M. Jean Bizet. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. À l’évidence, il y a un vrai désaccord de fond entre, d'un côté, la commission et le Gouvernement, et, de l’autre, les sénateurs de l’opposition.

Mme Éliane Assassi. C’est toute la différence entre la droite et la gauche !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Pour ma part, ce n’est pas à ce niveau que je placerais notre débat.

Mme Éliane Assassi. Il y a, d’un côté, la réaction, et, de l’autre, les partisans de la liberté !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Nous sommes un certain nombre à être confrontés à ces problèmes dans nos villes, sur le terrain. Si nos concitoyens sont, pour la plupart, de parfaits républicains, de vrais progressistes, ils sont nombreux à considérer certains comportements comme tout simplement attentatoires à leurs libertés.

Mme Éliane Assassi. Idéologie !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Sans vouloir être déplaisant à votre égard, madame, j’ai tout de même l’impression, en vous écoutant, que nous ne parlons pas des mêmes réalités.

Mme Éliane Assassi. C’est à moi que vous parlez ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Il y a chez certains, pour des raisons qu’il ne m’appartient pas d’analyser, comme un refus de voir les choses en face.

Mme Éliane Assassi. C’est une plaisanterie !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Je l’assume et je le dis clairement, nous sommes là au cœur de la proposition de loi. Incriminer le fait de dissimuler son visage à l’occasion de manifestations publiques est l’un des éléments clés de la lutte contre les violences de groupes.

Ne faisons pas de comparaisons hâtives avec des manifestations folkloriques ou avec des comportements individuels sans rapport avec le texte, tels que le port d’un passe-montagne ou d’une cagoule en hiver. Ne sortons pas du cadre de la loi, qui fait de la dissimulation du visage une circonstance aggravante d’actes commis dans un contexte bien précis.

Dès lors que les circonstances ne répondent pas aux exigences posées par la proposition de loi pour que l’infraction soit constituée, chacun peut s’exprimer librement, y compris dans sa tenue vestimentaire, et le Gouvernement n’a pas l’intention d’empêcher qui que ce soit de s’habiller comme il l’entend.

L’instauration d’une nouvelle circonstance aggravante est nécessaire pour prendre réellement la mesure, dans de telles situations, de la gravité des infractions. Chacun le sait, avec le visage dissimulé, une personne est d’autant plus dangereuse qu’elle est plus difficile à identifier et, donc, à poursuivre et à condamner, sans parler des risques de récidive. Il suffit de discuter avec une victime pour s’apercevoir qu’elle est plus impressionnée et donc le préjudice subi plus important quand l’agresseur a le visage dissimulé.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis clairement défavorable sur ces amendements identiques. Assumons notre désaccord avec leurs auteurs, tant il est vrai que l’article 3 se situe au cœur de la logique défendue dans le cadre de ce texte ô combien républicain.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Je suis pour le moins surpris par les explications que je viens d’entendre !

M. Charles Gautier. Elles sont époustouflantes !

M. Jacques Mézard. Monsieur le rapporteur, même à titre personnel, comment pouvez-vous trouver anormal que nos concitoyens puissent vouloir se promener avec une cagoule ou je ne sais quel autre accessoire qui leur dissimulerait partiellement le visage ? Que je sache, ce ne sont pas tous des délinquants !

Mme Éliane Assassi. Exactement !

M. Jacques Mézard. Pour le coup, ce sont vos propos qui ne sont pas du tout républicains !

M. François Pillet, rapporteur. Mais si !

M. Jacques Mézard. Heureusement que les millions de nos concitoyens qui se promènent avec un passe-montagne ou une cagoule ne sont pas tous des délinquants potentiels !

M. François Pillet, rapporteur. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Personne n’a dit cela !

M. Charles Gautier. Et les casques de moto ?

M. Jacques Mézard. Nous ne pouvons que rester ébahis devant ce type de raisonnement !

Monsieur le secrétaire d'État, je ne peux vous laisser dire que la disposition s’applique dans un cadre très déterminé. Au contraire, il est clairement indiqué dans le rapport que cette circonstance aggravante concerne non pas les seules violences de groupes ou celle qui sont commises sur la voie publique, mais nombre d’infractions de portée beaucoup plus générale.

En nous opposant à l’extension du champ de cette circonstance aggravante à des cas qui ne se limitent justement pas à ceux que vous nous avez indiqués, nous nous posons en défenseurs du respect d’un principe républicain qui nous est cher à tous !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3, 37 et 51.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3 (Texte non modifié par la commission)
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Article 4

Article 3 bis (nouveau)

L’article 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et aux libertés des communes, des départements et des régions est ainsi modifié :

1° Le dernier alinéa du III est supprimé ;

2° Il est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« IV. – Par dérogation aux dispositions du III, le préfet de police a en outre la charge de l’ordre public dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne et y dirige l’action des services de la police nationale et des unités de la gendarmerie nationale.

« En outre, le préfet de police, en sa qualité de préfet de la zone de défense de Paris, dirige les actions et l’emploi des moyens de la police et de la gendarmerie nationales d’une part pour leurs interventions concourant à la régulation et la sécurité de la circulation sur les routes de la région d’Île-de-France dont la liste est fixée par l’autorité administrative, d’autre part pour leurs missions concourant à la sécurité des personnes et des biens dans les transports en commun de voyageurs par voie ferrée de la région d’Île-de-France.

« V. – Un décret en Conseil d’État peut déroger aux dispositions du I et du III en tant qu’elles fixent les limites territoriales de la compétence du préfet de département en matière d’ordre public. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 4 est présenté par MM. C. Gautier et Sueur, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 38 est présenté par Mmes Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 4.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d'État, après vous avoir bien écouté, je voudrais connaître votre opinion sur les personnes qui mettent des gants pour échapper à la recherche des empreintes ADN.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Des empreintes digitales, plutôt !

M. Jean-Pierre Sueur. De toutes les empreintes, monsieur le président de la commission !

M. François Pillet, rapporteur. Cela n’a rien à voir avec le sujet !

M. Jean-Pierre Sueur. Au contraire, ce genre de comportement traduit la volonté de se soustraire à la recherche des preuves : voilà une manière pour celui qui accomplit un acte répréhensible de dissimuler son identité !

M. Charles Gautier. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Sueur. Par cohérence, vous ne pourrez donc qu’être favorable à l’aggravation des peines en de telles circonstances. Sinon, comment justifiez-vous cette différence de traitement ?

Peut-être daignerez-vous me répondre. Si vous ne le voulez pas,…

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. En effet !

M. Jean-Pierre Sueur. … comprenez que je ne puisse rien faire d’autre que d’en prendre acte.

J’en viens maintenant à l’amendement n° 4, qui est l’évidence même. Il ne devrait donc poser aucune difficulté.

En effet, l’article 3 bis, introduit sur votre initiative, monsieur le rapporteur, tend à compléter la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, afin de prévoir que, par dérogation aux dispositions confiant au préfet la charge de l’ordre public dans le département, le préfet de police de Paris est compétent en matière d’ordre public et de direction des forces de police dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.

Il va de soi que cette disposition n’a pas de rapport avec le présent texte.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais si !

M. Jean-Pierre Sueur. Il serait beaucoup plus cohérent de la faire figurer dans le prochain projet de loi dit « LOPPSI 2 ». Je ne vois d’ailleurs pas quels arguments vous pourriez avancer pour vous y opposer.

J’invite donc mes collègues à voter cet amendement de suppression, de manière que nous puissions débattre de cette question, qui, d’ailleurs, ne va pas de soi, à la faveur de l'examen du texte « LOPPSI 2 ».

Mme Éliane Assassi. Exactement !

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 38.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, compte tenu des certitudes que vous avez exprimées à l’article précédent, j’espère que nous n’allons pas tous être obligés de porter un masque en cas de pandémie extrême de la grippe A/H1N1. Sinon, nous serons nombreux à être frappés par les dispositions que vous venez de faire voter ! (Exclamations sur les bancs des commissions et du Gouvernement.)

C’est que, moi aussi, au bout d’un moment, je n’ai plus d’autre solution que de raisonner par l’absurde : vous êtes tellement ancrés dans vos certitudes que les bras m’en tombent parfois !

Comme M. Sueur, nous demandons la suppression de l'article 3 bis, introduit en commission, qui vise à renforcer les pouvoirs du préfet de police de Paris.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. Chers collègues de l’opposition, je croyais benoîtement que cet article 3 bis ne poserait aucune difficulté. Je suis au regret de constater que tel n’est pas le cas.

Le fait d’inscrire une telle disposition dans la présente proposition de loi n’a rien de choquant, car cette dernière – nous vous rejoignons au moins sur ce point ! – n’a pas pour seul but d’instituer de nouvelles infractions, mais a vocation à renforcer la lutte contre les violences. Cela passe aussi par l’amélioration du dispositif sur le plan organisationnel.

Aujourd'hui, seuls 43 % des individus interpellés à Paris sont des Parisiens. Il est nécessaire, à l’évidence, d’adapter l'organisation des forces de l’ordre à l’évolution de la délinquance.

La mesure que j’ai proposée me semble avoir recueilli un large consensus parmi tous ceux qui administrent les communes de la périphérie de Paris. Je dois le dire, j’ai été particulièrement conforté par la prise de position sur ce sujet de M. Bartolone, qui a publié ce matin une tribune dans la presse intitulée La sécurité ne doit pas s’arrêter aux portes de Paris, dans laquelle il écrit que l’idée d’une police d’agglomération face à une délinquance qui ne connaît pas de frontières départementales fait sens.

Voilà qui montre toute la légitimité de cet article au sein d’un texte visant à renforcer la lutte contre les violences de groupes.

En conséquence, j’émets un avis défavorable sur les amendements identiques de suppression nos 4 et 38.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Je suis également défavorable à ces amendements de suppression. En refusant d’octroyer au préfet de police de Paris une telle compétence sur l'ensemble des départements concernés, on met à mal la lutte, que le présent texte a pour vocation de faciliter, contre les violences commises par des bandes extrêmement mobiles.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 et 38.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 54, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après les mots :

aux dispositions

insérer les mots :

du I et

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Pillet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3 bis, modifié.

(L'article 3 bis est adopté.)

Article 3 bis (Nouveau)
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Article 4 bis

Article 4

Après l’article 15-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 15-4 ainsi rédigé :

« Art. 15-4. – Lorsque les services et unités de police ou de gendarmerie procèdent à l’enregistrement audiovisuel d’une de leurs interventions réalisées en tous lieux, publics ou privés, aux fins de restituer le déroulement des opérations, l’enregistrement est conservé au siège du service ou de l’unité.

« Si l’intervention a conduit à l’établissement d’une procédure judiciaire ou qu’elle intervient dans le cadre d’une enquête ou d’une information judiciaire, la réalisation de cet enregistrement est mentionnée dans un procès-verbal versé au dossier de la procédure.

« En cas de contestation des conditions dans lesquelles s’est déroulée l’intervention, cet enregistrement est, sur décision du procureur de la République, du juge d'instruction ou de la juridiction de jugement, versé au dossier de la procédure afin d’être consulté. Il en est de même s’il apparaît que la consultation de cet enregistrement peut être utile pour déterminer la participation d’une ou plusieurs des personnes mises en cause ou poursuivies aux faits qui leur sont reprochés. Le versement de l’enregistrement au dossier est de droit quand il est demandé par la personne à qui est reprochée une infraction commise pendant l’intervention. Les huit derniers alinéas de l'article 114 ne sont pas applicables. Lorsqu'une partie demande la consultation de l'enregistrement, cette demande est formée et le juge d'instruction statue conformément aux deux premiers alinéas de l'article 82-1.

« Le fait, pour toute personne, de diffuser un enregistrement réalisé en application du présent article est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

« Le fait qu’un enregistrement réalisé en application du présent article ne puisse être consulté en raison d’une impossibilité technique ne constitue pas une cause de nullité de la procédure.

« Un décret précise les modalités d’application du présent article. Il détermine en particulier la durée de conservation et les modalités de destruction de l’enregistrement dans les cas prévus par les trois premiers alinéas.

« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux enregistrements réalisés au cours d’une procédure afin de servir comme élément de preuve, qui sont placés sous scellés conformément aux dispositions du présent code. »

M. le président. L'amendement n° 39, présenté par Mmes Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Il ne nous semble guère opportun d’insérer une telle disposition dans un texte qui vise à renforcer la lutte contre les violences de groupes.

En pratique, le dispositif instauré dans un but affiché de réduire les contestations a posteriori en permettant une plus grande transparence des opérations de police peut être réduit à néant. En effet, rien n’est prévu quant aux moyens matériels dont seront pourvues les forces de l’ordre. En outre, la nullité de procédure ne pourra être invoquée.

Par ailleurs, l’article 4 nous renvoie à un décret dont les dispositions nous sont pratiquement inconnues. Or il est toujours très désagréable de voter un article sans pouvoir en mesurer l’étendue exacte, faute d’avoir connaissance du contenu du décret auquel il renvoie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. Les violences de groupes donnent souvent lieu à des affrontements sévères avec les forces de l’ordre. Il paraît donc nécessaire de favoriser le recours à l’enregistrement audiovisuel des interventions de ces dernières, afin d’établir de façon objective les responsabilités de chacun grâce à des preuves quasi scientifiques. Pourquoi donc nous priver d’un tel progrès dans la recherche de la vérité ?

De plus, dans sa rédaction issue des travaux de la commission, l’article 4 prévoit que le versement de l’enregistrement au dossier sera de droit lorsqu’une personne aura été mise en cause au cours de l’intervention.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. On ne peut pas être d’accord avec la suppression d’une disposition qui est aussi importante pour l’équilibre du dispositif.

L’enregistrement audiovisuel de leurs interventions par les services et les unités de police ou de gendarmerie, quelle que soit la nature de l’acte, contrôle ou interpellation, doit permettre d’établir plus facilement la réalité de leurs conditions d’exécution, par exemple, dans le cas de contestation par les intéressés. De plus, les forces de l’ordre savent ainsi que leurs interventions seront filmées.

Tout cela me paraît une bonne chose pour les uns comme pour les autres.

L’expérimentation déjà menée par certains services de police, notamment en région parisienne, est apparue très positive : l’annonce sur les lieux que l’intervention de la police serait enregistrée a eu, à chaque fois, un effet apaisant en ce sens qu’elle semble avoir incité le public concerné à une certaine mesure et à un comportement plus respectueux.

Ces enregistrements sont encore plus utiles lorsque les violences de groupes se préparent. En effet, il arrive que l’intervention se déroule dans des conditions confuses et donne lieu à de nombreuses interpellations. Dans ces cas-là, l’enregistrement pourra être fort utile pour déterminer qui, parmi les personnes mises en cause, a effectivement participé aux actes de violence. Je réponds ainsi à certaines des questions que vous m’avez posées tout à l’heure sur la présence fortuite de personnes sur les lieux.

Pour moi, ces enregistrements constituent vraiment un élément important du dispositif et personne ne devrait avoir lieu de s’en plaindre.

Le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 21 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

en tous lieux, publics ou privés

par les mots :

dans un lieu public ou ouvert au public

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il s’agit de limiter le recours à la vidéo aux lieux publics ou ouverts au public.

L’article 4 prévoit la possibilité de filmer des interventions de police et le régime de conservation de ces enregistrements.

Si cette disposition traduit une volonté de transparence dans la conduite des opérations de police, comme c’est d’ailleurs le cas en ce qui concerne les gardes à vue, il semble toutefois nécessaire de limiter les possibilités, pour la police, de filmer tout et n’importe quoi, quel que soit le lieu.

La plupart du temps, ces enregistrements ne seront pas utilisés dans le cadre d’une poursuite ou d’une enquête pénale. Ils dormiront dans des tiroirs !

Le régime de ces enregistrements « dormants » laisse perplexe : des personnes auront pu être filmées, dans des lieux privés, chez elles, ou dans des lieux spécifiques, en totale violation de leur droit à la vie privée et à l’intimité. Et que prévoit cet article pour le droit d’accès à ces enregistrements ? Rien !

Nous sommes là devant la mise en œuvre d’un système de vidéosurveillance mobile, mais totalement déconnecté du droit commun de la vidéosurveillance : ni droit d’accès illimité, puisque celui-ci n’est possible que sous conditions, ni alignement sur le droit commun de la vidéosurveillance.

C’est la raison pour laquelle nous vous proposons de limiter la possibilité de recourir à cette méthode au seul cas d’un lieu public ou ouvert au public ; j’ai apporté cette dernière précision pour répondre à la demande de la commission.

Il est impératif de ne pas rompre avec le principe selon lequel la vidéosurveillance ne saurait aboutir, de manière détournée, à porter atteinte au droit à la vie privée de nos concitoyens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. Le dernier alinéa de l’article 4 prévoit déjà que les dispositions de cet article ne sont pas applicables aux enregistrements réalisés au cours d’une procédure afin de servir comme élément de preuve au cours d’une perquisition, par exemple.

Néanmoins, la précision apportée par l’amendement nous paraît intéressante et permettra de lever toute ambiguïté.

En outre, à la demande de la commission, vous avez accepté, madame Alima Boumediene-Thiery, de rectifier votre amendement afin de viser également les lieux ouverts au public.

La commission est donc favorable à l’amendement n° 21 rectifié.

M. Charles Gautier. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 22 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la Commission nationale de déontologie de la sécurité est saisie de faits susceptibles de constituer un manquement aux règles de déontologie de la sécurité, et ayant fait l'objet d'un enregistrement réalisé en application du présent article, elle peut demander la consultation de l'enregistrement audiovisuel. Il est mis à sa disposition dans les conditions prévues par un décret en Conseil d'État. »

 

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il s’agit maintenant de l’accès aux enregistrements par la Commission nationale de déontologie de la sécurité.

La mise en œuvre du dispositif prévu par cet article soulève des questions importantes, notamment concernant la possibilité de produire les enregistrements dans le cadre d’une procédure pénale.

Tel qu’il est rédigé, l’alinéa 4 de l’article ne garantit pas que les enregistrements puissent être utilisés dans une procédure où la personne poursuivie est un agent de police.

De ce fait, il faut craindre que les enregistrements ne soient utilisés pour étayer une infraction de rébellion - cet exemple est d’ailleurs cité dans le rapport de la commission -, sans que l’on ait l’assurance qu’ils puissent l’être par une victime de violences policières.

Je vous proposerai dans quelques instants un amendement pour remédier à cette carence en établissant que le versement de l’enregistrement est également de droit lorsqu’il est demandé par une victime de violences policières et que l’enregistrement est de nature à étayer ses allégations.

Je souhaitais initialement donner ce pouvoir au Défenseur des droits, mais, comme on m’a objecté qu’il n’existait pas encore, j’ai choisi de permettre à la CNDS, chargée du respect de la déontologie de la sécurité, d’utiliser cet enregistrement susceptible de lui permettre d’établir l’allégation de violence policière dont elle est saisie.

J’ai donc rectifié cet amendement, me disant, après réflexion, que mieux valait renforcer les pouvoirs d’une autorité existante.

Si la vocation de cette disposition est de rendre transparentes les interventions policières, il me semble fondamental que la CNDS puisse avoir accès à ces enregistrements.

Je vous propose un mécanisme souple et très simple, qui permettra à la CNDS d’exploiter les enregistrements lorsqu’ils sont de nature à établir des faits pouvant constituer des manquements aux règles de déontologie ou des violences policières dont nous serions victimes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. La commission ne s’est pas prononcée sur cet amendement rectifié. En effet, l’amendement, dans sa rédaction initiale, visait le Défenseur des droits. Nous vous avions demandé de bien vouloir le retirer parce que la loi organique relative au Défenseur des droits n’a pas encore été adoptée.

À titre personnel, il me semble que l’amendement n° 22 rectifié fait plus ou moins double emploi avec l’amendement n° 28 rectifié bis, qui prévoit que le versement de l’enregistrement à la procédure est de droit lorsque l’intervention a donné lieu au dépôt d’une plainte.

Les garanties sont suffisantes. En outre, le Parlement va bientôt examiner l’ensemble de ces questions, dans le cadre du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits ; ses compétences en matière de déontologie de la sécurité seront alors discutées.

J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 22 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Cet amendement est satisfait, puisque la CNDS, comme toutes les autorités administratives indépendantes, dispose d’ores et déjà de pouvoirs d’enquête et qu’elle peut enjoindre à toute personne, publique ou privée, de communiquer toutes informations et pièces utiles ; ce sera notamment le cas des enregistrements audiovisuels des interventions de police.

C et amendement n’est pas opportun dans la mesure où la CNDS n’a pas vocation à être absorbée par le Défenseur des droits.

Cette réponse devrait vous rassurer complètement : votre amendement est satisfait. Vous pourriez le retirer.

M. le président. Madame Boumediene-Thiery, l'amendement n° 22 rectifié est-il maintenu ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je le maintiens, monsieur le président.

L’explication de M. le secrétaire d’État me donne à penser qu’il ne faut pas le retirer. Puisque la CNDS continuera d’exister, il vaut d’autant mieux inscrire dans la loi son droit à accéder aux documents enregistrés qu’elle est très souvent sollicitée sur des problèmes de manquements et de violences policières, et il arrive qu’elle rencontre des difficultés pour obtenir certains dossiers.

En effet, même si, en tant qu’autorité indépendante, elle peut, en principe, avoir accès à ces documents, elle se heurte à de véritables barrages, notamment lorsqu’il s’agit de violences policières, comme celles que nous avons connues récemment à Argenteuil ou en Franche-Comté.

Il serait donc important de l’inscrire dans la loi. Cela permettrait de renforcer les pouvoirs de la CNDS et, partant, la déontologie qu’elle a vocation à garantir.