M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Je me félicite que, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi qui vise à transformer l’EPIC La Poste en une société anonyme, nous puissions régler le sort de certains fonctionnaires.
L’adoption de l’amendement n° 372 aura, je l’espère, rassuré l’ensemble des fonctionnaires concernés. Dans ces conditions, évitons, mes chers collègues, d’avoir un rapport supplémentaire à faire !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Des rapports, vous en faites tous les jours !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Nous avons des missions plus importantes à accomplir !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 376.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 8
L’article 31 de la même loi est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« La Poste emploie des agents contractuels sous le régime des conventions collectives. » ;
2° À la première phrase du troisième alinéa, les mots : «, de conditions de travail » sont supprimés.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous pouvons à bon droit nous étonner à juste titre des propos lénifiants tenus tout à l’heure par M. le ministre sur les fonctionnaires de La Poste. Mais sans doute une telle attitude s’inscrit-elle dans sa défense de l’« imprivatisabilité » de La Poste !
En la matière, l’exploitant public est en phase avec le Gouvernement, qui ne cesse de diminuer le nombre de fonctionnaires – il se vante d’avoir supprimé 250 000 postes depuis cinq ans ! –, les accusant au passage de tous les maux, y compris dans des secteurs où nos concitoyens les trouvent particulièrement utiles.
La Poste, service public, enregistre une diminution de ses effectifs publics, tandis que ses autres personnels subissent, de manière corollaire, une précarisation de plus en plus marquée. En revanche, les bénéfices de La Poste, eux, ne cessent d’augmenter.
Au fond, la direction du groupe a déjà préparé la privatisation, au détriment des métiers, de la transmission des savoir-faire, des personnels et des usagers.
Aujourd’hui, on constate une très grande disparité statutaire. Les salariés de droit privé, qui tendent à devenir plus nombreux que les fonctionnaires, sont soumis à une grande précarité et à une forte pression en termes de salaires et de conditions de travail, lesquelles ont, à leur tour, des conséquences néfastes sur les personnels sous statut. Il est évident que l’inversion du rapport numérique pèse terriblement sur l’ensemble des personnels de La Poste. L’année dernière, M. Jean-Paul Bailly s’est d’ailleurs félicité du fait qu’en 2012 il y aurait autant de salariés de droit privé que de fonctionnaires… Il faut probablement y voir une avancée du service public !
Un postier sur trois perçoit un salaire mensuel net inférieur à 1 400 euros, ce que vous estimez sans doute suffisant pour se nourrir, se loger, etc., et deux sur trois, inférieur à 1 800 euros, ce que vous jugez certainement très confortable ! Vous avez probablement ces chiffres en tête lorsque vous proposez de substituer l’actionnariat salarial aux augmentations de salaires. Or, ce que veulent les personnels, c’est surtout de meilleurs salaires.
De surcroît, le manque de transparence permet à la direction de proposer aux contractuels des salaires inférieurs en moyenne de 20 % à 30 % au traitement des fonctionnaires occupant les mêmes postes.
Quant à la situation dans les filiales déjà privatisées, elle est tout simplement inadmissible, les salaires variant du simple au double par rapport à ceux qui sont pratiqués dans l’entreprise publique.
Le processus est donc déjà très engagé, mais le projet de loi, dont l’objectif est de préparer la privatisation du groupe, va encore accentuer cette précarité. On a vu quelles pouvaient être les conséquences humaines de ces méthodes : ce sont celles qui produisent de si brillants résultats chez France Télécom, et qui sont aujourd’hui justement dénoncées. Pourtant, elles sont progressivement mises en œuvre à La Poste, notamment à travers la dénaturation des missions des fonctionnaires, à qui l’on demande, avant même de répondre à leur mission de service public, de vendre quatre ou cinq produits commerciaux par jour aux usagers devenus des « clients ».
J’en ai d’ailleurs moi-même fait récemment l’expérience. À l’occasion d’un déménagement, je me suis rendue dans un bureau de poste pour effectuer mon transfert d’adresse. L’agent à qui je me suis adressée m’a tout d’abord proposé d’acheter un joli pack rose à 39 euros… Devant mon refus, il m’a finalement orientée vers les anciens imprimés, à 19 euros. En fin de compte, j’ai payé 22 euros.
M. Christian Cambon. Vos problèmes de déménagement ne nous intéressent pas !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On demande donc aux employés d’être des commerciaux. Et gare à ceux qui n’arrivent pas à vendre les packs, enveloppes prétimbrées et autres produits en tout genre !
M. le président. Vous avez dépassé votre temps de parole, ma chère collègue !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À cette dénaturation des missions s’ajoutent des mutations d’office avec changement de résidence. (Manifestations d’impatience sur les travées de l’UMP.)
M. Christian Cambon. Respectez le règlement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Enfin, j’ajoute que le projet de loi organise,…
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Arrêtez ! On a compris !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … au travers de l’article 8, la non-protection de la représentation individuelle des agents de droit privé, en les soumettant à l’article 31 de la loi du 2 juillet 1990. Or cette disposition, qui prévoit que le code du travail ne s’applique pas, renvoie à un décret en Conseil d’État pour définir les conditions dans lesquelles les agents de La Poste sont représentés dans les instances de concertation…
M. le président. Maintenant, je vous demande de conclure !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. …chargées d’assurer l’expression collective de leurs intérêts, notamment en matière d’organisation des services, de conditions de travail et de formation professionnelle.
Ce décret n’a toujours pas été pris, et je souhaiterais obtenir des précisions sur ce point. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Jean Desessard applaudit également.)
M. Christian Cambon. Sept minutes pour nous raconter son déménagement !
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. L’article 8 du projet de loi concerne les agents contractuels et modifie deux dispositions de l’article 31 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990.
La première partie de cet article tire une conséquence du basculement de La Poste dans le droit commun des sociétés anonymes. Selon la législation en vigueur, La Poste « peut employer » des agents contractuels ; aux termes de ce projet de loi, elle « emploie » des agents contractuels. Ce qui était une possibilité devient la norme...
Actuellement, le constat peut être fait d’un équilibre entre salariés fonctionnaires, dont le nombre baisse régulièrement, et salariés contractuels, dont le nombre augmente régulièrement. Ainsi, au sein du groupe, des salariés qui effectuent des tâches identiques sont placés sous des régimes différents, certains relevant du statut de la fonction publique, les autres étant soumis aux dispositions de la convention commune. Quant aux salariés de La Banque postale, ils sont soumis aux règles de la convention collective de la banque.
Le projet de loi fait référence à des conventions collectives, mais, pour l’instant, hormis la convention commune, qui ne concerne que les salariés de La Poste, il n’existe aucune convention collective des activités postales. Cette situation ne manque pas de nous inquiéter. En effet, il aurait été préférable de définir une convention collective des activités postales avant l’ouverture totale à la concurrence,…
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Michel Teston. … les mouvements de libéralisation postale à l’étranger ayant, pour la plupart, eu des conséquences très lourdes sur l’emploi et les conditions de travail.
L’éventualité d’une négociation entre représentants des salariés et opérateurs est susceptible d’avoir pour conséquence une moindre protection des salariés, y compris pour ceux de La Poste. En l’absence d’une convention collective des activités postales, les opérateurs concurrents, qui ne sont pas soumis aux obligations de la convention commune, risquent de pratiquer une politique de dumping social, dangereuse pour leurs salariés et, à terme, pour ceux de La Poste, cette dernière pouvant être tentée de s’aligner sur ses concurrents.
En outre, le texte ne prévoyant pas de dispositif idoine, les agents de La Poste vont automatiquement basculer du régime complémentaire de retraite de l’IRCANTEC vers celui de l’AGIRC-ARRCO, ce qui se traduira, pour les agents, par un régime beaucoup moins favorable et, pour l’IRCANTEC, par un grave risque de déséquilibre, La Poste étant l’un des employeurs qui cotise le plus à ce régime.
Le Gouvernement s’est engagé à trouver une solution. En attendant, nous présentons un amendement d’appel qui vise, tout à la fois, à conserver un bon niveau de protection aux salariés et à sauvegarder le régime complémentaire de retraite de l’IRCANTEC.
J’évoquerai enfin la suppression de la référence aux conditions de travail dans les questions qui peuvent être discutées par les instances représentatives du personnel chargées de la concertation. Le rapporteur soutient cette initiative au motif que la société anonyme La Poste sera obligatoirement dotée d’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Certes, mais l’actualité ne manque pas de nous rappeler les conséquences dramatiques que peuvent avoir de mauvaises conditions de travail. Il ne nous paraît donc pas opportun de limiter les occasions d’échanger sur un sujet aussi essentiel.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. L’article 8 comprend des dispositions relatives aux conditions de travail des agents contractuels.
Lors de la discussion générale, vous avez affirmé, monsieur le ministre, que la dimension humaine était déterminante.
Ce que j’appelle l’humain, ce sont les valeurs et le sens que chaque agent de La Poste apporte à l’exercice de son métier, à l’accomplissement de son travail. Ce sont des valeurs de service public : qualité du service rendu, attention accordée aux usagers, fierté de participer à un projet contribuant au bien commun.
J’espère sincèrement que les dirigeants de La Poste prendront en compte ces éléments, qui sont la preuve que la réussite d’une entreprise ne peut se fonder sur un calcul purement économique.
Monsieur le ministre, vous avez également ajouté : « La Poste doit garantir des conditions exemplaires de travail et de bien-être. »
Merci pour ces belles déclarations d’intention !
Je comprends donc que l’État, en tant qu’actionnaire majoritaire, assumera ses responsabilités et fera en sorte que le bien-être au travail devienne une réalité à La Poste, pour les contractuels comme pour les fonctionnaires. Car, pour l’instant, la réalité est tout autre.
À l’heure actuelle, ce qui préoccupe les dirigeants et les futurs actionnaires, ce n’est pas tant le niveau de stress et de souffrance du personnel que le ratio entre les charges de personnel et le chiffre d’affaires, c’est-à-dire la compétitivité de l’entreprise. La Poste tend de plus en plus à imiter le modèle managérial de France Télécom : mobilité forcée, mise en concurrence des salariés, harcèlement, « placardisation », etc. Il est tout à fait pertinent d’établir ici un parallèle entre ces deux entreprises, car cette violence moderne a précisément vu le jour lorsque France Télécom a changé de statut.
Je vous mets donc en garde, monsieur le ministre : parce qu’un service public postal de qualité doit obligatoirement s’appuyer sur son personnel, les Verts attendent d’un vrai projet de modernisation du service postal qu’il prête attention aux besoins, aux souhaits et aux particularités du salarié dans l’entreprise. Or il est difficile de concilier le service public, une concurrence féroce et l’intérêt des usagers.
Malheureusement, les dispositions du projet de loi relatives aux conditions de travail des agents de La Poste ne sont pas à la hauteur de cet enjeu. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 68 est présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 499 est présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 68.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article 8, qui a trait aux agents contractuels de La Poste, nous fait pénétrer au cœur de la précarisation du statut de postier. À propos de cette disposition, le rapport de la commission se contente, de manière lapidaire, de constater que, « de même que pour les fonctionnaires, la transformation de La Poste en société anonyme ne remet pas en cause le statut des agents salariés de droit privé ».
Nous reprochons justement au Gouvernement et à la commission de n’améliorer en rien la situation détériorée de ces agents.
Aujourd’hui, ces 145 000 salariés – sur les 297 000 que comprend aujourd’hui le groupe – sont liés par des contrats à durée indéterminée ou par des contrats à durée déterminée, dont le renouvellement a souvent donné lieu à des abus de la part de La Poste.
La filialisation, instaurée comme méthode de destruction de l’institution postale, porte aussi, depuis des années, un coup rude au statut des postiers.
Après la séparation des PTT en deux entités, France Télécom et La Poste, une catégorie particulière de salariés est apparue, salariés que ma collègue Annie David a qualifiés de « ni-ni ». Ils ne sont en effet ni tout à fait des salariés de droit privé, ni tout à fait des fonctionnaires.
La Poste comprend donc aujourd'hui une multitude de situations salariales, des régimes juridiques hétérogènes et, bien sûr, inégalitaires.
Le projet de loi prévoit simplement le passage d’un régime de droit privé géré par un établissement public à une entreprise privée dont les capitaux seront – mais pour combien de temps ? – publics.
Qui peut croire un instant que le statu quo perdurera pour les 147 000 salariés de La Poste ? La pression libérale, celle que subissent aujourd'hui les personnels de France Télécom, va demain s’exercer de manière implacable. Nous refusons cette situation et nous exigeons un traitement digne et respectueux des postiers.
C’est donc en toute logique que nous vous proposons de supprimer l’article 8 du projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour présenter l’amendement n° 499.
M. Claude Jeannerot. Nous demandons la suppression de l’article 8, pour deux raisons de nature différente mais qui nous semblent complémentaires.
Tout d’abord, cet article nous paraît superfétatoire. Si nous avons bien compris, le statut de société anonyme ayant été adopté, le droit commun s’applique. Dès lors, à quoi bon en dire davantage ?
Ensuite, et cette raison est la plus décisive, supprimer les références aux conditions de travail dans le contexte actuel suscite inévitablement des interrogations. Ne convient-il pas au contraire, comme l’a dit tout à l’heure Michel Teston, dans un contexte où le mal-vivre au travail devient endémique – on le vérifie chaque jour – de maintenir une telle référence ? Le trop n’est pas l’ennemi du bien ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Chacun est ici dans sa logique ! Les auteurs de ces amendements s’opposent au changement de statut de La Poste et à ses conséquences sur la situation de ses agents contractuels. La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre. Même avis : le Gouvernement est défavorable à la suppression de l’article 8.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. L’argumentation de M. le rapporteur me paraît bien légère !
Nous prenons acte du changement de statut de La Poste, même si cela se fait contre notre volonté. Nos remarques, en particulier celles de notre collègue Claude Jeannerot, s’inscrivent dans le cadre de ce changement de statut. Je suis donc très étonné, monsieur le rapporteur, que vous rameniez le problème que nous soulevons au débat qui a eu lieu à propos de l’article 1er. C’est un peu court ! (MM. Jean Desessard et Martial Bourquin applaudissent.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 68 et 499.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de seize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 246, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I. - L'article 31 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 31. - Lorsque les exigences particulières de l'organisation de certains services ou la spécificité de certaines fonctions le justifient, les exploitants publics peuvent employer, sous le régime des conventions collectives, des agents contractuels, dans le cadre des orientations fixées par le contrat de plan.
« L'emploi des agents mentionnés à l'alinéa précédent n'a pas pour effet de rendre applicables à La Poste et à France Télécom les dispositions du code du travail relatives aux comités d'entreprise. Un décret en Conseil d'État détermine les conditions dans lesquelles les agents mentionnés à l'alinéa précédent sont représentés dans des instances de concertation chargées d'assurer l'expression collective de leurs intérêts, notamment en matière d'organisation des services, de conditions de travail et de formation professionnelle. »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. En 2005, M. Pierre Hérisson, en qualité de rapporteur du projet de loi relatif à la régulation des activités postales, avait déposé un amendement visant « à lever une ambiguïté persistante sur le recours par La Poste à des agents de droit privé ».
La loi de 1990, en son article 31, faisait de l’emploi de personnel sous statut privé l’exception. De votre propre aveu, monsieur le rapporteur, cette possibilité devait rester à la marge : « À l’heure de l’ouverture des marchés postaux à la concurrence, cette souplesse relative se révèle contraignante et décalée pour le groupe La Poste, qui compte déjà un tiers de contractuels, notamment dans les fonctions d’encadrement et au sein des services financiers. »
Vous aviez néanmoins déposé un amendement visant à permettre à La Poste de mener une libre politique de recrutement, en justifiant ce recul par la concurrence croissante à laquelle l’entreprise devait faire face. Cette disposition visait à banaliser le recrutement des contractuels. Comme on le voit, elle a bien fonctionné ! Depuis 2001, l’entreprise n’a en effet recruté aucun fonctionnaire.
L’amendement n° 246 vise à réinscrire dans le projet de loi que le recrutement de contractuels par La Poste doit demeurer exceptionnel.
En banalisant le recrutement de contractuels par La Poste, la loi de 2005 a organisé la disparition à terme d’un corps de fonctionnaires. Le scénario prévu pour La Poste pourrait bien être identique à celui de France Télécom !
L’opposition avait fait à l’époque l’analyse suivant laquelle, au fil du temps, l’établissement public employant majoritairement des fonctionnaires et chargé de missions de service public allait se transformer en une société anonyme rechignant à remplir lesdites missions.
Le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis tend à mettre en œuvre ce scénario.
Parce que nous considérons que l’exercice des missions de service public par une entreprise publique composée essentiellement de fonctionnaires est une garantie pour les usagers de la qualité du service rendu, parce que nous considérons que les personnels doivent bénéficier du statut de fonctionnaire, qui offre les meilleures garanties, et que l’État doit donner l’exemple dans ce domaine, nous vous demandons d’adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 235, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
M. Jean-François Voguet. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 255, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La Poste emploie des agents contractuels dans le cadre d'une convention collective unique. » ;
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Aujourd’hui, la maison mère de La Poste emploie des contractuels sous le régime d’une convention unique. Il en est tout autrement dans ses filiales « banque », « publicité non adressée », « routage », « messagerie » et « courrier express ».
À cette constellation d’activités correspond une myriade de conventions collectives. Après sa transformation en société anonyme, La Poste va connaître une modification profonde de sa structure. La séparation entre la maison mère et les filiales va disparaître et laisser place à trois holdings : « courrier », « banque » et « colis express ».
Prenons l’exemple des 5 000 contractuels travaillant chez Colis Poste. Alors qu’ils sont aujourd’hui protégés par la convention de la maison mère, ils seront soumis, après la transformation de La Poste en société anonyme, à la convention applicable chez Chronopost ou Exapaq, celle du transport. Or cette convention est nettement moins favorable que ne l’est actuellement celle de l’EPIC.
Par ailleurs, comme cela vient d’être dit, La Poste ne cesse de rechercher le moins-disant social dans un rapport de force inéquitable. Elle est aidée en cela par le Gouvernement, qui n’a jamais publié les décrets organisant la représentation individuelle des salariés.
Lors de son audition par la commission de l'économie, le président de La Poste a déclaré : « Les institutions représentatives du personnel, telles qu’elles résultent de la loi de 2005, donnent satisfaction et aucune évolution n’est envisagée pour l’instant en ce qui les concerne. » Il a apparemment changé d’avis depuis, car il a très récemment convoqué les organisations syndicales de La Poste et prévu l’organisation, le 12 novembre prochain, une réunion plénière portant sur le dialogue social. Il propose de supprimer 1 200 des 1 363 CHSCT, comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, en portant de 50 à 300 le nombre d’agents requis pour constituer un tel comité.
Cette mesure, vous le comprendrez, nous inquiète au plus haut point. Elle confirme que la transformation de La Poste en société anonyme aura des effets catastrophiques pour les personnels du groupe public.
Nous souhaitons donc le maintien d’une convention collective unique qui protège les droits de tous les personnels contractuels de La Poste. En outre, nous souhaitons que ces personnels bénéficient de toutes les protections du droit du travail qui ne seraient pas appliquées aujourd’hui.
M. le président. L'amendement n° 500, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le mot :
emploie
par les mots :
peut employer
La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Aux termes de l’article 31 de la loi du 2 juillet 1990, « La Poste peut employer, sous le régime des conventions collectives, des agents contractuels, dans le cadre des orientations fixées par le contrat de plan ».
M. Gérard Longuet. Qui était le ministre des postes et des télécommunications en 1990 ?
M. Didier Guillaume. Je ne m’en souviens plus, mais je sais qu’un grand gouvernement de gauche gérait alors le pays. Nous ne sommes malheureusement pas assez souvent et pas assez longtemps au gouvernement. J’espère que nous y reviendrons un jour ! (Sourires.)
L’article 8 du projet de loi prévoit que : « La Poste emploie des contractuels ». Avec cet article, ce qui était une éventualité devient la règle, …
M. Gérard Longuet. Eh oui !
M. Didier Guillaume. … comme l’a déjà dit notre collègue Michel Teston lors de son intervention sur l’article. Nous nous opposons à cette disposition.
Le nombre de fonctionnaires actuellement attachés à La Poste s’élève à 160 000, sur un total d’environ 300 000 salariés. Cette part décroît régulièrement. À terme, donc, plus aucun fonctionnaire ne travaillera à La Poste ! Cependant, même si leur nombre baisse, celui-ci reste relativement élevé. Il nous semble donc important de veiller à ce que cette catégorie soit prise en compte.
La responsabilité de l’État envers les fonctionnaires est posée, comme l’affirmait en octobre 1997 Gérard Larcher dans son rapport intitulé : La Poste, opérateur public de service public face à l’évolution technique et à la transformation du paysage postal européen. Il y soulignait en effet que « l’État ne peut se soustraire aux obligations qu’il a souscrites ».
Compte tenu de ces éléments, nous demandons que la rédaction actuelle de l’article 31 de la loi de 1990 soit maintenue afin que toutes les catégories de salariés du groupe La Poste soient convenablement prises en considération. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 413, présenté par MM. Teston, Bourquin, Botrel, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La Poste met en place un comité paritaire sur l'amélioration des conditions de vie et de travail des personnels de La Poste et de ses filiales. » ;
La parole est à M. Martial Bourquin.