Mme Michelle Demessine. Heureusement !
M. Hervé Morin, ministre. Plusieurs orateurs, notamment MM. Dulait et Chevènement, ainsi que Mme Demessine, m’ont interrogé sur l’impact financier de notre réintégration pleine et entière au commandement de l’OTAN. Les choses sont simples : nos effectifs passeront de 250 en 2008 à plus de 1 000 en 2014, avec un objectif intermédiaire de 900 en 2010. Cela entraîne un surcoût de masse salariale de 20 millions d’euros en 2010, et un surcoût annuel de 70 millions d’euros au terme de la montée en puissance.
Sur les six années de cette montée en puissance, de 2010 à 2015, la totalité du coût est estimée à environ 540 millions d’euros, auxquels il faudra ajouter des mesures d’accompagnement – santé, école, logement – en fonction des situations particulières. Le financement de la masse salariale correspondante sera garanti, au besoin par des crédits nouveaux.
S’agissant du concept stratégique de l’OTAN, que vous avez évoqué, monsieur le président de la commission, les travaux sont en cours. Vous avez cité le groupe d’experts présidé par Madeleine Albright. Le général Abrial, à la tête de l’ACT, sera lui aussi chargé de travailler sur ce sujet. De nombreuses réunions sont prévues entre les ministres de la défense et les ministres des affaires étrangères de l’Alliance atlantique. Les débats commenceront à être réellement nourris au début de l’année prochaine.
Si vous le souhaitez, je me rendrai devant votre commission pour évoquer ces questions, dès lors que nous aurons progressé dans nos travaux. L’objectif demeure que le nouveau concept stratégique de l’OTAN soit élaboré pour le sommet de Lisbonne, qui se tiendra à la fin de l’année 2010.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà de la diversification des ressources, les choix budgétaires du ministère sont le reflet des grandes orientations de la réforme, que M. Dulait a évoquées : gains d’effectifs, principalement dans l’administration générale et le soutien, grâce aux réorganisations territoriales et fonctionnelles ; redéploiement des économies au profit de la condition du personnel et de l’effort d’équipement.
Comme en 2009, la masse salariale sera stabilisée à hauteur de 11,7 milliards d’euros. Cette stabilisation en valeur est obtenue grâce aux économies liées à la suppression de plus 8 000 emplois, qui permet de financer à la fois un effort catégoriel de 114 millions d’euros et des mesures nouvelles du plan d’accompagnement des restructurations, pour un montant de 40 millions d’euros.
En un peu plus de trois ans, nous aurons donné suite à la totalité des conclusions du rapport du haut comité d’évaluation de la condition militaire. Ce rapport, rendu public en février 2007, avait clairement démontré que les fonctionnaires en tenue bénéficiaient d’avantages salariaux par rapport aux militaires. Le repyramidage de l’ensemble de la catégorie, préconisé dans ce rapport, sera réalisé en trois ans et demi, ce qui constitue un effort sans précédent. Un seul exemple : les mesures d’amélioration de la condition militaire prévues par la précédente loi de programmation militaire se montaient en moyenne à 60 millions d’euros et elles seront de plus de 100 millions d’euros en 2010.
S’agissant des civils, l’enveloppe catégorielle d’un montant de 15 millions d’euros permettra notamment de réduire l’écart entre services déconcentrés et administration centrale, entre filière technique et filière administrative, et de poursuivre la mise en place de la rémunération liée aux résultats.
Parallèlement, et comme de nombreux orateurs l’ont remarqué, notamment M. Jacques Gautier, que je remercie de son soutien, notre effort d’équipement demeurera considérable et bénéficiera de l’essentiel des moyens nouveaux. Notre armée est en train de renouveler la majorité de ses matériels majeurs tout en s’engageant dans le lancement de nouveaux programmes, définis par le Livre blanc.
L’année 2009 sera une année historique. Les crédits d’équipement ont en effet atteint un niveau exceptionnel puisque 18 milliards d’euros auront été consommés à ce titre. Pour 2010, l’objectif est d’y consacrer 17 milliards d’euros. Nous atteignons ainsi des montants totalement inédits ; je vous rappelle que les crédits d’équipement inscrits dans la loi de programmation militaire précédente se montaient en moyenne à 15 milliards d’euros.
Cet effort financier sans précédent a des conséquences tangibles sur le terrain. C’est évidemment le cas sur des théâtres très exposés comme l’Afghanistan, où les procédures d’urgence opérationnelle ont permis d’équiper nos forces à des niveaux pleinement satisfaisants.
J’en profite, monsieur le président de la commission, pour répondre à la question que vous m’avez posée tout à l’heure au sujet de nos conversations avec les Américains. Jeudi dernier, je me suis entretenu au téléphone avec mon homologue américain, Robert Gates, qui a évoqué avec moi les travaux que menait le président Obama concernant le renforcement des moyens militaires en Afghanistan. Cela fera l’objet d’une annonce dans la nuit de mardi à mercredi. Bien entendu, les Américains peuvent estimer que, pour répondre à des besoins ponctuels, il est nécessaire d’accroître l’effort militaire dans un certain nombre de zones, mais, à mon sens, il ne saurait y avoir de solution purement militaire. Parallèlement aux efforts militaires visant à assurer la sécurité et la stabilité de telle ou telle vallée ou de telle ou telle zone, nous devons impérativement promouvoir les aides à l’équipement, à la construction et au développement.
M. Jean-Louis Carrère. Avec quel argent ?
M. Didier Boulaud. Il serait temps d’y penser !
M. Hervé Morin, ministre. La population afghane doit clairement percevoir que, à mesure que sa sécurité s’améliore, des ponts, des routes et des écoles sont construits.
Donc, si la France était amenée à faire un effort supplémentaire,…
M. Jean-Louis Carrère. Ah ! ça commence…
M. Hervé Morin, ministre. … question que le Président de la République examinera le moment venu, l’Élysée ayant fait savoir qu’il fallait attendre que la conférence sur l’Afghanistan qui aura lieu au moins de janvier à Londres en ait débattu, cet effort, donc, devrait porter non pas sur les moyens militaires stricto sensu, mais sur la formation de la police et de l’armée et sur l’aide au développement.
Le jour où l’Afghanistan sera doté d’une armée, d’une police, d’une justice et d’institutions renouvelées, alors, nous pourrons considérer que le temps sera venu pour nous de quitter ce pays.
M. Jean-Louis Carrère. Et la drogue ?
M. Hervé Morin, ministre. Je le répète, les efforts de la coalition doivent se concentrer sur l’aide au développement, la formation et la construction de l’État afghan.
M. Carrère a souligné le caractère globalement satisfaisant des indicateurs d’activité en les comparant à ceux des armées étrangères similaires.
M. Jean-Louis Carrère. Mais non, j’ai sauté ce passage ! (Sourires.)
M. Hervé Morin, ministre. Nous devons être particulièrement attentifs aux conditions d’entraînement et d’activité, car c’est ce qui détermine le moral et l’efficacité d’une armée.
En termes de maintenance de taux de disponibilité, nous comptons parmi les meilleurs « élèves ».
Monsieur Trucy, je vous confirme que l’armée de terre, conformément au Livre blanc, est en capacité de projeter 45 000 hommes équipés et entraînés, à raison de 10 000 hommes sur le territoire national, 5 000 hommes au titre de force de réaction autonome et 30 000 hommes au titre de son contrat le plus exigeant, et que le réservoir de forces projetables ne permet pas d’envisager une augmentation de ces contrats.
Je ne détaillerai pas la question des commandes, car M. Masseret et d’autres orateurs l’ont fait de manière précise. Cela étant, madame Demessine, autant je ne partage pas votre perception de la question nucléaire, autant je partage largement celle de M. Chevènement. En la matière, la France peut s’enorgueillir d’un bilan exemplaire et nous pouvons parler sans rougir avec les puissances appelant au désarmement nucléaire.
Avec le Royaume-Uni, nous avons été le premier État à signer et à ratifier le traité d’interdiction des essais nucléaires. Nous avons été le premier État à décider la fermeture et le démantèlement de nos installations de production de matières fissiles. Nous sommes le seul État doté d’armes nucléaires à avoir démantelé la totalité de nos missiles nucléaires sol-sol, qui étaient installés sur le plateau d’Albion. Nous avons été le seul État à avoir réduit volontairement d’un tiers le nombre de ses sous-marins nucléaires lanceurs d’engins.
Dans son discours de Cherbourg, le Président de la République a annoncé la réduction d’un tiers de la composante aéroportée. Ainsi, la France disposera à terme d’environ 300 têtes nucléaires.
M. Jean-Louis Carrère. Attention, le Président de la République se trompe souvent dans les chiffres !
M. Hervé Morin, ministre. Au cours de ce même discours, le Président de la République a proposé à la communauté internationale un plan d’action en huit points : la ratification universelle du traité d’interdiction complète des essais ; le démantèlement de tous les sites d’essais nucléaires ; l’ouverture sans délai d’une négociation d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles ; la mise en place d’un moratoire immédiat sur la production de ces matières ; l’ouverture de négociations sur un traité interdisant les missiles sol-sol de portée courte et intermédiaire ; l’adhésion et la mise en œuvre par tous du code de conduite de La Haye contre la prolifération ; enfin, une mobilisation dans tous les domaines du désarmement.
La France a une doctrine, celle de la stricte suffisance. À ce titre, il est louable de discuter et d’évoquer le désarmement nucléaire, mais il faut le faire sans naïveté, en ayant à l’esprit que la France a déjà réalisé un effort considérable en la matière et qu’il appartient aux autres de suivre son exemple.
Monsieur Jacques Gautier, s’agissant des drones, un quatrième système SIDM sera acquis avant la fin de l’année avec pour objectif une livraison en juin 2010 et les réparations du véhicule accidenté seront lancées dès que les expertises en cours seront terminées. Vous l’avez souligné, le DRAC rencontre des difficultés opérationnelles qui le rendent difficilement utilisable en Afghanistan.
Comme M. Pintat, vous avez regretté le montant insuffisant des crédits consacrés au drone MALE futur dans la loi de programmation militaire, mais je vous précise que notre référentiel prévoit une commande ferme en 2015, avec un montant d’autorisations d’engagement substantiel. Il m’appartiendra, dans les mois qui viennent, de fixer les premières orientations. Celles-ci, que j’ai évoquées avec mon nouvel homologue allemand, pourraient être communes à celles qu’aura définies la Bundeswehr.
Monsieur Reiner, le calendrier du programme MRTT est toujours le même : choix d’une stratégie d’acquisition au cours de 2010 en vue d’une commande à la fin de 2011. Quant au missile de moyenne portée successeur du MILAN, l’achat en urgence d’un équipement mieux adapté aux contraintes du théâtre afghan ne nous interdit pas de réfléchir à une solution différente pour le moyen terme. C’est ce j’ai indiqué à MBDA.
MM. Pozzo di Borgo et Pintat ont évoqué l’A400M : je souhaite que ce projet industriel majeur pour l’industrie européenne de défense se poursuive. J’y consacre beaucoup d’énergie et je m’en suis d’ailleurs entretenu de nouveau avec mon homologue allemand la semaine dernière. J’ai bon espoir que nous puissions conclure la négociation avec EADS avant la fin de l’année. Ne nous voilons pas la face : ce programme connaîtra des surcoûts. Mais quel programme d’équipement militaire ne subit pas de surcoûts ? Tous ces programmes, compte tenu des sauts technologiques considérables, entraînent des surcoûts. Malgré tout, cet avion demeure extrêmement compétitif compte tenu de ses capacités d’emport et de sa polyvalence tactique et stratégique.
Les restructurations territoriales porteront sur une cinquantaine de sites en 2010, après en avoir concerné une trentaine en 2009. Nous les mènerons avec responsabilité et souplesse à l’égard tant de nos personnels civils et militaires que de nos territoires.
Comme l’ont souligné de nombreux orateurs, nous entamerons une nouvelle phase, avec le déploiement de dix-huit bases de défense pilotes au 1er janvier 2010. Les résultats des premières expérimentations, qui ont porté sur onze bases de défense, sont extrêmement positifs.
De nombreuses opportunités d’économies, monsieur Carrère, monsieur Dulait, se sont fait jour grâce à la mutualisation des capacités d’hébergement, des achats, des infrastructures, de la maintenance, du soutien, même si nous ne pouvons pas encore les chiffrer précisément. Toutefois, nous pouvons d’ores et déjà estimer que les expériences conduites en 2009 ont permis de libérer 300 postes et que, à terme, nous enregistrerons de nombreux gains d’effectifs dans la chaîne fonctionnelle ressources humaines et finances.
Ces économies seront rendues possibles grâce à la construction de bases de défense. Leur nombre sera réduit parce que ces bases doivent avoir une taille critique afin de dégager des volumes significatifs d’économies.
Monsieur Trucy, le contrat d’objectifs et de moyens de l’EPIDE prévoit une consolidation du dispositif afin de lui permettre de stabiliser son mode de fonctionnement au service de l’insertion des jeunes en difficulté. Au-delà de 2011 rien n’est figé : les ministères de tutelle fixeront des orientations au vu de l’exécution du contrat.
Monsieur Boulaud, en ce qui concerne le regroupement de l’administration centrale à Balard, à l’exception des coûts de démolition des infrastructures non protégées actuellement présentes sur l’emprise, et qu’il aurait fallu financer quelle que soit la stratégie de valorisation du site, le projet ne pèse pas sur la loi de programmation militaire puisque le premier loyer sera versé au plus tôt à la livraison des nouveaux locaux, soit en 2014. La pertinence économique du projet reste totalement d’actualité.
M. Didier Boulaud. Personne n’est capable de dire combien cela va coûter !
M. Hervé Morin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous pouvez le constater, les efforts demandés au ministère de la défense sont importants. Le travail est immense. Beaucoup de curseurs bougent en même temps. Il nous appartient d’être très attentifs aux interrogations et aux inquiétudes exprimées par les acteurs de la réforme dans ses différentes composantes.
Monsieur le président de la commission des affaires étrangères et de la défense, cette réforme nationale majeure ne doit pas émousser notre volonté de construire l’Europe de la défense.
On a parfois le sentiment que l’Europe de la défense n’est pas portée avec la même vigueur par l’ensemble des vingt-sept pays membres de l’Union européenne. Pourtant, il y a des messages positifs, comme l’opération Atalante, conduite dans le golfe d’Aden, où les Européens ont été en pointe d’une opération majeure pour assurer la sécurité du trafic international.
Aujourd'hui, les Européens sont aussi leaders pour assurer la formation des premiers éléments de sécurité en Somalie. Il s’agit de traiter non plus les conséquences de la piraterie, mais ses causes. À cette fin, il faut restaurer un État en Somalie.
Réjouissons-nous de ces beaux messages d’espoir, des progrès qui ont été accomplis, même s’ils restent, je le concède, insuffisants au regard de la capacité industrielle, de la coopération et des programmes de recherche communs dont nous avons absolument besoin. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
questions-réponses-Répliques
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant procéder à un échange de questions, de réponses et de répliques.
Je tiens à vous rappeler que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente. Pour lui répondre, le ministre dispose également de deux minutes trente. L’auteur de la question dispose enfin, s’il le souhaite, d’une minute pour la réplique.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le ministre, dans un récent entretien accordé à un journal canadien, le secrétaire général de l’OTAN évoquait les grands défis auxquels l’Alliance atlantique aurait à faire face dans les années à venir.
À ce titre, il citait notamment l’Arctique, région dans laquelle les enjeux sont à la fois environnementaux, économiques et stratégiques.
Les enjeux sont d’abord économiques. À cause des richesses minérales potentielles que recèlent ses fonds marins, l’Arctique suscite de nombreuses convoitises, entre autres chez les pays riverains.
Les enjeux sont également stratégiques, car se posera bientôt la question de l’utilisation et du contrôle international des nouvelles voies navigables ouvertes par la fonte des glaces.
L’accès aux ressources énergétiques est lourd de risques de confrontation entre les États riverains, dont, excepté la Russie, quatre pays – les États-Unis, le Canada, la Norvège et le Danemark – sont membres de l’OTAN.
Les États-Unis ont déclaré en janvier 2009 qu’ils avaient « des intérêts de sécurité nationale dans la région de l’Arctique et qu’ils étaient disposés à agir indépendamment, ou en conjonction avec d’autres États, pour protéger ces intérêts ». Quand on connaît l’influence prépondérante de l’administration américaine dans l’Alliance, on peut nourrir quelques inquiétudes.
La Russie, de son côté, mène une politique de militarisation de cette zone, en réponse ou en parallèle à celles qui sont conduites par le Canada, le Danemark et la Norvège.
Enfin, gardons à l’esprit que l’Arctique demeure un banc d’essai de l’armement nucléaire.
Certes, notre pays n’est pas un État riverain, et à ce titre nous pourrions ne pas nous sentir directement concernés. Mais nous avons pourtant notre mot à dire, car depuis notre réintégration dans le commandement militaire de l’OTAN, nous sommes en principe partie prenante des grandes orientations stratégiques de l’Organisation, lesquelles peuvent à terme avoir des conséquences importantes sur les crédits de la mission « Défense » de notre pays.
Monsieur le ministre, je souhaite donc connaître la position du Gouvernement sur la dangereuse militarisation de la région arctique.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Morin, ministre. Monsieur le sénateur, la zone arctique est depuis longtemps une zone militaire stratégique du fait de sa position centrale entre la Russie, l’Europe et l’Amérique du Nord.
Sous l’effet du réchauffement climatique, qui entraîne une fonte accélérée des glaces, le Grand Nord se transforme et de nouveaux enjeux stratégiques apparaissent dans les secteurs non militaires, notamment du fait de l’ouverture de nouvelles voies navigables, de l’accès à des zones de pêche peu exploitées ou de l’immense richesse supposée que pourraient receler ses fonds.
Il existe aujourd’hui un cadre institutionnel, le Conseil Arctique, et un cadre juridique, la convention des Nations unies pour le droit de la mer, qui permettent d’examiner l’éventail des questions arctiques. Cependant, rien ne permet actuellement de traiter de manière multilatérale les questions spécifiques de sécurité dans la zone.
Vous avez rappelé la position de la Russie et des États-Unis. Nous considérons que le conseil OTAN-Russie peut être un des instruments adaptés pour amener la Russie à préciser ses intentions à moyen et à long terme et à rechercher, avec les forces occidentales, les voies d’un dialogue, d’une collaboration voire d’une coopération sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Je vais revenir sur l’Europe de la défense, préoccupation majeure de la commission des affaires étrangères.
L’actualité du moment invite à agir. Le traité de Lisbonne vient, enfin, d’être ratifié. La France a décidé de réintégrer le commandement militaire de l’OTAN. La contrepartie, c’est le pilier européen de la défense.
Des forces militaires européennes sont aujourd’hui engagées sur de nombreux théâtres d’opérations extérieures. Parfois confrontées à des combats difficiles, elles doivent disposer d’un matériel efficace et performant. Nous avons donc besoin, pour les approvisionner, d’une industrie de l’armement elle aussi performante, et c’est en outre le gage de l’autonomie de la défense européenne.
Il faut, bien entendu, trouver la bonne dimension. Au regard des difficultés financières que connaissent les pays européens et de l’engagement insuffisant de certains États, à l’exception de quelques pays, dont la France et la Grande-Bretagne, la mutualisation paraît essentielle. La coopération favorisera l’intégration des industries de l’armement et la construction de matériels communs. Il faut que les industries trouvent un intérêt à coopérer.
Or la réalité observée a de quoi rendre pessimiste. Les programmes de coopération en matière d’armement sont déjà anciens. Dans les cinq dernières années, aucun programme nouveau majeur n’a été lancé en coopération. Les programmes actuels rencontrent des difficultés, et c’est un euphémisme. Il suffit voir ce qui se passe pour l’A400M On voit apparaître des achats « sur étagères », hors d’Europe.
L’Agence européenne de défense illustre ces difficultés. Son budget est plus que symbolique. Elle ne propose pratiquement pas de projets dans son catalogue. Bref, les pays européens ont tendance, soit à regarder ailleurs, soit à nationaliser leur politique industrielle.
Il s’agit bien évidemment d’une politique à courte vue, vouée à l’échec. Agir ainsi, c’est accumuler les retards technologiques. À terme, ce serait catastrophique. Il resterait alors un seul fournisseur d’armes occidental, chacun l’a compris et chacun sait de qui il s’agirait.
Nous devons donc impulser la relance dans ce domaine, et c’est même un impératif absolu. La France a toujours été pionnière en matière de construction européenne. Elle a un rôle à jouer. Monsieur le ministre, comment envisagez-vous de jouer ce rôle ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Morin, ministre. La France a en effet un rôle à jouer, mais elle ne peut pas le jouer seule. Il doit être l’expression d’une volonté commune et partagée. On ne peut pas être européen à la place des autres.
M. Daniel Reiner. La France a un rôle d’impulsion.
M. Hervé Morin, ministre. Je vous trouve assez sévère avec l’Agence européenne de défense.
Je reconnais que, depuis sa création, en 2004, l’Agence européenne de défense n’a pas vraiment eu de grain à moudre. Mais, durant la présidence française de l’Union européenne, nous avons lancé de nombreux programmes, notamment en matière de recherche. Aujourd’hui, l’Agence a un vrai plan de travail pour les années à venir.
Ainsi, Musis est le futur programme d’observation satellitaire : voilà un bel exemple de la coopération militaire européenne. De nouveaux pays ont adhéré à ce programme. C’est le cas de la Pologne ou encore de la Grèce, pays dans lequel j’étais la semaine dernière. L’Agence européenne de défense est chargée du segment sol de ce programme.
Nous allons, par ailleurs, lancer un programme d’hélicoptère lourd, créneau sur lequel l’industrie européenne fait aujourd'hui apparaître de grandes faiblesses.
Nous avons en outre engagé des programmes sur les radiofréquences, sur la protection des forces, sur l’insertion des drones dans l’espace aérien. Bref, depuis quelques mois, l’Agence européenne de défense s’est vu confier la réalisation de nouvelles missions. Bien sûr, on peut toujours considérer que ce n’est pas suffisant, mais l’édification d’une industrie européenne de défense, d’une capacité de production européenne, que nous appelons tous de nos vœux, peut se faire de trois façons.
Premièrement : on intervient très en amont en lançant des programmes de recherche.
Deuxièmement : on met en oeuvre des programmes en commun, avec toutes les difficultés inhérentes à de telles opérations, comme nous le constatons aujourd’hui avec l’A400M.
Troisièmement : pour avoir encore des fournisseurs européens, il faut construire de grands groupes de taille européenne grâce à des partenariats croisés, à des échanges capitalistiques, à la constitution de joint ventures. J’encourage vivement les industriels à s’engager dans cette voie.
Le budget de la défense nous donne la capacité d’être le pivot, le leader de la restructuration industrielle européenne. J’espère que les industries françaises pourront nouer des partenariats stratégiques qui nous permettront de mener ces programmes ensemble.
M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Monsieur le ministre, permettez-moi de reprendre à mon compte une question qui a été soulevée par M. André Dulait et qui est restée sans réponse.
M. Didier Boulaud. Il y en a eu d’autres !
M. Josselin de Rohan. Elle porte sur les dépenses supplémentaires induites par notre participation pleine et entière aux structures de commandement de l’OTAN, au titre de notre contribution à tous les budgets de l’Organisation, des compléments de rémunérations des personnels qui y seront affectés ou des mesures d’accompagnement.
J’observe que les estimations ont été revues à la hausse au fil des mois, pour s’adapter aux effectifs que nous allons finalement fournir à l’OTAN. On évoque aujourd’hui un montant cumulé d’environ 650 millions d’euros sur six ans. Or il semble que cette dépense n’ait pas été provisionnée dans la loi de programmation. Il est vrai que la décision politique n’a été prise qu’au printemps dernier, soit plusieurs mois après l’élaboration du projet de loi. Mais cette option avait été sérieusement envisagée dès 2007, puis dans le Livre blanc.
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelles seront les incidences de cette charge supplémentaire sur la réalisation de la loi de programmation ? Il serait anormal que les objectifs en soient pénalisés.
M. Didier Boulaud. Eh oui !
M. Josselin de Rohan. Comment envisagez-vous d’absorber cette charge ? Est-il envisageable d’obtenir des financements complémentaires, qui ne seraient au demeurant que la traduction logique de la décision politique prise au début de l’année ?
Par ailleurs, à l’heure où les pays européens sont confrontés à des situations budgétaires difficiles, avec un grave risque d’affaiblissement de l’effort de défense, l’OTAN peine à se rationaliser. Ses implantations territoriales sont encore très nombreuses, et les effectifs des états-majors et des agences toujours considérables, pour ne pas dire pléthoriques.
Dans le même temps, les coûts dérivent, notamment pour les opérations d’investissement dans des capacités militaires collectives. La tendance ne ferait que s’accentuer si, comme le souhaitent certains partenaires, les financements communs de capacités collectives se généralisaient.
Je sais qu’il s’agit de l’une des préoccupations de la France. Monsieur le ministre, peut-on espérer insuffler l’esprit de la RGPP au sein de l’OTAN ? La France ou ses alliés font-ils des propositions en ce sens ? Cette question sera-t-elle sérieusement traitée ?
Au moment où l’OTAN révise son concept stratégique, elle devrait afficher des ambitions réalistes, en rapport avec ses moyens, et hiérarchiser ses priorités.