M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 81 :
Nombre de votants | 325 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l’adoption | 156 |
Contre | 169 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Un décret en Conseil d'État prévoit les conditions dans lesquelles le conseil d'administration ou le conseil de surveillance d'une société à l'égard de laquelle l'État s'est financièrement engagé ne peut pas décider l'attribution d'actions aux dirigeants et mandataires sociaux dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186-1 et L. 225-197-1 à L. 225-197-6 du code de commerce.
Il prévoit également les conditions dans lesquelles des éléments de rémunération variable, indemnités et avantages indexés sur la performance ne peuvent pas être octroyés aux dirigeants et mandataires sociaux de ces mêmes sociétés.
Les sociétés mentionnées aux deux alinéas ci-dessus sont celles :
- auxquelles l'État a directement consenti un prêt, accordé sa garantie à l'occasion d'un prêt ou dans lesquelles il a investi ;
- auxquelles la société de financement de l'économie française a consenti un prêt ;
- dont les émissions de titres financiers ont été souscrites par la société de prise de participation de l'État ;
- ou dans lesquelles le fonds stratégique d'investissement a, directement ou indirectement, investi.
II. - Les conventions visées au deuxième alinéa du A du II de l'article 6 de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie déjà conclues à la date de publication de la présente loi sont révisées en conséquence du I ci-dessus.
Cet amendement n’est pas soutenu.
Article 2
(Supprimé)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
4
Lutte contre les violences de groupes
Adoption d'une proposition de loi
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public (proposition n° 506, 2008,2009, texte de la commission n° 86, rapport n° 85)
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, garantir la sécurité et la tranquillité de nos concitoyens en adaptant nos moyens face à une délinquance sans cesse évolutive relève de notre responsabilité partagée. La proposition de loi soumise à votre examen vise donc à renforcer la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public.
Ce texte, adopté par l'Assemblée nationale, a fait l'objet d'un examen approfondi par votre commission des lois. Je tiens à saluer le travail tout à fait remarquable effectué par celle-ci, et particulièrement par son rapporteur.
Comme chacun peut le constater, les hommes et les femmes chargés de la protection des Français doivent faire face à un accroissement de la violence de la part des délinquants. Élus locaux, nous sommes tous amenés à le vérifier quotidiennement sur le terrain.
Deux faits étayent ce constat.
Il s’agit, premièrement, du rôle des bandes dans la montée des violences. Leurs liens avec les trafics de stupéfiants, voire les trafics d'armes, sont connus. En recherchant la confrontation violente avec les forces de l'ordre, ces bandes peuvent être à l'origine de véritables scènes de guérilla urbaine, comme l’illustrent les événements de Gagny. Il ne s’agit là que d’un exemple, mais plusieurs d’entre nous – c’est notamment mon cas – ont vécu par le passé ce type de situation dans des villes de province. Nous avons tous ces incidents en mémoire. Ils causent un trouble très important et masquent souvent d’autres trafics et agissements.
Il s’agit, deuxièmement, de l’extension de la violence à des lieux longtemps préservés et essentiels à la cohésion sociale.
C'est, hélas ! le cas de l'école. Ce phénomène, qui n’existait pas lorsque j’ai commencé à exercer des mandats électifs, est apparu peu à peu, d’abord subrepticement, puis de manière beaucoup plus importante. Des événements récents ont révélé que les établissements scolaires pouvaient devenir le théâtre de violences inacceptables à l’encontre des élèves et du corps enseignant. Et les faits se multiplient.
Cela concerne également, dans un tout autre registre, les stades. Rien n'est plus opposé à l'esprit du sport que les violences qui perturbent trop souvent nos manifestations sportives. Sont en cause non seulement les grands matchs dits « à hauts risques », mais également les rencontres amateurs du samedi et du dimanche après-midi, dans nos communes, sur les stades de quartiers.
Ainsi, la délinquance évolue et nos réponses doivent également évoluer. La proposition de loi vise donc à adapter nos réponses en prévoyant de nouveaux moyens et des mesures ciblées sur certains lieux symboliques, que je viens d’évoquer.
Tout d’abord, contre la délinquance violente, le texte prévoit de nouveaux moyens pour combler les lacunes existantes. Ces moyens sont juridiques, opérationnels et technologiques.
Concernant les moyens juridiques, les incriminations contre les bandes violentes sont aujourd'hui insuffisantes, qu'il s'agisse de l'interdiction des attroupements ou de l'association de malfaiteurs.
L'infraction de participation à une bande violente permet de mieux appréhender la réalité du phénomène. La participation à une bande constituée pour commettre des atteintes aux personnes et aux biens sera désormais punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Ladite infraction permet de lutter contre les différentes formes du phénomène, qu'il s'agisse du regroupement de personnes qui se connaissent, tels les gangs qui se constituent ici et là, ou du regroupement de personnes qui n’ont pas de liens a priori, mais se retrouvent volontairement en un lieu donné pour commettre une action commune violente. C'est le cas des black blocs ou d’un certain nombre de bandes de casseurs qui se retrouvent à l’occasion ou en marge de manifestations, avec les effets que nous connaissons.
Cette infraction permet également de lutter contre l'impunité, clairement recherchée par les personnes agissant en groupe. Elle n'établit pas pour autant une responsabilité collective. Cet aspect sera, je n’en doute pas, l’un des éléments du débat à venir. En participant concrètement au groupe et en poursuivant un même objectif délictueux, chacun, en effet, se rend personnellement coupable. On n’est pas là par hasard !
Afin de lutter contre les infractions commises à visage dissimulé, la proposition de loi prévoit l'introduction d'une nouvelle circonstance aggravante. Les agressions à visage dissimulé augmentent le traumatisme des victimes et compliquent le travail d'identification de la justice. À ce sujet, un décret en Conseil d'État du 19 juin 2009 incrimine d’ailleurs le fait de dissimuler volontairement son visage en marge d'une manifestation. Il est logique d’alourdir les sanctions prononcées pour toute agression commise à visage dissimulé.
Pour faciliter le travail des forces de l'ordre, de nouveaux moyens opérationnels et technologiques sont prévus.
La proposition de loi précise ainsi le cadre d'exercice de la police d'agglomération. En effet, la délinquance moderne se joue des frontières administratives et, pour adapter l'organisation de la sécurité aux bassins de délinquance, la police d'agglomération renforcera la coordination entre les services de sécurité. Les compétences du préfet de police en matière de maintien de l’ordre public seront donc étendues aux départements de Paris et à ceux de la petite couronne.
Des moyens technologiques sont également prévus. L'enregistrement audiovisuel par les services de police constitue un progrès et permettra de confondre plus aisément les auteurs d'agressions, même s’ils portent une capuche ou un foulard pour dissimuler leur visage. Il facilitera l'administration de la preuve, souvent complexe dans un contexte de groupe. Il favorisera les bonnes pratiques policières, en permettant d’établir la vérité sur les circonstances et le déroulement effectif des événements, si l’intervention de police devait ensuite être mise en cause. Il conviendra, naturellement, de préciser le régime juridique de ces enregistrements.
Mesdames, messieurs les sénateurs, adapter nos réponses suppose de nouveaux moyens contre la délinquance violente.
Protéger nos concitoyens exige également, je le disais tout à l’heure, des mesures ciblées sur certains lieux symboliques.
Ainsi, contre la violence dans les stades, le dispositif en vigueur doit être renforcé, en premier lieu les mesures de prévention. La proposition de loi permet de doubler la durée des interdictions administratives de stade. Celles-ci pourront être portées à six mois et interviendront dès le premier trouble à l'ordre public. Les mesures de répression doivent également être renforcées. L'incrimination de la détention et de l'usage des fumigènes est particulièrement adaptée aux spécificités de la violence dans les stades. Certains de ces engins sont des plus dangereux, y compris pour ceux qui les manipulent
Sanctuariser l'école est le second objectif qui sous-tend le texte soumis à votre examen. L'école est un lieu d’apprentissage, où se transmettent les règles de la vie en commun ; elle doit le demeurer. Les événements récents ont montré la nécessité de protéger les écoles, leurs abords et les personnels qui y travaillent.
Pour protéger l'école, il faut la préserver des violences venues de l'extérieur. Ces violences, commises par des personnes mal intentionnées qui pénètrent dans l'enceinte d'un établissement sans y être autorisées, peuvent parfois entraîner un drame.
L'intrusion dans un établissement scolaire sera punie d'un an d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. La peine pourra être aggravée, la détention étant susceptible d’atteindre sept ans et l’amende pouvant s’élever à 100 000 euros si l’agression est perpétrée par plusieurs personnes armées. Il s’agit d’une avancée pour la sécurité des élèves et des enseignants.
L'introduction d'une arme dans l'enceinte scolaire constituera un délit en soi, punissable de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. La sécurisation des abords de l'école contribue à la protection des élèves comme des professeurs. La proposition de loi complète à cet égard le code pénal en ajoutant une circonstance aggravante pour les faits de vols et d’extorsions commis à proximité des établissements scolaires.
Enfin, la sécurité des personnels de l'éducation nationale doit être renforcée. L'autorité des professeurs est aujourd'hui la cible de ceux qui s'en prennent à toute autorité légitime. Les personnels de l’éducation nationale et leurs proches doivent bénéficier d'une protection identique à celle qui est accordée aux agents dépositaires de l'autorité publique. Le texte soumis à votre examen prévoit que les sanctions réprimant les atteintes à ces personnels soient aggravées dès lors que les faits sont liés aux fonctions exercées par la victime. Afin de mieux prendre en compte la réalité du terrain, la proposition de loi étend ce dispositif à leurs proches.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la sécurité est la première des libertés ; elle est la condition de toutes les autres : liberté de s'instruire dans les écoles de la République ; liberté d'y enseigner ; liberté de participer à des événements sportifs ; liberté de manifester pour exprimer ses idées, sans craindre la menace de casseurs et de pillards qui puissent dénaturer ces rassemblements pacifiques et légitimes ; liberté, tout simplement, d'aller et venir dans la rue en toute tranquillité, sans redouter les exactions de bandes violentes.
La présente proposition de loi nous donne les moyens de mieux préserver ces libertés par des mesures concrètes. Respectueuse de nos principes, elle réaffirme un objectif que nous partageons tous : garantir la protection de chacun, en toutes circonstances, sur tous les territoires de la République. C'est notre devoir ! C'est notre responsabilité au service de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, notre assemblée est saisie de la proposition de loi renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public, adoptée par l'Assemblée nationale le 30 juin dernier.
Malgré les efforts entrepris par les pouvoirs publics au cours de la dernière décennie, le phénomène des bandes persiste et, dans certains quartiers défavorisés, il s'enracine et trouble gravement les conditions d’existence de nos concitoyens qui y vivent.
Dans le prolongement des engagements pris par le Président de la République au lendemain des graves violences commises en mars 2009 dans un lycée de la région parisienne, M. Christian Estrosi, alors député, a déposé la présente proposition de loi.
Tout en souscrivant à l’objectif de mieux prendre en compte la spécificité du phénomène des bandes, la commission des lois a souhaité apporter un certain nombre de modifications à ce texte, dans le respect des principes fondamentaux de notre droit pénal et de la cohérence de l’échelle des peines.
Je partirai du constat de la spécificité du phénomène des bandes, avant d’évoquer les modifications apportées au texte par la commission. Je conclurai en attirant l’attention du Gouvernement sur un certain nombre de points qui nous semblent importants.
Pour ce qui est tout d’abord du constat, depuis plusieurs décennies, les grandes agglomérations françaises sont périodiquement traversées par des flambées de violences émanant le plus souvent de jeunes gens issus de quartiers défavorisés : cité des Minguettes à Vénissieux, en 1981 puis en 1983, Vaulx-en-Velin en 1990, Nîmes en 2003, etc.
Pourtant, pendant de nombreuses années, les pouvoirs publics n’ont pas semblé prendre la mesure du caractère spécifique du phénomène des bandes violentes. D’après les personnalités que j’ai entendues, et notamment des sociologues, la notion de « bande » ne fait réellement l’objet d’une attention particulière que depuis cinq à six ans. De ce fait, peu de données objectives sont disponibles pour tenter de cerner précisément ce phénomène.
Selon une étude réalisée par la direction centrale de la sécurité publique en mars 2009, il existerait 222 bandes violentes en France, regroupant environ 2 500 membres réguliers et autant de membres occasionnels. Les quatre cinquièmes de ces bandes seraient localisées en région parisienne, et un peu moins de la moitié de leurs membres seraient âgés de moins de dix-huit ans.
À la différence des gangs américains, qui comptent parfois plusieurs milliers de membres, les bandes françaises les plus structurées ne comporteraient guère plus de cinquante personnes.
En outre, il est important d’opérer des distinctions. En particulier, il est essentiel de distinguer les « bandes » des groupes politiques extrémistes, tels que ceux qui se sont manifestés au sommet de l’OTAN à Strasbourg, en avril 2009, ou à Poitiers, voilà quelques semaines.
À la différence de ces groupes d’extrémistes, qui agrègent au gré des manifestations des individus ne partageant pas de vie en commun, les bandes constituent de véritables formes de sociabilité alternative. La notion de territoire revêt pour elles une valeur quasi sacrée, le groupe ne fonctionne que collectivement, les actes de violences sont toujours accomplis en commun, le plus souvent dans des territoires « neutres » tels que les espaces scolaires ou les transports en commun.
Les pouvoirs publics n’ont pas attendu le dépôt de cette proposition de loi pour lutter contre les violences urbaines. L’action engagée par les pouvoirs publics à cet effet a d’ailleurs produit des résultats significatifs : la délinquance urbaine a baissé de 33 % entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2008.
Néanmoins, d’après les informations que j’ai recueillies, ces données globales masquent une certaine radicalisation des phénomènes de violences, concentrés sur un nombre restreint de quartiers en difficulté et d’individus au passé judiciaire lourd.
Dans un avis rendu en janvier 2008, le Conseil national des villes a mentionné l’existence de noyaux durs et pérennes de jeunes délinquants dans un certain nombre de quartiers en difficulté.
En outre, un double constat semble faire l’unanimité. D’une part, les agressions perpétrées contre les forces de l’ordre sont en hausse : les violences à personnes dépositaires de l’autorité publique se sont accrues de plus de 4 % entre 2007 et 2008, atteignant environ 26 000 faits signalés par an. D’autre part, ces violences se caractérisent par une banalisation du recours aux armes : le nombre de ports et de détention d’armes prohibées a augmenté de plus de 9 % entre 2007 et 2008.
Face aux violences commises en groupes, notre droit pénal n’est certes pas totalement démuni.
En premier lieu, notre droit punit des mêmes peines que l’auteur des faits le complice de l’infraction.
En deuxième lieu, la législation pénale considère dans un grand nombre d’hypothèses le fait que l’infraction ait été commise par plusieurs individus agissant en groupe comme une circonstance aggravante. Deux situations sont envisagées par le code pénal : celle de la commission en réunion et celle, plus grave, de la commission en bande organisée.
En troisième lieu, notre droit reconnaît, depuis le code napoléonien de 1810, l’existence d’un délit d’appartenance à une association de malfaiteurs, aujourd’hui défini par le code pénal comme « tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation – le terme est important –, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou plusieurs crimes ou d’un ou plusieurs délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement ».
Enfin, les groupements spontanés peuvent être poursuivis sur le fondement du délit d’attroupement, armé ou non, défini par le code pénal comme « tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l’ordre public ».
De leur côté également, les tribunaux n’hésitent pas à retenir la responsabilité de tous les membres d’un groupement informel qui s’est rendu coupable d’un crime ou d’un délit, dès lors qu’une faute peut être imputée à chacun d’entre eux.
Néanmoins, l’ensemble de ces mesures n’apparaît pas tout à fait suffisant pour lutter efficacement, de façon préventive, contre les violences commises en groupes. En effet, les dispositions relatives aux attroupements visent plutôt les violences commises par des groupes politiques extrémistes, et les mesures relatives à la criminalité organisée et l’association de malfaiteurs concernent les bandes criminelles présentant un certain degré d’organisation et une activité inscrite dans la durée.
En revanche, notre droit ne parvient pas à prévenir de façon suffisamment efficace les violences commises par des bandes informelles, peu structurées, constituées sur une base territoriale et se livrant de façon régulière à des formes de délinquance allant de simples actes d’incivilités à des délits graves. Ce sont ces groupes que tente de prendre en compte la présente proposition de loi.
La commission des lois a donc entendu conforter la démarche des députés. Néanmoins, son attention a été appelée sur un certain nombre de difficultés que pourrait susciter l’application de ce texte par les forces de sécurité ou par les juridictions. C’est pourquoi elle a souhaité modifier le texte en étant guidée par trois grandes préoccupations.
Premièrement, la commission a souhaité amender ou supprimer les dispositions qui lui paraissaient susceptibles d’ouvrir la voie à une forme de responsabilité collective, qui serait incompatible avec les principes fondamentaux de notre droit pénal. C’est ainsi qu’elle a profondément transformé la définition du délit d’appartenance à une bande, qui figure à l’article 1er de la proposition de loi.
Deuxièmement, la commission a souhaité restaurer une certaine cohérence dans l’échelle des peines retenue par le texte. Elle a notamment modifié les peines encourues en cas d’intrusion armée dans un établissement scolaire. En ce qui concerne l’appartenance à une bande, elle a considéré que les peines encourues en cas de préparation d’une infraction ne devaient pas être aussi sévères, voire plus sévères, que les peines encourues en cas de commission de l’infraction.
Troisièmement, la commission a veillé à ce qu’une protection accrue soit conservée pour les personnels de l’éducation nationale et leurs proches, le texte prévoyant de sanctuariser les établissements scolaires.
Enfin, quatrièmement, la commission des lois a supprimé un certain nombre de dispositions qui lui paraissaient satisfaites par le droit en vigueur. Par exemple, elle a supprimé les mesures relatives au port d’arme dans un établissement scolaire, car des dispositions du code de la défense répriment déjà sévèrement, et de façon générale, le port d’armes de première, de quatrième et de sixième catégorie. Ces mesures s’appliquent, bien évidemment, dans les établissements scolaires.
Par ailleurs, la commission a souhaité compléter la proposition de loi.
Sur ma suggestion, elle a inséré un article tendant à faciliter la création de polices d’agglomération. Il nous a en effet semblé que la constitution de polices d’agglomération était un moyen privilégié pour mieux lutter contre les violences commises par les bandes, qui se caractérisent par leur extrême mobilité. Rappelons à ce sujet que 57 % des personnes interpellées chaque jour à Paris ne résident pas intra-muros. Il est donc essentiel de donner aux forces de l’ordre les moyens de mieux s’organiser pour faire face à cette forme de délinquance qui évolue rapidement.
En outre, la commission a constaté que les manifestations sportives constituaient un terrain d’action privilégié pour les bandes violentes. Elle a adopté un amendement de notre collègue Laurent Béteille tendant à élargir le champ du délit d’introduction de fumigènes dans les enceintes sportives. Elle a également adopté un amendement de notre collègue François-Noël Buffet visant à rendre plus dissuasives les interdictions administratives qui peuvent être prononcées par le préfet à l’encontre de supporters violents.
L’ensemble de ces dispositions donnera ainsi aux forces de l’ordre et aux magistrats les outils juridiques nécessaires pour mieux lutter contre les violences commises en bandes.
Néanmoins, un certain nombre de mesures ne pourront s’appliquer qu’après l’édiction de mesures réglementaires, et je souhaiterais attirer l’attention du Gouvernement sur deux points, certes ponctuels, mais qui me semblent importants.
Tout d’abord, en ce qui concerne l’article 2 bis, qui prévoit de permettre au préfet d’autoriser les agents de surveillance ou de gardiennage des immeubles collectifs d’habitation à porter une arme de sixième catégorie pour assurer leur sécurité, le décret en Conseil d’État qui définira les modalités d’application de cet article devra préciser, conformément à l’intention des députés, que seules les matraques de type bâton de défense ou tonfa, à l’exclusion de toute autre arme, pourront être autorisées, et, surtout, que cette arme ne peut être utilisée qu’en cas de légitime défense.
En outre, j’attire votre attention sur l’article 4 bis, qui autorisera les propriétaires d’immeubles collectifs d’habitation à transmettre aux forces de l’ordre les images des systèmes de vidéosurveillance installés dans les parties communes des immeubles afin de permettre à celles-ci de préparer leur intervention lorsque celle-ci s’avère nécessaire.
La commission a encadré ces dispositions et a souhaité que leur mise en œuvre soit précisée par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, qui est compétente en matière de vidéosurveillance dans les lieux privés. Il nous a en effet semblé essentiel de maintenir un équilibre entre, d’une part, la nécessité de permettre aux forces de l’ordre de rétablir la jouissance paisible des lieux dans les parties communes des immeubles, et, d’autre part, la nécessité de veiller à ce que la mise en œuvre de ces dispositions ne porte pas une atteinte injustifiée au droit au respect de la vie privée.
En conclusion, je pense que la question des violences commises par les bandes requiert toute l’attention des pouvoirs publics.
De fait, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui viendra compléter un ensemble de mesures récemment prises par le Gouvernement afin de mieux lutter contre les bandes : mise en place d’unités territoriales de quartiers et de compagnies de sécurisation, renforcement des dispositifs de sécurisation des établissements scolaires, etc. Ces efforts doivent être poursuivis et encouragés.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois vous propose d’adopter la présente proposition de loi dans la rédaction qu’elle vous soumet. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui n’est qu’un énième texte sécuritaire porté par le Gouvernement qui fait suite à un fait divers : l’intrusion d’une bande de jeunes dans un lycée professionnel.
Ainsi, le Président de la République, qui se veut toujours plus réactif, a annoncé dans la foulée de cet événement une nouvelle loi qui viserait plus particulièrement les bandes violentes, avec le but affiché de « démanteler les bandes pour prévenir les violences qu’elles pourraient commettre ». Il a alors fait appel à un fidèle parmi les fidèles en la personne de Christian Estrosi, alors député, pour déposer une proposition de loi qui fut débattue à l’Assemblée nationale en mars dernier et qui atterrit au Sénat huit mois après.
Ce texte va venir durcir encore plus notre arsenal pénal en aggravant des sanctions déjà existantes, mais aussi en créant les incriminations de participation à une bande supposée violente et de dissimulation volontaire du visage.
On peut légitimement s’interroger sur la pertinence d’une telle loi au regard de la longue liste de lois sécuritaires adoptées depuis 2002.
Cette accumulation de dispositifs législatifs proposés après chaque fait divers et que vous vous empressez de médiatiser largement n’a fait que complexifier la mise en œuvre de ceux-ci.
De plus, il n’est pas certain qu’une nouvelle loi soit indispensable pour résoudre le problème des bandes violentes. En effet, il existe déjà dans notre code pénal les incriminations de « bande organisée », « d’association de malfaiteurs », de « violences en réunion » ou encore « d’attroupement ».
On peut donc s’interroger, j’y insiste, sur l’apport de votre nouveau dispositif en matière de lutte contre ce genre de délinquance. Notre arsenal pénal en vigueur est tout à fait capable d’y répondre.
Sur le fond donc, il ne s’agit que d’un texte qui s’appuie sur l’émotion suscitée par le fait divers que vous avez habilement entretenu pour mieux, ensuite, flatter votre électorat.
De plus, vous utilisez le volet sécuritaire prétendument pour lutter contre le phénomène de violence de groupes, alors que l’échec de votre politique en matière de lutte contre la délinquance est patent, comme le démontrent les récentes statistiques en la matière.
Encore une fois, vous restez muet sur la prévention, alors même qu’il s’agit d’un élément essentiel pour parvenir à lutter contre la délinquance. Mais cela suppose des moyens ambitieux affectés, d’une part, à la prévention et, en tout premier lieu, à l’éducation nationale pour assurer la réussite scolaire du plus grand nombre, d’autre part, à la brigade des mineurs et à la protection judiciaire de la jeunesse pour un vrai travail d’alternative à la prison, qui est trop souvent criminogène.
Par ailleurs, il serait utile de mettre en place des comités de suivi réunissant régulièrement les différents partenaires de la sécurité et de la prévention.
M. Christophe Régnard, président de l’Union syndicale des magistrats, a quant à lui souligné l’importance du renseignement et de la prévention en matière de lutte contre les bandes. Il estime ainsi qu’« une lutte efficace contre les phénomènes de bandes suppose en amont que soient effectués des actions de prévention et un travail de police de proximité, afin de mieux connaître les bandes et d’identifier leurs membres ; que des mesures soient prises pour assurer la sécurité dans les établissements scolaires ; enfin, que des actions pédagogiques soient menées ».
Monsieur le secrétaire d’État, il serait temps de réfléchir plus sérieusement sur les moyens les plus efficaces pour résoudre ce problème, qui prendra véritablement de l’ampleur si l’on en reste à vos politiques en la matière.
Par ailleurs, ce texte peut porter gravement atteinte aux libertés publiques. Il crée une infraction de participation à une bande ayant l’intention de commettre des infractions. Ainsi, votre dispositif précise que le groupement peut être formé de façon temporaire « en vue de la préparation » d’infractions. Il instaure donc une présomption d’infraction. Il reviendra alors aux forces de l’ordre de prouver que ce groupement avait l’intention de commettre des violences.
Ce système risque d’engendrer des pratiques arbitraires de la part des personnes chargées d’appliquer la loi. Le fait que vous instauriez un délit d’appartenance à une bande violente sans jamais définir cette notion renforce ce problème. Je n’ose imaginer les difficultés qui vont alors en découler.
À ce propos, M. Alain Bauer, président du conseil d’orientation de l’Observatoire national de la délinquance, n’a-t-il pas souligné, lors de son audition au Sénat, que « dans les phénomènes de bandes de quartiers, très souvent, les infractions sont commises sans qu’il y ait nécessairement eu de préparation ou de concertation préalables ; ce sont souvent des actes impulsifs, réactifs et d’opportunité » ?
On peut donc se demander comment une loi qui doit permettre à la police d’intervenir en amont des violences et des dégradations va pouvoir s’appliquer. On voit là toute l’inutilité et l’inefficacité de ce texte.
Ajoutons que, dans la pratique, arrêter un groupe supposé violent, qui peut très bien être composé de plusieurs dizaines d’individus, est simplement impossible tant les moyens humains et matériels des forces de l’ordre sont insuffisants.
Comment rendre applicables vos nombreuses mesures quand, en application de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, le Gouvernement supprime 4 000 postes de policiers, des commissariats de quartiers, et, dans le même temps, impose aux forces de l’ordre une politique du chiffre et une culture du résultat ?
Cette proposition de loi va avoir comme conséquence de renvoyer des personnes devant la justice pour des faits qu’elles n’ont pas encore commis, mais qu’elles avaient sûrement l’intention de commettre. Il s’agit là d’un grand recul dans notre système judiciaire.
Les juges devront donc rechercher la qualification pénale non pas en fonction des faits commis, mais selon l’intention de passer à l’acte, véritable casse-tête pour les juridictions pénales, qui peut aussi mener à l’arbitraire.
Ce dispositif n’aura d’autre effet que d’augmenter les statistiques policières et, surtout, d’accroître de façon significative le nombre de fichiers policiers. Mais peut-être est-ce là le véritable but de cette proposition de loi…
L’autre illustration de l’inutilité de ce texte, c’est la fameuse disposition qui vise à punir une personne qui dissimule « volontairement en tout ou partie son visage afin de ne pas être identifiée ». Cette mesure est symptomatique de votre loi « inutile est dangereuse », comme le rappelle le syndicat de la magistrature. Il est en effet assez illusoire de penser qu’un tel dispositif puisse fonctionner.
Le fait que, dorénavant, vous prévoyiez que la dissimulation du visage sera une circonstance aggravante pourrait porter à sourire, si ce n’était pas aussi grave.