M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Qu’il faut mettre en place la concomitance ? Oui !
M. Alain Anziani. Le Gouvernement doit déterminer clairement sa position : ou bien il se rallie aux conclusions du Sénat et cesse d’affirmer que les collectivités sont trop nombreuses et présentent un coût trop élevé ; ou bien il expose d’autres arguments. Je m’interroge donc sur le vrai motif de ce projet de loi. J’attends à ce sujet la réponse du Gouvernement.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La concomitance !
M. Alain Anziani. Monsieur le président Hyest, cessez de dire que ce texte se suffit à lui-même, car ce n’est pas le cas !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si ! Si !
M. Alain Anziani. Mais non ! Peut-être se suffit-il à vous-même, mais selon un dessein qui n’apparaîtra que dans les prochains mois. Pourquoi ?
Ce qui se profile, ce n’est pas un nouvel acte de la décentralisation, que nous appelons pourtant de nos vœux, qui accorderait plus de pouvoirs et de moyens aux collectivités ; ce n’est pas non plus une clarification des missions de l’État, qui ne cesse pourtant d’en appeler au soutien financier de nos régions, de nos départements, de nos intercommunalités ou de nos communes ; ce n’est pas davantage une meilleure lisibilité, qui permettrait à l’électeur d’identifier le rôle de chaque entité. Ce qui se profile, c’est, comme cela a été dit à plusieurs reprises, la confusion institutionnelle. Nous attendons donc que vous nous exposiez, en commission serait le mieux, les raisons de cette réforme et votre vision de la décentralisation.
Le troisième motif de renvoi à la commission, c’est le mode de scrutin. Vous contestez que le Conseil d’État, dans son avis du 15 octobre 2009, ait disjoint la partie du texte portant sur le mode de scrutin du conseiller territorial à un tour avec compensation proportionnelle. L’énoncé seul de la phrase témoigne de la complexité du système ! Selon vous, le Conseil d’État aurait simplement entériné la création du conseiller territorial – M. Marleix l’a dit à plusieurs reprises.
Mais vous êtes maître de la preuve. Monsieur le ministre, si vous voulez nous convaincre sur ce point, il vous suffit simplement de publier cet avis. Vous en avez le pouvoir ! Si vous êtes certain de son contenu, publiez-le et nous nous inclinerons s’il n’évoque pas les risques de porter atteinte à la sincérité du scrutin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Odette Terrade applaudit également.)
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. Alain Anziani. La balle est dans votre camp.
Dans cette attente, constatons simplement que ce mode de scrutin est en rupture complète avec la tradition républicaine française. Vous permettez en effet à un candidat d’être élu avec moins d’un tiers des suffrages. Vous créez l’élu à 30 % des voix, et peut-être à 25 %. C’est une innovation.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela arrive déjà en cas de triangulaire !
M. Alain Anziani. Au-delà, cela a déjà été dit, vous inventez l’élu sans voix, c’est-à-dire l’élu pour lequel personne n’aurait voté. C’est une grande innovation.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est l’idéal !
M. Alain Anziani. Je doute de l’apport de cette innovation à la démocratie.
En outre, vous créez même une nouvelle sorte d’élu, qui est l’élu des perdants. Selon le système proportionnel que vous proposez, l’élu devra remercier non plus ses électeurs, mais ses collègues battus. Dans quelle démocratie vivons-nous ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Ce mode de scrutin porte également atteinte au pluralisme politique, principe qui est reconnu à l'article 4 de la Constitution. Avec un tel système, dont ils pourraient a priori se réjouir, les petits partis seront laminés, y compris à la proportionnelle.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On s’en est aperçu !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous critiquez la proportionnelle ?
M. Alain Anziani. Là encore, vous devez préciser votre pensée. Ce mode de scrutin préfigure le bipartisme. Je doute que tous les membres de cette assemblée approuvent cette évolution.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les socialistes défendant les petits partis, c’est extraordinaire !
M. Alain Anziani. La remise en cause de la parité constitue le quatrième motif de renvoi du texte à la commission. L’étude d’impact consacre seulement deux phrases à ce sujet, rappelant simplement les conséquences de la parité.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ça ne les intéresse pas !
M. Alain Anziani. Vous nous proposez une bien mauvaise cuisine, en confondant le poivre et le sel. Vous nous annoncez que puisque le nombre de conseillers généraux ou de conseillers municipaux dans les communes de plus de cinq cents habitants augmente – tout va très bien, madame la marquise ! –, vous pouvez finalement diminuer la parité. Telle n’est pas notre vision. À nos yeux, la parité est une obligation et non un marchandage ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste. – Mme Odette Terrade applaudit également.)
Enfin, il existe un cinquième motif justifiant le renvoi du texte à la commission : l’absence d’étude d’impact suffisamment précise. Le nouvel article L. 190-2 du code électoral mentionne que « les effectifs de chaque conseil régional et de chaque conseil général sont fixés conformément au tableau n° 7 annexé au présent code ».
M. Jean-Pierre Sueur. Où est-il ?
M. Alain Anziani. Où se trouve ce tableau n° 7 ? Il semble conservé comme un secret d’État au ministère de l’intérieur.
Un sénateur socialiste. Dans un coffre-fort !
M. Alain Anziani. Nous, parlementaires, nous en sommes réduits à nous référer à l’article 14 du projet de loi, selon lequel ce tableau fera l’objet d’une ordonnance, qui interviendra un an après la promulgation de la loi, respectant l’égalité du suffrage, ce qui inclut des bases démographiques et la prise en compte de l’impératif de bonne administration du département et de la région.
Il est aussi possible de quêter les informations dans les commentaires des ministres, au détour d’une phrase. Un jour nous apprenons que finalement il faudra 15 000 habitants par canton, un autre jour, qu’il y aura au moins trois cantons par circonscription législative – ce que M. Marleix a souligné voilà quelques jours lors de la table ronde –, un autre encore, qu’il faudra au minimum quinze élus par département. Franchement, nous sommes dans l’obscurité, et donc dans la confusion la plus complète, alors que vous voulez, paraît-il, apporter de la lumière !
En revanche, si on mêle tous ces critères, on aboutit à une conclusion tout à fait paradoxale. Alors que vous souhaitez diviser par deux le nombre d’élus, vous allez augmenter de façon pléthorique le nombre d’élus aux conseils régionaux. Ceux-ci devront donc s’agrandir…
Mme Maryvonne Blondin. Bien sûr !
M. Alain Anziani. … pour accueillir les nouveaux représentants au sein des hôtels de région.
Vous essayez de nous rassurer en annonçant l’instauration d’une commission ad hoc. Finalement, cela revient à nous dire : ce que vous n’avez pas aimé lors du redécoupage des circonscriptions législatives, vous allez le détester pour le redécoupage des cantons. Merci monsieur le ministre ! (Applaudissements et sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Le vrai motif de la réforme est simple. Jouons cartes sur table. Il s’agit tout d’abord d’affaiblir les collectivités territoriales et, dans un second temps, de renforcer le pouvoir gouvernemental. Il existe une étude d’impact. Il suffit d’appliquer ce mode de scrutin aux dernières élections cantonales et d’étudier le résultat : 10 % des cantons gagnés par une formation reviendraient à la formation qui aujourd’hui soutient ce projet de loi. Telle est la vérité ! (Mme Maryvonne Blondin opine.) Elle ne peut bien sûr pas nous convenir.
Tel sont les cinq motifs que je souhaitais développer, un seul suffit à renvoyer le texte à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je vous ai écouté avec une grande attention, monsieur Anziani. Vous avez développé cinq arguments afin de renvoyer ce texte à la commission. Vous avez notamment critiqué les méthodes de scrutin et les modalités électorales. Mais en fait, monsieur Anziani, un texte à ce sujet est déjà en commission. Il s’agit du projet de loi n° 61, pour lequel la commission des lois a bien voulu me nommer rapporteur. Il sera examiné en temps voulu. Votre vœu est ainsi exaucé : le texte relatif au mode d’élection du conseiller territorial existe. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
Dès lors, je ne vois pas pourquoi nous nous prononcerions sur ce point aujourd’hui. En effet, nous examinons un texte totalement différent, consacré à la concomitance, dont les deux articles ne me semblent pas très complexes. Le premier précise que le mandat des conseillers généraux élus en mars 2011 expirera en mars 2014 et le second, que le mandat des conseillers régionaux et celui des membres de l'Assemblée de Corse élus en mars 2010 expireront en mars 2014.
Examiné en commission des lois, ce projet de loi n’a pas soulevé de problème juridique manifeste. Pour le reste, vous avez satisfaction avec le projet de loi n° 61, qui sera examiné par la commission des lois dans quelques semaines. Aussi, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir repousser cette motion de renvoi à la commission. (MM. François Trucy et Jackie Pierre applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre. J’ai écouté, non sans intérêt, l’habile exposé de M. Anziani. Je rappelle toutefois, comme vient de le faire M. le rapporteur, que, dans un souci de clarté, le Gouvernement a déposé sur le bureau du Sénat trois projets de loi simultanément, afin que le Parlement ait une vision globale des textes tendant à réformer les collectivités locales. C’est un vrai progrès, car, en 1990, l’exposé des motifs du projet de loi présenté par le gouvernement Rocard se terminait par la phrase suivante : « Le Gouvernement déposera en temps utile un projet de loi complémentaire pour organiser les procédures de vote propres aux élections simultanées. »
Aujourd’hui, le Gouvernement vous livre d’emblée ses intentions. Vous en avez donc pleine connaissance, et vous ne pouvez pas nous intenter de procès en la matière.
Je rappelle que le Conseil constitutionnel a reconnu au législateur les pouvoirs les plus larges pour déterminer le régime électoral des assemblées locales et la durée des mandats des élus qui composent l’organe délibérant d’une collectivité territoriale, le Conseil ne se reconnaissant qu’un pouvoir limité d’appréciation dans ce domaine.
Pour ces motifs, je conclurai, comme M. le rapporteur, au rejet de la motion.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 3, tendant au renvoi à la commission.
Afin que les choses soient parfaitement claires, je vous rappelle, mes chers collègues, qu’aucune explication de vote n’est admise.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Voilà !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Règlement, règlement !
M. le président. Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (M. Alain Milon applaudit – Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Thierry Repentin. Rappelez bien les règles, monsieur le président ! (Sourires.)
M. le président. Je vous rappelle que la commission comme le Gouvernement ont émis un avis défavorable sur la motion.
M. Thierry Repentin. S’agit-il de voter contre la motion ou contre le texte ? (Nouveaux sourires.)
M. le président. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement. Ceux qui souhaitent voter pour remettront un bulletin blanc ; ceux qui souhaitent voter contre remettront un bulletin bleu ; ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 110 :
Nombre de votants | 336 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 166 |
Pour l’adoption | 150 |
Contre | 181 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Nous passons à la discussion des articles.
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par MM. Peyronnet, Sueur et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy, Povinelli et Collomb, Mme Alquier, MM. Bérit-Débat, Berthou, Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet, Chastan, Courteau, Daunis, Daudigny et Fichet, Mme Ghali, MM. Guérini, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Patriat, Percheron, Rebsamen, Sergent et Signé, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le code électoral, les mots : « conseiller général » sont remplacés par les mots : « conseiller départemental » et les mots : « conseillers généraux » par les mots : « conseillers départementaux ».
II. - En conséquence, dans l'intitulé du présent projet de loi, remplacer le mot :
généraux
par le mot :
départementaux
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Avant d’aborder, très rapidement, l’amendement n° 5, je tiens à vous indiquer le sens de nos autres amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l’article 1er.
Il nous a semblé important que quelques grands principes soient rappelés et inscrits dans la loi, même s’ils ne sont pas nécessairement présentés selon l’ordre le plus pertinent. Nous souhaiterions même que certains deviennent des principes constitutionnels, comme la parité pour les conseils régionaux ou le fait que le scrutin à deux tours devienne le mode normal de scrutin dans la République. Les autres sont moins fondamentaux, mais ils ne sont pas pour autant dépourvus de sens, et ils concourent à l’identité républicaine.
L’amendement n° 5 concerne le département, plus exactement l’appellation des conseillers généraux et de l’assemblée qu’ils forment.
Je ne rappellerai pas l’histoire des départements ni leur importance. Il me semble que cette vieille institution, née avec la Révolution, rénovée en 1982, a montré toute sa pertinence et son efficacité. Néanmoins, en raison de son appellation, cette assemblée manque toutefois de lisibilité pour la population.
Aux côtés du conseil municipal, qui représente les municipalités, et du conseil régional, qui représente les régions, le conseil général manque de lisibilité pour nombre de nos concitoyens.
La substitution de termes que nous proposons au travers de cet amendement permettrait une meilleure adéquation entre cette assemblée et l’espace au sein duquel elle exerce sa compétence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cette demande de changement d’appellation, déjà ancienne, ne me semble pas opportune aujourd’hui. Elle ne présente qu’un lien ténu avec le présent projet de loi et, de surcroît, lors de l’examen du deuxième projet de loi par la commission des lois, un amendement similaire a fait l’objet d’un avis défavorable.
En conséquence, la commission émet également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Effectivement, cette demande ancienne n’a jamais été satisfaite par le passé.
Elle est par ailleurs dépourvue de tout lien avec ce projet de loi, qui a pour unique objet le calendrier de renouvellement des conseils généraux et régionaux.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Thierry Repentin. Cela devient ridicule !
Mme Josiane Mathon-Poinat. C’est de l’obstruction ! (Sourires.)
M. le président. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Je vous rappelle que la commission comme le Gouvernement ont émis un avis défavorable sur cet amendement.
Ceux qui souhaitent voter pour remettront un bulletin blanc ; ceux qui souhaitent voter contre remettront un bulletin bleu ; ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 111 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 166 |
Pour l’adoption | 149 |
Contre | 182 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, je me suis trompé ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Rappel au règlement
M. Daniel Raoul. Je veux simplement faire remarquer à ceux de nos collègues qui siègent assidûment dans cet hémicycle que, depuis le début de cette session parlementaire, et même depuis bien des années, le nombre de scrutins publics a atteint un niveau inégalé.
Nous ne pouvons pas continuer ainsi. Messieurs de la majorité (Mme Catherine Troendle s’exclame)…
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Et les dames ?
M. Daniel Raoul. Madame la sénatrice (Ah ! sur les travées de l’UMP),…
M. Gérard Longuet. Chère collègue !
M. Daniel Raoul. … que ne ferais-je pour vous. (Sourires.)
Chers collègues de la majorité, vous n’avez pas eu le courage de mettre en toutes lettres dans le règlement de notre assemblée les dispositions qui régissent les scrutins publics, car vous savez bien l’avis qu’aurait alors émis le Conseil constitutionnel.
Le débat sur la réforme de La Poste l’a montré : il n’est pas possible de continuer ainsi. L’examen de ce projet de loi nous a mobilisés jour et nuit – nos nuits ont d’ailleurs été plus belles que vos jours (Sourires) –, y compris le week-end. Aussi, il faudra bien que, un jour ou l’autre, la conférence des présidents ou le bureau du Sénat décide de limiter le nombre de scrutins publics pouvant être demandés lors de l’examen d’un texte.
Mes chers collègue, si vous considérez que ce projet de loi est important, qu’il constitue l’alpha et l’oméga de vos réformes, alors mobilisez vos troupes ! Assumez vos projets !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On assume !
M. le président. Monsieur Daniel Raoul, acte vous est donné de votre rappel au règlement.
La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Monsieur Raoul, permettez-moi de vous faire remarquer que, au moment où je parle, nous sommes numériquement majoritaires.
M. Daniel Raoul. Depuis cinq minutes !
M. Robert del Picchia. Si nous avons demandé un scrutin public, c’est parce que nous considérons que cet amendement est important et que nous voulons que soit mentionnée au Journal officiel la liste nominative de ceux qui ont voté pour ou contre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Un sénateur socialiste. Vous faites voter des fauteuils vides !
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Je souhaite simplement poser une question : ceux de nos collègues de la majorité qui ont mal voté seront-ils punis par la suite ? (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet.
M. François-Noël Buffet. Je souhaite simplement apporter une réponse : nous avons le sens du pardon ! (Sourires sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Articles additionnels avant l'article 1er (suite)
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le mode de représentation proportionnelle garantit le pluralisme et la parité dans les assemblées élues.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous savons bien que la parité et le pluralisme politique, pourtant inscrits dans la Constitution, ont exigé de nombreux combats pour être appliqués. Pourtant, nous sommes loin du compte.
Pour justifier la dose de proportionnelle, il est pourtant affirmé, dans l’exposé des motifs du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux, qu’il « n’était pas possible d’effacer les acquis du scrutin proportionnel, qui favorise la parité et la représentation des différentes sensibilités politiques ».
Nous voulons donc dire une nouvelle fois qu’il est urgent de faire en sorte que nos concitoyens se sentent enfin représentés à tous les niveaux et de mettre fin au divorce qui existe entre eux et leurs institutions. Cela suppose de reconnaître le peuple dans toute sa diversité. Il faut donc que les femmes cessent d’être majoritairement écartées d’une partie des assemblées élues et que soient combattues toutes les tentatives de bipartisme.
Or seul le scrutin à la proportionnelle permet d’assurer une juste représentation du corps électoral. Il permet d’assurer l’égalité des voix, et donc celle des citoyens, devant les choix politiques. Nous défendons donc son instauration à toutes les élections, d’une façon adaptée à chacune d’entre elles.
Agiter la menace de la place que ferait la proportionnelle à l’extrême droite et une incapacité du peuple à faire des choix conformes à ses intérêts est illégitime. Ce n’est pas la reconnaissance du pluralisme dans les assemblées qui provoque des crises ; c’est l’inadéquation d’un système politique qui reconnaît avant tout les « élites » et décide contre l’intérêt du peuple ; ce sont les promesses non tenues ; ce sont les politiques qui valident les idées d’extrême droite et leur permettent de faire leur entrée dans les esprits et dans les assemblées.
De même, sont irrecevables les arguments fondés sur la « gouvernabilité ». Les conseils municipaux, les conseils régionaux en font la preuve.
La démocratie n’est pas l’adversaire de l’efficacité des choix et de leur mise en œuvre ; elle en est le socle.
Mais la déformation systématique de la représentation populaire ne vise-t-elle pas à maintenir les « solutions » politiques aux problèmes d’aujourd’hui sous le contrôle du pouvoir ? Il est temps d’y remédier.
Mme Odette Terrade. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement dispose que « le mode de représentation proportionnelle garantit le pluralisme et la parité dans les assemblées élues ».
Dépourvu de valeur normative et de lien avec le présent texte, il ne saurait être adopté. Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet, lui aussi, un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par MM. Peyronnet, Sueur et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy, Povinelli et Collomb, Mme Alquier, MM. Bérit-Débat, Berthou, Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet, Chastan, Courteau, Daunis, Daudigny et Fichet, Mme Ghali, MM. Guérini, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Patriat, Percheron, Rebsamen, Sergent et Signé, Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 337 du code électoral est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La composition des conseils régionaux respecte les principes de la parité. »
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Il s’agit d’un amendement symboliquement très important.
La révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 avait permis, en modifiant les articles 3 et 4 de la Constitution, d’inscrire explicitement qu’il était d’ordre constitutionnel de « favoris[er] l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ».
La loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, qui avait suivi, avait ainsi prévu un dispositif d’incitations et de contraintes pour accroître la proportion de candidatures féminines à la plupart des élections. Nous, socialistes, avons œuvré pour une meilleure représentation des femmes en politique.
À l’époque, déjà, c’est au Sénat que les plus grandes réticences s’étaient exprimées, et pour cause : les sénateurs de la majorité, alors dans l’opposition, estimaient qu’il n’était pas « nécessaire d’imposer des contraintes aussi rigides sur la composition des listes ». On pouvait lire, dans le rapport de Guy Cabanel, que « l’obligation de composition alternée des listes risquait de conduire à imposer l’égal accès plus qu’à le favoriser ».
L’opposition au gouvernement avait alors tenté d’amoindrir la portée de la réforme constitutionnelle. Aussi, il n’est pas étonnant que les réticences, une fois encore, s’expriment sur les travées de la droite.
La loi du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives a permis d’améliorer une nouvelle fois la parité politique en France. Elle s’applique désormais aux membres des exécutifs régionaux et municipaux ainsi qu’à l’élection de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Si les scrutins de liste se prêtent aisément à la promotion de la parité, celle-ci est en revanche plus difficile à favoriser dans les scrutins uninominaux. Ainsi, les conseils régionaux représentent aujourd’hui les seules assemblées, avec les conseils municipaux des villes de plus de 3 500 habitants, où la parité est stricte, grâce au scrutin de liste. Malheureusement, il ne pourra plus en être de même avec le nouveau projet de loi. Les conseillers territoriaux, issus, pour 80 % d’entre eux, de cantons, ne seraient pas astreints à des règles de représentativité paritaire, à l’exception du choix du suppléant.
Nous souhaitons prévenir un retour en arrière, car force est de constater que, malgré l’existence d’un dispositif juridique étoffé permettant d’assurer l’égalité formelle entre les femmes et les hommes, les inégalités persistent et ne se réduisent que très lentement.
Nous considérons qu’il faut aller au-delà d’une simple égalité de principe : il faut réaliser l’égalité dans les faits.
D’ailleurs, n’y aura-t-il pas matière à non-conformité avec les principes de valeur constitutionnelle dès lors que vous choisissez de « mettre en recul » – c’est-à-dire dans une situation de législation « moins favorable » – une disposition de représentativité du corps électoral et de légitimité par votation ?
M. le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales a affirmé plusieurs fois, par voie de presse, que cette réforme allait faire progresser la parité dans nos assemblées locales à partir de mars 2014, et que, de ce fait, elle ne pouvait être considérée comme un recul. Il a déclaré que ce projet de loi prévoit « automatiquement 50 % de femmes de plus dans les conseils municipaux des 13 000 communes de 500 à 3 500 habitants », dont les membres seront élus sur des listes bloquées comprenant obligatoirement une moitié de femmes. Il a même affirmé que cela correspondait à « environ 40 000 conseillères municipales de plus ».
Est-ce à dire, monsieur le ministre, que les femmes ne seraient compétentes que pour les tâches communales, cependant que les hommes s’occuperaient des affaires de plus grande importance ? (Oh ! sur plusieurs travées de l’UMP.)