M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Louis Pinton. La seconde piste consiste à s’efforcer d’organiser la transformation sur place de la matière première agricole, en liant physiquement la transformation au territoire de production. Ce sera le plus sûr moyen d’en empêcher la délocalisation.
Aujourd’hui, c’est l’existence même du monde rural qui est en jeu. Et quand il n’y aura plus d’agriculture ni de paysans, nous n’aurons même plus à nous poser la question de la politique des territoires, car ils seront vidés de leur substance.
Si nous décidons, pour assurer la survie de nos territoires, d’agir en priorité au cœur même de la difficulté, la politique de l’aménagement du territoire s’établira ensuite très facilement, sur des bases solides et reconstituées, mais qui sont aujourd'hui en très grave danger, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les chiffres du budget, qui ont été largement commentés par les différents rapporteurs, je me contenterai, dans le temps qui m’est imparti, de formuler plusieurs observations.
Tout d’abord, en tant qu’élu et président de l’Union des communes rurales de mon département, je me félicite de la création d’un ministère de l’espace rural et de votre nomination, monsieur le ministre. Nous sommes voisins et je sais depuis longtemps à quel point vous vous intéressez à l’aménagement du territoire et à la défense de nos territoires ruraux.
Il y a dans notre pays un attachement particulier à nos terroirs et à l’aménagement de nos territoires. Pour moi, il est indispensable de continuer à raisonner en termes de territoires, d’espaces, et non toujours en regardant les chiffres de la démographie. C’est primordial, si nous ne voulons pas créer des déséquilibres très forts, source d’inégalités.
Les politiques menées ces dernières années ont été très dynamiques, avec notamment la création des pôles de compétitivité et des pôles d’excellence rurale.
Je crois utile la décision que vous avez prise de lancer un peu partout en France les assises des territoires ruraux, même si les délais impartis sont assez courts. Les thèmes choisis permettront de faire un large tour d’horizon des problèmes que nous rencontrons. En ce moment même, ils donnent l’opportunité aux élus de terrain de s’exprimer sur un sujet qui leur tient à cœur. Je souhaite que des propositions concrètes puissent voir le jour à la suite de la synthèse nationale qui vous sera remise en janvier 2010.
Sur la Charte des services publics, qui avait été annoncée ici même par M. Christian Estrosi en juin 2006, un bilan était nécessaire. En effet, de nombreux élus estiment encore que le dialogue et l’information avec les opérateurs de services publics ne sont pas toujours au rendez-vous. En ce sens, vous avez réuni il y a quelques jours l’ensemble des signataires de la Charte pour que celle-ci soit plus contraignante et je vous en félicite.
Je souhaite m’attarder un peu plus sur la désertification médicale. À l’heure où nos concitoyens sont de plus en plus attachés à leur santé, leurs dépenses dans ce domaine augmentant considérablement, beaucoup de problèmes découlent de notre réussite ou non sur cette question.
Les différentes raisons du déficit de professionnels de santé dans les zones rurales, en particulier de médecins généralistes, sont connues : l’isolement, la disponibilité, les horaires à rallonge...
D’ores et déjà, de nombreuses mesures ont été prises pour les aider financièrement à s’installer et la loi Hôpital, patients, santé et territoires apporte des avancées substantielles.
Lors de nombreuses réunions que j’ai pu avoir avec des élus et des professionnels sur ce sujet, l’idée de la création de maisons de santé pluridisciplinaires a toujours fait l’objet d’un consensus. Ces maisons, qui doivent permettre d’accueillir différents professionnels de santé pour un exercice collectif, avec plusieurs médecins généralistes mais également des infirmières, des kinésithérapeutes, des dentistes, constituent des structures adaptées permettant de satisfaire les usagers et les professionnels eux-mêmes.
À ce sujet, le lancement officiel de l’appel à projets de sélection de la deuxième génération de pôles d’excellence rurale est une très bonne nouvelle. En effet, j’ai cru comprendre que fort de l’expérience que vous aviez pu accumuler et des remarques du groupe de travail sénatorial sur ce dossier, des propositions pertinentes avaient été formulées. En outre, le soutien aux services au public, comme le développement de maisons médicales, sera une des grandes thématiques. Pouvez-vous me le confirmer, monsieur le ministre ?
S’agissant du désenclavement numérique, un effort considérable a été fait, en quelques années, aussi bien par le Gouvernement que par les collectivités. Toutes les enquêtes nous le montrent : la desserte ADSL est d’une importance cruciale pour l’attractivité d’un territoire. Il faut continuer sur cette voie en accélérant maintenant l’installation de l’internet très haut débit dans notre pays.
Je mets beaucoup d’espoir dans les propositions qui ont été formulées par la commission chargée de réfléchir aux priorités stratégiques qui seront financées par le grand emprunt national, puisque l’un des chantiers concerne le développement de l’internet. Nous comprenons tous à quel point cela est primordial pour la compétitivité et la croissance future de notre pays.
Je tiens ici à saluer l’excellente proposition de loi de notre collègue Xavier Pintat relative à la lutte contre la fracture numérique.
M. Charles Revet. Tout à fait ! Très bonne proposition !
M. Bernard Fournier. Elle prévoit notamment la création de syndicats mixtes d’aménagement numérique afin de mettre en cohérence les actions des collectivités locales et d’associer les opérateurs du secteur de l’électricité.
En tant que président d’un syndicat d’électricité, cette dernière proposition me paraît tout à fait intéressante puisque, en milieu rural, la réalisation de tranchées communes à l’électricité et au numérique fait économiser 50 % à 80 % du coût d’opérations séparées.
Dans le même domaine, l’initiative prise par le ministère de l’éducation nationale en partenariat avec l’Association des maires ruraux de France, l’AMRF, le plan « Écoles numériques rurales », a remporté un succès immédiat dans mon département.
Monsieur le ministre, je ne peux pas terminer mon intervention sans rappeler l’importance du maintien des emplois dans nos cantons, dans nos communes.
Vous connaissez l’ampleur de la crise économique qui touche la vallée du Gier et les salariés de l’Ondaine. Il y a moins de quinze jours, avec un certain nombre de parlementaires et de maires, nous avons été reçus par le cabinet de Christian Estrosi et par le vôtre. Nous avons formulé des propositions et nous attendons que vous nous fassiez part des différentes mesures économiques incitatives qui peuvent aider nos départements.
Je pourrais parler de la même manière des agriculteurs, qui traversent une crise très grave dans tous les secteurs et qui concourent de façon très importante à l’identité de nos territoires.
Pour conclure, vous l’avez compris, monsieur le ministre, je voterai ce budget sans état d’âme. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’économie, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier toutes et tous d’avoir été nombreux à une heure qui n’est pas la plus favorable pour un débat et je m’efforcerai, tout en répondant à chacun d’entre vous, d’être le plus bref possible. Je vous remercie de la qualité de vos interventions et des apports qui s’y trouvaient.
Je remercie également les deux rapporteurs, non seulement pour leur travail d’analyse des propositions budgétaires – c’est la mission d’un rapporteur –, mais aussi pour leur implication dans le domaine de l’aménagement du territoire et des territoires ruraux tout au long de l’année, dans des missions spécifiques ou par un travail approfondi.
Je remercie le Sénat pour l’aide qu’il nous apporte dans tous ces domaines, qu’il s’agisse des pôles d’excellence rurale – j’y reviendrai –, des pôles de compétitivité ou de l’ensemble des instruments dont dispose le ministère de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. J’ai bien compris, en vous écoutant, qu’il y avait un grand besoin d’un retour clair d’une politique d’aménagement du territoire – cela ressort de l’ensemble des interventions.
La création d’un ministère dédié à l’aménagement du territoire et aux territoires ruraux est un premier pas très symbolique vers le retour d’une ambition politique constituée par l’aménagement du territoire. Mais, c’est évident, le titre d’un ministère ne fait pas tout. Il y a bien d’autres choses à construire ensemble. Les assises des territoires ruraux ont d’ailleurs vocation à construire cette politique d’aménagement du territoire pour les territoires ruraux.
Lors du Congrès du Parlement, le 22 juin dernier, le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, a rappelé l’attention qu’il entendait porter à la ruralité.
Je ne reviendrai pas longuement sur le budget lui-même, les rapporteurs l’ont largement évoqué et je les en remercie.
Ce budget est contenu dans une mission de 345 millions d’euros. C’est à la fois beaucoup et peu, je le concède, mais il ne faut pas seulement considérer cette somme. Il y a également les dépenses fiscales, et même si la commission des finances ne les aime pas trop, elles existent néanmoins. Et en entendant les membres du Sénat évoquer les zones de revitalisation rurale, il me semblait qu’ils étaient finalement assez favorables à ces dépenses, puisque, pour l’essentiel, les zones de revitalisation rurale représentent de la dépense fiscale.
Mais il faut aussi regarder l’ensemble des autres ministères et des autres missions relatives à l’aménagement du territoire. Mon ministère n’a pas d’exclusivité en la matière, je reconnais volontiers qu’il a peut-être la plus petite part des crédits budgétaires, puisque les crédits relatifs à l’aménagement du territoire s’élèvent à plus de 5 milliards d’euros.
Néanmoins, si l’on peut avoir l’ambition de réunir un jour dans un grand ministère de l’aménagement du territoire tous les crédits qui y concourent, les choses ne peuvent probablement pas se faire du jour au lendemain.
Cependant, en rétablissant la DATAR dans son titre, il ne s’agit pas simplement d’un titre, il s’agit aussi de lui donner de nouveaux pouvoirs, notamment la capacité à veiller à la cohérence de l’ensemble des crédits d’aménagement du territoire, chaque ministère concerné devant l’informer de l’utilisation de ces crédits, qui figureront désormais dans leur budget.
Ce rôle d’ensemblier de la DATAR sera probablement renforcé par le décret qui devrait être pris lors du conseil des ministres du 9 décembre prochain.
De nombreux instruments d’aménagement du territoire existent, j’en dirai simplement quelques mots.
Tout d’abord, il y avait un retard dans les contrats de projets État-région. Un rattrapage extrêmement important est intervenu, madame Didier, vous avez oublié de le souligner, mais comme je pense que c’est une simple omission (Mme Évelyne Didier sourit), je le rappelle au Sénat. Le plan de relance a permis d’atteindre un taux de réalisation tout à fait normal. Si on compare ce taux à leur durée, il est proche de 40 %, ce qui est tout à fait satisfaisant. C’est le plan de relance, j’y insiste, qui nous a permis d’avancer avec beaucoup de volonté dans cette affaire.
Quant aux fonds structurels européens, je rappelle qu’ils sont importants pour notre pays. La France doit exprimer très clairement la volonté de maintenir au niveau européen la politique de cohésion entre toutes les régions et elle a besoin de ces crédits européens.
Avec mon collègue Pierre Lellouche, nous avons confié au député Pierre Lequiller une mission portant sur l’avenir de la politique de cohésion après 2013 ; nous aurons l’occasion de reparler de cette question l’année prochaine.
Après un départ plutôt lent dans l’utilisation de ces crédits, on peut désormais considérer que la majorité des programmes avancent normalement.
Un certain nombre de retards doivent encore être rattrapés. Sur ce point, dès ma prise de fonction, j’ai réuni les préfets de région pour leur demander de veiller à éviter la procédure de dégagement d’office des crédits européens.
Je veux dire un mot de l’accompagnement des restructurations de la défense, sujet extrêmement important pour le ministère de l’aménagement du territoire.
Cinq sites ont d’ores et déjà été libérés par le ministère de la défense et font l’objet de contrats de revitalisation : Givet, Arras, Barcelonnette, Provins et Briançon. D’autres sites feront l’objet de tels contrats l’année prochaine : il s’agira probablement de Metz, Mondeville, Noyon et Langres.
Ces contrats comprennent pour deux tiers des crédits du Fonds des restructurations économiques de la défense, le FRED, et pour un tiers des crédits du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, le FNADT.
Nous sommes au tout début de la consommation de ces crédits, qui est relativement lente. Mais nous avons essayé de concentrer les moyens sur les villes concernées par les restructurations de la défense, notamment grâce à la cession à l’euro symbolique des terrains et à la modification du zonage des aides à finalité régionale, les AFR, ce qui permet de maximiser toutes les aides pouvant être accordées à ces sites.
En ce qui concerne les pôles de compétitivité, qui relèvent d’une politique interministérielle, ils fonctionnent bien. Pour la première fois, des entreprises industrielles, des universités, des centres de recherche, des laboratoires travaillent ensemble, valorisent la recherche et développent les emplois industriels.
Nous sommes en phase d’évaluation. Un certain nombre de pôles de compétitivité font l’objet d’études approfondies pour vérifier leur état réel et s’assurer qu’ils peuvent conserver ce titre.
Un nouvel appel à projet a été lancé pour les écotechnologies. À la fin du printemps, nous ferons probablement le point sur les labellisations de nouveaux projets de pôles de compétitivité et sur les délabellisations.
Je souhaite dire un mot sur les pôles d’excellence rurale, les PER, car la plupart des interventions de ce soir ont concerné les territoires ruraux.
Ces pôles ont été une réussite dans leur première phase de mise en œuvre. Ils ont permis à des personnes qui se côtoyaient sans se voir de parler, de travailler ensemble et de produire des choses qu’on n’aurait pas imaginées au départ.
L’État n’a pas été le seul à financer ces pôles d’excellence rurale. Les collectivités y ont contribué pour une large part.
Devant ce succès, et après analyse de la commission de l’économie et du groupe de travail présidé par M. Pointereau, le Premier ministre a annoncé une nouvelle vague de pôles d’excellence rurale.
Selon M. Pointereau, nous irions trop vite. S’il le faut, nous freinerons, monsieur le sénateur. Si vous considérez que Noël peut gêner l’arrivée des pôles d’excellence rurale, nous attendrons quinze jours ou trois semaines. Il n’y a aucun problème.
J’ai bien compris votre demande concernant l’ingénierie. Nous souhaitons très fortement une offre d’ingénierie publique. Les sous-préfets, qui seront dégagés d’un certain nombre de missions grâce à la réforme des préfectures, pourraient offrir leurs services aux territoires candidats à un pôle d’excellence rurale qui le souhaitent. Il ne s’agit pas d’une obligation. Je tiens particulièrement à cette offre d’ingénierie publique, qu’elle soit de nature administrative, financière ou technique. Nous ne pouvons priver les territoires ruraux de toute ingénierie publique.
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Michel Mercier, ministre. S’il faut aller plus loin, nous examinerons la situation au cas par cas. Mais il ne faut pas que la totalité des crédits qui pourraient être alloués aux PER soient consacrés à l’ingénierie, et non à l’investissement. On peut sans doute imaginer qu’un pourcentage de cette somme soit attribué à autre chose que de l’investissement. Nous pourrons en rediscuter.
En ce qui concerne les assises des territoires ruraux, je souhaite d’abord remercier toutes celles et ceux d’entre vous qui y ont participé.
La mobilisation a été forte même s’il existe des différences entre les départements en termes de participation, ce qui est normal. Quoi qu’il en soit, ces assises ont connu un grand succès. La synthèse hebdomadaire qui a été transmise la semaine dernière par les préfets montre ce succès sur l’ensemble du territoire et les attentes des habitants de ces territoires ruraux.
Je souhaite le redire de la façon la plus claire et la plus forte possible, les territoires ruraux sont un atout pour notre pays et ne constituent en aucun cas un poids à porter.
Nous souhaitons écouter les demandes et les réactions des habitants de ces territoires afin de construire avec leurs représentants des politiques de développement adaptées.
Nous vivons dans une République décentralisée. Nous l’avons voulu et nous l’avons inscrit dans la Constitution. L’État ne fera pas tout, il veut faire avec, il veut être un ensemblier, il portera les ambitions avec les territoires afin que ceux-ci puissent réussir.
La consultation se poursuivra notamment grâce à la mise en place d’un site internet qui fonctionnera jusqu’à la fin du mois de janvier.
Puis nous tirerons les conclusions de ces assises et nous définirons une politique pour les habitants des territoires ruraux.
M. François Marc a évoqué, à juste titre, le lancement de la procédure des grappes d’entreprises. Elle a précisément pour objet de répondre aux attentes des PME qui ne peuvent aller dans des pôles de compétitivité, mais dont la présence sur notre territoire est absolument nécessaire pour donner à notre machine industrielle toute sa puissance et tout son sens.
Ces grappes d’entreprises aideront essentiellement des PME, qui mettront en commun un certain nombre de questions. L’État, une fois la labellisation accordée, leur apportera son aide pour y répondre.
J’en viens maintenant plus spécifiquement aux questions qui m’ont été posées.
J’ai indiqué à Mme Évelyne Didier que le taux de réalisation des CPER s’était beaucoup amélioré, même nous pouvons faire mieux. Pour le ferroviaire, par exemple, le taux de réalisation des contrats de plan s’établit à 42 %
Mme Annie David. Nous sommes en décembre ! Il vous faudra faire 60 % en quelques jours !
M. Michel Mercier, ministre. En ce qui concerne les PER, je crois avoir répondu à M. Rémy Pointereau et à l’ensemble de ses collègues qui ont posé des questions sur l’ingénierie et sur le financement.
J’ai bien compris que M. Rémy Pointereau souhaitait une ligne unique budgétaire, à l’instar de ce que nous avons mis en place pour OSEO avec le Fonds unique interministériel, le FUI. C’est très compliqué, mais pourquoi pas ? Nous pourrions essayer d’ouvrir ce chantier ensemble.
Je souhaite dire à Mme Odette Herviaux, qui a également posé cette question, que nous pourrions mener à bien ce projet ensemble tout au long de l’année.
MM. Rémy Pointereau et Gérard Bailly, comme beaucoup d’autres, ont posé la question des ZRR. Nous achevons une mission d’évaluation. Nous pourrons en parler dès le début de l’année prochaine, bien sûr dans les assises des territoires ruraux. Cependant, je me tiens à la disposition de la commission compétente du Sénat, si le président Emorine souhaite m’auditionner.
Il est vrai que le dispositif des ZRR a essentiellement profité aux établissements sociaux et médicaux, et non aux associations. Il nous faudra apporter quelques corrections de ce point de vue.
Beaucoup d’entre vous, notamment MM. Rémy Pointereau et Fournier, ont soulevé la question de la télévision numérique terrestre. Un certain nombre de décisions ont été prises par le Premier ministre depuis le mois d’octobre. Le 21 octobre dernier, a été annoncé un dispositif de soutien à tous les foyers en zone d’ombre non desservis par le système hertzien, et ce quelles que soient leurs ressources. Si les collectivités souhaitent s’impliquer, un soutien au cas par cas sera mis en place.
La proposition de loi de M. Pintat qui avait été adoptée par le Sénat a également été adoptée par l’Assemblée nationale le 30 novembre dernier,…
M. Charles Revet. Tout à fait ! Très bonne proposition !
M. Michel Mercier, ministre. … avec le soutien du Gouvernement. Elle nous permet de mettre en place un fonds qui, comme l’a souligné M. Jean-Jacques Lozach, ressemble au Fonds d’amortissement des charges d’électrification créé juste avant la guerre. Nous ferons en sorte de l’utiliser à bon escient.
Le passage au tout-numérique va libérer ce que l’on appelle du dividende numérique, qui pourra sans doute être utilisé pour abonder ce fonds.
L’expérience du basculement de la TNT à Cherbourg semble s’être bien passée. Nous attendrons quelques jours pour en juger définitivement.
Le GIP France Télé numérique est dirigé par un ancien sénateur, M. Louis de Broissia, et l’État accordera plus de 300 millions d’euros de soutien pour la TNT.
MM. de Aymeri de Montesquiou et Raymond Vall ont parlé du haut débit et du très haut débit. Il est vrai qu’il y a de grandes disparités entre les territoires. Le désir du Gouvernement est d’y mettre fin.
Certaines collectivités sont intervenues très tôt et ont pris de l’avance. Force est également de constater que les opérateurs ne font pas de l’aménagement, ils réalisent des installations seulement quand il y a un bénéfice.
Mme Annie David. Ah ça !
M. Michel Mercier, ministre. Nous devons intervenir. Il faut une aide publique là où l’initiative privée est inexistante afin d’assurer une égalité entre tous les territoires. (Mme Annie David hoche la tête.) Je suis heureux de constater que cette politique du Gouvernement obtient votre soutien.
Mme Annie David. On verra si vous la mettez en œuvre !
M. Michel Mercier, ministre. Vous ne pouvez pas à la fois nous soutenir et vous prendre pour Saint Thomas ! Il faut choisir. Moi, je prends le soutien sans problème, et je vous en remercie. (Sourires.)
Voilà où nous en sommes. S’il y a une demande qui est formulée dans toutes les assises des territoires ruraux, c’est la mise en place d’une infrastructure de très haut débit sur l’ensemble du territoire.
Je rappelle que, concernant le haut débit, une procédure d’appel à projet, sur le FEADER, a été lancée conjointement avec le ministère de l’agriculture il y a quelques mois. Par ailleurs, le secrétariat d’État de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet a mis en place une offre avec accès satellitaire à 35 euros par mois.
Quoi qu’il en soit, il reste encore à faire dans ce domaine. Comme l’ont souligné MM. Philippe Darniche, Aymeri de Montesquiou et Gérard Bailly, la couverture en téléphonie mobile n’est pas réalisée partout et il reste des zones blanches.
Je rappelle que le programme spécifique d’urgence, ciblé sur les centres bourgs et les communes privées de tous services, prendra fin en 2011 : 3 400 communes rurales en auront bénéficié et tous les engagements pris par l’État seront tenus.
Je réunirai dans quelques jours, au début de l’année prochaine, les opérateurs et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, pour faire le point sur l’ensemble de ces chantiers et voir s’il faut aller plus loin dans certains cas.
Je souhaite répondre spécifiquement à M. Pierre Bernard-Reymond, dont je comprends très bien la colère – disons les choses telles qu’elles sont. S’agissant de la construction de l’autoroute A 51, le soutien des élus du département du Rhône ne vous a jamais fait défaut, monsieur le sénateur, lorsque vous avez dû constituer des dossiers. Chaque fois qu’une intervention a été demandée au conseil général du Rhône, la réponse a été positive. Je ne renie pas ce soutien, mais je vous rappelle qu’il ne m’appartient pas, en qualité de ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, de décider de la construction de cette autoroute.
Mme Annie David. La décision est déjà prise !
M. Michel Mercier, ministre. Le fait que j’aie écrit des lettres de soutien dans le passé me donne malgré tout une certaine liberté. J’ai d’ailleurs rappelé, lorsque je me suis rendu à L’Argentière-la-Bessée, que cette décision incombait au ministre d’État, Jean-Louis Borloo. Mes propos ont été mal compris, peut-être me suis-je mal exprimé, mais je répète devant vous ce qui correspond à ma pensée profonde : ce projet est porté depuis longtemps par un certain nombre d’élus de votre département et par vous-même, monsieur le sénateur ; pour des raisons que vous connaissez mieux que moi, il n’est pas réalisé ; il faut donc élaborer d’autres projets : vous le faites d’ailleurs très bien !
Mon ministère vous apporte son entier soutien sur au moins deux de ces projets : il s’agit, d’une part, du contournement de Gap – c’est le minimum que l’on doit à votre département – et, d’autre part, de l’amélioration de la liaison ferroviaire entre Marseille et Briançon. Sur ce dernier point, je reconnais, en effet, qu’il est tout à fait anormal que le trajet dure quatre heures trente. Immédiatement après notre entretien, monsieur le sénateur, j’ai rencontré le président de la SNCF et lui ai demandé un rapport expliquant les raisons de cette situation. Dès que j’aurai reçu sa réponse, qui ne devrait pas tarder, je vous en communiquerai les éléments.
Pour le reste, je le répète, il ne m’appartient pas de décider de la construction de l’autoroute A 51 : vous pourrez poser la question au ministre d’État ou au Premier ministre, qui vous répondront. Aucune décision n’est prise à ce jour, et les propos que j’ai tenus à L’Argentière-la-Bessée ne contenaient pas le moindre brocard ! Beaucoup croient que mon ministère exerce une compétence générale, or ce n’est pas le cas, du moins pour les transports.
M. Raymond Vall a eu raison d’insister sur la nécessité de mobiliser les crédits du FEADER : je partage tout à fait son sentiment. Mais les problèmes agricoles sont tels aujourd’hui que le ministère de l’agriculture essaie de parer au plus pressé ! Nous comprenons tous, MM. Gérard Bailly et Louis Pinton l’ont d’ailleurs indiqué, qu’il ne peut y avoir d’espaces ruraux sans agriculteurs. Les crédits du ministère de l’agriculture sont utilisés en priorité pour l’agriculture et nous rencontrons beaucoup de difficultés à obtenir des crédits suffisants pour les pôles d’excellence rurale. Mais nous n’oublions pas les fonds structurels européens : avec Bruno Le Maire et Pierre Lellouche, nous veillons à maintenir, au niveau de l’Union européenne, une vraie politique de cohésion territoriale, qui sera la grande affaire de 2012 !
M. Biwer, que je retrouverai demain dans la Meuse – vu l’heure, je devrais dire : aujourd’hui ! – a souligné, avec raison, que le soutien de l’État arrivait par plusieurs canaux et qu’il était parfois difficile de s’en rendre compte. Vues de la Meuse, les aides de l’État paraissent insuffisantes, mais si l’on examine en détail les crédits qu’attire le laboratoire de Bure, la perspective change. Il convient donc d’adopter une approche globale. Ces réflexions me conduisent à évoquer le problème de l’aide en ingénierie à apporter aux collectivités locales, pour leur permettre de monter des projets et d’aider les entreprises locales à répondre à des projets du type de celui de Bure. L’ingénierie est tout à fait centrale dans les territoires ruraux, pour la simple raison que ceux-ci se sont dépeuplés pendant des années et ont perdu en substance ; ils connaissent aujourd’hui un essor démographique, mais ne disposent pas encore de tous les moyens ni de tous les services souhaitables. Après les assises des territoires ruraux, j’espère que nous pourrons apporter une réponse à ce besoin important.
Je remercie enfin M. Jean Boyer du soutien qu’il nous a apporté et de son indéfectible enthousiasme à défendre les territoires ruraux.
J’ai bien compris que beaucoup d’entre vous entendaient exprimer le malaise causé par les réformes en cours : péréquation, suppression de la taxe professionnelle, réforme territoriale, etc. J’évoquerai brièvement deux points.
La péréquation représente 6 milliards d’euros au sein des crédits consacrés à la dotation globale de fonctionnement, ce n’est pas négligeable, même si on l’oublie trop souvent. J’ai rencontré le Comité des finances locales au début de la semaine pour envisager les moyens d’introduire plus d’équité dans la répartition des dotations versées aux communes rurales et aux communes urbaines. Le Comité des finances locales a créé un groupe de travail sur cette question, avec lequel mon ministère travaillera : j’espère que nous pourrons vous présenter des propositions l’an prochain. La lettre de mission que j’ai reçue du Président de la République à l’occasion de ma nomination mentionnait expressément cette question : je n’ai donc absolument pas l’intention de la négliger, bien au contraire !
En ce qui concerne le projet de suppression de la taxe professionnelle, remplacée par un nouvel impôt économique, la contribution économique territoriale, j’insiste sur le fait que, pour la première fois, un projet du Gouvernement prévoit une véritable péréquation, en prélevant plus de 1 milliard d’euros sur les territoires les mieux dotés pour les affecter aux territoires les moins bien dotés. Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’exprimer un vœu avant que le Sénat ne se détermine souverainement, samedi prochain, sur la réforme de la taxe professionnelle : n’oubliez pas la péréquation ! C’est vous qui détenez le pouvoir de décision, le Gouvernement, en procédant à la révision constitutionnelle, vous l’a confié ! Vous êtes en présence d’une proposition portant sur 1 milliard d’euros, ne laissez pas passer cette occasion, elle ne se représentera pas souvent !