Article 15
Après le 3° de l'article L. 33-3 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° Les installations radioélectriques de l'État établies dans certains établissements affectés aux besoins de la défense et de la sécurité nationale et permettant de rendre inopérants, tant pour l'émission que pour la réception, les appareils de communications électroniques de tous types. » – (Adopté.)
Article 16
À l'article L. 1333-8 du code de la défense, les mots : « ministre de l'industrie » sont remplacés par les mots : « ministre chargé de l'énergie ». – (Adopté.)
Article 16 bis
Pour les immeubles ou parties d'immeubles domaniaux mis à la disposition du ministère de la défense et dont la liste est fixée par un arrêté conjoint du ministre de la défense et du ministre chargé du domaine, la durée du délai prévu à l'article L. 2141-2 du code général de la propriété des personnes publiques est fixée à six ans.
M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, sur l'article.
Mme Virginie Klès. Les disposions de l’article 16 bis concernent le patrimoine immobilier. Si elles sont acceptables en elles-mêmes, elles n’ont cependant pas grand-chose à faire dans un texte consacré à la programmation militaire. Elles me donnent néanmoins l’occasion de revenir sur un sujet que j’avais déjà évoqué lors de l’examen du projet de loi relatif à la gendarmerie nationale, à savoir le nouvel article L. 4145-2 du code de la défense relatif au logement des gendarmes en caserne. J’avais alors posé une question qui est demeurée sans réponse.
Monsieur le ministre, vous avez précisé hier, en début de séance, que la gendarmerie ne relevait plus de votre ministère, et croyez bien que je persiste à le regretter. Néanmoins, les locaux restent occupés par des militaires.
Pour certains, cette question est sans importance puisque, dès lors que le casernement comprend plus de quarante gendarmes, les travaux sont intégralement pris en charge par l’État. Il en va tout autrement pour les élus des territoires ruraux concernés par des brigades de plus petite taille et à qui sont délégués la maîtrise d’ouvrage et le portage financier de ces dossiers. Ces élus locaux doivent se battre pour préserver le maillage territorial de ce service public essentiel qui implique la présence de la gendarmerie jusqu’aux fins fonds de nos campagnes. Ils doivent faire face à de lourdes dépenses d’investissement, incomplètement compensées par l’État.
Pour ne pas grever le budget et les capacités d’emprunt des collectivités locales avec des investissements lourds, qui relèvent pourtant des compétences régaliennes de l’État, il est absolument nécessaire de ne plus subordonner le versement de la subvention de l’État à une maîtrise d’ouvrage effective par une collectivité. Il faut permettre de façon pérenne le recours à une maîtrise d’ouvrage déléguée et envisager des partenariats public-privé, ce dont l’État ne se prive d’ailleurs pas en matière de programmation militaire notamment. Or, compte tenu du retard pris par la LOPSI II, deuxième loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, de tels partenariats ne peuvent plus être mis en œuvre aujourd'hui.
Depuis 2007, les autorisations de programme, d’une durée limitée à deux ans, tombent de fait, sauf à ce que les collectivités acceptent la maîtrise d’ouvrage déléguée. Or le coût d’un tel montage juridico-financier est loin d’être négligeable.
Une solution transitoire pourrait être envisagée : il suffirait de prolonger le délai de l’autorisation de programme du ministère de l’intérieur jusqu’au vote de la LOPSI II, prorogé d’une année supplémentaire après sa promulgation. Tel était le sens d’un amendement que j’avais déposé, mais qui a malheureusement été frappé par le couperet de l’article 40, pour des raisons dont la complexité confinait d’ailleurs à l’obscurité. Cette disposition ne serait pourtant que justice.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir me dire quelles mesures vous envisagez de mettre en œuvre pour rester, sur ce dossier, aux côtés des collectivités comme des gendarmes, qui appartiennent encore à l’armée, dont vous êtes le ministre de tutelle. À moins que vous n’ayez définitivement décidé d’abandonner les gendarmes lors de leur rattachement au ministère de l’intérieur… (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Vous dites n’importe quoi !
Mme Virginie Klès. Peut-être pourriez-vous faire l’effort de vous intéresser aux gendarmes quelques instants, même à une heure aussi avancée !
Un sénateur de l’UMP. Respectez le règlement !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. On est dans une assemblée sérieuse, ici !
Mme Virginie Klès. Jusqu’à preuve du contraire, le règlement est respecté. Une intervention sur l’article donne droit à cinq minutes de temps de parole, pas à trois ! Je ne défends pas un amendement !
Permettez-moi également de revenir ici sur la politique quelque peu déroutante du ministère de la défense en matière de gestion du patrimoine immobilier. La mission pour la réalisation des actifs immobiliers, la MRAI, irait même jusqu’à mettre en vente certains monuments aux morts… Sans doute une rumeur sans fondement ! (M. Robert del Picchia s’exclame.)
Avec le rassemblement des états-majors des trois armes sur le site de Balard, dans le XVe arrondissement de Paris, où se trouve déjà l’armée de l’air, la marine quitterait le prestigieux hôtel qu’elle occupe depuis 1792 place de la Concorde. L’armée de terre devrait abandonner le boulevard Saint-Germain et l’hôtel de Brienne, situé rue Saint-Dominique, deviendrait un lieu de réception du ministère de la défense. Tous ces lieux, s’ils ne sont pas mythiques, sont chargés d’histoire. On brade, bien légèrement me semble-t-il, le patrimoine historique de l’État. La fin justifie-t-elle les moyens ? On peut légitimement s’interroger.
Un Pentagone à la française, pourquoi pas si cela permet d’améliorer le fonctionnement et l’efficacité de nos armées ?
Cet immeuble – ou cette citadelle – sera-t-il un site administratif banalisé, un centre de commandement ou un site à vocation opérationnelle ? Sera-t-il classé secret défense ? Accueillera-t-il 10 000 hommes, 15 000 hommes ? Plus ? Moins ? On ne construit ni au même endroit, ni de la même façon, ni selon les mêmes normes, ni avec la même organisation, ni pour le même fonctionnement l’un ou l’autre de ces équipements.
Sécurité, visibilité, repérage, environnement : autant de variables qui ne semblent être ni maîtrisées ni même identifiées par les promoteurs du projet. La proximité de la Seine, de l’héliport de Paris, la présence d’un habitat dense sont autant de contraintes dont nul ne sait si elles sont rédhibitoires.
M. le président. Veuillez conclure !
Mme Virginie Klès. En outre, aujourd’hui, le plan local d’urbanisme n’accorde qu’une surface hors œuvre nette de 50 000 mètres carrés, très inférieure aux besoins annoncés de 300 000 mètres carrés.
M. le président. Il faut vraiment conclure, madame !
Mme Virginie Klès. Je termine, monsieur le président.
Le ministère de la défense comptait sur la vente d’une partie de son riche patrimoine immobilier pour financer plusieurs programmes, dont cet emblématique projet censé bénéficier d’une manne de 1,6 milliard d’euros.
Certes, la crise ne facilite pas les choses, mais nous ne vivons pas dans un tel contexte depuis vingt ans. Or, depuis de nombreuses années, les recettes tirées de la vente des actifs immobiliers de la défense restent, avec une grande régularité, très inférieures aux prévisions comme aux coûts des restructurations nécessaires : Oissel et Châteaulin sont assez emblématiques à cet égard. Et ce n’est pas en mettant à la charge des éventuels acquéreurs la dépollution des sites ou la dévalorisation des immeubles vendus occupés – sans engagement sur les délais de libération – que l’on inversera cette tendance !
Quand on compte sur des recettes immobilières pour financer un projet, il est bon de gérer ce dossier en professionnel et non en amateur plus ou moins éclairé. (Manifestations d’impatience sur les travées de l’UMP.)
Les gendarmes et les militaires seront contents de savoir que vous préférez faire respecter le règlement plutôt que de leur consacrer quelques secondes supplémentaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Ce galimatias est indigne du Parlement !
M. le président. Je mets aux voix l'article 16 bis.
(L'article 16 bis est adopté.)
Article 16 ter
L'article L. 3212-2 du code général de la propriété des personnes publiques est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Les cessions de biens meubles, dont le ministère de la défense n'a plus l'emploi, à des associations ou organismes agissant pour la préservation ou la mise en valeur du patrimoine militaire, ou contribuant au renforcement du lien entre la Nation et son armée. » – (Adopté.)
Article 16 quater
L'avant-dernière ligne de la première colonne du tableau du 2° de l'article L. 4139-16 du code de la défense est complétée par les mots : «, ingénieurs militaires d'infrastructure de la défense ». – (Adopté.)
Article 16 quinquies
Le plan du code de la défense est ainsi modifié :
a) Au livre IV de la première partie, sont insérés quatre titres ainsi intitulés :
« Titre Ier. - La dissuasion nucléaire » comportant deux chapitres ainsi intitulés :
« Chapitre Ier. - Préparation, mise en œuvre et contrôle gouvernemental de la dissuasion nucléaire ». Ce chapitre ne comprend pas de dispositions législatives ;
« Chapitre II. - Le délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense ». Ce chapitre ne comprend pas de dispositions législatives ;
« Titre II. - Défense opérationnelle du territoire » comportant deux chapitres ainsi intitulés :
« Chapitre Ier. - Objet ». Ce chapitre ne comprend pas de dispositions législatives ;
« Chapitre II. - Mise en œuvre ». Ce chapitre ne comprend pas de dispositions législatives ;
« Titre III. - Défense maritime du territoire » comportant deux chapitres ainsi intitulés :
« Chapitre Ier. - Objet ». Ce chapitre ne comprend pas de dispositions législatives ;
« Chapitre II. - Mise en œuvre ». Ce chapitre ne comprend pas de dispositions législatives ;
« Titre IV. - Défense aérienne » comportant trois chapitres ainsi intitulés :
« Chapitre Ier. - Objet ». Ce chapitre ne comprend pas de dispositions législatives ;
« Chapitre II. - Mise en œuvre ». Ce chapitre ne comprend pas de dispositions législatives ;
« Chapitre III. - Commission interministérielle de la sûreté aérienne ». Ce chapitre ne comprend pas de dispositions législatives ;
b) L'intitulé du titre III du livre III de la deuxième partie est ainsi rédigé : « Matériels de guerre, armes et munitions » ;
c) Au titre Ier du livre Ier de la troisième partie, il est inséré un chapitre unique. Ce chapitre ne comprend pas de dispositions législatives ;
d) L'intitulé du chapitre unique du titre II du livre Ier de la cinquième partie est ainsi rédigé : « Répression des infractions relatives aux servitudes militaires » ;
e) Au titre III du livre Ier de la cinquième partie, il est inséré un chapitre unique ainsi intitulé :
« Chapitre unique. - Gestion et administration des infrastructures de la défense ». Ce chapitre ne comprend pas de dispositions législatives. – (Adopté.)
Article 16 sexies
Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance les mesures d'adaptation de la législation liées au transfert des attributions de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale à d'autres services du ministère de la défense, à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, à l'Institution nationale des invalides et à la Caisse nationale militaire de sécurité sociale.
L'ordonnance devra être prise au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant la publication de la présente loi. Le projet de loi de ratification de l'ordonnance devra être déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du neuvième mois suivant la publication de la présente loi.
M. le président. L'amendement n° 118, présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. L’article 16 sexies, introduit par le Gouvernement en commission à l’Assemblée nationale, vise à l’autoriser à prendre par ordonnance – sûrement dans un souci de simplification !– les mesures liées au démantèlement de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale, la DSPRS. En d’autres termes, cet article organise l’éclatement des missions assumées par la DSPRS et prévoit leur transfert à d’autres services du ministère de la défense, à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONAC, à l’Institution nationale des invalides et à la Caisse nationale militaire de sécurité sociale.
Cet article constitue une nouvelle étape de l’entreprise de sape du droit imprescriptible à réparation des anciens combattants et victimes de guerre.
La révision générale des politiques publiques a déjà conduit à la suppression des directions interdépartementales des anciens combattants, entraînant une refonte totale des tâches des services départementaux, alors que le contrat d’objectifs et de moyens n° 2 prévoit la suppression de 150 postes.
Les services déconcentrés de l’ONAC sont en train d’être réorganisés en services départementaux de proximité. Ils comprendront trois agents pour assurer l’accueil et le renseignement du public, l’instruction des dossiers d’action sociale et la relation avec les partenaires. Dans ces conditions, alors que l’ONAC assurera des missions nouvelles et que son personnel sera réduit, peut-on prétendre que cette réorganisation permettra de réduire les délais de traitement des dossiers ?
Ce « COM 2 », comme on le nomme, prévoit également des « externalisations de tâches » et des « transferts vers des fondations », ce que nous interprétons comme le transfert au privé de certains secteurs d’activité : seront très certainement concernées les maisons de retraite de l’ONAC et les écoles de réinsertion professionnelle, mais sans doute aussi l’entretien et la gestion des nécropoles et des lieux de mémoire.
Nous sommes bien loin des affirmations du Président de la République, qui assurait à l’Union française des associations d’anciens combattants et de victimes de guerre, en avril 2007 : « La reconnaissance de la Nation, c’est également la garantie de l’existence des droits spécifiques des anciens combattants, tels qu’ils sont inscrits dans le code des anciens combattants et victimes de guerre, et un budget qui leur est consacré. Je n’ai pas l’intention de revenir sur l’ensemble du droit existant. » C’est pourtant bien malheureusement ce qui se passe depuis l’élection présidentielle !
Non seulement le budget des anciens combattants et des victimes de guerre se réduit comme peau de chagrin chaque année dans la loi de finances, mais encore les promesses sont jetées par-dessus bord et des décisions insidieuses restreignent régulièrement les droits des anciens combattants et de leurs veuves. Je ne citerai que les plus récentes : l’assujettissement des maisons de retraite de l’ONAC à la taxe foncière, ce qui entraînera une majoration du prix de journée ; ou encore le refus de considérer comme ressortissantes de l’ONAC certaines veuves d’anciens combattants en leur déniant le droit de faire valoir l’attestation à titre posthume selon laquelle leur défunt mari aurait pu bénéficier de la carte du combattant ou du titre de reconnaissance de la Nation de son vivant !
Pour toutes ces raisons, et pour marquer votre solidarité envers le monde combattant dont les droits sont de plus en plus bafoués, nous vous invitons à voter cet amendement visant à supprimer l’article 16 sexies.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Cet amendement de suppression vise à s’opposer à l’habilitation donnée au Gouvernement de réorganiser par ordonnance l’administration des pensions en transférant les attributions de la direction des pensions du ministère des anciens combattants à l’ONAC, à l’Institution nationale des invalides et à la Caisse nationale militaire de sécurité sociale.
Le contexte a radicalement évolué depuis la mise en place de l’administration des pensions après la Première Guerre mondiale. Il est donc nécessaire de simplifier et de rationaliser ces structures. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 16 sexies.
(L'article 16 sexies est adopté.)
Article 17
Sans préjudice des dispositions de la présente loi qui s'y appliquent de plein droit, les dispositions de la présente loi s'appliquent sur l'ensemble du territoire de la République. – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous achevons l’examen du projet de loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014, dont les enjeux, chacun en est conscient, sont majeurs pour nos armées.
Au nom du groupe UMP, je tiens à remercier de leur excellent travail M. le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ainsi que les rapporteurs pour avis de la commission des lois et de la commission des finances. Je vous remercie également, bien entendu, monsieur le ministre, de vos explications.
Ce projet de loi de programmation militaire présente plusieurs innovations tant sur le plan financier que sur le plan législatif.
Sur le plan financier, nous saluons l’augmentation des crédits et nous félicitons des recettes exceptionnelles suscitées par les restructurations et les réformes engagées par le ministre, notamment dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.
Cela témoigne d’une meilleure politique de gestion, qui permettra l’amélioration des conditions et des équipements de nos armées. Nous nous en réjouissons.
En période de crise économique, nous nous félicitons également de la sincérité budgétaire et de la crédibilité financière de ce projet de loi de programmation militaire.
Par ailleurs, le groupe UMP souligne toute la cohérence du volet législatif de ce texte, qui tend à palier le vide juridique auquel l’autorité judiciaire était confrontée en matière de secret défense.
En plus de la traditionnelle adaptation de notre outil de défense aux nouvelles réalités géostratégiques, ce projet de loi traduit une volonté de concilier la nécessaire protection de nos concitoyens sur le territoire national et à l’étranger, au travers de la réforme des structures de renseignement, avec les responsabilités que notre pays exerce au sein de l’OTAN et de l’Union européenne.
Pour toutes ces raisons, l’ensemble du groupe UMP votera ce texte.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe du RDSE déplore les conditions dans lesquelles ce débat s’est déroulé et le vote bloqué qui est imposé au Sénat.
À l’occasion du scrutin public sur l’article 12, une très nette majorité de membres de mon groupe, quinze sur dix-sept, ont émis un vote négatif.
À nos yeux, ce qui pose problème, c’est la confusion entre, d’une part, le projet de loi de programmation militaire, dont l’objet strict est, comme son nom l’indique, de programmer des crédits, voire des effectifs, et, d’autre part, le Livre blanc, que M. Morin a présenté hier comme sa véritable feuille de route et qui éclaire un tournant stratégique.
Quatre sénateurs de notre groupe passeront outre et privilégieront l’aspect « programmation », qui accorde des moyens à nos armées. Ils voteront donc pour le projet de loi.
D’autres marqueront leurs réserves ou leurs réticences – sept en s’abstenant, six en votant contre –, pour des raisons qui, au-delà des conditions contestables dans lesquelles nous avons débattu, sont de nature politique, tenant essentiellement à la philosophie du Livre blanc, c'est-à-dire une rupture profonde avec le primat de l’indépendance nationale, la réintégration du commandement militaire de l’OTAN et l’adoption d’une doctrine de sécurité nationale pour le moins problématique. Toutefois, même ceux-là ne contesteront pas que le projet de loi comporte des aspects positifs, que j’ai d’ailleurs relevés dans mon intervention liminaire.
Le groupe au nom duquel je m’exprime partagera donc ses voix en fonction des considérations que je viens de rappeler.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme d’un débat tronqué sur ce projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014.
Je dis bien « débat tronqué », car nous n’avons pas eu de véritable discussion au Sénat. En effet, cédant aux pressions du Président de la République, la majorité sénatoriale a accepté de voter « conforme », c’est-à-dire sans le modifier, le texte qui avait auparavant été examiné par l’Assemblée nationale.
Nous avons assisté au spectacle un peu dérisoire, mais dangereux pour la démocratie, d’un gouvernement qui ne se donnait pratiquement pas la peine de répondre à nos arguments – nous en avons eu l’illustration ce matin –, contrairement à M. le rapporteur et, parfois, à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois, qui ont au moins eu cette courtoisie.
Ce texte n’ayant en aucune manière évolué, vous comprendrez que nous y demeurions opposés.
Le projet de loi de programmation militaire, prétendument destiné à adapter nos armées aux réalités d’aujourd’hui, est fondé sur des conceptions stratégiques que nous ne partageons pas et utilise des moyens que nous récusons. Il est également très fortement inspiré par la logique purement comptable de la RGPP, qui prévoit de supprimer 54 000 emplois en cinq ans dans ce secteur. Nous le contestons donc sur plusieurs points.
D’abord, nous nous opposons à la réorientation stratégique fondamentale décidée par le Président de la République et consistant à réintégrer le commandement militaire de l’OTAN. Cette réorientation s’est faite sans conditions et sans avoir obtenu de réelles avancées dans la construction d’une politique européenne de défense.
Ensuite, la modification de quelques articles du code de la défense pour les adapter au nouveau concept de « stratégie de la sécurité nationale », qui se substitue à la défense nationale et à la sécurité intérieure, n’est pas compatible avec notre modèle républicain. Une telle évolution a pour conséquence une concentration des pouvoirs en la matière entre les mains du seul Président de la République, avec la création du Conseil de défense et de sécurité nationale, ce qui introduit un déséquilibre institutionnel.
L’extension du secret de la défense nationale à des lieux, et non plus seulement à des documents, qui restreint les pouvoirs d’enquête des magistrats, est également une disposition dangereuse pour la démocratie, de nature à modifier gravement l’équilibre des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire. En outre, de telles dispositions n’ont pas leur place dans une loi de programmation militaire.
D’un point de vue budgétaire, nous critiquons tout aussi fortement la manière dont cette loi de programmation sera financée. Si nous ne remettons pas en cause la nécessité des programmes d’équipement de nos forces, à l’exception de la place trop importante qui est accordée à l’armement nucléaire, nous nous opposons au fait que l’essentiel du financement repose sur un aussi vaste plan de suppression d’emplois et sur des recettes exceptionnelles provenant de cessions immobilières et de ventes de fréquences très incertaines.
Enfin, cette loi de programmation souffre d’un manque de perspectives cohérentes en matière de politique industrielle de défense. Nous refusons tout particulièrement le processus de privatisation des deux industries stratégiques de ce secteur que sont DCNS et SNPE.
Telles sont les principales raisons pour lesquelles le groupe CRC-SPG votera contre ce projet de loi de programmation militaire.
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Tout d’abord, je souhaite rassurer M. le ministre. Nous n’allons pas retirer la demande de scrutin public que nous avons déposée, même si nous sommes désormais majoritaires dans l’hémicycle, ce qui illustre d’ailleurs l’intérêt de certains de nos collègues pour ce projet de loi de programmation militaire. (Mme Fabienne Keller s’exclame.)
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Vous n’êtes guère plus nombreux !
M. Didier Boulaud. Si, monsieur le rapporteur ! Nous sommes majoritaires. D’ailleurs, si vous souhaitez en avoir la confirmation, nous pouvons très bien retirer notre demande de scrutin public…
Le débat nous a apporté quelques précisions utiles, non pas tant sur le projet de loi de programmation militaire que sur la capacité du Gouvernement à imposer ses points de vue à une majorité devenue très docile. Ainsi, après avoir fait lanterner ce projet de loi pendant de très longs mois – un record en la matière –, on joue à présent la précipitation et on fait voter au canon. Les sénateurs UMP se plient aux volontés des députés UMP, eux-mêmes guidés par l’Élysée. Les deux malheureux amendements qui avaient été déposés par deux courageux sénateurs UMP ont été, l’un, retiré, l’autre, non défendu. Ils montraient pourtant l’inquiétude de nos collègues s’agissant de la mise à l’encan de la SNPE.
Le Sénat conservateur serait-il devenu le Sénat conformiste, c’est-à-dire le lieu où l’on vote conforme sans barguigner ?
Pourtant, ce texte méritait plus d’égards et de débats, et il méritait surtout d’être amélioré. Nous considérons en effet que les questions de défense doivent être au cœur de la cité. Pour cela, nos débats doivent être à la hauteur des enjeux, et non pas devenir le théâtre d’ombres d’une majorité trop sûre et dominatrice.
Sur la forme, nous récusons donc les conditions dans lesquelles nous avons examiné ce projet de loi, car elles sont peu démocratiques et risquent, in fine, d’alimenter la méfiance des citoyens à l’égard des institutions représentatives.
Sur le fond, nous avons exposé nos griefs, nos critiques, et nous avons avancé des propositions. Nos amendements visaient à apporter les améliorations nécessaires à ce texte. Nous n’avons pas été entendus ! Le couperet du « vote conforme » avait déjà été décidé avant même le début de l’examen du projet de loi.
Nous ne voterons pas ce projet de loi de programmation militaire parce qu’il inclut certaines mesures résultant d’un choix idéologique contestable, contenu dans le Livre blanc, dont la pire expression est vraisemblablement la décision de réintégrer la France dans le commandement militaire de l’OTAN. Nos propositions portaient notamment sur l’Europe de la défense, qui est à peine mentionnée dans le texte.
Nous ne voterons pas ce projet de loi parce que – nous y reviendrons lors du débat sur le projet de loi de sécurité intérieure – nous n’acceptons pas le concept de « sécurité nationale », qui fait tomber la frontière séparant la défense nationale de la sécurité intérieure et qui aboutit à une autre organisation de la sécurité à l’intérieur de notre pays, plaçant ainsi l’ensemble des pouvoirs entre les mains du Président de la République, qu’il s’agisse de l’organisation du renseignement, mais également de l’ensemble des forces de l’ordre.
Notre collègue et ami Robert Badinter vous a déjà dit ce qu’il fallait penser des dispositions relatives au secret défense. Je ne peux pas croire qu’aucun doute ne traverse l’esprit des éminents juristes siégeant sur les travées de la droite. Je ne peux pas croire que ceux-ci émettront un vote conforme sur de tels articles sans ressentir un petit pincement au cœur, même s’ils finiront, hélas ! par les adopter.
Mais n’oublions pas qu’il s’agit d’un texte prévu pour programmer l’avenir financier de notre défense. Et le bât blesse également là !
Nous ne voterons pas ce projet de loi de programmation militaire, qui ne nous paraît pas sincère dans son architecture budgétaire, trop soumise à un ministre amateur de paris audacieux. D’ailleurs, M. le ministre nous a indiqué hier qu’il n’y avait pas de vie sans aléas. Je suis donc allé regarder de plus près la définition de ce joli mot de la langue française et j’ai lu dans le dictionnaire qu’« aléa » signifiait « hasard » ou « événement imprévisible ».
Imprévisible, dites-vous ? En réalité, je ne crois pas qu’un tel adjectif puisse s’appliquer au financement des mesures contenues dans ce projet de loi. J’ignore s’il sera menacé par des événements imprévisibles, mais je sais que des événements très prévisibles le mettent en danger de mort. Nous les avons énumérés dans nos interventions. Je vous les rappelle pour mémoire.
Premièrement, nous constatons une surévaluation des recettes, qu’il s’agisse des recettes exceptionnelles de 3,7 milliards d’euros devant résulter de la vente des fréquences et des actifs immobiliers du ministère de la défense, dont 1,6 milliard d’euros ont été inscrits en loi de finances pour 2009 et dont le premier euro n’est toujours pas réalisé.
Deuxièmement, le plan social conduit par votre ministère au nom de la révision générale des politiques publiques, qui conditionne le financement des équipements dont nos armées ont besoin, est sous-évalué, tout comme le sont les opérations extérieures.
Troisièmement, les programmes d’armement sont mal calibrés.
Quatrièmement, les effets de la crise économique sont aggravés par votre politique sociale et budgétaire, ensevelis que vous êtes sous l’endettement de la nation et les déficits. Il suffisait d’assister au débat d’orientation budgétaire aujourd'hui ou à l’examen du projet de loi de règlement hier pour s’en convaincre.
Il n’est pas question de refaire ici le catalogue de nos critiques. Vous auriez gagné à incorporer nos amendements dans votre texte, mais c’est trop tard !
Plusieurs intervenants ont salué les personnels civils et militaires de la défense. Nous avons reconnu humblement le professionnalisme, le dévouement, le courage et la capacité d’adaptation de nos soldats. Or je crains que, pour ces femmes et ces hommes, pleinement intégrés dans la Nation et servant la République avec honneur et dévouement, ne vienne bientôt le temps de la déception, ce temps d’orage et de larmes qui survient après que s’est déchiré le voile des promesses non tenues.
Nous voterons contre ce projet de loi et nous vous donnons rendez-vous, monsieur le ministre, dès le mois de décembre 2010 pour analyser son adéquation avec le prochain budget de votre ministère ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)