est mauvaise ; je souhaite simplement souligner les nombreux problèmes posés par son application, dus à un double manque d’anticipation et de concertation.
Tout en partageant les objectifs recherchés, je m’interroge sur la portée juridique réelle de la liste des captages « Grenelle » telle qu’elle a été publiée, ainsi que sur la pertinence des choix opérés par les services administratifs lors de son élaboration, alors que la loi Grenelle I n’était pas encore adoptée.
En outre, il n’est pas interdit de penser que, faute de concertation, certains des sites retenus seront délaissés par les communes concernées, afin d’éviter le poids de contraintes nouvelles dont les compensations, aujourd’hui, semblent insuffisamment précises.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de bien vouloir m’indiquer les mesures que le Gouvernement entend mettre en œuvre en la matière sur le territoire national, notamment en Moselle.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme. Monsieur le sénateur, à la fin de 2007, les conclusions du Grenelle de l’environnement ont fait émerger, parmi les grands axes d’action des différentes thématiques en discussion, la protection des ressources en eau. Vous l’avez rappelé, un objectif fort a été fixé : renforcer d’ici à 2012 la protection des aires d’alimentation d’au moins 500 captages d’eau destinée à la consommation dont la qualité est aujourd’hui menacée de dégradation.
Il a aussitôt été demandé aux services de l’État de considérer cet objectif comme une priorité et de bâtir un programme de travail sans attendre la promulgation de la loi Grenelle II, afin de garantir le respect de l’échéance fixée.
Répartis sur l’ensemble du territoire, 507 captages ont ainsi été identifiés suivant un processus de concertation locale, sur la base de trois critères : l’état de la ressource au regard des pollutions par les nitrates ou les pesticides, le caractère stratégique de la ressource au vu de la population desservie et, enfin, la volonté de reconquérir certains captages aujourd’hui abandonnés.
Le dispositif de protection qui sera appliqué sur ces captages pourra s’appuyer sur celui des zones soumises aux contraintes environnementales, les ZSCE, issu de l’article 21 de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques.
Dans le département de la Moselle comme dans les autres départements, cela doit se traduire par la définition et la mise en œuvre de programmes d’action, dont la réussite reposera sur l’implication de tous les acteurs territoriaux concernés au travers d’une animation territoriale.
En raison de l’importance de cette phase de concertation, il est prévu que l’animation bénéficie de crédits d’État déconcentrés ou de moyens financiers engagés par les agences de l’eau.
L’hypothèse d’un arrêt de certains captages ne peut être un motif pour les retirer de la liste, puisque la reconquête de leur qualité reste un objectif à maintenir.
Dans le cas où un défaut de mobilisation sur un captage donné n’offrirait toutefois aucune autre issue que celle de le retirer de la liste, il reviendrait au préfet du département concerné de proposer un nouveau captage en remplacement du captage en question.
En tout état de cause, il s’agit non pas de contraintes nouvelles, mais de mesures destinées à assurer une qualité des eaux conforme à la réglementation en vigueur.
M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy.
M. Philippe Leroy. Monsieur le secrétaire d'État, je ne veux pas ouvrir une polémique, …
M. Philippe Leroy. … mais je tiens simplement à souligner que quatre des captages de mon département se trouvent dans le canton où je suis élu conseiller général. Or, les quatre maires concernés n’étaient pas au courant ; ils ont appris cette décision en juin ou juillet dernier.
D’ailleurs, le président de conseil général que je suis, très impliqué dans la politique de l’eau puisqu’il la cofinance à 50 % avec l’agence de l’eau, n’a jamais – j’y insiste ! – été saisi de cette question durant ces deux dernières années par le préfet !
C’est pourquoi je mets totalement en doute les choix qui ont été opérés en Moselle. D’ailleurs, si ces choix ont été retenus de la même façon sur l’ensemble du territoire, permettez-moi de vous dire, monsieur le secrétaire d'État, que vous n’avez pas été bien informé.
Il ne s’agit pas pour moi d’entrer en guerre. Si nous devons protéger dix ou quinze captages dans mon département, nous le ferons, mais uniquement là où nous estimons que la concertation est bien engagée pour mener à bien cette politique. Dans ce genre d’affaire, rien ne sert de forcer le destin !
déconstruction des bateaux de plaisance
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, auteur de la question n° 697, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite vous alerter sur le sort des bateaux de plaisance hors d’usage qui se trouvent aujourd’hui dans les ports ou chez des particuliers. Les risques que font courir ces bateaux pour l’environnement sont très importants. Leur déconstruction apparaît aujourd’hui comme une nécessité après quarante ans de production de coques plastiques.
La fédération des industries nautiques a lancé avec le ministère de l’écologie et l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, un vaste projet de déconstruction favorisant la mise en place d’un réseau national. En Bretagne, la région soutient ces initiatives par le biais de la charte des espaces côtiers bretons.
Dans le cadre du Grenelle de la mer, les acteurs économiques et ceux du nautisme ont sollicité l’État pour mettre de toute urgence en place une réglementation relative à la déconstruction.
En effet, cette activité se heurte à un manque cruel de législation, puisque la récupération d’un bateau en vue de sa déconstruction est impossible au regard de l’inaliénabilité du droit de la propriété. Il nous faudrait pourtant trouver des voies incitatives ou coercitives pour que les propriétaires de ces bateaux de plaisance hors d’usage prennent conscience de la nécessité de ne pas les laisser à l’abandon, car cette question est essentielle pour l’avenir de notre planète.
Un travail de sensibilisation et de prise de conscience par les propriétaires, mais aussi par les professionnels, comme les gestionnaires des ports ou les responsables des chantiers navals, est donc incontournable.
Par ailleurs, une filière de déconstruction permettrait de créer des centaines d’emplois sur les territoires proches de nos côtes.
Je prendrai l’exemple, dans mon département, de l’action entreprise par l’association Les Genêts d’Or.
Cette association, qui œuvre en faveur du développement de l’emploi des personnes handicapées, a repéré entre Saint-Malo et Lorient un potentiel de 450 à 550 bateaux. Le nombre de tonnes à traiter est estimé par les experts à 10 000 d’ici à 2010 et à 20 000 à l’horizon de 2025. Actuellement, 20 000 bateaux arrivent chaque année en fin de vie.
Quelles mesures législatives peuvent-elles être prises pour mettre en place des circuits de récupération et de déconstruction de bateaux de manière à respecter l’environnement ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. Monsieur le sénateur, le nombre de navires de plaisance immatriculés en métropole pour une navigation en eaux maritimes était de 907 000 unités au 31 août 2008.
Toutefois, la flotte active, composée des navires pouvant réellement naviguer, est évidemment inférieure. En effet, de nombreux plaisanciers ne signalent pas l’inaptitude ou la destruction de leur embarcation, notamment dès lors qu’il s’agit de petites unités de moins de six mètres, lesquelles représentent 76 % de cette flotte.
Ainsi, la flotte potentiellement en état de naviguer est aujourd'hui estimée à 153 000 unités pour les plus de six mètres et à 379 000 unités pour les moins de six mètres.
Chaque année, environ 23 000 unités sont nouvellement immatriculées, dont 66 % de moins de six mètres et 75 % de navires à moteur.
En 2003, une étude a été menée par l’Agence française de l’ingénierie touristique, l’AFIT, sur l’adaptation des capacités d’accueil à la demande de places dans les ports de plaisance.
Selon cette étude, environ 13 000 embarcations arrivent chaque année en fin de vie, dont 3 000 de plus de six mètres et 10 000 de moins de six mètres. Parmi ces dernières, on estime à 2 000 unités les embarcations pneumatiques et à 2 200 unités les véhicules nautiques à moteur, tels que les scooters et motos de mer.
Conscients de cette situation, les professionnels de la plaisance, regroupés au sein de la fédération des industries nautiques, ont créé l’association pour la plaisance éco-responsable, dont l’objectif est d’organiser et d’animer la mise en place d’une filière française de déconstruction et de recyclage des bateaux de plaisance hors d’usage et, par extension, des autres filières de déchets liés à l’ensemble des activités du nautisme.
En effet, la très grande majorité des coques des navires de plaisance étant désormais construite en matériau composite, les filières classiques ne sont pas appropriées au recyclage d’un tel produit, les autres déchets étant absorbés par les filières traditionnelles de traitement. Il existe, je vous le rappelle, un plan de collecte et de traitement des déchets dans chaque port.
Afin d’anticiper les difficultés liées à la déconstruction des futurs navires de plaisance, un colloque sur les enjeux du développement durable pour la filière nautique a été organisé à Lorient, sur l’initiative de l’État, le 11 juin dernier. L’objectif était de sensibiliser à la fois les professionnels de la filière et les chantiers navals, afin d’intégrer dès la conception du navire et, par suite, durant le processus de construction des éléments permettant un recyclage maximal lorsque le bateau arrive en fin de vie.
Comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, ce sujet a fait l’objet de débats lors du Grenelle de la mer. Les parties prenantes ont pris l’engagement d’encourager la constitution d’une filière industrielle française de démantèlement, de recyclage et de dépollution des navires.
À ce titre, le Premier ministre vient de nommer le député Pierre Cardo parlementaire en mission, pour proposer au Gouvernement des mesures concrètes et opérationnelles visant à développer cette filière, y compris pour les navires de plaisance.
D’autres engagements ont été pris pour éviter « les bateaux ventouses » et ainsi contraindre leur propriétaire à les mettre dans une filière de déconstruction s’ils sont hors d’usage.
Enfin, dans le cadre des travaux de recherche qui seront menés pour inventer le navire du futur, un effort particulier sera déployé pour permettre, dès la construction, de faciliter le retraitement des matériaux.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de toutes ces précisions. Cependant, je reste un peu sur ma faim quant à la réponse que vous m’avez apportée, car ma question concernait plus précisément la législation applicable aux bateaux en fin de vie.
À l’heure actuelle, il n’existe pas de traçabilité entre le moment où le bateau est construit et celui où il arrive au terme de sa vie. C’est ainsi que l’on voit des petits bateaux coulés au large ou près des côtes, tandis que d’autres restent sur la grève, entraînant de fait sur nos plages une pollution visuelle et chimique, bref, une pollution de tous ordres aux conséquences très inquiétantes pour l’environnement.
C’est pourquoi nous souhaitons que des dispositions législatives contraignent les propriétaires privés à indiquer la destination de leur bateau en fin de vie. Certes, il est souhaitable d’encourager, dans les mois à venir, une filière industrielle, mais il faut aussi mettre en place une filière de déconstruction qui soit expressément organisée. Rien n’est fait, et il y a urgence à traiter cette question.
L’association œuvrant en faveur de l’emploi des personnes handicapées que j’ai citée tout à l'heure serait tout à fait à même de traiter cette question en créant une filière, laquelle présenterait le double avantage de répondre à la question de la déconstruction des bateaux et de proposer un emploi aux personnes qui en ont besoin.
zonage des communes pour l'application de la loi sru
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, auteur de la question n° 684, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, mes chers collègues, la présence de M. le secrétaire d’État est opportune, car, même si ma question s’adressait à M. Borloo, elle a trait au logement et à l’urbanisme, notamment aux conditions d’application de l’article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, plus connue sous l’appellation « loi SRU ».
Je tiens à faire état des difficultés rencontrées par certaines municipalités, alors même qu’elles consentent des efforts pour atteindre le seuil de 20 % de logements sociaux prévu dans cette loi.
J’illustrerai mon propos en citant un exemple assez unique dans mon département de la Seine-et-Marne, à savoir la commune de Trilport, qui s’est engagée dans une démarche volontariste pour atteindre ce seuil dans les meilleurs délais.
Mise à l’amende pour les années 2004-2006, la municipalité a finalement été exonérée de pénalités depuis cette période en raison des efforts patents qui découlent de la volonté de fer incontestable de son maire élu depuis 2004.
Néanmoins, cette démarche positive est freinée par un problème de zonage selon les critères retenus conjointement par le ministère du logement et celui du budget.
En effet, la commune de Trilport est classée en zone II, ce qui est très étonnant, car quatorze des dix-huit communes de l’agglomération du pays de Meaux – dont plusieurs villages qui ne sont pas concernés par la loi SRU ! – sont classées en zone I.
Ce classement en zone II signifie, pour toute opération qu’un bailleur social engagerait sur le territoire communal, un surcoût direct de 20 % à l’investissement et une perte de 20 % par mois sur le montant des loyers.
Ce « handicap » n’a toutefois pas empêché la ville de Trilport de signer un contrat de mixité sociale avec l’État, celui-ci reconnaissant les efforts de cette dernière.
Le maire de cette commune ayant interpellé à plusieurs reprises les services préfectoraux, le préfet de Seine-et-Marne lui avait signifié par courrier qu’il avait saisi la direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction, la DGUHC, en vue d’un classement de Trilport en zone I. Cette décision était la conséquence logique de l’avis favorable émis par la direction départementale de l’équipement et de l’agriculture de Seine-et-Marne. Pourtant, au moment même où je vous parle, ce reclassement fait toujours défaut.
C’est la raison pour laquelle j’aimerais connaître le calendrier prévu pour permettre à la commune de Trilport de voir aboutir cet ajustement.
Par ailleurs, il faut fixer un principe plus général de nature à favoriser la construction de logements sociaux par les collectivités qui ne se trouveraient pas encore dans l’épure souhaitée – et souhaitable ! – des 20 %.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. Madame le sénateur, la commune de Trilport compte actuellement 5 % de logements sociaux, et elle a réalisé sur l’année 2008 six logements sociaux. Ce chiffre faible s’expliquerait, selon vous, par un classement en zone II qui rend difficile la construction de logements sociaux, conduit notamment à un loyer plafond des logements plus bas qu’en zone I, impose par voie de conséquence une mobilisation de fonds propres plus importante pour les organismes de logement social et limite ainsi la construction de logements sociaux.
Le cadre réglementaire des aides à la pierre présente des éléments de souplesse et permet d’ores et déjà d’intégrer les réalités locales, en modulant certains paramètres d’équilibre des opérations. Ainsi, sur des zones restreintes et dans un cadre déconcentré, le préfet dispose d’un pouvoir d’appréciation lui permettant de moduler l’assiette de subvention et le niveau de loyer, ce qui limite ces risques d’effets de zonage que vous avez décrits.
Les changements de zonage doivent être examinés avec beaucoup de précautions, car ils ont notamment pour effet d’augmenter directement le loyer demandé aux personnes habitant ces logements. Ce zonage a été modifié par arrêté en novembre 2005 et a concerné 326 communes d’Île-de-France. Ces changements ont fait suite à un rapport sur le déficit de construction de logements sociaux en Île-de-France. Un schéma similaire à celui que vous avez évoqué a été décidé pour ces 326 communes. Ces changements ont été fixés sur la base du prix du foncier, afin de permettre un meilleur équilibre des opérations.
La commune de Trilport n’a pas fait l’objet d’un reclassement en 2005. Toutefois, il s’avère qu’elle fait partie de l’unité urbaine de Meaux et qu’elle aurait légitimement pu être reclassée en zone I.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il a été demandé au préfet de se rapprocher de la commune de Trilport pour examiner avec elle l’ensemble des adaptations locales permettant de faciliter, sur cette commune, la réalisation de logements locatifs sociaux.
Par ailleurs, à l’occasion d’une prochaine révision de l’arrêté de zonage, nous veillerons à intégrer la commune de Trilport à la zone I.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi quand même de vous faire remarquer la longueur des procédures ! J’ai en main la lettre du préfet adressée au maire de Trilport qui nous écoute, puisqu’il est dans les tribunes.
Les premiers courriers remontent au début de l’année 2007. La réponse du préfet date de janvier 2008. Or nous sommes le 15 décembre 2009 !
Vous me rétorquez que le préfet a toute latitude pour apprécier. Dans son courrier datant de janvier 2008, il écrit que la DGUHC a engagé la procédure dans le cadre d’une discussion interministérielle, afin de rectifier l’arrêté.
Vous m’annoncez une prochaine révision. Je ne vous ai pas demandé de date, mais, la fin de l’année approchant, j’espérais quand même que cette affaire quelque peu ubuesque serait réglée en 2010, et cela d’autant plus que la lenteur des procédures n’est pas indolore, monsieur le secrétaire d'État !
Vous connaissez les difficultés qui sont les nôtres en Île-de-France. La région s’est dotée d’un opérateur pour le foncier ; nous connaissons le prix. Si nous voulons, partout où c’est possible, encourager les communes, encore faut-il que les procédures soient quand même plus rapides et plus claires !
N’oubliez pas que la commune, labellisée pour cela, s’est engagée dans la construction d’un écoquartier, où elle va créer des logements sociaux. Par conséquent, c’est le moment ou jamais de prendre cet arrêté rectificatif, afin que ses efforts ne soient plus entravés et qu’elle atteigne rapidement ce seuil de 20 % de logements sociaux qu’elle a la volonté de construire. Le plus vite sera le mieux.
renouvellement des concessions de barrages hydrauliques
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier, auteur de la question n° 687, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
M. Alain Fauconnier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la récente transformation d’EDF en société anonyme va engendrer un certain nombre de conséquences, dont l’une des principales est, en matière de renouvellement des concessions hydrauliques, la mise en concurrence des entreprises intéressées, aiguisant désormais l’appétit de certains. Jusque-là, EDF, premier producteur hydroélectrique européen, gérait seul les barrages. À l’avenir, qui le fera, et surtout comment, si l’entreprise nationale n’est pas retenue ou si, dans certains cas, elle n’est pas candidate, malgré son expérience et son savoir-faire reconnu dans le monde entier ?
Telle est la double question que se posent les élus de mon département, légitimement inquiets pour l’avenir du secteur hydroélectrique, dont je rappelle qu’il est, dans notre pays, la première source renouvelable d’électricité et la plus propre.
Pour autant, les choses sont-elles claires ? Force est de constater que non ! En effet, le décret 2008-1009 du 28 septembre 2008 qui a trait à la mise en concurrence des concessions et à la déclaration d’utilité publique des ouvrages utilisant l’énergie hydraulique me paraît particulièrement flou, malgré le développement des huit étapes principales qui détaillent le processus de la mise en concurrence. Du reste, plusieurs arrêtés ministériels doivent compléter ce décret, et une circulaire à l’usage des DRIRE est actuellement en cours de rédaction.
Considérant que le renouvellement des concessions se fera toujours, assure-t-on, « dans le cadre de la délégation de service public », je me demande de quelle manière ce principe pourra être respecté si la société EDF n’est pas retenue. Monsieur le secrétaire d'État, cela m’amène à vous poser les questions suivantes.
Comment le Gouvernement compte-t-il prendre l’avis des collectivités territoriales concernées pour mieux cerner leurs besoins et leurs aspirations, en particulier en veillant au développement économique local et social ?
Comment le Gouvernement compte-t-il s’assurer de la compétence des sociétés choisies pour garantir l’efficacité énergétique de l’exploitation des chutes d’eau, en matière aussi bien de projets nouveaux que de rénovations des barrages – certains sont anciens –, et contribuer ainsi à la sécurité des berges, des ouvrages et des zones situées aux alentours desdits barrages ?
Compte tenu des compétences reconnues à EDF – contrôle systématique de l’état et de la sûreté des ouvrages, conduite des aménagements en période de crue, mesures destinées à assurer la sécurité du grand public, expertises ingénierie, ajustement en permanence de la production aux variations de la demande d’électricité, amélioration des performances –, qu’en sera-t-il avec ses concurrents ?
Comment le Gouvernement compte-t-il s’assurer du respect de toutes les autres contraintes environnementales, c’est-à-dire effectuer une gestion équilibrée de l’eau et des milieux aquatiques, notamment par la mise à disposition de millions de mètres cubes d’eau pour soutenir les débits de nos rivières ? Les barrages de la Truyère, par exemple, sont essentiels aux débits de la Garonne.
Enfin, comment le Gouvernement compte-t-il préserver les emplois distants, au nombre de 4 700 à ce jour ? On ne sait s’ils seront conservés si les nouveaux objectifs recherchés relèvent exclusivement de la seule logique du profit, comme c’est généralement le cas de certaines sociétés étrangères.
Les barrages français appartiennent non pas à EDF, mais à la nation. De ce fait, ils constituent une partie du patrimoine économique national. C’est pourquoi l’évidente « fragilité » du décret cité plus haut, pour ne pas parler des « zones d’ombre » qui entourent les procédures techniques du futur renouvellement des concessions hydrauliques, me conduit à m’interroger sur ses véritables motifs. Cette mise en concurrence ne cache-t-elle pas une privatisation qui n’ose pas dire son nom, avec tout ce que cela implique, notamment en matière de sécurité ?
Monsieur le secrétaire d'État, soyez assuré que votre réponse est attendue avec intérêt par les nombreux élus des collectivités territoriales des zones de montagne et de semi-montagne, parmi lesquels ceux de l’Aveyron, département où les seize aménagements hydro-électriques d’EDF produisent chaque année l’équivalent de la consommation d’un million d’habitants, évitant ainsi la consommation de 200 000 tonnes de pétrole et donc un rejet massif de CO2 dans l’atmosphère.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. Monsieur le sénateur, la transformation d’EDF d’établissement public industriel et commercial en société anonyme ainsi que la suppression du « droit de préférence » ont mis fin à la reconduction systématique du concessionnaire. Ainsi, le principe est désormais la mise en concurrence des concessions hydroélectriques lors de leur renouvellement.
Le Gouvernement a donc réformé en profondeur le système d’attribution des délégations de service public, avec un triple objectif : énergétique, environnemental et patrimonial. Cette réforme est intervenue avec la publication du décret du 26 septembre 2008. Avec le droit communautaire et la loi Sapin, c’est ce texte qui régit désormais, en France, la mise en concurrence des concessions hydroélectriques.
La consultation des collectivités territoriales s’effectuera en deux temps distincts lors du renouvellement des concessions.
Elle s’effectuera d’abord avant l’appel à concurrence, à l’occasion de l’élaboration par le préfet du document relatif aux enjeux liés à la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau concernée par le projet. Ce document a vocation à informer l’État concédant et les candidats potentiels des positions des différents acteurs concernés par le dossier.
Par ailleurs, et plus classiquement, cette consultation sera renouvelée et actualisée lors de la procédure d’enquête publique à laquelle sera soumis le dossier du pétitionnaire retenu.
La compétence technique des sociétés sera un préalable à leur admission à concourir qu’elles devront démontrer. À cet égard, l’État sera particulièrement vigilant quant à la vérification de cette capacité et, en ce qui concerne le pétitionnaire choisi, à son maintien durant la concession. Toute défaillance en ce domaine fonderait l’État à déchoir le concessionnaire sans hésitation.
Il convient de préciser, si besoin était, que la sécurité des ouvrages et des tiers ne peut en aucun cas être un élément de « concurrence » dans l’attribution des concessions hydroélectriques ; c’est un principe s’appuyant sur un corpus réglementaire propre. Dans ce nouveau dispositif, l’État veillera à son respect avec la même rigueur qu’auparavant.
Enfin, le processus de mise en concurrence n’affaiblira pas l’exigence du respect des contraintes environnementales, bien au contraire, puisque l’intégralité des normes applicables en ce domaine devra être respectée dans les dossiers de candidature et par le futur concessionnaire. À défaut, celui-ci sera passible des sanctions prévues non seulement par le code de l’environnement, mais aussi par le droit commun des délégations de service public, comme la déchéance du contrat de concession, par exemple.
Par ailleurs, la procédure de mise en concurrence permettra une prise en compte accrue des enjeux environnementaux spécifiques à la rivière concernée, puisqu’ils constituent, à côté du critère énergétique et du critère financier, le troisième des critères sur lesquels les candidatures des pétitionnaires seront jugées par le concédant.
Dès la publication de l’appel public à concurrence, l’État fera connaître les exigences environnementales spécifiques au cours d’eau qu’il entend voir inclure dans le cahier des charges de la concession.
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.
M. Alain Fauconnier. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Je constate finalement que, dans mon département, le réseau Truyère va essuyer les plâtres, et je ne suis donc pas tellement rassuré par ce que vous venez d’indiquer !
Je suis le porte-parole des élus. Ils connaissent leur opérateur historique et ont établi un lien de proximité avec EDF.
Aujourd’hui, selon les diverses rumeurs qui circulent, des opérateurs norvégiens, italiens, voire quelques opérateurs en dehors du champ de l’Europe, seraient assez friands de reprises de concessions !
La crainte des élus porte sur l’absence de proximité. En effet, ces barrages-là ont une vocation non pas simplement énergétique, mais aussi touristique, voire agricole, par les lâchers d’eau. Les élus sont d’autant plus soucieux qu’ils s’imaginent que les grandes sociétés qui reprendront ce marché-là, plutôt guidées dans leurs choix par des enjeux financiers, se préoccuperont très peu de la Truyère ; ils ne savent probablement même pas où cela se situe !
Monsieur le secrétaire d'État, alors que l’on commémorait, voilà quelques jours, la rupture du barrage de Malpasset, nous, les élus, ne voudrions pas que, cinquante ans plus tard, des vallées connaissent un tel préjudice.
M. Alain Fauconnier. A priori, je vous fais confiance. Mais, autant je suis rassuré lorsque je sais qu’EDF est sur les lieux, autant je suis inquiet à la perspective de voir je ne sais quel norvégien venir éventuellement s’occuper du barrage de Sarrans !
situation des ports maritimes
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, auteur de la question n° 701, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des transports.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la situation des ports maritimes, un an après la signature d’un accord-cadre national relatif à la réforme portuaire et la publication des décrets qui instituent les GPM, les grands ports maritimes.
Cette réforme a été présentée comme un plan de relance pour l’activité des ports. Selon les propos de M. Bussereau, « personne ne resterait sur le bord du chemin », « il faudrait faire du cousu main », « il s’agirait de trouver une boîte à outils qui permette à chaque GPM d’appliquer la loi et l’accord-cadre national ».
Or, douze mois après ces annonces, force est de constater que la réalité est bien différente. La question se pose : à quoi aura servi cette réforme ? En effet, la loi devait mettre en place une nouvelle gouvernance des ports. Or les personnels et leurs organisations syndicales s’aperçoivent que, dans la plupart des cas, il n’en est rien, ce principe n’ayant pas été respecté par le Gouvernement lui-même.
Les mesures de transfert des outillages et le détachement des personnels d’exploitation des ports auprès des opérateurs privés étaient assortis de promesses de développement de l’activité portuaire et de création de 30 000 emplois directs ou indirects.
Là encore, les faits contredisent les discours, puisque les opérateurs et les grands armements, qui, pourtant, avaient été à l’origine de cette demande de réforme, rencontrent aujourd’hui de grandes difficultés et sont incapables de faire face aux responsabilités que leur impose la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire et l’accord conclu le 30 octobre de la même année.
M. Thierry Foucaud. Certes, et j’en dirai un mot.
Aucune perspective de développement des trafics ne figure dans les projets stratégiques des GPM et, en lieu et place de créations d’emplois, des plans sociaux qui ne sont pas présentés comme tels sont mis en œuvre au sein des établissements portuaires et des sociétés de manutention.
Par ailleurs, je souhaite porter à la connaissance du Gouvernement les propositions du syndicat CGT des personnels du grand port maritime de Rouen, qui s’est appuyé sur le préambule de l’accord-cadre pour exprimer sa volonté de créer une structure commune d’exploitation et de maintien, sous la forme d’une maison de la main-d’œuvre, en vue de contribuer au développement de ce port. Jusqu’à présent, une fin de non-recevoir lui a été opposée. Pourtant, un tel dispositif serait de nature à maintenir le potentiel d’exploitation sur tous les terminaux, à créer un système nouveau transparent avec un commandement unique et des règles identiques pour tous, et à permettre à chaque intervenant, à tous les niveaux, de travailler pour l’intérêt général du port de Rouen.
Monsieur le secrétaire d’État, êtes-vous en mesure de dissiper les inquiétudes des personnels portuaires quant à la garantie de leur emploi et à l’embauche de nouveaux salariés sous statut, comme cela avait été acté ?
De plus, que comptez-vous faire pour qu’une suite favorable soit donnée aux propositions du syndicat CGT du GPM de Rouen, lesquelles visent à créer une structure commune de maintenance et d’exploitation sur ce port ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. Monsieur le sénateur, depuis 2008, nous sommes confrontés à la crise mondiale la plus importante depuis 1930. Un tel contexte a donc modifié les conditions économiques de nos ports !
La réforme portuaire voulue par le Président de la République et mise en œuvre par le Gouvernement depuis le début de l’année 2008 se déroule selon le calendrier prévu initialement.
Tous les textes législatifs et réglementaires ont été pris, et un accord a été trouvé, au niveau national, par les partenaires sociaux pour préciser les conditions d’application de cette réforme. Localement, les instances de gouvernance des sept grands ports maritimes ont été mises en place. Elles ont adopté, au printemps dernier, les projets stratégiques qui définissent la stratégie et les perspectives de développement de ces ports. Les négociations de gré à gré pour la cession des outillages ont été conduites avec les opérateurs et ont abouti, pour la quasi-totalité des terminaux, à un accord. Les dossiers relatifs à ces cessions ont été transmis à la commission nationale d’évaluation chargée de garantir les intérêts patrimoniaux de l’État et des ports. Celle-ci aura rendu l’ensemble de ses avis avant la fin de l’année.
Les cessions d’outillage et le transfert des contrats de travail des agents auprès des opérateurs interviendront donc au premier semestre 2010. Conformément à la loi, la réforme sera mise en place sur l’ensemble des terminaux des sept grands ports maritimes au plus tard au printemps 2011.
En dépit de la conjoncture économique que je rappelais à l’instant, l’engagement des opérateurs en faveur de cette réforme n’a pas faibli. Ils sont, comme le Gouvernement, conscients que le report de réformes indispensables, sous le prétexte de la crise, condamnerait purement et simplement les ports français. Il faut au contraire que ceux-ci soient en ordre de marche et pleinement compétitifs lorsque l’activité économique redémarrera et que les armateurs redéfiniront leurs services de desserte de l’Europe.
Pour accompagner cette modernisation de l’organisation des terminaux portuaires, l’État a engagé un effort financier particulièrement important.
Les crédits d’entretien des accès maritimes ont été augmentés pour couvrir, d’ici à cinq ans, l’intégralité des dépenses.
Les crédits d’investissement prévus dans les contrats de projets État-région ont été doublés pour la période 2009-2013, et une enveloppe exceptionnelle de 50 millions d’euros a été mobilisée dans le cadre du plan de relance de l’économie française.
Ces efforts ont permis d’inscrire dans les projets stratégiques des ports de nouvelles opérations d’investissement. Je pense notamment à la plate-forme multimodale du port du Havre, aux projets de nouveaux bassins du port de Dunkerque, à l’accélération du programme Fos XL à Marseille ou au nouveau terminal à conteneurs du port de Nantes-Saint-Nazaire.
Ces projets seront créateurs d’emplois. Ainsi, 1 000 conteneurs arrivant chaque année dans un port correspondent à cinq emplois tout au long de la chaîne logistique.
S’agissant plus précisément du port de Rouen, la mise en commun des salariés ne pourrait se faire que sur l’initiative des opérateurs, si cela correspondait à leur logique de développement. L’esprit de cette réforme est de mettre en place une gestion intégrée des terminaux, dans laquelle les opérateurs sont pleinement responsables. Pour autant, le dialogue doit se poursuivre. Je sais que de nouvelles réunions se sont tenues entre le port, les salariés et les entreprises, et je suis persuadé que l’esprit de responsabilité prévaudra pour trouver des solutions adaptées pour ce port.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le secrétaire, je mesure votre embarras devant les résultats peu convaincants de la réforme.
M. Thierry Foucaud. Vous prenez prétexte de la crise, laquelle, vous le savez bien, a bon dos ! Au demeurant, une précédente réforme a été suivie d’une diminution des emplois sur les ports !
Bien évidemment, je ne manquerai pas de rapporter vos propos aux salariés concernés, qui en apprécieront par eux-mêmes la teneur.
L’objectif était pourtant clair : la détermination publique, d’après M. Bussereau, devait permettre de créer 30 000 emplois. Or non seulement les emplois n’ont pas été créés, mais la situation est de plus en plus tendue. Vous ne m’avez pas apporté de réponse à cet égard, pas plus que sur la menace d’éventuels plans sociaux.
Je rappelle que le groupe CRC-SPG s’était opposé à la loi portant réforme portuaire, celle-ci n’ayant fait l’objet d’aucune concertation préalable avec les représentants du personnel. En outre, elle visait à réduire un peu plus les missions de service public de l’État et de ses établissements publics et mettait en cause, une nouvelle fois, le statut des personnels portuaires, comme les organisations syndicales peuvent aujourd’hui le constater. Notre groupe avait d’ailleurs proposé une contre-réforme.
Au lieu de respecter vos engagements en matière d’emplois et d’investissements, le fameux « cousu main », vous mettez en avant les 50 millions d’euros du plan de relance. Mais vous le savez bien, pour nos ports français, c’est une goutte d’eau dans l’océan !
Vous avez souhaité qu’un dialogue s’engage, et nous vous rejoignons sur ce point. J’ai d’ailleurs évoqué les propositions du syndicat CGT du port de Rouen : qu’y répondez-vous ? J’espère que notre discours sera pour une fois réellement pris en compte. En tout cas, sachez que je suivrai ce dossier avec la plus grande attention !
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux. Nous les reprendrons à quinze heures, compte tenu de la réunion de la conférence des présidents à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
7
Conférence des présidents
M. le président. Mes chers collègues, je voudrais brièvement vous rendre compte de la conférence des présidents exceptionnelle qui, réunie à la demande des présidents des groupes de l’Union centriste et de l’Union pour un mouvement populaire, avait pour objet d’examiner, au titre de l’article 29, alinéa 2, de notre règlement, les conditions dans lesquelles se sont déroulés la séance d’hier après-midi et le scrutin d’hier soir, sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés.
La conférence a entendu MM. les présidents, ainsi qu’un rapport du président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, M. Jean-Jacques Hyest, saisi par moi-même, sur les conditions de déroulement et l’appréciation de la sincérité du vote qui s’est exprimé.
La conférence a constaté que le Gouvernement ne demandait pas de nouvelle délibération. De manière consensuelle, elle a toutefois estimé que les votes devaient être mieux éclairés, notamment en cas de vote sur article unique ou par division, afin que nos collègues puissent mieux se repérer dans les débats complexes. Elle a également jugé qu’une attention particulière devait être portée à la préparation de ces votes, notamment lors des scrutins publics.
8
Candidatures à des organismes extraparlementaires
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation :
- du sénateur appelé à siéger au sein du Comité d’évaluation de l’impact du revenu de solidarité active, créé en application de l’article 2 du décret n° 2009-1112 du 11 septembre 2009 ;
- du sénateur appelé à siéger au sein du Conseil d’orientation du service des achats de l’État, créé en application de l’article 5 du décret n° 2009-300 du 17 mars 2009.
La commission des affaires sociales et la commission des finances ont respectivement fait connaître qu’elles proposent les candidatures de Mme Annie Jarraud-Vergnolle et de M. Bernard Angels pour siéger au sein de ces organismes extraparlementaires.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
9
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour un rappel au règlement.
M. Nicolas About. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, tout en gardant la sérénité que nous imposent ces lieux, j’appelle simplement ceux qui s’intéressent à l’histoire de la séance d’hier à visionner l’ensemble de la séquence filmée par Public Sénat.
Chacun verra que ce qui s’est passé correspond exactement, au mot près, à ce que le groupe de l’Union centriste a dénoncé, pendant la séance, pendant l’interruption de séance lorsque je me suis rendu auprès de la présidence de séance au Cabinet de départ, et ensuite à la reprise.
L’erreur commise a été faite avant que le scrutin ne soit ouvert. Perturbé, le sénateur a ensuite demandé à pouvoir la corriger, mais ceux vers lesquels il s’est tourné lui ont répondu qu’il n’en était pas question, qu’il n’y avait aucun moyen de la réparer. Il est dommage que celui en particulier vers lequel il s’est tourné se trouve être l’un des grands réformateurs de notre règlement : il sait très bien que lorsqu’une erreur s’est produite avant même l’ouverture du scrutin, il suffit d’enlever les bulletins et d’attendre l’ouverture du scrutin pour mettre les bons.
Ensuite, tout a été fait pour essayer de profiter de cette confusion. Les vidéos montrent même que, alors que les urnes sont encore au pied de la tribune, la présidente de séance se réjouit à l’avance et dit : « On va se marrer, ça va passer ! » (Protestations indignées sur les travées du groupe socialiste.)
M. Yannick Bodin. Lamentable !
M. Martial Bourquin. Indigne !
M. Nicolas About. Il n’y a que la vérité qui blesse !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlez pour vous !
M. Serge Lagauche. Mensonges !
M. Nicolas About. La vérité est toujours très pénible à entendre, monsieur Lagauche ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Mais qui parmi vous oserait vraiment contredire ma version des faits ?
M. Yannick Bodin. Moi !
M. Nicolas About. En tout cas, puisque vous le prenez sur ce ton, j’espère que, à l’avenir, la présidence fera preuve de plus de dignité ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est scandaleux !
M. David Assouline. Retirez ces propos !
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour un rappel au règlement.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, n’ayant pas été présente en séance hier soir, je ne porterai aucun jugement sur ce qui s’est passé.
Néanmoins, cette « affaire » m’incite à reprendre une idée à laquelle je crois profondément. Si ce vote qui a lieu au Sénat par paquets déposés par une seule personne n’existait pas, de tels incidents ne pourraient pas se produire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Louis Masson. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault. Alors que j’étais dans les bouchons sur l’A10 ce matin, j’ai entendu, sur une grande radio nationale, dire que les sénateurs du groupe centriste s’étaient tous trompés de bouton au moment du vote… Pour qui passons-nous ?
Si la personne qui vote ne pouvait recueillir qu’un seul pouvoir, comme dans toutes les assemblées qui se respectent, ces choses n’arriveraient pas. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Très bien !
M. Didier Boulaud. Encore faudrait-il que la majorité soit présente !
M. le président. Je rappelle que les conditions de votation ont été examinées par notre groupe de travail, et qu’elles pourront l’être de nouveau à partir de la fin janvier, puisque, comme nous l’avions annoncé, nous ferons le bilan de la réforme de notre règlement un an après son adoption.
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour un rappel au règlement.
M. Jean Louis Masson. J’approuve les propos de notre collègue. Ce matin, j’ai déjà fait un rappel au règlement : si un sénateur n’avait pas la possibilité de voter en même temps pour cent collègues absents et ne disposait que d’une seule procuration, comme à l’Assemblée nationale, nous n’aurions pas connu ce problème.
J’étais présent hier soir,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est exceptionnel ! D’habitude, vous n’êtes jamais là !
M. Jean Louis Masson. … et je suis profondément choqué par la mise en cause de la présidente de séance. Je n’ai aucune action au parti socialiste, mais je considère que la présidente a été parfaitement honnête. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
À mon avis, elle a même un peu trop hésité, sans doute par peur des procès d’intention qu’on pourrait lui faire.
M. Nicolas About. N’importe quoi !
M. Jean Louis Masson. Nicolas About affirme que son collègue s’est rendu compte de son erreur avant l’ouverture du scrutin. Je ne comprends pas son raisonnement : si le sénateur membre de son groupe a effectivement compris son erreur avant de mettre les bulletins dans l’urne, personne ne l’obligeait à le faire ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que je ne souhaite pas de mise en cause personnelle de la présidence de séance, quelle qu’elle soit. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Il faut dire cela aux sénateurs de l’UMP !
M. le président. Par ailleurs, je n’ai pas vocation, comme je l’ai parfois lu, à venir dans cet hémicycle comme sapeur-pompier. Il revient à chacun d’exercer pleinement la fonction pour laquelle il a été élu.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour un rappel au règlement.
M. Pierre-Yves Collombat. J’étais en séance hier soir ; je sais donc à peu près ce qui s’est passé.
Tout le monde peut commettre une erreur. Dans ce cas, deux solutions sont possibles : soit on reconnaît cette erreur, on l’accepte, et on passe à autre chose, soit on cherche à en rendre les autres responsables…
M. Didier Boulaud. Voilà !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On peut aussi la corriger !
M. Pierre-Yves Collombat. Mais la terre ne va pas s’arrêter de tourner parce qu’un texte qu’on voulait voter conforme est renvoyé à l'Assemblée nationale !
M. Nicolas About. C’est une question de principe !
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne veux pas alimenter la polémique, mais, en matière de dignité, je ne sais pas si vous êtes bien placé pour donner des leçons, cher collègue Nicolas About. Vous êtes arrivé furieux – je dirais même « furibard » si j’étais dans une autre enceinte – et, au lieu d’apaiser les choses, vous les avez plutôt envenimées.
La présidente a essayé de trouver une solution, sans succès. Le texte a finalement été renvoyé. Point final. On ne va pas discuter de cette question pendant cent ans, sous une pluie de quolibets !
Surveillez mieux le déroulement des votes au sein de votre groupe, et tout ira bien ! C’est tout ce que nous demandons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Bel. Je me sens dans l’obligation d’intervenir, même si je partage les propos que vient de tenir Pierre-Yves Collombat.
Au fond, plusieurs d’entre nous, dont la présidente Catherine Tasca, ont été mis en cause dans la nouvelle interpellation de Nicolas About. Quel est donc ce psychodrame que l’on nous joue depuis hier soir ?
En l’occurrence, il se peut que nous soyons victimes d’un phénomène que nous connaissons bien, l’impossibilité d’alternance au Sénat. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Voilà des décennies que cette assemblée n’a pas changé de majorité. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Alain Gournac. Et alors ?
M. Nicolas About. Cela vous rend malades !
M. Pierre-Yves Collombat. Cela crée de mauvaises habitudes !
M. Jean-Pierre Bel. Voilà des décennies que, sur tous les votes, cette majorité a l’habitude de voir ses textes systématiquement approuvés. Or, hier soir, en raison d’une erreur humaine, un vote n’a pas été conforme aux désirs de la majorité et du Gouvernement. Diable !
M. Nicolas About. Il ne s’agit pas d’une erreur humaine ! C’est la présidente de séance qui en a décidé ainsi !
M. Jean-Pierre Bel. J’ai même entendu évoquer une nouvelle catégorie juridique, inventée pour l’occasion : nous aurions assisté à un vote « paradoxal » !
Dans ce contexte, vous auriez voulu que les sénateurs et sénatrices membres de l’opposition proclament que ce vote n’avait jamais existé car, comme il n’allait pas dans le sens de la pensée unique sénatoriale, il fallait revenir dessus.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est la sincérité du scrutin qui est en cause !
M. Jean-Pierre Bel. Ce n’est pas l’idée que nous nous faisons du Sénat, monsieur le président ! Ce n’est pas ainsi que nous souhaitons voir évoluer le bicamérisme, même si nous appelons de nos vœux sa rénovation.
Je ne supporte pas que l’on puisse mettre en accusation l’une de vos vice-présidentes qui, courageusement, a fait face au problème qu’elle a rencontré hier soir. Elle a procédé, à de multiples reprises, à des suspensions de séance, lesquelles ont duré presque trois heures au total, pour permettre au Gouvernement et à sa majorité de s’organiser et de trouver des solutions. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Nicolas About. Surtout pour consulter ses amis socialistes !
M. Jean-Pierre Bel. Nous savons ce qu’il en est advenu. Nous devons tous, unanimement, rendre hommage à Catherine Tasca (Rires sur les travées de l’UMP.), qui a simplement permis que les règles de notre Sénat soient respectées dans ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Nicolas About. Je répète : « On va se marrer, ça va passer ! »
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Errare humanum est… Vous connaissez la suite !
M. About, président du groupe de l’Union centriste, n’était pas là au moment du vote. Moi non plus d’ailleurs, je dois l’avouer.
M. Nicolas About. J’étais là tout le reste de la journée, et je sais exactement ce qui s’est passé !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il devrait donc s’abstenir de multiplier les commentaires.
D’une manière générale, la majorité se trompe rarement lorsqu’elle vote sur les amendements du groupe CRC-SPG. (Sourires.)
Pourquoi avez-vous demandé un scrutin public hier soir ? Simplement parce que tout en étant majoritaires, vous êtes incapables de vous assurer une majorité physique dans l’hémicycle ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Réglez donc vos problèmes de majorité ! Pour ma part, je ne conteste pas le fait que vous formiez une majorité, et que nous soyons très minoritaires.
M. Nicolas About. L’UMP n’est pas majoritaire au Sénat !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En déposant des amendements, nous sommes dans notre rôle. De votre côté, débrouillez-vous pour réunir une majorité dans l’hémicycle ; vous en avez parfaitement les moyens.
M. Didier Boulaud. Exactement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Surtout, n’envenimez pas les choses ! Vous avez fait une erreur, vous savez très bien qu’elle n’ira pas très loin.
M. Nicolas About. Heureusement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Restez donc sereins et dignes, et évitez que ceux qui n’étaient pas présents fassent des commentaires sur ce qui s’est passé hier soir. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Nicolas About. J’étais présent au moment du dépouillement et j’ai vu les enregistrements !
M. le président. Mes chers collègues, de l’ensemble de ces rappels au règlement, je tire plusieurs conclusions.
D’abord, le scrutin public d’hier a bien été entaché d’une erreur, laquelle a altéré la sincérité des résultats annoncés.
Ensuite, il n’a pas été fait de demande de nouvelle délibération lors de la conférence des présidents, qui n’a d’ailleurs pas été réunie dans cette intention.
Enfin, dorénavant, lors de chaque scrutin public, l’objet de celui-ci sera systématiquement rappelé, au-delà même de la référence à l’article 56 du règlement, de manière que chacun soit éclairé avant de se prononcer. Je rappelle que, en 2005, dans un cas similaire à celui que nous avons connu hier soir, le Conseil constitutionnel avait estimé que le point principal était de s’assurer de la sincérité des débats.
Mes chers collègues, nous débattrons une nouvelle fois de ces questions lors de la révision annuelle de notre règlement, mais, dans cette attente, sachons retrouver toute la sérénité qui doit s’attacher à nos travaux.
8
Renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux
Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en procédure accélérée du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux (nos 63, 131 et 132).
Je salue la présence de quatre ministres au banc du Gouvernement, M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement, M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Hortefeux devra nous quitter, car il va se rendre à Lyon, aux côtés de la famille de ce jeune qui a été assassiné dans des conditions dramatiques. Nous nous inclinons devant la douleur de la famille et des proches. Monsieur le ministre, je souhaite que vous les assuriez de la pensée émue du Sénat.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie également d’excuser l’absence de Brice Hortefeux, qui doit en effet se rendre à Lyon sur les lieux où a été tué le jeune Amar.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes aujourd’hui saisis du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux pour mars 2014.
Ce texte est l’un des trois projets de loi qui complètent, dans le domaine électoral, le projet de loi de réforme des collectivités territoriales et qui vous ont été transmis, ensemble, le 21 octobre dernier. Ces trois textes concernent tous les modalités d’élection des membres des assemblées délibérantes des communes et de leurs intercommunalités, des départements et des régions, dont le régime électoral relève de la loi, en application de l’article 34 de la Constitution.
Bien que ce ne soit pas obligatoire, nous avons estimé qu’ils devaient, au même titre que le projet institutionnel dont il vient d’être question, être soumis en premier lieu à votre assemblée, parce qu’ils concernent de très près l’organisation des collectivités territoriales dont vous assurez la représentation ; ils ont d’ailleurs fait l’objet d’une présentation et de discussions communes au sein de votre commission des lois.
Le projet de loi que Brice Hortefeux et moi-même avons l’honneur de vous présenter aujourd’hui, au nom du Gouvernement, prépare la création du conseiller territorial, dans le cadre de cette réforme des collectivités territoriales. En outre, il organise, indépendamment de ce que vous déciderez le moment venu sur cette réforme, une fusion souhaitable des deux renouvellements partiels des conseils généraux et un regroupement de l’élection de ces derniers avec celle des conseils régionaux.
Premier point de mon intervention, le comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par M. Balladur, invitait le Gouvernement, dans son rapport intitulé Il est temps de décider, publié au Journal officiel du 6 mars 2009, à prévoir la désignation, « par une même élection, à partir de 2014, des conseillers régionaux et départementaux ».
Les conclusions de ce rapport ont été enrichies par plusieurs initiatives parlementaires ; je pense, en particulier, au travail remarquable de la mission temporaire du Sénat sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, présidée par M. Belot, mais aussi au rapport de MM. Perben et Courtois.
Après une phase d’élaboration des textes et de consultation qui nous a conduits, Brice Hortefeux, Michel Mercier et moi-même, à recevoir l’ensemble des associations nationales d’élus, ainsi que toutes les formations politiques, le Gouvernement a présenté les quatre projets de loi que j’évoquais voilà un instant.
Je me réjouis que la Haute Assemblée ait, conformément à sa mission constitutionnelle, commencé à travailler sur ces textes. Les deux débats généraux en commission des lois élargie, les 28 octobre et 2 décembre derniers, ont donné lieu à des échanges de grande qualité.
Le projet de loi de réforme des collectivités territoriales reprend, dans son article 1er, l’idée forte du comité pour la réforme des collectivités locales d’un élu unique siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional, à savoir le conseiller territorial.
Par cette réforme ambitieuse, le Gouvernement propose de donner encore plus de souffle à la décentralisation, de l’adapter aux défis de notre temps et de conférer aux assemblées locales une plus grande légitimité pour exercer leurs responsabilités, en rapprochant les élus de nos concitoyens, en leur apportant plus de notoriété – ils en ont besoin – et plus d’efficacité.
Facteur de simplification de notre vie locale, le conseiller territorial sera attaché à un territoire bien identifié et aura ainsi une vision globale de son département comme de sa région.
Vous avez déjà tenu, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, une première séance sur la réforme des collectivités territoriales mercredi dernier et vous vous apprêtez à poursuivre vos travaux demain. Ceux-ci vous ont déjà permis d’examiner et de valider, avec l’article 1er du projet de loi relatif à la réforme des collectivités territoriales, le principe de la création du conseiller territorial.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Tout à fait !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Permettez-moi de m’en réjouir.
Le texte soumis à votre examen est très court : il se compose de deux articles, qui prévoient le raccourcissement de six ans à quatre ans du mandat des conseillers régionaux qui seront élus les 14 et 21 mars prochains et le raccourcissement de six ans à trois ans du mandat des conseillers généraux qui seront élus en mars 2011.
Je précise que le texte prévoit une réduction des durées des mandats identique pour la Corse, ce qui rétablira la concomitance entre le renouvellement intégral des deux conseils généraux et l’élection des membres de l’assemblée de la collectivité territoriale de Corse qui existait jusqu’en 2004. Consultée sur ce point, l’Assemblée de Corse a rendu un avis favorable le 19 octobre dernier, et le ministre de l’intérieur s’est personnellement assuré, lors d’un récent déplacement en Corse, de l’accord des grands élus sur ce point.
Une telle réduction de la durée de mandats futurs a déjà été opérée, de façon exceptionnelle, par le législateur, notamment en 1990 lorsque le mandat d’une série de conseillers généraux a été prorogé d’un an et le mandat de l’autre série réduit de deux ans. Cette réduction doit être adoptée d’urgence, avant la convocation des électeurs pour les élections régionales de l’an prochain.
Second point de mon intervention, l’organisation de la concomitance en 2014 des renouvellements des assemblées départementales et régionales présente, indépendamment de ce que vous déciderez le moment venu sur la réforme des collectivités territoriales, notamment sur le mode d’élection des conseillers territoriaux, cinq avantages.
Premier avantage, elle n’affecte aucunement l’exercice et la durée des mandats locaux en cours : les conseillers généraux qui viennent d’être élus en mars 2008 accompliront leurs mandats de six ans comme cela était prévu. Le mandat des conseillers généraux élus en mars 2004, qui ont déjà bénéficié d’une prolongation de leur mandat de six ans à sept ans en vertu de la loi du 15 décembre 2005, ne sera pas prolongé une nouvelle fois. Un allongement de six ans à dix ans de leur mandat aurait très certainement été contraire à la Constitution (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), par méconnaissance du principe de périodicité raisonnable des consultations électorales, auquel s’est déjà référé le Conseil constitutionnel, notamment en se prononçant sur la réforme intervenue en 1990, qui avait le même objet que le présent projet de loi.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Deuxième avantage, la concomitance constitue un facteur de simplification puisqu’elle permettra de mettre un terme, à l’avenir, au renouvellement triennal par moitié des conseillers généraux. Cette mesure devrait, me semble-t-il, recueillir un large consensus, puisqu’elle avait été proposée en 1990 par M. Joxe, au nom du gouvernement alors dirigé par Michel Rocard, dans des termes et des modalités strictement identiques à celles qui vous sont proposées aujourd’hui. (Protestations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Pierre-Yves Collombat. Ni la mémoire sectorielle !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. En application de la loi du 11 décembre 1990 organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux – c’est exactement le titre du projet de loi que je vous présente aujourd’hui –, les élections cantonales et régionales de 1992 ont eu lieu le même jour pour l’ensemble des conseillers généraux.
Les motivations qui avaient guidé, à l’époque, les initiateurs de cette concomitance étaient essentiellement liées à la lutte contre l’abstentionnisme, le corps électoral ayant manifesté une certaine lassitude – c’est le moins qu’on puisse dire ! –, notamment en 1988, du fait d’un trop grand nombre d’échéances électorales. Notre projet de loi, parce qu’il permet de passer de trois scrutins différents à un seul, contribue à cet objectif, qui me paraît être au cœur même de notre vie démocratique. (M. François Rebsamen s’exclame.)
La fusion des renouvellements par moitié, qui avaient été rétablis par la loi du 18 janvier 1994, est, en outre, réclamée par l’Assemblée des départements de France, l’ADF, présidée par Claudy Lebreton, et elle figurait dans les conclusions du rapport Belot.
Ainsi, et quel que soit finalement votre vote, le moment venu, sur la création et les modalités d’élection du conseiller territorial, la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, ainsi que la synchronisation de la durée de leurs mandats, seront acquises.
Troisième avantage, l’organisation simultanée en 2014 des élections locales permettra aux électeurs de s’exprimer de manière cohérente sur l’ensemble des enjeux locaux. La fusion des deux renouvellements par moitié des conseils généraux leur offrira en particulier l’occasion, à l’échelle de chaque département, de se prononcer sur la gestion et les réalisations de l’assemblée départementale tout entière. Quelle que soit la date retenue pour les élections municipales, également prévues en 2014, on peut en attendre un renforcement de l’intérêt et de la participation électorale et donc, au final, de la démocratie locale.
Quatrième avantage, le choix qui vous est proposé maintient un décalage entre le calendrier des élections locales, d’une part, et celui des élections nationales, législatives et présidentielle, d’autre part. Un tel décalage est recommandé par le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État au nom du respect du principe constitutionnel de sincérité du scrutin, qui a pour finalité la clarté des enjeux électoraux. Il permettra donc de dissocier très clairement les débats locaux des grands choix qui, à l’échelon national, engagent l’avenir de notre pays.
Enfin, cinquième avantage, la concomitance permettra d’harmoniser le calendrier électoral avec les échéances propres au Sénat, conformément à sa mission constitutionnelle de représentation des collectivités territoriales. Les années de renouvellement des conseils généraux et des conseils régionaux correspondront, à partir de 2014, à celles du renouvellement de la première série des sénateurs, qui interviendra six mois plus tard.
Les sénateurs de la seconde série seront élus par les mêmes élus, qui seront alors à mi-mandat.
M. François Patriat. Du cynisme et du mépris !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le voyez, le projet de loi qu’il vous est proposé d’adopter organise une fusion souhaitable des deux renouvellements partiels des conseils généraux et leur regroupement avec l’élection des conseils régionaux.
Bien entendu, c’est au moment de la discussion du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, et à ce moment-là seulement, que nous débattrons en détail du conseiller territorial, et en particulier des modalités de son élection. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Pour l’instant, le Gouvernement demande au Parlement, et en premier lieu au Sénat, de permettre l’élection simultanée en 2014 de tous les conseillers généraux et des conseillers régionaux.
Il vous le demande sous le régime de la procédure accélérée, qui est une nécessité technique justifiée par la proximité des élections régionales qui se tiendront les 14 et 21 mars prochains. Il convient, en effet, pour respecter l’exigence constitutionnelle de sincérité du scrutin, de voter la réduction des futurs mandats avant la tenue des élections destinées à y pourvoir : les électeurs qui seront convoqués aux urnes en mars 2010 doivent être pleinement informés, au moment de leur vote, de la durée du mandat des personnes qu’ils s’apprêtent à élire. Pour cela, la loi organisant la concomitance doit être promulguée avant les élections régionales du mois de mars prochain.
Ce projet de loi a fait l’objet d’un avis favorable du Conseil d’État et la commission des lois du Sénat l’a adopté sans modification. Je propose donc à votre assemblée de faire de même. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, malgré son apparente modestie, est partie intégrante de la réforme des collectivités territoriales engagée par le Gouvernement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est bien le problème !
M. Guy Fischer. Il dit la vérité !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. En effet, il vise à réduire de deux ans les mandats des conseillers régionaux et des membres de l’assemblée de Corse qui seront élus en mars 2010, et de trois ans les mandats des conseillers généraux qui seront élus mars en 2011. Il constitue donc un préalable indispensable à la création des conseillers territoriaux.
Ces nouveaux élus, qui siégeront à la fois au département et à la région, ne sont toutefois pas directement institués par le présent projet de loi. Leur création est contenue dans un autre projet de loi : le projet de loi, no 60, de réforme des collectivités territoriales, qui viendra en discussion devant le Sénat au cours du mois de janvier.
Avant d’aborder le fond de ce projet de loi, permettez-moi d’évoquer le contexte dans lequel il est présenté.
Tout d’abord, il est important de rappeler que ce texte est le seul des quatre projets déposés devant le Sénat à être soumis à la procédure accélérée.
Le recours à cette procédure est justifié par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En effet, bien que l’article 34 de la Constitution donne au législateur toute compétence pour déterminer le « régime électoral des assemblées locales », et bien que le Conseil se refuse à contrôler l’opportunité des choix qui sont à l’origine d’une modification de la durée des mandats, ce pouvoir est doublement limité.
Premièrement, il ne saurait être utilisé de manière arbitraire. Dans ce cadre, le respect du principe de sincérité du scrutin impose au Parlement de décider d’une éventuelle réduction de la durée d’un mandat électif avant que celui-ci ne soit confié à un élu. Il s’agit de garantir que les électeurs connaissent, au moment de leur vote, les caractéristiques des mandats sur lesquels ils se prononcent.
Il est donc impératif que la réduction des mandats des conseillers régionaux désignés lors des prochaines élections soit décidée avant le déclenchement des opérations électorales, c’est-à-dire avant le mois de février 2010.
Deuxièmement, le pouvoir du législateur de modifier la durée des mandats des élus locaux se heurte au principe de libre administration des collectivités territoriales. La réduction de la durée de mandats locaux en cours s’apparenterait en effet à l’exercice, par le Parlement, d’un pouvoir de dissolution des organes délibérants des collectivités. On peut légitimement douter de la constitutionnalité d’un tel procédé.
Il y a donc une urgence objective à l’adoption de ce texte, puisque la loi ne pourra être considérée comme conforme à la Constitution que si le processus législatif est assez rapide pour permettre sa promulgation dans moins de trois mois.
Ensuite, je tiens à préciser que ce n’est pas la première fois que le Parlement est invité à modifier la durée des mandats électifs pour répondre à des objectifs d’intérêt général. Ainsi, le législateur a déjà été amené à proroger ou à réduire la durée de certains mandats à neuf reprises sous la Ve République.
Je vous rappelle d’ailleurs que, avec la loi du 11 décembre 1990, le Parlement avait modifié la durée des mandats des conseillers généraux et des conseillers régionaux afin d’instaurer, pour les élections de 1992, un renouvellement simultané des assemblées délibérantes départementales et régionales.
Toujours à titre liminaire, je tiens à préciser que, même si ce projet de loi est, comme je l’ai déjà dit, le « préalable indispensable » à la création des conseillers territoriaux, il n’implique pas nécessairement cette création. Il s’agit d’une condition nécessaire, mais non suffisante. Les termes de « conseiller territorial » ne figurent d’ailleurs dans aucun des articles du projet de loi.
M. François Rebsamen. C’est bien sa faiblesse !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il n’est pas non plus question ici du mode de scrutin des conseillers territoriaux. Les modalités concrètes de leur élection figurent, en effet, dans un troisième texte, le projet de loi no 61, relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, qui devrait être soumis au Sénat dans le courant de l’année 2010.
Il va sans dire que, là encore, le législateur aura toute latitude pour modifier ce texte et pour prévoir, s’il le souhaite, un mode de scrutin différent de celui qui est proposé, en l’état, par le projet de loi déposé par le Gouvernement.
M. François Patriat. Il est inique !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je rappelle donc que le Parlement ne saurait être lié par des textes qui ne sont encore que de simples projets loi. Adopter le texte sur la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux n’implique pas de faire un vote conforme sur les trois autres projets de loi qui ont été déposés devant le Sénat.
Dès lors, ce texte n’est pas un blanc-seing donné au pouvoir exécutif. Ce que la loi a fait, elle peut le défaire. Voter le présent projet de loi ne préjuge en rien de nos débats futurs. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Si les deux assemblées décidaient finalement de renoncer à créer des conseillers territoriaux, aucun de leurs travaux préalables ne pourrait être invoqué pour les y contraindre.
M. Jean-Pierre Sueur. Vous ne parlez que pour le Conseil constitutionnel !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le Parlement conservera donc, en tout état de cause, une entière souveraineté et pourra se prononcer librement sur le reste de la réforme territoriale.
J’estime que l’adoption du présent projet de loi est de nature à préserver la pleine souveraineté des assemblées. En effet, si nous adoptons ce texte, nous ne serons pas pour autant obligés, dans quelques semaines, d’avaliser la mise en place des conseillers territoriaux.
M. Jean-Pierre Sueur. Cela, c’est sûr !
M. François Patriat. Signez-moi cela !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. À l’inverse, si ce texte n’était pas approuvé dans les plus brefs délais, il serait de facto impossible que les conseillers territoriaux soient effectivement créés en mars 2014. Nous nous priverions ainsi de la possibilité d’adopter l’article 1er du projet de loi de réforme des collectivités territoriales dans sa rédaction actuelle, ce qui reviendrait à nous lier les mains nous-mêmes.
M. Jean-Pierre Sueur. Vous parlez toujours pour le Conseil constitutionnel !
M. Jean-Patrick Courtois. Après ces observations générales, j’en viens au contenu du texte qui nous est soumis aujourd’hui.
L’objet principal de ce projet de loi est de permettre l’expiration simultanée, en mars 2014, des mandats de l’ensemble des conseillers généraux, c'est-à-dire de ceux qui ont été élus en mars 2008, dont le mandat arrive naturellement à son terme en mars 2014, et de ceux qui seront élus en mars 2011, et naturellement des mandats des conseillers régionaux. Par cohérence, il réduit également de deux ans la durée des mandats des membres de l’Assemblée de Corse élus en mars 2010.
Conformément aux dispositions du code général des collectivités territoriales, l’Assemblée de Corse a été consultée par le Gouvernement et a rendu un avis favorable sur le présent projet de loi par une délibération du 12 octobre dernier.
On voit donc que le texte se borne, comme son titre l’indique, à organiser la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est redondant !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Comme en 1992, les conseillers généraux et les conseillers régionaux seraient donc élus simultanément. Le précédent de 1992 a bien démontré que la concomitance des élections locales, même détachée de toute réforme annexe, présentait en elle-même des avantages considérables.
M. Jean-Pierre Sueur. En effet !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Premièrement, la concomitance des élections cantonales et régionales permettra de dynamiser la démocratie locale.
M. Jean-Pierre Sueur. Vous en dites trop !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. En effet, les élections territoriales sont actuellement éclatées en trois opérations séparées, c'est-à-dire une pour chaque série de conseillers généraux et une pour les conseillers régionaux, qui s’enchaînent à un rythme irrégulier. Cette situation n’est pas lisible pour les électrices et les électeurs et nuit à la bonne identification des enjeux locaux. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
La concomitance apparaît également comme un facteur de renforcement de la visibilité et de la légitimité des élus locaux, dans la mesure où elle favorise la participation électorale.
Ce constat est étayé par les statistiques : des records de mobilisation ont été atteints lors des élections de 1992, où le taux d’abstention au premier tour des élections cantonales est passé sous la barre des 30 %, ce qui correspond à une chute de plus de 20 points par rapport aux élections cantonales de 1988.
Deuxièmement, la mise en place de la concomitance sera l’occasion de mettre fin au renouvellement triennal par moitié des conseils généraux.
Il est en effet nécessaire, au vu des larges compétences qui sont aujourd’hui dévolues aux départements, de renforcer la continuité de l’action publique à leur niveau et de donner aux présidents de conseils généraux la stabilité et la longévité dont ils ont besoin pour conduire leur programme.
M. François Rebsamen. C’est vous qui avez changé les textes ! Avant, leur mandat était de six ans !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cette réforme fait l’objet d’un consensus parmi les élus locaux. Elle est soutenue, notamment, par l’Assemblée des départements de France et a été préconisée par la mission présidée par notre collègue Claude Belot.
Troisièmement, même en l’absence de conseillers territoriaux exerçant à la fois les fonctions de conseillers généraux et celles de conseillers régionaux, …
M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi cette restriction ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. … la mise en place d’élections territoriales concomitantes renforcera la complémentarité et la solidarité entre les élus locaux.
En effet, les élus départementaux et les élus régionaux sont actuellement désignés pour une même durée de six ans, mais selon une périodicité désynchronisée. Dans ce contexte, il est naturellement difficile d’articuler efficacement les politiques publiques de chaque niveau de collectivités.
La suppression de ce décalage temporel favorisera le renforcement des liens entre les départements et les régions et, en conséquence, leur permettra de mieux coordonner leurs actions.
Quatrièmement, ce projet de loi favorise la mise en place d’une déconnexion des enjeux électoraux locaux par rapport aux enjeux électoraux nationaux. En effet, si ce nouveau calendrier était mis en œuvre, il éviterait, pendant près de vingt ans, c’est-à-dire jusqu’en 2032, tout « télescopage » entre des échéances locales et des échéances nationales.
M. Pierre-Yves Collombat. Le Président de la République se mêle aussi des élections locales !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cette nécessité avait déjà été rappelée par la commission des lois en 2005, à l’occasion des discussions sur le texte prorogeant la durée des mandats des conseillers municipaux et des conseillers généraux renouvelables en 2007, et qui visait à éviter que les élus locaux ne soient désignés pendant les campagnes présidentielles et législatives.
M. Jean-Jacques Hyest, en qualité de rapporteur de ce texte, avait alors souligné que la confusion provoquée par une trop grande proximité dans le temps de scrutins nationaux et de scrutins locaux était « susceptible de favoriser l’abstention électorale » et de « brouiller les enjeux respectifs de chaque élection ».
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je maintiens !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Enfin, cette réforme est en cohérence avec la mission constitutionnelle du Sénat. Ce nouveau calendrier électoral permettra en effet aux sénateurs de continuer à être, comme ils le sont depuis 1963, désignés par des conseillers municipaux, généraux et régionaux nouvellement élus. Ce faisant, il conforte la légitimité de la Haute Assemblée et réaffirme sa vocation de représentation des collectivités territoriales.
En conclusion, ce texte peut légitimement être adopté tant par ceux qui s’opposent à la création des conseillers territoriaux que par ceux qui la soutiennent. Dans les deux cas, il est un gage de modernisation de la vie publique locale.
Compte tenu de ces observations, la commission des lois vous propose d’adopter le présent projet de loi sans modification. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. Votre intervention manque d’enthousiasme, monsieur le rapporteur !
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est important à plus d’un titre.
D’abord, il est symbolique. C’est le premier texte portant réforme des collectivités territoriales dont est saisie notre Haute Assemblée.
M. François Patriat. Cela commence mal !
M. Jean-Léonce Dupont. Même si la réflexion a déjà été engagée, notamment lors du débat d’orientation générale organisé sur l’initiative de la commission des lois, ou encore lors de la deuxième séance de questions cribles du Sénat, c’est la première fois que nous somme réunis dans cet hémicycle pour l’examen et le vote d’un texte de la réforme.
Mais ce projet de loi n’a évidemment pas seulement un aspect symbolique, car outre le fait qu’il est le premier texte de la réforme, il en est aussi un maillon essentiel.
En effet, il va au-delà d’une simple modification du calendrier électoral, puisque, sans lui, il n’y a pas de concomitance entre les élections cantonales et régionales, donc pas de mise en place possible des futurs conseillers territoriaux. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mes chers collègues, veillons à ne pas donner à ce texte un objet qu’il n’a pas.
M. François Patriat. C’est un OVNI !
M. Jean-Léonce Dupont. Certes, il s’agit d’un des textes de la réforme des collectivités, mais, dans ces deux articles, aucune disposition portant sur le fond de la réforme n’est prévue.
M. Jean-Pierre Sueur. Encore des restrictions !
M. Jean-Léonce Dupont. Il n’est question ici, mes chers collègues, ni de la création des conseillers territoriaux ou de leur mode d’élection ni de la création des métropoles.
Il est important de rappeler que l’acceptation de ce texte ne nous engage pas sur le fond, puisque rien n’empêcherait que, en mars 2014, on élise à nouveau des conseillers généraux et régionaux.
M. Jean-Pierre Sueur. Cela a déjà été dit !
M. François Patriat. Vous y croyez ?
M. Jean-Léonce Dupont. La modification opérée par le texte serait simplement devenue sans objet.
Je suis donc favorable au principe même de la concomitance d’élections qui nous est proposé aujourd’hui et donc au futur renouvellement en une seule fois de l’ensemble des élus gérant le département.
En revanche, sur les moyens mis en œuvre pour parvenir à cette concomitance, je souhaite émettre une réserve importante.
Le projet de loi prévoit, en 2011, d’élire de nouveaux conseillers généraux pour seulement trois ans. Cette disposition mérite d’être examinée attentivement, car elle aura des conséquences importantes.
En effet, le renouvellement prévu en 2011 ne constitue pas une simplification au regard des évolutions fondamentales introduites par le projet de réforme des collectivités territoriales, notamment en ce qui concerne la réduction du nombre d’élus locaux.
De jeunes élus désignés en 2011 auront légitimement à l’esprit de continuer leur parcours d’élus et seront particulièrement confrontés aux difficultés liées à la réduction du nombre d’élus résultant de la création des conseillers territoriaux. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Ce constat étant fait, on peut en conclure que les modalités prévues par le projet de loi ne feront qu’accentuer les difficultés liées à la réduction annoncée du nombre d’élus siégeant au conseil général.
M. Guy Fischer. C’est vrai !
M. Jean-Léonce Dupont. C’est pour ces raisons que j’ai déposé un amendement visant à prolonger jusqu’en 2014 le mandat des conseillers généraux actuellement en exercice. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Éric Doligé. C’est une bonne idée !
M. Jean-Léonce Dupont. Le changement de paradigme électoral justifie cette mesure exceptionnelle, qui n’est pas plus illégitime qu’un mandat réduit de trois ans. Je ne suis pas convaincu, monsieur le secrétaire d’État, par l’avis « très probable » – je vous cite – du Conseil constitutionnel. Rappelons que, lors du passage de neuf à six ans du mandat sénatorial, une partie de nos collègues ont fait un mandat de six ans, plus trois ans. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Quatre ans !
M. Jean-Léonce Dupont. Mon amendement vise à préparer au mieux la transition importante qui sera opérée lors de l’entrée en vigueur du projet de réforme des collectivités territoriales.
Enfin, permettez-moi de conclure ces propos avec quelques considérations générales sur la réforme des collectivités, même si j’ai parfaitement conscience, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, que ce n’est pas strictement l’objet du présent projet de loi.
Je ferai une première remarque sur le mode de scrutin prévu pour l’élection des conseillers territoriaux.
Ce point est particulièrement sensible, surtout pour l’ensemble des formations centristes ! Ce qui nous est proposé aujourd’hui, le scrutin uninominal à un tour, est à ma connaissance désapprouvé par la quasi-totalité des sénateurs de mon groupe (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.),…
M. François Patriat. Et des Français !
M. Jean-Léonce Dupont. … et la « dose de proportionnelle » qui nous est proposée s’apparente plus à une « dosette » !
Les critiques seront tout aussi vives concernant le principe de la réutilisation des voix à l’échelon départemental. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. François Patriat. C’est la magouille !
M. Jean-Léonce Dupont. Il faudra, monsieur le secrétaire d’État, que des modifications importantes soient trouvées sur ces points.
Ma seconde remarque concerne le risque, très important à mon sens, de « professionnalisation » du futur conseiller territorial.
Nul n’ignore, surtout au sein de notre Haute Assemblée, les contraintes et le volume de travail qui seront ceux de cet élu qui siégera au sein de deux assemblées locales. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)
Le risque est le suivant : ce mandat ne sera-t-il pas, dans les faits, réservé à des personnes n’exerçant pas, ou plus, d’activité professionnelle ou à celles qui bénéficient d’un statut leur garantissant un retour à l’emploi à l’issue de leur mandat ?
Cette réforme soulèvera de vraies questions en termes non seulement d’accessibilité au mandat électif, mais surtout de sociologie de la représentation au sein des conseils régionaux et généraux ! Il y a donc lieu de réfléchir dès maintenant à l’approfondissement du statut des futurs élus territoriaux. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à quoi donc a bien pu servir la « mission sénatoriale temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales », dite mission Belot, créée sous l’impulsion de notre président et qui devait être le mécano dans lequel le Sénat devait puiser pour établir sa doctrine en toute indépendance par rapport à la mission Balladur ?
MM. Didier Boulaud et François Patriat. À rien !
M. Jean-Claude Peyronnet. Vous avez raison, mes chers collègues, même s’il faut attendre, pour faire un bilan complet, que nous traitions des compétences, cette mission ne sert à rien, sinon à entretenir pendant des mois la fausse illusion d’un possible consensus qui faisait fi de la logique majoritaire.
Il fallait d’ailleurs une forte dose de naïveté pour croire que, en dehors des propositions mineures soutenues par les associations d’élus – je pense, notamment, à la disparition du panachage pour les élections municipales dans les petites communes, au fléchage, à l’achèvement de l’intercommunalité, à l’élection des conseillers généraux en une seule fois –, les sénateurs ne se diviseraient pas sur l’essentiel, l’essentiel étant ce qu’a voulu le Président de la République, autrement dit la création du conseiller territorial.
C’est le sujet quasi unique du débat qui commence aujourd’hui. On ne le dirait pas, puisque le projet de loi, dit de « concomitance », est un OLNI, un objet législatif non identifié, qui réussit le tour de force d’aborder la question du conseiller territorial sans le nommer, sauf dans l’exposé des motifs. (Mme Odette Herviaux et M. Jean-Jacques Mirassou applaudissent.)
M. Jean-Pierre Sueur. C’est l’Arlésienne !
M. Jean-Claude Peyronnet. On a ainsi une illustration de la procédure contournée et baroque, dont la constitutionnalité est à démontrer et qui consiste à nous faire voter les ressources avant les compétences, décider des conseillers territoriaux sans en connaître le nombre et même sans les avoir formellement créés,…
M. Guy Fischer. On marche sur la tête !
M. Jean-Claude Peyronnet. … et prétendre simplifier la pyramide administrative sans rien supprimer, mais au contraire en créant de nouvelles institutions comme les métropoles ou les pôles métropolitains.
C’est la même procédure obscure qui saucissonne la réforme en quatre projets de loi, tous assortis de la même étude d’impact, celui que nous examinons aujourd’hui se voyant attribuer trois heures de discussion générale, alors que, pour un texte comportant seulement deux articles, une heure aurait dû suffire. C’est une invitation à parler de l’ensemble, et c’est ce que nous allons faire !
Monsieur le rapporteur, vous pouvez bien jouer, vous aussi, les naïfs…
M. François Rebsamen. Faussement naïf !
M. Jean-Claude Peyronnet. … et dire que, même sans un vote positif sur la création des conseillers territoriaux, le présent projet de loi pourrait s’appliquer aux conseillers généraux et régionaux maintenus. Pour autant, le conseiller territorial, tout masqué qu’il soit, est présent partout ; c’est comme l’Arlésienne, que l’on ne voit pas, mais qui est omniprésente !
Premier élément, on a commencé par la réforme fiscale. Le résultat est lumineux. Au motif, exposé à de nombreuses reprises, de limiter leurs dépenses, on réduit de façon drastique l’autonomie fiscale des collectivités : autour de 30 % pour les communes, 12 % pour les départements et moins de 10 % pour les régions.
Outre le fait que les dotations d’État ne seront jamais assurées dans leur volume, c’est désormais le Parlement, c’est-à-dire l’État central, qui décidera de l’ampleur des investissements des collectivités.
Ce n’est pas une réforme, c’est la Restauration ! Sarkozy-Louis XVIII rétablit l’ordre ancien, disparu depuis près de trente ans, celui qui existait avant la décentralisation ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.)
M. Didier Boulaud. Vive le petit Napoléon !
M. Jean-Claude Peyronnet. Tout en conservant l’apparence d’assemblées autonomes, les conseils régionaux et généraux retombent sous la tutelle de l’État central, et cette nouvelle forme de centralisation sera beaucoup plus contraignante pour elles qu’avant 1982, car l’État ne dispose plus, et sans doute pour longtemps, de la marge financière qu’il avait alors, ce qui interdira toute générosité dans l’attribution des dotations.
Par ailleurs, à l’époque, les assemblées locales avaient une aisance qu’elles trouvaient dans le vote des taux – d’autant que c’était une période d’inflation –, ce qui ne sera plus possible désormais.
Ce retour en arrière est l’élément premier de ce qui est présenté comme une réforme et qui n’est en réalité qu’un recul. Les effets désastreux de cette recentralisation sur le confort de vie de nos concitoyens s’en feront très vite sentir.
Le second élément est la création du conseiller territorial.
Il résulte, là encore, d’une rupture et d’une autre logique que celle qui prévalait depuis 1982 et qui avait vu s’établir deux couples fonctionnels : le couple département et communes et le couple État et régions.
Désormais, ce qui est privilégié, ce sont les couples communes et communautés de communes, avec une forte volonté d’absorption des premières par les secondes, et le couple départements et régions, avec une tout aussi forte volonté d’absorption des premiers par les secondes.
Le lien entre communes et communautés de communes est tellement évident qu’il est inutile d’y insister. Le lien entre le département et la région fait fi des différences majeures consubstantielles à ces deux assemblées, la première étant une instance de proximité, la seconde, de programmation.
Le but inavoué, mais qui transpire en permanence dans les discours, de cette évolution constitutionnelle, c’est la disparition des communes et des départements ou, pour employer les termes délicats d’Édouard Balladur, leur « évaporation ».
Certes, le projet gouvernemental, s’il donne au préfet des pouvoirs temporaires mais exorbitants, établit des garde-fous, tels que le référendum, qui rendent a priori la fusion des communes difficiles.
Mais observons ce qui s’est passé pour la loi de 1999 : une forte incitation financière, appuyée sur le coefficient d’intégration fiscale, le CIF, que nous connaissons tous, a conduit massivement les conseils municipaux à déléguer leurs compétences aux établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI.
Rien n’indique qu’il n’en sera pas de même avec ce projet. Les communes financièrement exsangues, privées de l’aide des conseils généraux et régionaux, eux-mêmes dépouillés de la compétence générale et financièrement asphyxiés, ne devront-elles pas, contraintes et forcées, voter leur propre disparition ?
M. Jean-Claude Peyronnet. Le scénario que je décris est machiavélique, monsieur le secrétaire d'État, mais il est tout à fait plausible.
Il est cependant évident que la collectivité la plus menacée est le département.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Bien sûr !
M. Jean-Claude Peyronnet. Cette réforme apparaît à un moment où les conseils généraux se trouvent en grand péril financier. Certains, dit-on, passeraient bientôt sous tutelle financière. Et pourquoi ?
Ce n’est pas, comme cela a été dit, à cause de politiques dépensières inconsidérées ou de créations non contrôlées de postes de fonctionnaires. Je rappelle que c’est d’abord l’État qui est épinglé par la Cour des comptes pour avoir créé 351 000 emplois entre 1980 et 2006, malgré le délestage de ses compétences vers les collectivités.
Ce n’est pas non plus à cause de recours trop facile à l’emprunt. Je le rappelle, la dette des collectivités ne représente que 10 % de l’endettement de la nation. En outre, cet emprunt, obligatoirement gagé sur des recettes, est affecté uniquement à l’investissement. Enfin, contrairement à l’État, les collectivités remboursent toute leur dette, capital et intérêt.
M. Didier Boulaud. Surtout ces dernières années !
M. Jean-Claude Peyronnet. En réalité, les raisons de cette asphyxie tiennent pour l’essentiel à l’État, qui leur a confié la responsabilité de la mise en œuvre de grandes politiques nationales sans leur en donner les moyens et même sans respecter ses engagements.
Dans mon département, la dette de l’État s’établit à 35 millions d’euros, soit 39 points de fiscalité avant la réforme de la taxe professionnelle, et 49 points ensuite !
La conséquence immédiate, c’est que la plupart des départements, même ceux qui ne sont pas encore dans le trou, réduisent la voilure.
D’abord, ils limitent leurs investissements, ce qui aura évidemment des effets catastrophiques.
Ensuite, ils rognent les dépenses en direction des tiers, et, d’une façon générale, ils suppriment des dépenses non obligatoires. Ainsi, dans mon département, la simple suppression de fonctionnaires affectés à des missions d’État, comme par exemple une assistante sociale affectée au commissariat central, permet de récupérer un point de fiscalité. Il n’y a pas de petit profit !
Les plus atteints par cette situation seront, bien sûr, les petites communes et, dans une moindre mesure, les communes moyennes.
Je parle ici des routes, des bâtiments communaux, en particulier cultuels, qui vont forcément se dégrader.
M. Didier Boulaud. Les minarets !
M. Jean-Claude Peyronnet. Je parle aussi des aides aux associations culturelles, sportives, c'est-à-dire de tout ce que Mme Lagarde appelle de façon scandaleuse les « féodalités ». Ce sont précisément ces dernières qui assuraient la vie dans une immense partie du territoire, au-delà du périphérique s’entend !!
On le voit, casser le couple communes et département, c’est pratiquer une politique dangereuse, à moins, comme je le crois, qu’elle ne soit volontaire. C’est la situation actuelle.
Le conseiller territorial accélérera ce processus de délitement de l’institution départementale. On garde le lien avec le territoire, et c’est bien. Mais les circonscriptions, par la volonté de réduction du nombre d’élus, seront trois ou quatre fois plus grandes en moyenne que les actuels cantons. Or l’espace est l’ennemi de la proximité.
Ce qui crée du lien social, c’est la présence, l’écoute, la participation aux conseils d’administration du collège, des établissements sanitaires et sociaux, aux assemblées générales des associations professionnelles, sportives, culturelles.
Le conseiller territorial représentera le département dans un espace beaucoup plus vaste qu’actuellement. Mais il représentera aussi la région.
Pour peu qu’il ait une ou plusieurs délégations – et il le faudra bien, vu le petit nombre de conseillers territoriaux dans chaque département –, il sera appelé au-delà de son canton dans le département, voire dans la région entière, à représenter les deux institutions.
Comment imaginer qu’il puisse avoir, en outre, une activité professionnelle, pourtant essentielle à son ancrage dans la réalité sociale ? À cet égard, je rejoins les propos de M. Dupont.
Cet être hybride sera nécessairement un professionnel, pour lequel il faudra prévoir une indemnité raisonnable et une retraite.
Non, en organisant ainsi une nouvelle forme de cumul des mandats, on ne fera pas d’économies, bien au contraire !
Reste la question du mode de scrutin. Je ne l’évoquerai que pour mémoire, en soulignant que cette nouveauté électoraliste d’un scrutin uninominal à un tour, qui suscite bien des interrogations sur sa constitutionnalité, est fondamentalement contraire à la tradition, et même à l’esprit français, ce qui sera amplement démontré ultérieurement.
M. Didier Boulaud. Magouillage !
M. Jean-Claude Peyronnet. À vrai dire, cette innovation n’est que l’un des éléments d’une attaque frontale contre l’identité républicaine de la France. Car s’attaquer à l’intégrité des communes, des départements, c’est rompre avec tout ce qui fait l’originalité de l’administration locale et, surtout, quoi qu’il ait été dit, son efficacité.
Ce sont là quelques-unes des raisons qui nous amèneront à une opposition formelle sur l’ensemble de ces textes, et en particulier sur le premier qui est relatif à la concomitance des renouvellements des conseils généraux et régionaux que nous examinons aujourd’hui.
Monsieur le président, nous ne nous tromperons pas, nous, de vote ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.
M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la semaine dernière, lors de l’adoption du projet de loi de finances pour 2010, le Sénat a malheureusement approuvé la disparition de la taxe professionnelle et son remplacement par un nouveau dispositif qui est loin de rassurer les élus locaux.
J’ai déjà eu l’occasion, à cette tribune, de m’exprimer sur les raisons qui ont motivé mon opposition et celle des radicaux de gauche à cette réforme. Je voudrais néanmoins en rappeler une, qui est fondamentale, car elle s’invite de nouveau aujourd’hui dans le débat : je veux parler de l’entêtement du Gouvernement à maintenir un calendrier d’une incohérence sidérante. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Nous sommes nombreux, jusque dans les rangs de la majorité, à avoir très tôt demandé que l’on discute d’abord de la clarification des compétences, avant de réformer la fiscalité.
Mme Maryvonne Blondin. Bien sûr ! C’est évident !
M. Jean-Michel Baylet. Nous n’avons malheureusement pas été entendus. Malgré la colère généralisée des élus – vous avez eu tout loisir de l’entendre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, lors des différents congrès qui viennent de se tenir ! –, le Parlement a été mis au pied du mur : le projet de loi qui lui a été présenté était tellement indéfendable et inintelligible que nos collègues de la commission des finances ont dû totalement le récrire.
Pourtant, messieurs les ministres, vous persistez à nous demander de mettre la charrue avant les bœufs. En effet, vous nous proposez d’adopter le premier d’une série de trois textes destinés, vous le savez bien, à inventer les conseillers territoriaux.
Un sénateur socialiste. Eh oui !
M. Jean-Michel Baylet. Certes, les articles du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux n’évoquent pas l’appellation « conseillers territoriaux » et, à nous en tenir strictement à l’exposé des motifs, nous pourrions même penser – il y faudrait tout de même quelque naïveté ! – qu’il s’agirait simplement de renforcer la démocratie locale. La mise en place d’échéances regroupées favoriserait, paraît-il, la clarté des choix démocratiques…
À ce sujet, monsieur le secrétaire d’État, vous avez établi un parallèle entre le texte que vous nous présentez ce soir et celui que Pierre Joxe et moi-même – j’étais alors secrétaire d’État à l’intérieur : j’ai fait cela, moi aussi ! – avions préparé en 1990. Mais rien dans la réalité ne vient le justifier ! D’abord, nous n’avions pas raccourci la durée des mandats : nous avions proposé de la prolonger d’un an, ce qui n’est pas tout à fait la même chose ! (Approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Maryvonne Blondin. Eh oui !
M. Jean-Michel Baylet. Qui plus est, la concomitance recherchée pour 1994 était liée à la décision que nous avions prise d’élire les conseillers généraux au scrutin départemental proportionnel de liste. C’était la volonté de renforcer le poids des départements qui nous animait, et non celle de voir s’évaporer le département et la région.
M. François Rebsamen. Mais M. le secrétaire d’État le sait bien !
M. Jean-Michel Baylet. Au demeurant, si vous tenez à aller au bout du parallèle, il ne faut pas omettre de rappeler que cette loi n’a jamais été appliquée puisqu’en 1993, quand vous êtes revenus au pouvoir, vous l’avez immédiatement abrogée, quand M. Pasqua était ministre de l’intérieur : gageons que, nous aussi, nous saurons, en 2012, abroger ce texte sur les conseillers territoriaux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Bref, monsieur le secrétaire d’État, nous savons très bien – et vous aussi ! – que votre projet de loi est le préalable obligatoire à la création des fameux super-élus off-shore. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Son adoption, c’est vrai, n’entérinera pas la création des conseillers territoriaux ; mais elle la permettra ! C’est donc un chèque en blanc pour la suite que vous nous demandez, une suite que, justement, nous aurions aimé mieux connaître car, à l’instar de ce que vous avez fait pour la taxe professionnelle, vous nous proposez ce soir de voter un dispositif à l’aveuglette.
La représentativité d’une assemblée se fonde sur ses compétences, son périmètre géographique, son articulation avec les autres institutions. Or, tous ces aspects seront décidés au début de 2010, lors de l’examen du projet de loi n° 60. Pire, c’est seulement en 2011 que la question des compétences sera abordée, en vertu de l’article 35 du projet de loi précité, qui prévoit que, « dans un délai de douze mois […], une loi précisera la répartition des compétences des régions et des départements, ainsi que les règles d’encadrement des cofinancements » entre les différentes collectivités.
Mme Maryvonne Blondin. C’est aberrant !
M. Jean-Michel Baylet. Comment, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous affirmer que vous créez un élu vraiment représentatif alors que rien n’est décidé, sur le fond, pour la répartition des compétences ? Je ne prendrai qu’un exemple : si, comme vous le souhaitez – et nous vous encourageons à évoluer sur ce sujet aussi –, la clause de compétence générale est supprimée et les collectivités spécialisées, est-il pertinent de créer un élu représentant deux assemblées aux fonctions très différentes ?
Aurons-nous là aussi des clauses de revoyure pour améliorer ce texte ?
J’ajouterai que ce projet de loi, présenté dans la précipitation, fait bien peu de cas du principe de sincérité du scrutin. Bientôt, les électeurs vont élire des conseillers régionaux, puis généraux, au mandat réduit : il va falloir leur expliquer que le mandat de leurs élus est raccourci pour que puisse être organisée la concomitance en 2014 et que, dans le cas où, entre-temps, les conseillers territoriaux auraient été créés, ce même texte s’appliquera ! Mais il faudra aussi leur dire, comme le souligne très justement notre collègue rapporteur, « que le Parlement pourrait, à l’issue de ses débats sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales et même dans l’hypothèse où il aurait préalablement adopté le projet de loi n° 63, renoncer à créer ces conseillers territoriaux » !
Il est tout de même assez original de modifier la durée des mandats en indiquant qu’il n’est pas exclu que, finalement, on y renonce ; même si c’est l’issue que nous souhaitons, nous n’en croyons pas un mot.
Nos concitoyens vont donc, au nom de ce principe, confier à des élus un mandat précaire, « au cas où » !
M. Jean-Michel Baylet. Par ailleurs, si l’article 34 de la Constitution consacre la compétence du Parlement pour fixer les règles qui concernent « le régime électoral des assemblées parlementaires [et] des assemblées locales », le Conseil constitutionnel n’en exige pas moins que le législateur justifie la réduction des mandats par un motif d’intérêt général. Si demain le motif principal, toujours non avoué – la création d’une nouvelle catégorie d’élus –, disparaissait, le Parlement aurait donc voté un projet de loi potentiellement inconstitutionnel !
Il est clair que toutes ces contradictions témoignent bien – le mot est fort, mais je vais le prononcer – de l’hypocrisie qui sous-tend l’ensemble de ces réformes. Au fond, derrière tout cela se cache une manipulation électoraliste visant à reprendre à la gauche les départements et les régions perdus par la droite. (C’est évident ! sur les travées du groupe socialistes.)
Depuis le mois dernier, les projets de loi concernant les collectivités locales qui se succèdent présentent une même constante : il s’agit, je le crains, de détruire des collectivités qui ne sont peut-être pas assez dociles. Avec la réforme de la taxe professionnelle, le Gouvernement va organiser un peu plus encore leur asphyxie financière ; avec le conseiller territorial, il va tenter de les réorienter politiquement. En tous les cas, nous assistons à une véritable déstabilisation des collectivités, qui forment pourtant le dernier rempart contre la politique nationale aux conséquences économiques et sociales que l’on connaît.
Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, les radicaux de gauche ne voteront pas le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les projets de loi de réforme territoriale marquent à mon avis une évolution très positive pour l’organisation de nos collectivités.
Pour ma part, je pensais depuis très longtemps qu’il était plus qu’opportun de regrouper les élections locales. Aussi, j’estime très pertinent le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis. Il en va de même des conclusions du rapport Balladur, qui m’ont semblé constituer une avancée remarquable pour le fonctionnement et l’organisation de nos collectivités locales. Si j’émets des réserves sur les pouvoirs exorbitants accordés au préfet dans les départements, je trouve globalement satisfaisantes toutes les propositions concernant les rapports entre les communes et les intercommunalités.
Cela étant, il est absolument indispensable de bien préciser les compétences des départements et des régions : chaque niveau doit avoir ses attributions propres. Il est également tout à fait souhaitable de mettre un terme aux guérillas que nous constatons parfois entre conseils généraux et conseils régionaux et de mettre en place le conseiller territorial unique. Sur ce point, je considère que le comité Balladur a effectué un travail véritablement innovant et remarquable.
Pour autant, je suis scandalisé par un point, et l’on sait très bien que, lorsqu’on met une pomme pourrie dans un cageot de bonnes pommes, c’est tout le cageot qui pourrit. Je trouve donc absolument scandaleux le mode de scrutin qui est envisagé pour les conseillers territoriaux. C’est véritablement une honte, c’est invraisemblable, et je ne comprends pas que le Gouvernement puisse ne pas se sentir gêné d’avoir formulé une telle proposition. On nous dit que ce mode de scrutin existe dans différents pays, notamment en Allemagne. Mais ce n’est pas vrai ! Le système allemand n’a strictement rien à voir avec celui qui nous est présenté ici puisqu’il se traduit par la proportionnelle intégrale, alors que l’on voudrait, chez nous, déduire les voix de ceux qui auront été élus, et que sais-je encore ! C’est une gigantesque magouille !
M. Pierre-Yves Collombat. Une de plus !
M. Jean Louis Masson. Hier soir, déjà, nous baignions dans les opérations fumeuses de charcutages électoraux ; aujourd’hui, nous quittons le charcutage territorial pour le charcutage institutionnel des modes de scrutin. C’est vraiment dramatique ! La France avait besoin d’une bonne réforme, nous en prenions le chemin, et voilà que les arrière-pensées bassement politiciennes sont venues tout pervertir. Je le déplore véritablement, car, globalement, les autres dispositions du projet de loi auraient certainement recueilli ma totale approbation.
Si le projet de loi est adopté en l’état, les conseillers territoriaux assumeront les fonctions des conseillers généraux alors que leur élection dépendra du scrutin régional. En effet, ceux qui seront élus au scrutin proportionnel – et c’est là un point véritablement contraire à la Constitution – ne le seront que parce qu’ils seront affiliés à une liste ayant une représentativité régionale.
Mme Jacqueline Gourault. Justement, non !
M. Jean Louis Masson. Les conseillers généraux seront donc élus dans les départements sur la base de clivages et de sélections qui se joueront à l’échelle régionale. C’est extraordinaire !
Enfin, on nous affirme que la proportionnelle concernera 20 % des sièges et qu’ainsi les petits partis seront représentés et la parité assurée. C’est une gigantesque hypocrisie ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG.) Ne l’oublions pas, ce seront 20 % des sièges dans chaque département. Or, le nombre total des sièges par département étant relativement restreint, les élus à la proportionnelle seront, selon les cas, deux, trois, voire quatre, mais le seuil de dix, celui à partir duquel l’effet de la proportionnelle commence à jouer, ne sera atteint que dans très peu de départements.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Évidemment, aucun effet de proportionnelle !
M. Jean Louis Masson. En clair, comment cela se traduira-t-il ? Lorsque cinq sièges seront pourvus à la proportionnelle, les petits partis politiques, ceux à qui l’on a fait miroiter ces 20 % de proportionnelle, ne seront toujours pas représentés, parce que ce sont les gros partis qui obtiendront les sièges en question !
Quant à la parité, n’en parlons pas ! Avec le système de proportionnelle qui nous est proposé, ce sont essentiellement les têtes de liste qui seront élues. Je me suis livré au calcul pour le département de la Moselle en retenant le nombre de femmes que l’on constate au sein du conseil général actuel pour les sièges pourvus au scrutin majoritaire et, pour les sièges pourvus au scrutin proportionnel, la proportion que l’on a constatée aux précédentes élections régionales, en faisant l’hypothèse que les futures listes respecteront ce principe de la parité. Eh bien, le résultat de mon calcul, alors que la Moselle est un grand département où dix conseillers seront élus à la proportionnelle, montre que le pourcentage de femmes n’atteindra que 30 %. Ce sera donc une parité pour le moins réduite ! Dans les autres départements lorrains, où la proportionnelle ne concernera que cinq ou six sièges, le pourcentage de femmes parmi les élus à la proportionnelle tomberait à 20 %.
Dernier élément, quand on fait le calcul global, pour l’ensemble de la Moselle, on constate que les femmes constitueraient 11 % des conseillers territoriaux.
Mme Odette Terrade. Absolument !
M. Jean Louis Masson. Je ne mentionnerai même pas les trois autres départements lorrains, où l’effet de la proportionnelle serait encore plus réduit puisque, au lieu de 11 % elles ne seraient plus que 8 %.
Dès lors, il ne faut pas s’étonner, mes chers collègues, que les trois présidentes des délégations aux droits des femmes se soient insurgées. Au Sénat, la présidente de la délégation est socialiste, mais, à l’Assemblée nationale, elle est UMP et, au Conseil économique et social, c’est la sœur de notre collègue Jean-Pierre Raffarin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà !
M. Jean Louis Masson. On ne peut donc pas dire qu’elles sont toutes les trois dans l’opposition. (Murmures sur les travées de l’UMP.) Cela vous dérange, mes chers collègues, mais ce n’est pas grave…
M. Dominique Braye. Il y a longtemps que vous ne nous dérangez plus ! Vous nous faites rire !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Demandez la parole pour intervenir, monsieur Braye !
M. Jean Louis Masson. Il y a là, me semble-t-il, une situation extrêmement affligeante et ce n’est pas en manipulant les chiffres ou en refusant de reconnaître la réalité que l’on en sortira.
Finalement, bien qu’il y ait globalement de très bonnes choses dans le rapport Balladur, mais, compte tenu des modalités de mise en œuvre qui nous sont proposées, je voterai contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, de par la volonté du Président de la République, vous voulez coûte que coûte faire adopter par le Parlement la réforme des collectivités locales dont nous parlons depuis déjà un certain temps, réforme pourtant largement contestée, y compris dans vos rangs.
Vous venez – pour mettre en route le processus – d’imposer, avec la suppression de la taxe professionnelle, une mise en cause de l’autonomie des collectivités locales, et ce contre l’avis de nombreux élus locaux de votre propre camp.
Aujourd’hui, vous voulez imposer dans l’urgence une réduction importante des mandats des conseillers régionaux qui seront élus en 2010 et des conseillers généraux qui le seront en 2011 pour être en situation, en 2014, d’appliquer la réforme dont le Parlement n’a pas encore débattu. C’est écrit dans l’exposé des motifs de ce projet de loi.
Monsieur le rapporteur de la commission des lois, vous êtes évidemment aux premières loges, puisque vous faites partie – selon une terminologie guerrière – de la task force du Président de la République pour justifier l’adoption des dispositions du projet de loi dont nous débattons aujourd'hui en invoquant l’exigence de sincérité du scrutin pour les électeurs et la démocratie, ce que l’ensemble de la réforme fait, au contraire, régresser.
Vous évoquez l’opportunité de supprimer le renouvellement triennal et l’intérêt de la concomitance des deux scrutins. Vous évoquez même la nécessité de découpler les scrutins nationaux et locaux, en pleine contradiction avec le Président de la République qui vient d’entrer directement dans la campagne pour les élections régionales en disant qu’il s’agit d’élections nationales.
Voilà de nombreuses contradictions, mais toutes ces propositions se discutent, alors discutons-en, mais dans le cadre de la réforme et ne les faites pas avaliser en douce avant !
Vous dites, à bout d’arguments, que ce que le législateur fait, il peut le défaire, mais c’est vrai pour tout. Nous l’avions dit pour La Poste, et vous nous avez affirmé contre toute évidence que les 100 % publics une fois votés seraient nécessairement immuables. Là aussi, vérité d’un côté, contre-vérité de l’autre !
La majorité vient précisément d’adopter en commission des lois – vite fait, bien fait – la création des conseillers territoriaux ! Preuve, s’il en était besoin, qu’elle entend à toute force aller de l’avant sur son projet.
La véritable raison d’être du projet de loi est bien ailleurs. Vous le dites vous-mêmes : ce texte « est le support d’enjeux institutionnels forts ».
Dès lors, mes chers collègues, ne tournons pas autour du pot : en posant les fondements de la création des conseillers territoriaux, ce projet de loi nous est soumis pour que nous anticipions sur nos choix à l’issue d’une discussion qui n’aura lieu que dans les prochains mois et qui durera assez longtemps.
C’est une atteinte franchement inacceptable aux droits des parlementaires que nous sommes. Et c’est d’autant plus imprudent que l’idée des conseillers territoriaux est contestée, y compris dans votre majorité, je viens de l’entendre ici.
Ce texte court n’est donc pas anodin. Il participe du bouleversement de nos institutions inscrit dans une réforme territoriale qui renie les principes fondamentaux de la décentralisation, puisque les collectivités territoriales, à tous les niveaux, perdent leur libre administration.
La réforme participe elle-même de la mise en œuvre du projet libéral du Président de la République et du Gouvernement, que vous défendez ici. Vous voulez revenir sur le rôle des collectivités territoriales, qui contribuent, je le rappelle, à 73 % de l’investissement public – Dieu sait si c’est important aujourd'hui ! – et à de nombreux services publics locaux, que vous souhaitez les voir abandonner.
Dans ces conditions, allons-nous, mes chers collègues, accepter une fois encore la mise en cause de nos propres droits ?
Le Président de République disait dans son discours d’Épinal, le 12 juillet 2007 : « Les institutions, ce sont les règles qui sont connues par avance qui permettent à chacun de savoir raisonnablement ce qu’il peut attendre de tous les autres. »
Or, ce texte contredit cette déclaration puisque, aujourd’hui, les règles ne sont pas dites.
Vous renvoyez à plus tard la définition des compétences qui seront attribuées aux deux assemblées, mais vous n’attendez pas pour leur retirer la compétence générale.
Vous renvoyez à plus tard le nombre des cantons par département et leur périmètre, lesquels seront fixés encore une fois par ordonnance, procédure peu démocratique s’il en est, et qui plus est après la promulgation du redécoupage des circonscriptions législatives dans lesquelles s’inscriront les nouveaux cantons.
Pour vous, monsieur le secrétaire d’État, la démographie ne serait pas déterminante. En conséquence, avec une réduction de moitié des élus, l’ensemble du territoire sera moins bien représenté ; et avec un minimum de quinze conseillers territoriaux par département, les zones urbaines le seront encore moins bien que les zones rurales.
Vous avez parlé d’économies avec le passage aux conseillers territoriaux. Mais vous en rajoutez en évoquant des « remplaçants » au rôle renforcé. Combien coûteront-ils ? Il est dit aussi qu’il faudra renforcer les moyens humains et financiers des institutions chargées de faire face à quatre, voire cinq élections la même année.
Avec ce texte, vous inventez un élu bicéphale, multicarte, pouvant cumuler des mandats, bref un professionnel de la politique, contrairement à ce qu’exige une juste représentation du peuple.
Ce que vous visez, en réalité, c’est, d’une part, la disparition des départements – nul ne l’ignore – et, d’autre part, une refonte, qui ne dit pas son nom, du système électif français.
La disparition des départements n’est certes pas explicite, puisque de nombreux élus la rejettent. Mais elle est implicite…
M. Guy Fischer. M. Mercier l’a dit !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … Elle sera la conséquence logique des divers regroupements et de la combinaison des transferts au sein du couple région-départements et des départements et régions vers les métropoles.
Vous avez commencé à configurer la réforme en transformant les services de l’État, puisque le pilotage des politiques publiques est confié à l’échelon régional, les départements devenant des sous-divisions, autrement dit des administrations transversales pilotées par des « managers », comme l’a dit le Premier ministre.
M. Guy Fischer. Comme dans les hôpitaux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes loin des grands commis de l’État qui avaient tout de même leurs avantages.
Vous inventez pour notre pays un scrutin uninominal à un tour à l’anglo-saxonne, totalement inconnu en France sous la République.
Ce n’était pas la proposition du comité Balladur – vous vous en éloignez quelquefois – lequel concluait à un scrutin de liste proportionnel à deux tours assorti d’une prime majoritaire – comme dans les régions actuelles – dans le cadre de circonscriptions infradépartementales tenant compte de la population de chaque département. C’est d’ailleurs l’une des rares propositions non retenues par le Gouvernement, c’est dommage…
Dans le document présentant les « propositions de l’UMP pour la réforme des collectivités locales », vous proposiez, monsieur le rapporteur, un scrutin uninominal à deux tours en milieu rural et proportionnel en milieu urbain. Pourquoi avez-vous changé d’avis depuis ? Vous êtes-vous livré à de savants calculs démontrant que le mode de scrutin uninominal à un tour était favorable à l’UMP ? De toute évidence, il donne la suprématie au parti majoritaire, mettant en cause le pluralisme.
Les 20 % de proportionnelle n’y changeront rien, cela vient d’être dit et je partage ce sentiment. Ils laisseront peu de place aux autres formations politiques, même à celles qui ont obtenu plus de 5 % des suffrages.
En supprimant la proportionnelle dans les régions, qui comptent aujourd’hui 47,7 % de femmes, vous mettez en cause l’obligation de parité inscrite dans la Constitution. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Je ne m’y attarderai pas, ma collègue Josiane Mathon-Poinat en parlera.
Monsieur le secrétaire d’État, vous vous dites ouvert à toute proposition permettant de sécuriser la parité. Mais la seule sécurisation qui vaille – on peut le regretter mais c’est ainsi –, c’est précisément la proportionnelle.
Derrière votre réforme se cache aussi une volonté de refondre notre système électif. Il est manifeste que votre objectif est de réduire les consultations à deux moments : un moment national et un moment local, en plus des élections européennes. C’est ce que confirme M. le rapporteur en évoquant une nécessaire déconnexion entre les enjeux locaux et nationaux.
Vous voulez éviter que les électeurs ne soient tentés d’élire des assemblées à majorités différentes et, à terme, vous entendez conforter votre majorité dans toutes les assemblées.
Votre prochaine étape sera-t-elle le scrutin à un tour pour les élections législatives, voire toutes les élections ? Ce serait un recul historique dans notre pays.
Je le disais, ce projet de loi n’est pas anodin. Il représente un véritable coup de force contre l’institution parlementaire, contre les départements et l’ensemble des collectivités territoriales, et contre nos concitoyens.
Vous escomptez rencontrer la faveur du peuple en mettant au ban les élus, en les accusant de coûter cher et d’être trop nombreux. Que je sache, aujourd'hui, nos concitoyens sont loin d’être convaincus.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet.
M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi d’exprimer quelques mots, au nom du groupe UMP.
Chaque fois que l’on souhaite réformer, moderniser, modifier, en clair avancer, il y a toujours…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Des conservatismes !
M. François-Noël Buffet. … de bonnes raisons de ne pas le faire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Il est vrai que la force des habitudes s’accommode mal de l’ivresse de l’action… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Catherine Troendle. Bravo !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Attention à l’ivresse, c’est dangereux !
M. François-Noël Buffet. … et que les conservatismes se trouvent là où on ne les attend pas. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’ivresse, c’est dangereux !
M. François-Noël Buffet. Mes chers collègues, les propos que vous avez tenus aujourd’hui témoignent d’un grand conservatisme.
En 2008, le Président de la République a souhaité engager le pays dans la réforme des collectivités territoriales. Pour ce faire, plusieurs commissions ont été mises en place.
L’une d’elles, présidée par un ancien Premier ministre, M. Balladur, a compté parmi ses membres un ancien Premier ministre issu de vos rangs, mes chers collègues socialistes.
Une autre, ici-même, au Sénat, la mission Belot,…
M. Yannick Bodin. Qu’en reste-t-il ?
M. François-Noël Buffet. … qui comprenait des représentants de tous les groupes, a travaillé sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales.
Enfin, le groupe UMP a étudié ce sujet avec les députés. Et j’ai entendu prétendre voilà quelques minutes que cette réforme serait faite dans la précipitation.
Que ne dit-on pas lorsque l’on veut s’opposer à tout crin à ce qui est attendu !
Nos concitoyens, quelle que soit leur tendance politique, souhaitent une organisation de notre territoire qui soit plus lisible, plus efficace, empreinte d’une légitimité mieux reconnue.
M. Yannick Bodin. Ce ne sera pas le cas !
M. François-Noël Buffet. Qui peut prétendre que son conseiller régional est parfaitement connu ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Éliane Assassi. Mais si, on les connaît !
M. François-Noël Buffet. Qui peut prétendre que, dans un milieu urbain, dense, le conseiller général est parfaitement connu ? Et pourtant nous savons – les débats l’ont montré – qu’en milieu rural le conseiller général est utile et nécessaire, et que des politiques intéressantes sont menées à l’échelon régional ?
M. le Président de la République a rappelé à ce sujet devant les maires, le 20 novembre dernier,…
M. Yannick Bodin. Devant quelques maires !
M. François-Noël Buffet. … que, au regard du devenir du département et de la région, il serait absurde, voire impossible, de supprimer l’un des niveaux, mais que, au lieu de la concurrence, il devrait y avoir la complémentarité.
C’est de là et des débats qui ont suivi qu’est issue l’idée de créer le conseiller territorial, réunissant tous ces avantages : ancrage sur le terrain, légitimité évidente, lisibilité et responsabilité.
La clarification des compétences est absolument nécessaire, nous le savons tous ici. Les textes seront soumis à notre assemblée au mois de janvier. Dans cette perspective, nous devons aujourd’hui aborder le sujet de la réduction des mandats des futurs conseillers généraux et des futurs conseillers régionaux.
À quoi bon nous cacher derrière notre petit doigt ? (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Nous sommes, mes chers collègues, dans l’acte I de la réforme, et il faut avancer. Or la règle veut que chaque année, en France, nous ayons des élections, ce qui fournit, chaque année, un excellent prétexte pour ne rien faire sur le sujet !
Eh bien, cette fois-ci, nous refusons l’inertie ! Parce que l’année prochaine, nous voterons pour élire les conseillers régionaux, parce que dans deux ans, nous voterons pour élire les conseillers généraux, c’est maintenant qu’il convient de délibérer. Ainsi, les choses seront claires et parfaitement transparentes.
M. Gérard Longuet. Évidemment ! Vous avez raison !
M. François-Noël Buffet. Alors, nous délibérons maintenant. Nous délibérons pour pouvoir mettre en place un dispositif efficace en 2014, dispositif que nos concitoyens attendent.
Cessez cette polémique qui attise la peur des uns et des autres, qui joue sur l’inquiétude des élus locaux ! Ce procédé, que vous avez expérimenté sur la taxe professionnelle, vous voudriez l’utiliser sur les compétences respectives des départements et des régions. Cette méthode est scandaleuse ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. -Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Parce qu’il la dénonce, c’est avec un vif enthousiasme, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, que le groupe UMP votera ce texte ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Mes chers collègues, comme un certain nombre d’entre vous, je pense que la discussion sur la réforme territoriale a commencé non aujourd’hui mais au moment du débat sur la suppression de la taxe professionnelle. Il est bon de le rappeler car, en dépit des améliorations apportées par le Sénat sur le sujet, le problème de l’autonomie fiscale des collectivités territoriales demeure posé.
Certes, le bloc communal s’en sort moins mal, mais les départements et a fortiori les régions perdent – elles totalement – leur autonomie fiscale. C’est un vrai problème qui marque, à mon sens, la première véritable étape de la réforme territoriale.
J’ai écouté attentivement M. le rapporteur : il a pris soin de nous démontrer que nous ne nous engagions que sur la concomitance des élections.
Mais ce qui me gêne, c’est justement la succession des textes : d’abord, cette loi sur la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, puis, la loi portant création du conseiller territorial, suivie de celle qui portera sur le mode d’élection, alors que les découpages des territoires se feront par décret !
La démarche suivie ne nous permet donc pas de maîtriser l’ensemble du problème. Elle me donne l’impression de signer une sorte de chèque en blanc, de mettre le doigt dans l’engrenage sans savoir jusqu’où cela va nous mener.
Je crois donc qu’il eût été préférable, sinon de tout regrouper dans une même loi, du moins de dégager préalablement un accord global sur l’ensemble d’une réforme dont le Président Larcher a dit qu’elle ne pourrait pas se faire contre le Sénat. C’est mon sentiment et je crois que le Gouvernement aurait été bien inspiré de ne déposer ce projet de loi qui, aux termes de la Constitution, doit être soumis en premier lieu au Sénat, qu’une fois actée la globalité des choses. La méthode aurait été à la fois plus subtile et plus sûre pour la réforme des collectivités territoriales.
Sur la création du conseiller territorial, je confirme ce que j’ai dit, ce matin même, devant Michel Mercier et devant le groupe de l’Union centriste : cette innovation me paraît poser un problème sur le plan constitutionnel. En effet, vont subsister deux collectivités territoriales, le département et la région, puisque le Président de la République a bien précisé que le cadre constitutionnel actuel serait maintenu. Pourtant, il n’y aura qu’un seul et même élu pour les deux échelons.
Comment concilier la création du conseiller territorial avec l’interdiction, posée par la Constitution, de la tutelle d’une collectivité sur une autre ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
J’ajoute que le système électoral tel qu’il est annoncé pour le conseiller territorial n’est évidemment pas acceptable. En effet, il est affecté de trois défauts.
D’abord, le mode de scrutin proposé, pratiqué au niveau exclusivement départemental, porte atteinte à l’existence même de la région. J’ai gardé de mes dix années d’exercice d’élue de la région Centre un profond attachement pour cette collectivité territoriale. Or ce mode d’élection ôte à la région, déjà privée d’autonomie fiscale, un système électoral à sa dimension.
Ensuite, ce système, dont on nous vante la mixité au motif qu’il associe le scrutin uninominal à un tour à la proportionnelle, n’est mixte que sur le papier : dans les départements faiblement peuplés, la représentation proportionnelle disparaît au profit du seul scrutin uninominal. Faute de correctif au système, le pluralisme ne pourra pas être respecté.
M. Gérard Longuet. Il existe des solutions simples !
Mme Jacqueline Gourault. Enfin, il sera incontestablement impossible de respecter la parité. Monsieur le ministre, je vous le dis gentiment parce que vous avez toujours été à mon écoute, cessez de faire du scrutin de liste aux élections municipales un label de parité ! Il ne saurait me faire oublier que vous sabrez la parité aux élections régionales ! Vous ne pouvez pas soutenir le contraire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Par ailleurs, je tiens à dire à M. Buffet, qui m’a précédée à la tribune, que la défense de la parité ne me paraît pas relever du conservatisme ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
J’appartiens à une famille politique qui a toujours défendu le scrutin mixte : un scrutin territorial pour représenter les territoires et un scrutin proportionnel pour représenter les différentes sensibilités politiques, y compris minoritaires. Encore faut-il procéder de façon équilibrée. Il ne s’agit pas d’instiller une petite dose de proportionnelle dans l’espoir d’attraper quelques voix !
Je pense, messieurs les ministres, qu’il faut donc que nous discutions longtemps encore, notamment sur le mode de scrutin. Sinon, je vois venir au-devant de vous des difficultés et, cette fois, comme je l’ai entendu dire, « on ne trompera pas mon vote ». (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, ainsi que sur de nombreuses travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger.
M. Yves Krattinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous nous soumettez un projet de loi en deux articles, qui prévoit de raccourcir deux mandats : celui de conseiller général à trois ans et celui de conseiller régional à quatre ans, pour élire tout le monde en 2014.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Jusque-là, je suis d’accord !
M. Yves Krattinger. Je voudrais tout d’abord m’interroger sur la remarquable absence de participation à ce débat de nos collègues de l’UMP. Où êtes-vous passés, messieurs ?
M. Josselin de Rohan. On travaille !
M. Yves Krattinger. Alors que cette discussion concerne l’ensemble des élus locaux, l’ensemble des territoires – les régions, les départements – la participation de l’UMP dans la discussion générale se limite au rapporteur et à un seul orateur inscrit !
Auriez-vous peur de tenir des propos qui contrediraient ceux du Gouvernement ? À moins que vous ne craigniez, en obéissant au Gouvernement, de mécontenter les élus des territoires, les grands électeurs, par exemple ?
Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai entendu appuyer votre argumentation sur quelques motifs. Et j’ai lu attentivement l’exposé des motifs du projet de loi qui nous est soumis.
D’abord, vous évoquez la création d’un ensemble unique d’élus, les conseillers territoriaux. C’est votre premier argument, inscrit au premier paragraphe de votre exposé des motifs.
Cette réforme qui, aujourd'hui, n’est pas votée, ne saurait avoir la moindre existence légale. Le premier motif que vous invoquez est donc dépourvu de fondement juridique, notamment d’un point de vue constitutionnel. C’est imparable ! Vous ne pouvez pas vous adosser à ce motif pour justifier le report ou le décalage des élections.
Le deuxième motif figure dans le deuxième paragraphe : c’est l’entrée en vigueur de cette réforme prévue en mars 2014. Or, comme la création des conseillers territoriaux, elle n’est pas davantage votée ; le motif est juridiquement toujours aussi infondé ! Les deux premiers motifs que vous avez évoqués ne tiennent pas juridiquement.
Ensuite, vous faites référence à la réintroduction de la concomitance de l’élection des conseillers généraux et des conseillers régionaux, prévue par la loi du 11 décembre 1990 – votée, il est vrai, sur proposition d’un gouvernement de gauche, on se le rappelle – qu’un certain nombre d’entre vous ont combattue et que vous avez supprimée par la loi du 18 janvier 1994, sur proposition d’un gouvernement que vous souteniez.
Le texte de 1990 avait pour motif de faire en sorte que les conseillers généraux soient élus en une seule fois tous les six ans. Un souhait que je ne renie pas ! Vous donnez satisfaction à une vieille revendication de notre part qui, depuis, a été reprise à l’unanimité par l’Assemblée des départements de France et qui figure dans la plateforme de cette association depuis plusieurs années.
Ce motif pourrait être fondé – nous aurions quelque peine à le contester ! – mais ce n’est pas celui qui est invoqué dans l’exposé des motifs du projet de loi.
Même si vous vous y êtes raccroché devant nous, lors de l’épreuve orale, les intentions qui vous animent sont tout autres ! Pour les comprendre, il faut lire le premier paragraphe de l’exposé des motifs, celui qui annonce la création des conseillers territoriaux.
Par ailleurs, on ne trouve aucune justification au raccourcissement du mandat des élus régionaux à quatre ans hors une hypothétique plus forte participation des électeurs au scrutin, justification dont le bien-fondé est lui-même bien difficile à démontrer !
Chaque scrutin, en effet, a lieu dans un contexte différent : ou c’est le premier de l’année, et les électeurs se déplacent, ou il y en a déjà eu plusieurs et, petit à petit, l’esprit civique s’effiloche… Bref, en matière de participation aux scrutins, on ne peut strictement rien prévoir, toute démonstration fondée sur une année et un calendrier électoral donnés pouvant être contredite par une démonstration fondée sur une autre année et un autre calendrier électoral.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, cet élément de votre démonstration ne convainc pas, et d’ailleurs l’ensemble des réformes que vous essayez de justifier – réformes qui ne sont pas encore adoptées – fait l’objet d’une très vive contestation dans la sphère des collectivités locales, toutes collectivités confondues, et même, depuis plusieurs mois, dans l’opinion.
Vous évoquez l’organisation simultanée des élections au conseil régional et au conseil général, mais vous savez que votre décision va surcharger électoralement l’année 2014, au cours de laquelle, avec cinq types d’assemblée à renouveler concomitamment et donc cinq élections, on atteindra un record absolu : le calendrier électoral 2014 risque d’être très complexe et, en préparation du débat parlementaire, le Gouvernement aurait donc dû présenter au Parlement une étude d’impact.
Au lieu de cela, vous nous présentez, en même temps que ce projet de loi qui compte six lignes pour deux articles, une longue démonstration complètement hors sujet puisque portant sur l’élection des délégués communautaires, celle des nouveaux conseillers municipaux et celle des conseillers territoriaux – sans d’ailleurs préciser combien ils seront dans chaque département –, ainsi que sur les effets du scrutin à la proportionnelle pour 20 % des sièges, ce qui n’est pas l’objet de ces six lignes pour deux articles que vous mettez en débat.
Alors qu’à ce stade nous ne savons ni si la réforme du conseiller territorial sera votée ni sous quelle forme celui-ci sera élu, il me semble que vous allez trop loin dans vos anticipations.
Je reviens au calendrier électoral pour 2014 auquel, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, il faut tout de même être attentif.
En 2014 en effet, sauf changement que vous n’auriez pas annoncé, nous aurons en France des élections municipales et, traditionnellement, ces élections – auxquelles nos concitoyens, vous le savez, sont très attachés – ont lieu en mars.
Je rappelle cependant qu’elles auront lieu après une réforme du mode de scrutin, sur laquelle, j’en conviens, il y a une certaine forme de consensus...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Yves Krattinger. … puisque les communes de 500 à 3 500 habitants passeraient au scrutin de liste à la proportionnelle à deux tours avec prime majoritaire et que, pour toutes les communes de plus de 500 habitants, serait mis en œuvre le fléchage des délégués communautaires.
Nous assisterons donc en 2014 à la mise en place des nouveaux exécutifs communautaires et, si l’on s’en tient au texte que vous mettez aujourd'hui en débat, à un chamboulement de la représentation communale qui soulèvera tout de même un certain nombre de questions !
Peut-être ces exécutifs communautaires auront-ils de nouvelles compétences et il serait bon que l’on nous présente avant 2014 un texte à ce propos, texte par lequel on aurait dû commencer ! On nous dit maintenant que l’on finira par là, au point que l’on en vient à se demander s’il ne s’agit pas de l’Arlésienne et si ce texte nous sera bien présenté un jour…
Ces changements ne seront pas anodins et, comme toujours quand il s’agit des élections municipales, ils intéresseront beaucoup nos concitoyens, qui sont très attachés à ce qui passe dans leur commune et, de plus de plus, dans l’intercommunalité, notamment parce que les services publics de proximité sont en jeu.
En 2014, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, nous aurons aussi des élections au Parlement européen.
D’habitude, ces élections ont lieu en juin : comme elles ont lieu en même temps partout en Europe, il faut bien fixer une date… En outre, elles sont généralement précédées d’une campagne nationale spécifique, qui devra bien trouver sa place dans le calendrier électoral assez chargé en 2014…
Puis, toujours en 2014, nous aurons des élections sénatoriales, fin septembre ou début octobre, avant la session budgétaire…
M. Yves Krattinger. Elles concerneront la moitié des sièges au Sénat et pourraient avoir un effet déterminant sur la nature de la majorité de notre assemblée.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Mais non !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il y aura les élections municipales entre-temps !
M. Yves Krattinger. On peut penser que ces élections seront serrées…
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. On va les gagner !
M. Yves Krattinger. Les sénateurs, comme d’habitude, seront élus par les délégués des conseils municipaux, les conseillers régionaux et les conseillers généraux.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout récemment élus, ils auront une légitimité toute fraîche !
M. Yves Krattinger. Des questions, à ce sujet aussi, restent en suspens – un mandat, deux mandats, deux fonctions, cumul ou non en termes de voix... –, mais, ce qui est certain, c’est que tous les étages des institutions locales seront bouleversés, ceux des conseils régionaux et des conseils généraux en particulier,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mon cher collègue, vous avez dépassé votre temps de parole !
M. Yves Krattinger. … car nous aurons cet élu nouveau, le conseiller territorial, dans le cadre de grands cantons redécoupés avec votre adresse magique, monsieur le secrétaire d'État,…
M. Claude Bérit-Débat. Aux ciseaux !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il faut conclure !
M. Yves Krattinger. … redécoupages que nos concitoyens découvriront d’ailleurs peut-être avec surprise : ces nouveaux cantons risquent de leur apparaître comme des « objets » électoraux particuliers, d’autant que s’y appliquera une règle électorale, nouvelle elle aussi, qui va certainement les éblouir si c’est celle que vous proposez qui est retenue, quoique j’aie cru comprendre qu’elle n’« emballait » pas tout le monde,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous avez déjà dépassé votre temps de parole de deux minutes !
M. Yves Krattinger. … cette règle voulant que la ou le candidat arrivé en tête au premier tour soit élu quoi qu’il arrive, quel que soit le pourcentage de voix obtenu, ce qui me semble quelque peu en contradiction avec les principes fondamentaux qui sont les nôtres en matière électorale.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Krattinger !
M. Yves Krattinger. Je suis presqu’au bout de mon propos ; permettez-moi de le terminer !
Cette nouvelle règle électorale entraîne, je le dis, un recul choquant de la parité, dans les conseils régionaux en particulier,…
Mme Maryvonne Blondin. Absolument !
M. Yves Krattinger. … en contradiction avec la Constitution. La parité sera laminée, vous le savez et vous ne parviendrez pas à prouver le contraire ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Cette règle électorale va avoir pour effet d’introduire une nouvelle catégorie d’élus, ceux qui figurent sur des listes ayant recueilli zéro voix mais qui pourtant comptent des élus, ce qui est franchement original – et assez difficilement explicable à nos concitoyens –,…
M. Yves Krattinger. … rien n’interdisant accessoirement à ces élus à zéro voix de devenir président de conseil régional ou général puisque, une fois élus, ils peuvent postuler !
M. Yves Krattinger. L’année 2014 verrait se mettre en place des assemblées où le cumul serait la règle imposée.
Je veux tout de même aborder un point supplémentaire.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Vous avez épuisé votre temps de parole !
M. le président. Il faut conclure, monsieur Krattinger !
M. Yves Krattinger. Les assemblées régionales seront sous la tutelle des assemblées départementales ou l’inverse, ne serait-ce, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, que pour des raisons de calendrier, par exemple de dates de réunions ou de composition des exécutifs,…
M. Yves Krattinger. … ce qui sera une innovation constitutionnelle également originale.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Presque quatre minutes de dépassement !
M. Yves Krattinger. Vous êtes aujourd'hui pressés par le temps et condamnés, encore une fois, à mettre la charrue avant les bœufs, les élections régionales étant si proches…Vous prenez le risque de mettre en panne en 2014, pendant un an, l’ensemble des collectivités territoriales de notre pays.
Notre pays ne mérite pas cela ! Vous vous comportez, comme vous en avez d’ailleurs pris l’habitude, comme des apprentis sorciers et, bien sûr, nous ne vous suivrons pas : nous voterons contre le projet de loi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le respect d’une assemblée commence par le respect de son temps de parole !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la fin précède le commencement…
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il faut bien commencer par un bout !
M. Jacques Mézard. Le Sénat pourra-t-il faire en sorte que cela soit le commencement de la fin d’une réforme imposée à marche forcée en vertu du principe selon lequel qui veut la fin veut les moyens ?
Nombreux dans le groupe du RDSE, et même très nombreux, sont ceux qui souhaitent une évolution de l’administration territoriale, de l’organisation de nos collectivités autour d’une clarification et d’une simplification des compétences, cœur du débat au niveau tant financier qu’administratif, et il y a dans le discours présidentiel certains éléments qui pouvaient convenir à des sensibilités diverses.
Mais quel gouffre entre les discours et les actes ! Quelle déception sur la méthode utilisée et les objectifs réels des projets de loi qui nous sont soumis ! Et, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, si vous raccourcissez les mandats, je ne suis pas sûr que vous ayez élargi le débat…
Si j’ai bien entendu, le présent texte n’aurait pas tellement de liens avec la réforme relative aux conseillers territoriaux. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.) Je vous demande cependant de relire la troisième ligne de l’exposé des motifs, où il est clairement, et loyalement, indiqué qu’il s’agit de mettre en place lesdits conseillers territoriaux.
M. Yves Krattinger. Eh oui !
M. Jacques Mézard. Nous n’avons pas dû lire le Discours de la méthode de la même manière. Entre stratégie politique et loi fondatrice, il existe un immense fossé, incompatible avec la large adhésion que requiert une telle réforme.
Nous considérons, nous, que la logique eût été, d’abord, de clarifier et de simplifier les compétences, ensuite, de rationaliser l’organisation territoriale, puis, d’adapter la fiscalité locale et, enfin, le cas échéant, d’ajuster le calendrier électoral, le tout pouvant être appréhendé de manière globale.
Vous avez décidé d’opérer à l’inverse pour des raisons non de logique d’aménagement du territoire mais de stratégie autour de deux axes.
En premier lieu, il vous fallait supprimer la taxe professionnelle en priorité, dans des conditions sur lesquelles nous nous sommes déjà exprimés, et, en second lieu, créer le conseiller territorial avec un scrutin uninominal à tour unique, pour nous inique.
Par ces méthodes, vous désespérez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, ceux qui ne sont pas de votre sensibilité mais ne redoutent pourtant pas de voter des textes leur paraissant conformes à l’intérêt général et au respect de leur sensibilité.
La lecture de l’étude d’impact jointe au texte du projet de loi est révélatrice ; il s’agit en fait d’appliquer selon vous les conclusions du rapport du comité pour la réforme des collectivités locales, dit « comité Balladur », intitulé Il est temps de décider, rapport qui, je vous cite, « a conclu à la nécessité de renforcer le rôle des régions et des départements, d’une part, en rapprochant ces deux collectivités et, d’autre part, en modernisant le mode d’élection ».
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est ce que nous faisons !
M. Jacques Mézard. Pourtant, je note que les préconisations du comité Balladur sur le système électoral n’ont pas été suivies par vous, car vous reprochez à ce système quatre inconvénients dont le premier serait que l’identité souhaitée entre les deux catégories d’élus ne pourrait être satisfaite.
L’étude d’impact – au demeurant intéressante mais qui n’a pas forcément un lien direct avec le projet de loi sur la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, puisqu’il y est essentiellement question du projet de réforme des collectivités territoriales – repose principalement sur le rapport Balladur ; vous rappelez ensuite que « la préparation à cette réforme a fait l’objet d’échanges nombreux avec les associations d’élus locaux, les partis politiques et les parlementaires », mais il n’y a pas une ligne sur le contenu des déclarations desdits partis, des associations d’élus et des parlementaires.
Bien mieux, sauf erreur de ma part, ni dans l’exposé de motifs, ni dans l’étude d’impact, il n’y a point trace du rapport de la mission temporaire du Sénat sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, dite « mission Belot », rapport intitulé Faire confiance à l’intelligence territoriale. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est passé à la trappe !
M. Jacques Mézard. Qu’avez-vous fait de cette confiance ?
Certes, tout à l’heure, avec beaucoup de diplomatie, vous avez rappelé le travail de cette mission.
Comme d’autres nouveaux parlementaires, j’ai participé avec confiance à cette mission, où la liberté d’expression, les auditions, la volonté d’écouter l’autre et de rechercher un consensus – dans le bon sens du terme – furent exemplaires.
Plusieurs mois de réunions hebdomadaires, une volonté d’aboutir à des propositions concrètes, dynamiques : tout ce travail a été en grande partie balayé par l’arrivée impromptue et tardive du non-invité de la dernière heure, le conseiller territorial, et davantage encore par celle du scrutin relatif à son élection. Donc, feue la mission Belot, feu le conseil régional des exécutifs et, surtout, le sentiment que beaucoup d’énergie et de bonne volonté ont été piétinées...
Vous nous demandez aujourd’hui de raccourcir les mandats des conseillers régionaux à élire en 2010, pour une durée de quatre ans, et ceux des conseillers généraux à élire en 2011, pour une durée de trois ans. Reconnaissez que c’est tenter de faire avaler le plat de résistance avant l’entrée, ce qui, en tout état de cause, laissera un goût amer.
Au-delà de la forme, au travers de ce projet de loi, et concomitamment à la suppression de la taxe professionnelle, vous allez vraisemblablement figer l’action politique des départements et des régions pour les quatre ans qui viennent : celle des élus pour quatre ans au conseil régional et de la moitié des élus pour trois ans au conseil général avec, pour horizon, l’élimination mathématique de la moitié d’entre eux, avant l’élimination d’une bonne moitié de la moitié restante par les mécanismes habituels. Est-ce le moyen de mener une politique progressiste, dynamique, au moment où la France en a tant besoin ?
Il ne s’agit plus des constituants s’interdisant l’accès à l’Assemblée législative une fois leur mission accomplie, selon le vœu de Robespierre, qui déclarait : « Une loi prohibitive de réélection est le plus sûr moyen de conserver la liberté. » Il s’agit d’élus qui risquent d’expédier les affaires courantes. Ce sont quatre ans de stagnation qui peuvent se profiler pour la période 2010-2014.
Mme Maryvonne Blondin. Bien sûr !
M. Jacques Mézard. À ce stade, monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous adresser un message personnel. Vous vous définissez comme un adepte de la concomitance des élections au conseil régional et au conseil général. Il est dommage que vous ne pratiquiez pas cette concomitance lors des élections cantonales partielles que vous faites accélérer dans votre département. Vérité à Paris n’est point forcément bonne en province ! (Applaudissements et exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Est-ce au nom de la logique et de la simplification ?
Le rapporteur a déclaré que ce texte sur la concomitance était sans influence sur les textes suivants.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Tout à fait !
M. Guy Fischer. C’est faux !
M. Jacques Mézard. C’est vrai en la forme, mais le Parlement a toujours autorité pour défaire ce qu’il a fait...
Ne nous leurrez pas en soutenant que ce projet de loi sur la concomitance se suffit en lui-même : c’est là une argumentation spécieuse, alors que tout le rapport et l’étude d’impact portent sur le conseiller territorial et le texte à venir.
Nous ne pouvons, par conséquent, approuver ce projet de loi, dont nous contestons avec force les modalités inacceptables de discussion. La grande majorité du groupe du RDSE s’y opposera et défendra deux amendements de suppression pour chacun des deux articles. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’a dit justement ma collègue Nicole Borvo-Cohen Seat, votre réforme représente un véritable coup de force contre l’institution parlementaire, contre les départements et les régions, et contre les citoyens.
Vous avez décidé d’en finir avec ce particularisme français qu’est la proximité de centaines de milliers d’élus au service et au contact des citoyens.
Le texte qui nous est soumis, intitulé – pour ne pas froisser ! – « Projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux » vise à réduire les mandats des conseillers régionaux, qui seront élus en mars prochain, et des conseillers généraux, qui seront élus en mars 2011.
Mais personne n’est dupe : ce texte anticipe, au mépris du Parlement, la réforme des collectivités territoriales, qui prévoit, entre autres, la création de conseillers territoriaux. J’invite donc celles et ceux qui, sans état d’âme, osent encore nous dire qu’il n’y a là aucun lien, à faire preuve d’un peu plus d’honnêteté. Bien évidemment, ce lien existe ! Sinon, pourquoi proposer cette procédure accélérée, sauf à entériner par avance la création des conseillers territoriaux ?
Pour imposer votre projet de loi, vous usez aussi d’un certain nombre d’arguments, que je veux ici faire tomber.
Tout d’abord, les élus coûteraient trop cher, et il faudrait donc en réduire le nombre. Je ne reviendrai pas ici, à titre de comparaison, sur les cadeaux fiscaux offerts par votre majorité à ceux qui détiennent déjà beaucoup trop de richesses. De toute évidence, là encore, vous n’avez pas beaucoup d’états d’âme.
Soyons un peu sérieux ! L’énorme majorité des 500 000 élus sont des bénévoles, et il faut rendre hommage à la fois à leur dévouement et au rôle fondamental qu’ils jouent dans l’exercice de la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Même le président Larcher ne partage pas votre point de vue. Selon lui, les indemnités des élus ne représentent que 28 millions d’euros chaque année, alors que la dépense publique locale s’élève à 220 milliards d’euros. Ces indemnités ne représentent ainsi que 0,04 % du budget des collectivités territoriales. C’est donc un argument qui tombe.
Vous affirmez, ensuite, que le regroupement des élections cantonales et régionales va permettre une plus forte participation des citoyens aux élections.
Ainsi donc, nous apprenons que l’abstention serait simplement due à un mécontentement portant sur l’empilement des structures institutionnelles. J’avoue que je n’avais pas donné ce sens à l’abstention ! Comme beaucoup, je croyais que cet acte était plutôt l’expression d’une colère, fondée le plus souvent sur le non-respect de promesses électorales, ou encore sur une défiance vis-à-vis de ceux qui méprisent les résultats sortis des urnes, à l’instar du sort réservé à la victoire du « non » au traité constitutionnel européen, ou encore que cette abstention était une façon de dire que les politiques mises en œuvre ne répondaient pas aux attentes, aux besoins, voire aux espoirs populaires.
Enfin, selon vous, cette concomitance rapprocherait les élus des citoyens.
Sincèrement, j’avoue ne pas comprendre cet argument. Je l’ai dit, Nicolas Sarkozy veut en finir avec ce particularisme français qu’est la proximité entre élus et citoyens. Il vous faut donc distendre ces liens. La proximité vous est insupportable, car elle représente aussi la possibilité de construire des poches de résistance, des poches de propositions alternatives aux choix politiques qui sont les vôtres et qui sont contraires à l’intérêt des gens, à l’intérêt des territoires, au développement et à la modernisation des services publics. Vous profitez également, pour mener à bien ce projet, d’une période particulière, durant laquelle nos concitoyens sont préoccupés davantage par la crise, qui les frappe de plein fouet, que par une réforme que vous ne vous efforcez pas vraiment, par ailleurs, de rendre visible et lisible.
De plus, sans doute par peur, vous usez d’arguments populistes et manipulez l’opinion publique, en renvoyant aux seuls élus la responsabilité de la situation catastrophique dans laquelle vous avez plongé notre pays.
La réduction des mandats des conseillers généraux et régionaux que vous nous demandez de voter va paralyser les collectivités territoriales jusqu’à leur probable disparition, annoncée par la réforme des collectivités territoriales, avec des spécificités concernant celles de la région parisienne.
En effet, ces élus ne prendront pas le risque de se lancer dans de grands projets, puisqu’ils n’ont aucune certitude concernant leur avenir. Avec cette réduction de mandat et les incertitudes qui pèsent sur les finances et les compétences, nous allons ouvrir une période d’immobilisme. Les élus vont se contenter de gérer les affaires courantes, alors même que nous avons besoin, plus que jamais, de collectivités locales réactives pour répondre aux attentes de nos concitoyens.
Votre projet, qui laisse d’ailleurs planer le doute sur les compétences des collectivités territoriales, complique encore plus leur travail. C’est là que réside le risque de voir s’éloigner les citoyens des urnes. En effet, quelle crédibilité auront ces élus lorsque les citoyens prendront conscience qu’ils ne seront sûrement pas en mesure de faire ce qu’ils disent ou ce qu’ils promettent ?
Si ce projet de loi est adopté, les conseillers territoriaux cumuleront donc, en 2014, les fonctions de conseillers généraux et régionaux. Êtes-vous conscients de la charge de travail que représentent ces fonctions ? Il semble ainsi peu crédible de confier à une seule et même personne le soin d’exercer deux fonctions aussi prenantes, sauf à vouloir, comme je l’ai déjà dit, les éloigner des citoyens.
Par ailleurs, comme vous êtes friands de révision générale des politiques publiques, la fameuse RGPP, je signale que la construction ou la reconstruction de bâtiments destinés à accueillir les nouvelles assemblées entraîneront des dépenses qui, bien sûr, ne sont pas contenues dans l’étude d’impact.
Ainsi, tout ce dispositif ne tendra pas à réaliser des économies, mais augmentera considérablement les coûts. Comprenne qui pourra !
On peut signaler, en outre, que nous ne sommes toujours pas informés du nombre de conseillers territoriaux attribués à chaque département. Cela me semble renforcer le peu de visibilité que nous avons de cette réforme.
Tout démontre, en fait, que nous nous engageons vers une professionnalisation de l’activité des élus qui, pour exercer correctement leur mandat, devront y consacrer un temps plein. Ce mandat leur laissera peu de temps pour être proches de la vie quotidienne des citoyens, ce qui portera, là encore, un coup fatal à la démocratie représentative. Ce recul est proprement sidérant !
Votre projet de loi est en parfaite contradiction avec l’idée que nous nous faisons de la démocratie et qui, au contraire de la vôtre, est basée sur une plus grande participation des citoyens à la vie politique, voire sur un partage du pouvoir.
Il faut conserver les conseillers généraux et les conseillers régionaux, tout en leur permettant de travailler en plus étroite collaboration. Cela participera inévitablement à l’amélioration de l’exercice de leurs compétences, sans parler des substantielles économies qu’il sera possible de réaliser.
Quant au mode de scrutin que vous avez imaginé pour l’élection des conseillers territoriaux, il démontre, si c’était encore nécessaire, votre peu d’attachement à la diversité, à la place et au rôle des minorités.
En effet, le mode de scrutin uninominal à un tour, à l’instar de ce qui se passe chez nos voisins anglais, va réduire au silence les petites formations politiques, la « dosette » de proportionnelle que vous injectez – et que, bien sûr, vous mettez en avant ! – ne servant qu’à cautionner votre système. Ainsi, des candidats pourront être élus sans jamais avoir été majoritaires. Nous n’avons décidément pas la même définition du mot démocratie !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est ça, la proportionnelle !
Mme Éliane Assassi. Votre système conduit inévitablement à la disparition de la diversité culturelle et sociale, et met en place une vie politique bipartisane. Il remet également en cause le principe, pourtant constitutionnellement garanti, de l’égal accès des hommes et des femmes aux fonctions politiques. Nous savons pertinemment, en effet, que les premières victimes de ce mode d’élection sont et seront les femmes. (Mme Gisèle Printz applaudit.)
Le projet porté par le Président de la République ne vise nullement à « renforcer la démocratie locale ». Nous y sommes donc fortement opposés car, sur le fond, il s’attaque aux valeurs de notre République.
Par conséquent, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mes collègues de l’Union centriste ont exprimé la position de notre groupe sur ce texte. Aussi vais-je directement évoquer ce qui m’indigne, même si ce n’est pas encore à l’ordre du jour : je veux parler du mode de scrutin de ces élections territoriales, qui a été conçu au mépris du respect de la parité. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Vous ne pourrez pas dire, messieurs les ministres, quand le sujet viendra en débat, que vous n’avez pas été informés de la révolte des femmes élues et aussi, sans doute, des autres. Je me permets de vous rappeler que l’article 1er de la Constitution dispose : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives [...] ».
Je dois vous féliciter pour toutes les dispositions qui concernent les élections municipales : enfin, dans les conseils municipaux et les exécutifs locaux, les femmes auront suffisamment de poids pour faire valoir et mettre en œuvre leurs compétences, différentes et complémentaires, dans la gestion de nos communes et de nos villes.
Il en va tout autrement des conseillers territoriaux qui vont gérer les départements et les régions. Je vous le dis tout net : les dispositions que vous envisagez sont scandaleuses. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Je rappelle quelques chiffres : on compte 986 femmes sur 1 880 conseillers régionaux et 571 femmes sur 4 152 conseillers généraux. Vous allez réduire le nombre des élus territoriaux, dont l’effectif est de 6 032, pour arriver à quelque 3 000 conseillers territoriaux. On peut imaginer la bagarre qui va s’ensuivre... On peut imaginer aussi que de nombreux conseillers généraux sortants, connus dans leur canton, voudront garder la main ; or ce sont des hommes à 87 %.
Restent 20 % des candidats élus à la proportionnelle : devinez qui sera tête de liste ? Des hommes, bien sûr ! (Murmures d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
La projection optimiste pour 2014, qui donne 81 % d’hommes et 19 % de femmes élus, est donc totalement surréaliste.
Je fais le pari que, dans ces conditions, c’est 12 % à 15 % de femmes qui seront élues. Vous avez déclaré, monsieur le secrétaire d’État : « Personne n’est propriétaire de ses électeurs et il appartient aux partis de choisir des femmes ». Comment accepter une telle affirmation alors que l’UMP, votre parti, a présenté aux législatives de 2007, dans le Rhône, un homme dans chacune des 14 circonscriptions que compte ce département ? (Huées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
On évoque aussi des sanctions financières accrues pour les partis qui ne présenteraient pas assez de femmes. Mais qu’est-ce que cela signifie « assez » ? Arrêtez, une bonne fois pour toutes, de nous prendre pour de la marchandise ! (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
La vérité, monsieur le secrétaire d’État, est que vous ne vous êtes pas donné les moyens de respecter la Constitution.
Ou bien, au moment de la rédaction de ce projet de loi, vous n’avez pas pensé que c’était un problème. Ou bien, vous vous êtes dit que cela n’avait pas d’importance, et je ne sais pas laquelle des deux positions est la plus grave.
Et pourtant, il y a certainement des solutions.
J’en avais suggéré une avec la mise en place du bulletin paritaire, dans une proposition de loi que j’avais déposée le 6 janvier 2006 sur la parité. Je proposais que soient présentés sur le même bulletin non pas un titulaire et un suppléant, mais un homme et une femme, les électeurs choisissant le titulaire et le suppléant en rayant le second.
Bien sûr, la parité ne serait peut-être pas assurée, mais au moins les électeurs auraient le choix et on verrait si nos concitoyens sont aussi misogynes que les partis politiques. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Cette solution, parfaitement réalisable d’un point de vue technique, semble poser problème aux partis politiques et aux candidats : nombre d’entre eux ont sûrement peur de se voir préférer la femme qui sera sur leur bulletin et ne sont pas d’accord pour prendre ce risque.
Peut-être cette solution est-elle anticonstitutionnelle,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il y a un petit risque !
Mme Muguette Dini. … mais on peut modifier la Constitution, on le fait chaque année… Dans tous les cas, si ma solution du bulletin paritaire n’est pas la bonne, il y en a sûrement une autre que vous devrez trouver pour mettre fin à ce scandale. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous l’avez constaté, le vote conforme, autrement dit le refus d’exercer son pouvoir d’amendement est désormais la routine de notre assemblée, au point, comme on l’a vu hier, que même le destin ne saurait y faire obstacle sans scandale.
Aujourd’hui, le Sénat est prié non seulement de persévérer dans son conformisme, mais d’aller encore un peu plus loin dans la servitude volontaire en approuvant par le vote un projet qu’il ne connaît pas. Plus exactement, il s’agit du vote d’un texte créant les conditions d’application d’une réforme qui n’est pas votée, dont on ignore des pans essentiels et, pour ce que l’on en connaît, soulève des doutes quant à sa constitutionnalité.
Le Sénat s’est tellement modernisé ces derniers temps que le voici devenu une chambre virtuelle : pouvoir virtuel d’amender des textes réels, pouvoir réel de voter des textes virtuels ! Demain, il ne sera même plus nécessaire de voter, il suffira de constater en début de cession qu’existe une majorité soutenant le Gouvernement.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce ne serait pas mal !
M. Pierre-Yves Collombat. Nous sommes déjà engagés dans cette voie.
Je passe sur les problèmes de constitutionnalité, déjà abordés par de nombreux orateurs, et qui seront développés lors de l’examen de l’exception d’irrecevabilité, pour m’arrêter un instant sur l’un des vices, à mon sens rédhibitoires, de ce projet de loi : l’absence d’indication quant au nombre de conseillers territoriaux et de « nouveaux cantons » par département.
Que l’on ne vienne pas me dire qu’il s’agit d’un problème mineur, réglé traditionnellement par voie d’ordonnance ou de règlement. Il s’agit d’une question majeure.
Pour un département de 150 000 habitants, conserver ses 30 conseillers généraux et ses 30 cantons actuels, les voir réduits à 20 et à 16 cantons, à 15 et 12 cantons, à 8 et 6 cantons, suivant le mode de calcul choisi, n’est pas un détail. En tous cas, cela devrait peser lourd dans le vote de ses représentants au Sénat.
En l’espèce, nous ignorons même les règles de calcul. Pour l’heure, on doit se contenter de bonnes paroles et du rappel de principes, incompatibles pour un certain nombre de régions : représentativité « essentiellement » démographique, prise en compte des territoires, réduction de moitié du nombre d’élus actuels, gouvernabilité des assemblées régionales.
Je vous fais la démonstration quand vous voulez que, dans les régions composées de départements démographiquement très hétérogènes, soit les conseils généraux des départements les moins peuplés seront squelettiques, soit les conseils régionaux et les conseils généraux des départements les plus peuplés seront pléthoriques.
En fait, avec ce texte s’ouvre et s’achève la discussion du projet de réforme des collectivités locales.
Les péripéties intermédiaires, qui débuteront en janvier et s’étaleront sur plusieurs mois, se dérouleront selon la dramaturgie désormais bien réglée, dont on a pu apprécier l’efficacité lors de l’examen du projet de loi de finances.
Acte I : le Sénat accepte l’essentiel. Hier, c’était la réduction du montant de l’impôt économique et l’idée que c’est sur la taxe professionnelle, plutôt que sur tout autre impôt - l’impôt sur les sociétés par exemple - qu’il faut faire porter cet effort. Aujourd’hui, c’est la consécration du principe de l’administration de la région et des départements par les mêmes élus. Voilà ce qui est en question aujourd’hui.
Actes II, III, IV… autant qu’il en faudra : on discute, on chipote les détails ; certains sont de taille, comme le mode de scrutin, mais beaucoup sont petits. Autant d’occasions de psychodrames politico-médiatiques où chaque composante de la majorité montre alternativement sa combativité ou sa bonne volonté. Je vous renvoie à ce qui vient de se passer avec la taxe professionnelle.
Pas besoin d’être devin pour imaginer les débats futurs sur la place laissée aux communes et à leur pouvoir de décision dans les intercommunalités, sur le mode de désignation des conseillers territoriaux, sur la taille et les compétences des métropoles, etc.
L’essentiel étant acquis aujourd’hui, si nous votons ce texte, le Gouvernement pourra se montrer compréhensif sur tout ce qui ne compromettra pas le bénéfice attendu de la réforme : la reconquête des départements et des régions.
Dernier acte : vote solennel du dernier projet gouvernemental. Le président du Sénat se félicite de la qualité d’un débat qui a pris tout le temps nécessaire, et de la place essentielle qu’y a tenue la Haute Assemblée, dont l’importance est ainsi soulignée. La majorité et le Gouvernement se félicitent mutuellement de leur bonne volonté, pour le plus grand bien de nos collectivités et la modernisation du pays. Les dissidents temporaires rentrent dans le rang.
Peu importe que le résultat soit cohérent ou qu’il ne le soit pas, qu’il soit un gage de dynamisme ou de paralysie pour nos collectivités, il est là : le projet de réforme est voté.
Voter ce projet de loi dit de « concordance », c’est accepter le cœur de la réforme. C’est donc réduire ce qui devrait être la substance du travail parlementaire à un spectacle dont on connaît déjà la fin, à quelques détails près. Ce travail a été fait, mes chers collègues, avec votre aide à tous, avec la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, présidée par M. Belot et dont Mme Gourault et M. Krattinger étaient les rapporteurs.
Ce qui en a été retenu dans ce projet, ce n’est pas l’esprit, ce sont simplement les quelques détails qui étaient « balladuro-compatibles », si vous me permettez l’expression.
Dans ces conditions, monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous comprendrez que nous ne puissions nous associer à cette mystification. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je vais m’exprimer au nom des régions, qui sont les premières victimes des lois que nous venons de voter sur la réforme de la taxe professionnelle et sur leurs financements.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est la France qui en est la première victime !
M. François Patriat. Ces régions seront également les premières victimes des lois futures pour lesquelles on nous demande de satisfaire une réforme autour de textes qui n’ont pas encore été débattus, comme beaucoup d’entre vous viennent de le souligner.
Le Président de la République affiche un volontarisme dont il voudrait nous faire croire qu’il remplace l’action. Quelques orateurs viennent de se réapproprier certaines figures historiques. Je citerai, pour ma part, les mots de Jean Jaurès : « Qu’est-ce que l’action sans la pensée ? C’est la brutalité de l’inertie. »
Après le grand mouvement historique de décentralisation, auquel beaucoup d’entre vous ont participé, c’est bien l’inertie de la France que tend à instaurer cette réforme en cinq actes, qui s’articule autour de la suppression de l’autonomie fiscale des collectivités et de quatre projets de loi dont nous allons discuter dans une logique inversée.
Cette inertie, c’est la France des préfets contre la France des libertés, celle qui est représentée par les élus locaux, dont vous faites aujourd’hui les boucs émissaires des difficultés financières du Gouvernement.
Il y a deux cents ans, Napoléon déclarait : « Je veux que les Français datent leur bonheur de l’installation des préfets ». Pour des raisons idéologiques, il ne croyait pas à la République décentralisée, ni même à la République tout court. On se souvient d’ailleurs des critiques qui s’étaient élevées, dans les années 1981-1982 à l’Assemblée nationale, où je siégeais alors ainsi que M. Mermaz, à l’occasion de la discussion des lois de décentralisation, contre l’amoindrissement du rôle des préfets. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.), notamment ce qui concerne leurs fonctions économiques et sociales.
L’acte II de la décentralisation, conduit par Jean-Pierre Raffarin, qui est resté au milieu du gué en privilégiant la déconcentration à la décentralisation, avait justement déjà permis aux préfets de région de reprendre le pouvoir, comme le titrait le Figaro en 2004. Cela avait été fait sans que le principe de subsidiarité soit respecté, sans que les départements, les communes et les régions aient véritablement plus de pouvoir.
Voilà bien l’essence même d’une manœuvre que je qualifierai de politicienne. L’objectif est d’éradiquer les contre-pouvoirs, notamment ceux de la gauche qui s’est beaucoup investie dans les territoires. En fin de compte, le principal reproche qui est fait à la gauche est d’avoir gagné trop de régions en 2004, et on punit ces dernières par avance en anticipant, comme si la gauche devait renouveler ses succès l’année prochaine.
De ce point de vue, votre calendrier apparaît moins absurde, messieurs les ministres. Il ne s’agit pas pour vous de débattre sur le fond de ce que pourraient être les conseillers territoriaux, mais de faire adopter en accéléré une concomitance des renouvellements des conseillers généraux et régionaux afin de créer le cadre vous permettant d’imposer ces nouveaux élus hybrides, deux fois moins nombreux mais dotés de deux fois plus de fonctions obligatoires.
En retirant l’autonomie fiscale des collectivités, vous avez entamé le socle même de la démocratie locale, puisqu’elle permet aux élus locaux de voter le taux de l’impôt. Je ne reviens pas sur cette question. Ce droit de vote est pourtant le symbole de la responsabilité de l’élu local face à ses administrés.
En créant le conseiller territorial, vous déconsidérez l’ancrage de proximité, l’expérience et le travail, ainsi que la nature même de l’indépendance de l’élu, condition de sa responsabilité, liée à son élection.
En effet, 20 % des conseillers territoriaux seront finalement « désignés » parmi les membres des listes départementales en fonction du nombre de suffrages obtenus par les candidats élus. Ce mode de scrutin, j’en suis convaincu, n’ira pas très loin.
De surcroît, vous jetez l’opprobre sur les élus locaux. Leur rôle est pourtant essentiel au quotidien. J’évoquais hier, monsieur le rapporteur, devant l’assemblée régionale de Bourgogne dont vous faites partie, le coût d’un élu régional : il s’élève à seulement 1,22 euro par an et par habitant. Quant au coût d’un conseiller économique et social, il s’élève à 0,68 euro par an et par habitant. Imaginez les économies que vous allez faire !
Vraiment, quelle économie extraordinaire ! Il faudrait la comparer au coût des avions présidentiels, des voyages en hélicoptère… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. François Patriat. Par là même, vous portez un coup fatal à l’échelon régional, l’échelon de la jeune France politique et administrative, qui a pourtant fait ses preuves, en l’espace d’une demi-génération.
Comme je l’avais dit il y a un an à Mme Alliot-Marie, nous allons revenir à l’établissement public régional, à un syndicat de cantons, sans vision stratégique, avec une finalité politique très ambiguë.
Après avoir fait les poches des régions, après les avoir asséchées financièrement, vous les clouez maintenant au pilori. C’est bien l’acte I de la recentralisation dont il s’agit, justifié pour l’essentiel par des motifs démagogiques, voire vulgaires, parfois même faux. Et, alors que nous avons fait en France un véritable effort pour instaurer la parité dans les communes, parité sur laquelle Mme Michèle André reviendra tout à l’heure, vous portez un mauvais coup contre un progrès démocratique devenu un acquis de notre République.
J’ai été, messieurs les ministres, le premier à créer une communauté de communes en France, le 12 juillet 1992, à Pouilly-en-Auxois. Notre collègue Jean-Pierre Sueur était venu l’inaugurer.
M. Jean-Pierre Sueur. Je m’en souviens !
M. François Patriat. J’ai été aussi parmi les premiers à demander qu’une réforme soit menée pour plus de clarification et plus de simplification. Or la réforme des collectivités territoriales qui débute avec ce texte n’introduit ni clarification, ni simplification.
La recentralisation, messieurs les ministres, est une erreur historique. Je ne suis pas là pour défendre la région, je suis là pour défendre les habitants de la région où j’habite, ainsi que ses acteurs économiques, au vu des relations efficaces que nous avons instaurées, dans une réelle proximité ; je pense au haut débit et à la santé.
Ces actions ont, certes, été menées sur la base de compétences optionnelles, mais celles-ci sont devenues obligatoires du fait de l’abandon total des actions en question par l’État. C’est ainsi que nous installons aujourd'hui, en collaboration avec les départements, des mammographes dans des zones reculées où le taux de cancers du sein est deux fois plus élevé qu’ailleurs, faute, jusqu’à présent, de dépistage de proximité. Voilà bien un cas où les régions et les départements suppléent la carence de l’État !
Le véritable enjeu de cette réforme aurait dû être : comment rendre nos collectivités encore plus efficaces pour nos administrés ? Au lieu d’une décentralisation accrue – l’histoire a montré que l’action de proximité était toujours plus préférable –, le Gouvernement a décidé une recentralisation punitive.
Cette réforme liée à la suppression de la taxe professionnelle, dont les ménages paieront, à terme, la lourde addition, relève de l’improvisation, de la précipitation et de la démolition. Avec des collectivités sans ressources propres aux budgets affectés, nous allons assister à un terrible retour en arrière : les responsables locaux ne seront plus que de simples exécutants du pouvoir central.
La décentralisation avait marqué le renforcement de la responsabilité des élus ; votre recentralisation renforcera l’irresponsabilité de l’État quand il sera nécessaire d’agir sur le terrain.
Il aurait fallu œuvrer à la sécurisation du financement des collectivités, à la péréquation entre les territoires riches et les territoires pauvres, ainsi qu’au renforcement de leur capacité d’action au profit des Français.
Permettez-moi de citer en cet instant le cardinal de Retz : « Il y a très loin de la velléité à la volonté, de la volonté à la résolution, de la résolution au choix des moyens, du choix des moyens à l’application. » Le présent projet de loi traduit l’application d’un choix de moyens résolument mis au service d’une velléité politicienne que vous voulez faire passer pour l’expression d’une bonne volonté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Mauroy.
M. Pierre Mauroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui, bien qu’il ne comporte que deux articles, est loin d’être purement technique. Il est en effet le premier de quatre textes qui engagent une réforme de nos collectivités territoriales porteuse d’un formidable retour en arrière.
Je souligne, comme l’ont fait avant moi mes collègues du groupe socialiste, notamment, que ce premier texte est très audacieux puisqu’il parie sur l’adoption d’autres textes qui ne seront examinés, au mieux, qu’au mois de janvier. Or, si j’en crois les réactions négatives qu’ils suscitent, rien n’assure qu’ils seront adoptés.
Par ailleurs, le présent projet de loi fait suite à la suppression de la taxe professionnelle, qui va asphyxier financièrement les collectivités territoriales, suppression elle aussi décidée avant même le débat sur la réforme de ces collectivités et qui constitue un véritable hold-up à leurs dépens et au profit des entreprises.
Cette précipitation avec laquelle on s’attaque aux collectivités territoriales, pour injustifiée qu’elle soit, n’est en fait pas étonnante. Depuis son élection, le Président de la République a souvent dénoncé le bilan même de ces collectivités, les accusant d’être dispendieuses, alors qu’elles réalisent 73 % de l’investissement public et ne contribuent à la dette publique qu’à hauteur de 10 %.
Mes chers collègues, avec ces projets, nous devons faire face à un changement brutal de cap par rapport au relatif consensus qui s’était dégagé sur la nécessité d’approfondir la décentralisation et la régionalisation dans notre pays, après le vote des lois de 1982 et de 1983. Les gouvernements qui ont suivi ceux que j’ai dirigés se sont tous inscrits dans cette démarche décentralisatrice, y compris celui de Jean-Pierre Raffarin, qui a même tenu à inscrire dans la Constitution que la France était une République dont l’« organisation est décentralisée ».
Les projets actuels opèrent un retour vers le passé et tournent le dos à la modernité !
Cette orientation était déjà apparue vers la fin des travaux du comité Balladur, auxquels j’avais accepté de participer pour approfondir la décentralisation. En réalité, ces travaux ont préparé cette contre-réforme qui conduira inévitablement à une recentralisation et à un affaiblissement des assemblées locales face au pouvoir de l’État.
Abaisser le pouvoir des assemblées a toujours été la marque des princes. Ce n’était pas notre optique en 1982, et ce n’est pas davantage la nôtre aujourd’hui.
Cet affaiblissement concerne d’abord l’assemblée départementale, lointaine fille de la Révolution de 1789 et surtout des lois de la IIIe République, qui tient une place privilégiée dans l’organisation des territoires, notamment en milieu rural. Mais il concerne tout autant l’assemblée régionale, dernière née de nos institutions locales puisque sa création remonte à 1982, instance qui porte le développement économique et, surtout, la vision d’avenir d’un territoire.
Ce mauvais coup contre ces assemblées sera mal perçu par les Français, très attachés à la démarche décentralisatrice dont ils ont pu mesurer depuis près de trente ans les effets positifs sur leur vie quotidienne en termes de qualité des services publics et de proximité.
Qui peut croire, en effet, que le futur corps hybride des « conseillers territoriaux » censés remplacer les conseillers généraux et les conseillers régionaux pourra faire vivre correctement ces deux assemblées aux compétences et à l’esprit si différents ?
De plus, le mode de scrutin qu’on leur réserve – uninominal à un tour, pour l’essentiel – est non seulement contraire à la tradition du système politique français, mais aussi d’une grande complexité, et il va provoquer un redécoupage des cantons, exercice auquel vous semblez prendre beaucoup de plaisir, monsieur le secrétaire d'État ! (Sourires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Charles Gautier. C’est même de la gourmandise !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C’est une expérience que nous partageons, monsieur le ministre !
M. Pierre Mauroy. Je sais que c’est effectivement un exercice difficile, car il prête toujours le flanc à la critique. C’est pourquoi je comprends mal que le Gouvernement s’y complaise.
En tout cas, ce redécoupage va engendrer de nouvelles inégalités, alors que les cantons actuels étaient déjà sources d’inégalités.
En outre, ce mode de scrutin porte un coup d’arrêt sans appel à la mise en œuvre de la parité, si chèrement acquise et encore largement inachevée. Une oratrice ayant déjà traité ce point très important, je n’ai rien à ajouter à ce qu’elle a excellemment dit.
Bref, les débats sur ces projets de réforme des collectivités territoriales, auxquels les sénateurs socialistes s’opposeront avec vigueur, promettent d’être vifs. Je ne nie pourtant pas l’existence de certains aspects positifs – raison pour laquelle j’avais accepté de participer aux travaux du comité Balladur –, comme l’achèvement de la carte de l’intercommunalité, l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel ou encore la création de grandes métropoles, à laquelle je suis très attaché. Mais, même sur ce dernier point, que j’ai toujours approuvé dans son principe, les propositions avancées mériteront d’être discutées le moment venu.
Pour l’heure, quand je me pose la question de savoir à quoi correspond vraiment cette attaque contre les assemblées locales que représente la création du conseiller territorial, je ne peux m’empêcher de penser qu’elle a été aussi inspirée par la volonté de prendre une revanche sur la victoire de la gauche aux dernières élections régionales et cantonales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) C’est un motif supplémentaire qui me conduit, comme mes collègues du groupe socialiste, à ne pas accepter le texte dont nous débattons aujourd’hui et qui engage une réforme à laquelle nous nous opposerons avec vigueur. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à ce moment de notre débat, je ne rappellerai pas notre hostilité à la création du conseiller territorial ; plusieurs de mes collègues en ont déjà fort bien exposé les raisons. Je suis montée à cette tribune en qualité de présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat.
C’est à ce titre que, dès le mois d’octobre, avec Marie-Jo Zimmermann et Françoise Villain, présidentes des délégations homologues, respectivement, de l'Assemblée nationale et du Conseil économique et social environnemental, j’ai alerté l’opinion sur le mode d’élection annoncé pour les conseillers territoriaux.
En effet, ce mode d’élection présente un risque important de régression au regard de la parité telle qu’elle est prévue par de la Constitution puisque, depuis le 8 juillet 1999, celle-ci dispose que « la loi favorise l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives ». L’article 4 ajoute que les partis et groupements politiques contribuent à la mise en œuvre de ce principe.
Après deux auditions auxquelles a procédé la commission des lois, après de multiples échanges oraux et écrits, après deux réunions de travail, nous en sommes là ! Monsieur le secrétaire d'État, vous avez admis qu’il existait bien un grave problème en ce qui concerne le futur profil du virtuel conseiller territorial et le respect de la Constitution.
Vous avez récemment ouvert des pistes. À ce jour, aucune d’entre elles n’a reçu notre agrément. Mais il reste quelques mois de travail et vous pouvez compter sur notre très bonne volonté et sur notre engagement tenace pour analyser vos propositions.
En ce moment, nous préparons nos listes pour les élections régionales du mois de mars prochain. Vous avez tous remarqué, mes chers collègues, que figurent sur ces dernières autant de femmes que d’hommes présentant des profils – expérience, origines sociales ou professionnelles, âge – qui ressemblent à la population de nos régions, à la population de notre pays.
Résultat d’une volonté et d’un mode de scrutin, la composition de conseils régionaux comprenant 47,6 % de femmes nous satisfait. Vous comprendrez donc que nul ne veuille revenir en arrière au moment où vont se constituer pour la première fois les exécutifs régionaux à parité issus de la loi du 31 janvier 2007.
Il est long le chemin des femmes françaises vers l’égalité citoyenne, depuis qu’elles sont devenues électrices, voilà soixante-cinq ans, cent ans après les hommes ! Ils ont été lents les progrès ! Et le travail n’est pas fini si l’on regarde les chiffres. À l’Assemblée nationale et au Sénat siègent respectivement 18 % et 23 % de femmes. Et dois-je rappeler qu’on ne compte que 12,3 % de femmes exerçant un mandat de conseiller général ? Ce serait presque à pleurer !
La France se situe aux dernières places des pays démocratiques quant à la proportion de femmes élues. En Égypte, en Mauritanie, au Rwanda, par exemple, les femmes sont d’ailleurs plus nombreuses et plus présentes dans le débat démocratique.
Je voudrais, en cet instant, vous rapporter cette confidence que me faisait François Mitterrand en 1990, alors que j’étais secrétaire d’État chargée des droits des femmes : « Moi, je ne le verrai pas, je ne serai plus de ce monde, mais vous, à deux générations, vous verrez la vraie égalité des hommes et des femmes dans la société française… à condition de ne jamais changer de cap. »
Une sénatrice socialiste. Et voilà !
Mme Michèle André. Deux générations, cela nous amène à 2030.
Monsieur le secrétaire d'État, vous vous apprêtez à changer de cap. Je vous conseille plutôt de changer de mode de scrutin pour l’élection des conseillers territoriaux si vous voulez éviter que l’histoire ne vous juge trop cruellement. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, dernier orateur inscrit.
Mme Dominique Voynet. Et pourquoi ne nous risquerions-nous pas à parler d’« oratrice », monsieur le président ? (Sourires.)
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le hasard du calendrier et les surprises de la vie parlementaire nous amènent à examiner ce texte au lendemain d’une mémorable « erreur humaine », une « bourde », écrit le journal Le Monde, qui a vu le Sénat rejeter un autre texte phare des réformes électorales voulues par le Gouvernement. On me suspectera de céder à la facilité, mais j’y vois un signe favorable quant au vote sur le texte que nous examinons aujourd’hui. Qu’on me permette d’encourager discrètement qui le voudra à, pour une fois, persister dans l’erreur... (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) En effet, cette erreur, finalement, avait tout d’un acte manqué !
Que nous est-il, de fait, demandé aujourd’hui ? D’adopter par anticipation le résultat de la réforme des collectivités territoriales, qui ne sera débattue dans cet hémicycle que dans plusieurs semaines !
Même méthode, même punition : il y a moins d’un mois, il s’agissait de réformer la taxe professionnelle, ressource essentielle des collectivités territoriales, avant même de nous prononcer sur l’architecture future desdites collectivités. Beaucoup s’en sont émus à juste titre sur ces travées, y compris sur celles de la majorité.
La logique à l’œuvre aujourd’hui est identique : après tout, le texte sur lequel nous devons nous prononcer n’a en lui-même guère de sens, chacun ici le sait pertinemment ; il ne vaut que comme la première étape d’une plus vaste entreprise de démolition des collectivités locales.
Cette entreprise ne vise pas – là encore, chacun le sait –, à clarifier ou simplifier le très complexe « millefeuille administratif », ce qui pourrait recueillir notre accord. Qui peut penser que la création d’un nouveau type d’élu, le « conseiller territorial », serait en quoi que ce soit de nature à rendre le processus électoral plus lisible pour les Français ? La vérité, c’est que cette entreprise ne vise qu’à permettre à la majorité, minoritaire dans les urnes, de reprendre plus aisément le contrôle des collectivités territoriales !
Le constat est simple : le Président de la République a compris que la force de son camp était au premier tour et sa faiblesse, au second. L’UMP est une machine à souder l’électorat de droite en arasant les différences, ce qui produit de très belles dynamiques de premier tour, mais ne suffit pas dans une élection à deux étapes, où la majorité est requise pour l’emporter.
Qu’en ont déduit le Président de la République, ses conseillers, les ministres du Gouvernement ? Qu’il suffit de supprimer le second tour ! « Si nous ne pouvons vaincre avec des règles qui conviennent à tout le monde depuis des décennies, changeons-les pour gagner tout de même. Et nous gouvernerons les régions, les départements – peut-être même, demain, les villes –, avec moins de 35 % des voix ! »
Telle est la vérité nue de la « réforme » portée par le Gouvernement : gagner en trafiquant les règles du jeu à son avantage,… (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. « Trafiquer » n’est pas un mot acceptable !
Mme Dominique Voynet. … détourner la fonction d’arbitre qu’offre la présidence de la République afin de favoriser la position de ses propres joueurs, faire main basse sur les régions, organiser un hold-up, à partir du matelas électoral qu’offre la fusion de toutes les droites sous l’autorité d’un chef unique !
Je veux croire que, dans une assemblée qui, par le passé, a su honorer sa mission de gardienne de l’équilibre des institutions, une telle manœuvre, aussi grossière que scandaleuse, ne pourra être approuvée.
De nombreuses voix se sont élevées, déjà, pour rappeler le caractère profondément étranger à la tradition de la République de ce projet. D’autres ont relevé le recul que constituerait, pour la parité hommes-femmes, l’extension du suffrage uninominal. Mme Dini a évoqué la « révolte » des femmes élues. Elle aurait pu citer également la révolte de celles qui ne le sont pas encore, et celle de beaucoup d’hommes aussi.
Il est vrai que le système qui nous a été imposé pour aboutir à la parité, compte tenu du mode de scrutin applicable aux élections départementales, ne manque pas de sel ! Vous vous en souvenez, mes chers collègues : il prévoit la mise en place d’un suppléant de sexe opposé, quand près de 80 % des titulaires sont des hommes… Il reste aux femmes à espérer la mise en situation de cumul de « l’homme locomotive », ou son décès !
On nous a expliqué hier soir qu’une « erreur humaine » s’était produite, qui expliquait le rejet du texte présenté. Ce soir, j’en suis persuadée, l’erreur serait de ne pas repousser ce projet de loi. Car c’est se moquer du Parlement que d’imaginer qu’il pourrait décider de la date d’élections de conseillers territoriaux quand il n’aurait débattu ni de l’opportunité de créer ces derniers, ni de leur répartition par département, ni des modalités de leur élection ?
Pour notre part, nous ne prêterons pas la main à cette mascarade. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai brièvement à chacun des orateurs qui se sont exprimés.
Je remercie tout d’abord M. Jean-Patrick Courtois de la qualité de son rapport et de son intervention, ainsi que M. Jean-Jacques Hyest, qui a parfaitement dirigé les travaux de la commission des lois sur l’ensemble des textes liés à cette réforme.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme M. Courtois l’a affirmé à juste titre dans son rapport et dans son intervention, l’adoption de ce projet de loi ne préjugerait en rien votre position sur le reste de la réforme, alors que, à l’inverse, rejeter ce texte reviendrait à engager votre position future puisque la création du conseiller territorial serait alors impossible ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Pierre-Yves Collombat. Et alors ? Nous faisons ce que nous voulons !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur, j’approuve également les nombreuses raisons que vous avez données pour justifier l’adoption de ce projet de loi, indépendamment des autres aspects de la réforme des collectivités territoriales.
M. Jean-Léonce Dupont a eu raison de dire que ce texte était un maillon important de la réforme des collectivités territoriales, dont il constitue même la première étape, et je le remercie de s’être déclaré favorable au principe de la concomitance.
Par ailleurs, il a émis le souhait de voir reporter jusqu’à 2014, donc de trois ans, la durée du mandat des conseillers généraux élus. Je crains qu’un tel ajournement ne soit pas acceptable au regard des exigences constitutionnelles en matière de droit des citoyens à l’expression du suffrage et de « périodicité raisonnable », selon la formule consacrée, des consultations électorales. En tout cas, à ma connaissance, il n’existe en la matière aucun précédent d’un report d’une durée de trois ans. Les précédents ajournements d’élections cantonales n’ont jamais dépassé une année, et encore avec des justifications extrêmement précises et rigoureuses.
Enfin, il a abordé la question importante du statut de l’élu. Il nous faudra la traiter, c’est vrai, dans le cadre de l’examen des trois autres textes, et, bien entendu, je serai attentif à ses propositions dans ce domaine.
Dans le présent projet de loi, nous avons d’ailleurs formulé des propositions sur la formation des élus, sur l’honorariat au terme de deux mandats successifs au lieu de trois, ainsi que sur un certain nombre de dispositions pratiques qui vont dans la bonne direction et sont souhaitées par l’Association des maires de France comme par l’Association des maires des petites villes de France.
Monsieur Peyronnet, vous avez émaillé votre intervention de références historiques, nous faisant remonter à Louis XVIII et même à Machiavel. Toutefois – pardonnez ma franchise –, je crois que vous vous trompez de débat. Contrairement à ce que vous affirmez, il n’est pas question de toucher à l’identité communale, pas plus d’ailleurs qu’à l’identité départementale. Au contraire, nous la renforçons (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), et les maires s’en rendent compte dès qu’on leur explique les fondements de la réforme.
Du reste, votre intervention a été très générale, et je ne pourrai donc vous répondre aujourd'hui sur les autres points que vous avez évoqués : ils seront abordés lors de la discussion des autres textes liés à la réforme des collectivités territoriales.
Le président Baylet a, lui aussi, évoqué des questions étrangères à l’objet de ce texte et sur lesquelles nous reviendrons donc plus tard.
Il nous accuse de « précipitation ». Or nous sommes en décembre 2009 et ces textes sont le fruit d’un intense travail de réflexion et de concertation (Même mouvement sur les mêmes travées.), entamé il y a plus d’un an au sein de la commission Balladur, prolongé dans le cadre de la mission Belot et accompagné de multiples rencontres avec les grandes associations d’élus, rencontres qui, au demeurant, se poursuivent.
Par ailleurs, je maintiens mes propos sur la loi de 1990 : son article 11 prévoyait bien une durée de quatre ans pour le mandat des conseillers généraux élus en 1994. En outre, il n’était pas question de proportionnelle dans les conseils généraux.
La concomitance permettra également de renforcer la légitimité des collectivités territoriales en augmentant la participation électorale. Cette réforme participe donc à la satisfaction d’un motif d’intérêt général, comme l’exige d’ailleurs le Conseil constitutionnel.
Madame Borvo Cohen-Seat, contrairement à ce que vous avez affirmé, le texte du Gouvernement qui vous est soumis ne vise pas à créer le conseiller territorial, mais à organiser la concomitance du renouvellement des conseillers généraux et régionaux.
Notre réforme est cohérente : elle repose sur quatre textes qui viennent successivement devant votre assemblée pour être examinés et discutés ; c’est bien l’objet du débat parlementaire.
Madame la sénatrice, la présentation que vous avez faite de notre réforme est une caricature si outrancière qu’elle n’est pas crédible !
Permettez-moi aussi de vous indiquer que l’on peut être en même temps un grand commis de l’État et un manager.
Enfin, je tiens à vous rassurer : il n’est pas question, je le répète solennellement, de modifier le mode de scrutin pour les élections législatives.
MM. Yves Krattinger et Jean-Jacques Mirassou. Pour le moment !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Monsieur Buffet, vous avez rappelé avec pertinence la nécessité de lutter contre les conservatismes de tous ordres.
Je prends note du soutien de votre groupe à l’ensemble du processus de réforme engagé par le Gouvernement, et je m’en réjouis. Vous avez parfaitement compris les enjeux liés à la création du conseiller territorial, qui permettra de prendre en compte, de manière intégrée, les intérêts communs et convergents des départements et des régions, alors que, trop souvent, c’est la concurrence entre ces deux niveaux de collectivités qui domine, et qui coûte plus de 20 milliards d'euros chaque année à l’État…
M. Pierre-Yves Collombat. C’est faux !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C’est d’ailleurs l’une des raisons de cette réforme.
Monsieur Collombat, si vous doutez même des travaux de la Cour des comptes !
M. Pierre-Yves Collombat. Les 20 milliards d'euros, ce sont les compétences croisées ! Cela n’a rien à voir !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ce chiffre apparaît dans des rapports intéressants et convergents, dont je vous conseille d'ailleurs la lecture !
Monsieur Buffet, je vous remercie d’avoir exprimé si clairement l’impératif qui s’attache à l’adoption de ce texte avant les prochaines élections régionales.
Mme Gourault doit savoir que je porte trop de respect à la Haute Assemblée pour penser un seul instant obtenir de sa part un « chèque en blanc ».
Je veux aussi l’assurer de ce que la réforme de la fiscalité locale n’est pas défavorable au bloc communal ; après une période où des propos de toute sorte ont été tenus sur ce sujet, chacun en convient à présent. Le Gouvernement s’est engagé à garantir le principe constitutionnel d’autonomie financière.
M. Roland du Luart. N’oubliez pas le département !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. La constitutionnalité même du conseiller territorial n’est pas susceptible d’être mise en cause : il n’y aura aucune tutelle d’une collectivité sur une autre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Vous institutionnalisez cette tutelle !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Et qui peut sérieusement prétendre le contraire ? De tels propos n’ont aucun fondement juridique ! D'ailleurs, le Conseil d’État a validé le principe d’un élu unique, destiné à siéger dans les deux assemblées.
Pour répondre complètement à Mme Gourault, je rappelle que la réforme des collectivités territoriales se compose en effet d’un ensemble de quatre textes : un projet de loi électoral, un projet de loi organique, un projet de loi institutionnel et le présent projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux.
Le respect du principe de sincérité du scrutin nous impose de présenter ce dernier projet de loi en priorité et, bien entendu, avant la tenue des élections régionales de mars 2010, afin que les électeurs puissent se prononcer en toute connaissance de cause.
Monsieur Krattinger, vous avez mal lu l’intitulé de notre projet de loi, me semble-t-il, et guère écouté M. le rapporteur.
Vous étiez rapporteur de la mission Belot, et vous savez combien j’apprécie votre modération. Néanmoins, permettez-moi de vous le dire, dans votre exposé vous avez poussé un peu loin la caricature de ce projet de loi !
Faire œuvre de réforme, ce n’est pas se comporter en « apprenti sorcier ». Au contraire, c’est savoir tirer les conséquences de la complexité de l’ensemble des échelons qui composent notre millefeuille territorial. C’est de cette démarche que découle l’institution du conseiller territorial.
Par ailleurs, de même que votre collègue Jacques Mézard, vous avez cru trouver une contradiction entre l’exposé des motifs du projet de loi et la présentation générale que j’en ai faite dans mon propos liminaire. J’ai simplement souligné qu’il y avait, indépendamment de la création des conseillers territoriaux, bien des justifications à la concomitance. J’ai donc fait référence à l’une et aux autres. Votre rapporteur a d’ailleurs adopté la même démarche dans son intervention.
Vous avez également abordé le calendrier de 2014 et les cinq élections qui sont programmées cette année-là. Mais c’est justement là un des motifs de notre projet ! Il en allait de même pour la loi d’origine socialiste du 11 décembre 1990, que vous avez évoquée, monsieur le sénateur, et que j’ai moi-même mentionnée tout à l'heure.
Avec notre projet, en 2014, se tiendront les élections dites « territoriales », les élections municipales et les élections européennes. Il va de soi que nous ne pouvons compter le renouvellement sénatorial, qui n’est pas une élection au suffrage universel direct. Ce sont donc trois scrutins, et non cinq, qui seront organisés, soit exactement la même situation qu’en 2004.
Monsieur le sénateur, nous n’avons pas de leçon à recevoir de votre part sur les modifications des conditions des scrutins. Avez-vous oublié les 134 découpages cantonaux effectués par Gaston Defferre et Pierre Joxe pendant les années quatre-vingt ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Adrien Gouteyron. Bravo !
M. Pierre-Yves Collombat. Ils étaient justifiés !
M. Jean-Claude Peyronnet. Et très judicieux !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Certains départements ont été découpés en 1981, en 1982, en 1983, en 1984 et en 1985 ! C’est en particulier le cas du Cantal – je prends M. Mézard à témoin –, mais je pourrais citer de nombreux autres départements ! Il faut mettre en regard ces 134 découpages organisés par la gauche quand elle était au gouvernement et la douzaine de découpages, auxquels s’ajoutent quelques découpages partiels, décidés par la majorité.
Avez-vous également oublié les nombreux décrets publiés au mois de janvier 1982, moins de deux mois avant les élections cantonales ? Dois-je vous aussi rappeler – je m’adresse là également à M. Patriat, qui reproche au Gouvernement de faire preuve de « précipitation » – que c’est au mois de juillet 1985 qu’a été décidé un changement radical – historique, même ! – du mode de scrutin pour les élections législatives, alors que celles-ci étaient prévues moins de neuf mois plus tard ?
Monsieur Mézard, je note avec intérêt votre volonté d’approuver un certain nombre d’aspects de la réforme. Notre ambition est d’agir au profit des collectivités territoriales, et non contre elles, en mettant fin à l’enchevêtrement administratif dont elles souffrent aujourd’hui, afin qu’elles aient véritablement les moyens de leur politique. Notre intention n’est pas de « désespérer » – je reprends vos propres termes – le groupe du RDSE, bien au contraire. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. On passe la pommade ! C’est du racolage !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Concernant l’étude d’impact, je vous rappelle que le cadre qui la régit est fixé par la loi organique du 15 avril 2009. Elle n’a pas vocation à être une compilation des avis et opinions des uns et des autres. Vous trouverez néanmoins dans les annexes 7 et 8 la liste des personnes auditionnées par la commission Balladur, puis par la mission Belot.
Enfin, vous avez critiqué la durée du mandat des prochains conseillers régionaux retenue dans le projet, car vous estimez que quatre ans, c’est trop court. Vous oubliez que c’est la durée du mandat du président des États-Unis et des parlementaires américains. Cela les empêche-t-il d’agir ? (Nouvelles exclamations ironiques sur les mêmes travées.)
M. Yannick Bodin. Chiche !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Quatre ans, c’est long.
Madame Assassi, vous avez parlé de « coup de force » contre l’institution parlementaire. Permettez-moi de m’étonner de ces propos excessifs. Nous sommes ici pour débattre d’un projet de loi et il me semble que, depuis près de trois heures maintenant, nous avons entendu nombre d’interventions et d’opinions. Je suis l’un de ceux qui rendent régulièrement hommage au dévouement des élus locaux. Je suis fier de compter moi-même parmi les conseillers généraux de ce pays, et je connais le rôle ô combien indispensable qu’ils jouent auprès de nos concitoyens. (Mêmes mouvements.)
M. Martial Bourquin. Gardez-les, alors !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ce n’est certainement pas nous qui achetons des pages de publicité dans les journaux nationaux pour proférer des contre-vérités sur la réforme !
Décidément, nous n’avons pas la même lecture des textes !
M. Pierre-Yves Collombat. J’espère bien !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, nous sommes attachés autant que vous aux valeurs de la République !
Michel Mercier ayant souhaité répondre personnellement à Muguette Dini, je lui laisserai ce soin. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Raffarin. À chacun son cheptel !
Mme Dominique Voynet. Ce n’est pas de très bon goût !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Monsieur Collombat, le projet du Gouvernement a fait l’objet de larges débats. Les quatre textes déposés ont donné lieu à de nombreuses consultations – vous le savez pour y avoir participé – et d’importantes auditions, notamment au sein de la commission de lois, qui a reçu quatre ministres pendant plus de quatre heures ; elle a d’ailleurs organisé deux séances élargies sur ce sujet.
L’article 14 du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale encadre l’habilitation donnée au Gouvernement de modifier les effectifs dans les cantons : « Dans chaque région, les effectifs des conseils généraux sont fixés dans le respect du principe d’égalité devant le suffrage tout en tenant compte notamment des impératifs de permettre la bonne administration du département et de la région par leur assemblée délibérante respective et d’assurer une représentation effective des territoires au sein des conseils régionaux. »
M. Pierre-Yves Collombat. Et comment fait-on tenir tout cela ensemble ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cela va s’emboîter !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Cela doit s’emboîter dans la réforme des élections législatives. C’est ce qu’ont demandé le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel.
Je ne pourrai vous communiquer les chiffres définitifs que lorsque le Conseil constitutionnel aura validé l’ordonnance du Gouvernement.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est dommage !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Reconnaissez que, hier soir, vous n’avez pas vraiment fait avancer les choses. Il fallait voter la ratification de l’ordonnance relative aux circonscriptions des députés : cela nous aurait permis d’aller plus vite !
Je rappellerai à M. Patriat que, depuis 2003, grâce à l’impulsion donnée par M. Raffarin, alors Premier ministre, la Constitution dispose que l’organisation de la République est décentralisée. Déconcentration et décentralisation sont donc compatibles : c’est le principe même de la loi Defferre de 1982.
Il s’agit de mieux organiser et non de recentraliser. Non, ce que nous vous présentons n’est pas l’acte I de la recentralisation (Si ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG) ; c’est bien plutôt l’acte I de la simplification. Il n’a jamais été question de jeter l’opprobre sur les élus locaux. Je l’ai déjà souligné, mais je le répète, car M. Patriat a beaucoup insisté sur ce point.
J’indique à Mme Michèle André que, pour les élections municipales, l’abaissement du seuil de 3 500 habitants à 500 habitants permettra une stricte parité puisque le mode de scrutin exigera une liste bloquée. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Cela fera entrer 40 000 femmes dans les conseils municipaux ! (Mmes les sénatrices du groupe socialiste s’exclament.)
Mme Gisèle Printz. Oui, pour apporter le café, tourner les pages, faire la vaisselle !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. De la même façon, 25 000 conseillères communautaires seront élues. La parité s’appliquera également au sein des exécutifs, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.
Toutefois, je ne suis pas entièrement satisfait des dispositions de ce projet sur ce point. Nous avons ouvert des discussions avec vous, Madame André, ainsi qu’avec Mmes Marie-Jo Zimmermann et Jacqueline Panis. Trois réunions de travail ont déjà eu lieu ; d’autres suivront. Je ne doute pas qu’elles contribueront à améliorer le dispositif. En tout cas, je le répète, le Gouvernement est ouvert à toutes les propositions, qu’elles viennent du Sénat ou de l’Assemblée nationale.
Madame Voynet, vous avez employé des mots extrêmement durs, à la limite du supportable : « en trafiquant les règles du jeu », « hold-up ». Ce n’est pas tolérable ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Dominique Voynet. Petite nature ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Nous ne faisons qu’appliquer la loi et suivre les recommandations du Conseil constitutionnel. Ce découpage électoral attend depuis vingt-six ans ! La France comptait alors à peine 60 millions d’habitants, contre 67 millions aujourd’hui. Ce découpage aurait dû avoir lieu quand vous étiez au gouvernement, en 1999, voire au début des années quatre-vingt !
M. Pierre-Yves Collombat. Cela fait un certain temps que nous n’y sommes plus, au Gouvernement ! Vous allez utiliser cet argument longtemps ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Par deux fois, les gouvernements de gauche n’ont pas assumé leurs responsabilités. Aujourd'hui, le Gouvernement le fait, à la demande du Président de la République, et je suis fier de présenter ce texte devant le Parlement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Monsieur Mauroy, l’instauration de conseillers territoriaux n’est pas une attaque contre les assemblées locales, bien au contraire ! Nous nous félicitons de la contribution que vous avez apportée au sein du comité Balladur et des propositions que vous avez formulées. Je ne doute pas que vous enrichirez les débats parlementaires qui viennent de commencer et qui se poursuivront l’année prochaine. Sachez que le Gouvernement sera particulièrement attentif à vos suggestions.
Mme Dominique Voynet. Justement, il suggère de tout arrêter !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Vous m’avez égratigné sur le découpage électoral, ce que je n’apprécie guère. Mais, comme tout homme politique, j’ai déjà quelques cicatrices et, à soixante ans passés, je ne crains pas d’en avoir une de plus.
Le redécoupage des cantons se fera bien entendu sous contrôle.
Mme Dominique Voynet. Sous le contrôle de M. Sarkozy !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C’est prévu par les textes et j’appliquerai scrupuleusement la méthode qu’ont indiquée le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel.
D’autres débats auront lieu, notamment avec les présidents de conseils généraux, quelle que soit leur étiquette politique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai à Mme Dini (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG) et, à travers elle, à toutes celles et à tous ceux qui ont abordé la question de la parité.
Je tiens d’abord à féliciter Mme Dini de la qualité de son intervention et de son plaidoyer en faveur des femmes dans la vie publique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah, le bon ministre que voilà !
M. Michel Mercier, ministre. C’est pour elle le combat de toute une vie politique.
La question de la parité mérite que l’on s’y attarde et elle doit être étudiée avec sérénité. Je souhaite que nous parvenions à une solution acceptable pour tous.
Des progrès ont été accomplis pour assurer aux femmes une meilleure place dans la vie politique,...
Mme Gisèle Printz. Meilleure ?
M. Michel Mercier, ministre. ... même si elle n’est pas aussi grande qu’elle le devrait. Quoi qu'il en soit, il n’est pas question pour le Gouvernement de revenir sur les avancées qui ont été accomplies à cet égard.
M. Guy Fischer. Ah !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Un peu tout de même, non ?
M. Michel Mercier, ministre. Mme Dini sait aussi bien que moi que la parité ne dépend pas du mode de scrutin. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Dominique Voynet. La Constitution dit le contraire !
M. Michel Mercier, ministre. Mesdames, messieurs, je vous ai écoutés avec attention. Peut-être pourriez-vous m’accorder quelques minutes pour que je vous réponde ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes tout ouïe, monsieur le ministre !
Mme Dominique Voynet. Je ne suis pas sûre qu’elle en soit fière !
M. Michel Mercier, ministre. Madame Voynet, nous pouvons tout de même nous parler ! Nous ne sommes pas en guerre civile ! Ma conception de la vie publique n’est pas celle-là : je crois au dialogue et à l’échange. Certes, nous ne serons pas toujours tous d’accord, mais nous progresserons !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Laissez-le parler ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Michel Mercier, ministre. D’ailleurs, vous n’êtes pas obligée de m’écouter ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit.)
Je le répète, sur cette question, le mode de scrutin n’est pas la clef de tout.
Madame Dini, nous avons commis tous deux une erreur dans le passé : lors d’une élection à la proportionnelle, vous avez présenté une liste sur laquelle ne figuraient que des femmes ; je n’ai guère été plus malin puisque la mienne était entièrement masculine ! Cela a eu pour conséquence l’élection de M. Fischer ! (Rires. – Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Voilà qui n’est pas très élégant vis-à-vis de notre collègue !
M. Michel Mercier, ministre. Nous pouvons donc faire mieux. La solution se trouve certainement dans les modalités du scrutin.
Alain Marleix l’a rappelé, nous sommes tout prêts à travailler avec vous pour trouver la solution qui permettra aux femmes d’occuper une place normale au sein des instances représentatives.
Mme Dominique Voynet. Une place normale, c’est un siège sur deux !
M. Alain Gournac. Bravo !
Mme Dominique Voynet. Volontiers !
M. Michel Mercier, ministre. Vous et, bien sûr, toutes celles et ceux qui souhaitent que, ensemble, nous trouvions la solution. Sans coopération, nous n’y parviendrons pas. J’ai la certitude qu’il nous faut engager le dialogue.
Mme Dominique Voynet. Vous vous enlisez !
M. Michel Mercier, ministre. Il n’est qu’un seul mode de scrutin qui ne permettra pas une meilleure parité, c’est le scrutin uninominal majoritaire à deux tours partout.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Voilà !
Mme Dominique Voynet. Il faut étendre le scrutin régional !
M. Michel Mercier, ministre. Nous sommes prêts à travailler avec tous les parlementaires qui le souhaitent, car il nous faut continuer dans cette voie. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je suis saisi, par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux (n°132, 2009-2010) (Procédure accélérée).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, je voudrais développer devant vous cinq arguments qui tendent à montrer que ce texte, tant par son objet que par ses conséquences, est manifestement contraire à notre Constitution.
Le premier argument est assez évident et a été beaucoup évoqué : ce texte n’existe que par rapport à des projets de loi qui n’existent pas.
Mme Maryvonne Blondin. Voilà !
M. Jean-Pierre Sueur. Il n’a d’existence que rapport à des projets de loi futurs, qui, par définition, n’existent pas ! Et, par définition, monsieur le ministre, le Parlement a le droit de les rejeter. Nous espérons qu’il le fera.
Par conséquent, il n’y a pas de fondement à établir un changement des dates d’élection en vertu d’une loi qui est purement virtuelle.
Autrement dit, le motif pour changer la date des élections manque assurément. D’ailleurs, vous en êtes tellement convaincus que, tout à l’heure, vous avez répété que le présent projet de loi n’était pas lié à la création des conseillers territoriaux.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Non !
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai même entendu M. Marleix expliquer que, si le conseiller territorial n’était pas institué, on pourrait néanmoins sans inconvénient conserver la date prévue dans ce texte pour les élections régionales et cantonales ! Vous affirmez vouloir simplement le bien du peuple, qui n’aurait ainsi à se déplacer qu’une seule fois pour voter…
Mais, vous le savez, monsieur le ministre, ces précautions inutiles, comme eût dit Beaumarchais, tombent par terre dès la première phrase de l’exposé des motifs du présent texte, où il est précisé que celui-ci « prévoit qu’à l’avenir les conseillers généraux et les conseillers régionaux formeront un ensemble unique d’élus, les conseillers territoriaux… »
Vous faites effectivement cette loi pour les conseillers territoriaux, mais les conseillers territoriaux n’existant pas, il n’y a plus de raison de la faire !
Le deuxième argument découle du précédent. Vous ne voulez donc faire adopter cette loi que pour rendre possible le conseiller territorial. Or, comme cela a été très bien dit par beaucoup de collègues, cette confusion entre le département et la région – c'est-à-dire le fait que la même personne soit à la fois l’élu du département et de la région – pose un nouveau problème constitutionnel.
En effet, par cette confusion, monsieur le ministre, non seulement vous institutionnalisez le cumul des mandats, mais vous portez atteinte à l’autonomie des collectivités. Nous nous en souvenons tous, les grandes lois de décentralisation présentées par Pierre Mauroy et que nous avons votées imposaient un principe très fort : l’absence de tutelle d’un niveau de collectivité sur un autre. Cela suppose des assemblées et des élus distincts ; cela suppose que celui qui parle pour le département ne parle pas pour la région et inversement !
D’ailleurs, ce grand principe de non-tutelle et d’autonomie est maintenant inscrit dans notre Constitution. Or, avec la confusion des fonctions, c’est indubitable, vous institutionnalisez la tutelle d’un niveau de collectivité sur un autre.
Le Conseil constitutionnel ne s’y est pas trompé. Ainsi, selon sa décision du 6 juillet 1994, dans le cas d’un texte prévoyant la concomitance de deux scrutins – nous y sommes –, le principe de sincérité impose que le choix opéré par le législateur en faveur d’un regroupement dans le temps de consultations s’accompagne de modalités matérielles d’organisation destinées à éviter toute confusion dans l’esprit des électeurs.
Or, en l’espèce, vous n’évitez pas toute confusion : vous l’organisez, vous l’institutionnalisez !
À l’évidence, nous trouvons là, au regard des grands principes de la décentralisation qui figurent maintenant dans notre Constitution, un deuxième motif d’inconstitutionnalité.
J’en arrive au troisième argument. Mmes Dini, André et Voynet ont parlé avec éloquence de la parité. J’avoue avoir été quelque peu perplexe devant les propos de M. Mercier.
Si je comprends bien, le futur scrutin auquel on songe est un scrutin d’arrondissement, de canton et de territoire. Et M. Mercier nous assure que l’on va trouver un système tel que ce mode de scrutin respectera la parité. Mais comment ? Peut-être pense-t-il à cette forme de parité un peu funèbre qui existe dans les conseils généraux : la suppléante ne peut espérer devenir conseillère générale que s’il arrive malheur au titulaire ou s’il est promu au Gouvernement ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ou l’inverse !
M. Jean-Pierre Sueur. Certes, monsieur le président, mais l’inverse est beaucoup moins fréquent, vous me le concéderez.
Je dois le confesser, je n’ai rien compris aux propos de M. Mercier, et j’espère que notre amitié n’aura pas à en souffrir. En revanche, je comprends bien notre Constitution, qui prévoit, depuis 1999, « l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». Voilà qui est clair !
Mon quatrième argument est tout à fait limpide. Après avoir lu l’excellent et lumineux article de notre ami Guy Carcassonne…
M. Gérard Longuet. C’est notre ami à tous !
M. Jean-Pierre Sueur. … paru dans le journal Libération et traitant du mode de scrutin que vous proposez, je m’étonne que vous persistiez !
M. Patrice Gélard. Oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous verrons ce qu’en dira le Conseil constitutionnel !
Il est clair qu’un mode de scrutin permettant d’être élu avec 23 %, 22 % ou même 21 % des suffrages – puisque c’est le candidat ou la liste qui arrive en tête qui est élu – est profondément injuste. Il permet en effet à un représentant d’une minorité d’être élu et, éventuellement, de gouverner. Or, selon un principe constant dans notre République, les élus représentent la majorité du corps électoral.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est pourquoi, qu’il s’agisse de proportionnelle ou de scrutin uninominal, les deux tours garantissent la bonne représentation de la majorité des citoyens.
En 1873, le député Savary – un homonyme de notre ami Alain Savary, pour lequel nous avions aussi beaucoup de respect –, défendant à la tribune de l’Assemblée nationale le scrutin à deux tours, déclarait ceci : « Il me suffit aujourd’hui de constater, avec l’appui de presque tous les précédents législatifs, avec l’opinion de tous les publicistes, avec celle du public tout entier, que la règle fondamentale du Gouvernement représentatif est que les élus représentent la majorité du corps électoral, et que, s’ils ne représentent que la minorité,… » – ce que vous voudriez, monsieur le ministre ! – « …l’existence du Gouvernement représentatif, les droits des Assemblées délibérantes ont perdu leur raison d’être. Je dis que se contenter d’élections de minorité,… » – ce que vous voulez ! – « …c’est faire une œuvre contraire au but même du Gouvernement représentatif ; que les droits que nous apportons tous dans cette enceinte dérivent du mandat que nous a donné la majorité… » – et non pas une minorité ! – « …de nos concitoyens ; que les décisions des Assemblées n’ont de valeur que parce que ces Assemblées représentent l’opinion de la majorité du pays exprimée par des électeurs libres et non celle d’une fraction… » – ce que vous voulez ! – « …qui constituerait une minorité plus ou moins considérable. »
Voilà ce que disait un grand républicain. Avec beaucoup d’autres, il a fondé l’idée républicaine selon laquelle il n’y a de République que si c’est la majorité qui s’exprime ! (Mme Odette Herviaux applaudit.)
Votre texte est gravement inconstitutionnel ; il est contraire au principe d’égalité. Nous ne pouvons y souscrire. (M Bernard Frimat applaudit.) J’espère vraiment que cette loi ne verra jamais le jour ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
J’en viens enfin au comble de la bizarrerie : le mode de scrutin auquel vous pensez pour les éventuels conseillers territoriaux. Hier, Jean-Pierre Bel, Jean-Claude Peyronnet et moi-même avons exposé votre système à un ensemble de journalistes ; ils nous ont demandé de le réexpliquer une seconde fois tant il leur paraissait complexe !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais vous, est-ce que vous l’aviez compris ?
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne sais pas, monsieur le ministre, si vous allez exposer ce système dans le département de l’Yonne, mais je vous assure qu’il est très difficile à comprendre.
À l’article 1er de l’éventuel futur projet de loi, au sein du chapitre II consacré au mode de scrutin, l’article L. 190-5 du code électoral fixerait ainsi la répartition des sièges entre les listes : 80 % des élus seraient désignés au suffrage uninominal et 20 %, au suffrage proportionnel. Comment seraient choisis ces 20 % élus au suffrage proportionnel ? La réponse nous est fournie à l’article L. 190–6 : « La répartition des sièges entre les listes s’effectue à la représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort reste, en fonction du nombre de suffrages obtenus dans chaque canton… » – écoutez bien, mes chers collègues, car c’est là que les choses se compliquent singulièrement – « … par ceux des candidats non élus au mandat de conseiller territorial. »
Autrement dit, il s’agit d’une proportionnelle totalement faussée puisque ne sont pris en compte que les votes exprimés en faveur de ceux qui n’auront pas été élus au scrutin uninominal.
Au début, je dois l’avouer, je n’arrivais pas à croire que vous pouviez proposer quelque chose d’aussi tordu ! J’ai lu, j’ai relu, j’ai essayé de comprendre. C’est très clair : les conseillers territoriaux qui seront élus à la proportionnelle le seront grâce aux suffrages qui ne se seront pas portés sur eux pour être élus au mandat de conseiller territorial !
Dans le vocabulaire gouvernemental, ces suffrages deviennent « utilement exprimés » – je vous renvoie à l’étude d’impact –, alors qu’ils n’ont pas été assez nombreux pour faire élire un candidat.
Inversement, les électeurs qui ont désigné un candidat au scrutin uninominal qui a été élu ne pourront pas prendre part au scrutin proportionnel : leurs votes ne seront pas comptabilisés ; leurs voix deviendront inutiles.
M. Yannick Bodin. Si c’est pour simplifier, c’est très réussi !
Mme Nicole Bricq. Quelle habileté extraordinaire !
M. Guy Fischer. C’est la transparence !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je mets au défi quiconque de défendre un tel système devant notre Haute Assemblée ou où que ce soit. Ce système est byzantin, biscornu et tarabiscoté !
M. Guy Fischer. Il est tordu !
M. Jean-Pierre Sueur. Le Conseil d'État précise d’ailleurs : « Le mode de scrutin retenu n’apparaît pas de nature à garantir l’établissement d’une majorité stable [et il] peut, en outre, permettre qu’une liste ayant recueilli au niveau régional moins de voix qu’une autre puisse néanmoins obtenir plus de sièges qu’elle… »
Mes chers collègues, voilà un système incompréhensible ! Mais peut-être produit-il, d’après les calculs de certains, notamment de M. Marleix, quelques résultats politiques intéressants… Eux seuls le savent ! Quoi qu’il en soit, le Conseil d'État a été très clair : tout cela est lourdement inconstitutionnel.
M. Patrice Gélard. Mais non !
M. Jean-Pierre Sueur. Tels sont, mes chers collègues, les cinq motifs pour lesquels nous vous demandons de voter la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Monsieur Sueur, j’ai écouté votre exposé avec attention et je reconnais que, sur la forme, il fut brillant. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Sur le fond aussi !
M. Jean-Patrick Courtois. Cela étant, permettez-moi de vous le dire, vous vous trompez de débat et de texte. Vous m’avez fait penser à un acteur qui se croirait à une avant-première alors que la répétition générale serait prévue six mois plus tard ! Tout au long de votre propos, en effet, vous avez traité exclusivement du mode de scrutin retenu pour l’élection des conseillers territoriaux, ce dont il n’est nulle part question dans le présent projet de loi !
M. Yannick Bodin. Pour nous, si !
M. Guy Fischer. C’est l’Arlésienne !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le présent texte n’a qu’un objet : assurer la concomitance des élections aux conseils généraux et aux conseils régionaux. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Martial Bourquin. Et pour faire quoi ?
M. Yannick Bodin. Avez-vous lu l’étude d’impact ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je vous mets d’ailleurs au défi d’y trouver ne serait-ce qu’une seule fois les termes « conseiller territorial » !
M. Michel Boutant. Ils figurent dans l’exposé des motifs !
M. Yannick Bodin. Ne vous moquez pas de nous, monsieur le rapporteur !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Mais je ne moque pas de vous ! Laissez-moi finir mon propos !
M. Yannick Bodin. Quel est le véritable objet du projet de loi ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je l’ai expliqué tout à l’heure : s’il est vrai que la concomitance des élections cantonales et régionales est la condition nécessaire pour permettre la création des conseillers territoriaux et leur élection,…
M. Yannick Bodin. Voilà !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. … ce n’est pas pour autant une condition suffisante. Or, vous le savez comme moi, il faut une condition à la fois nécessaire et suffisante.
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Seule la première partie de l’équation est satisfaite. Il est effectivement nécessaire que le mandat des conseillers généraux et celui des conseillers régionaux s’achèvent tous deux en mars 2014.
Mme Évelyne Didier. Évidemment ! Sinon, cela n’aurait aucun intérêt !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Posons la question à l’envers : que se passera-il si le Parlement, une fois qu’il aura adopté ce projet de loi, ne vote pas celui qui vise à instituer le conseiller territorial ? Eh bien, en 2014, auront lieu des élections cantonales et des élections régionales selon le mode de scrutin actuel.
Avec le texte qui nous est soumis aujourd'hui, le Gouvernement ne prévoit rien d’autre que la fin simultanée, à cette échéance, des mandats de conseillers généraux et régionaux, condition nécessaire, mais non suffisante, à la création des conseillers territoriaux. C’est pourquoi je le soutiens.
M. Guy Fischer. Il n’a rien compris !
M. Martial Bourquin. Ou alors il nous prend vraiment pour des demeurés !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Telles sont les raisons pour lesquelles j’invite la Haute Assemblée à rejeter cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. (M. Robert del Picchia applaudit.)
Quant aux autres arguments avancés, aussi légitimes soient-ils, il nous appartiendra de les examiner lorsque le projet de loi n° 61, relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, viendra en discussion.
Mme Christiane Demontès. Pourquoi ne pas tout faire en même temps ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Mes chers collègues, le problème qui nous est posé aujourd'hui est on ne peut plus clair : assurer la concomitance des renouvellements des conseils généraux et régionaux. Par conséquent, je vous demande de rejeter massivement la motion présentée par M. Sueur ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. Il n’y a pas de quoi applaudir !
M. Yannick Bodin. C’est ce qu’on appelle le courage politique !
M. Robert del Picchia. Écoutez, vous comprendrez !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai, comme tout un chacun, écouté avec la plus grande attention les interventions des différents orateurs lors de la discussion générale ainsi que les propos tenus à l’instant, avec son talent coutumier, par M. Jean-Pierre Sueur.
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, tout au long de cet après-midi, vous avez répété, comme un leitmotiv, la même critique : elle porte sur l’ordre dans lequel nous soumettons les quatre textes à la discussion parlementaire. Je vous reconnais ce droit.
M. Jean-Jacques Mirassou. Encore heureux !
M. Henri de Raincourt, ministre. Mais je vous demande d’accepter, en retour, que nous ayons notre propre cohérence,…
M. Martial Bourquin. Laquelle ?
M. Henri de Raincourt, ministre. … qui justifie l’ordre que nous avons choisi.
Si chacun est libre de s’exprimer comme il l’entend, personne ne peut ignorer de quoi il sera question dans ces quatre projets de loi puisque le Gouvernement les a déposés sur le bureau du Parlement.
M. Martial Bourquin. Pourquoi un tel saucissonnage ?
M. Henri de Raincourt, ministre. Nous avons décidé de procéder ainsi pour de simples raisons de calendrier, que je tiens à rappeler.
Au mois de janvier prochain, nous débattrons de l’architecture de la réforme proprement dite. C’est à ce moment-là que nous engagerons la réflexion sur la répartition des compétences, en associant étroitement les parlementaires, les associations d’élus et, bien évidemment, en nous inspirant très largement du travail accompli, ici même, par la mission Belot, à laquelle je veux, à mon tour, rendre hommage.
Avant l’été, viendra l'examen du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale. Il se trouve que, au même moment, nous aurons sans doute un autre rendez-vous, si, comme il n’est pas interdit de le penser, l’instauration d’une « clause de revoyure » relative aux conséquences de la suppression de la taxe professionnelle, dont le principe a été accepté dans le cadre de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2010, est entérinée par l’adoption définitive de ce texte, prévue dans les tout prochains jours.
Par conséquent, les choses sont parfaitement actées.
M. Martial Bourquin. Mais coupées en tranches !
M. Henri de Raincourt, ministre. Tout se déroulera selon un calendrier cohérent, qui ménage, à chaque étape, la capacité pleine et entière du Parlement d’aller au bout de sa réflexion et de proposer toutes les modifications qu’il souhaite.
M. Martial Bourquin. Il n’y a aucune cohérence !
M. Henri de Raincourt, ministre. Monsieur Sueur, le présent projet de loi a justement été présenté dans le but de nous conformer aux exigences constitutionnelles de sincérité du scrutin.
Tout au long de votre propos, vous vous êtes quasiment érigé en juge constitutionnel. C’est votre droit le plus strict, mais force est de constater que vous vous êtes en permanence référé au Conseil constitutionnel !
M. Martial Bourquin. S’agissant d’une exception d’irrecevabilité, quoi de plus normal ?
M. Robert del Picchia. Il espère y siéger un jour !
M. Henri de Raincourt, ministre. Laissez-le donc travailler tranquillement : il rendra, comme il en a l’habitude, ses décisions en toute indépendance, et je peux vous assurer que le Gouvernement, cela va de soi, s’y conformera.
Ce texte est en outre très proche de l’une des propositions contenues dans le rapport présenté par le comité présidé par l’ancien Premier ministre M. Balladur, auquel un certain nombre d’entre vous ont participé, en particulier M. Longuet. (M. Gérard Longuet opine.)
Il permettra également la tenue simultanée, en mars 2014, des élections municipales et des élections des conseillers territoriaux, ce qui, à nos yeux, sera un gage de simplification et de clarté pour les électeurs, de nature à renforcer le taux de participation.
Il aura aussi l’avantage de ne pas trop affecter l’exercice des mandats locaux et leur durée, de maintenir un décalage, selon nous nécessaire, entre les élections locales, d'une part, et les élections nationales, d'autre part, afin que les enjeux électoraux respectifs soient bien identifiés.
Il mettra fin au renouvellement triennal par moitié des conseils généraux,…
M. Gérard Longuet. Ce qu’a toujours demandé la gauche !
M. Henri de Raincourt, ministre. … conformément, me semble-t-il, au souhait exprimé, à droite comme à gauche, par de nombreux élus, notamment parlementaires.
Il permettra enfin d’harmoniser le calendrier électoral avec les échéances du Sénat.
J’ajoute que l’Assemblée des départements de France, dans une résolution publiée en décembre 2008, a proposé que les « conseillers généraux élus en 2011 le soient pour trois ans,…
M. Gérard Longuet. Absolument !
M. Henri de Raincourt, ministre. …et qu’en 2014 intervienne un renouvellement intégral sur la base de cantons regroupés ».
M. Yves Krattinger. « Redécoupés » !
M. Henri de Raincourt, ministre. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement invite le Sénat à rejeter cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Robert del Picchia. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je n’ai pu manquer de relever dans vos propos respectifs, que j’ai écoutés attentivement, une contradiction manifeste.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Non !
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le ministre, vous avez souhaité mettre en avant la volonté du Gouvernement d’agir dans la transparence, en insistant sur le fait que celui-ci avait transmis les quatre projets de loi au Parlement.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je n’ai pas dit le contraire !
M. Jean-Claude Peyronnet. Je répète ce que j’ai déjà souligné lors de la discussion générale : comment ne pas voir qu’une discussion générale programmée, comme ce fut le cas cet après-midi, pour durer trois heures constitue une incitation évidente à parler du tout et non pas d’un seul texte ? C’est d’ailleurs ce que vous-même avez fait !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vous qui avez demandé ces trois heures de discussion !
M. Jean-Claude Peyronnet. C’est ce qu’a également fait M. Sueur, et il a eu raison !
Monsieur le rapporteur, vous avez donc eu tort de nous inviter à nous cantonner au présent projet de loi. En réfutant les arguments développés par M. Sueur, vous en avez d’ailleurs oublié un : la virtualité qui s’attache très précisément à ce texte. Nous aimerions donc avoir votre opinion sur ce point.
Les cinq arguments que mon collègue a développés sont très convaincants ; celui qui porte sur le mode de scrutin est même excellent, car il n’est tout de même pas acceptable que des élus soient désignés avec seulement 20 % des voix !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela arrive déjà aujourd'hui !
M. Jean-Claude Peyronnet. C’est en outre contraire à la tradition républicaine, qui a pris un tel poids qu’elle en est devenue constitutionnelle, pour reprendre l’argument développé par Guy Carcassonne et auquel nous souscrivons totalement.
À vrai dire, il est difficile de faire plus baroque ! Avec un tel dispositif, les 20 % des sièges restants seront attribués à des candidats figurant sur certaines listes. Or il n’y aura pas eu un vote formel des électeurs, sauf à procéder de la façon envisagée dans l’étude d’impact : les bulletins de vote devront comprendre le nom du candidat, ainsi que celui de son suppléant ou de sa suppléante, et indiquer s’il est rattaché à une liste présentée par un parti au niveau régional. Cela semble totalement impraticable !
Il convient donc d’apprécier à leur juste valeur les arguments à la fois lumineux et pleins de poésie avancés par Jean-Pierre Sueur.
Reste la question de la parité. Sur ce point également, je souscris à l’argumentation de Jean-Pierre Sueur. M. Marleix, que j’ai bien écouté, nous a dit en substance que le nouveau scrutin prévu pour les petites communes, loin de remettre en cause la parité, allait au contraire multiplier le nombre de candidates et de femmes élues. Mais l’exigence de parité ne s’arrête pas là : cette dernière doit être respectée à chaque niveau de collectivité.
Mmes Michèle André et Christiane Demontès. Partout !
M. Jean-Claude Peyronnet. Ce système laisse une drôle d’impression : les femmes seraient compétentes pour s’occuper de l’aide sociale dans des communes de 600 habitants, mais pas pour figurer en nombre égal à celui des hommes dans des assemblées chargées d’établir la programmation des investissements ou de réfléchir aux problématiques de l'ensemble d’une région. Comme si elles n’en étaient pas dignes ou que ces sujets leur passaient au-dessus de la tête !
De ce point de vue, l’interprétation donnée par M. Marleix ne peut nous satisfaire.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voterons bien sûr la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la majorité du groupe du RDSE votera la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Certes, monsieur le ministre, vous nous avez fait un brillant exposé, ce qui ne nous étonne guère tant vous êtes rompu aux joutes oratoires. Le problème, c’est qu’il semble en relative contradiction avec le vôtre, monsieur le rapporteur. Pour employer une expression familière, j’ai envie de vous dire : « Accordez vos violons ! » (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Pour le moment, cela n’a pas l’air d’être le cas !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Mais si !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est une symphonie ! (Sourires.)
M. François Fortassin. En effet, avec ce texte, on va arriver à une situation totalement surréaliste, qualifiée de « baroque » par notre collègue Jean-Claude Peyronnet, puisque des conseillers territoriaux seront élus alors même qu’ils n’auront pas été désignés par un seul électeur !
Mme Michèle André. C’est magnifique !
M. François Fortassin. Avec un scrutin proportionnel ne prenant en compte que les voix des candidats battus au scrutin majoritaire, tel ou tel pourra siéger au conseil général ou au conseil régional, voire, comme cela a été dit, en être le président, sans jamais avoir vu un seul électeur pendant toute la campagne ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.) C’est une grande première dans la République !
Mme Christiane Demontès. Sarkozy l’a fait !
M. François Fortassin. Cela, vous ne pouvez pas le passer par pertes et profits !
Voilà pourquoi nous voterons cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je soutiendrai la motion défendue par notre collègue Jean-Pierre Sueur, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, les réponses qui nous ont été apportées par le Gouvernement ne sont pas convaincantes. Tout le monde s’accorde à le dire, ce projet de loi fait partie d’un ensemble de textes relatifs aux collectivités territoriales. Mais celui-ci, qui vient en amont, est présenté séparément et anticipe précisément le débat concernant la réforme des collectivités territoriales. Or ce projet de loi ne vaut que si les autres textes constitutifs de la réforme sont votés par le Parlement. Il est donc aberrant de nous demander de le voter, c’est-à-dire de considérer que nous allons procéder à cette réforme alors que nous sommes nombreux à ne pas en vouloir, tant parmi les élus que parmi nos concitoyens, qui estiment, si j’en crois les résultats des enquêtes réalisées, qu’elle ne va pas dans le bon sens et est, pour l’instant, absolument incompréhensible.
Ensuite, je veux parler du mode de scrutin.
Mme Jacqueline Panis. Ça suffit !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, vous n’avez eu de cesse de souligner, tout comme les ministres présents tout à l'heure, que, contrairement à nos affirmations – ce qui n’est pas tout à fait vrai d’ailleurs ! –, cela faisait un an que nous débattions de la réforme des collectivités territoriales. Si nous l’avons fait, c’est de façon très éparpillée et sous des formes très diverses !
Il y a d’abord eu les propositions du comité Balladur, qui a d’ailleurs consulté les partis politiques. Ensuite, a été élaboré un projet de loi. Puis, a été instituée la mission sénatoriale temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, avec l’objectif de formuler des propositions, mais qui a été complètement occultée. Enfin, vont nous être soumis successivement, mais avec des intervalles assez longs, quatre projets de loi, celui-ci étant le premier.
En revanche, s’il est une question que nous n’avons pas du tout discutée, ni de manière formelle ni de manière informelle, c’est bien le mode de scrutin pour l’élection des conseillers territoriaux ! Cette question nous est tombée sur la tête comme une tuile,…
Mme Jacqueline Panis. Non !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … une tuile venant en fait directement de l’Élysée, je suppose !
C’est absolument inacceptable parce que cela remet en cause la tradition républicaine – je dis bien « républicaine » ! – de ce pays ! Comme l’a indiqué M. Balladur, le scrutin uninominal à deux tours a été introduit en 1852. En tout cas, depuis l’instauration de la République, nous n’avons pas connu d’autre mode de scrutin, si ce n’est le scrutin à la proportionnelle, qui est plus démocratique ! Mais il n’y en a pas eu de moins démocratique ! En l’espèce, il s’agit donc d’une première dans la République ! Cela mérite donc tout de même discussion !
MM. Jacques Blanc et Robert del Picchia. Hors sujet !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous aurions tous tort – vous aussi, chers collègues de la majorité ! – de nous laisser aller, sans en débattre de manière très approfondie, à accepter ce mode de scrutin qui est franchement antidémocratique ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Mes chers collègues, nous avons tous en commun un grand intérêt pour les collectivités locales, qui structurent notre pays et ont donné à la République cette résistance, cette plasticité, cette réactivité qui la rendent forte dans les moments d’épreuve.
Sans revenir sur la loi Tréveneuc, je voudrais simplement rappeler que la République est forte de ses collectivités locales. À droite comme à gauche, me semble-t-il, nous avons le sentiment qu’il ne serait pas inutile de simplifier et de clarifier leur fonctionnement.
En revanche, ce qui divise la majorité et l’opposition, c’est que, pour notre part, nous considérons qu’il ne s’agit plus d’un sujet de colloque. En effet, il convient désormais de décider et de proposer à nos compatriotes de nouvelles règles du jeu.
Cher Jean-Pierre Sueur, je vous ai écouté avec beaucoup d’intérêt défendre la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité en invoquant l’inconstitutionnalité de ce texte.
Vous êtes universitaire, et si, en tant qu’universitaire, j’avais eu à juger votre copie – mais je m’en garderai bien, car je n’ai pas ce privilège ! –, j’aurais sans doute inscrit dans la marge : « Intéressant, mais hors sujet ! »
Mme Jacqueline Panis. Absolument !
M. Gérard Longuet. La majorité sénatoriale a la conviction profonde de devoir réformer les collectivités locales selon deux grands systèmes : un système de proximité, le bloc communal et intercommunal, et un système d’aménagement et d’organisation du territoire, aux niveaux départemental et régional. Pour assurer à ce système territorial une certaine cohérence, nous voulons instituer un grand rendez-vous pour les élections locales, comme il en existe un, sur le plan national, avec l’élection présidentielle et les élections législatives. C’est tout ce que prévoit ce projet de loi, mon cher collègue !
Nous fixons un rendez-vous commun pour l’ensemble des collectivités locales, en laissant ouvert l’ensemble du dispositif, et ce pour une raison très simple. Contrairement à ce que vient d’affirmer Mme Borvo Cohen-Seat, nous construisons la loi ici même.
M. Martial Bourquin. Non !
M. Gérard Longuet. Certes, la majorité sénatoriale est solidaire du Président de la République,...
M. Martial Bourquin. Il décide tout !
M. Gérard Longuet. … et du Gouvernement. Mais je vous rappelle tout de même que c’est précisément dans cette enceinte qu’a été décidé le remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Hors sujet !
M. Gérard Longuet. Le texte issu de nos travaux n’est tout de même pas strictement identique à celui que Mme Lagarde, avec tout le respect que nous avons pour elle, nous avait présenté en septembre dernier.
De la même façon, pour ce qui concerne la réforme des collectivités territoriales, nous devrons réfléchir et apporter des réponses qui dépendront, pour certaines, du texte portant sur les compétences, en évitant le risque de tutelle et en prévoyant une certaine souplesse. (Marques d’ironies sur les travées du groupe socialiste.) Chacun doit simplement prendre sa part de responsabilité. Mais je n’aborderai pas cette question au fond en cet instant, me contentant d’évoquer la parité.
Naturellement, nous sommes attachés à la parité (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), et M. Marleix a d’ailleurs annoncé une avancée pour les petites communes à partir de 500 habitants.
Pour avoir été président de région pendant douze ans, je sais que nous devrons œuvrer en faveur de la parité dans les assemblées territoriales que seront les assemblées des départements et des régions. En la matière, on peut apporter des réponses.
Faudra-t-il faire évoluer le mode de scrutin ? Sans doute.
Mme Michèle André. Voilà !
M. Gérard Longuet. Faudra-t-il innover ? Assurément.
Certains d’entre nous préconisent, par exemple, de sanctionner la parité dans un scrutin uninominal. Mais nous l’avons constaté lors des élections législatives, une sanction financière n’apporte pas grand-chose.
À l’instar de ce que suggère mon éminent collègue de l'Assemblée nationale Jean-François Copé pour les conseils d’administration des sociétés du CAC 40, rien ne nous interdit de prévoir dans la loi que les exécutifs devraient réserver un certain nombre de places à des femmes. Après tout, pourquoi pas ? C’est une hypothèse, qui pourra être évoquée durant le débat.
Mme Jacqueline Panis. Oui !
M. Gérard Longuet. Le débat durera non pas quelques semaines, mais plusieurs mois, car nous devons reconstruire ensemble le système des collectivités locales.
Aujourd'hui, nous proposons simplement que tout soit prêt pour le rendez-vous de 2014. En cet instant, rien n’est définitivement vissé parce que l’exécutif respecte le Parlement, notamment la compétence du Sénat, première assemblée à être consultée sur ce sujet.
Il est tout à fait vraisemblable que nous trouverons ensemble – ou la majorité seule ! – les solutions de bon sens que réclame notre pays aux questions que vous avez posées. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Philippe Adnot. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. À mon grand regret, mon cher collègue, je ne puis vous donner la parole pour explication de vote sur cette motion puisque, ainsi que je l’ai bien précisé tout à l'heure, en cette circonstance, la parole ne peut être accordée pour explication de vote qu’à un représentant de chaque groupe. Or vous faites partie de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe. J’en suis désolé, mais je ne fais qu’appliquer le règlement.
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je me dois d’être extrêmement précis afin d’éviter toute confusion.
Mes chers collègues, je vous rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable sur cette motion n° 1 tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement. Ceux qui souhaitent voter pour mettront dans l’urne un bulletin blanc ; ceux qui souhaitent voter contre, un bulletin bleu ; ceux qui souhaitent s’abstenir, un bulletin rouge.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants. (Rires et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est la transparence !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est bien présidé !
M. Robert del Picchia. Si cela avait été présidé comme cela hier, il n’y aurait pas eu de problème !
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 108 :
Nombre de votants | 336 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 151 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
11
Nomination de membres d'organismes extraparlementaires
M. le président. Je rappelle que la commission des affaires sociales et la commission des finances ont proposé des candidatures pour deux organismes extraparlementaires.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées, et je proclame Mme Annie Jarraud-Vergnolle membre du Comité d’évaluation de l’impact du revenu de solidarité active, créé en application de l’article 2 du décret n° 2009-1112 du 11 septembre 2009, et M. Bernard Angels membre du Conseil d’orientation du service des achats de l’État, créé en application de l’article 5 du décret n° 2009-300 du 17 mars 2009.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Guy Fischer.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
12
Renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux.
Nous en sommes parvenus à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n° 2.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux (n° 132, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, auteur de la motion.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans l’introduction du rapport fait au nom de la commission des lois, notre collègue M. Courtois nous garantit, sans rire, que « l’adoption du présent texte est de nature à préserver la pleine souveraineté du Parlement ».
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Tout à fait, et je vous remercie de m’avoir lu attentivement !
Mme Josiane Mathon-Poinat. M. le rapporteur se sent tout de même obligé de préciser que « l’adoption de ce projet de loi ne ferait en rien obstacle à ce que les assemblées décident finalement, à l’issue de leurs discussions sur le projet de loi portant réforme des collectivités territoriales, de renoncer à créer une nouvelle catégorie d’élus ».
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Tout à fait !
Mme Josiane Mathon-Poinat. D’ailleurs, selon lui, l’instauration future des conseillers territoriaux ne serait qu’un but parmi d’autres de ce projet de loi.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Tout à fait !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Après cette mise en garde, nous pouvons passer à la lecture du premier chapitre, qui s’intitule : « Une concomitance indispensable à la mise en place des conseillers territoriaux et bénéfique pour la démocratie locale ». La mise en garde est donc promptement oubliée...
Deux arguments sont avancés pour nous faire croire que cette réforme n’a pas pour seul but d’entériner l’instauration des conseillers territoriaux avant même que la loi soit débattue : la concomitance des élections cantonales et régionales permettrait, primo, de lutter contre l’abstention et, secundo, de déconnecter les élections locales des élections nationales. Nous allons confronter ces deux arguments à la réalité des faits, et je peux vous dire par avance que, en guise d’arguments, nous n’avons là que des prétextes !
En premier lieu, selon le rapport, la simultanéité des élections cantonales et régionales permettrait « de dynamiser la démocratie locale ». Ainsi, « comme l’affirme le comité pour la réforme des collectivités locales, la concomitance, en rendant les élus plus facilement identifiables par leurs électeurs, “renforcerait [le] poids [de ces élections] dans la vie locale et ne pourrait, en conséquence, que favoriser la clarté des choix démocratiques” ».
Impossible d’apporter le moindre crédit à cette déclaration puisqu’elle ne repose sur aucune donnée tangible et vérifiable. Il ne s’agit que d’une pure déclaration de principe, un lieu commun ne correspondant à aucune réalité statistique, démographique ou politique. Cette affirmation n’est qu’un exercice de rhétorique puisque rien n’empêche d’affirmer le contraire. Pourquoi, en effet, ne pas penser que la concomitance d’élections entraîne inexorablement des effets pervers comme des risques de confusion dans l’esprit des électeurs sur les enjeux propres à chacune de ces élections et des interférences entre les campagnes électorales ?
Il est difficile de trancher, car l’abstentionnisme va chercher ses causes dans des phénomènes bien plus complexes, qui ont plus à voir avec la sociologie de l’électorat qu’avec de simples questions de calendrier. La concomitance ne constitue même pas l’embryon d’une solution. Pour preuve : la simultanéité des élections cantonales et municipales des 9 et 16 mars dernier n’a pas empêché une abstention record.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est le rapport qui permet de conclure plutôt à une absence de lien entre concomitance et participation puisqu’il y est écrit noir sur blanc qu’une telle « corrélation ne révèle pas forcément un rapport de causalité ». Autrement dit, le rapport se contredit lui-même et la seule chose que nous pouvons affirmer est que nul ne sait si la concomitance d’élection a une influence, bonne ou mauvaise, sur la participation.
Deuxième argument avancé dans le rapport : « La nécessité d’une déconnection entre les enjeux locaux et les enjeux nationaux ».
Selon le rapporteur, la proximité dans le temps de scrutins locaux et de scrutins nationaux serait « susceptible de favoriser l’abstention électorale » et de « brouiller les enjeux respectifs de chaque élection ». Mais est-ce réellement le temps qui est responsable de cette confusion ? N’est-ce pas plutôt un choix délibéré du pouvoir politique ?
A priori, cette année, nous ne connaîtrons pas d’autre rendez-vous électoral que les régionales. Or cela n’empêche pas le Président de la République de descendre dans l’arène pour les élections de mars prochain. La feuille de route adressée par ce dernier aux cadres de l’UMP réunis en conseil national à Aubervilliers ne laisse aucun doute : il s’agit de faire tomber les régions tenues par la gauche, qui sont considérées comme autant de contre-pouvoirs à l’action de l’exécutif.
D’ailleurs, tous les responsables de l’UMP ont proclamé que les régionales revêtiront une dimension nationale et constitueront donc un test pour l’Élysée. Rien de surprenant, dès lors, qu’en cette période le pouvoir nous ressorte ses épouvantails électoraux : l’insécurité, l’identité nationale, l’immigration..., autant de thèmes démagogiques et confus permettant de contourner les vrais enjeux, autant d’appels du pied à un électorat d’extrême droite dont les voix seront fort utiles pour ce scrutin.
Mais quid des questions de fiscalité, d’emploi, d’éducation, d’urbanisme, de démocratie, de culture, bref, des réels enjeux locaux ?
Les arguments selon lequel ce projet de loi serait une opportunité pour faire progresser la démocratie locale sont donc totalement irrecevables. Contrairement aux affirmations du rapporteur, l’unique et seul objet du projet de loi est de permettre la création des conseillers territoriaux, rien de plus. L’exposé des motifs de ce texte ainsi que l’engagement de la procédure accélérée l’attestent très largement.
Il est proprement scandaleux de vouloir nous faire entériner les conséquences d’une réforme avant même d’en avoir débattu. Que nous dira-t-on lorsque nous devrons débattre de la mise en place des conseillers territoriaux ? Sans doute que le Parlement a déjà validé le principe en changeant la durée des mandats des actuels conseillers généraux et régionaux ! Le stratagème est quelque peu grossier... Mais peut-être est-ce la seule façon qu’a trouvé le Gouvernement pour faire passer en force une réforme qui n’est même pas voulue par sa propre majorité.
En effet, la future instauration des conseillers territoriaux est l’objet d’une forte contestation, tous bords et institutions confondus. Ainsi, dans une note confidentielle en date du 15 octobre qui a filtré dans la presse, le Conseil d’État lui-même a mis en garde le Gouvernement contre deux dispositions du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux.
L’observation essentielle portait sur le mode de scrutin retenu dans le texte présenté : les magistrats le jugent susceptible de porter atteinte à « la légalité comme à la sincérité du suffrage », s’appuyant sur les « modalités complexes de la combinaison opérée » entre scrutins majoritaire et proportionnel.
Le Conseil d’État précise même que « le mode de scrutin retenu n’apparaît pas de nature à garantir, ni au conseil général ni au conseil régional, l’établissement d’une majorité stable propre à assurer le bon fonctionnement de ces collectivités territoriales ».
Enfin, il estime que ce mode de scrutin « peut, en outre, permettre qu’une liste ayant recueilli au niveau régional moins de voix qu’une autre puisse néanmoins obtenir plus de sièges qu’elle », ce qui a d’ailleurs été rappelé par M. Sueur lors de la présentation de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Certes, l’avis du Conseil d’État n’a qu’une valeur consultative, mais celui-ci est loin d’être le seul à nous alerter quant aux dérives qu’entraînerait cette réforme. Ainsi, de nombreuses femmes politiques, toutes tendances confondues, voient dans le projet de création des conseillers territoriaux un « recul pour la parité » et, là aussi, c’est le choix du mode de scrutin pour élire les futurs conseillers territoriaux qui en est la cause.
Dans un communiqué commun, les présidentes des délégations aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale, Mme Marie-Jo Zimmermann, du Sénat, Mme Michèle André et du Conseil économique, social et environnemental, Mme Françoise Vilain, ont dénoncé ce choix, soulignant que, « dans le cadre des scrutins uninominaux, non soumis à des mesures paritaires contraignantes, les femmes sont toujours sacrifiées par les partis politiques », du moins par certains.
En effet, avec ce nouveau mode de scrutin, 80 % des conseillers territoriaux seront élus au scrutin uninominal majoritaire à un tour, dans lequel les dispositions favorisant la parité sont très peu efficaces puisqu’on élit une seule personne, que ce soit un homme ou une femme. Seuls 20 % des conseillers territoriaux seront élus à la proportionnelle, où la parité est obligatoire. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : dans les conseils généraux, en 2008, seules 12,3 % de femmes ont été élues, alors que, aux élections régionales de 2004, le scrutin de liste à la proportionnelle a permis l’élection de 47,6 % de femmes.
Pour ces raisons, l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes a alerté le 1er avril – et ce n’était pas une plaisanterie ! - le Président de la République et le Premier ministre, dont il dépend, sur le « nécessaire respect de la parité dans l’élaboration de la réforme des collectivités territoriales ». L’Observatoire en « appelle solennellement à la vigilance sur les risques d’une régression en matière de parité entre les femmes et les hommes, induits par la généralisation du mode de scrutin uninominal ». Selon ses propres calculs, la proportion de conseillères passera de 23 % aujourd’hui à 19,6 % avec le nouveau mode de scrutin : il s’agit donc d’un recul net et incontestable.
Cette régression, le cabinet d’Alain Marleix, dont je regrette l’absence en cet instant, ne la conteste d’ailleurs pas. Il affirme même avec un certain aplomb que cette inégalité sera compensée par le renforcement de la présence des femmes au niveau local en abaissant le seuil de la parité aux communes de 500 habitants. Selon M. Marleix, de cette façon, les femmes devraient mécaniquement faire une entrée massive dans les conseils de communauté de communes.
M. Pierre Hérisson. C’est vrai, il y en aura 70 000 de plus !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Il s’agit d’une disposition qui peine à nous convaincre puisque les intercommunalités ne sont soumises à aucune contrainte paritaire. Mais surtout, quel mépris ! Vous venez encore de le prouver, mon cher collègue !
M. Pierre Hérisson. Mais non !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Quel mépris vis-à-vis non seulement des femmes, mais aussi des assemblées parlementaires !
Le pouvoir décisionnel se trouve-t-il au conseil régional ou dans les villages de 500 habitants ? Les femmes ne seraient donc légitimes qu’à œuvrer politiquement au niveau le plus local, pour ne pas dire « microlocal » ? Ne seraient-elles pas capables d’agir au-delà ? Y aurait-t-il, selon M. Marleix et vous-même, puisque vous semblez le suivre, monsieur Hérisson, des différences d’aptitudes intellectuelles, sans doute, politiques, certainement, techniques, peut-être même, suivant que l’on est homme ou femme ?
La misogynie inhérente à ce texte n’est pas le seul grief que l’on peut formuler, mais ce n’est pas l’un des moindres ! Le Gouvernement s’est dit ouvert à un débat sur cette question, mais, dans le même temps, il essaie de faire passer sa réforme en pièces détachées, espérant ainsi la diluer au gré de l’actualité politique. Nous considérons, pour notre part, qu’il est impossible de débattre de ce texte avant même d’avoir résolu la question de la parité et, d’une manière générale, la réforme des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je retiendrai deux parties dans l’argumentation de Mme Mathon-Poinat : la concomitance et la déconnexion.
Tout d’abord, comme je le précise dans mon rapport, force est de constater que, dans les faits, la concomitance a eu des effets bénéfiques sur la participation électorale. En effet, selon les statistiques fournies par le ministère de l’intérieur, le taux d’abstention aux élections cantonales, qui était supérieur à 50 % lors des élections de 1988, a fortement chuté avec l’instauration, en 1992 – à la suite d’une loi adoptée en 1990, c'est-à-dire sous un gouvernement de gauche –, d’élections régionales et cantonales concomitantes, puisqu’elle ne représentait plus que 29,8 % au premier tour, avant de remonter à 40 % environ lors des élections de 1994.
Si cette corrélation n’est pas systématiquement établie, on s’aperçoit que, lorsqu’il y a concomitance, le taux de participation augmente. Je n’y peux rien, ce sont les chiffres !
M. Pierre-Yves Collombat. On n’établit pas une corrélation comme cela !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Mais si !
Ensuite, la nécessité d’une déconnection entre les enjeux locaux et nationaux a été rappelée à plusieurs reprises par notre commission. Dans un excellent rapport sur la loi du 15 décembre 2005 prorogeant la durée du mandat des conseillers municipaux et des conseillers généraux renouvelables en 2007, M. Jean-Jacques Hyest soulignait à l’époque que la « confusion » provoquée par une trop grande proximité dans le temps de scrutins locaux et de scrutins nationaux était « susceptible de favoriser l’abstention électorale » et de « brouiller les enjeux respectifs de chaque élection ».
La mise en place d’une démarcation nette est d’ailleurs reconnue comme un motif d’intérêt général par le Conseil d’État. Cette position a été confirmée par le Conseil constitutionnel en 2005, celui-ci ayant appelé le législateur à modifier le calendrier électoral pour éviter une « concentration de scrutins » préjudiciables à la clarté des enjeux portés par chaque élection.
L’intérêt d’une telle concomitance est donc doublement manifeste. C’est la raison pour laquelle je l’appuie de tout mon poids.
Quant au mode de scrutin, ce que vous avez dit, madame Mathon-Poinat, est tout à fait vrai.
Mme Odette Terrade. Vous le reconnaissez !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je suis prêt à débattre de la parité et du mode de scrutin, mais pas dans le cadre de ce projet de loi ! Dans les six mois qui nous restent…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est du bricolage !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je vous le rappelle, ce projet de loi ne vise pas à organiser l’élection des conseillers territoriaux. S’il est vrai que le mode de scrutin retenu par le Gouvernement pose problème – je suis prêt à le reconnaître avec vous –, il ne nous appartient pas d’en débattre aujourd’hui.
Pour autant, je suis tout à fait prêt à rouvrir le débat au moment de la discussion du projet de loi relatif à la création des conseillers territoriaux. Peut-être pourrons-nous, sans entraver l’action du Gouvernement, trouver un système qui corresponde à une nouvelle inspiration.
Mme Odette Terrade. Comptez sur nous pour vous le rappeler, monsieur le rapporteur !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Sur ce point, je vous fais confiance, ma chère collègue. Les femmes ayant bonne mémoire, les assemblées qui respectent la parité possèdent également cette qualité !
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis très défavorable sur cette motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Mesdames, messieurs les sénateurs, M. le rapporteur vient d’apporter une réponse parfaitement argumentée.
Je souhaite simplement rappeler que ce texte, dont l’objet est de rendre concomitantes les élections régionales et départementales, a le même fondement que la loi du 11 décembre 1990.
À cet égard, permettez-moi de citer des extraits de l’exposé des motifs de ce texte, présenté au nom de M. Michel Rocard, par MM. Pierre Joxe et Jean-Michel Bayet : « L’objectif fondamental du projet de loi est de lutter contre l’abstentionnisme. […] Il convient de faire en sorte que les citoyens soient appelés aux urnes moins souvent, en institutionnalisant l’organisation simultanée de plusieurs consultations générales ».
Ce texte, que je tiens à votre disposition, comportait deux dispositions principales : d’une part, les conseillers généraux sont élus pour un mandat de six ans et, d’autre part, leur élection a lieu en même temps que le renouvellement des conseils régionaux. Le texte que nous examinons aujourd’hui ne prévoit pas autre chose.
S’agissant de la parité, j’ai répondu tout à l’heure à une intervention de Mme Didier. Je le redis de la façon la plus claire possible : avant la discussion du projet de loi électoral relatif aux conseillers territoriaux, le Gouvernement travaillera avec l’ensemble des forces politiques pour régler de façon satisfaisante cette question.
M. Jean-Pierre Sueur. Comment ?
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Sueur, une vieille règle de base, à laquelle, j’en suis sûr, vous êtes fidèle, veut que l’on ne donne pas les conclusions d’un travail avant même de l’avoir commencé !
M. Jean-Pierre Sueur. Comment fait-on avec un scrutin uninominal ?
M. Michel Mercier, ministre. Sur la motion tendant à opposer la question préalable, j’émets le même avis défavorable que la commission. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, nous votons des projets et non pas des brouillons de projets ! « Vous verrez bien, on fera notre possible… » : quelle incontestable modernisation de notre assemblée !
La moindre des choses, c’est de s’engager !
Ce texte comporte certaines dispositions qui auraient pu être acceptées par l’ensemble du Sénat. Je pense notamment au renouvellement simultané des conseils généraux. Mais son couplage avec les élections régionales pose problème, surtout s’il s’agit de mettre en place, comme cela est précisé dans l’exposé des motifs, des conseillers territoriaux dont nous ne savons encore rien ! Leur création sera-t-elle votée par notre assemblée ? Comment seront-ils élus ? Combien seront-ils par département ? Reconnaissez-le, les interrogations en ce domaine sont très nombreuses.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est le Parlement qui vote les lois !
M. Pierre-Yves Collombat. La foi est une vertu théologale qui vous anime très certainement ! Tel n’est pas notre cas ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour explication de vote.
M. François-Noël Buffet. Le groupe UMP, se rapportant aux arguments développés par M. le rapporteur, votera contre cette motion tendant à opposer la question préalable.
Il convient tout de même de rappeler que toutes les associations d’élus locaux ont demandé la concomitance de ces élections,…
M. Pierre-Yves Collombat. Les conseillers généraux !
M. François-Noël Buffet. … qu’elles considèrent comme un excellent principe. Dans son rapport, notre collègue Claude Belot a également demandé son instauration. Cessez donc, chers collègues de l’opposition, de justifier par tous les moyens des positions purement opportunistes ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 2, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je rappelle également que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable sur cette motion.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
M. Pierre-Yves Collombat. Rappelez les couleurs !
M. le président. Je n’y manquerai pas, mon cher collègue !
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement. Ceux qui souhaitent voter pour remettront aux secrétaires un bulletin blanc ; ceux qui souhaitent voter contre remettront un bulletin bleu ; ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
Je vous signale que M. Yvon Collin, président du groupe RDSE délègue, par la présente, le droit de vote du groupe RDSE au groupe Union centriste.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 109 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 151 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté. (MM. Gérard César et Jackie Pierre applaudissent.)
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°3.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, le projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux (n° 132, 2009-2010) (Procédure accélérée).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Alain Anziani, auteur de la motion.
M. Alain Anziani. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le début de l’après-midi, nous procédons à une explication de texte forcenée.
Pour les uns, il faut s’en tenir à la lettre, c'est-à-dire à deux petits articles qui n’emporteraient pas de grandes conséquences.
Pour les autres, il vaut mieux se référer à l’esprit de la loi, qui vise à organiser un grand chambardement territorial en 2014.
Bien entendu, je rejoins ce dernier point de vue, préférant en effet m’inspirer, en digne girondin, des travaux de Montesquieu.
Cet auteur nous dit qu’une loi est toujours le reflet d’autre chose : d’une vision, d’une volonté, d’un projet.
Je me tourne donc vers le Gouvernement : quelle est votre vision, quel est votre projet, quelle est votre volonté, monsieur le ministre ? Il suffit de poser cette question pour en connaître la réponse : le projet, la volonté, la vision de ce texte organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux est de faire place nette pour le conseiller territorial.
C’est l’un des cinq motifs que je vais développer et qui justifient ma demande de renvoi à la commission.
Tout d’abord, nous pourrions, me semble-t-il, en terminer avec ces débats non pas polémiques, mais sans grand intérêt. Assumez votre réforme ! Si de hauts responsables politiques n’avaient pas souhaité engager cette réforme territoriale, nous ne serions pas en train d’examiner ce texte ! Qui peut, en toute honnêteté, le nier ?
Il n’est pas difficile de trouver mention du conseiller territorial, et si le ministre nous rappelait encore tout à l’heure que ce n’était pas là le bon débat, relisez-vous ! Le conseiller territorial est présent dans les douze lignes de ce projet de loi. Il est également présent dans l’exposé des motifs, dès le premier paragraphe, comme le rappelait Jean-Pierre Sueur, où il est précisé que « les conseillers généraux et les conseillers régionaux formeront un ensemble unique d'élus, les conseillers territoriaux ». Le conseiller territorial apparaît aussi tout au long de l’étude d’impact, et seule sa création explique l’emploi de la procédure accélérée.
Permettez-moi de souligner à ce sujet que le Gouvernement, comme chacun l’a noté, s’était engagé à ne pas recourir à cette pratique. Aujourd’hui, vous nous dites que l’urgence électorale permet l’utilisation de cette procédure sur ce texte particulier. Nous pouvons d’ailleurs le comprendre au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En fait, nous ne vous reprochons pas de réduire la durée des mandats – ce n’est pas le débat. Sauf erreur de ma part, le législateur y a procédé à neuf reprises sous la Ve République.
En revanche, j’attire votre attention sur les observations du Conseil constitutionnel au sujet des lois de concomitance. Selon lui, il appartient au législateur de préciser les modalités matérielles d’organisation destinées à éviter toute confusion dans l’esprit de l’électeur. Votre texte permet-il d’éviter toute confusion dans l’esprit de l’électeur ? Je ne le crois pas.
Le deuxième motif de renvoi du texte à la commission se fonde sur une question simple : pourquoi nous proposez-vous cette réforme ? Si nous ne partageons pas ses conclusions, le comité pour la réforme des collectivités locales présidé par Édouard Balladur la jugeait nécessaire car il y aurait trop de collectivités qui coûteraient trop cher.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de relever à nouveau vos contradictions. MM. Brice Hortefeux et Alain Marleix, ou vous-même certainement, nous disent souvent le plus grand bien des travaux du Sénat. Et pourtant ses travaux, notamment le rapport de la mission confiée à notre collègue Claude Belot, s’opposent à vous sur un certain nombre de points. Que dit le rapport Belot ? Qu’il y a trop de collectivités ? Non ! Que ces collectivités coûtent trop cher ? Non !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Qu’il faut mettre en place la concomitance ? Oui !
M. Alain Anziani. Le Gouvernement doit déterminer clairement sa position : ou bien il se rallie aux conclusions du Sénat et cesse d’affirmer que les collectivités sont trop nombreuses et présentent un coût trop élevé ; ou bien il expose d’autres arguments. Je m’interroge donc sur le vrai motif de ce projet de loi. J’attends à ce sujet la réponse du Gouvernement.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La concomitance !
M. Alain Anziani. Monsieur le président Hyest, cessez de dire que ce texte se suffit à lui-même, car ce n’est pas le cas !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si ! Si !
M. Alain Anziani. Mais non ! Peut-être se suffit-il à vous-même, mais selon un dessein qui n’apparaîtra que dans les prochains mois. Pourquoi ?
Ce qui se profile, ce n’est pas un nouvel acte de la décentralisation, que nous appelons pourtant de nos vœux, qui accorderait plus de pouvoirs et de moyens aux collectivités ; ce n’est pas non plus une clarification des missions de l’État, qui ne cesse pourtant d’en appeler au soutien financier de nos régions, de nos départements, de nos intercommunalités ou de nos communes ; ce n’est pas davantage une meilleure lisibilité, qui permettrait à l’électeur d’identifier le rôle de chaque entité. Ce qui se profile, c’est, comme cela a été dit à plusieurs reprises, la confusion institutionnelle. Nous attendons donc que vous nous exposiez, en commission serait le mieux, les raisons de cette réforme et votre vision de la décentralisation.
Le troisième motif de renvoi à la commission, c’est le mode de scrutin. Vous contestez que le Conseil d’État, dans son avis du 15 octobre 2009, ait disjoint la partie du texte portant sur le mode de scrutin du conseiller territorial à un tour avec compensation proportionnelle. L’énoncé seul de la phrase témoigne de la complexité du système ! Selon vous, le Conseil d’État aurait simplement entériné la création du conseiller territorial – M. Marleix l’a dit à plusieurs reprises.
Mais vous êtes maître de la preuve. Monsieur le ministre, si vous voulez nous convaincre sur ce point, il vous suffit simplement de publier cet avis. Vous en avez le pouvoir ! Si vous êtes certain de son contenu, publiez-le et nous nous inclinerons s’il n’évoque pas les risques de porter atteinte à la sincérité du scrutin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Odette Terrade applaudit également.)
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. Alain Anziani. La balle est dans votre camp.
Dans cette attente, constatons simplement que ce mode de scrutin est en rupture complète avec la tradition républicaine française. Vous permettez en effet à un candidat d’être élu avec moins d’un tiers des suffrages. Vous créez l’élu à 30 % des voix, et peut-être à 25 %. C’est une innovation.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela arrive déjà en cas de triangulaire !
M. Alain Anziani. Au-delà, cela a déjà été dit, vous inventez l’élu sans voix, c’est-à-dire l’élu pour lequel personne n’aurait voté. C’est une grande innovation.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est l’idéal !
M. Alain Anziani. Je doute de l’apport de cette innovation à la démocratie.
En outre, vous créez même une nouvelle sorte d’élu, qui est l’élu des perdants. Selon le système proportionnel que vous proposez, l’élu devra remercier non plus ses électeurs, mais ses collègues battus. Dans quelle démocratie vivons-nous ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Ce mode de scrutin porte également atteinte au pluralisme politique, principe qui est reconnu à l'article 4 de la Constitution. Avec un tel système, dont ils pourraient a priori se réjouir, les petits partis seront laminés, y compris à la proportionnelle.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On s’en est aperçu !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous critiquez la proportionnelle ?
M. Alain Anziani. Là encore, vous devez préciser votre pensée. Ce mode de scrutin préfigure le bipartisme. Je doute que tous les membres de cette assemblée approuvent cette évolution.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les socialistes défendant les petits partis, c’est extraordinaire !
M. Alain Anziani. La remise en cause de la parité constitue le quatrième motif de renvoi du texte à la commission. L’étude d’impact consacre seulement deux phrases à ce sujet, rappelant simplement les conséquences de la parité.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ça ne les intéresse pas !
M. Alain Anziani. Vous nous proposez une bien mauvaise cuisine, en confondant le poivre et le sel. Vous nous annoncez que puisque le nombre de conseillers généraux ou de conseillers municipaux dans les communes de plus de cinq cents habitants augmente – tout va très bien, madame la marquise ! –, vous pouvez finalement diminuer la parité. Telle n’est pas notre vision. À nos yeux, la parité est une obligation et non un marchandage ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste. – Mme Odette Terrade applaudit également.)
Enfin, il existe un cinquième motif justifiant le renvoi du texte à la commission : l’absence d’étude d’impact suffisamment précise. Le nouvel article L. 190-2 du code électoral mentionne que « les effectifs de chaque conseil régional et de chaque conseil général sont fixés conformément au tableau n° 7 annexé au présent code ».
M. Jean-Pierre Sueur. Où est-il ?
M. Alain Anziani. Où se trouve ce tableau n° 7 ? Il semble conservé comme un secret d’État au ministère de l’intérieur.
Un sénateur socialiste. Dans un coffre-fort !
M. Alain Anziani. Nous, parlementaires, nous en sommes réduits à nous référer à l’article 14 du projet de loi, selon lequel ce tableau fera l’objet d’une ordonnance, qui interviendra un an après la promulgation de la loi, respectant l’égalité du suffrage, ce qui inclut des bases démographiques et la prise en compte de l’impératif de bonne administration du département et de la région.
Il est aussi possible de quêter les informations dans les commentaires des ministres, au détour d’une phrase. Un jour nous apprenons que finalement il faudra 15 000 habitants par canton, un autre jour, qu’il y aura au moins trois cantons par circonscription législative – ce que M. Marleix a souligné voilà quelques jours lors de la table ronde –, un autre encore, qu’il faudra au minimum quinze élus par département. Franchement, nous sommes dans l’obscurité, et donc dans la confusion la plus complète, alors que vous voulez, paraît-il, apporter de la lumière !
En revanche, si on mêle tous ces critères, on aboutit à une conclusion tout à fait paradoxale. Alors que vous souhaitez diviser par deux le nombre d’élus, vous allez augmenter de façon pléthorique le nombre d’élus aux conseils régionaux. Ceux-ci devront donc s’agrandir…
Mme Maryvonne Blondin. Bien sûr !
M. Alain Anziani. … pour accueillir les nouveaux représentants au sein des hôtels de région.
Vous essayez de nous rassurer en annonçant l’instauration d’une commission ad hoc. Finalement, cela revient à nous dire : ce que vous n’avez pas aimé lors du redécoupage des circonscriptions législatives, vous allez le détester pour le redécoupage des cantons. Merci monsieur le ministre ! (Applaudissements et sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Le vrai motif de la réforme est simple. Jouons cartes sur table. Il s’agit tout d’abord d’affaiblir les collectivités territoriales et, dans un second temps, de renforcer le pouvoir gouvernemental. Il existe une étude d’impact. Il suffit d’appliquer ce mode de scrutin aux dernières élections cantonales et d’étudier le résultat : 10 % des cantons gagnés par une formation reviendraient à la formation qui aujourd’hui soutient ce projet de loi. Telle est la vérité ! (Mme Maryvonne Blondin opine.) Elle ne peut bien sûr pas nous convenir.
Tel sont les cinq motifs que je souhaitais développer, un seul suffit à renvoyer le texte à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je vous ai écouté avec une grande attention, monsieur Anziani. Vous avez développé cinq arguments afin de renvoyer ce texte à la commission. Vous avez notamment critiqué les méthodes de scrutin et les modalités électorales. Mais en fait, monsieur Anziani, un texte à ce sujet est déjà en commission. Il s’agit du projet de loi n° 61, pour lequel la commission des lois a bien voulu me nommer rapporteur. Il sera examiné en temps voulu. Votre vœu est ainsi exaucé : le texte relatif au mode d’élection du conseiller territorial existe. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
Dès lors, je ne vois pas pourquoi nous nous prononcerions sur ce point aujourd’hui. En effet, nous examinons un texte totalement différent, consacré à la concomitance, dont les deux articles ne me semblent pas très complexes. Le premier précise que le mandat des conseillers généraux élus en mars 2011 expirera en mars 2014 et le second, que le mandat des conseillers régionaux et celui des membres de l'Assemblée de Corse élus en mars 2010 expireront en mars 2014.
Examiné en commission des lois, ce projet de loi n’a pas soulevé de problème juridique manifeste. Pour le reste, vous avez satisfaction avec le projet de loi n° 61, qui sera examiné par la commission des lois dans quelques semaines. Aussi, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir repousser cette motion de renvoi à la commission. (MM. François Trucy et Jackie Pierre applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre. J’ai écouté, non sans intérêt, l’habile exposé de M. Anziani. Je rappelle toutefois, comme vient de le faire M. le rapporteur, que, dans un souci de clarté, le Gouvernement a déposé sur le bureau du Sénat trois projets de loi simultanément, afin que le Parlement ait une vision globale des textes tendant à réformer les collectivités locales. C’est un vrai progrès, car, en 1990, l’exposé des motifs du projet de loi présenté par le gouvernement Rocard se terminait par la phrase suivante : « Le Gouvernement déposera en temps utile un projet de loi complémentaire pour organiser les procédures de vote propres aux élections simultanées. »
Aujourd’hui, le Gouvernement vous livre d’emblée ses intentions. Vous en avez donc pleine connaissance, et vous ne pouvez pas nous intenter de procès en la matière.
Je rappelle que le Conseil constitutionnel a reconnu au législateur les pouvoirs les plus larges pour déterminer le régime électoral des assemblées locales et la durée des mandats des élus qui composent l’organe délibérant d’une collectivité territoriale, le Conseil ne se reconnaissant qu’un pouvoir limité d’appréciation dans ce domaine.
Pour ces motifs, je conclurai, comme M. le rapporteur, au rejet de la motion.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 3, tendant au renvoi à la commission.
Afin que les choses soient parfaitement claires, je vous rappelle, mes chers collègues, qu’aucune explication de vote n’est admise.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Voilà !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Règlement, règlement !
M. le président. Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (M. Alain Milon applaudit – Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Thierry Repentin. Rappelez bien les règles, monsieur le président ! (Sourires.)
M. le président. Je vous rappelle que la commission comme le Gouvernement ont émis un avis défavorable sur la motion.
M. Thierry Repentin. S’agit-il de voter contre la motion ou contre le texte ? (Nouveaux sourires.)
M. le président. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement. Ceux qui souhaitent voter pour remettront un bulletin blanc ; ceux qui souhaitent voter contre remettront un bulletin bleu ; ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 110 :
Nombre de votants | 336 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 166 |
Pour l’adoption | 150 |
Contre | 181 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Nous passons à la discussion des articles.
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par MM. Peyronnet, Sueur et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy, Povinelli et Collomb, Mme Alquier, MM. Bérit-Débat, Berthou, Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet, Chastan, Courteau, Daunis, Daudigny et Fichet, Mme Ghali, MM. Guérini, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Patriat, Percheron, Rebsamen, Sergent et Signé, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le code électoral, les mots : « conseiller général » sont remplacés par les mots : « conseiller départemental » et les mots : « conseillers généraux » par les mots : « conseillers départementaux ».
II. - En conséquence, dans l'intitulé du présent projet de loi, remplacer le mot :
généraux
par le mot :
départementaux
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Avant d’aborder, très rapidement, l’amendement n° 5, je tiens à vous indiquer le sens de nos autres amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l’article 1er.
Il nous a semblé important que quelques grands principes soient rappelés et inscrits dans la loi, même s’ils ne sont pas nécessairement présentés selon l’ordre le plus pertinent. Nous souhaiterions même que certains deviennent des principes constitutionnels, comme la parité pour les conseils régionaux ou le fait que le scrutin à deux tours devienne le mode normal de scrutin dans la République. Les autres sont moins fondamentaux, mais ils ne sont pas pour autant dépourvus de sens, et ils concourent à l’identité républicaine.
L’amendement n° 5 concerne le département, plus exactement l’appellation des conseillers généraux et de l’assemblée qu’ils forment.
Je ne rappellerai pas l’histoire des départements ni leur importance. Il me semble que cette vieille institution, née avec la Révolution, rénovée en 1982, a montré toute sa pertinence et son efficacité. Néanmoins, en raison de son appellation, cette assemblée manque toutefois de lisibilité pour la population.
Aux côtés du conseil municipal, qui représente les municipalités, et du conseil régional, qui représente les régions, le conseil général manque de lisibilité pour nombre de nos concitoyens.
La substitution de termes que nous proposons au travers de cet amendement permettrait une meilleure adéquation entre cette assemblée et l’espace au sein duquel elle exerce sa compétence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cette demande de changement d’appellation, déjà ancienne, ne me semble pas opportune aujourd’hui. Elle ne présente qu’un lien ténu avec le présent projet de loi et, de surcroît, lors de l’examen du deuxième projet de loi par la commission des lois, un amendement similaire a fait l’objet d’un avis défavorable.
En conséquence, la commission émet également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Effectivement, cette demande ancienne n’a jamais été satisfaite par le passé.
Elle est par ailleurs dépourvue de tout lien avec ce projet de loi, qui a pour unique objet le calendrier de renouvellement des conseils généraux et régionaux.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Thierry Repentin. Cela devient ridicule !
Mme Josiane Mathon-Poinat. C’est de l’obstruction ! (Sourires.)
M. le président. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Je vous rappelle que la commission comme le Gouvernement ont émis un avis défavorable sur cet amendement.
Ceux qui souhaitent voter pour remettront un bulletin blanc ; ceux qui souhaitent voter contre remettront un bulletin bleu ; ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 111 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 166 |
Pour l’adoption | 149 |
Contre | 182 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, je me suis trompé ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Rappel au règlement
M. Daniel Raoul. Je veux simplement faire remarquer à ceux de nos collègues qui siègent assidûment dans cet hémicycle que, depuis le début de cette session parlementaire, et même depuis bien des années, le nombre de scrutins publics a atteint un niveau inégalé.
Nous ne pouvons pas continuer ainsi. Messieurs de la majorité (Mme Catherine Troendle s’exclame)…
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Et les dames ?
M. Daniel Raoul. Madame la sénatrice (Ah ! sur les travées de l’UMP),…
M. Gérard Longuet. Chère collègue !
M. Daniel Raoul. … que ne ferais-je pour vous. (Sourires.)
Chers collègues de la majorité, vous n’avez pas eu le courage de mettre en toutes lettres dans le règlement de notre assemblée les dispositions qui régissent les scrutins publics, car vous savez bien l’avis qu’aurait alors émis le Conseil constitutionnel.
Le débat sur la réforme de La Poste l’a montré : il n’est pas possible de continuer ainsi. L’examen de ce projet de loi nous a mobilisés jour et nuit – nos nuits ont d’ailleurs été plus belles que vos jours (Sourires) –, y compris le week-end. Aussi, il faudra bien que, un jour ou l’autre, la conférence des présidents ou le bureau du Sénat décide de limiter le nombre de scrutins publics pouvant être demandés lors de l’examen d’un texte.
Mes chers collègue, si vous considérez que ce projet de loi est important, qu’il constitue l’alpha et l’oméga de vos réformes, alors mobilisez vos troupes ! Assumez vos projets !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On assume !
M. le président. Monsieur Daniel Raoul, acte vous est donné de votre rappel au règlement.
La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Monsieur Raoul, permettez-moi de vous faire remarquer que, au moment où je parle, nous sommes numériquement majoritaires.
M. Daniel Raoul. Depuis cinq minutes !
M. Robert del Picchia. Si nous avons demandé un scrutin public, c’est parce que nous considérons que cet amendement est important et que nous voulons que soit mentionnée au Journal officiel la liste nominative de ceux qui ont voté pour ou contre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Un sénateur socialiste. Vous faites voter des fauteuils vides !
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Je souhaite simplement poser une question : ceux de nos collègues de la majorité qui ont mal voté seront-ils punis par la suite ? (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet.
M. François-Noël Buffet. Je souhaite simplement apporter une réponse : nous avons le sens du pardon ! (Sourires sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Articles additionnels avant l'article 1er (suite)
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le mode de représentation proportionnelle garantit le pluralisme et la parité dans les assemblées élues.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous savons bien que la parité et le pluralisme politique, pourtant inscrits dans la Constitution, ont exigé de nombreux combats pour être appliqués. Pourtant, nous sommes loin du compte.
Pour justifier la dose de proportionnelle, il est pourtant affirmé, dans l’exposé des motifs du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux, qu’il « n’était pas possible d’effacer les acquis du scrutin proportionnel, qui favorise la parité et la représentation des différentes sensibilités politiques ».
Nous voulons donc dire une nouvelle fois qu’il est urgent de faire en sorte que nos concitoyens se sentent enfin représentés à tous les niveaux et de mettre fin au divorce qui existe entre eux et leurs institutions. Cela suppose de reconnaître le peuple dans toute sa diversité. Il faut donc que les femmes cessent d’être majoritairement écartées d’une partie des assemblées élues et que soient combattues toutes les tentatives de bipartisme.
Or seul le scrutin à la proportionnelle permet d’assurer une juste représentation du corps électoral. Il permet d’assurer l’égalité des voix, et donc celle des citoyens, devant les choix politiques. Nous défendons donc son instauration à toutes les élections, d’une façon adaptée à chacune d’entre elles.
Agiter la menace de la place que ferait la proportionnelle à l’extrême droite et une incapacité du peuple à faire des choix conformes à ses intérêts est illégitime. Ce n’est pas la reconnaissance du pluralisme dans les assemblées qui provoque des crises ; c’est l’inadéquation d’un système politique qui reconnaît avant tout les « élites » et décide contre l’intérêt du peuple ; ce sont les promesses non tenues ; ce sont les politiques qui valident les idées d’extrême droite et leur permettent de faire leur entrée dans les esprits et dans les assemblées.
De même, sont irrecevables les arguments fondés sur la « gouvernabilité ». Les conseils municipaux, les conseils régionaux en font la preuve.
La démocratie n’est pas l’adversaire de l’efficacité des choix et de leur mise en œuvre ; elle en est le socle.
Mais la déformation systématique de la représentation populaire ne vise-t-elle pas à maintenir les « solutions » politiques aux problèmes d’aujourd’hui sous le contrôle du pouvoir ? Il est temps d’y remédier.
Mme Odette Terrade. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement dispose que « le mode de représentation proportionnelle garantit le pluralisme et la parité dans les assemblées élues ».
Dépourvu de valeur normative et de lien avec le présent texte, il ne saurait être adopté. Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet, lui aussi, un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par MM. Peyronnet, Sueur et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy, Povinelli et Collomb, Mme Alquier, MM. Bérit-Débat, Berthou, Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet, Chastan, Courteau, Daunis, Daudigny et Fichet, Mme Ghali, MM. Guérini, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Patriat, Percheron, Rebsamen, Sergent et Signé, Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 337 du code électoral est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La composition des conseils régionaux respecte les principes de la parité. »
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Il s’agit d’un amendement symboliquement très important.
La révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 avait permis, en modifiant les articles 3 et 4 de la Constitution, d’inscrire explicitement qu’il était d’ordre constitutionnel de « favoris[er] l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ».
La loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, qui avait suivi, avait ainsi prévu un dispositif d’incitations et de contraintes pour accroître la proportion de candidatures féminines à la plupart des élections. Nous, socialistes, avons œuvré pour une meilleure représentation des femmes en politique.
À l’époque, déjà, c’est au Sénat que les plus grandes réticences s’étaient exprimées, et pour cause : les sénateurs de la majorité, alors dans l’opposition, estimaient qu’il n’était pas « nécessaire d’imposer des contraintes aussi rigides sur la composition des listes ». On pouvait lire, dans le rapport de Guy Cabanel, que « l’obligation de composition alternée des listes risquait de conduire à imposer l’égal accès plus qu’à le favoriser ».
L’opposition au gouvernement avait alors tenté d’amoindrir la portée de la réforme constitutionnelle. Aussi, il n’est pas étonnant que les réticences, une fois encore, s’expriment sur les travées de la droite.
La loi du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives a permis d’améliorer une nouvelle fois la parité politique en France. Elle s’applique désormais aux membres des exécutifs régionaux et municipaux ainsi qu’à l’élection de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Si les scrutins de liste se prêtent aisément à la promotion de la parité, celle-ci est en revanche plus difficile à favoriser dans les scrutins uninominaux. Ainsi, les conseils régionaux représentent aujourd’hui les seules assemblées, avec les conseils municipaux des villes de plus de 3 500 habitants, où la parité est stricte, grâce au scrutin de liste. Malheureusement, il ne pourra plus en être de même avec le nouveau projet de loi. Les conseillers territoriaux, issus, pour 80 % d’entre eux, de cantons, ne seraient pas astreints à des règles de représentativité paritaire, à l’exception du choix du suppléant.
Nous souhaitons prévenir un retour en arrière, car force est de constater que, malgré l’existence d’un dispositif juridique étoffé permettant d’assurer l’égalité formelle entre les femmes et les hommes, les inégalités persistent et ne se réduisent que très lentement.
Nous considérons qu’il faut aller au-delà d’une simple égalité de principe : il faut réaliser l’égalité dans les faits.
D’ailleurs, n’y aura-t-il pas matière à non-conformité avec les principes de valeur constitutionnelle dès lors que vous choisissez de « mettre en recul » – c’est-à-dire dans une situation de législation « moins favorable » – une disposition de représentativité du corps électoral et de légitimité par votation ?
M. le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales a affirmé plusieurs fois, par voie de presse, que cette réforme allait faire progresser la parité dans nos assemblées locales à partir de mars 2014, et que, de ce fait, elle ne pouvait être considérée comme un recul. Il a déclaré que ce projet de loi prévoit « automatiquement 50 % de femmes de plus dans les conseils municipaux des 13 000 communes de 500 à 3 500 habitants », dont les membres seront élus sur des listes bloquées comprenant obligatoirement une moitié de femmes. Il a même affirmé que cela correspondait à « environ 40 000 conseillères municipales de plus ».
Est-ce à dire, monsieur le ministre, que les femmes ne seraient compétentes que pour les tâches communales, cependant que les hommes s’occuperaient des affaires de plus grande importance ? (Oh ! sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. Charles Revet. Ce n’est pas gentil !
Mme Nicole Bonnefoy. Mes chers collègues, la parité est un acquis fondamental de notre République. Pour être certains que vous n’allez pas en dénaturer les principes, nous soumettons cet amendement à votre sagesse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Mireille Schurch applaudit également.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à affirmer que « la composition des conseils régionaux respecte les principes de la parité ».
Outre son absence de valeur normative, il est redondant avec les dispositions actuellement en vigueur, qui prévoient que les conseillers régionaux sont élus selon un scrutin de liste, avec alternance entre des candidats de sexe opposé sur lesdites listes.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Cet amendement est dépourvu de tout lien avec le projet de loi que nous examinons actuellement et ne présente aucun caractère normatif. Aussi le Gouvernement émet-il un avis défavorable.
M. Bruno Sido. Zéro pointé !
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Mes chers collègues, le projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux prévoit l’élection de 80 % d’entre eux au scrutin uninominal majoritaire à un tour, les 20 % restants étant élus sur des listes départementales.
M. Bruno Sido. Ce n’est pas le sujet ! Zéro pointé !
M. Gérard Cornu. Hors sujet !
Mme Bariza Khiari. C’est une régression manifeste pour la démocratie comme pour la parité !
Le scrutin uninominal n’est pas soumis à des mesures paritaires contraignantes. Aux élections cantonales de 2008, 87,7 % d’hommes étaient élus conseillers généraux au scrutin uninominal, contre 12,3 % de femmes seulement. En revanche, le scrutin de liste avait permis, en 2004, l’élection de 47,6 % de conseillères régionales.
Selon les projections établies en fonction des précédentes élections, il n’y aurait donc, en 2014, que 19,3 % de femmes pour 80,7 % d’hommes parmi les futurs conseillers territoriaux.
M. Charles Revet. Ah bon ? Pourquoi ?
Mme Bariza Khiari. Parce qu’il défavorise l’égal accès aux mandats et aux fonctions électives, ce projet de loi est contraire à l’article premier de notre Constitution, aux termes duquel « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ».
Proposé par le Conseil de l’Europe dès 1989, le concept de parité est apparu dans les années quatre-vingt-dix et s’est imposé au monde politique grâce au combat inlassable des féministes européennes.
Colloques, livres, études, articles, pétitions, appels, manifestes ont rappelé, à chaque élection, le grave déficit démocratique que représente l’absence de cette moitié de l’humanité que sont les femmes dans les lieux de décisions.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
Mme Bariza Khiari. En 1996, dix femmes anciennes ministres, cinq de droite et cinq de gauche, interpellaient les responsables politiques français et avançaient sept propositions susceptibles de réduire l’écart qui sépare les deux sexes dans la sphère politique.
Dans les conseils municipaux, les conseils régionaux, au Parlement européen, c’est-à-dire partout où le mode de scrutin le permet, on retrouve désormais plus de 47 % de représentation féminine.
Depuis la loi du 31 janvier 2007, la parité est devenue une exigence pour la désignation des exécutifs régionaux. Seulement, selon nos projections, toutes les femmes élues conseillères territoriales seraient assurées d’être élues vice-présidentes de conseil régional.
Monsieur le ministre, avez-vous pensé à cet effet collatéral ? Considérez-vous qu’il soit raisonnable de « pré-désigner » ainsi les exécutifs ? En outre, si l’on suit la logique du scrutin, cela signifie qu’une femme qui n’aurait reçu aucune voix pourrait devenir vice-présidente du conseil régional, et ainsi déstabiliser son exécutif. Vous le voyez bien, votre système n’est pas tenable sans revenir sur les principes de la parité.
Cet amendement va dans le bon sens : il permet d’inscrire dans la loi que le conseil régional est composé d’un nombre égal d’hommes et de femmes.
Bien évidemment, mes chers collègues de la majorité, nous ne nous faisons aucune illusion : vous ne le voterez pas, parce qu’il mettrait à bas tout votre bel édifice. Reste qu’il nous paraît indispensable de souligner, d’une part, votre hostilité à la parité et, d’autre part, les failles de votre proposition.
Voilà pourquoi nous présentons cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Daniel Raoul. Excellent !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6. (Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste encouragent leurs collègues féminines de l’UMP à voter en faveur de cet amendement.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Yannick Bodin. Vous vous tirez une balle dans le pied !
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par MM. Peyronnet, Sueur et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy, Povinelli et Collomb, Mme Alquier, MM. Bérit-Débat, Berthou, Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet, Chastan, Courteau, Daunis, Daudigny et Fichet, Mme Ghali, MM. Guérini, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Patriat, Percheron, Rebsamen, Sergent et Signé, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de deux semaines suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement qui présente les effectifs prévisionnels des conseils généraux dans chaque département.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Avant que vous ne me disiez que je suis hors sujet, permettez-moi de vous donner lecture du premier paragraphe de l’exposé des motifs du présent texte : « Le projet de loi de réforme des collectivités territoriales prévoit qu’à l’avenir les conseillers généraux et les conseillers régionaux formeront un ensemble unique d’élus, les conseillers territoriaux, siégeant à la fois au conseil général de leur département d’élection et au conseil régional de la région à laquelle appartient celui-ci ».
Il s’agit donc bien des conseillers territoriaux, c’est-à-dire des élus des départements et des élus de chaque département à la région. Il nous paraît logique qu’avant de nous prononcer, nous sachions au minimum combien il y aura de conseillers territoriaux par département.
M. Bruno Sido. On verra !
M. Pierre-Yves Collombat. Voilà maintenant deux ou trois mois que je pose inlassablement la question et que l’on me répond par des palinodies diverses.
M. Bruno Sido. Cela n’a rien à voir !
M. Pierre-Yves Collombat. Ne trouvez-vous pas singulier de ne pas savoir combien il y aura de conseillers généraux dans votre département ?
M. Bruno Sido. Non ! On s’en moque ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. René Garrec. Ce n’est pas le sujet !
M. Pierre-Yves Collombat. Je considère pour ma part qu’il est indispensable de le savoir !
Le ministère semblant rencontrer quelques difficultés pour effectuer ce calcul, nous lui laissons un peu de temps. Notre amendement prévoit en effet que, dans un délai de deux semaines suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui présente les effectifs prévisionnels des conseils généraux dans chaque département.
Ce délai est, j’en conviens, assez court, mais voilà déjà un certain temps que la question est posée. Ce rapport nous permettrait, avant d’entrer dans le cœur de la réforme, le 18 janvier prochain, de savoir où nous allons. Nos discussions y gagneraient en clarté ; tout le monde serait heureux de savoir ce qu’il adviendra de chaque département.
Tel est l’objet de cet amendement de bon sens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à imposer au Gouvernement de déposer, dans un délai de deux semaines après la promulgation de la présente loi, un rapport présentant les effectifs prévisionnels des conseils généraux dans chaque département.
En tant que tel, il entre en conflit avec le projet de loi n° 61, dont l’article 14 prévoit d’habiliter le Gouvernement à redécouper les cantons. Or, cette habilitation pourra être refusée ou encadrée par le Parlement lors de l’examen du projet de loi correspondant. C’est donc à ce moment-là que la question soulevée par cet amendement pourra être traitée.
En outre, le présent projet de loi n’a par lui-même aucune incidence sur la composition des conseils généraux.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comment, aucune incidence ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Sido. Même avis ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Michel Mercier, ministre. Cet amendement est dépourvu de tout lien avec le présent projet de loi qui a pour unique objet le calendrier de renouvellement des conseils généraux et régionaux.
La discussion du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale permettra naturellement d’évoquer toutes les questions ayant trait à la création des conseillers territoriaux.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est fascinant : nous pouvons dire tout ce que nous voulons, le ministre répond en lisant sa fiche !
M. Robert del Picchia. Vous, vous lisez tous des papiers !
M. Pierre-Yves Collombat. J’ai commencé mon intervention en rappelant les termes du premier paragraphe de l’exposé des motifs du présent projet de loi, dans lequel il est question des conseillers territoriaux qui représentent chaque département. Et M. le ministre me lit : hors sujet !
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Eh oui !
M. Pierre-Yves Collombat. Mes chers collègues de la majorité, je suggère d’organiser une permanence : un élu de notre côté de l’hémicycle et de deux du vôtre, et les autres pourront aller se coucher ! (Applaudissements et sourires sur les travées de l’UMP.) Il semble vain de vouloir discuter !
Je préfère le « prendre à la rigolade », si vous me permettez cette expression, mais, sur le fond, c’est franchement pitoyable !
Que le Gouvernement tente de nous répondre, même si ce n’est pas très facile, car, sur ce sujet, il ne sait pas trop où il va. Qu’il essaie au moins de donner le change !
M. le rapporteur m’oppose le redécoupage des cantons. Mais il n’est pas question du redécoupage des cantons, monsieur Courtois, il est question de leur nombre !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Leur nombre dépendra du redécoupage auquel il sera procédé !
M. Pierre-Yves Collombat. Non ! Quant à savoir comment les conseillers territoriaux seront répartis sur le territoire, ce sera l’affaire du Gouvernement et notamment de M. Alain Marleix dont personne ici ne conteste le talent. (Ah ! sur les travées de l’UMP, où MM. Pierre Martin et Jackie Pierre applaudissent.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous auriez dû voter le projet de loi de ratification de l’ordonnance sur l’élection des députés !
M. Pierre-Yves Collombat. Nous voulons connaître le nombre de conseillers territoriaux par département. Nous sommes donc bien dans le sujet de ce projet de loi. Ou alors, il faut vraiment aller se coucher !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je comprends la réaction de M. Collombat : nous sommes dans un théâtre d’ombres.
M. Christian Cambon. Et vous avez le premier rôle !
M. Jean-Pierre Sueur. En fait, on ne veut pas nous dire la vérité. Et les interruptions goguenardes ne changent strictement rien aux faits.
Monsieur le ministre, sur l’amendement n° 6, vous vous êtes déclaré favorable à la parité. Vous avez indiqué que vous alliez trouver, dans les semaines ou dans les mois qui viennent, l’occasion et la méthode pour la mettre en œuvre. Dans ces conditions, je ne comprends pas pourquoi vous n’avez pas émis un avis favorable sur cet amendement. Doit-on considérer que vos paroles ne vous engageaient strictement à rien ?
Pour ce qui est de l’amendement n° 7, c’est plus grave encore !
M. Bruno Sido. Oh là là !
M. Jean-Pierre Sueur. Écoutez !
M. Bruno Sido. Nous ne faisons que ça !
M. Jean-Pierre Sueur. Dans mon département, je participe à de nombreuses réunions, comme c’est le cas de chacune et chacun d’entre vous,…
M. Bruno Sido. Comme chacun le sait !
M. Jean-Pierre Sueur. … et c’est la moindre des choses. Lorsque dans une assemblée d’élus on me demande combien mon département comptera de conseillers généraux à l’issue de la réforme, je n’ai pas la réponse. Je ne peux pas l’inventer ! Qui d’entre nous n’a pas entendu cette question dans son département ?
M. Robert del Picchia. Moi !
M. Bruno Sido. Les sourds ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. Cette question suscite un réel malaise, tant l’incertitude est grande.
À lire le présent projet de loi, c’est le sujet, puisqu’il s’agit du texte qui ouvre un processus. Notre amendement s’inscrit dans ce processus. Il n’est donc pas hors sujet.
La difficulté tient au fait que vous ne réussissez pas à dire combien il y aura de conseillers dans les départements et dans les régions.
M. Bruno Sido. Personne n’en sait rien !
M. Jean-Pierre Sueur. Personne n’en sait rien, dites-vous. Sur ce point, je ne peux qu’être d’accord avec vous !
M. Bruno Sido. De toute façon, ce n’est pas le problème !
M. Jean-Pierre Sueur. En outre, ce ne serait pas le problème ! Eh bien, mes chers collègues, allons ensemble dans les départements et vous expliquerez aux responsables locaux que la majorité du Sénat va rejeter notre amendement parce qu’elle considère qu’il est inintéressant de savoir combien il y aura d’élus du département dans le département et de la région dans la région !
Monsieur le ministre, outre le fait que vous dissimulez la vérité (Oh ! sur les travées de l’UMP), vous dissimulez autre chose qu’il est en fait malaisé de cacher car tout le monde le perçoit bien : compte tenu des différents projets de loi, un tel dispositif est difficilement applicable. Ou bien le nombre de conseillers généraux devient très faible et il vous faudra expliquer aux élus des départements concernés pourquoi ils seront trois fois, voire quatre fois, moins nombreux.
M. Bruno Sido. Mais non !
M. Jean-Pierre Sueur. Ou bien le nombre de conseillers régionaux devient pléthorique et cela n’a plus de sens. La difficulté est réelle.
Si les membres de la majorité sénatoriale considèrent que ce sujet n’intéresse personne, qu’il n’y a pas de problème et que, en tant que parlementaire, de droite ou de gauche, nous ne sommes pas habilités à connaître la vérité sur les intentions du Gouvernement,…
M. Bruno Sido. C’est le suspense !
M. Jean-Pierre Sueur. … ils se font une idée du mandat parlementaire qui n’est pas la nôtre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, vous avez déclaré que ce projet de loi se voulait simple !
M. Bruno Sido. Il est simple !
M. Jean-Jacques Mirassou. À force d’être simple et compte tenu du débat qui est également simple, nous parvenons à une situation simpliste, pour ne pas dire caricaturale.
Comme l’ont à juste titre indiqué MM. Pierre-Yves Collombat et Jean-Pierre Sueur, il serait pour le moins étrange, après les déclarations solennelles du Président de la République mettant la réforme territoriale au centre de ses préoccupations, que les Français, alertés par l’imminence de l’évolution des collectivités territoriales, ne puissent pas connaître le début du commencement de ce qui va se passer, notamment en ce qui concerne les conseils généraux et leur composition.
J’ai l’impression d’assister à une partie de pelote basque. Quelle que soit la question, le rapporteur et le ministre la renvoient immanquablement à son auteur, telle une balle qui rebondit sur un fronton.
Cette situation n’est pas satisfaisante. Nous nous heurtons à votre refus obstiné de nous livrer une partie des informations dont vous disposez.
M. Bruno Sido. On ne sait pas !
M. Jean-Jacques Mirassou. On a l’impression qu’il existe deux catégories de sénateurs et de conseillers généraux : l’avant-garde, qui est éclairée, et puis les élus de l’opposition, à l’égard desquels on montre un mépris qui retentira inévitablement sur le corps électoral, que nous représentons toutes et tous ici.
M. Bruno Sido. Vous êtes de quel département ?
M. Jean-Jacques Mirassou. Je vous invite donc à prendre vos responsabilités. Si vous affichez, sur tous les sujets, le même mutisme que sur cet amendement élémentaire, la teneur de nos débats et le rôle du Sénat n’en sortiront pas grandis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu.
M. Gérard Cornu. Je souhaite réagir aux interventions de MM. Collombat et Sueur, qui me paraissent déplacées.
M. Collombat est professeur de philosophie.
M. Pierre-Yves Collombat. À la retraite !
Un sénateur UMP. Ça se voit !
M. Gérard Cornu. Or quand un professeur de philosophie corrige une dissertation et que l’élève a fait un hors sujet, quelle note lui met-il, monsieur Collombat ? Un zéro, bien évidemment ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.) Et même un zéro pointé ! (Sourires sur les travées de l’UMP.) C’est la réalité : un élève qui rend une copie hors sujet n’a pas une bonne note.
Quant à M. Sueur, c’est le bouquet, si je puis m’exprimer ainsi. Élu de la région Centre, chantre de la parité, M. Sueur fait à l’échelon régional le contraire de ce qu’il dit au niveau national.
Sachez, mesdames, que les socialistes de la région Centre viennent d’évincer une vice-présidente de la région qui faisait bien son travail. (Plusieurs sénateurs de l’UMP feignent l’indignation.) Elle ne figure même pas sur les listes socialistes pour les prochaines élections régionales. Voilà la réalité ! (Protestations prolongées sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l’UMP, où M. Bruno Sido applaudit.)
M. Jean-Pierre Sueur. Cet argument est nul !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Hors sujet !
M. le président. Mes chers collègues, un peu de calme, je vous en prie.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Cet amendement est relatif à une demande d’information qui est tout à fait justifiée.
À la page 16 de l’étude d’impact qui suit le projet de loi, on peut lire que « chaque département est divisé en cantons qui constituent les circonscriptions électorales de base », que « les règles de délimitation des cantons sont fixées par la loi » et que « les délimitations géographiques de ces cantons sont fixées par voie réglementaire ». Un peu plus loin, on ajoute que « pour permettre la désignation d’élus à la représentation proportionnelle, le département doit compter plus d’élus que de cantons ».
Un sénateur UMP. Et alors ?
M. Jacques Mézard. Qu’il soit donné des indications – ce qui aurait pu être fourni quand on a une étude d’impact qui, dites-vous, n’a pas de rapport direct avec le présent projet de loi – sur les effectifs prévisionnels des conseils généraux n’a rien d’anormal ! C’est une information, même si elle n’est pas totalement précise, que pourrait très légitimement nous donner M. le ministre.
M. Christian Cambon. Plus tard !
M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger, pour explication de vote. (Ah ! sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. Yves Krattinger. Je ne mettrai pas de note aux uns et aux autres, cela n’a aucun intérêt. Je dirai simplement que cette question nous est posée dans tous les départements.
M. Bruno Sido. Pas chez nous !
M. Yves Krattinger. Vous le savez, les élus de l’UMP comme ceux de sensibilité différente doivent répondre à ces questions lorsqu’ils parcourent la France pour expliquer leur vision de la réforme.
Je suis moi-même allé devant des assemblées d’élus composées de membres de la majorité sénatoriale et de l’opposition. Ce sont ces questions qui nous ont été posées. Il ne faut pas attendre des mois et des années pour répondre.
Personnellement, puisque la question a été posée par Pierre-Yves Collombat, je vais lui proposer des éléments de réponse. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit. – Ah ! sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. Enfin, un initié !
M. Yves Krattinger. Je vous respecte ; faites-en autant !
Je citerai la région Midi-Pyrénées – j’aurais aussi pu évoquer ma région –, pour prendre un exemple au hasard : elle comprend 8 départements et compte aujourd’hui 91 conseillers régionaux et 293 conseillers généraux, soit 384 élus.
Donc, si je m’en tiens à ce qui est dit dans les textes que nous avons sur nos tables et qui figurent peu ou prou dans l’étude d’impact – on nous dit de ne pas la lier, mais elle est tout de même jointe au projet de loi ! –, il faut diviser leur nombre par deux : de 384, ils passeraient à 192.
Il y aura donc au minimum 192 conseillers régionaux. Puisqu’ils sont 91 aujourd’hui, cela fait plus du double ! Lorsque j’évoque cette question devant une assemblée, en Midi-Pyrénées ou ailleurs, on me dit que l’effectif du conseil régional va doubler ; c’est de l’arithmétique ! Je souhaiterais que M. le ministre nous dise si cette interprétation est juste ou erronée, parce que ce sont des questions que l’on nous pose.
Ensuite, si on prend en compte la population de chaque département d’après le recensement de 2006, qui est la dernière base que nous ayons à notre disposition – ce doit être pareil chez nous qu’ailleurs, y compris en Midi-Pyrénées – et si on compare, pour chaque département, le nombre actuel de conseillers généraux et la situation après répartition à la proportionnelle, qui est le premier calcul que l’on peut faire – ce ne sera sans doute pas le dernier –, il est clair que des problèmes se poseront.
En effet, avec le calcul à la proportionnelle, la Haute-Garonne, qui comptait 53 conseillers généraux, en compterait 83. Mon cher Jean-Jacques Mirassou, comment expliquer aux habitants de ce département que l’on va supprimer un conseiller général sur deux mais que leur nombre passera en fait à 83 ? Cela risque d’être très compliqué. (M. Jean-Jacques Mirassou sourit.) Peut-être M. le ministre peut-il nous apporter des réponses sur ce point. Je suis prêt à les entendre ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Soyez patients, mes chers collègues !
Je prendrai un autre département plus petit, par exemple le Gers : alors qu’il compte aujourd’hui 31 conseillers généraux, avec le même calcul à la proportionnelle, ce nombre tombera à 12, sur 9 ou 10 cantons, les deux ou trois autres étant soumis à la proportionnelle. Mais de quelle proportionnelle parle-t-on quand il y a deux cantons ?
En observant la situation région par région, chacun d’entre nous ne peut qu’éprouver des difficultés d’interprétation. Nous avons besoin de la parole ministérielle pour nous éclairer et pour répondre aux attentes des citoyens.
Je ne veux pas faire de polémique, je pose simplement des questions. Que devons-nous dire en Midi-Pyrénées ? Il faudra expliquer que l’assemblée régionale va être plus que doublée, et que, si l’on majore le nombre de conseillers territoriaux, donc généraux, dans les petits départements, alors elle passera au-dessus des 200. Un nouvel hémicycle devra être construit, etc. Que dire à cela ?
Est-il raisonnable que, dans les tout petits départements, il n’y ait presque plus de conseillers généraux ? Dois-je écouter la parole de M. Marleix lorsqu’il dit qu’il y aura au moins quinze conseillers par département ou lorsqu’il affirme, devant les élus de la montagne, qu’il y en aura environ vingt ? Quelle est aujourd’hui la position du Gouvernement ? Quelles sont ses propositions ? Peut-on les entendre ? Je pose des questions simples. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je soutiendrai cet amendement. Chers collègues de la majorité, vous devriez faire de même, car le Gouvernement est très préoccupé par le nombre des futurs conseillers territoriaux.
M. le secrétaire d’État Alain Marleix, interrogé lors de la réunion de la commission des lois élargie, nous a dit effectivement qu’il y aurait au moins 15 conseillers territoriaux par département. Donc, cela fait grosso modo 1 500 conseillers territoriaux répartis automatiquement dans les départements. Comme ils doivent être au total près de 2 900,…
M. Bruno Sido. Au maximum !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … disons 3 000, pour simplifier les choses, il en reste 1 500 à répartir à la proportionnelle entre les départements selon leur importance numérique.
Il est évident que la proportion de conseillers territoriaux par département en fonction de la démographie, très différente de l’un à l’autre, va être aplatie.
M. Bruno Sido. Écrabouillée ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est une question très importante que chaque élu et chaque département peut se poser légitimement, car, selon moi, les élus représentent non pas des immeubles ou des terres, mais bien une partie de la population…
M. Bruno Sido. Ils représentent des territoires !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cette question est tout à fait légitime, puisque, comme vous l’avez dit, ce projet de loi préfigure l’élection des conseillers territoriaux. Pour l’adopter, il faut savoir à quoi s’en tenir. Or les différents textes à venir que vous nous présentez sont si tronqués que l’on ne sait pas exactement à quoi ils vont aboutir.
Je suis sûre que vous-mêmes, à moins que vous ne soyez bien informés, vous posez ces questions.
Il serait bon que le Parlement, avant de voter cette première loi qui engage la suite, sache à quoi s’en tenir concernant la répartition des conseillers territoriaux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Leleux. Je souhaiterais donner mon point de vue sur l’amendement présenté par Pierre-Yves Collombat, et, si possible, ramener un peu de logique dans le débat. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Le projet de loi que nous examinons et qui sera vraisemblablement voté dans quelques jours…
M. Thierry Repentin. Il ne faut pas préjuger du vote !
M. Jean-Pierre Leleux. … ne changera en rien le nombre d’élus territoriaux, conseillers généraux et conseillers régionaux. Ainsi, la semaine prochaine, dans le département du Doubs, il y aura toujours 91 conseillers régionaux et 293 conseillers généraux, et il n’y aura pas non plus de modification de la règle électorale. Aujourd’hui, nous le savons bien, nous examinons uniquement la durée des mandats existants. (Protestations sur les mêmes travées.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Arrêtez de nous prendre pour des idiots !
M. Thierry Repentin. C’est un faux naïf !
M. Jean-Pierre Leleux. Il faudra un autre texte pour débattre à la fois de la règle électorale et de la parité : ce n’est pas l’objet aujourd’hui. (Mêmes mouvements.) Si vous me permettez d’aller jusqu’au bout, je dirai que ces débats sont de faux procès à l’égard de notre groupe majoritaire,…
Mme Josiane Mathon-Poinat. Pas du tout !
M. Jean-Pierre Leleux. … qui a les mêmes préoccupations,…
M. Martial Bourquin. Enfin !
M. Jean-Pierre Leleux. … mais souhaiterait les traiter dans le cadre de la loi concernée.
M. Charles Guené. Voilà !
M. Jean-Pierre Leleux. Si nous voulons restaurer un bon climat entre nous, et abandonner ce qui pourrait être perçu comme de la mauvaise foi, je demande simplement à l’opposition de s’engager à ne pas redéposer sur ce futur texte les amendements qu’elle a présentés aujourd’hui dans un contexte différent. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
M. le président. Sur quel article ?
M. Jean-Pierre Sueur. Sur l’organisation de nos travaux.
M. le président. La présidence est-elle mal assurée ?
M. Jean-Pierre Sueur. Au contraire, monsieur le président, et je vous en félicite.
M. le président. Vous avez la parole, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Sueur. Je voulais simplement faire observer qu’il n’est pas d’usage, dans notre assemblée, de mettre en cause des personnes absentes et qui ne peuvent donc se défendre.
À la suite des déclarations de M. Cornu, je souhaiterais dire la vérité des choses.
M. Bruno Sido. On s’en moque !
M. Jean-Pierre Sueur. Celui qui a traité de cette question, ce n’est pas moi,…
M. Bruno Sido. Ce n’est pas moi non plus !
M. Jean-Pierre Sueur. … c’est M. Cornu.
Le parti socialiste a désigné comme tête de liste, dans le département du Loir-et-Cher, une candidate qui n’avait pas votre faveur, monsieur Cornu. Mon cher collègue, rien ne vous empêche de vous inscrire : la prochaine fois, vous donnerez votre avis ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ce n’était pas un rappel au règlement !
M. Michel Mercier, ministre. J’ai écouté calmement toutes les demandes qu’ont présentées les membres du Sénat, notamment celle de M. Leleux, et je vais tenter d’y répondre.
Le texte qui est aujourd’hui en discussion peut, certes, faciliter la création des conseillers territoriaux, mais il peut aussi servir dans d’autres hypothèses,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon ?
M. Yannick Bodin. Ce n’est pas évoqué dans l’exposé des motifs ! (M. Michel Boutant brandit ledit exposé des motifs.)
M. Michel Mercier, ministre. Il n’y a pas que les écrits ; la parole est importante au Parlement, car elle permet de s’expliquer. Sinon, nous n’aurions pas besoin de nous réunir.
Le Gouvernement a déposé un texte concernant les conseillers territoriaux. J’ai bien entendu les demandes qui émanent de toutes les travées et qui visent à obtenir des précisions sur le nombre de conseillers par département et par région, ainsi que sur la parité.
Pour que le Gouvernement puisse travailler à la question du nombre de sièges, deux préalables doivent être levés. Le premier, c’est le découpage des circonscriptions législatives, en tenant compte des observations que le Conseil constitutionnel sera éventuellement amené à formuler. Second préalable, il faut connaître les résultats du recensement…
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est la loi !
M. Michel Mercier, ministre. … conformément à la loi, madame Borvo Cohen-Seat, qui s’applique toujours ! Ce résultat que nous obtiendrons dans quelques semaines permettra de calculer exactement le nombre de sièges.
Le Gouvernement a toujours travaillé avec la commission des lois du Sénat sur tous ses textes, et il entend bien continuer à le faire. Toutes les précisions qui nous ont été demandées seront naturellement fournies lors de la première réunion que le président de cette commission voudra bien convoquer sur le texte électoral.
Nous n’examinons, pour l’heure, qu’un texte de concomitance. Nous répondrons à toutes ces questions une fois les préalables levés et lorsque la commission travaillera sur le sujet. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Très bien !
M. Yves Daudigny. J’ai entendu tout à l’heure certains attribuer des notes. Il n’y a pas dans cette salle de professeurs et d’élèves, nous sommes tous des sénateurs de la République égaux, du moins je l’espère, en droits et en devoirs ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
Pourquoi, mes chers collègues, ce dialogue qui ressemble parfois à un dialogue de sourds ? Pourquoi des questions simples qui demeurent sans réponse ? Pourquoi des amendements de bons sens qui sont qualifiés de hors sujet ? Tout simplement parce que nous travaillons aujourd’hui à l’envers.
Dans la suite de tous les tomes qui contiennent la réforme que vous envisagez, monsieur le ministre, nous avons commencé par l’examen du dernier ! Quel aurait été l’ordre logique ? Il aurait été de créer d’abord les conseillers territoriaux, à supposer qu’il se trouve une majorité pour le faire ; ensuite, il serait apparu en toute logique nécessaire de réduire les mandats des conseillers généraux et des conseillers régionaux pour aboutir à l’élection de ces conseillers territoriaux.
Pourquoi ce travail à l’envers ? Parce que vous confondez vitesse et précipitation, certainement pour répondre à l’impatience du Président de la République. Dans ces conditions, ne nous étonnons pas qu’aujourd’hui le débat soit marqué par une si grande incohérence.
Je soutiendrai évidemment cet amendement, parce qu’il est de simple bon sens, parce qu’il répond aujourd’hui à l’exigence d’information et de vérité des citoyens et des élus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Un de nos collègues souhaitait tout à l’heure ramener un peu de logique dans nos débats. Ce qu’il oublie, c’est qu’il y a une certaine urgence puisque nous examinerons probablement dès le 18 janvier le projet de loi qui réforme complètement les collectivités territoriales et qui établit, définitivement et clairement cette fois, le conseiller territorial.
M. le ministre a décrit les contraintes qui existent, en particulier la contrainte démographique. Mais il en est d’autres sur lesquelles il passe vite !
La première contrainte, qui a déjà été clairement rappelée, c’est la réduction du nombre de conseillers territoriaux par rapport au nombre total de conseillers généraux et régionaux. Le calcul est simple, il suffit de diviser pour obtenir deux moitiés, je passe. Mais son application se heurte à une autre contrainte, qui est le lien avec la population : diminuer de moitié le nombre d’élus, cela ne veut pas dire pour autant que chaque circonscription comptera 20 000 électeurs, pour reprendre le nombre qui a été avancé. Nous sommes donc là face à une difficulté.
La troisième difficulté, c’est qu’il faut que les conseils généraux comptent assez d’élus pour pouvoir « tourner ». Or, dans les premières simulations, si l’on se contentait de diviser le nombre d’habitants par 20 000, on arrivait dans certains cas à 6 ou 7 conseillers généraux : c’est insuffisant.
M. Marleix nous a donc expliqué qu’un plancher serait fixé, bien entendu à un niveau plus élevé : il serait établi à 15, voire à 20 élus. Le problème, c’est que dans ces conditions, si l’on veut respecter la proportionnalité dans la représentation de la population, il faut augmenter d’autant le nombre des conseillers territoriaux dans les gros départements !
M. Bruno Sido. Non ! C’est là qu’est l’erreur !
M. Jean-Claude Peyronnet. Mais si ! Prenons l’exemple de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le rapport entre la population des Alpes-de-Haute-Provence et celle des Bouches-du-Rhône est d’environ 1 pour 14 ou 15. Afin de respecter la proportionnalité dans la représentation de la population, il faudrait, en tenant compte des autres départements de la région, une assemblée territoriale régionale comptant, estimation à la louche, 400 membres. Il faut donc fixer aussi un plafond ! Dès lors, nous voilà confrontés à un gros problème : le principe de la proportionnalité en matière de représentation de la population n’est plus du tout respecté. Or nous savons tous, le Gouvernement le premier, que, lorsque la répartition en question lui sera présentée, le Conseil constitutionnel froncera les sourcils, à tout le moins, et demandera peut-être que la copie soit revue.
C’est probablement cet ensemble de contraintes multiples qui, beaucoup mieux que l’absence des résultats définitifs du recensement, explique que le Gouvernement tarde tant à nous donner ces résultats. Or il serait important d’en disposer puisque, encore une fois, il est prévu de commencer dans un mois la discussion sur la réforme des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu, pour explication de vote.
Un sénateur UMP. Oh non ! Nous sommes suffisamment éclairés, ça va !
Mme Josette Durrieu. Nous voici au cœur du débat.
M. Bruno Sido. Nous ne sommes pas encore au cœur du débat !
Mme Josette Durrieu. Nous n’y sommes pas encore ?
M. Bruno Sido. Nous n’y serons pas avant samedi ou dimanche !
Mme Josette Durrieu. Si nous n’y sommes pas encore, c’est parce que vous n’avez pas envie que nous l’abordions ce soir ! Pour autant, nous avons beau tourner autour, nous y sommes, et il semble évident que vous trouvez assez dérangeant de parler de ce qui, finalement, est l’essentiel de cette réforme.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, parce que ce n’est pas l’objet du texte.
Mme Josette Durrieu. Chacun s’est employé à relever toute la gesticulation qui entoure le synchronisme à l’envers de cette réforme, je n’y reviens pas. Je voudrais en revanche évoquer plus longuement l’élu, l’électeur et l’assemblée dont il est question en ce moment. (M. Bruno Sido s’exclame.)
En ce qui concerne l’élu, deux points sont à souligner : on institutionnalise le cumul des mandats – il faut le faire ! – et on lamine la parité.
Mme Maryvonne Blondin. Oui !
Mme Josette Durrieu. L’un d’entre nous l’a fait observer tout à l’heure, le mot « laminer » est fort, mais c’est le mot juste. Et tout cela, pour aboutir sans doute à l’élection d’un membre de l’UMP. Vous finirez par y arriver !
M. Pierre-Yves Collombat. Mais c’est noble ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Josette Durrieu. C’est probablement noble, mais ce n’est pas juste.
Dans ce débat, les mots essentiels sont lisibilité, égalité, sincérité.
M. Bruno Sido. Voilà !
Mme Josette Durrieu. Nous finirons probablement par trouver la sincérité du scrutin, mais seulement quand vous aurez admis qu’il faut commencer à en parler. Qu’il en soit question dès ce soir, cela vous dérange.
L’élection dans le cadre de ces listes à la proportionnelle, c’est une première, et pas seulement pour la France : je pense que c’est une première tout court !
M. Pierre-Yves Collombat. Une première mondiale !
Mme Josette Durrieu. Européenne en tout cas, probablement !
Un élu qui peut gagner son siège sans que son nom ait seulement recueilli de suffrages, qui peut obtenir un mandat grâce à des voix qui ne lui appartiennent pas, il est évident que l’on aurait pu ne pas y penser : vous avez su l’inventer, sans doute en toute sincérité. Il n’empêche que jusqu’à présent, dans notre tradition démocratique, un candidat était élu quand son nom, ou la liste dont il était membre, avait obtenu le plus grand nombre de suffrages.
Quant aux remplaçants…
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cela n’a rien à voir avec le texte !
Mme Josette Durrieu. Ces remplaçants au scrutin uninominal, tout comme ces remplaçants au scrutin de liste qui seront l’un des « suivants de liste » de titulaires élus dans les conditions que nous venons d’indiquer,…
M. Charles Guené. Elle nous embrouille !
Mme Josette Durrieu. … auront réellement, auront effectivement le droit de remplacer le titulaire dans des organismes extérieurs. Voilà aussi qui est nouveau ! C’est assez original, cela me paraît assez dangereux, mais cela figure dans le texte.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je crois que si nous avons fini pour le 14 juillet, ce sera bien !
Mme Josette Durrieu. Quant à l’électeur, celui que l’on respecte au point de vouloir lui rendre tout plus lisible, plus simple, quand on lui dit que l’on va « recycler » ses voix, recycler les voix des battus pour les redistribuer et en sortir des élus, il ne comprend pas !
M. Jean-Jacques Hyest. Elle est en train de réinventer les apparentements ! C’était quand, d’ailleurs ? En 1953 ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Très bonne année, 1951 ! (Sourires.)
Mme Josette Durrieu. Mes collègues et moi-même tournons un petit peu dans nos circonscriptions, nos départements, voire nos cantons : sincèrement, l’électeur ne comprend pas !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je ne sais plus quel gouvernement c’était… Peut-être le gouvernement Queuille ?
Mme Josette Durrieu. Il faudra également expliquer où sont la légalité et la sincérité de ce scrutin ; je pense que vous aurez du mal !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Sous la IVe République, on a tout inventé !
Mme Josette Durrieu. Il y a tout de même une certaine perversité à faire siéger dans l’assemblée à laquelle ce vote va nous conduire, aux côtés des conseillers qui auront été élus dans les conditions que nous avons décrites, des élus qui pourront utiliser les voix des candidats battus pour constituer une majorité !
Se pose aussi un problème de gouvernance : avec une seule élection pour deux assemblées, une seule élection pour deux fonctions différentes – un de nos collègues évoquait tout à l’heure une assemblée de proximité et une assemblée de programmation –, certaines choses finiront par être difficiles à concilier. Il me semble en outre que nous ne nous soucions guère de la conformité de ce dispositif avec la charte européenne de l’autonomie locale ! (Murmures d’impatience sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est fini !
M. Robert del Picchia. En effet, c’est fini !
Mme Josette Durrieu. Il y a, là aussi, un certain nombre de choses à dire.
Plusieurs sénateurs de l’UMP. C’est terminé !
Mme Josette Durrieu. Je voudrais terminer (Ah ! sur les travées de l’UMP) en évoquant la disparité qui se fera jour aussi entre les départements et prolonger l’intervention de M. Krattinger à l’instant.
Dans la région Midi-Pyrénées, la Haute-Garonne aura sans doute beaucoup d’élus, les Hautes-Pyrénées nettement moins.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est exact.
Mme Josette Durrieu. S’ils sont plus d’une trentaine en Haute-Garonne, ils devraient, si l’on applique le même mode de répartition des sièges, être onze dans les Hautes-Pyrénées. (Vive impatience sur les travées de l’UMP.) À ceci près que l’on modifiera les chiffres pour, à un certain moment, ajouter une surreprésentation.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est fini !
Mme Josette Durrieu. Dans l’exemple que j’ai pris, les Hautes-Pyrénées passeraient de onze à dix-huit élus.
M. Bruno Sido. Cela fait six minutes !
Mme Josette Durrieu. Cela signifie, par conséquent, que les voix de certains électeurs seraient plus lourdes que celles de certains autres ! (Bruyantes protestations sur les travées de l’UMP.)
La question est posée, car, incontestablement, on aboutira à une inégalité. (Brouhaha sur les mêmes travées.)
M. François Trucy. On ne parle pas aussi longtemps ! Pas ça, monsieur le président !
Mme Josette Durrieu. Mes chers collègues, vous avez toute possibilité pour répondre ! (Ça suffit ! sur les travées de l’UMP.) Vous avez surtout toute possibilité pour nous éclairer, car, incontestablement… (Le brouhaha se poursuit, contraignant l’oratrice à s’interrompre.)
Incontestablement, vous êtes tout à fait sereins face à ces projets de loi que le Parlement s’apprête à examiner et qui, pour notre part, nous préoccupent profondément. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, il faut que nous soyons clairs. Si vous voulez le chahut, d’accord !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous allons demander un rappel au règlement ! C’est inadmissible !
MM. François Trucy et Gérard Cornu. Faites respecter le règlement, monsieur le président !
M. le président. J’ai l’habitude de faire respecter les temps de parole ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Cornu. Deux minutes de plus !
M. le président. Que les choses soient claires, monsieur Cornu : sans les interruptions continuelles, Mme Durrieu n’aurait pas autant dépassé son temps de parole ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Nouvelles protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Cornu. Ce n’est pas tolérable ! C’est nul !
M. le président. Non, ce n’est pas nul ! Je vous demande d’être correct et poli ! C’est tout ! (Exclamations bruyantes sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Cornu. Mais, monsieur le président, vous n’êtes pas correct avec moi !
Un sénateur de l’UMP. Nous voulons une présidence équitable et impartiale ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Et voilà !
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par MM. Peyronnet, Sueur et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy, Povinelli et Collomb, Mme Alquier, MM. Bérit-Débat, Berthou, Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet, Chastan, Courteau, Daunis, Daudigny et Fichet, Mme Ghali, MM. Guérini, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Patriat, Percheron, Rebsamen, Sergent et Signé, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour toute élection locale ou nationale au suffrage universel direct, majoritaire ou proportionnel, un scrutin à deux tours est organisé.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet. (M. Jean-Claude Peyronnet recherche ses documents. – Impatience bruyante sur les travées de l’UMP.)
Plusieurs sénateurs de l’UMP. L’amendement n’est pas défendu ! Il tombe !
M. le président. C’est moi qui assure la présidence !
M. Bruno Sido. C’est pour vous aider ! L’amendement est tombé !
M. le président. Vous avez la parole, monsieur Peyronnet.
M. Bernard Frimat. Dis-leur de contrôler leur impatience !
M. Jean-Claude Peyronnet. Je comprends l’impatience de mes collègues, mais je ne comprends pas leur énervement. Il me semble, monsieur le président, que nous n’avons aucune raison de nous énerver ! Nous pouvons rester tout à fait calmes, monsieur Sido !
Un sénateur socialiste. Vous êtes là pour un moment, alors…
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Nous ne nous énervons pas, nous expliquons !
Mme Évelyne Didier. Si vous voulez, nous pouvons multiplier les interventions !
M. Jean-Claude Peyronnet. À la lecture de cet amendement, monsieur Sido, vous n’avez pas manqué de remarquer que sont mentionnées toutes les élections ayant lieu en France, à l’exception du scrutin sénatorial et du scrutin européen. C’est que l’un n’est pas un scrutin au suffrage universel direct et que l’autre est un scrutin original, qui a des caractéristiques propres.
Pour ce qui concerne les autres scrutins, il nous semble tout à fait essentiel d’inscrire dans la loi – et ultérieurement, si possible, dans la Constitution – que, dans la République, le scrutin normal est un scrutin à deux tours.
Cette question a déjà fait couler beaucoup d’encre, monsieur le ministre, et de nombreux articles sont parus depuis que le Président de la République a inventé cette incongruité qu’est le scrutin à un tour, scrutin d’une brutalité extrême qu’il avait lui-même dénoncée, évoquant un scrutin brutal qu’il faudrait pondérer.
La pondération n’est opérée que par cette autre incongruité que sont les 20 % qui devraient modérer la brutalité de ce scrutin et rendre possible la représentation des « petits » partis, cela dit sans mépris. Or il a été abondamment démontré, notamment par mon collègue Alain Anziani, qu’en réalité ils n’en bénéficieront pas et que, par conséquent, ce scrutin est mauvais.
Quoi qu’il en soit, dans la tradition française, le scrutin à deux tours fait partie de notre identité républicaine. Il s’agit, en quelque sorte, d’une loi constitutionnelle non écrite puisque ce scrutin à un tour a fait l’objet de plusieurs débats dans l’histoire de la République française…
M. Jean-Claude Peyronnet. … et, chaque fois, il a été repoussé. Les républicains, sous la IIe, la IIIe et la IVe République, nous ont montré la voie en débattant de ce sujet ; il faut donc que le scrutin à deux tours reste la règle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur Peyronnet, cet amendement est admirable !
Tout d’abord, même si ces dispositions sont adoptées, elles sont dépourvues de valeur normative. Selon une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, le législateur ne peut se lier lui-même. Cela n’empêcherait donc pas le Parlement de mettre en place des scrutins à un tour.
Ensuite, vous écrivez – c’est tout de même extraordinaire ! – que des scrutins proportionnels à deux tours sont organisés. Je ne sais pas ce que c’est !
Plusieurs sénateurs socialistes. Et les régionales ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, vous avez tort ! Ce sont des scrutins de liste avec prime majoritaire. C’est comme pour les élections municipales : cela n’a jamais été un scrutin proportionnel ! Vous confondez scrutin de liste et scrutin proportionnel.
M. Bruno Sido. C’est grave !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est quand même paradoxal !
M. Bruno Sido. Ah oui !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le seul moment où il y a eu des élections au scrutin proportionnel, c’était pour les élections législatives de 1986, avec un scrutin à un tour.
M. Robert del Picchia. Ce qui a amené le Front national à l’Assemblée nationale !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les élections européennes sont effectivement des élections au scrutin proportionnel à un tour.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mes chers collègues, par définition, un scrutin proportionnel est à un tour.
Le scrutin de liste est à deux tours, avec une prime majoritaire ; c’est le cas des élections municipales et régionales. Et le scrutin majoritaire est à deux tours, cela a toujours été ainsi.
Sur le fond, votre amendement n’est pas conforme aux règles en matière de scrutin, et vous le savez fort bien !
La commission émet donc un avis défavorable. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Vous êtes pris en flagrant délit d’inexactitude, monsieur le président de la commission des lois !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non ! Ne dites pas n’importe quoi !
M. Alain Anziani. Vous nous expliquez que la proportionnelle n’existe pas pour les élections régionales.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Alain Anziani. Dites-nous comment vous calculez ensuite le nombre d’élus. Dans une élection régionale, pour déterminer le nombre d’élus sur une liste, vous regardez le pourcentage de voix obtenues par chaque candidat.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Alain Anziani. Mais si, bien entendu ! C’est une proportionnelle de liste, mais une proportionnelle quand même !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non, revoyez votre code électoral !
M. Alain Anziani. Avec un scrutin majoritaire, ceux qui arrivent en tête sont élus, tandis qu’à la proportionnelle on tient compte du nombre de voix obtenu.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour un scrutin de liste aussi !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Avec cet amendement, nous sommes revenus sur une question très importante et sur laquelle j’aimerais avoir l’éclairage du Gouvernement.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas nécessaire !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, vous avez dit votre attachement au dialogue, ce qui ne nous étonne pas de votre part. Personne, à ce jour, ne nous a expliqué pourquoi il était opportun sur le fond de mettre en œuvre un scrutin à un tour.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. À cause de la proportionnelle !
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai remarqué, mes chers collègues – M. le ministre va sans doute nous éclairer –, que dans les assemblées d’élus, l’Association des maires de France, l’Assemblée des départements de France, l’Association des régions de France, des villes petites, moyennes et grandes,…
M. Bruno Sido. Les maires ruraux !
M. Jean-Pierre Sueur. …les maires ruraux, personne n’a demandé un scrutin à un tour.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est parce qu’il y a la proportionnelle !
M. Jean-Pierre Sueur. Je n’ai pas non plus entendu des collègues, dans cet hémicycle, proposer un tel système dans un passé récent.
Dans ces conditions, le Gouvernement peut-il nous expliquer pourquoi il serait tout à coup pertinent de mettre en œuvre un mode de scrutin qui permette à un candidat ayant obtenu 22 %, 23 %, voire 24 % des voix d’être élu ?
Avec le scrutin à deux tours, on sait bien qu’au deuxième tour c’est le candidat arrivé en tête qui est élu et qu’il rassemble en général une majorité qui est la majorité des suffrages. Quel argument justifie d’y renoncer pour instaurer un scrutin qui permette à une minorité d’exercer le pouvoir ? On nous dit qu’il faut le faire !
Je vois que vous avez l’air réjoui, monsieur le conseiller !...
M. Jean-Patrick Courtois. Il est heureux d’être là, c’est bien chauffé. Il ne manque que la télé ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Il existe des règles en la matière, monsieur le président, et je sais que vous y veillez ! M. le conseiller se réjouit de cette idée… Il a le droit !
Puisqu’on a parlé de philosophie, je demande simplement que le Gouvernement veuille bien expliquer à la représentation nationale pourquoi il faut changer le mode de scrutin et mettre en œuvre ce scrutin à un tour.
M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger, pour explication de vote.
M. Yves Krattinger. Je n’ai pas tout à fait saisi l’analyse de M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela ne m’étonne pas !
M. Yves Krattinger. Quand on parle du scrutin régional actuel, voté d’ailleurs par la majorité, il s’agit bien d’une proportionnelle de liste avec prime majoritaire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, c’est un scrutin de liste, pas une proportionnelle !
M. Yves Krattinger. Si, et je vais essayer de le démontrer.
Au premier tour, si une liste obtient 50 % des suffrages, elle bénéficie d’une prime majoritaire de 25 %...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, c’est n’importe quoi ! Apprenez le droit électoral !
M. Yves Krattinger. … et une fois que ces 25 % sont attribués, l’ensemble des sièges est réparti à la proportionnelle au plus fort reste.
Si aucune liste n’obtient 50 % au premier tour, il y a un deuxième tour,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est donc un scrutin majoritaire !
M. Yves Krattinger. …avec des possibilités de fusion. Les listes qui réunissent plus de 10 % des suffrages peuvent participer au deuxième tour, et l’équation est la même : la liste arrivée en tête a une prime de 25 % – c’est vous qui l’avez instaurée ! – et le reste des sièges est réparti à la proportionnelle au plus fort reste.
Il s’agit donc bien d’un scrutin de liste à la proportionnelle avec une prime majoritaire de 25 % des sièges.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !
M. Yves Krattinger. Ou alors je n’ai pas bien lu les textes ! Mais, aujourd’hui, il me semble que tout le monde prépare les élections régionales sur cette base-là.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas un scrutin proportionnel : ce n’est pas difficile à comprendre !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. La démonstration d’Yves Krattinger était suffisante ; je voudrais simplement ajouter un argument.
On a longtemps dit que les régions étaient ingouvernables.
M. Bruno Sido. Plus maintenant !
M. Martial Bourquin. Pour régler ce problème, on a instauré une prime majoritaire. C’est important, car ici, quelle que soit notre appartenance politique, nous nous apercevions tous que les régions étaient ingouvernables et lorsque l’on a instauré cette prime majoritaire pour les municipales…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On a justement supprimé la proportionnelle !
M. Martial Bourquin. … les communes ont eu les moyens de gouverner.
Cette prime permet de donner une stabilité à l’exécutif et de faire en sorte que le président élu gouverne au niveau tant municipal que régional.
Qu’est-ce qui explique un tel revirement dans l’approche des choses ?
Ce changement tant de l’organisation territoriale que du mode de scrutin ne risque-t-il pas de nous replonger dans les « péchés du passé », si je puis m’exprimer ainsi, de rendre demain l’organisation territoriale ingouvernable et d’aboutir à la situation ubuesque évoquée tout à l’heure par Yves Krattinger et plusieurs orateurs, où un président qui n’a pas été élu serait repêché ?
M. Martial Bourquin. Que l’on siège à droite ou à gauche de l’hémicycle, comment allons-nous expliquer cela à nos concitoyens ? Si c’est inexplicable, il faut essayer de comprendre la raison de cette situation. Pourquoi bouleverser l’organisation territoriale ?
M. Bruno Sido. Conservateurs !
M. Martial Bourquin. Il s’agit d’un vrai problème ! Cette organisation territoriale était-elle si mauvaise ?
Tout à l’heure, M. le ministre a dit fort justement que l’on allait s’appuyer sur les propositions du Sénat. Mais nous avons déjà l’excellent rapport de la mission Belot et Krattinger, que nous avons tous voté. Pourquoi ne pas puiser dans ce rapport pour essayer de rénover l’organisation territoriale, sans toucher à ce qui marche, c’est-à-dire avoir des régions …
M. Bruno Sido. Socialistes !
M. Martial Bourquin. … des départements, des intercommunalités qui fonctionnent, en gardant des modes de scrutin qui ont fait leurs preuves et qui permettent aux présidents de région, à l’ensemble des exécutifs de gouverner ?
Mes chers collègues, nous parlons de choses extrêmement importantes ; nous ne sommes pas dans un débat politicien. (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non…
M. Martial Bourquin. On l’a dit plusieurs fois, 73 % des investissements sont réalisés par les collectivités territoriales. Si, demain, on empêche les collectivités territoriales de fonctionner, les entreprises qui profitent de l’investissement public risquent de le payer très cher et nous aussi.
Par ailleurs, si les collectivités deviennent ingouvernables, l’État n’aura plus qu’une solution, tout régenter, et à entendre certaines interventions tout à l’heure, je crains une recentralisation. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous êtes hors sujet !
M. Martial Bourquin. La plus grande conquête pour les collectivités territoriales, c’est la décentralisation, et revenir à une recentralisation serait un recul considérable.
Tenons compte de ces arguments, mes chers collègues, et essayons d’avoir un débat de fond.
M. Longuet nous a dit tout à l’heure que nous allions travailler par petits bouts.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. Martial Bourquin. Il s’agirait aujourd’hui de regrouper l’ensemble des élections et on ferait le reste après. Non, une vraie réforme territoriale doit aborder les problèmes dans leur globalité ! Au fond, pourquoi veut-on élire des conseillers territoriaux à la place des autres élus ? Que veut-on faire des régions, des départements, et des collectivités en général ? Ensuite, on abordera le regroupement des élections et les modes de scrutin.
Il faut envisager la réforme globalement. Travailler ainsi par petits bouts est intolérable ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je n’arriverai pas à convaincre ceux qui ne veulent pas l’être, mais je reprendrai l’exemple du scrutin municipal. Si on a 50 % des voix au premier tour, on est élu. Il s’agit donc bien d’un scrutin majoritaire !
La prime a été instituée pour les conseils municipaux, puis pour les conseils régionaux avec le même objectif : dégager des majorités, ce que n’assure pas la proportionnelle. D’ailleurs, la proportionnelle ne nécessite pas deux tours. S’il y a deux tours, cela signifie que l’on est dans un scrutin de liste, avec prime majoritaire. (Signes de dénégation sur les travées du groupe socialiste.) Reprenez n’importe quel manuel de droit électoral et vous serez convaincus !
M. Gérard César. Et ce n’est pas le débat !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je n’ai pas l’intention de voter un amendement qui, sur le plan technique, n’est pas convenable.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Monsieur le président de la commission, si cet amendement est mal rédigé, qu’à cela ne tienne : nous sommes prêts à le rectifier ! Pour nous, compte tenu de notre histoire, de notre vie politique, de nos structures, l’essentiel est de nous protéger du déni de démocratie que constituerait l’adoption du scrutin uninominal à un tour.
Je vous renvoie, mes chers collègues, aux résultats des élections organisées en 2004 dans le canton de Fère-en-Tardenois, situé dans le département de l’Aisne. Au premier tour, est arrivé en tête un candidat du Front national, qui avait obtenu 23 % ou 24 % des voix. En deuxième position, à quelques dixièmes, se trouvait un candidat qui se présentait sous l’étiquette « divers gauche ». La troisième place était occupée par une candidate UMP, également à quelques dixièmes du deuxième candidat. C’est elle qui a été élue au second tour.
Si le système que vous proposez avait été pratiqué à ce moment-là, c’est le premier candidat, celui qui avait recueilli moins de 25 % des voix, qui aurait été élu. Qui pourrait y voir un progrès de démocratie ? Est-ce donner plus de sens au suffrage universel que de permettre l’élection de candidats qui recueillent moins de 25 % des suffrages exprimés ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre. J’ai suivi ce débat avec intérêt. Permettez-moi de clore le premier volet, dont M. Bourquin s’est fait l’écho. On entend régulièrement dire que les collectivités locales assurent 73 % de l’investissement public civil. Encore faut-il préciser, pour l’honnêteté et la compréhension du débat, qu’elles le font avec 93,7 milliards d’euros que l’État leur accorde chaque année, et c’est normal.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes des citoyens !
M. Michel Mercier, ministre. Nous sommes tous des citoyens ! Cela n’empêche pas de s’écouter, pour autant que je sache !
Je le répète, chaque année, l’État accorde 93,7 milliards d’euros aux collectivités locales pour qu’elles puissent réaliser 73 % de l’investissement public. Je tenais à le rappeler pour que le sujet soit appréhendé dans sa totalité.
J’en viens au mode d’élection, thème sur lequel on peut dire beaucoup de choses. Et ni les uns ni les autres ne nous en sommes privés ! J’ai bien entendu ce que vient de nous dire le président du conseil général de l’Aisne.
Je me souviens aussi des raisons, dites et non dites, qui ont poussé en 1986 à l’instauration du scrutin proportionnel. Peut-être trouverait-on des motifs assez proches de ceux qui viennent d’être évoqués. Il n’y a donc pas, d’un côté, des anges blancs et, de l’autre, des gens qui font n’importe quoi !
Mais il est une règle simple : la proportionnelle est un scrutin à un tour. Nous sommes face à un choix ! Le Gouvernement fera des propositions au Parlement, lequel tranchera, en toute clarté, au moment de la discussion de la loi électorale : il aura à choisir entre un mode de scrutin majoritaire à deux tours, ce qui favorisera, bien entendu, le bi-partisme et tuera le pluralisme, et un mode de scrutin à un tour, qui contiendra une dose de proportionnelle, ce qui favorisera le pluralisme politique. Le Gouvernement a choisi le scrutin majoritaire à un tour, avec une part de proportionnelle.
Mais le débat d’aujourd’hui porte simplement sur la concomitance des scrutins. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Il est très clair que, dans cet hémicycle, il y a ceux qui votent ce qu’on leur dit de voter en ignorant où cela va les conduire (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.), et il y a ceux qui veulent en savoir plus !
Ce n’est quand même pas moi qui ai écrit l’exposé des motifs du projet de loi ! Les paragraphes I et II font dépendre du vote de ce texte l’entrée en vigueur de la réforme.
Á ceux qui me parlent de logique, je demande où est celle du projet de loi ! Est-il logique de voter un texte en se disant que l’on verra après ? Supposons que, finalement, le Parlement n’adopte pas la création du conseiller territorial, que direz-vous aux conseillers généraux qui n’auront été élus en 2011 que pour trois ans ? Ne trouveront-ils pas un peu bizarre de recommencer comme avant ?
Donc, il y a ceux qui aimeraient bien en savoir plus et ceux qui font confiance, sans être davantage informés. C’est quand même une curieuse façon d’exercer le mandat de représentant de nos concitoyens !
Monsieur le ministre, vous avez raison de dire que les collectivités locales reçoivent des aides de l’État pour leurs investissements. Mais ces aides de l’État proviennent, pour la plupart, soit du FCTVA, c’est-à-dire des impôts payés par les collectivités territoriales, soit de la DGF, dont nous savons d’où elle vient, et d’exonérations. Je rappelle, pour mémoire, l’ancien versement représentatif de la taxe sur les salaires, le VRTS. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les collectivités territoriales font un bon usage de cet argent. Je ne dirai pas la même chose de l’État !
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par MM. Peyronnet, Sueur et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy, Povinelli et Collomb, Mme Alquier, MM. Bérit-Débat, Berthou, Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet, Chastan, Courteau, Daunis, Daudigny et Fichet, Mme Ghali, MM. Guérini, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Patriat, Percheron, Rebsamen, Sergent et Signé, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le cas d'un scrutin uninominal à un tour, nul ne peut être élu s'il n'a pas recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je ne me fais pas d’illusion sur l’avis de la commission des lois : celle-ci va me dire que cet amendement n’est pas praticable. Pourtant, c’est un bon amendement, dont les conséquences sont évidentes : rendre totalement inopérant le scrutin uninominal à un tour.
Ce que nous voulons dénoncer ici, c’est le côté absolument inique du scrutin à un tour, qui permettrait l’élection d’un conseiller territorial avec 20 % ou 25 % des voix, voire moins. Sur un plan plus politique, cela signifierait probablement l’élection de candidats d’un parti d’extrême droite. En effet, dans nombre de cantons – je pense au Sud-Est, à l’Alsace ou au Nord-Pas-de-Calais –, il n’est pas du tout impossible que le Front national arrive en tête.
M. Charles Revet. C’est vous qui l’avez instauré !
M. Christian Cambon. Oui, c’est Mitterrand, en 1986 !
M. Jean-Claude Peyronnet. Ce mode de scrutin est d’autant plus mauvais qu’il favoriserait la représentation d’un parti extrémiste, aux côtés duquel personne ici, me semble-t-il, ne souhaite siéger.
Cet amendement n’est que la traduction de notre mécontentement et de notre insatisfaction, pour ne pas dire plus, face à votre proposition. Outre que celle-ci est tout à fait inacceptable, elle s’appuie sur des exemples erronés. Vous invoquez l’exemple allemand, mais il est faux : en Allemagne, il y a deux votes, un vote local et un vote national.
Dans le système que vous proposez, on ne compte que les voix des candidats qui n’ont pas été élus. Bref, c’est un mauvais système ! Nous le dénonçons par cet amendement clin d’œil, qui a la vertu de mettre l’accent sur ce qui nous paraît inacceptable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Aux termes de cet amendement, il est prévu que, dans le cadre d’un scrutin à un tour, les candidats doivent recueillir plus de 50 % des voix pour être élus.
Il n’est pas inutile de faire remarquer que, même dans les scrutins à deux tours, cette condition n’est pas imposée. En effet, dans le cas de triangulaire, c’est le candidat qui a reçu le plus de voix, même s’il a obtenu moins de 50 % des voix, qui est élu.
Cet amendement est inapplicable. La commission y est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par MM. Bodin, Peyronnet, Sueur et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy, Povinelli et Collomb, Mme Alquier, MM. Bérit-Débat, Berthou, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet, Chastan, Courteau, Daunis, Daudigny et Fichet, Mme Ghali, MM. Guérini, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Patriat, Percheron, Rebsamen, Sergent et Signé, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le cas d'un scrutin uninominal à un tour, nul ne peut être élu s'il n'a pas recueilli les suffrages d'au moins 25 % des inscrits.
La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Cet amendement est le prolongement du précédent.
Le conseiller territorial serait élu au terme d’un scrutin à un tour. On peut s’interroger sur le pourcentage non seulement de voix, mais aussi de participation à partir duquel peut être assurée une véritable légitimité. Quelle est la légitimité du candidat élu avec, par exemple, 25 % des voix et 40 % de participation ?
Cet amendement vise tout simplement à fixer un seuil pour assurer cette légitimité. Ce seuil existe depuis l’instauration du mode de scrutin républicain : il est vieux comme la République ! Au premier tour, pour être proclamé élu, il ne suffit pas d’avoir 50 % des votants ; encore faut-il que ces derniers représentent au moins 25 % des inscrits.
En tout état de cause, quel que soit le mode de scrutin, premier tour avec un second tour ou un seul tour, nous demandons qu’il soit décidé que le seuil de 25 % des inscrits doit obligatoirement être atteint pour qu’un candidat puisse être déclaré élu. (M. Thierry Repentin applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement n’a pas de lien avec le présent texte, qui ne concerne pas le mode de scrutin applicable à une quelconque catégorie d’élus et n’institue pas de scrutin uninominal à un tour.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote.
M. Yannick Bodin. Je me suis exprimé pour la première fois ce soir à l’occasion de la présentation de cet amendement n° 10, et je ne pense pas m’être déplacé pour rien ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) J’ai par ailleurs la prétention de croire que je sais lire.
M. Yannick Bodin. Or quels sont les premiers mots que l’on découvre, à la toute première page, en tête de l’exposé des motifs ? Ceux-ci : « Le projet de loi de réforme des collectivités territoriales prévoit qu’à l’avenir, les conseillers généraux et les conseillers régionaux formeront un ensemble unique d’élus, les conseillers territoriaux… ».
Évidemment, je me suis immédiatement demandé ce que pouvait être ce nouvel animal politique. Évidemment aussi, ne sachant pas ce qu’est un conseiller territorial, nous ne pouvons pas nous déterminer sur quoi que ce soit, y compris sur une question de calendrier !
Quelles sont les compétences du conseiller territorial ? Comment est-il élu ? Qui est éligible, qui ne l’est pas ? Toutes ces questions, nous n’avons cessé de les poser tout au long de la journée et de la soirée, et nous continuerons à les poser, car, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas nous demander de débattre d’un calendrier sans nous donner la définition de ce qu’est un conseiller territorial !
M. Charles Revet. C’est un conseiller qui représente un territoire !
M. Yannick Bodin. La question que j’ai posée en ce qui concerne le mode de scrutin n’est donc absolument pas hors sujet : c’est une invitation du Gouvernement à nous dire ce qu’est pour lui un conseiller territorial et votre devoir, monsieur le ministre, est d’éclairer notre assemblée. À défaut, cela signifiera que vous préparez quelque chose qui n’est sans doute pas très honnête…
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, on ne peut pas être dans une contradiction permanente !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vous qui l’êtes !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. Marleix, votre collègue, nous a dit – et je suppose que vous nous auriez déclaré la même chose – que le présent projet de loi faisait partie de l’ensemble de la réforme territoriale dont le Parlement allait progressivement discuter et que, pour des raisons tenant au calendrier – calendrier électoral, nous l’avons bien compris… –, le Gouvernement entendait faire passer celui-ci à toute force et en urgence en utilisant la procédure accélérée.
Eh bien ! monsieur le ministre, nous aussi nous estimons que le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui fait partie de l’ensemble de la réforme et il est dès lors légitime que nous essayions, dès le début de la discussion de ladite réforme et quel que soit le calendrier, d’être éclairés sur la suite que, nécessairement, et vous le reconnaissez d’ailleurs vous-même, ce projet de loi engage.
J’ajoute que, lorsque nous entendons ici des membres du Gouvernement ou un président de commission, qui tous appartiennent à la majorité, nous expliquer, déjà, qu’ils vont défendre le scrutin uninominal à un tour, nous sommes en droit de nous étonner ! Ainsi, des personnes que nous connaissons tous, qui ont toujours défendu le scrutin uninominal à deux tours et se sont constamment opposées à la proportionnelle, commencent aujourd'hui, par un hasard extraordinaire, à défendre le scrutin uninominal à un tour, qui est ce qu’il y a de plus injuste en matière de scrutin…
Il est donc absolument impossible de nous engager dès maintenant dans cette première étape de la réforme qui va déterminer la suite, car nous manquons d’éléments, et ceux dont nous disposons sont extrêmement négatifs.
Je sais d’ailleurs, chers collègues de la majorité, que vous-mêmes vous interrogez et, lors de sa récente audition par M. Courtois, à laquelle j’ai assisté, M. Balladur a dit avec humour, à propos de ce scrutin uninominal à un tour, que les changements de modes de scrutin intervenant dans de telles conditions pouvaient se retourner contre leurs auteurs…
En effet, mes chers collègues, ce scrutin uninominal à un tour, dont personne jusque-là n’avait entendu parler et qui est tombé du ciel – du ciel de l’Élysée... (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) – pour vous assurer un meilleur score aux élections locales, quel que soit d’ailleurs le résultat aux élections nationales, peut se retourner contre vous, mais, surtout, il va faire de gros dégâts dans la démocratie !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le parti communiste défend la démocratie…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aussi, mes chers collègues, réfléchissez bien, car nous serions beaucoup plus à même de voter la première partie de la réforme, cette réduction des mandats que l’on nous présente aujourd'hui, si nous étions mieux éclairés. Mettons-nous au moins d’accord, les uns et les autres, sur le fait qu’il faut se méfier des manipulations des modes de scrutin, a fortiori quand il s’agit de nous imposer un mode de scrutin parfaitement antidémocratique.
M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger, pour explication de vote.
M. Yves Krattinger. Je lisais voilà quelques jours, dans un hebdomadaire, une analyse des trente-cinq élections cantonales partielles de 2009. Vingt et une ont été gagnées par des candidats de gauche, les quatorze autres ont été remportées par des candidats de droite, divers droite et UMP : vingt et une contre quatorze, c’est un peu la tendance actuelle aux cantonales partielles…
Puis, il y avait une analyse du premier tour de ces élections cantonales partielles qui faisait apparaître des résultats inversés : vingt-deux candidats de droite sont arrivés en tête au premier tour – et auraient donc pu être élus dans l’hypothèse d’un scrutin uninominal à un tour… –, contre treize candidats de gauche seulement.
M. Bruno Sido. Après des « magouilles » ?
M. Yves Krattinger. Non ! Il n’est pas dans mes habitudes, monsieur Sido, de tenir ce genre de propos !
M. Bruno Sido. C’était une question !
M. Yves Krattinger. Au contraire, il m’a semblé que cette analyse était un peu superficielle, son auteur en tirant comme conclusion que vous étiez en train de vous livrer à une manipulation. Loin de moi une telle idée ! (Exclamations amusées.)
M. Bruno Sido. Ce n’est pas possible, en effet ! (Sourires.)
M. Yves Krattinger. En revanche, cet analyste oubliait de dire que les électeurs ne savaient pas qu’il ne pouvait éventuellement n’y avoir qu’un tour et qu’ils avaient donc voté au premier tour en pensant qu’il y en aurait un second.
M. Bruno Sido. Bien sûr !
M. Yves Krattinger. Je mets en garde ceux qui espèrent que les électeurs se comporteront dans un scrutin à un tour comme s’il y avait deux tours : en général, ils déçoivent ceux qui les prennent pour des « billes »…
Pour ma part, je fais confiance aux électeurs pour voir qu’il s’agit d’un scrutin à un tour et comprendre que voter à ce tour pour la candidate ou le candidat qu’ils veulent voir gagner est déterminant.
M. Bruno Sido. Pour une fois, M. Krattinger a raison !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 21, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une consultation nationale des conseils généraux et des conseils régionaux sur la réduction de la durée du mandat de leur membre est organisée préalablement au vote de la présente loi.
L'amendement n° 22, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une consultation nationale des conseils généraux et des conseils régionaux sur la réduction de la durée du mandat de leur membre est organisée préalablement à la promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter ces deux amendements.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je sais bien ce que le Gouvernement et la commission vont dire de ces amendements,…
M. Bruno Sido. Hors sujet !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. …mais je vais tout de même les défendre, et ce pour trois raisons.
Premièrement, le Gouvernement nous dit vouloir renforcer la démocratie locale. Dont acte !
Deuxièmement, notre Constitution prévoit la libre administration des collectivités territoriales. Dont acte !
Troisièmement, nous l’avons dit, la réforme territoriale est globale et forme un tout. Dont acte !
Je propose donc que les conseils généraux et régionaux élus soient consultés sur la réduction du mandat ayant pour cause la réforme que le Gouvernement entend faire voter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ces amendements prévoient la consultation des membres des conseils généraux et des conseils régionaux préalablement au vote ou à la promulgation de la présente loi.
D’abord, rien n’oblige le législateur à organiser une telle consultation. Ensuite, si une telle consultation était organisée, elle n’aurait que peu d’intérêt. Le législateur, compétent pour fixer le régime électoral des assemblées locales en vertu de l’article 34 de la Constitution, ne pourra en effet s’estimer lié par le résultat de cette consultation, sous peine d’encourir la censure du Conseil constitutionnel pour incompétence négative.
Les membres actuels des conseils généraux et des conseils régionaux ne sont pas directement touchés par cette mesure, qui concerne les élus désignés respectivement en mars 2011 et en mars 2010.
Enfin, si cette consultation était mise en place, elle forcerait probablement le législateur à repousser l’adoption de la loi à une date postérieure à mars 2010. Celui-ci serait donc obligé de réduire des mandats en cours alors même que la constitutionnalité de ce procédé est douteuse.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Ces deux amendements m’amènent à préciser les conditions dans lesquelles la réforme a pris corps, et je remercie donc Mme Borvo Cohen-Seat de les avoir présentés, même si, sur le fond, je n’y suis pas favorable.
D’abord, cette réforme a pris forme dans un très vaste mouvement de consultation. Des échanges nombreux ont eu lieu avec les associations d’élus, les partis politiques et les parlementaires.
Une réunion de la conférence nationale des exécutifs locaux s’est tenue le 26 mars 2009, sous la présidence du Premier ministre. Des ateliers consacrés aux différents aspects de la réforme ont été constitués ; ces ateliers se sont réunis et ont travaillé.
Le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, le secrétaire d'État à l’intérieur et aux collectivités territoriales et moi-même avons participé à de nombreuses assemblées générales ou à des réunions départementales tenues par les associations d’élus.
Une seconde conférence nationale des exécutifs locaux a eu lieu, sous la présidence du Premier ministre, toujours sur le thème de la réforme, le 15 octobre 2009.
Les partis politiques représentés à l’Assemblée nationale, au Sénat ou au Parlement européen ont tous été reçus individuellement au ministère de l’intérieur pour donner leur point de vue sur la réforme.
Le projet de réforme a par ailleurs été évoqué au Parlement lors des questions d’actualité, à l’Assemblée nationale comme au Sénat. Des débats sur la réforme ont été organisés au Sénat, de même que des auditions de membres du Gouvernement dans le cadre de réunions élargies de la commission des lois. Enfin, les membres de l’Assemblée de Corse ont été appelés à donner leur avis.
Il y a donc eu une vaste consultation sur la réforme et, très naturellement, au terme de celle-ci, le Gouvernement a déposé les projets de loi qui sont aujourd'hui sur les bureaux des assemblées.
Je rappelle après M. le rapporteur que, comme le Conseil constitutionnel l’a précisé, le législateur est seul compétent pour fixer les règles concernant le régime électoral des assemblées locales. Il appartient donc maintenant au Parlement, constitutionnellement compétent pour le faire, de prendre ses responsabilités.
C’est ce qui me conduit à émettre un double avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, vous venez de nous rappeler ce qui figure dans le document accompagnant le projet de loi, à savoir qu’une vaste consultation a eu lieu. Mais je n’ai pas eu le sentiment que celle-ci avait conclu à la nécessité de créer des conseillers territoriaux ou de recourir à un scrutin uninominal à un tour. J’ai même eu le sentiment inverse.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Très bien !
M. Jacques Mézard. Voilà la réalité et, tout à l’heure, vous m’avez un peu inquiété en indiquant que, finalement, cette réforme était sous-tendue par les mêmes motifs que celle qui avait donné lieu à l’élection au scrutin proportionnel en 1986.
M. Jacques Mézard. C’est une comparaison qui ne me paraît pas très heureuse.
M. Jacques Mézard. Je vous en prie, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. le ministre, avec l’autorisation de l’orateur.
M. Jacques Mézard. Alors, je vous ai mal compris !
M. Michel Mercier, ministre. J’ai simplement rappelé que les motifs qui avaient inspiré le législateur en 1986 étaient connus de tout le monde.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Mézard.
M. Jacques Mézard. Ce ne sont donc pas les mêmes motifs !
Votre réponse me rassure, car les motifs de 1986 n’étaient pas exemplaires, et on peut tout à fait ne pas approuver la démarche de l’époque.
Pour en revenir à la consultation, je note que vous n’avez tenu aucun compte de ses conclusions.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger, pour explication de vote.
M. Yves Krattinger. Le Parlement n’est pas lié par les résultats d’une éventuelle consultation des élus locaux, mais cette consultation n’en fournit pas moins des informations qui nous permettent de nous positionner et de formuler des propositions.
S’il y a bien eu concertation, il n’y a pas eu de véritable discussion sur le fond. Les personnes de toutes sensibilités politiques, spécialistes ou non de ces sujets, que le Gouvernement a auditionnées, et que j’ai également eu le plaisir d’entendre avec notre collègue Claude Belot en tant que rapporteur de la mission sénatoriale, n’ont jamais évoqué les mesures dont nous débattons aujourd’hui, qu’il s’agisse de la création d’un élu unique pour le département et la région, du changement de mode de scrutin ou du choix d’un mode de scrutin majoritaire à un seul tour. Ces mesures ne sont donc pas le fruit de la concertation.
Quant à la Conférence nationale des exécutifs, si l’on en croit les commentaires que nous avons pu lire dans la presse, nombre de ceux qui y ont participé ont exprimé leur déception. Tout au plus ont-ils été informés des intentions du Gouvernement ; ils ont regretté d’autant plus amèrement l’absence de discussion sur le fond qu’ils s’attendaient à une véritable concertation.
Permettez-moi de vous livrer un point de vue personnel. Le Gouvernement construit actuellement, avec le soutien de sa majorité, une réforme territoriale contre l’avis du plus grand nombre des élus locaux ; j’y vois une marque de défiance. Les élus ont d’ailleurs été blessés par certains termes ou propos tels que ceux de gabegie, d’irresponsabilité, d’élus trop nombreux. Ceux-ci ont été très mal reçus par l’ensemble des élus des collectivités locales.
Pour ma part, j’ai toujours tenu des propos courtois et respectueux sur les élus locaux, de droite comme de gauche, et j’ai toujours affirmé qu’il fallait faire confiance à leur intelligence. Puisque vous aimez les sondages – après tout, moi aussi, j’ai le droit d’en consulter ! –, je vais vous en citer un, publié voilà quelque temps : à une question portant sur l’efficacité des diverses institutions, les Français interrogés ont répondu à 76 % qu’ils faisaient confiance à la commune – un résultat très positif ! –, à 70 % au conseil général, à 69 % au conseil régional. Quant à la note qu’ils attribuent à l’État, donc à celui qui a l’intention de réformer ces collectivités qu’ils jugent favorablement, elle est nettement plus décevante : 35 % seulement des personnes consultées estiment qu’il est efficace. Et le résultat est pire pour l’Europe, puisque seuls 31 % de ces Français considèrent que ses institutions sont satisfaisantes. Ces chiffres doivent nous faire réfléchir !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut faire attention !
M. Yves Krattinger. Vous justifiez cette réforme en invoquant le mauvais fonctionnement des collectivités locales. Or les Français ne partagent pas votre point de vue ! En effet, à quelques points près, ce sondage reflète leur opinion réelle sur nos institutions.
Le Gouvernement aurait tout intérêt à entendre les messages qui lui sont adressés, les nôtres comme ceux du pays tout entier. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L’amendement n° 24, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales est accordé aux étrangers ressortissants de l'Union européenne résidant en France et aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant régulièrement en France depuis au moins cinq ans.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales est accordé aux étrangers ressortissants de l’Union européenne résidant en France et aux étrangers non ressortissants résidant régulièrement en France depuis au moins cinq ans. Une étude de l’état du droit en vigueur en matière de vote des étrangers, réalisée sur tous les continents, montre que cette pratique est loin d’être isolée ou exceptionnelle : elle est non pas cantonnée au continent européen, mais existe, sous de multiples modalités, sur l’ensemble des continents. Ainsi, sur 192 États membres de l’Organisation des Nations unies, 64 États au moins, soit un pays sur trois dans le monde, accordent le droit de vote aux étrangers. Si l’on songe que bon nombre des autres pays ne sont pas vraiment des « démocraties », au sens courant du terme, cette proportion est d’autant plus importante.
Contrairement à ce qui est souvent avancé dans le débat en France, il ne s’agit donc pas du tout d’une utopie. Au contraire, cette pratique, parfois ancienne, a tendance à s’étendre et sera sans doute en voie de généralisation au début du XXIe siècle. C’est l’Amérique du Sud, avec dix pays sur douze accordant le droit de vote aux étrangers, qui constitue sans doute le continent de référence, suivie de l’Europe, avec vingt-neuf pays sur quarante-quatre, et de l’Amérique du Nord et du Centre, avec douze pays sur vingt-trois.
Les modalités de l’ouverture du droit de vote aux étrangers sont multiples. Parfois, le droit de vote n’est accordé qu’à certaines catégories d’étrangers, au nom, par exemple, d’anciens liens coloniaux, comme dans le Commonwealth, de l’existence d’une communauté linguistique, ou encore en raison d’une proximité géographique et d’unions historiques.
Le principe de réciprocité entre États – à l’intérieur de l’Union européenne, ou entre certains pays européens et africains, notamment – est également l’une des modalités possibles de l’ouverture. Toutefois, dans trente-six pays, le droit de vote est ouvert à tous les étrangers résidents, sans restriction de ce type.
Enfin, si le vote est souvent limité aux scrutins locaux ou intermédiaires, au moins vingt-cinq pays accordent le droit de vote à des étrangers dans des scrutins nationaux.
Ce panorama permet de montrer combien le paradigme selon lequel le droit de vote serait une prérogative réservée aux ressortissants de l’État est ébranlé dans les faits. Contrairement aux représentations courantes, le droit de vote des étrangers est aujourd’hui une réalité finalement assez banale.
Refuser le droit de vote aux étrangers, c’est définir de façon fermée la communauté politique. Par conséquent, c’est bien la souveraineté de l’État qui est affirmée, au détriment du principe démocratique selon lequel le peuple doit décider de ce qui le concerne. Il est donc temps d’accorder le droit de vote aux étrangers, afin que les femmes et les hommes qui participent pleinement au développement économique et social du pays prennent part à la vie politique locale en exerçant leur droit de vote.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement tend à octroyer le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales aux ressortissants communautaires et aux ressortissants extracommunautaires régulièrement établis en France depuis plus de cinq ans.
Cet amendement est sans rapport avec le présent texte, qui concerne la concomitance de l’élection des conseillers régionaux et de celle des conseillers généraux. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.) En outre, il s’agit d’un sujet fondamental qui ne saurait être traité ni par voie d’amendement ni dans le cadre d’une procédure accélérée.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. Si j’ai bien compris, cet amendement est un cavalier. Mais je vous ai entendu parler du droit de vote des étrangers : à ce moment-là, en tant que sénateur représentant les Français de l’étranger, je demande la réciprocité dans les pays d’accueil !
Mme Odette Terrade. Vous n’avez pas écouté, Mme Didier en a parlé !
M. le président. L’amendement n° 25, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement dépose chaque année un rapport au Parlement retraçant le comparatif au sein des pays de l'Union européenne du droit de vote et d'éligibilité pour les élections aux conseils des collectivités territoriales des citoyens étrangers non ressortissants de l'Union européenne majeurs des deux sexes régulièrement établis dans chacun des pays de l'Union européenne.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Depuis combien de temps se pose la question du droit de vote des étrangers aux élections locales ?
Mme Odette Terrade. Des promesses ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De façon pressante, depuis au moins dix ans !
M. Yannick Bodin. Un peu moins ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La Belgique, le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Suède et certains cantons suisses accordent le droit de vote à tous les étrangers qui résident sur leur territoire depuis quelques années. Ces pays ont respectivement élargi le droit de vote aux élections locales à tous les étrangers en 1975, 1981, 1983, 2003 et 2004. Ce droit est subordonné à une durée minimale de résidence comprise entre trois et cinq ans ; ce que nous proposons n’en est pas très éloigné !
L’Irlande, quant à elle, ne subordonne pas le droit de vote des étrangers à une durée minimale de résidence. En effet, depuis 1963, la loi électorale accorde le droit de vote aux élections locales aux étrangers. Initialement, l’exercice de ce droit était subordonné à une condition de résidence d’au moins six mois dans le pays. La loi électorale de 1992 a supprimé cette condition, propre aux étrangers, de sorte que ces derniers doivent désormais remplir les mêmes conditions de résidence dans la circonscription et d’inscription sur les listes électorales que les nationaux.
Outre la France, trois pays, l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie, limitent le droit de vote aux élections locales aux seuls ressortissants d’un État membre de l’Union européenne. Pourtant, l’exemple des pays européens cités précédemment montre que l’accès au droit de vote des étrangers non ressortissants de l’Union européenne ne crée pas de bouleversements majeurs, si ce n’est l’émergence d’une conception plus large et plus universelle de la démocratie.
J’ajoute qu’en ces temps troublés d’interrogation sur l’identité nationale, au lieu d’opposer les Français « de souche », comme il vous plaît de les appeler, et les autres, le droit de vote serait un facteur d’intégration des étrangers et de leurs familles – enfants, petits-enfants, etc. – à la communauté de vie, la communauté politique, la communauté des droits et des devoirs, la communauté fiscale et la communauté de travail. Cette question est importante pour toutes ces personnes,
La disposition accordant le droit de vote aux étrangers lors des élections locales a été adoptée à l’Assemblée nationale. Vous refusez absolument d’avancer en ce sens ; c’est une grave erreur !
Vous dites que cette proposition n’a pas de lien avec le texte. Bien sûr que si ! Nous parlons bien des élections locales aux conseils généraux et régionaux, que je sache !
Vous devriez poser cet acte du droit de vote des étrangers, tout au moins aux élections locales, un droit dont le principe, je le rappelle encore une fois, a été adopté à l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Comme le précédent, cet amendement n’a aucun rapport avec le texte. J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 26, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente une étude d'impact sur les conséquences de la réforme des collectivités territoriales notamment en matière de parité, de pluralisme et de coût financier et social.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. En prévision du prochain débat sur la réforme des collectivités territoriales, il nous paraît nécessaire de bénéficier de la meilleure information possible. Nous demandons donc au Gouvernement de nous présenter une étude d’impact détaillée sur les conséquences d’une telle réforme.
Nous redoutons la remise en cause de la parité et du pluralisme, qui représenterait une régression sans précédent. Le présent projet de loi instaure en effet, en lieu et place des conseillers généraux et régionaux, des conseillers territoriaux qui seront élus, selon un mode de scrutin mixte, pour 80 % au scrutin uninominal à un tour et pour 20 % à la proportionnelle.
Alors que le combat pour la parité est loin d’être gagné, vous instaurez un mode de scrutin qui remettra en question non seulement la participation des femmes à la vie politique, mais aussi le pluralisme ; c’est en effet l’outil idéal pour laminer les petites formations politiques. Nous souhaitons donc que soit portée à la connaissance des assemblées une analyse détaillée des conséquences de ce mode de scrutin.
Nous souhaitons aussi avoir une parfaite connaissance du véritable coût de cette réforme. En effet, alors que vous êtes si prompts à nous parler de réduction des dépenses publiques, nous sommes assez curieux de savoir combien va coûter une telle réforme, qui vise non seulement à supprimer la moitié des élus, ce qui s’apparente à un licenciement pur et simple, mais aussi à créer des conseillers territoriaux qui devront siéger dans deux assemblées. Or il faudra bien prévoir la construction de nouvelles assemblées, ce qui n’est pas le cas pour le moment.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la réalisation d’une véritable étude d’impact, précise, sur tous ces thèmes ô combien ! importants, et ce dans le respect de la Constitution.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement sort de la procédure prévue par l’article 39 de la Constitution. En effet, aux termes de la loi organique du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, les études d’impact sont déposées en même temps que le texte et leur insuffisance ne peut être constatée que par la conférence des présidents, puis par le Conseil constitutionnel, en cas de désaccord entre le Gouvernement et le Parlement. De ce fait, cet amendement pourrait être considéré comme inconstitutionnel.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Bien qu’ayant déjà répondu tout à l’heure à cette question, je répète bien volontiers qu’un certain nombre de préalables doivent être remplis avant de pouvoir vous donner tous ces renseignements. Ces derniers vous seront naturellement fournis lors de la première réunion de la commission des lois du Sénat qui examinera le projet de loi électorale.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger, pour explication de vote.
M. Yves Krattinger. Je regrette la position du Gouvernement sur ce sujet. La parité suscite une réelle préoccupation. Tous les orateurs qui sont intervenus dans cet hémicycle ne partagent pas la même analyse. Les conséquences du mode de scrutin à un tour sur le pluralisme soulèvent de nombreuses questions.
J’ai déduit de vos propos, monsieur le ministre, que votre lecture était complètement différente de la nôtre : alors que vous pensez que ce mode de scrutin favorise le pluralisme, nous estimons qu’il le lamine. Une étude devrait être réalisée par des personnes plus neutres.
Une réelle préoccupation apparaît également au sujet du coût financier. Voilà quelques semaines, je participais avec le président du groupe UMP du Sénat, Gérard Longuet, à une réunion regroupant plus de trois cents élus. Nous expliquions chacun notre vision de la réforme, dans un débat démocratique positif. Gérard Longuet a indiqué que les nouveaux conseillers territoriaux deviendraient assez rapidement des élus professionnels ; ces propos ont inquiété un certain nombre de participants à cette réunion. Si tel est le cas, je suppose que ces élus percevront non pas une indemnité, mais une sorte de salaire, qui sera soumis à cotisations sociales, à cotisations de retraite.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est déjà le cas !
M. Yves Krattinger. Ces élus auront un statut, contrairement aux actuels élus locaux.
J’attache une certaine importance aux propos du président du groupe UMP. Si tel n’est pas votre cas, mes chers collègues, je vous conseille de vous accorder entre vous !
L’argumentaire de M. Longuet, auquel je ne m’oppose pas a priori, n’était pas dépourvu d’intérêt ; mais des dépenses découleront de ce dispositif.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il y aura aussi des économies !
M. Yves Krattinger. On nous dit que la réforme aura pour effet de faire disparaître 3 000 élus, économie suprême qui sauverait la République. Mais si les 3 000 élus restants ont ce statut d’élus professionnels, à l’évidence, ils coûteront plus cher que les 6 000 qui existent actuellement. N’oublions pas non plus les frais de déplacement, l’indemnisation des remplaçants, etc.
Pour toutes ces raisons, une étude d’impact approfondie doit être réalisée. Nous pourrons alors confronter nos points de vue, en nous appuyant sur une expertise qui devra être neutre.
Même si la proposition, de bon sens, qui est faite ne peut pas être retenue aujourd’hui, le Gouvernement pourrait fort à propos ajouter une étude d’impact aux documents qui nous ont été communiqués. Celle dont nous disposons actuellement, qui ne correspond visiblement pas aux attentes, pourrait être complétée, de sorte que des réponses soient apportées aux questions qui, à l’évidence, préoccupent un grand nombre d’entre nous. Nous souhaitons obtenir des réponses crédibles étayées d’une analyse approfondie.
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les différents seuils, maintien au second tour, possibilité de fusion, accès à la répartition des sièges, doivent être abaissés afin de permettre le renforcement du pluralisme dans les conseils généraux et régionaux.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Il s’agit d’un amendement d’appel, afin que s’instaure un large débat sur la représentativité de nos assemblées élues et sur le pluralisme dans nos institutions.
À quelques semaines de l’ouverture de nos travaux portant sur des textes de destruction massive de nos institutions locales, ce débat nous paraît essentiel.
Par cet amendement, nous lançons, en quelque sorte, une pétition de principe. Nous sommes en effet toujours aussi favorables à la représentation, dans toutes nos assemblées, de l’ensemble des sensibilités politiques présentes dans notre pays. En permanence nous avons dit que nous soutenions le scrutin proportionnel, qui seul, selon nous, permet cette diversité. Ces principes nous conduisent à réaffirmer aujourd’hui la nécessité de réduire les seuils permettant à des candidats d’être présents à un deuxième tour ou de participer à la répartition des sièges.
Nous souhaitons qu’un débat soit organisé sur ce sujet dans les prochains jours.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement n’a pas de lien avec le présent texte. Il est dénué de toute valeur normative.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Mme Didier elle-même nous a indiqué qu’il s’agissait d’un amendement d’appel – appel que nous avons entendu –, qui n’a donc pas de caractère normatif.
Le Gouvernement ne peut qu’émettre un avis défavorable.
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
13
Dépôt d’une question orale avec débat
M. le président. J’informe le Sénat que j’ai été saisi de la question orale avec débat suivante :
N° 53 - Le 24 décembre 2009 - M. Jean-Louis Carrère attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales sur l’application de la loi n° 2009-971 du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale.
Les craintes alors exprimées concernant les conséquences du « rattachement » de la gendarmerie au ministère de l’intérieur sont hélas en voie de confirmation. La mutualisation des moyens entre la police et la gendarmerie, les synergies induites par le « rattachement » en matière de matériels et de formation mènent de manière rampante vers une fusion des forces, vers la force unique hors statut militaire.
La gendarmerie perdra 1 300 emplois en 2010 par l’application brutale de la révision générale des politiques publiques. Cette évolution, faite de réductions d’effectifs et de menaces de fermeture de brigades, est dangereuse pour le maillage du territoire et néfaste pour la présence de la gendarmerie auprès des populations rurales. Il apparaît que ce processus de « rattachement » et ses déclinaisons budgétaires conduisent progressivement au démantèlement du service public de la sécurité.
Il s’interroge sur la volonté du Gouvernement de maintenir et consolider le statut militaire de la gendarmerie. Il s’interroge sur la détermination du Gouvernement d’avoir une force de sécurité à statut militaire et une force de sécurité à statut civil et de laisser à l’autorité judiciaire le libre choix entre les deux services. Il est nécessaire de faire un bilan d’étape et une première évaluation des conséquences du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.
Il souhaite que la présente question orale avec débat permette de débattre des méthodes et des objectifs de la politique du Gouvernement à l’égard de la gendarmerie.
(Déposée le 15 décembre 2009 – annoncée en séance publique le 15 décembre 2009)
Conformément aux articles 79, 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.
14
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 16 décembre 2009, à quatorze heures trente et le soir :
- Suite du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux (Procédure accélérée) (n° 63, 2009-2010).
Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 131, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 132, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 16 décembre 2009, à zéro heure quarante.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD