M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je vais m’en délecter. Cela m’intéressera plus que bien des aspects du budget, en particulier la réforme de la taxe professionnelle !
M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Vous aurez toutes les vacances de fin d’année pour lire ce document, monsieur le rapporteur général.
Venons-en maintenant au cœur de mon intervention.
Cette année, les institutions communautaires ont pris une série d’initiatives pour lutter contre les effets de la crise. Je pense à la proposition de directive relative aux exigences de fonds propres, au paquet sur la supervision financière ou encore au volet budgétaire du plan de relance européen.
Ce dernier point donne lieu à des négociations délicates, qui illustrent les limites de l’utilisation du budget communautaire comme outil d’une politique de relance.
Le budget communautaire n’est pas un instrument de stabilisation économique pouvant être utilisé à des fins conjoncturelles. Pour autant, il peut jouer un rôle structurant sur le moyen terme, particulièrement utile dans une période de crise. Les dépenses portées par le budget communautaire doivent permettre de préparer l’avenir. Tel est le cas de la contribution du budget communautaire au plan de relance européen, les cinq milliards d’euros dégagés à ce titre devant servir à financer des projets énergétiques et le développement de l’internet haut débit en zone rurale.
Je souhaiterais également insister sur un acquis important de la construction européenne, dont les bienfaits sont particulièrement appréciables en période de crise : celui du rôle stabilisateur et protecteur de la monnaie unique.
M. Jacques Blanc. Eh oui !
M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Que se serait-il passé si l’euro n’avait pas existé ? Alors que nous pouvons raisonnablement envisager une sortie de crise en 2010, dans quel état serait notre économie sans la monnaie unique ?
À cet égard, rappelons-nous ce qui s’est passé lors de la dernière récession qu’a connue l’économie française, en 1993. À cette époque, le franc a été attaqué et les taux d’intérêt se sont envolés. Sans l’euro, aujourd’hui, nous n’aurions pas pu financer notre économie à des taux aussi bas.
L’euro a eu un effet amortisseur de la crise. Pour autant, cela ne doit pas nous rendre indifférents au problème que pose le taux de change entre l’euro et le dollar. Il ne faudrait pas que l’Europe reste passive face à une instrumentalisation de ce taux de change par les États-Unis à des fins de relance de l’économie américaine.
L’année 2010 sera une année cruciale pour débattre de la clause de réexamen à mi-parcours des perspectives financières pour la période allant de 2007 à 2013.
Je rappelle que le Conseil européen de décembre 2005 avait invité la Commission européenne « à entreprendre un réexamen complet et global, couvrant tous les aspects des dépenses de l’Union européenne, y compris la politique agricole commune, ainsi que des ressources, y compris la compensation en faveur du Royaume-Uni, et à faire un rapport en 2008-2009 ». Ces travaux devront être pris en compte dans les travaux préparatoires sur les prochaines perspectives financières.
C’est donc en 2010 que se dessineront les grandes lignes du futur budget européen et, par conséquent, que sera déterminée la participation de la France pour les années à venir. Nous devons donc rester extrêmement vigilants sur ce dossier.
Il y a environ un mois, la presse a publié un document interne aux services de la Commission européenne. Il faut toujours se méfier de ces documents internes qui n’ont l’air de rien, mais c’est bien la « moulinette » de la technostructure bruxelloise qui commande ! Ce document, une version provisoire d’une communication sur la réforme du budget européen, que la Commission européenne aurait dû adopter ce mois-ci, a provoqué un émoi certain, tant son contenu est apparu, pour beaucoup, provocateur.
Il prévoyait de concentrer l’essentiel des dépenses communautaires sur trois domaines – la croissance et l’emploi ; le climat et l’énergie ; l’Europe dans le monde – au détriment des fonds alloués à la politique agricole commune, la PAC, et à la politique de cohésion. Alors que le budget communautaire est actuellement consacré, à hauteur d’environ 75 %, à ces deux politiques, cette proportion pourrait tomber à 25 % !
La PAC ne serait plus une priorité européenne.
M. Jacques Blanc. Ce n’est pas acceptable !
M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Cela mérite d’être discuté sereinement, même si, il faut le reconnaître, la France n’est pas toujours la mieux placée pour traiter ce sujet. L’objectif serait de réduire la part des dépenses agricoles afin d’opérer des réallocations de moyens au bénéfice de nouvelles priorités. Les États membres auraient davantage de responsabilités dans la prise en charge des dépenses actuelles de la PAC, un cofinancement des aides directes par des contributions nationales pouvant même être envisagé. En revanche, le développement rural, en l’état, verrait ses crédits augmenter.
Quant à la politique de cohésion, chère à M Simon Sutour et à beaucoup d’autres ici, elle serait renationalisée, les fonds communautaires étant attribués non plus aux régions présentant un retard de développement, mais aux États membres. Un tel scénario reviendrait concrètement à concentrer ces aides sur les nouveaux États membres et, par conséquent, à tourner le dos au principe de solidarité territoriale, alors même, M. Jacques Blanc le sait bien, que le traité de Lisbonne a introduit l’objectif de cohésion territoriale. (M. Jacques Blanc acquiesce.)
Ce texte, certes, n’était qu’un projet et, compte tenu des vives critiques qu’il n’a pas manqué de susciter, la Commission européenne a aussitôt indiqué qu’il ne l’engageait pas. Le président José Manuel Barroso a finalement assuré au président de la commission des budgets du Parlement européen, notre compatriote Alain Lamassoure, que le texte définitif ne serait adopté qu’au cours du premier semestre de 2010, c’est-à-dire par la nouvelle Commission européenne.
Il n’en demeure pas moins que cet épisode donne un signal : ne doutons pas que certaines orientations de ce texte provisoire, qui n’engage pas la Commission européenne, en tout cas d’après ce qu’elle dit, demeureront probablement dans la version définitive, sous une forme ou sous une autre.
Les négociations sur la révision des perspectives financières seront donc extrêmement difficiles et nous devrons rester vigilants, afin que la réforme du budget communautaire ne se traduise pas par un véritable démantèlement de politiques ayant, en dépit de leurs défauts, fait leurs preuves. Ce démantèlement se ferait au détriment non seulement des intérêts français, mais aussi des intérêts européens, tels que la sécurité alimentaire et la solidarité territoriale.
Ces négociations seront aussi l’occasion de « tout mettre sur la table » et, par conséquent, d’aborder la question du caractère équitable du financement de l’Union européenne. Je rappelle, à ce titre, que la part de la France dans le financement du budget communautaire s’élèvera à 16,7 % en 2010. Notre pays se situe donc en deuxième position après l’Allemagne, dont la part représente 19,5 %. Il est aussi – il faut régulièrement le rappeler – le premier contributeur au financement de la correction dont bénéficie le Royaume-Uni.
Certains grands principes ont déjà été posés en vue de ces négociations. Ainsi le contrat de coalition entre les partis politiques au pouvoir en Allemagne, l’Union chrétienne-démocrate/Union chrétienne-sociale et le Parti social-démocrate, comporte-t-il déjà des engagements pour quatre ans qui, compte tenu du poids de notre voisin d’outre-Rhin dans le financement de l’Union européenne, orienteront nécessairement le sens de la révision des perspectives financière. Ce document précise, par exemple, que les contributions nationales au budget communautaire ne sauraient dépasser 1 % du revenu national brut des États membres. Il mentionne également l’opposition de la coalition au pouvoir en Allemagne à un impôt européen.
Je souhaite donc, monsieur le secrétaire d’État, vous poser une question toute simple. Les sujets que je viens d’aborder, notamment les derniers, ont-ils déjà été évoqués dans un cadre franco-allemand ? L’expérience nous a effectivement montré tous les inconvénients d’une discussion sur les grandes décisions budgétaires européennes pour laquelle la France et l’Allemagne se présenteraient divisées.
Les négociations budgétaires qui vont s’engager seront décisives pour l’avenir des politiques communes de l’Union européenne. Elles dessineront les caractéristiques de l’Europe de demain. Nous devons donc sans tarder définir notre stratégie à cet égard et la modeste commission que j’ai l’honneur de présider s’y emploiera ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Je vous rappelle, mes chers collègues, qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne peut dépasser dix minutes. Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu, au maximum, pour vingt-cinq minutes.
La parole est à M. Simon Sutour.
M. Simon Sutour. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat autour de la contribution française au budget européen prend cette année une tournure particulière puisqu’il intervient à une période charnière pour l’Europe : la mise en œuvre du traité de Lisbonne, qui octroie au Parlement européen de nouvelles prérogatives budgétaires ; un budget pour 2010 qui doit prendre en compte les répercussions de la crise financière ; une nouvelle Commission européenne qui présentera un programme de propositions pour son mandat ; la perspective de révision du budget européen l’année prochaine, dont le débat vient d’être lancé par la Commission européenne sortante.
Le contexte est également marqué par les problèmes financiers des États membres et leur difficulté à s’entendre en matière de contributions financières. Je pense notamment à l’engagement européen en vue de la conférence de Copenhague sur la lutte contre le changement climatique.
S’agissant du budget communautaire pour 2010 proprement dit, je me concentrerai sur deux remarques principales.
Premièrement, certains choix budgétaires semblent aller à contre-courant des engagements pris.
Force est de constater que l’accord politique atteint sur ce qui devrait préfigurer des structures de supervision des marchés n’est pas respecté dans ce projet de budget
Les dépenses administratives, que l’on a parfois dénoncées, sont réduites pour financer le plan de relance, alors que le financement de la mise en place institutionnelle du traité de Lisbonne fait apparaître, cette année, des besoins significatifs. Peut-être est-ce la conséquence d’un certain pessimisme qui régnait au sujet de la ratification du traité dans la phase de préparation budgétaire !
Je voudrais faire une parenthèse à cet égard et vous remercier, monsieur le secrétaire d’État, de nous avoir fait parvenir l’« Euro kit ». Cet outil, qui montre les innovations juridiques du traité de Lisbonne, au demeurant considérables en ce qui concerne tant le Parlement européen que les parlements nationaux, est très utile.
Deuxièmement, le sujet central de ce budget est bien le bouclage du financement pour la relance.
À entendre la Commission européenne, l’économie européenne est en train de surmonter la récession et la croissance semble être de retour. Nous trouvons que cette satisfaction est prématurée.
Mme Nicole Bricq. Elle n’est pas de mise !
M. Simon Sutour. Tout à fait ! Plutôt que d’organiser cette sortie de crise et d’en fixer les dates, les institutions européennes et les États membres devraient arrêter ensemble une véritable stratégie de relance budgétaire qui aille au-delà de 2011.
Nous avons dit déjà plusieurs fois, cette année, combien les crédits communautaires qui étaient attribués à cette relance étaient insuffisants. Nous demandons, depuis des mois, la mise en place d’un véritable plan, quitte à ce que celui-ci soit financé par des euro-obligations, afin de mener une véritable politique d’investissements publics à long terme.
Alors que la France s’apprête à lancer un grand emprunt, n’aurait-il pas été préférable, comme illustration de l’ambition européenne tant affichée de la France, d’engager une telle initiative au niveau européen ?
On voit combien le Parlement européen et le Conseil européen éprouvent des difficultés pour « boucler » l’enveloppe prévue pour la relance de l’économie pour 2010.
Le rapporteur spécial y a fait allusion, les 2,4 milliards d’euros prévus pour la relance de l’économie dans tous les domaines en 2010, comme les 5 tout petits milliards d’euros pour 2009 et 2010, paraissent bien dérisoires au regard des sommes dépensées par les États membres pour renflouer les banques. Et encore, le résultat a été obtenu grâce à un exercice d’équilibriste consistant à ponctionner quelques dizaines de millions par-ci par-là !
Nous ne pourrons pas continuer ainsi. La réponse aux répercussions économiques et sociales de la crise financière ne peut se résumer à des compromis faits avec des bouts de chandelles. En tout cas, la visibilité de l’Union européenne n’en est pas améliorée.
Alors le constat est simple. Il est évident qu’il sera difficile, à l’avenir, de financer les politiques européennes, les défis et les contretemps à budget constant.
La réflexion sur le futur budget communautaire et sur les politiques de l’Union européenne va entrer dans une phase décisive dans les mois qui viennent.
Dans ce contexte, le document non officiel de la Commission européenne sur les orientations du futur budget européen est révélateur des tensions existantes.
Si la Commission européenne doit tenir compte de l’évolution des nécessités et des objectifs de l’Union, cela ne peut se faire au détriment de la solidarité communautaire, je le dis clairement.
Si aucun chiffre n’est avancé dans ce document préparatoire, le détricotage des politiques communes les plus emblématiques est en place.
Dans ce document, la Commission européenne se livre à un exercice de liquidation pure et simple de la politique régionale européenne et, par la même, du concept de cohésion économique, sociale et territoriale. En éliminant l’objectif « compétitivité régionale et emploi » de la politique de cohésion, elle propose, ni plus ni moins, de supprimer les fonds de cohésion dans seize États membres sur vingt-sept, …
M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Dont la France !
M. Simon Sutour. … dans 200 régions sur 273, soit les deux tiers !
Comme M. le président de la commission des affaires européennes vient de l’indiquer, notre pays est touché dans sa totalité, à l’exception des départements d’outre-mer, et ma région en particulier, le Languedoc-Roussillon, serait la première touchée.
M. Jacques Blanc. Oui, il faut se battre !
M. Simon Sutour. Alors même que l’ensemble des régions sont touchées de plein fouet par la crise et qu’elles sont les plus à même de redynamiser les territoires, il apparaît contre-productif de supprimer ce financement, essentiel à leur développement et à une répartition équilibrée de l’activité économique dans l’Union européenne.
Nous ne voulons pas d’une Europe à deux vitesses, nous croyons à la redistribution, mais à une politique de redistribution large, intégrée et décentralisée.
Or, aujourd’hui, il semble bien que la Commission européenne veuille laisser les États membres se débrouiller avec leurs seuls moyens. On mesure ainsi l’ambition européenne d’une telle commission, pourtant garante de l’intérêt général européen ! Certes, il y a un bémol à cette affirmation : il s’agit d’une commission sortante, mais dont le président, M. Barroso, a été renouvelé dans ses fonctions.
Lorsqu’on voit au niveau national ce qu’il advient des promesses de dotations de l’État – quel qu’il soit d’ailleurs – aux collectivités locales, on a toutes les raisons de douter de l’avenir de cette politique.
En outre, le traité de Lisbonne consacre le principe de cohésion territoriale comme troisième composante de la politique régionale, aux côtés de ses dimensions sociales et économiques. Le traité reconnaît également le rôle joué par les collectivités locales et régionales en termes de cohésion.
M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Absolument !
M. Simon Sutour. C’est ce qu’a rappelé Manuel Barroso à maintes reprises cette année.
N’est-il pas alors paradoxal, à quelques jours de l’entrée en vigueur de ce traité, d’appliquer une politique qui réduit la politique de cohésion à « un simple outil de charité, bon marché de surcroît » ? Il y a là une incohérence politique majeure qu’il sera difficile d’expliquer aux élus locaux et aux citoyens, mais qui va contribuer à creuser le fossé entre nos concitoyens à la base sur nos territoires et Bruxelles. L’Européen que je suis le regrette profondément.
Ce document met également en cause la solidarité européenne dans un autre domaine, à savoir la politique agricole commune. La Commission européenne s’obstine à casser les derniers outils de régulation des marchés agricoles au mépris de la crise agricole que traverse l’Europe et de la crise alimentaire que traverse le monde.
L’agriculture européenne doit être « plus proche des marchés » selon la Commission, et le premier pilier de la PAC doit devenir un simple « filet de sécurité ». Il n’est pas besoin d’être un grand économiste pour savoir que les marchés agricoles sont par nature instables alors même que l’offre est rigide. C’est par ailleurs un domaine stratégique en termes de cohésion territoriale et d’autonomie alimentaire.
Dès lors, comment croire en l’existence d’une « main invisible » sur ces marchés et réduire le budget permettant l’intervention des pouvoirs publics au niveau européen ? Il en va ainsi du premier pilier de la PAC qui risque fort d’être renationalisé avec l’introduction d’un cofinancement pour les aides directes et les dépenses de marché.
L’équation budgétaire risque de devenir insoluble si aucun effort, aucune ambition nouvelle de la Commission européenne et des États membres ne sont mis en œuvre. À mon sens, la seule manière de concilier difficultés budgétaires des États membres, nouveaux défis et maintien de la solidarité communautaire et des politiques communes, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit, c’est d’envisager sérieusement et dans un délai rapide, comme M. le président de la commission des affaires européennes l’a indiqué – pas pour 2020 ! – la création de nouvelles ressources financières communes.
On voit combien il a été difficile de puiser dans les ressources propres communautaires pour tenter de contribuer à la relance après la crise financière. La solution réside non pas dans une renationalisation de certaines politiques, puisque les États membres sont exsangues, mais dans la création de telles ressources. Comme l’on dit chez moi dans le Gard, « on ne sort pas du sang d’une pierre ».
Nous reviendrons au Sénat sur ce sujet. Puisque nous sommes à la veille de la conférence de Copenhague, il est bon, me semble-t-il, de relancer l’idée d’un fonds commun alimenté par les enchères des marchés de quotas d’émissions de gaz à effet de serre.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. Simon Sutour. J’ai déjà défendu cette idée devant vous il y a un an. Depuis, l’accord conclu entre les États membres d’accorder au moins 20 % de ces revenus issus de la mise aux enchères à la lutte contre le changement climatique, sans création d’un fonds européen qui y soit dédié, se révèle largement insuffisant.
La réflexion sur les ressources budgétaires de l’Union européenne est tout à fait opportune dès lors que la Commission européenne, qui dispose du droit d’initiative, a avancé ses pions, même si ce document n’a rien de juridique. Mais il faut dès maintenant en parler.
Jusqu’à présent, il était important de privilégier la réflexion sur le contenu avant d’examiner les formules budgétaires. Aujourd’hui, les deux sont désormais fondamentalement imbriqués ; les priorités présentées par ce document sont pertinentes, mais elles condamnent des politiques communes qui ont fait l’identité de la construction européenne.
En tout état de cause, on peut considérer comme regrettable le timing de ces premières propositions, alors que la nouvelle Commission européenne n’est pas encore en place.
Ce débat sur les contours du budget européen sera essentiel en 2010 et en 2011 ; il faut que nous nous mettions au travail. Bien des questions devront être abordées, que ce soit celles des ressources propres, de la stratégie globale qui devra combiner investissements de court et de long terme, mais c’est bien la question du projet politique de l’Union pour la décennie à venir qui sera en jeu.
Le budget européen est à refonder ; il en est grand temps, si nous voulons continuer à donner toute sa consistance, sa force et son efficacité à la construction européenne, mais aussi emporter l’adhésion des citoyens aux défis que nous devrons surmonter ensemble.
Compte tenu de l’ensemble de ces remarques, nous ne nous opposerons pas à l’adoption des crédits de l’article 33 du projet de loi de finances relatif à la contribution européenne de la France pour 2010. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste –M. Jacques Blanc applaudit également.)
M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes, et M. Denis Badré, rapporteur spécial. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. « Face à une mondialisation qui monte, un chômage qui s’accroît, moi, je tourne le dos aux sceptiques sourds et aux enthousiastes naïfs. Je prends le parti des architectes et je propose que nous travaillions ensemble. » L’analyse de Jacques Delors est toujours aussi pertinente, particulièrement dans le cadre d’un débat sur le prélèvement européen et de la réflexion qui doit s’engager prochainement sur les perspectives financières de l’après 2013.
Beaucoup de nos concitoyens subissent durement la crise. Certains s’interrogent sans doute sur les sommes consenties par la France à un projet européen dont ils ne ressentent pas les bénéfices et doutent de l’efficacité. Plus de 18 milliards d’euros prélevés cette année, ce sont sans doute pour certains autant de moyens perdus pour notre économie.
Mes chers collègues, il est de notre devoir de leur rappeler ce que l’Europe nous apporte, sans tomber dans l’éternel débat du retour des crédits communautaires sur notre territoire. Fort heureusement et de toute évidence, la notion de solde net ne résume pas à elle seule tout ce qu’un pays comme la France retire de son appartenance à l’Union européenne. Il faut prendre en considération toutes les opportunités qu’offre l’accès libre au premier marché du monde. L’Europe est enfin en mesure de s’imposer durablement comme un véritable acteur global, initiateur, hier, du G 20 à Pittsburgh et, demain, du sommet de Copenhague, et ce faisant, tempérant les excès éventuels de la mondialisation.
Songeons aux conséquences de la crise financière sur les économies européennes si l’Union monétaire n’avait pas été réalisée !
M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Absolument !
M. Aymeri de Montesquiou. Sans l’euro, sans la Banque centrale européenne, sans les mesures qui ont été prises sous présidence française, c’eût été un désastre !
Si l’on peut toujours regretter ses lacunes, l’Union mérite sans aucun doute l’effort que la France lui consent sur son budget. Pour autant, ce prélèvement européen ne doit pas être un chèque en blanc. Il nous impose d’être vigilants.
La France doit s’impliquer fortement dans cette réflexion sur les perspectives financières après 2013 et faire entendre ses vues dans le cadre d’une stratégie collective.
Chacun s’accorde sur la nécessité d’une réforme ambitieuse du budget européen ; son caractère trop rigide ne le rend pas réactif en temps de crise. L’Europe a dégagé 5 milliards d’euros sur 2009 et 2010 pour financer un plan de relance économique. Cette somme, qui représente 1,5% de son PIB, peut paraître insuffisante, d’autant plus que l’absence de coordination des plans nationaux a pu favoriser des effets pervers, comme les primes à la casse dans le secteur automobile.
Le financement du budget européen, on le sait, n’est pas satisfaisant. Avec le temps, on a basculé, insidieusement et sans réel débat politique, d’un budget financé par des ressources propres, dont le principe était inscrit dans le traité de Rome, à un budget financé par des contributions des États membres. Ce système exacerbe les égoïsmes nationaux, amenant chacun à faire le détestable calcul coûts-bénéfices de sa participation.
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Tout à fait !
M. Aymeri de Montesquiou. Les conséquences inhérentes à cet état d’esprit font que, d’année en année, de nombreux pays ont obtenu des régimes particuliers.
Le budget européen s’est dégradé en une construction inégalitaire, antidémocratique et totalement illisible. Quelles pistes de travail la France peut-elle proposer dans le cadre de sa réforme ? Pour ma part, je suis favorable à un impôt à l’échelle européenne. Il serait de nature à renforcer chez les citoyens un sentiment d’appartenance à notre communauté et, dans les institutions communautaires, l’exigence de résultats.
Cette révolution fiscale doit bien sûr s’étaler dans le temps. Elle nécessiterait une forte communication médiatique afin que les citoyens soient convaincus qu’il s’agit d’un impôt de substitution et non d’un impôt supplémentaire. Une taxation des transactions financières serait sûrement l’impôt le plus indolore et le plus équitable, car les pays les plus riches seraient les plus taxés.
J’en viens aux dépenses.
Les axes d’action prioritaires – renforcement de la compétitivité européenne, changement climatique, régulation financière, sécurisation des approvisionnements énergétiques, hausse des flux migratoires – nécessiteront immanquablement une augmentation mécanique du budget communautaire.
Aujourd’hui, les dépenses de l’Union européenne ne financent pas une véritable stratégie, il s’agit plus d’un saupoudrage de moyens, sans réelle projection vers le futur. Il est évident que l’Union devra réorienter ses dépenses, en investissant massivement dans une économie de la connaissance. C’est indispensable pour développer la compétitivité de l’Union, seule à même d’apporter croissance et emplois, tout en privilégiant une politique européenne de l’énergie et des transports.
Elle devra aussi construire une véritable politique industrielle fondée sur des projets de coopération renforcée. L’Europe a une vision trop dogmatique du concept de concurrence libre et non amendée. Comment pourrions-nous lutter à armes égales avec les États-Unis, le Canada, le Japon et l’Asie en général qui n’hésitent pas à soutenir leurs industries nationales ?
Nous devons aussi considérer que l’agriculture s’inscrit dans un projet d’avenir et que cette réorientation des dépenses ne doit pas se faire à son détriment. L’agriculture est un gage d’indépendance et de sécurité alimentaire. Elle assume aussi une fonction primordiale d’aménagement de notre territoire et peut répondre au défi de la performance énergétique, avec les biocarburants. Enfin, elle contribue à faire du secteur de l’agroalimentaire l’une des industries les plus dynamiques en Europe.
Certes, la PAC ne peut se légitimer dans son seul pré carré et dans une stratégie de préservation des acquis. Pour nous, l’année 2013 devra sonner l’heure, non de son démantèlement, mais de sa refondation autour d’objectifs cohérents et de moyens d’action renouvelés.
Pour conclure, je voudrais vous interroger sur deux points, monsieur le secrétaire d'État.
L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, que nous souhaitons ardemment au groupe du RDSE, aura un impact sur l’organisation des dépenses d’administration. Où en sont les négociations ? Comment sera financé le futur service d’action extérieure ? Aura-t-il un budget distinct ou sera-t-il rattaché à la Commission, comme semble le souhaiter le Parlement européen ?
Par ailleurs, le Président de la République a clairement affirmé : « La France n’acceptera pas que l’euro supporte seul le poids des ajustements. » Protecteur en temps de crise, l’euro fort peut être un handicap au moment de la reprise. L’Europe est finalement prise en étau entre la concurrence des pays à bas salaires, et les dévaluations compétitives du dollar et du yuan. Quelle est votre position à ce sujet ?
La France devra négocier durement sur toutes ces questions dans les « grandes manœuvres » qui s’annoncent. Monsieur le secrétaire d'État, entendez Charles Cogan, mettez « l’élégance, l’éloquence, le panache français, [...] se traduisant dans l’arène politique et diplomatique par des actions audacieuses et parfois téméraires » au service de l’Europe ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)