M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi.

(M. Guy Fischer remplace M. Jean-Léonce Dupont au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

Chapitre Ier

Dispositions renforçant la lutte contre les bandes violentes

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public
Article 1er A (Supprimé par la commission)

Articles additionnels avant l'article 1er A

M. le président. L’amendement n° 12, présenté par MM. C. Gautier et Sueur, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l'article 707 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le service compétent pour les mineurs et les jeunes majeurs désigne aussitôt un éducateur, tuteur référent chargé de suivre l'exécution de la sanction, et communique à la personne concernée et le cas échéant à ses représentants légaux le nom de la personne désignée. »

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. L’article 707 du code de procédure pénale pose, dans ses dispositions générales, les modalités de l’exécution des sentences. Il est donc essentiel de rappeler à cette occasion l’adaptation nécessaire à une meilleure efficacité de l’ensemble des sanctions éducatives que le juge peut prononcer.

À l’heure actuelle, la prise en charge du mineur ou du jeune majeur reste très anonyme : il peut ainsi être renvoyé d’éducateur en éducateur pour le suivi de la mesure éducative le concernant, alors qu’il lui serait nécessaire, surtout s’il est primo-délinquant, de disposer d’un éducateur référent.

Le présent amendement vise donc à compléter le dispositif en précisant que, par principe, le service compétent nomme en son sein un tuteur référent chargé de suivre l’exécution de la mesure éducative de bout en bout. Le mineur concerné et ses représentants légaux seront avertis de cette nomination.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. La question de l’exécution des sanctions prononcées à l’encontre des mineurs, qui mérite une réflexion approfondie, sera prise en compte dans le projet de réforme de l’ordonnance du 2 février 1945. Il convient en effet d’assurer une meilleure mise en œuvre des décisions des juridictions pour enfants.

En tout état de cause, cet amendement s’éloigne assez fortement de l’objet de la présente proposition de loi. Je propose d’en renvoyer la discussion à l’examen du projet de loi portant modification de l’ordonnance de 1945, dont le Gouvernement a annoncé le dépôt pour l’été 2010.

J’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Je partage l’avis de M. le rapporteur, pour les mêmes raisons. Cette question, qui relève de la pratique et non de la loi, pourra effectivement être réglée dans le cadre de la réforme du droit des mineurs.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 13, présenté par MM. C. Gautier et Sueur, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article 15-1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, après les mots : « décision motivée », sont insérés les mots : « et dans un délai ne pouvant excéder trois mois ».

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Cet amendement de bon sens traite du problème récurrent du délai des jugements, eu égard à l’âge des personnes poursuivies et éventuellement condamnées.

Lorsqu’il existe un trop grand décalage entre la commission des faits et l’intervention du jugement, ce dernier n’a aucune efficacité, tout simplement parce qu’il frappe une personne qui n’est plus celle qui a commis l’acte. De surcroît, l’intéressé aura pu offrir à son entourage le spectacle de l’impunité, c’est-à-dire l’exact contraire de l’établissement de l’ordre et de la loi, et commettre, entre-temps, de nouveaux actes délictueux.

Autrement dit, plus une personne est jeune, plus le jugement doit intervenir rapidement. C’est seulement dans cette mesure qu’il peut avoir un sens à la fois pédagogique pour la personne condamnée et d’utilité sociale pour l’entourage de celle-ci.

Nous souhaitons donc que lorsque le prévenu est mineur au moment des faits, et notamment s’il n’a pas encore fait l’objet d’une condamnation, le jugement soit prononcé dans un délai de trois mois à compter de la clôture du dossier, c’est-à-dire de la date de la réception du dossier d’enquête par le parquet.

Pour ce genre d’affaires, il est important que les décisions soient rapides, tant pour l’auteur des faits et pour la victime que pour le corps social, qui doit constater une réaction de la société à des faits qui troublent gravement l’ordre public.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. Nous sommes tout à fait d’accord avec la première partie de votre exposé, mon cher collègue : un amendement ayant le même objet a déjà été adopté à l’Assemblée nationale, et la commission des lois du Sénat, pour plus de lisibilité, a transféré la disposition correspondante à l’article 4 sexies. Vous avez donc satisfaction.

En conséquence, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. Monsieur Charles Gautier, l’amendement n° 13 est-il maintenu ?

M. Charles Gautier. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L’amendement n° 13 est retiré.

Articles additionnels avant l'article 1er A
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Article 1er

Article 1er A

(Supprimé)

M. le président. L’article 1er A a été supprimé par la commission, mais l’amendement n° 34, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, tend à le rétablir dans la rédaction suivante :

L'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifié :

1° Le I et le II sont ainsi rédigés :

« I. - Sont autorisés par décret du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'État et qui intéressent la sûreté de l'État ou la défense nationale. L'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés est publié en même temps que le décret autorisant le traitement.

« II. - Sont autorisés par la loi les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'État et :

« 1° Qui intéressent la sécurité publique ;

« 2° Qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l'exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté ;

« 3° Qui portent sur des données mentionnées au I et II de l'article 8. »

2° Le III et le IV sont abrogés.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il y a quelques semaines, un décret, publié le jour de la Sainte-Edwige (sourires sur les travées du groupe socialiste), créait deux bases de données, qui sont en réalité des fichiers dont l’un concerne directement la proposition de loi que nous examinons, puisqu’il vise au fichage des membres de bandes organisées violentes.

Nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à avoir désapprouvé la création par décret de fichiers dont la mise en œuvre est susceptible de porter atteinte au droit et à la vie privée.

C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement visant à apporter quelques modifications à la loi informatique et libertés, en vue de subordonner la création de fichiers de ce type à une autorisation du Parlement.

En premier lieu, sans modifier le régime réglementaire des fichiers relatifs à la sûreté et à la défense, nous proposons de prévoir que leur création fasse nécessairement l’objet d’un décret, auquel sera obligatoirement joint un avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.

La seconde modification, qui est la plus importante, vise à donner au Parlement un droit de regard sur la création de fichiers relatifs à la sécurité publique, à la prévention ou à la poursuite d’infractions.

Je tiens à rappeler, à cet égard, que le pouvoir exécutif ne détient pas le monopole de la protection des libertés individuelles. Le Sénat et l’Assemblée nationale doivent pouvoir, au même titre que le Gouvernement, décider de la création de tels fichiers et de leur contenu.

Cet amendement tend à aménager cette possibilité, en ajoutant à la liste des données soumises au contrôle du Parlement celles qui sont dites « sensibles ». De ce fait, un débat pourra avoir lieu au Parlement sur ces questions. Du reste, nous aurions dû pouvoir débattre de la présence d’informations sur l’origine géographique des personnes dans la base de données relative à la prévention des atteintes à la sécurité publique, dont le décret portant la création a été publié sans même que le Parlement ait été informé préalablement.

Je vous propose, mes chers collègues, de prévenir de nouvelles surprises de cet ordre. Si vous adoptez cet amendement, la création de tout fichier sera soumise au contrôle préalable du Parlement, et ne pourra être décidée par le Gouvernement sans son consentement. Il me semble que c’est la moindre des choses, s’agissant d’un domaine où les atteintes aux libertés sont patentes.

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. Outre le fait que cet amendement est assez éloigné de l’objet de la proposition de loi, je précise que nos collègues Anne-Marie Escoffier et Yves Détraigne se sont prononcés, dans leur rapport consacré au droit à la vie privée à l’heure des mémoires numériques, en faveur de la compétence exclusive du législateur en matière de création de fichiers de police.

L’article 4 de la proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique, qui a été déposée la semaine dernière, tend à mettre en œuvre cette préconisation. Je propose donc de renvoyer la discussion de l’amendement à l’examen de cette proposition de loi et, dans cette attente, j’émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Outre l’argument développé par M. le rapporteur, je rappelle que la création de ces fichiers est autorisée par arrêté du ministre concerné ou, lorsqu’ils comportent des données sensibles, par décret en Conseil d’État.

Votre proposition, madame la sénatrice, tend à encadrer trop rigoureusement la procédure de création de ces fichiers, au risque de freiner le mouvement actuel de régularisation, sans apporter de garantie véritablement nouvelle. Elle contredit en outre l’esprit de la réforme de 2004 permise par la loi informatique et libertés, qui allège les formalités préalables à la création des fichiers. Elle contrevient, enfin, aux articles 34 et 37 de la Constitution, en élevant au niveau législatif des dispositions qui relèvent du domaine réglementaire. On peut toujours considérer qu’il faut davantage passer par la loi, mais ce serait l’objet d’un débat en soi. Il conviendra, le moment venu, de faire la part des choses.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Tout d’abord, il est clair que l’amendement présenté par Mme Boumediene-Thiery est lié au texte.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !

M. Jean-Pierre Sueur. En effet, le Gouvernement, en l’espèce M. le ministre de l’intérieur, a explicitement prévu la lutte contre ce type de violences dans les attendus d’un décret publié un dimanche récent. Il est donc difficile d’arguer que cet amendement n’a pas de rapport avec la présente proposition de loi !

Par ailleurs, je suis très étonné de votre argumentation, monsieur le secrétaire d’État, sur un sujet de cette importance pour les libertés publiques.

L’un des décrets pris par M. Brice Hortefeux prévoit la possibilité de procéder au fichage des opinions politiques, syndicales, philosophiques et religieuses des personnes, par exemple pour lutter contre les violences dans les stades, sujet également traité dans le présent texte. Je m’étais insurgé contre la possibilité d’un tel fichage à l’occasion d’une question d’actualité au Gouvernement, en demandant à Mme Yade si elle pensait vraiment qu’il était nécessaire, pour lutter contre la violence dans les stades, de ficher les opinions philosophiques ou religieuses des citoyens et des responsables des clubs sportifs. C’est totalement aberrant ! Je suis persuadé que le Parlement, s’il avait été saisi, n’aurait pas cautionné une telle dérive.

Je rappelle qu’une proposition de loi ayant été déposée par Mme Batho, députée socialiste, et M. Bénisti, député de l’UMP, puis adoptée par la commission des lois de l’Assemblée nationale, ainsi qu’un rapport de Mme Escoffier et de M. Détraigne, adopté par la commission des lois du Sénat, préconisent que le Parlement soit saisi préalablement à la création de ce type de fichiers, ce que M. Hortefeux s’est empressé de ne pas faire ! (M. le président de la commission des lois proteste.)

Je m’étonne, monsieur le secrétaire d’État, que vous contredisiez les députés et les sénateurs que je viens de citer, en expliquant qu’il serait inconstitutionnel que le Parlement soit saisi ou que ce serait contraire à la loi informatique et libertés. Il est évident que la création de fichiers relatifs aux opinions des citoyens pose un grave problème au regard des libertés publiques et relève du Parlement !

Si cet amendement de Mme Boumediene-Thiery était adopté, au moins cette proposition de loi acquerrait-elle quelque consistance !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. De toute façon, vous ne la voterez pas !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous soutenons cet amendement avec beaucoup de force.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 34.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 1er A demeure supprimé.

Article 1er A (Supprimé par la commission)
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Article 1er bis

Article 1er

Après l’article 222-14-1 du code pénal, il est inséré un article 222-14-2 ainsi rédigé :

« Art. 222-14-2. – Le fait pour une personne de participer sciemment à un groupement, même formé de façon temporaire, en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de violences volontaires contre les personnes ou de destructions ou dégradations de biens est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

« Dans l’année suivant la publication de la loi n°         du              renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation des dispositions du présent article. »

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet article vise à réprimer non pas les violences commises en bande, mais, de manière préventive, le simple fait de participer à une bande, même si cette dernière n’a pas commis de violences.

Nous souhaitons la suppression de cette disposition, pour plusieurs raisons.

D’abord, cette nouvelle incrimination ne se justifie pas. Il existe déjà un arsenal juridique amplement suffisant pour sanctionner les infractions virtuelles visées par la disposition présentée : violences commises en groupe, violences entre bandes rivales, atteintes aux biens commises en réunion, sanction préventive des attroupements, association de malfaiteurs, etc.

Ces incriminations sont potentiellement applicables aux faits évoqués à l’article 1er. Une seule différence doit être relevée, mais elle est de taille : normalement, une personne est punie pour des actes matériels précis, conformément au principe de la légalité des délits et peines. Or l’article 1er vise une incrimination exclusivement fondée sur l’intention, en l’absence de faits matériels de violence. Sur la base d’éléments matériels qui n’ont rien à voir avec l’infraction elle-même, on va décider que ces personnes vont commettre des violences, alors qu’elles ne passeront peut-être jamais à l’acte.

L’élément intentionnel suffit en l’occurrence, alors qu’en droit pénal une infraction se définit non seulement par un élément psychologique, mais également par un élément matériel : la réalisation de l’intention.

L’article 1er a précisément pour objet de punir les membres d’une bande avant qu’ils ne commettent les violences visées : il s’agit purement et simplement d’une présomption de culpabilité.

Un juge ne recourra jamais à un tel article : d’abord, aucun magistrat ne fondera une condamnation sur une intention, puisque les faits matériels évoqués dans le texte sont flous ; ensuite, il faut que la personne ait participé « sciemment » à un groupement qui projette de commettre des violences, or comment le juge va-t-il s’assurer que cette participation est intervenue en connaissance de cause ?

Les modifications apportées au texte par la commission des lois n’y changent rien : le délit en cause reste un délit virtuel, que notre droit récuse. On ne condamne pas en fonction du virtuel, monsieur le secrétaire d'État !

Enfin, ce délit est en totale contradiction avec le principe constitutionnel de personnalité des délits et des peines, qui interdit la responsabilité pénale collective : on ne peut être poursuivi que pour ses propres actes. Or, aux termes de l’article 1er, c’est bien le simple fait de participer à une bande violente qui constituerait un délit.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 1er.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 1 est présenté par MM. C. Gautier et Sueur, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 35 est présenté par Mmes Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.

L'amendement n° 52 est présenté par MM. Mézard et Collin.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 1.

M. Jean-Pierre Sueur. La rédaction initiale de la proposition de loi prévoyait la création, dans le code pénal, d’un article 222-14-2 ainsi rédigé :

« Le fait de participer, en connaissance de cause, à un groupement, même formé de façon temporaire, qui poursuit le but, caractérisé par un ou plusieurs faits matériels, de commettre des violences volontaires contre les personnes ou des destructions ou dégradations de biens, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende. »

Ce texte visait à réprimer non pas les faits, mais l’intention de participer à des violences portant atteinte aux personnes ou aux biens. Il posait d’emblée la question de l’intention délictueuse, qui est complexe à établir, car cela suppose, d’une part, la preuve que le groupement s’apprête à commettre des faits répréhensibles, et, d’autre part, la connaissance par chacun des membres du groupe des infractions préparées.

Je vous donne acte, monsieur le rapporteur, que la rédaction que vous proposez est meilleure, ou en tout cas moins mauvaise ! Elle se rapproche de la rédaction de l’article 450-1 du code pénal, qui définit l’association de malfaiteurs.

Toutefois, cet article nous paraît tout à fait inutile et susceptible de poser de lourds problèmes.

Il est inutile, car l’arsenal législatif actuel est, à l’évidence, suffisant. En effet, les textes en vigueur prévoient déjà que les violences ou dégradations sont punies plus sévèrement lorsqu’elles sont commises en réunion. La jurisprudence a étendu la notion de réunion à toute personne ayant pris part au groupe pour faire masse. Pourquoi, alors, ajouter une nouvelle disposition, puisque l’objectif est atteint ?

Par ailleurs, les circonstances aggravantes s’appliquent à tous les complices et coauteurs. Pour les actes de violences, la préméditation et le guet-apens sont des circonstances aggravantes. La loi du 5 mars 2007 a, en outre, créé le délit d’embuscade, qui consiste dans le fait d’attendre en un lieu déterminé et durant un certain temps des représentants des forces de l’ordre dans le dessein « caractérisé par un ou plusieurs faits matériels » de commettre à leur encontre des violences avec usage ou menace d’une arme.

De manière subsidiaire, j’ajoute que la rédaction de l’article 1er ne conserve pas l’architecture du code pénal, dont le livre II est consacré aux personnes et le livre III aux biens. Or le nouvel article 222-14-2 qu’il tend à créer, pour l’intégrer au livre II du code pénal, réprime la participation à un groupement en vue de la commission d’atteintes non seulement aux personnes, mais également aux biens. Ce n’est pas très cohérent !

En conclusion, je souhaite insister sur le fait que le dispositif de l’article 1er s’appliquerait à un groupement « même formé de façon temporaire ». Quelle temporalité prendre en compte, monsieur le secrétaire d'État ? Si, pendant quelques minutes, des personnes demeurent les unes à côté des autres,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le temps de parole est écoulé !

M. Jean-Pierre Sueur. … font-elles partie, pour autant, d’un groupement ? Qu’entend-on par « groupement formé de façon temporaire » ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est fini !

M. Jean-Pierre Sueur. Il serait tout à fait étrange, voire exorbitant, de punir une personne pour s’être simplement trouvée à côté d’une autre, animée pour sa part d’intentions violentes ou se préparant à commettre des actes répréhensibles ! Qu’est-ce qu’un regroupement aléatoire de personnes se côtoyant à titre tout à fait temporaire ? Nous sommes ici dans l’imprécision la plus totale, dans une confusion générale ! Bien entendu, le Conseil constitutionnel ne pourra admettre une rédaction aussi confuse.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. M. Sueur a parlé quatre minutes, monsieur le président !

M. le président. Mes chers collègues, essayons de respecter les temps de parole !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il ne faut pas essayer, il faut les respecter ! Nous avons des pendules électroniques pour cela !

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 35.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er, qui crée une présomption d’infraction en instaurant l’infraction de participation à un attroupement ayant l’intention de commettre des violences.

Si une personne se trouve dans un groupe qui semble se préparer à commettre des infractions, elle pourra être inquiétée par la justice. L’absence de toute définition de la notion de bande peut laisser un très large pouvoir d’interprétation à celles et à ceux qui seront chargés d’appliquer la future loi. L’arbitraire est à craindre, et les problèmes, au lieu d’être résolus, risquent de se trouver aggravés.

Les juridictions pénales qui vont être saisies sur ce motif d’accusation auront ainsi beaucoup de difficultés à appliquer la mesure. Elles devront en effet se fonder non sur des faits commis, mais sur la volonté de la personne de passer à l’acte. En clair, il leur faudra constater ce que les membres de la bande auraient pu faire !

La présomption d’infraction sera donc suffisante pour déclarer la culpabilité de la personne. Il s’agit, en fait, d’une présomption de culpabilité. En poussant jusqu’au bout le raisonnement, une personne pourra être poursuivie alors qu’aucune infraction n’aura été commise.

Comme cela a été indiqué lors des auditions de la commission, les violences commises en groupe ont souvent un caractère spontané. Il sera donc très compliqué de prouver l’intention délictuelle de la personne mise en cause.

De plus, il est bien rare que les forces de l’ordre soient présentes dès le début du passage à l’acte. Rapporter la preuve de la responsabilité individuelle de la personne pour cette incrimination sera donc pratiquement impossible.

Enfin, dans le cas où la personne commet une infraction, des textes existants, comme celui qui est relatif aux violences en réunion, peuvent être appliqués, et d’une manière plus efficace. Point n’est donc besoin d’une loi supplémentaire, je le répète, pour réprimer les violences commises en groupe.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 52.

M. Jacques Mézard. Cet amendement a également pour objet la suppression de l’article 1er, puisque nous considérons que l’arsenal juridique actuel permet déjà de réprimer les délits commis en groupement.

Le rapport de la commission rappelle les objectifs visés par la création de l’incrimination et les propos de l’auteur de la proposition de loi : « L’infraction nouvelle a une visée avant tout préventive, en amont de la commission de faits de violences ou de dégradations. »

Le rapport rappelle aussi, très justement, qu’il existe déjà « une incrimination proche du délit d’appartenance à une association de malfaiteurs ». Effectivement, l’article 450-1 du code pénal réprime « tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou plusieurs crimes ou d’un ou plusieurs délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement ».

On nous objecte que ces dispositions ne sont pas adaptées à la répression de violences légères. L’argumentation aurait pu être meilleure, car il était possible, à cette fin, de modifier la rédaction de l’article 450-1 du code pénal !

En réalité, il s’agit d’un effet d’annonce : il faut envoyer un message médiatique.

La commission, qui a certes amélioré le texte, a adapté la rédaction du délit « afin de viser la personne qui participe sciemment à un groupement (même formé de façon temporaire) en vue de la préparation de violences ou de dégradations. […] En outre, cette rédaction substitue à la notion de “but poursuivi”, celle de “préparation”, qui est susceptible d’être caractérisée par des éléments matériels plus objectifs (une annonce sur un blog ou un port d’arme par exemple). »

Que l’on puisse fonder des poursuites sur un port d’arme, soit, mais sur une annonce sur un blog… Je souhaite bon courage aux magistrats pour essayer d’établir une jurisprudence stable en la matière !

En résumé, l’arsenal législatif existant est suffisant. Il suffit de l’appliquer correctement.