M. Didier Guillaume. Telle n’est pas ma conception. Certes, la motion référendaire a été rejetée ce matin. Mais permettez-nous malgré tout d’évoquer un sujet aussi important que celui du statut public de La Poste !
M. Didier Guillaume. Rien ne nous empêche, monsieur le rapporteur, de déposer un amendement ! M. le ministre indique qu’il est contre, fort bien ! Je trouve pour ma part que les arguments employés, selon lesquels le débat a déjà eu lieu, sont un peu forts de café !
Je tiens à défendre cet amendement pour souligner de nouveau le risque d’une privatisation qui ne dit pas son nom et parce qu’un petit voyant lumineux nous rappelle que ce texte pourrait bien être annonciateur d’une telle issue pour La Poste.
Rien ne devrait nous empêcher, tous ensemble, sénateurs et citoyens, d’affirmer avec force notre attachement au service public postal !
Vous allez voter contre, sans doute par scrutin public, mais le problème n’est pas là !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est la démocratie parlementaire !
M. Didier Guillaume. Je tiens simplement à relever que, si le fait de déposer un amendement s’apparente pour vous à de l’obstruction, c’est que vous vous faites une drôle d’idée du travail du Parlement !
Nous avons des convictions, vous avez les vôtres. Elles se rapprochent sur certains points et divergent sur d’autres. Nous avons la volonté de défendre le service public, vous en avez une autre. Pour notre part, nous voulons des garde-fous. Nous voulons être certains que nous pourrons nous regarder dans une glace, dans quelques années, et dire à nos concitoyens que nous ne leur avons pas menti, que La Poste reste un service public.
Monsieur le ministre, si dans cinq ans ou dans dix ans La Poste est encore un service public, nous vous en serons reconnaissants pour l’entreprise publique postale. Simplement, aujourd’hui, nous voulons des garanties. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le ministre, vous avez fait allusion à une rencontre avec le président du Sénat. Vous devriez laisser au Sénat, à son président et à ses présidents de groupes, le soin d’organiser les débats comme ils l’entendent.
À aucun moment, je vous le précise puisque vous semblez l’ignorer, nous n’avons donné un quelconque accord sur le contenu de la discussion qui suivrait l’examen de la motion référendaire. La rencontre avec le président du Sénat portait sur l’organisation de nos travaux, sur le temps imparti à la motion référendaire et sur la suite de l’examen des articles et des amendements.
Il existe une petite différence entre l’Assemblée nationale et le Sénat, monsieur le ministre. Ici, nous avons considéré que le droit d’amendement était imprescriptible et que tout sénateur avait le droit de déposer et de défendre sereinement des amendements.
M. Jean-Pierre Bel. Vous devez absolument en tenir compte, monsieur le ministre, car cela conditionne le climat dans lequel vont se dérouler nos débats dans les prochains jours.
Vous nous faites sans cesse depuis hier un procès en obstruction,…
M. Jean Desessard. Depuis le début de l’examen du texte !
M. Jean-Pierre Bel. … comme si vous vouliez conditionner l’opinion publique à l’idée que nos débats sont inutiles, ou en tout cas trop longs. (Approbations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Nous ne sommes pas là pour faire de l’obstruction, nous sommes là pour débattre de questions qui nous concernent tous en tant qu’élus et qui intéressent nos concitoyens. Laissez-nous parler de La Poste, laissez-nous débattre de ce projet de loi et, surtout, ne soyez pas en permanence soupçonneux, faites confiance au débat parlementaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 424.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Roland Courteau. Cela recommence !
Mme la présidente. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 23 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Jean-Pierre Fourcade. Bravo !
Mme la présidente. L'amendement n° 425, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aucun changement de statut de La Poste ne peut se traduire par une remise en cause du service public procuré aux citoyens.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. À mon tour, je serai amenée à évoquer le référendum avec cet amendement…
Le projet gouvernemental inquiète, à juste titre, les Français. Ils ont été nombreux à exprimer leurs doutes, voire leurs craintes lors de la votation organisée le 3 octobre dernier. Par cette manifestation citoyenne, ils réclamaient l’organisation d’un référendum sur la question,…
M. Gérard César. C’est une mascarade !
Mme Gisèle Printz. … de manière à pouvoir donner leur avis avec force. Le Gouvernement leur a refusé cette possibilité et s’est entêté à vouloir présenter son texte.
Nous voici maintenant face à un projet court et souvent flou sur des problèmes pourtant essentiels. On ne peut accepter que les peurs de nos concitoyens soient traitées à la légère par leurs élus. La Poste est une entreprise à laquelle les Français sont attachés en raison des missions essentielles qu’elle est amenée à exercer.
La transformation de l’EPIC – établissement public à caractère industriel et commercial – en société anonyme nous pose problème. En dépit des assurances du Gouvernement sur le caractère entièrement public du capital, censé protéger le groupe des vicissitudes du secteur concurrentiel, nous nous interrogeons sur la possibilité de maintenir les exigences du service universel et ce qu’elles impliquent en termes d’effectifs, d’activité et d’engagements.
Nous avons pu constater depuis dix ans que le groupe menait une politique sociale dure conduisant à la réduction des effectifs, à la diminution du nombre de bureaux, à une moindre accessibilité. Le statut louable de l’EPIC n’a pu empêcher ou contrer ces évolutions, celui de société anonyme y parviendra sans doute encore moins, l’entreprise ayant perdu son statut d’exploitant public.
Aussi jugeons-nous fondamental que la loi précise d’emblée à l’opérateur historique qui sera chargé du service universel les attentes économiques et sociales de la puissance publique. Il n’est pas acceptable que le profit et la rentabilité soient les maîtres mots de cette entreprise, parce que ces derniers ne riment pas avec les impératifs de continuité territoriale et d’universalité du service.
L’avènement de la concurrence s’est fait, dans la plupart des pays européens, au prix d’une détérioration des conditions de travail des salariés, d’une hausse des tarifs parfois extrême et d’une perte de l’accessibilité. Le cas de la Belgique est, à ce titre, tristement éloquent.
Nous voulons un service de qualité parce que nos concitoyens méritent une attention particulière. Sachons aujourd’hui verrouiller les évolutions probables du secteur pour éviter de connaître des situations similaires sur notre territoire.
Cet amendement portant article additionnel vise donc à énoncer des évidences qui semblent ne plus en être, des réalités qui n’auraient pas dû cesser d’exister. Cela a un coût, nous le reconnaissons tous, mais l’unité de la République, la solidarité entre nos concitoyens et l’égalité de leur traitement est à ce prix.
La concurrence n’est pas la fin de l’histoire. Le service public, qui constitue à n’en pas douter une part de notre identité nationale, doit rester la pierre angulaire de toute réflexion sur le service postal. En conséquence, le changement de statut de La Poste ne doit pas conduire à une détérioration de la qualité de ses services. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Bravo !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cet amendement vise à préciser qu’aucun changement de statut de La Poste ne peut remettre en cause le service public procuré aux citoyens. Ma chère collègue, en vertu de l’article 2 du projet de loi, les missions de service public de La Poste sont garanties et le resteront.
Je rappelle les termes de cet article :
« La Poste et ses filiales constituent un groupe public qui remplit des missions de service public et exerce d’autres activités dans les conditions définies par la présente loi et par les textes qui régissent chacun de ses domaines d’activité.
« I. - Les missions de service public sont :
« 1° Le service universel postal […] ;
« 2° La contribution, par son réseau de points de contact, à l’aménagement et au développement du territoire […] ;
« 3° Le transport et la distribution de la presse dans le cadre du régime spécifique prévu par le code des postes et des communications électroniques ;
« 4° L’accessibilité bancaire dans les conditions prévues par les articles L. 221-2 et suivants et L. 518-25-1 du code monétaire et financier.
« II. - La Poste assure selon les règles de droit commun toute autre activité […] ».
Il ne saurait y avoir de rédaction plus précise et plus claire ! L’article 2 du projet de loi détaille l’intégralité des missions et des activités de La Poste afin de lever toutes les inquiétudes concernant l’organisation du service public.
Cet amendement n’a donc pas semblé utile à la commission, qui a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 425.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission de l'économie, de l'aménagement du territoire et du développement durable. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Roland Courteau. Ils sont en train de vous pourrir la semaine, monsieur le ministre ! (Sourires.)
M. Joël Bourdin. Rendez-vous dimanche !
Mme la présidente. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 24 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 154 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 426, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les spécificités du service universel postal nécessitent le maintien et le développement d'un établissement public industriel et commercial.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Certains de nos collègues de la majorité présidentielle affirment que le changement de statut de La Poste, « c’est la faute à l’Europe ». Il est vrai que certaines aides d’État sont incompatibles avec les règles du droit communautaire – c’est notamment le cas de la garantie illimitée de l’État, qui est dans la ligne de mire de la Commission européenne –, même si les autorités communautaires savent parfois faire preuve de souplesse en la matière, comme on l’a vu à l’occasion du renflouement des banques en faillite.
En sa qualité d’établissement public, La Poste n’est pas assujettie aux règles applicables aux sociétés en cas de faillite et d’insolvabilité. Par ailleurs, elle peut obtenir des prêts à des taux concurrentiels. Parallèlement, le droit communautaire autorise certaines aides de l’État quand leur bénéficiaire est chargé d’une mission d’intérêt général afin de compenser les surcoûts qui en résultent.
Et voilà qu’on nous invite aujourd'hui à donner des gages à la Commission européenne. Pourtant, rien dans le droit communautaire ne nous oblige à renoncer au statut d’EPIC, pas même la procédure d’infraction concernant la garantie illimitée de La Poste.
Prenons l’exemple de la transformation du statut d’EDF, qui était un EPIC, en société anonyme détenue majoritairement par l’État. Il s’agit là d’un précédent très instructif. Pour justifier ce changement de statut, le Gouvernement avait alors expliqué qu’il s’agissait de satisfaire aux exigences de Bruxelles et que la garantie illimitée était liée au statut.
Or, selon les termes mêmes de l’ancien commissaire européen chargé de la concurrence, M. Monti, l’octroi d’une garantie de l’État ne posait pas de problème de principe : seul était en cause son caractère illimité, étant entendu que le statut public ou privé d’une entreprise relève de la compétence du législateur national.
À l’occasion de la réunion de la délégation pour l’Union européenne du Sénat en juin 2004, M. Monti avait précisé que la transformation du statut d’EDF, telle qu’elle était prévue par le projet de loi, allait au-delà des exigences de la Commission européenne et qu’elle répondait au libre choix du Gouvernement français.
En laissant entendre que la transformation de La Poste en société anonyme était une exigence de la Commission, certains de nos collègues sont, au minimum, en pleine confusion, pour ne pas dire plus.
Il nous semble donc utile de rappeler que les missions de service public confiées à La Poste justifient son statut d’EPIC.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. De manière extrêmement synthétique, cet amendement prévoit que les spécificités du service universel postal nécessitent le maintien et le développement d’un établissement public à caractère industriel ou commercial. Or le projet de loi prévoit, au contraire, la transformation de La Poste en société anonyme – nous avons longuement abordé cette question pendant maintenant trois jours –, ce qui lui donnerait les moyens de continuer d’assurer son service universel. J’ai rappelé il y a quelques instants les termes de l’article 2 du projet de loi.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, mon intervention vise à faire avancer le débat. (Rires.)
Mme la présidente. Nul n’en doute !
M. Jean Desessard. Monsieur le rapporteur, vous avez déclaré hier que c’était M. Bailly lui-même qui avait dit qu’il fallait transformer La Poste en société anonyme. Nous, nous n’y avions pas songé… (Nouveaux rires.) Mais vous non plus !
J’ai donc décidé de me renseigner sur la rémunération actuelle du président de La Poste… (Aïe, aïe, aïe ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Pourquoi ces « aïe, aïe, aïe » ? On pouvait supposer que le salaire de M. Bailly allait baisser ! Eh bien, non, vous avez raison, mes chers collègues !
J’ai comparé le salaire d’un directeur d’établissement public et son salaire après transformation de l’établissement en société anonyme. La rémunération actuelle de M. Bailly s’élève à 477 000 euros bruts annuels.
Un sénateur de l’UMP. C’est peu !
M. Jean Desessard. N’exagérons rien ! C’est tout de même une rémunération confortable ! Cela dit, c’est vrai, M. Bailly doit se demander s’il fait vraiment l’affaire à son poste quand il parle avec tel ou tel « collègue » de leurs revenus respectifs. Ainsi, alors que M. Werner était jadis placé en dessous de M. Bailly dans l’organigramme des dirigeants de La Poste, depuis que La Banque postale est devenue une société anonyme, il perçoit aujourd'hui, en tant que président du directoire de ladite banque, 700 000 euros annuels !
Une sénatrice du groupe socialiste. Quelle injustice ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean Desessard. Quant au PDG de France Télécom, il perçoit 1,6 million d’euros, sans les stock-options, soit près de trois fois la rémunération du PDG de La Poste !
Autrement dit, celui qui affirme qu’il faut faire de La Poste une société anonyme est précisément celui qui, dans l’opération, pourrait voir sa rémunération multipliée par trois !
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
M. Jean Desessard. Cela ne mérite-t-il pas qu’on s’y arrête au moins quelques instants ?
Voilà pourquoi je me suis autorisé à dire que mon intervention était destinée à faire avancer la réflexion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 426.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On nous fait perdre notre temps avec ces scrutins publics !
Mme la présidente. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 25 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je constate que, tout comme hier soir, la commission demande systématiquement des scrutins publics. Sans doute craint-elle que les membres de la majorité ne soient pas suffisamment nombreux… (Dénégations sur les travées de l’UMP.)
En tout état de cause, cela nous fait perdre beaucoup de temps !
Au lieu de nous donner des leçons de trotskisme, M. le président du groupe UMP, qui n’est d’ailleurs pas là en cet instant, ferait mieux de s’assurer de la présence des membres de son groupe dans l’hémicycle ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. L'amendement n° 427, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la création d'une nouvelle catégorie d'établissement public industriel et commercial chargé de services d'intérêt économique général.
La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Au lieu de privilégier la future privatisation du service public postal, il serait novateur de réfléchir à l’avènement d’une nouvelle catégorie d’EPIC, d’un nouveau statut permettant de préserver les particularités de ce type d’établissement tout en respectant les exigences rappelées par la Commission européenne en matière de droit commun.
En conservant un statut similaire, La Poste serait en mesure de préserver son autonomie financière et ne pourrait passer sous la coupe des marchés financiers, l’État ne disposant pas de la propriété du capital de l’EPIC, qui est inaliénable et indivisible.
Cette initiative moderne mettrait l’entreprise postale à l’abri de toute pression d’actionnaires privés et lui permettrait de gérer le service conformément à l’intérêt général.
Si vous souhaitez réellement, monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, garantir le statut public de La Poste, comme vous le répétez inlassablement dans les médias, vous n’aurez aucune raison de vous opposer à la remise d’un tel rapport, qui nous permettrait d’explorer de nouvelles pistes en matière de gestion des services d’intérêt économique général.
Vous nous expliquez aujourd’hui que vous êtes dans l’obligation d’opérer le changement de statut de l’entreprise publique postale. Si le rapport remis par le Gouvernement au Parlement permet à terme d’explorer de nouvelles pistes, peut-être reviendrez-vous sur cette décision.
En outre, la remise d’un tel rapport permettrait de redonner des moyens d’action au Parlement, dans un contexte politique fortement marqué par l’hyper-présidentialisation de notre régime.
Loin de nous diviser, le débat relatif aux pouvoirs du Parlement devrait nous unir. Nous sommes tous des parlementaires et nous avons vu nos moyens d’action se réduire depuis le début du quinquennat.
Au sein de votre majorité, certains se sont levés pour protester contre cette dangereuse dérive de l’exécutif. La remise d’un tel rapport constituerait un moyen pour le Parlement de s’emparer de ce débat. Nous devons créer un nouveau statut hybride préservant le statut des EPIC, tout en respectant les exigences rappelées par la Commission européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. À mon sens, cet amendement a un caractère général, car il porte sur les structures juridiques relevant globalement de la catégorie des établissements publics. La question est intéressante pour les juristes, et ceux-ci pourraient sans doute l’étudier de manière pertinente, mais il ne me paraît pas envisageable de la traiter lorsqu’il est question d’un seul des établissements visés.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 427.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Roland Courteau. Décidément, ils veulent nous « pourrir la semaine » ! (Sourires sur les mêmes travées.)
Mme la présidente. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 26 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 428, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est instauré un moratoire sur les suppressions de postes prévues à La Poste.
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Nous assistons depuis plusieurs années à une baisse brutale des effectifs de La Poste. Certes, la direction n’impose pas de plan de licenciement, mais elle procède par non-remplacement de nombreux départs à la retraite. Aujourd’hui, pour deux départs à la retraite, l’entreprise n’embauche qu’un seul contractuel. Après 10 000 suppressions d’emplois en 2007, le dernier bilan social de l’entreprise fait état de 7 000 suppressions en 2008.
Tout laisse penser que, avec le changement de statut programmé, le Gouvernement fait le choix d’accentuer ce processus. D’ailleurs, le 29 juin dernier, le président de La Poste a reconnu dans la presse que « le taux de remplacement pourrait être de un sur trois » en 2009. Il a réitéré de tels propos devant les membres de notre commission, le 7 octobre dernier.
En passant du statut d’entreprise publique à celui de société anonyme, La Poste pourrait suivre la voie désastreuse tracée par ses homologues européens.
Ainsi, la Suède a mis fin au monopole postal en 1993. Depuis cette date, le nombre d’emplois est passé de 72 000 à 38 000,…
M. Roland Courteau. Beau résultat !
M. Jean-Jacques Mirassou. … tandis qu’augmentait en outre la proportion des travailleurs à temps partiel, jusqu’à représenter environ un tiers de l’effectif total.
En Allemagne, Deutsche Post a été privatisé en 2000. Il y avait 26 000 bureaux de poste avant la privatisation, contre 13 000 aujourd’hui, dont la majorité n’est plus constituée que de simples points de vente filialisés, installés dans des supermarchés ou des épiceries. Entre 1992 et 2006, le nombre d’employés est passé de 306 151 à 150 548, sur fond de développement de la sous-traitance. Le démantèlement de la Deutsche Poste s’est accéléré ces dernières années avec la vente des services financiers à la Dresdner Bank et à la Commerzbank. À cette occasion, ce ne sont pas moins de 50 % des effectifs qui ont été supprimés.
Quant à la poste britannique, elle a quasiment fait faillite en 2002. Sa restructuration a coûté 3 milliards d’euros et s’est traduite par la suppression de 30 000 emplois.
M. Roland Courteau. Et voilà un autre joli résultat !
M. Jean-Jacques Mirassou. En 2007, 250 bureaux de poste supplémentaires ont été fermés et la faillite des fonds de pension a mis à mal la retraite des postiers, avec un déficit de 5 milliards d’euros.
Aujourd’hui, certains pays, comme le Japon, reviennent sur la privatisation de leur poste
Dans un contexte de crise économique majeure, marqué par un accroissement du chômage et de la précarité, les auteurs de cet amendement estiment que les entreprises publiques mobilisées pour contribuer au plan de relance doivent jouer ou continuer à jouer leur rôle d’amortisseur en termes d’emploi. À un moment donné, il faut prendre ses responsabilités : on ne peut pas laisser la société se déliter à ce point sans poser des garde-fous sur le plan de l’emploi. Il y va du rôle fondamental du service public.
Faut-il se résoudre à voir La Poste supprimer des emplois en les remplaçant par des contrats d’insertion ? La qualité du service public postal ne doit pas souffrir de cette politique.