M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Effectivement, monsieur Gélard, le contrôle fait partie intégrante de notre activité de parlementaires. Cela étant, encore faut-il pouvoir disposer des moyens de l’exercer. Par conséquent, le fait de prévoir dans la loi la remise par le Gouvernement d’un certain nombre de rapports me semble être une sage précaution.
Certes, M. Hérisson vient de nous avouer qu’il ne lisait pas les rapports. En outre, il a estimé que les dates prévues pour leur remise étaient trop rapprochées.
Quant à vous, monsieur le ministre, vous vous êtes contenté de valider les avis de M. le rapporteur. Au cours de ce débat, vous avez déploré que l’opposition vous fasse un procès d’intention et vous attribue des arrière-pensées que vous n’avez pas. Or vous pourriez très facilement nous prouver que nous sommes injustes avec vous : il vous suffirait de nous dire sur quels points vous êtes d’accord pour faire la transparence, et de quels délais vous avez besoin. Ainsi, si vous jugiez qu’il est matériellement impossible au Gouvernement de remettre pour le 30 juin 2010 certains des rapports que nous demandons, sans doute accepterions-nous de rectifier nos amendements pour repousser l’échéance d’un an. Nous pouvons comprendre que des raisons techniques imposent un tel report.
Par exemple, en ce qui concerne l’évaluation des conséquences de la réforme envisagée sur les conditions de travail, tous les parlementaires sont aujourd’hui confrontés, sur le terrain, au problème du stress au travail dans les entreprises, quel que soit le statut de celles-ci. Cela est tellement vrai que la conférence des présidents de notre assemblée a décidé à l’unanimité, sur l’initiative de Mme la présidente de la commission des affaires sociales, de mettre en place une mission d’enquête sur cette question. En effet, il n’est pas acceptable que le travail puisse conduire certains salariés à perdre la vie.
Par conséquent, monsieur le ministre, appliquez le principe de précaution et acceptez nos propositions. Étudions quelles seront, dans cet avenir que vous prétendez radieux, les conditions de travail des salariés de La Poste. C’est une question qui intéresse tout le monde ! Dites-nous simplement de quel délai vous avez besoin pour réaliser un rapport sur ce thème. J’ajoute que prévoir la remise d’un tel document constituerait aussi un signal adressé à la direction de l’entreprise, qui saurait ainsi que le Parlement examinera de très près les conditions de travail de son personnel. Qui parmi nous pourrait être gêné par la présentation d’un rapport sur l’évolution de celles-ci ? Personne, c’est une question de bon sens ! Nous sommes prêts à prendre en considération, je le répète, d’éventuelles difficultés techniques imposant d’allonger les délais.
Monsieur le rapporteur, votre rejet de nos amendements correspond-il à une position systématique ? Considérez-vous que le texte est parfait, et donc non amendable ? Toutefois, je sais que vous êtes trop averti – ou plutôt affranchi, s’agissant de questions postales ! (Sourires.) – pour vous livrer à ce petit jeu. Nous vous offrons en quelque sorte l’occasion de nous démontrer votre bonne foi et votre ouverture d’esprit, vous devriez vous faire une joie de la saisir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Monsieur Frimat, tout au long de l’examen des 629 amendements ayant été déposés sur ce texte, j’aurai maintes occasions de faire preuve de mon ouverture d’esprit lorsque vos propositions en vaudront la peine ! Dans le cas présent, je ne vois pas l’utilité de ces demandes de rapports, sinon pour faire de l’obstruction ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 14 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.
M. Guy Fischer. Ce rappel au règlement se fonde sur les termes de l’article de notre règlement relatif à l’organisation de nos travaux.
Pour que les choses soient claires, j’illustrerai mon propos d’un exemple particulièrement intéressant.
Voilà plus de dix ans, mes chers collègues, le président Larcher nous incitait à adopter un projet de loi qui contenait notamment la disposition suivante :
« Les ressources de Réseau Ferré de France sont constituées par :
« - les redevances liées à l’utilisation du réseau ferré national ;
« - les autres produits liés aux biens qui lui sont apportés ou qu’il acquiert ;
« - les concours financiers de l’État, eu égard à la contribution des infrastructures ferroviaires à la vie économique et sociale de la Nation, à leur rôle dans la mise en œuvre du droit au transport et aux avantages qu’elles présentent en ce qui concerne l’environnement, la sécurité et l’énergie ;
« - tous autres concours, notamment ceux des collectivités territoriales.
« Le calcul des redevances ci-dessus mentionnées tient notamment compte du coût de l’infrastructure, de la situation du marché des transports et des caractéristiques de l’offre et de la demande, des impératifs de l’utilisation optimale du réseau ferré national et de l’harmonisation des conditions de la concurrence intermodale ; les règles de détermination de ces redevances sont fixées par décret en Conseil d’État.
« Réseau Ferré de France peut, dès sa création, faire appel public à l’épargne et émettre tout titre représentatif d’un droit de créance. »
À mon avis, cela bat en brèche certains des arguments, parfois drapés du sérieux de l’analyse juridique, qui nous ont été opposés depuis le début du débat quant à la nécessaire modification statutaire de La Poste.
Rien, à l’instar de ce qui s’est fait et continue de se faire par ailleurs pour RFF – regardez donc les crédits du ministère de M. Borloo – n’est donc interdit pour La Poste en matière d’apport d’argent de l’État sous toute forme appropriée.
Au demeurant, s’il fallait être sourcilleux sur les engagements de l’État, on pourrait exiger de lui qu’il accorde enfin à La Poste, dans le droit fil de la loi relative à la régulation des activités postales, les 1 871 millions d’euros qu’il lui doit au titre de l’aide au transport de la presse, c’est-à-dire plus que l’apport en capital associé au changement de statut !
Et ne parlons pas des 2 milliards d’euros qui doivent manquer à l’appel au titre de la mission d’aménagement du territoire...
Sans doute ne faut-il voir là qu’une coïncidence, mais, alors même que la démonstration est faite que l’on pouvait fort bien modifier la nature des ressources de l’exploitant public pour lui permettre de répondre aux exigences de la « modernité », rien n’est prévu dans ce projet de loi, sinon ce changement de statut qui, dans tous les cas de figure, ne constitue pas une réponse appropriée, sauf si cette « socialisation » devait conduire à la privatisation, que nous savons rampante dans la logique de fonctionnement et de conception du service rendu qui anime et habite ce projet de loi.
Le service public, pour vous, c’est ce qui coûte et ne rapporte pas ; ce n’est pas ce que vous voulez offrir au privé.
Ce brin d’histoire était nécessaire pour démontrer que rien n’oblige à privatiser La Poste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
Vous êtes l’une des mémoires sélectives de notre maison, monsieur Fischer… (Sourires.)
Articles additionnels avant l’article 1er (suite)
M. le président. Nous reprenons l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l’article 1er.
Je rappelle que l’amendement n° 7 a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Toujours avant l’article 1er, je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 8, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les principes qui organisent l'activité du service public de La Poste sont l'universalité, l'égalité, la neutralité, la confidentialité, la continuité et l'adaptabilité.
La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. Nous avions déjà déposé un amendement identique en 2004, lors de la discussion du projet de loi relatif à la régulation des activités postales.
L’orateur de notre groupe, Mme Évelyne Didier, déclarait alors :
« Cette disposition correspond à un paragraphe d’une résolution adoptée ici même sur la proposition de directive relative au développement des services postaux communautaires et l’amélioration de la qualité du service, proposition n° E-474.
« Le rapporteur de cette résolution était déjà notre collègue Pierre Hérisson.
« La majorité sénatoriale souhaitait donc en 1996 que le Gouvernement d’alors - M. Fillon était le ministre compétent -, soit porteur au Conseil des ministres européen de ces exigences. »
Ce à quoi notre collègue Pierre Hérisson répondait, au nom de la commission : « Cet amendement est d’ores et déjà largement satisfait par l’article L. 1 du code des postes et télécommunications, qui prévoit que “le service universel est assuré dans le respect des principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité ”. »
La tendance est forte aujourd’hui de faire l’amalgame entre service universel et service public. Il est utile de clarifier cette question.
Je souhaiterais revenir un instant sur cette notion de « service universel ». (M. le rapporteur manifeste sa lassitude.) D’origine américaine, elle est très éloignée de notre conception du service public à la française, et ceux qui souhaiteraient faire l’amalgame entre ces deux notions devraient méditer le rapport public publié en 1994 dans lequel le Conseil d’État se faisait l’écho de nos réticences en se demandant si l’on ne risquait pas, avec le service universel, « d’immoler sur l’autel de la concurrence ceux des intérêts de la collectivité et des usagers ou consommateurs qui ne peuvent être assimilés à des intérêts vitaux [et] de réduire les stratégies de service public [...] à des stratégies de type assistanciel ».
L’État est, dans cette conception, réduit à un rôle d’accompagnateur dépourvu de poids face aux mécanismes du marché. Ainsi, le service universel, repris par la suite dans les textes européens, n’est pour ainsi dire qu’un service de base, un service minimal conduisant à un nivellement par le bas. Certains le présentent même comme une sorte de label destiné « à rendre certains secteurs plus perméables aux lois du marché ».
Les différents traités européens l’ont abondamment utilisé, et le traité de Lisbonne en a fait son outil privilégié de la politique communautaire de libéralisation des services publics.
C’est donc une conception ultralibérale fondée sur la libre concurrence, l’absence de prise en compte de l’intérêt général et l’abandon de l’État au profit des mécanismes du marché. (M. le président de la commission de l’économie soupire.)
Il est donc intellectuellement malhonnête d’utiliser ce terme en laissant supposer qu’il désignerait un principe équivalent à notre conception du service public à la française. (M. le ministre s’exclame.)
Les principes développés dans notre amendement font partie de notre histoire commune ; certains voudraient les jeter aux orties sous prétexte que la modernité serait dans le camp des défenseurs des politiques libérales de tous ordres. Nous pensons que les mots sont importants et que les citoyens, comme ils l’ont montré le 3 octobre dernier, sont majoritairement attachés à cette conception républicaine.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le service public postal contribue à garantir la cohésion sociale, en assurant un égal accès de tous les citoyens aux services offerts par La Poste, en participant à la lutte contre les exclusions et à un développement équilibré du territoire.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Le but de cet amendement est de défendre la mission de cohésion sociale de La Poste. Cet objectif de cohésion sociale se décline en plusieurs volets : l’égal accès de tous les citoyens aux services, la lutte contre les exclusions et le développement équilibré du territoire.
Historiquement, un modèle de service public en réseau s’est progressivement imposé en France. Son principe fondateur est l’égalité de traitement et d’accessibilité à l’ensemble des citoyens.
Le maillage postal de l’ensemble du territoire, puis sa desserte ferroviaire a incarné ce modèle. Une péréquation financière était appliquée au sein de chaque réseau, afin que ce service public puisse être présent sur chaque partie du territoire. Ce maillage traitait à égalité les régions dont l’isolement ou l’enclavement géographique n’autorisait pas une couverture suffisante des coûts, permettant ainsi d’assurer l’égal accès à ces services et le désenclavement des territoires les plus reculés.
La particularité des services en réseau justifie la présence d’un monopole public sur ces activités, qui permet seul d’assurer la continuité et l’harmonisation de l’accès aux services qu’ils procurent.
En termes de cohésion sociale, d’égalité de traitement entre les usagers et d’aménagement du territoire, les conséquences d’un changement de statut seront inévitablement négatives, en raison de l’étranglement de l’opérateur historique provoqué par la libéralisation du secteur et l’absence d’obligation de service public pour les opérateurs concurrents.
Les exemples suédois, allemand ou néerlandais donnent une idée du scénario qui nous attend.
Aujourd’hui, la soumission des services publics à des critères de rentabilité du secteur privé détruisent les solidarités sociales et territoriales nationales. En effet, contrairement aux agences postales communales et aux « points poste », les bureaux de plein exercice sont gérés avec un personnel postier, ce qui permet aux usagers de bénéficier d’une activité de conseil de qualité, dans le domaine financier comme dans le domaine du courrier.
En outre, la grande majorité des opérations financières ne pourront être effectuées dans vos fameux « points poste », qui sont censés pourtant offrir le même niveau de service que les bureaux de poste, par exemple les versements sur des comptes, l’envoi de mandats internationaux, les retraits par chèque à l’ordre d’un tiers ou les opérations de gestion de compte comme le changement d’adresse.
La réduction du nombre de bureaux de plein exercice est le résultat d’une restriction, par La Poste elle-même, des horaires dans ses bureaux de proximité. Dans les zones qu’elle a jugées trop peu rentables, elle a en effet transformé des bureaux de plein exercice en bureaux de proximité, limitant leur activité à une demi-journée, parfois à quelques heures par semaine, pour pouvoir ensuite mieux arguer de leur faible fréquentation.
Ce que vous proposez à certaines franges de la population, ce sont des services postaux au rabais, rompant ainsi l’égalité de traitement entre les usagers, ce qui rendra la vie des populations de zones peu peuplées plus fastidieuse.
Nous ne pouvons plus accepter la concentration de toutes les richesses de ce pays dans les centres-villes de ses grandes agglomérations. Aujourd’hui, un tiers de notre territoire est en situation de repli, perd des habitants, des emplois, des activités, publiques comme privées.
La privatisation de La Poste est, à ce titre, un nouveau message, extrêmement négatif, adressé aux habitants de ces régions, et il est par conséquent nécessaire de le contrebalancer en réaffirmant les valeurs que se doit de défendre un vrai service public.
M. le président. L'amendement n° 367, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La recherche de l'efficacité du service public postal ne peut entraîner la mise en œuvre d'un dispositif contraire aux principes fondamentaux d'universalité, de continuité, d'adaptabilité et d'égalité.
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. L’un des principes fondamentaux du service public est celui d’adaptabilité. Il signifie que, chaque fois que c’est nécessaire, le service public peut être modifié pour répondre aux nécessités de l’intérêt général. Toutefois, cette modification ne saurait contrevenir aux principes d’égalité et de continuité, principes à valeur constitutionnelle.
Contrairement aux affirmations itératives de certains membres de la majorité, les socialistes ne sont pas des « archaïques ». Tout au contraire, ils ont à cœur de promouvoir un service public moderne, dynamique et efficace. Pour autant, la modernité, le dynamisme et l’efficacité ne sauraient se mesurer à l’aune de la seule rentabilité économique : ces vertus ne doivent surtout pas prospérer au détriment de la continuité et de l’égalité.
Cet amendement a également pour objet d’attirer l’attention sur le mode de fonctionnement des relais Poste commerciaux, dont le nombre ne cesse de croître.
Outre qu’il n’est pas totalement satisfaisant, de notre point de vue, de devoir traverser des rayons de boîtes de conserve ou des produits ménagers pour aller chercher un pli recommandé, force est de constater que, avec ce mode de fonctionnement, la délivrance des plis recommandés, des colis et, éventuellement, la réalisation des opérations bancaires simples ne sont pas garanties dans le temps.
En effet, pour que ces opérations puissent avoir lieu en tout temps, il faudrait refuser au gérant du magasin concerné la possibilité de partir en vacances, de prendre un congé maternité ou encore d’être malade ! Mais je sais que l’un des porte-parole de l’UMP a déjà manifesté son intérêt pour le sujet...
Compte tenu de l’environnement dans lesquels vous placez les services postaux et de l’augmentation du nombre des relais Poste commerciaux, tout porte à croire que la continuité du service ne sera pas garantie.
C’est pourquoi, par cet amendement, nous préconisons de combattre cette dérive afin de permettre une égalité de traitement de tous les territoires et d’assurer la continuité du service.
M. le président. L'amendement n° 429, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La préservation du statut d'exploitant public est essentielle au respect des quatre principes fondamentaux du service public que sont la continuité, l'égalité de traitement, l'adaptabilité et l'universalité.
La parole est à M. Jacques Berthou.
M. Jacques Berthou. Cet amendement a pour principal objectif de prévenir le risque d’une privatisation de La Poste, privatisation qui confisquerait à la puissance publique un outil essentiel d’aménagement du territoire et sonnerait le glas du service public postal.
On dit aujourd’hui qu’il est question non plus d’ouvrir le capital de La Poste, mais de transformer celle-ci en société anonyme dont le capital demeurerait à 100 % public. Or, on le sait, si la Caisse des dépôts et consignations participe à l’augmentation de capital, elle pourra à tout moment revendre ses actions.
C’est d’ailleurs dans ce rôle que la CDC semble vouloir se cantonner ces dernières années : apporter une aide transitoire à certaines entreprises en difficulté ou œuvrer dans l’intérêt stratégique de la France.
En aucun cas la CDC n’a vocation à demeurer perpétuellement au capital de l’entreprise à laquelle elle apporte des moyens de financement.
L’exemple d’autres grandes entreprises publiques, comme France Télécom, EDF ou encore GDF, qui ont connu le même processus de transformation de leur statut en société anonyme aboutissant à terme à leur privatisation, jette de sérieux doutes quant à la possibilité de préserver le caractère public du capital de l’entreprise une fois abandonné le statut d’établissement public.
Or le caractère public de La Poste constitue, à moyen terme comme à long terme, une garantie de la préservation des missions de service public à travers, notamment, le maintien des bureaux de poste et l’accessibilité bancaire.
D’ores et déjà, en France, des modifications d’horaire ou de jours d’ouverture des bureaux de poste sont décidées de façon abrupte, parfois sans prise en compte sérieuse des réalités locales.
Dans le même sens, la direction de La Poste décide trop souvent, unilatéralement, de déléguer aux communes la gestion directe des bureaux de poste les moins rentables. Ce processus est largement engagé dans tous les départements de France, bien souvent sans aucune concertation avec les élus concernés, ce qui est tout à fait inacceptable.
C’est bien entendu une atteinte à la mission de service public de La Poste, mais c’est aussi, et surtout, un nouveau transfert de charges vers les collectivités, les contribuables et les usagers.
Par ailleurs, comment la France compte-t-elle justifier, au regard du droit communautaire, le statut des agences postales communales ? Entre privatisation et « municipalisation des financements », on ne peut qu’être inquiet pour l’avenir de La Poste et ses missions de service public.
Regardons autour de nous : depuis la directive européenne de 1997, qui appelle les pays membres à ouvrir leurs services postaux à la concurrence, les privatisations se succèdent et les États y voient le moyen de récupérer des fonds destinés à alléger la dette.
On ne peut pas, aujourd’hui, exclure cette vision de court terme à laquelle certains pays n’ont pas résisté.
Si, demain, La Poste était privatisée, elle verrait alors sa stratégie subordonnée à la rentabilité financière exigée sur le CAC 40. Elle concentrerait son activité sur les marchés les plus rentables. Pour les autres, elle aurait le choix entre l’augmentation de ses tarifs, la dégradation des prestations ou, plus définitivement, leur suppression.
Seraient ainsi menacés la présence des bureaux de poste dans les zones rurales et les quartiers populaires, le prix unique du timbre, la distribution du courrier six jours sur sept, partout dans les mêmes délais, et l’accès des foyers les plus modestes à la Banque Postale.
En Suède, pour ne citer que le plus ancien pays d’Europe engagé dans ce processus, il ne reste que deux opérateurs : l’un public, l’autre privé. L’opérateur public a dû augmenter ses tarifs et fermer 50 % de ses bureaux pour faire face à la concurrence...
Comme toujours, ce seront les citoyens et les territoires les plus démunis qui subiront les conséquences de cette dérive libérale.
M. le président. Mon cher collègue, à mon grand regret, je suis dans l’obligation de vous couper la parole. Vous avez dépassé de plus d’une minute le temps imparti. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mes chers collègues, la règle doit être la même pour tous. (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Bernard Piras. On réglera cela à la chasse ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 452 rectifié, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le changement de statut de La Poste ne doit pas se faire au détriment des principes fondamentaux du service public que sont l'égalité de traitement, la continuité, et l'universalité et la mutabilité.
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Avant l’examen des articles de ce projet de loi, il semble qu’il faille rappeler les principes fondamentaux du service public. Nous ne pensions pas être obligés d’en arriver là, mais le texte est littéralement vide de toute réflexion de fond sur ce que sont ou doivent être les services publics dans le monde d’aujourd’hui.
Ce sont pourtant les piliers incontournables du pacte social à la française, sur lequel, mes chers collègues, nous sommes interrogés en ce moment par la SOFRES, et ils semblent bien attaqués depuis quelques années.
La place du service public postal, quant à elle, est mise à mal par ce texte, qui reprend le fil directeur de la directive européenne faisant de la concurrence la règle et, du service universel, une exception.
Après la crise que nous venons de connaître, où est le positionnement obsolète ?
Ce sont les principes fondamentaux du service public qui lui dictent finalement son rôle. Le droit français en reconnaît quatre : l’égalité de traitement, la continuité, l’universalité et la mutabilité.
Or c’est sur la question de l’adaptabilité – ou de la mutabilité, en droit français – que repose une grande partie de l’argumentation de la troisième directive postale, qui consiste grosso modo à dire que le service postal universel, tel qu’il existe aujourd’hui, peut difficilement être en mesure de relever les défis des évolutions technologiques et des besoins des consommateurs – on ne parle même plus d’usagers, et encore moins de citoyens ! – et que seule l’entrée dans la concurrence peut permettre au service postal d’être compétitif, efficace et rentable.
Ces arguments sont développés aux considérants 14 et 15 de la troisième directive européenne.
Quant à nous, nous avons toujours estimé que le service public, pour peu qu’on lui en donne les moyens, était à même de relever ces défis et d’assumer les missions qui lui incombent.
C’est dans le cadre du service public que nous pourrons, tout en nous adaptant aux nouvelles technologies, satisfaire au mieux les besoins des usagers, les besoins de nos concitoyens.
Un nouveau statut pour La Poste n’est pas nécessaire pour cela.
D’ailleurs, la troisième directive postale reconnaît tout de même que les nouvelles technologies peuvent participer à l’entretien de la cohésion sociale et territoriale. Ainsi, au considérant 22, on lit dans le texte européen : « Dans les régions éloignées et peu peuplées, le commerce électronique en particulier offre de nouvelles possibilités de participer à la vie économique, la fourniture de services postaux de qualité étant alors un préalable important ».
Il y a ainsi deux lectures de la directive postale : celle qui ouvre la voie à une adaptation du service public aux mutations technologiques et celle qui l’enchaîne à une pure logique commerciale.
Nous sommes persuadés que le service public à la française est tout à fait capable de relever ces défis. Il suffit qu’on lui en donne les moyens et que nous y croyions tous.
C’est la raison pour laquelle nous vous appelons à voter notre amendement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)