Sommaire
Secrétaires :
MM. François Fortassin, Philippe Nachbar.
2. Dépôt d'un rapport en application d’une loi
3. Programmation militaire pour les années 2009 à 2014. – Suite de la discussion d'un projet de loi (Texte de la commission)
Article 2 et rapport annexé (suite)
Amendement no 129 de Mme Michelle Demessine. – Mme Michelle Demessine, MM. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapporteur ; Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. – Rejet.
Amendement n° 128 de Mme Michelle Demessine. – Mme Michelle Demessine, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 53 de Mme Dominique Voynet. – Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 93 de M. Didier Boulaud. – MM. André Vantomme, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 51 de Mme Dominique Voynet. – Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 19 rectifié de M. Jean-Pierre Chevènement. – MM. Jean-Pierre Chevènement, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 95 de M. Didier Boulaud. – MM. Daniel Reiner, le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Dominique Voynet. – Rejet.
Amendement n° 54 de Mme Dominique Voynet. – Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 97 de M. Didier Boulaud. – MM. Didier Boulaud, le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean-Pierre Fourcade, Mme Dominique Voynet. – Rejet.
Amendement n° 20 rectifié de M. Jean-Pierre Chevènement. – MM. Jean-Pierre Chevènement, le rapporteur, le secrétaire d'État, Daniel Reiner. – Rejet.
Amendement n° 55 de Mme Dominique Voynet. – Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendements nos 130 de Mme Michelle Demessine, 21 rectifié de M. Jean-Pierre Chevènement et 56 de Mme Dominique Voynet. – Mme Michelle Demessine, M. Jean-Pierre Chevènement, Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Retrait des amendements nos 21 rectifié et 56 ; rejet de l’amendement no 130.
Amendement n° 96 de M. Didier Boulaud. – MM. Jacques Berthou, le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean-Pierre Chevènement. – Rejet.
Amendements identiques nos 22 rectifié de M. Jean-Pierre Chevènement et 57 de Mme Dominique Voynet. – M. Jean-Pierre Chevènement, Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 58 de Mme Dominique Voynet. – Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 23 rectifié de M. Jean-Pierre Chevènement. – MM. Jean-Pierre Chevènement, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendements nos 59 de Mme Dominique Voynet et 127 de Mme Michelle Demessine. – Mmes Dominique Voynet, Michelle Demessine, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, le président. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 24 rectifié de M. Jean-Pierre Chevènement. – MM. Jean-Pierre Chevènement, le rapporteur, le secrétaire d'État
Amendement n° 60 de Mme Dominique Voynet. – Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 61 de Mme Dominique Voynet. – Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 25 rectifié de M. Jean-Pierre Chevènement. – MM. Jean-Pierre Chevènement, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 26 rectifié de M. Jean-Pierre Chevènement. – MM. Jean-Pierre Chevènement, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 62 de Mme Dominique Voynet. – Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Jacques Gautier. – Rejet.
Amendement n° 27 rectifié bis de M. Jean-Pierre Chevènement. – MM. Jean-Pierre Chevènement, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendements nos 63 de Mme Dominique Voynet, 28 rectifié et 29 rectifié de M. Jean-Pierre Chevènement. – Mme Dominique Voynet, MM. Jean-Pierre Chevènement, le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean-Pierre Fourcade, Yves Pozzo di Borgo. – Rejet des trois amendements.
M. le président.
Amendement no 30 rectifié de M. Jean-Pierre Chevènement. – M. Jean-Pierre Chevènement, Mme Michelle Demessine, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendements nos 132 de Mme Michelle Demessine et 85 de M. Didier Boulaud. – Mme Michelle Demessine, MM. André Vantomme, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 64 de Mme Dominique Voynet. – Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendements nos 31 rectifié de M. Jean-Pierre Chevènement et 131 de Mme Michelle Demessine. – M. Jean-Pierre Chevènement, Mme Michelle Demessine, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 32 rectifié de M. Jean-Pierre Chevènement. – MM. Jean-Pierre Chevènement, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 33 rectifié de M. Jean-Pierre Chevènement. – MM. Jean-Pierre Chevènement, le rapporteur, le secrétaire d'État, Yves Pozzo di Borgo. – Rejet.
Amendement n° 65 de Mme Dominique Voynet. – Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Robert del Picchia. – Rejet.
Amendement n° 98 de M. Didier Boulaud. – MM. Bernard Piras, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 34 rectifié de M. Jean-Pierre Chevènement. – MM. Jean-Pierre Chevènement, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 66 de Mme Dominique Voynet. – Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 35 rectifié de M. Jean-Pierre Chevènement. – MM. Jean-Pierre Chevènement, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 36 rectifié de M. Jean-Pierre Chevènement. – MM. Jean-Pierre Chevènement, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendements nos 67 et 68 de Mme Dominique Voynet. – Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 69 de Mme Dominique Voynet. – Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 70 de Mme Dominique Voynet. – Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 99 de M. Didier Boulaud. – MM. Bernard Piras, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 71 de Mme Dominique Voynet. – Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 73 de Mme Dominique Voynet. – Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 100 de M. Didier Boulaud. – MM. Michel Boutant, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 101 de M. Didier Boulaud. – MM. Didier Boulaud, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 102 de M. Didier Boulaud. – MM. Daniel Reiner, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 75 de Mme Dominique Voynet. – Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
4. Questions d'actualité au Gouvernement
situation du système financier et bancaire
M. Jean-Pierre Fourcade, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
MM. Jean Milhau, Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
situation des petites communes face à la disparition de la télévision analogique
MM. Yves Détraigne, Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.
MM. David Assouline, Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.
problèmes concernant le conseil supérieur de la magistrature
Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Mmes Monique Papon, Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.
Mme Dominique Voynet, M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
M. Jackie Pierre, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
détention d'une française en iran
Mme Brigitte Bout, M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
M. Jean-Claude Frécon, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
5. Allocution de M. le président du Sénat
MM. le président, Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement.
Suspension et reprise de la séance
6. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Taïwan
MM. Thierry Foucaud, le président.
8. Orientation des finances publiques pour 2010. – Débat sur une déclaration du Gouvernement
MM. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État ; Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Mme Muguette Dini, président de la commission des affaires sociales ; M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales.
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture.
MM. Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, François Marc, Jean-Pierre Fourcade, François Rebsamen, Jean-Jacques Jégou, Dominique Leclerc, Mme Christiane Demontès, M. Serge Dassault.
M. le ministre.
Clôture du débat.
9. Décision du Conseil constitutionnel
Suspension et reprise de la séance
10. Programmation militaire pour les années 2009 à 2014. – Suite de la discussion et adoption définitive d'un projet de loi (Texte de la commission)
Article 2 et rapport annexé (suite)
Amendement n° 103 de M. Didier Boulaud. – MM. Didier Boulaud, Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapporteur ; Hervé Morin, ministre de la défense. – Rejet.
Amendement n° 104 de M. Didier Boulaud. – MM. Didier Boulaud, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 74 de Mme Dominique Voynet. – Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 39 rectifié de M. Jean-Pierre Chevènement. – MM. Jean-Pierre Chevènement, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 38 rectifié de M. Jean-Pierre Chevènement. – MM. Jean-Pierre Chevènement, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 105 de M. Didier Boulaud. – M. Didier Boulaud. – Retrait.
Amendement n° 106 de M. Didier Boulaud. – MM. Daniel Reiner, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Adoption de l’article et du rapport annexé.
Amendements identiques nos 82 de M. Didier Boulaud et 126 de Mme Michelle Demessine. – Mme Michelle Demessine, MM. Didier Boulaud, le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l’article.
M. André Vantomme.
Amendements identiques nos 83 de M. Didier Boulaud et 125 de Mme Michelle Demessine. – M. Bernard Piras, Mme Michelle Demessine, MM. le rapporteur, le ministre, Didier Boulaud. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 84 de M. Didier Boulaud ; amendements identiques nos 5 rectifié de M. Jean-Pierre Chevènement et 124 de Mme Michelle Demessine ; amendements nos 91 de M. Didier Boulaud, 1 rectifié à 4 rectifié, 6 rectifié à 9 rectifié de M. Jean-Pierre Chevènement, 43 et 44 de Mme Dominique Voynet. – MM. Michel Boutant, Jean-Pierre Chevènement, Mme Michelle Demessine, M. André Vantomme, Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet de l’ensemble des amendements.
Mme Nathalie Goulet.
Adoption de l’article.
M. Michel Boutant.
Amendements nos 87 et 86 de M. Michel Boutant. – MM. Michel Boutant, le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements nos 45 et 46 de Mme Dominique Voynet. – Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur.
Amendements identiques nos 10 rectifié de M. Jean-Pierre Chevènement, 88 de M. Jean-Pierre Godefroy et 123 de Mme Michelle Demessine. – MM. Jean-Pierre Chevènement, Jean-Pierre Godefroy, Michel Billout, le rapporteur, le ministre. – Rejet des trois amendements identiques.
Adoption de l’article.
MM. Xavier Pintat, le ministre.
Amendements identiques nos 11 rectifié de M. Jean-Pierre Chevènement, 89 de M. Bernard Cazeau et 122 de Mme Michelle Demessine – MM. Jean-Pierre Chevènement, Daniel Reiner, Michel Billout, le rapporteur, le ministre. – Rejet des trois amendements identiques.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l'article 11
Amendement n° 90 de M. Jean-Pierre Godefroy. – MM. Godefroy, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Mme Virginie Klès.
Amendement n° 121 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le ministre, François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. – Rejet.
Amendements nos 12 rectifié de M. Jean-Pierre Chevènement et 116 de M. Robert Badinter. – MM. Jean-Pierre Chevènement, Robert Badinter, le rapporteur, François Pillet, rapporteur pour avis ; le ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 40 rectifié de M. Jean-Pierre Chevènement. – MM. Jean-Pierre Chevènement, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendements nos 41 rectifié de M. Jean-Pierre Chevènement, 115 et 117 de M. Robert Badinter. – MM. Jean-Pierre Chevènement, Robert Badinter, le rapporteur, le ministre. – Rejet des trois amendements.
Adoption, par scrutin public, de l'article.
Amendement n° 120 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendements nos 112 à 114 de M. Robert Badinter. – MM. Robert Badinter, le rapporteur, le ministre. – Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.
Amendement n° 119 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 111 de M. Robert Badinter. – MM. Robert Badinter, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 110 de M. Robert Badinter. – MM. Robert Badinter, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 109 de M. Robert Badinter. – MM. Robert Badinter, le rapporteur, le ministre, François Pillet, rapporteur pour avis. – Rejet.
Adoption de l'article.
Mme Virginie Klès.
Adoption de l'article.
Articles 16 ter à 16 quinquies. – Adoption
Amendement n° 118 de Mme Michelle Demessine. – MM. Michel Billout, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
MM. Robert del Picchia, Jean-Pierre Chevènement, Mme Michelle Demessine, MM. Didier Boulaud, le rapporteur, le ministre.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.
11. Dépôt de documents parlementaires
12. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
13. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Roger Romani
vice-président
Secrétaires :
M. François Fortassin,
M. Philippe Nachbar.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Dépôt d'un rapport en application d’une loi
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de Mme Marianne Lévy-Rosenwald, présidente du Conseil de surveillance du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le rapport d’activité pour 2008 de ce fonds, établi en application de l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il sera transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.
3
Programmation militaire pour les années 2009 à 2014
Suite de la discussion d'un projet de loi
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense (nos 462, 514 et 513).
Je rappelle qu’hier soir nous avons commencé la discussion de l’article 2.
Article 2 (suite)
Est approuvé le rapport annexé à la présente loi, qui fixe les orientations relatives à la politique de défense et aux moyens qui lui sont consacrés au cours de la période 2009-2014 et précise les orientations en matière d'équipement des armées à l'horizon 2020.
RAPPORT ANNEXÉ
La loi de programmation militaire 2009-2014 couvre la première étape de la mise en œuvre de la nouvelle stratégie de sécurité nationale définie par le Livre blanc. Elle :
- amorce une réforme profonde des armées, cohérente avec l'évolution de l'environnement international et qui se traduit en particulier par de nouveaux contrats opérationnels ;
- poursuit et adapte la modernisation des forces, avec une priorité marquée à la fonction connaissance et anticipation, à la dissuasion, à la protection des forces terrestres et à l'amélioration de la disponibilité des matériels les plus utilisés en opérations ;
- vise à disposer des ressources humaines nécessaires, en nombre et en compétences ;
- accorde une attention particulière à l'accompagnement des restructurations qui seront mises en œuvre ;
- s'inscrit dans un contexte de maîtrise des finances publiques.
À périmètre constant 2008, une enveloppe de 377 milliards d'euros 2008 est consacrée à la mission Défense sur douze années. 185,9 milliards d'euros 2008 sont alloués à la loi de programmation militaire 2009-2014. Cette loi de programmation militaire permet ainsi de maintenir la France parmi les premières nations d'Europe dans le domaine de la défense.
1 La politique de défense dans la stratégie de sécurité nationale de la France
1.1 La mondialisation et la nouvelle stratégie de sécurité nationale
La politique de défense de la France doit s'adapter à l'impact croissant de la mondialisation sur la modification des rapports de force internationaux, la transformation des échanges économiques et les accélérations de la circulation de l'information et de la connaissance. Le monde n'est pas nécessairement devenu plus dangereux qu'autrefois mais il est plus instable, plus imprévisible et les évolutions de notre environnement peuvent être brutales.
Quatre zones géographiques joueront un rôle critique pour la sécurité de la France dans les années à venir : l'arc de crise s'étendant de l'Atlantique à l'ouest de l'Afrique jusqu'à l'océan Indien, le continent européen, l'Afrique sub-saharienne et l'Asie, vers laquelle se déplace progressivement le centre de gravité stratégique et où sont identifiés plusieurs risques de conflits majeurs.
Par rapport à la décennie précédente, notre politique de défense devra prendre en compte plusieurs infléchissements :
- la France, son territoire et sa population sont directement exposés à des menaces à caractère militaire ou quasi-militaire, en particulier le terrorisme d'inspiration djihadiste, le développement de missiles balistiques de longue portée par de nouvelles puissances, les conséquences des crises dans les zones d'intérêt stratégique ;
- les moyens de l'information, de l'anticipation et de la prévention des crises n'ont probablement jamais été aussi développés ;
- le risque d'implication de notre pays et des pays européens ou alliés dans une guerre interétatique ne peut cependant être exclu à l'horizon de quinze ans ;
- les sollicitations des armées françaises sur les théâtres extérieurs dans des opérations de stabilisation resteront nombreuses ; elles conduiront à des déploiements dans des environnements exigeants ; ces engagements devront respecter les principes directeurs d'intervention extérieure énoncés dans le Livre blanc et recevoir le soutien de la Nation.
Dans ce contexte, la défense devra assurer la sécurité de la Nation face aux risques d'agression armée, le respect de nos engagements internationaux en matière de défense, la contribution de la France au maintien de la paix et de la sécurité internationales, la participation à la protection de la population sur le territoire, en appui des dispositifs de sécurité intérieure et de sécurité civile, et à l'étranger.
1.2 L'ambition européenne et internationale de la France
L'ambition européenne et internationale est au cœur de la vocation de la France dans le monde. Elle contribue à rendre le système international plus équilibré et plus légitime, et à en renforcer la crédibilité, notamment celle des instruments de la sécurité collective, au premier chef, l'Union européenne, les Nations Unies et l'Alliance atlantique.
1.2.1 L'ambition européenne
La France prend part à la politique européenne de sécurité et de défense commune, conduisant à la définition d'une politique de défense commune de l'Union européenne.
L'Union européenne doit s'affirmer comme un acteur majeur de la gestion des crises et de la sécurité internationale. Elle s'est en ce sens fixé des objectifs concrets pour les prochaines années.
Une capacité d'intervention globale de 60 000 hommes, déployables pendant un an sur un théâtre éloigné, avec les composantes aériennes et maritimes nécessaires, doit être ainsi effectivement développée. L'Union européenne devra être en mesure de conduire simultanément deux à trois opérations de maintien ou de rétablissement de la paix, et plusieurs opérations civiles moins importantes, sur des théâtres différents. Elle devra rechercher la mutualisation de certains moyens européens. Les capacités européennes de planification et de conduite d'opérations, militaires et civiles, monteront en puissance.
L'accent sera mis sur le renforcement de l'industrie de défense européenne. Les objectifs de la programmation contribueront au plan de développement des capacités élaboré par l'Agence européenne de défense (AED) en liaison avec l'état-major de l'Union européenne. Les coopérations recherchées ne seront pas seulement industrielles, mais aussi structurelles et opérationnelles. Des règles communes pour le marché des équipements de défense seront mises en place.
L'Union européenne doit devenir également un acteur efficace de protection contre les risques affectant le territoire de ses États membres et leur population.
La France fera des propositions à ses partenaires afin de développer un esprit de défense européen.
1.2.2 La rénovation de la relation transatlantique
La France s'engage en faveur de la rénovation de l'OTAN, qui ira de pair avec le renforcement de l'Union européenne dans le domaine de la gestion des crises et la recherche d'un meilleur partage des responsabilités entre Américains et Européens au sein de l'Organisation atlantique. L'OTAN et l'Union européenne sont toutes deux nécessaires face aux menaces et aux crises ; elles sont complémentaires. Le renforcement de la politique de sécurité et de défense commune et la rénovation de l'OTAN constituent donc les deux volets d'une même démarche.
Le rapprochement avec la structure de commandement de l'OTAN s'effectue dans le respect des principes suivants : indépendance complète de nos forces nucléaires ; liberté d'appréciation des autorités françaises, impliquant absence d'automaticité dans nos engagements militaires et maintien des moyens de l'autonomie stratégique, notamment par l'accroissement de nos capacités de renseignement ; enfin, liberté permanente de décision, qui suppose qu'aucune force française ne soit placée en permanence, en temps de paix, sous le commandement de l'OTAN.
1.2.3 Le multilatéralisme demeure un principe fondateur
Le multilatéralisme est au cœur de la politique de la France. La France soutient l'action des Nations unies. Membre permanent du Conseil de sécurité, elle estime essentiel de rénover et de renforcer les institutions internationales. Elle s'engage à ce titre en faveur d'une réforme du Conseil de sécurité permettant d'élargir celui-ci aux puissances qui ont la capacité et la volonté de contribuer à la paix et à la sécurité internationales. Elle apporte son soutien aux organisations régionales de sécurité.
1.3 Les cinq grandes fonctions stratégiques
La stratégie de sécurité nationale s'articule autour de cinq fonctions stratégiques : connaissance et anticipation, prévention, dissuasion, protection et intervention. La combinaison de ces différentes fonctions doit pouvoir évoluer en s'adaptant aux modifications de l'environnement stratégique.
La connaissance et l'anticipation sont une priorité. Elles garantissent notre autonomie de décision et permettent à la France de conserver l'initiative stratégique.
La dissuasion nucléaire demeure un fondement essentiel de la stratégie nationale. Elle est la garantie ultime de la sécurité et de l'indépendance de la France. Elle a pour fonction d'empêcher une agression d'origine étatique contre les intérêts vitaux du pays, d'où qu'elle vienne et quelle qu'en soit la forme.
La protection de la population et du territoire est au cœur de notre stratégie en raison du développement de nouvelles vulnérabilités. Elle doit prendre en compte l'évolution des menaces, notamment terroristes.
Nos capacités de prévention des conflits et d'intervention seront concentrées sur les zones où les risques impliquant les intérêts stratégiques de la France et de l'Europe sont les plus élevés. L'axe géographique prioritaire va de l'Atlantique au Golfe arabo-persique et à l'océan Indien.
1.4 Objectifs et contrats opérationnels
La politique de défense et de sécurité se décline pour chaque fonction stratégique en objectifs et en contrats opérationnels. Ceux-ci orientent l'organisation et dimensionnent les capacités que les armées doivent pouvoir mettre en œuvre.
Il s'agit :
- pour la fonction connaissance et anticipation, d'assurer la connaissance des risques, des menaces et des ruptures potentielles de tous types et d'anticiper les crises en renforçant en particulier les capteurs spatiaux et en développant une capacité de détection des tirs de missiles balistiques et d'alerte ;
- pour la fonction dissuasion, d'assurer la posture fixée par le Président de la République avec au moins un sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) à la mer en permanence, des moyens de sûreté assurant la liberté d'action des SNLE, une capacité de frappe aérienne nucléaire disponible en permanence et des moyens d'accompagnement et de soutien de la composante aéroportée ;
- pour la fonction prévention, de disposer de forces prépositionnées articulées à terme en deux points d'appui sur les façades occidentale et orientale de l'Afrique et pouvant intervenir dans la bande sahélienne, d'une présence renforcée (avec au moins une base) dans le Golfe arabo-persique et d'une capacité de projection régionale dans certains DOM-COM (Antilles-Guyane, La Réunion, Nouvelle-Calédonie) ;
- pour la fonction protection, de contribuer à la protection de la population sur le territoire national et à la résilience de la Nation, face aux risques et aux menaces de toute nature, en particulier terroristes, en :
- renforçant la sécurité des installations d'importance vitale, des mouvements sur le territoire et de l'accès à celui-ci (jusqu'à 10 000 hommes des forces terrestres) ;
- renforçant en métropole le dispositif de défense aérienne et de sauvegarde maritime ;
- soutenant le dispositif de sécurité intérieure et de sécurité civile, notamment avec des capacités spécifiques (transports, santé, aide au déploiement, NRBC...) ;
- pour la fonction intervention, de contribuer à la sécurité internationale en participant à des opérations de stabilisation et de maintien de la paix et d'être en mesure de faire face à un conflit majeur à l'extérieur du territoire dans un cadre multinational. Les armées doivent ainsi être capables de projeter (jusqu'à 7 000 à 8 000 kilomètres) :
- en six mois, une force terrestre pouvant aller jusqu'à 30 000 hommes pour une durée d'un an, suivie d'une action de stabilisation ;
- une force aérienne de combat de 70 avions ;
- une force navale ou aéronavale de combat de 2 à 3 groupes d'intervention.
Les armées doivent en outre tenir prête en permanence et sous bref préavis une capacité de réaction pouvant être engagée dans un cadre national ou multinational et constituée d'unités d'intervention terrestre (5 000 hommes), aérienne et maritime et des forces de présence et de souveraineté.
2 La programmation militaire 2009-2014
La présente loi de programmation militaire décline en objectifs de programmation et pour la période 2009-2014 les priorités définies par le Livre blanc. Elle donne un éclairage pour les années suivantes.
2.1 La priorité donnée à la nouvelle fonction connaissance et anticipation
La fonction connaissance et anticipation donne aussi bien aux responsables politiques qu'aux chefs militaires et aux responsables de la sécurité intérieure et de la sécurité civile les éléments de prévision, d'appréciation de situation et d'éclairage de l'action, les outils d'aide à la décision et de commandement et les moyens de contrôle de l'action ; elle contribue à l'autonomie nationale stratégique.
La fonction couvre cinq domaines : le renseignement, la connaissance des zones d'opérations potentielles, l'action diplomatique, l'analyse prospective, la maîtrise de l'information.
L'espace fera l'objet d'un effort spécifique. Les ressources allouées à ce domaine seront progressivement doublées en moyenne annuelle d'ici 2020. Il sera par ailleurs créé un commandement interarmées de l'espace sous l'autorité du chef d'état-major des armées.
Le réseau internet étant devenu crucial pour la sécurité de la France, les moyens techniques de l'État dans ce domaine seront renforcés et, corrélativement, le nombre de spécialistes sera accru.
2.1.1 Le renseignement
2.1.1.1 Ressources humaines
La priorité accordée aux ressources humaines se traduira par un renforcement des effectifs, de l'ordre de 700 personnes. L'effort de recrutement concernera les domaines de la lutte anti-terroriste, de la contre-prolifération, de la lutte contre la criminalité organisée, du contre-espionnage et de la lutte contre l'ingérence économique.
La gestion sera harmonisée et davantage croisée entre services et entre ministères, notamment dans les domaines du recrutement et de la formation. Les parcours de carrière offriront plus de possibilités de mobilité entre les services.
Des filières de formation commune seront créées ; la future académie du renseignement y contribuera.
2.1.1.2 Équipements
Le renseignement s'appuie sur un ensemble cohérent d'équipements depuis le niveau stratégique (satellite d'observation MUSIS et d'écoute CERES...), jusqu'au niveau des théâtres d'opération (nacelles ROEM aéroportées, drone longue endurance SDM) et au niveau tactique (drones tactiques SDT/SDAM, nacelles RECO NG, systèmes de guerre électronique...).
L'exploitation des grands équipements fera l'objet d'une mise en commun systématique entre les services de renseignement.
Observation spatiale
Les satellites d'observation sont les seuls systèmes à offrir une capacité non intrusive d'observation régulière en tout point du globe.
La France dispose actuellement des satellites Hélios 2 (imagerie optique et infrarouge) et d'un accord d'échange d'images avec l'Allemagne (système d'imagerie radar SAR Lupe) depuis début 2008. Ces moyens seront complétés et améliorés dans le domaine de l'optique visible par le système Pléiades (satellites optiques à usage dual) à partir de 2010 et par un accord d'échange d'images avec l'Italie (système d'imagerie radar Cosmo Skymed) à partir de 2009.
Le projet européen MUSIS renouvellera ces capacités, en coopération avec l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, la Belgique et la Grèce. Il fédérera les futurs projets nationaux en un programme international commun. Cette organisation autorise une coopération opérationnelle et stratégique plus intégrée. Trois satellites optiques permettant d'atteindre les plus hautes résolutions seront lancés par la France entre 2015 et 2018. Des satellites radars devraient être lancés par nos partenaires.
Écoute
Les systèmes spatiaux d'écoute électromagnétique contribuent à la détection, l'évaluation et le suivi des menaces et à la connaissance des théâtres d'intérêt stratégique ou opérationnel. Ils permettent d'orienter d'autres capteurs et d'élaborer des contre-mesures électroniques.
Le démonstrateur Essaim, mis en orbite en décembre 2004, fonctionnera jusqu'en 2009. Les résultats technologiques et opérationnels obtenus ont confirmé l'intérêt d'un deuxième démonstrateur, Elisa, qui offrira aussi une capacité préopérationnelle (mise en orbite début 2010 pour une expérimentation d'au moins trois ans).
Le système opérationnel Ceres (segment satellitaire et segment sol) bénéficiera de l'ensemble de ces avancées technologiques. En préparation depuis 2007 et ouvert à la coopération européenne, il sera mis en service opérationnel en 2016.
Observation et écoute embarquées, drones
Les capteurs aéroportés embarqués sur drones et aéronefs, les capteurs navals et les moyens au sol destinés en particulier à la surveillance et à l'analyse des zones d'engagement des forces terrestres seront modernisés.
Les systèmes drones feront l'objet d'un effort qui portera à la fois sur le segment « moyenne altitude longue endurance » et sur le segment tactique, pour des missions d'observation, de reconnaissance et de surveillance électronique, voire d'appui au sol.
Le système intérimaire de drone moyenne altitude longue endurance (SIDM) est entré en service en 2008. La composante de minidrone (DRAC) pour l'appui des unités de combat, qui doit comprendre une centaine de systèmes d'ici 2010, est en cours de livraison.
L'expérience acquise permettra de mieux cerner les options qui se présentent, tant pour les performances (capteurs, endurance, armement éventuel) que pour les coopérations (industrielles et opérationnelles). La stratégie d'acquisition à venir combinera les acquisitions de matériels existants adaptés aux opérations en cours, les locations de services et le développement de moyens tactiques et de théâtre, le cas échéant en coopération européenne.
Des ressources sont prévues pour les locations de services et les achats de matériels existants dans un premier temps, les développements dans un second temps. Elles seront réparties au plus tard en 2010, en fonction de l'affinement des analyses opérationnelles et techniques.
Les moyens aéroportés s'articuleront également autour des nacelles de reconnaissance et de guerre électronique sur avions de combat et sur avions gros porteurs A400M et Atlantique 2.
Les pods de guidage laser et autres capteurs optroniques aéroportés sont aussi utilisables pour des missions de reconnaissance en temps réel.
2.1.2 La connaissance des zones d'opérations potentielles
La connaissance des zones d'opérations potentielles sera renforcée par l'emploi des moyens de renseignement et par la présence de nos forces navales, aériennes et terrestres dans les zones jugées prioritaires.
Données géophysiques
Les données géophysiques nécessaires aux systèmes d'armes comme aux forces seront fournies par une organisation interarmées (centre de géographie interarmées, centre interarmées de soutien météo-océanographique des forces) et le programme GEODE 4D à l'ensemble des acteurs civils et militaires de la défense et de la sécurité.
Le système européen Galileo apportera une source indépendante de positionnement et de datation. Le programme Omega permettra le double emploi des signaux de Galileo et du système américain GPS. Ils renforceront notre autonomie et notre interopérabilité.
2.1.3 La prospective
Pour évaluer, anticiper et orienter, le champ d'application de la prospective sera élargi (géostratégie, géopolitique, sciences sociales et économiques, recherche scientifique...). La cohérence sera renforcée au sein du ministère de la défense et dans un cadre interministériel.
2.1.4 La maîtrise de l'information
La maîtrise de l'information conditionne notre autonomie stratégique. Elle repose sur des capacités de transmission, sur l'interopérabilité de nos capacités, sur la protection, sur la valorisation et la vérification des informations. Les transmissions opérationnelles satellitaires en sont la capacité la plus structurante.
2.2 La dissuasion, garantie ultime de la sécurité et de l'indépendance de la France
La dissuasion nucléaire a pour objectif d'empêcher tout État de croire qu'il pourrait porter atteinte aux intérêts vitaux de la Nation sans s'exposer à des risques pour lui inacceptables.
La crédibilité de la dissuasion nucléaire repose sur la possibilité pour le chef de l'État de disposer, de façon indépendante, d'une gamme d'options suffisamment large et de moyens adaptés à une grande diversité de situations. Ces moyens disposent de l'environnement nécessaire à leur mise en œuvre autonome et en sûreté.
La modernisation des deux composantes, engagée depuis dix ans, sera poursuivie.
2.2.1 L'adaptation continue au contexte géopolitique et aux menaces potentielles
Les moyens de la dissuasion nucléaire seront régulièrement adaptés à l'évolution des menaces potentielles. Deux composantes différenciées et complémentaires seront maintenues. Ces adaptations se poursuivront dans le respect du principe de stricte suffisance. Le nombre d'armes nucléaires, de missiles et d'avions de la composante aéroportée sera réduit d'un tiers. Après cette réduction, l'arsenal de la France comprendra moins de 300 têtes nucléaires.
2.2.2 Les capacités
2.2.2.1 Composante océanique
La permanence de la composante océanique sera assurée par quatre sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE). Leur invulnérabilité devra être préservée. Ils seront progressivement armés, à partir de 2010, de missiles intercontinentaux M51 équipés de têtes nucléaires TN75. Ces têtes seront remplacées à partir de 2015 par les têtes nucléaires océaniques (TNO) adaptées à de plus longues portées.
Le renouvellement de la flotte des sous-marins de la composante océanique s'achèvera en 2010 avec la livraison du quatrième SNLE NG, « Le Terrible », en version M51. À partir de 2010, les trois premiers SNLE NG seront à leur tour adaptés au M51. Des efforts de modernisation seront entrepris pour assurer la sûreté de la composante océanique. Le renouvellement des SNA et des frégates anti-sous-marines et le maintien des capacités des avions de patrouille maritime constitueront à cet égard une priorité.
2.2.2.2 Composante aéroportée
La composante aéroportée bénéficiera de la mise en service du Rafale et de missiles air-sol moyenne portée améliorés (ASMPA) équipés d'une nouvelle tête nucléaire aéroportée (TNA).
Les Mirage 2000 N K3 et les Rafale porteurs de l'ASMPA rentreront progressivement en service à partir de 2009. Le premier escadron Rafale à capacité nucléaire sera opérationnel en 2010. Le Charles de Gaulle pourra mettre en œuvre l'ASMPA en 2009.
Afin d'assurer l'accompagnement et le soutien de la composante aéroportée, les ravitailleurs en vol en service seront rénovés dans l'attente de l'entrée en service du Multi Role Tanker and Transport (MRTT).
2.2.2.3 Maintien de la crédibilité technique
L'efficacité de la dissuasion repose en particulier sur la crédibilité des armes et le maintien de filières technologiques de haut niveau.
Le maintien de la capacité à fabriquer des armes fiables et sûres reposera sur la poursuite du programme de simulation s'appuyant sur le laser mégajoule (LMJ), les moyens de radiographie des armes et les moyens de calcul intensif numérique.
Les compétences nationales développées dans le domaine des missiles, notamment balistiques, et des sous-marins nucléaires seront préservées.
2.2.2.4 Capacités de transmissions
Les transmissions nucléaires permanentes, sûres et résistantes seront adaptées pour apporter la souplesse nécessaire à la stratégie de dissuasion.
2.3 Le recentrage de la prévention
La fonction prévention a pour objet, en agissant en amont, d'éviter l'apparition ou l'aggravation des crises. Elle fait appel à un ensemble de capacités diplomatiques, économiques, militaires et juridiques.
2.3.1 Vers un recentrage du dispositif prépositionné
Nos capacités de prévention des conflits et d'intervention reposent en particulier sur un dispositif de forces prépositionnées ou prédéployées dans les espaces internationaux. Ce dispositif sera concentré sur les zones d'intérêt prioritaire.
En Afrique, il sera réorganisé autour de deux pôles, un sur chaque façade, atlantique et orientale, tout en préservant une capacité de prévention dans la zone sahélienne. L'objectif est de privilégier une relation de partenariat visant à renforcer la sécurité et à développer les capacités africaines de maintien de la paix dans une perspective régionale et européenne.
Dans le Golfe arabo-persique, les points d'appui français seront renforcés, en particulier aux Émirats arabes unis.
Des moyens importants seront affectés en Guyane, en particulier au bénéfice du centre spatial guyanais et de la lutte contre les activités illicites.
2.3.2 Les accords de défense
La liste des accords de défense a été rendue publique. Le Parlement sera désormais informé de la conclusion et des orientations de ces accords.
Les conventions ou les clauses relatives aux possibilités d'intervention de la France dans des missions de maintien de l'ordre, figurant dans certains accords bilatéraux, seront abrogées.
2.3.3 La lutte contre les trafics
La lutte contre les trafics doit permettre de neutraliser les réseaux avant qu'ils n'opèrent dans l'espace européen.
L'action de l'État dans la zone caraïbe, à l'ouest de l'Afrique, en Méditerranée et dans l'océan Indien, s'appuiera sur des capacités de surveillance et d'intervention dans les espaces terrestre, aérien et maritime, en particulier en haute mer. La coordination européenne sera renforcée.
2.3.4 La lutte contre la prolifération et la maîtrise des armements
En matière de lutte contre la prolifération, la prévention repose sur le renforcement du régime international de maîtrise des armements, le contrôle des exportations, l'entrave et le renseignement. Sur le plan militaire, elle se traduit par des mesures de surveillance et de protection et par le renforcement du contrôle des accords de désarmement.
L'acquisition d'une capacité de détection et d'alerte avancée contribuera à la lutte contre la menace balistique.
De plus, l'accent sera mis sur la capacité à détruire, en sécurité, des installations biologiques, chimiques et nucléaires illicites, ainsi que sur les moyens de défense et de protection, notamment biologiques.
2.4 La protection au cœur de la stratégie de la France
L'objectif de la fonction protection dans les années à venir est d'assurer une mission permanente de protection de la population et du territoire, de renforcer la résilience de la société et des institutions et d'améliorer les moyens de gestion de crise et de réaction rapide des pouvoirs publics. À cette fin, sont fixés des contrats opérationnels et des objectifs pour les armées et pour le dispositif de sécurité intérieure et de sécurité civile. La coopération européenne dans ce domaine sera renforcée.
2.4.1 Capacités de protection et d'intervention sur le territoire national
Les capacités de réaction rapide des pouvoirs publics en cas de crise majeure sur le territoire national seront développées. Les efforts porteront sur le renforcement des moyens de gestion interministérielle des crises, sur le rapprochement des structures de planification et de conduite des opérations de sécurité intérieure et de sécurité civile et sur l'accroissement de la coopération civilo-militaire dans les zones de défense et de sécurité.
2.4.1.1 Le contrat opérationnel de protection
Pour contribuer à la réponse à des crises majeures, les armées mettront en œuvre une force terrestre pouvant, si nécessaire, monter jusqu'à 10 000 hommes en quelques jours.
Ces moyens permettront de contribuer en priorité à la sécurité des points d'importance vitale, à la liberté des voies de communication ainsi qu'au contrôle de l'accès du territoire.
De plus, il pourra être fait appel à des capacités militaires spécifiques dans les domaines de l'aéromobilité, de l'aérotransport, du génie, de la santé, du NRBC, des liaisons et du soutien logistique.
Parallèlement, les armées devront pouvoir assurer un renforcement de la posture permanente de sûreté aérienne (jusqu'à 6 patrouilles opérationnelles, et 4 patrouilles opérationnelles spécialisées dans la lutte contre les aéronefs lents) et renforcer la posture permanente de sûreté maritime en déployant 1 frégate, 2 chasseurs de mines et 1 avion de patrouille maritime sur chacune des trois façades maritimes.
2.4.1.2 Réseaux de transmission d'infrastructure
Les réseaux de transmission d'infrastructure sur le territoire national seront adaptés pour renforcer leur capacité de résistance, en cas de crises, et pour améliorer l'interopérabilité des moyens civils et militaires. L'opération SOCRATE NG rationalisera et fédérera à partir de 2012 l'ensemble des réseaux. Un mode d'acquisition et de gestion des réseaux en partenariat public-privé sera recherché.
2.4.2 Capacités de contrôle et de surveillance des espaces nationaux et de leurs approches
2.4.2.1 Sauvegarde maritime
La sauvegarde maritime participe à la fonction protection et aux missions d'action de l'État en mer. Elle s'appuie sur un ensemble de moyens armés par la marine et par la gendarmerie maritime.
Huit bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers (BSAH) remplaceront à partir de 2014 la flotte actuelle, leur caractère dual permettant d'envisager un contrat de partenariat avec l'État.
SPATIONAV, qui fédère et redistribue les informations des senseurs, est en cours de déploiement sur l'ensemble des façades maritimes métropolitaines ainsi qu'aux Antilles-Guyane. La version suivante, mise en service à partir de 2011, intégrera de nouveaux capteurs et sera interconnectable avec les systèmes équivalents européens.
La plupart des moyens de surveillance et d'intervention maritime devant être retirés du service dans les années à venir, la capacité sera maintenue grâce à la conversion en patrouilleurs hauturiers des 9 avisos A69 à partir de 2009 et à la conversion en avions de surveillance maritime de 4 Atlantique 2 et des 4 Falcon 50 retirés de la flotte à usage gouvernemental.
À plus longue échéance, de nouveaux patrouilleurs hauturiers seront livrés à partir de 2017. Le renouvellement des capacités aériennes de surveillance et d'intervention maritime est prévu à partir de 2018.
2.4.2.2 Sûreté aérienne
L'effort portera dans les années à venir sur l'amélioration des capacités de surveillance. La surveillance du ciel et des approches du territoire repose sur un ensemble de radars, de centres de conduite et un centre de commandement développé et entretenu par le programme SCCOA (système de commandement et de conduite des opérations aériennes). Ce système concourt aussi à l'entraînement et à l'engagement des forces aériennes, à la sécurité des usagers civils et militaires de l'espace aérien et au service public. Le programme SCCOA amènera les centres français de détection et de contrôle au standard OTAN d'ici 2014 et engagera le renouvellement des radars, prioritairement les radars haute et moyenne altitude.
Le dispositif permanent de sûreté permet la détection, l'identification et l'interception par des avions de combat ou des hélicoptères de tout aéronef. Des accords établis avec nos voisins européens prévoient la continuité de ces actions en dehors de l'espace aérien français.
Les avions de détection et de commandement aéroportés de l'armée de l'air et de la marine seront modernisés.
2.4.2.3 Surveillance de l'espace extra-atmosphérique
La France, et plus généralement l'Europe, ont besoin d'une meilleure sécurité en orbite pour leurs satellites civils et militaires et d'une surveillance de la militarisation de l'espace.
La France constituera à cette fin, d'ici 2014, une capacité opérationnelle nationale à partir du radar GRAVES. Celle-ci sera améliorée dans un cadre européen par :
- la recherche d'un couplage avec le système allemand de trajectographie TIRA sur la base de la coopération lancée en 2007 ;
- le programme SSA (space situational awareness : surveillance et trajectographie des objets et débris en orbite ; météorologie spatiale ; identification des satellites) proposé par l'Agence spatiale européenne.
2.4.3 Capacités permettant de répondre à l'évolution des risques
2.4.3.1 Détection et alerte avancée
Face aux menaces balistiques potentielles, la capacité de détection et d'alerte avancée permettra de surveiller les essais conduits par les États, de renforcer la dissuasion par une meilleure connaissance des agresseurs potentiels et d'alerter les populations.
Ces systèmes font appel, d'une part à des moyens de surveillance spatiaux géostationnaires infrarouge, d'autre part à des radars terrestres à très longue portée pouvant détecter et trajectographier les missiles.
Les études amont et l'exploitation des informations collectées par les deux microsatellites SPIRALE (système préparatoire infrarouge pour l'alerte) lancés en 2009 seront accélérées pour permettre le lancement au plus tard en 2012 de la conception et de la réalisation des radars et satellites. L'entrée en service opérationnel de radars de très longue portée interviendra autour de 2015, celle du premier satellite opérationnel d'ici 2019.
Compte tenu de son intérêt stratégique pour l'Europe, une coopération européenne est recherchée sur le programme de détection et d'alerte avancée.
2.4.3.2 Sécurité de l'information
La menace informatique est désormais une préoccupation majeure. La défense informatique combinera protection des systèmes, surveillance, réaction rapide et action offensive de rétorsion. La protection des réseaux sera coordonnée par une agence de la sécurité des systèmes d'information placée sous la tutelle du futur secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).
Le ministère de la défense renforcera ses moyens et son organisation et développera des outils de veille, d'alerte et de réponse aux agressions informatiques.
2.4.3.3 Protection NRBC
Les capacités de protection NRBC des armées et du service de santé (SSA) sont également conçues pour contribuer à la protection des populations. Dans ce domaine, la recherche d'une meilleure interopérabilité entre les moyens des ministères de l'intérieur et de la défense est une priorité.
La modernisation des unités NRBC sera achevée en 2010. Ainsi, le régiment NRBC de Fontevraud disposera de 1 000 spécialistes, capables notamment d'armer 12 équipes de reconnaissance et d'évaluation et 6 détachements de liaison au profit des états-majors de zone de défense.
Les capacités de détection et d'analyse des menaces biologiques seront renforcées avec le programme DETECBIO (détection et identification des agents biologiques) : 3 équipements seront livrés en 2012 et 2013 et 6 ultérieurement, permettant de détecter plus d'agents avec des techniques encore plus fiables.
Un système intégré NRBC coordonnera l'ensemble des moyens NRBC du ministère de la défense à partir de 2015.
La coordination civilo-militaire sera renforcée par :
- la création d'un comité stratégique interministériel de défense NRBC, qui veillera à coordonner les efforts de recherche, à garantir une identification partagée des menaces et des risques, et à développer les entraînements et les exercices en commun ;
- la création d'un centre national de formation et d'entraînement NRBC civil et militaire commun aux ministères de l'intérieur et de la défense ;
- le renforcement de l'interopérabilité entre unités de protection NRBC civiles et militaires.
2.4.4 Réorganisation du dispositif de souveraineté dans les DOM-COM
Les moyens militaires dans les DOM-COM seront redéployés et leur niveau redéfini en fonction de leurs missions de souveraineté et de leur contribution à la lutte contre cinq risques majeurs : les catastrophes naturelles, les atteintes à la sécurité du centre spatial guyanais, le narcotrafic, les flux migratoires illégaux, le pillage des ressources naturelles. Certaines des missions de service public que remplissaient les armées seront donc progressivement confiées à la gendarmerie nationale et à la sécurité civile qui se doteront des équipements correspondants.
Ce dispositif sera organisé par théâtres : Antilles-Guyane, zone sud de l'océan Indien, Pacifique. Au total, les effectifs militaires diminueront en moyenne de 40 % d'ici 2011.
2.5 L'intervention sur un spectre large d'opérations
L'engagement de moyens militaires et civils pour faire cesser une atteinte majeure à la sécurité nationale, ou pour remplir nos engagements internationaux en cas de guerre ou de crise internationale revêtira des formes très diverses depuis les opérations spéciales jusqu'à des opérations majeures. L'intervention des armées aura donc souvent comme corollaire un renforcement de la protection sur le territoire national. En toutes circonstances, une capacité d'action d'urgence devra être préservée. L'implication de la France dans une guerre entre États ne peut être exclue compte tenu des caractéristiques de l'environnement international.
Le plus souvent, les opérations auront également une dimension civile. Le Gouvernement présentera, dans les six mois suivant l'adoption de la présente loi, un rapport sur les voies à suivre pour moderniser la coopération civilo-militaire (CIMIC) afin de permettre aux forces armées de mieux s'intégrer dans leur environnement. La plupart de ces opérations auront lieu dans un cadre multinational.
Les interventions des forces armées à l'étranger feront l'objet d'un examen régulier en conseil de défense et de sécurité nationale pour examiner, en fonction de l'évolution de la situation internationale, leurs perspectives politique et diplomatique, leur efficacité militaire et leurs coûts.
L'effort d'équipement des armées s'articulera en deux phases : 2009-2014, correspondant à la présente loi, puis 2015-2020.
2.5.1 Première phase (2009-2014)
Durant la première phase (2009-2014), l'accent sera mis sur la remise à niveau des moyens de combat, en particulier des moyens terrestres.
2.5.1.1 La modernisation de l'outil de combat aéroterrestre et la protection des forces terrestres
Les efforts porteront en priorité sur la protection des forces, la numérisation de l'espace opérationnel, le rétablissement de la capacité aéromobile et l'acquisition de capacités de frappe de précision dans la profondeur.
L'opération d'ensemble Scorpion vise à renouveler l'ensemble des moyens du combat de contact terrestre comme un tout cohérent et évolutif, capable de s'adapter aux changements du contexte stratégique. L'objectif est d'équiper environ 3 brigades pour 2014 et d'engager la modernisation de 5 autres brigades.
Une attention particulière sera apportée aux programmes de cohérence opérationnelle attachés à cette capacité. Ils comprennent notamment les moyens de simulation pour la formation ou l'entraînement opérationnel, les capteurs optroniques terrestres, les munitions de tous types et les maîtrises techniques des équipements.
Protection des forces terrestres
Elle fait l'objet d'une importante priorité, à la fois par l'acquisition de capacités nouvelles (VBCI, Félin, PPT) et par le renforcement du matériel en service (acquisitions de brouilleurs et de surprotections des véhicules déployés). Pour l'accompagnement de convois, une quinzaine de véhicules très fortement protégés sera acquise en 2009 et 2010.
Des systèmes intégrés de protection et d'alerte des unités terrestres en stationnement (Spectre) seront livrés durant la période couverte par la loi de programmation militaire.
Par ailleurs, pour répondre à la menace des engins explosifs improvisés, une opération d'armement Carape a été lancée pour coordonner les achats d'urgence ou le développement de brouilleurs, de surprotection des véhicules, de leurres, d'engins d'ouverture d'itinéraire et de moyens de renforcement de la protection des camps.
Le soutien Santé du combattant sera maintenu à haut niveau. L'ensemble des processus de soutien santé sera numérisé et intégré dans les systèmes d'information et de commandement, dans le cadre du programme ISSAN (info structure santé).
Poursuite de la numérisation de l'espace de bataille (NEB)
La mise en réseau des systèmes d'armes et des combattants est un facteur de supériorité opérationnelle. Elle permet l'accélération du rythme des opérations. 5 brigades seront numérisées en 2014. La numérisation complète des forces terrestres sera achevée en 2020. Elle intégrera des capacités de guerre électronique au contact (détection, localisation, éventuellement brouillage), de surveillance et d'acquisition du champ de bataille dans la zone d'engagement des troupes au sol.
Infanterie et composante blindée
L'infanterie est la fonction opérationnelle la plus sollicitée par les opérations actuelles. Elle permet un contrôle direct et durable du milieu terrestre au sein des populations et dans les zones urbaines. Les équipements individuels du combattant (Félin), des véhicules protégés (véhicule blindé de combat d'infanterie - VBCI), permettant l'accès aux terrains difficiles (véhicule haute mobilité - VHM) et de transport protégé (véhicule blindé multirôle - VBMR) apporteront un niveau de protection et de fiabilité amélioré. 90 % des VBCI et 90 % des Félin seront livrés d'ici la fin de la programmation. Le remplacement des VAB (Véhicule de l'avant blindé) par 2 300 VBMR interviendra à partir de 2015.
La composante blindée permet d'emporter la décision dans les opérations d'entrée en premier. Elle constitue également un élément dissuasif et d'appui dans les crises. La rénovation progressive du char Leclerc interviendra à compter de 2015. L'engin blindé de reconnaissance de combat (EBRC), successeur de l'AMX 10 RCR, sera livré (292 chars) à partir de 2018.
Combat aéromobile
L'engagement des forces au contact nécessite le maintien d'une mobilité tactique assurée conjointement par les hélicoptères de manœuvre et les hélicoptères d'attaque (Gazelle Viviane, Tigre).
Les Gazelle, qui assurent actuellement l'ensemble des missions de combat aéromobile, seront progressivement remplacés par 80 Tigre à partir de 2008.
Appui (artillerie et génie)
L'artillerie sera en mesure de frapper dans la profondeur avec une portée et une précision améliorées, tout en limitant le risque de dommage collatéral.
Le canon CAESAR apportera une souplesse d'emploi et une portée accrues (40 kilomètres). 69 systèmes seront livrés d'ici 2011.
La transformation du lance-roquettes multiple (LRM) en lance-roquettes unitaire (LRU) fournira une capacité d'appui adaptée aux engagements actuels (capacité tout temps, précise et réactive jusqu'à 70 kilomètres). 26 lanceurs seront rénovés de 2010 à 2014.
La capacité d'appui à l'engagement des forces et d'aide au déploiement sera maintenue avec la revalorisation de l'Engin blindé du génie (EBG).
Surveillance et protection antiaérienne
La protection des forces engagées sera assurée par des missiles à très courte portée Mistral, dont la rénovation à mi-vie sera engagée, et par des missiles sol air moyenne portée (SAMP/T) dont la livraison sera accélérée.
Transport terrestre et transport logistique terrestre
Le porteur polyvalent terrestre (PPT) permet le ravitaillement des forces et l'évacuation des véhicules endommagés avec un meilleur niveau de protection des équipages. Environ 500 PPT seront livrés d'ici 2014.
Le petit véhicule protégé (PVP) permettra des déplacements en tout terrain protégés des tirs aux armes légères et des IED. La cible de PVP est de 1 500 dont près de 1 000 livrés d'ici 2011. Les livraisons seront achevées en 2014.
2.5.1.2 La résorption du déficit capacitaire en transport aérien stratégique et tactique
Le déficit capacitaire actuel sera progressivement comblé grâce au remplacement des aéronefs de transport tactiques C 160 Transall par des A 400M, et des avions ravitailleurs C 135 par des avions multi-rôle de ravitaillement en vol et de transport (MRTT).
Les cadences d'acquisition seront fixées d'ici 2010 et présentées au Parlement. Un partenariat public-privé est envisagé pour les MRTT.
Le recours à des procédures d'affrètement (accord cadre SALIS) contribuera à combler d'ici là une partie de cette lacune.
2.5.1.3 La résorption du déficit capacitaire en aéromobilité intrathéâtre
Le NH90 en version terrestre (tactical transport helicopter) constitue l'élément essentiel du renouvellement de la composante de transport aéromobile. 23 NH90-TTH seront livrés entre 2011 et 2014, la cible de 133 demeurant inchangée. En parallèle, 24 Cougar seront rénovés pour prolonger leur durée de vie. Dans le cadre du plan de relance, l'acquisition de 5 hélicoptères de manœuvre EC 725 permettra de compléter la flotte des 14 hélicoptères CARACAL en service.
2.5.1.4 La modernisation progressive de l'aviation de combat
Constituée aujourd'hui encore d'avions de différents types, pour les plus anciens spécialisés dans des missions particulières, l'aviation de combat évoluera vers un parc unique plus homogène d'avions modernes et polyvalents (Rafale et Mirage 2000). Les capacités de pénétration et de frappe en soutien des forces terrestres seront privilégiées.
De l'ordre de 50 Rafale seront livrés. Les cibles et cadences d'acquisition révisées seront fixées en 2010. Des Mirage 2000D multirôles remplaceront les avions spécialisés à partir de 2014. Enfin, les nouveaux pods d'acquisition et de désignation laser seront livrés en 2014.
2.5.1.5 La modernisation de la capacité de maîtrise du milieu sous-marin
Sous-marins nucléaires d'attaque
Les sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) apportent une contribution essentielle à la sûreté de la force océanique stratégique (FOST) et à la protection du groupe aéronaval. Ils participent également aux opérations spéciales, aux frappes dans la profondeur et à la maîtrise de l'espace aéro-maritime.
Le programme des 6 SNA Barracuda fait l'objet d'une priorité dans la période de programmation pour une première livraison en 2017. Ce programme permettra le remplacement des Rubis. Les Barracuda mettront en œuvre la torpille lourde, le missile de croisière naval et un moyen de mise en œuvre de nageurs de combat.
Frégates européennes multimissions
Les frégates européennes multimissions (FREMM) remplaceront les frégates de premier rang actuellement en service. Deux exemplaires seront livrés en 2012 et 2014.
Le programme de 11 FREMM permettra d'atteindre le format de 18 frégates de premier rang en 2023 (2Horizon, 11 FREMM, 5 La Fayette). Les FREMM embarqueront le missile de croisière naval (MdCN) à partir de 2013, le missile antinavires Exocet MM 40 B3, la torpille anti-sous-marine MU90, l'hélicoptère de combat anti-sous-marin NFH 90 et le missile de défense aérienne et anti-missiles Aster.
Hélicoptères de lutte anti-sous-marine
Le NFH90 (NATO Frigate Helicopter) version combat remplacera le Lynx sur les frégates de nouvelle génération Horizon et FREMM à raison d'un hélicoptère par frégate. Le NFH90 participera aussi aux missions de sauvetage en mer dans sa version soutien.
2.5.1.6 Adaptation de la capacité amphibie
La protection des bâtiments amphibies sera améliorée. La flotte de bâtiments de projection et de commandement (BPC) et des transports de chalands de débarquement (TCD) sera modernisée par la livraison d'engins de débarquement amphibies (EDA) destinés à renouveler la batellerie. Dans le cadre du plan de relance, un troisième BPC sera commandé dès 2009 et la livraison des EDA sera accélérée. En outre, des véhicules amphibies seront livrés dans le cadre du programme de véhicules de haute mobilité (VHM) dont les premières livraisons interviendront en 2011.
Un contrat de partenariat avec l'État portera sur la mise à disposition d'une capacité de transport maritime composée de 3 navires rouliers (Ro-Ro) à partir de 2008 puis de 5 navires à partir de 2013.
2.5.1.7 Mise à niveau des stocks de munitions et sûreté d'approvisionnement
L'approvisionnement en munitions sera adapté aux besoins des opérations et, le cas échéant, à ceux de montée en puissance face à un conflit majeur. Ceci concerne l'ensemble des munitions, y compris celles de petit calibre.
Munitions de frappe de précision
Les capacités de frappe de précision seront privilégiées, soit pour des actions dans la profondeur, soit pour l'appui des forces au contact.
Le missile de croisière naval (MdCN) sera livré à partir de 2013 avec un objectif de 60 unités sur la durée de la programmation, et une cible totale de 200 missiles.
La version métrique de l'armement air-sol modulaire (AASM), capable de traiter avec une grande précision des objectifs, de jour comme de nuit et à distance de sécurité, sera opérationnelle en 2009. 1 540 kits décamétriques et métriques seront livrés d'ici 2014 et 2350 d'ici 2017.
La capacité de frappe par tout temps sera également améliorée à très court terme par la mise en service de munitions de précision à guidage dual (laser et GPS).
Les munitions sol-sol comprendront des roquettes à guidage terminal (500 livrées d'ici 2012 pour les lance-roquettes unitaires) et des obus d'artillerie de précision.
Missiles terrestres
La capacité en missiles à moyenne portée MILAN sera maintenue au-delà de 2011 par un appoint en postes de tir et, en tant que de besoin, en missiles. Le renouvellement sera achevé en 2018.
Armement antinavires
La famille Exocet restera à moyen terme l'armement missile antinavires, les missiles bénéficiant d'une rénovation.
Armement anti-sous-marins
Les torpilles sont l'unique armement contre les sous-marins. 300 torpilles légères MU 90 auront été livrées d'ici 2011 sur frégates, hélicoptères de combat et avions de patrouille maritime.
Armement de défense sol-air des forces
La composante défense anti-aérienne très basse altitude, indispensable pour assurer la protection d'une force ou pour renforcer la défense de points particuliers, continuera d'être assurée par le système d'armes Mistral ; 1 500 missiles rénovés seront livrés entre 2012 et 2016. En parallèle, le programme relatif à la famille de missiles sol-air futurs (FSAF) sera poursuivi. Près de 200 missiles seront livrés d'ici 2014.
2.5.1.8 Moyens de commandement
La France continuera de développer sa capacité à tenir le rôle de « nation cadre » dans une coalition. À cette fin, plusieurs programmes concernant les systèmes d'information et de commandement seront poursuivis.
En 2015, le système d'information des armées (SIA) sera opérationnel à tous les niveaux de la chaîne de commandement interarmées. La capacité de commandement et de conduite des opérations aéronavales sera améliorée par le programme SIC 21 déployé en 2010. Le programme SICF (système d'information de commandement des forces) renforcera l'interopérabilité avec les forces de l'OTAN.
Les transmissions par satellites couvriront principalement les zones d'intérêt stratégique définies par le Livre blanc. Elles reposeront sur deux segments : le système durci Syracuse pour les transmissions essentielles, dont le renouvellement aura lieu vers 2018 ; un segment dual à très haut débit à partir de 2013, notamment pour les drones et les zones non couvertes par Syracuse.
Le mode d'acquisition et de gestion des transmissions par satellite fera l'objet d'un appel d'offre en vue d'un partenariat public-privé.
2.5.1.9 Lutte informatique offensive
L'adaptation de notre défense à la lutte dans le cyberespace nécessite en premier lieu de fixer une doctrine et une organisation, d'identifier et de former les personnels dédiés à cette capacité, de les organiser, de mener des expérimentations techniques et de développer des outils spécifiques, dans le respect du droit. Cette capacité dont les premières bases seront posées dès l'été 2009, constituera l'une des clés de la supériorité opérationnelle.
2.5.2 Seconde phase (2015-2020)
Durant la seconde phase (2015-2020), l'accent sera porté principalement sur les opérations aéromaritimes et aériennes.
2.5.2.1 Accélération du renouvellement de la flotte de surface
Permanence du groupe aéronaval (GAN)
La décision concernant le deuxième porte-avions sera prise en 2011/2012. Des études d'architecture, en particulier sur la propulsion, se poursuivront d'ici là.
En parallèle, l'initiative d'interopérabilité aéronavale européenne (IIAE) vise à accroître la capacité d'action de l'Europe dans ce domaine.
Frégates
Le programme frégates européennes multi-missions (FREMM) sera poursuivi, les livraisons s'échelonnant jusqu'en 2022. Les deux frégates antiaériennes de type Cassard seront remplacées vers 2020 par 2 des 11 FREMM dont le système d'armes sera adapté à la mission de défense aérienne et anti-missiles de zone au profit d'un groupe naval.
Guerre des mines
Le système de lutte anti-mines futur (SLAMF) reposera sur des drones de surface et sous-marins, et sur des bâtiments bases. Ce projet fait l'objet d'une recherche de coopération au sein de l'Agence européenne de défense (AED). La livraison d'une première capacité est prévue vers 2018.
Capacité amphibie et de projection maritime interthéâtres
À l'horizon 2020, le quatrième bâtiment de projection et de commandement (BPC) sera livré en remplacement du dernier transport de chalands de débarquement (TCD) entré en service dans les années 1990.
Flotte logistique
La flotte logistique doit pouvoir soutenir simultanément un groupe aéronaval et un groupe amphibie ou une force d'action navale sur deux théâtres d'opérations distincts. Un parc de quatre pétroliers ravitailleurs demeure nécessaire pour le soutien en carburants, vivres, munitions de ces groupes et pour le ravitaillement d'une opération aéroterrestre. Quatre navires seront livrés entre 2017 et 2020.
Missiles antinavires
Un missile antinavires léger pour hélicoptère destiné au combat en zone littorale et au combat asymétrique sera acquis à l'horizon 2018.
Armement des sous-marins
Les SNA et les SNLE seront équipés de la nouvelle torpille lourde à partir de 2015.
2.5.2.2 Accélération de la modernisation de l'aviation
L'accélération de la modernisation de l'outil aérien portera prioritairement sur les capacités des avions de combat.
Aviation et drones de combat
La transition vers une flotte plus homogène d'avions polyvalents se poursuivra jusqu'en 2020 avec la poursuite des livraisons de Rafale et de Mirage 2000D multirôles. Le missile Meteor entrera en service sur Rafale et l'amélioration des capacités de frappe en soutien des forces terrestres se poursuivra.
L'insertion de drones de combat dans les forces est envisagée au-delà de 2020.
Aviation de patrouille maritime
22 avions de patrouille maritime Atlantique 2 seront rénovés. 4 avions verront leur utilisation limitée aux missions de surveillance.
2.5.2.3 La poursuite de la modernisation des forces terrestres
5 brigades bénéficieront du renouvellement de leurs moyens de combat à partir de 2015.
Numérisation de l'espace de bataille
L'effort portera sur la mise en réseau des unités de contact et de leurs appuis. La numérisation complète des forces terrestres sera achevée en 2020 et s'intégrera dans un système interarmées.
Combat de contact
Le véhicule blindé multirôle (VBMR) et l'engin blindé de reconnaissance de combat (EBRC) seront livrés. Le programme de rénovation du char Leclerc sera achevé.
Un missile de combat de moyenne/longue portée apportera une capacité accrue contre les engins blindés et les chars, permettant le tir au-delà de la vue directe. Il équipera en particulier l'EBRC et le Tigre.
Appuis
Les 64 derniers CAESAR seront livrés.
À partir de 2017, les capacités du génie seront modernisées avec le lancement d'un engin d'appui au combat dont les premières livraisons auront lieu en 2020.
Logistique
La modernisation du soutien logistique des forces projetées se poursuivra. La cible totale de 1 800 porteurs polyvalents terrestres (PPT) sera atteinte en 2019.
3 850 véhicules légers tactiques polyvalents protégés (VLTP) seront livrés entre 2015 et 2018, la cible totale étant de 5 500.
Combat aéromobile
À l'horizon 2020, l'ensemble des Tigre HAP et HAD aura été livré, tandis que la composante aérotransport aura été rénovée (Cougar) ou partiellement remplacée (70 % des NH90 livrés).
L'ensemble de la flotte d'hélicoptères légers ou moyens sera progressivement remplacé à partir de 2015. Un programme global centré sur un hélicoptère (ou une famille d'hélicoptères) de la classe de 4 tonnes portera sur la livraison de 188 unités à partir de 2018.
La rénovation des appareils les plus anciens permettra d'assurer la continuité du service jusqu'à cette échéance.
2.5.2.4 Renforcement des capacités de frappe de précision dans la profondeur
Missiles de croisière
Les missiles de croisière SCALP déjà livrés aux forces seront maintenus en service sur Mirage 2000 multirôle et Rafale. 400 d'entre eux seront rénovés à partir de 2015 et livrés entre 2018 et 2021.
200 missiles de croisière navals (MdCN) seront disponibles en 2017. Une première capacité de MdCN sera opérationnelle sur les sous-marins Barracuda dès l'entrée en service de ceux-ci.
2.6 Tableau de synthèse
Le tableau qui suit présente les livraisons prévues durant la période couverte par LPM et la cible finale des principaux équipements.
Pour certains programmes majeurs, les cibles et les cadences de livraisons seront précisées ou réexaminées d'ici 2010. Elles feront alors l'objet d'une présentation spécifique devant le Parlement.
ND : non déterminé dans le Livre blanc
(1) Cibles et cadences de livraisons à préciser d'ici 2010.
(2) Équipements livrés sur la période 2015/2020 faisant l'objet de commandes durant la période couverte par la LPM 2009-2014.
3 La transformation de la défense
La transformation de la défense engagée dans la présente programmation permettra d'adapter les formats aux nouveaux contrats opérationnels, d'ajuster la préparation des forces à ces nouveaux contrats, de valoriser les hommes et les femmes qui servent dans la défense et de restructurer l'organisation, en particulier en rationalisant l'administration et les soutiens, et en concentrant son implantation territoriale.
Les marges de manœuvre budgétaires qui seront dégagées par ces restructurations seront intégralement réinvesties au profit de la condition du personnel, des équipements et de la préparation des forces.
3.1 La mise en place des nouveaux contrats et des nouveaux formats
3.1.1 La réduction des effectifs
L'effectif global des armées passera de 271 000 civils et militaires en 2008 à 225 000 en 2014-2015 (131 000 personnes pour l'armée de terre, 44 000 pour la marine, 50 000 pour l'armée de l'air). Le plafond d'emploi de la mission Défense atteindra sa nouvelle cible de 269 000 en 2016.
La réduction des effectifs de 54 000 postes sur la mission défense, hors externalisations, portera principalement sur l'administration et le soutien des forces (à hauteur de 75 %).
3.1.2 Les nouveaux formats des armées
La composante terrestre constituera une force opérationnelle de 88 000 personnes organisée en :
- 8 brigades interarmes disposant de l'ordre de 250 chars lourds de bataille de type Leclerc, d'environ 650 véhicules blindés de combat de type VBCI, 80 hélicoptères de combat, 130 hélicoptères de manœuvre et de l'ordre de 25 000 équipements individuels du combattant de type Félin,
- 3 brigades spécialisées et la brigade des forces spéciales,
- moyens d'appui correspondants.
La composante maritime mettra en œuvre notamment :
- 4 sous-marins nucléaires lanceurs d'engins,
- 6 sous-marins nucléaires d'attaque,
- 1 porte-avions et son groupe aérien,
- 18 frégates de premier rang,
- 4 bâtiments de projection et de commandement.
La composante aérienne mettra en œuvre :
- 300 avions de combat modernes, Rafale et Mirage 2000 polyvalents, incluant ceux de l'aéronautique navale,
- les systèmes de détection et de contrôle avancé de type Awacs,
- une flotte d'avions de ravitaillement et de transport comprenant de l'ordre de 14 appareils de type MRTT et environ 70 avions de transport.
3.2 L'activité et la préparation opérationnelle
L'activité et l'entraînement des forces revêtiront un caractère prioritaire. Facteurs de motivation pour les hommes et de cohésion pour les unités, ils seront maintenus à un haut niveau.
La préparation opérationnelle sera différenciée. Elle garantira pour l'ensemble des composantes le socle adéquat d'entraînement. Ce socle sera complété par unité d'une préparation spécifique en fonction de la prochaine mission.
Les objectifs annuels d'activité sont bâtis pour répondre aux contrats opérationnels et comprennent des normes de qualification nationales et de certification de l'OTAN.
Les objectifs d'activité
Terre |
Nombre annuel de jours de préparation et d'activité opérationnelles par homme pour les unités opérationnelles |
150 |
|
Nombre annuel d'heures de vol (HdV) par pilote d'hélicoptère |
180 |
Marine |
Nombre annuel de jours de mer (JDM) par bâtiment pour l'ensemble des bâtiments (bâtiments hauturiers) |
100 (110) |
|
Nombre annuel d'heures de vol (HdV) par pilote de chasse (qualification appontage de nuit) |
180 (220) |
|
Nombre annuel d'heures de vol (HdV) par pilote d'hélicoptère |
220 |
|
Nombre annuel d'heures de vol (HdV) par équipage de patrouille maritime |
350 |
Air |
Nombre annuel d'heures de vol (HdV) par pilote de chasse |
180 |
|
Nombre annuel d'heures de vol (HdV) par pilote de transport |
400 |
|
Nombre annuel d'heures de vol (HdV) par pilote d'hélicoptère |
200 |
3.3 Le maintien en condition opérationnelle des équipements
L'organisation du maintien en condition opérationnelle (MCO) fera l'objet d'une profonde rationalisation. La maîtrise d'ouvrage déléguée qui répond désormais à une logique de milieu sera généralisée par la création du service interarmées de maintenance des matériels terrestres (SIMMT) sur le modèle du service de soutien de la flotte (SSF) et de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle du matériel aéronautique de la défense (SIMMAD). Ces structures de soutien devront travailler avec la direction générale de l'armement (DGA) de manière plus intégrée tout au long de la vie des programmes.
La maîtrise des coûts de MCO fera l'objet d'une approche partenariale avec l'industrie. Les contrats devront prévoir des indices de performance et faciliter l'analyse des coûts complets des équipements.
Pour l'armée de terre, une politique d'emploi et de gestion différenciée des parcs (PEGP) en fonction de leur finalité, de l'instruction, de l'entraînement ou de l'alerte sera mise en place. Elle favorisera la concentration des efforts de maintenance et une meilleure disponibilité globale.
3.4 Les professionnels de la défense
L'attention et la reconnaissance qui seront portées aux professionnels qui servent la défense conditionneront la réussite de modernisation de notre appareil de défense.
3.4.1 La politique des ressources humaines
L'enjeu premier est de réussir la modernisation et la transformation des armées tout en assurant, sans rupture, leurs capacités d'engagement et la tenue des contrats opérationnels.
L'évolution des effectifs devra respecter les principes suivants : le maintien d'un flux suffisant de recrutements favorisant une armée jeune et préservant sa capacité opérationnelle, un équilibre entre les personnels de carrière et les personnels sous contrat adapté aux besoins des armées, et la concentration des personnels militaires sur les missions opérationnelles, les personnels civils étant exclusivement orientés sur les tâches de soutien.
Trois axes de valorisation seront désormais recherchés :
- une coopération accrue entre tous les personnels de la défense, de la sécurité intérieure et de la sécurité civile ;
- l'attractivité pour des métiers exigeants dans un environnement très concurrentiel ;
- l'adaptation aux perspectives européennes et internationales.
Pour répondre à ces objectifs de valorisation, les procédures d'attribution de décorations seront accélérées et facilitées à l'égard des personnels engagés en opérations extérieures, d'une part, et à l'égard des personnels des contingents étrangers avec lesquels les forces françaises coopèrent, d'autre part.
3.4.2 La valorisation des métiers de la défense
3.4.2.1 La dynamisation des parcours professionnels et des carrières
La réforme du statut général et des statuts particuliers des militaires améliorera la lisibilité des carrières et la condition militaire tout en affirmant une plus forte sélectivité. Avec la nouvelle implantation territoriale et l'interarmisation des structures, la progression de carrière sera moins dépendante de la mobilité géographique.
Le plan d'amélioration de la condition du personnel (PACP) civil et militaire compense les sujétions et valorise les compétences. Il sera financé au sein de la masse salariale du ministère de la défense à hauteur de 89 M€ en 2009, 115 M€ en 2010 et 97 M€ en 2011. Il sera prolongé jusqu'en 2014.
Ce plan s'articule en deux volets distincts :
- inspiré des propositions du Haut comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM), un plan d'amélioration de la condition militaire, comprenant la mise en œuvre des nouvelles dispositions statutaires et le nouvel échelonnement indiciaire des militaires, réalisés de 2009 à 2011, ainsi qu'une rénovation du dispositif indemnitaire afin de mieux prendre en compte les sujétions propres à l'état et à l'engagement militaires ;
- un plan de reconnaissance des qualifications du personnel civil. L'effort de requalification pour la filière technique comme pour la filière administrative sera poursuivi. Une refonte indemnitaire sera lancée avec la mise en place d'une rémunération au mérite, d'un rattrapage indemnitaire de la filière technique par rapport à la filière administrative et d'une réduction de l'écart entre les régimes indemnitaires.
3.4.2.2 La formation
La formation dans les armées est très spécifique du fait de la rotation des effectifs mais aussi de la promotion interne qui permet de recruter la moitié des officiers et des sous-officiers par recrutement interne.
Une interarmisation des procédures et des structures sera mise en œuvre chaque fois qu'une spécificité de milieu ne pourra être justifiée.
La mutualisation des formations sera recherchée entre les différents métiers de la sécurité et de la défense. Elle concernera en premier lieu les métiers du renseignement (création d'une académie du renseignement) et de la lutte contre le risque NRBC.
Les forces françaises étant de plus en plus engagées dans un cadre multinational, l'ouverture européenne et internationale de la formation et des parcours sera amplifiée. Sur le plan européen, la constitution d'un espace commun pour la formation dans le domaine de la défense et de la sécurité (Erasmus militaire) sera recherchée.
Ainsi, le projet AEJPT (advanced european jet pilot training) qui regroupe une dizaine de pays européens fournira une capacité de formation pour les pilotes de combat et les navigateurs officiers système d'arme à l'horizon 2015.
Le renforcement des qualifications techniques et le maintien des compétences de haut niveau du personnel civil seront assurés par des formations professionnelles également mutualisées et réalisées par un opérateur unique.
3.4.3 L'accompagnement des réductions d'emplois
La diminution des effectifs s'appuiera sur une régulation des flux d'entrée et de sortie.
En outre, pour le personnel militaire, elle s'appuiera sur :
- un accroissement important du reclassement dans les fonctions publiques ;
- une incitation financière ciblée aux départs en encourageant à une seconde carrière professionnelle par le biais d'un pécule ;
et pour le personnel civil, sur :
- un encouragement à la mobilité dans les autres fonctions publiques ;
- une incitation financière aux départs.
La conduite de la déflation repose sur les capacités de reclassement du personnel militaire et civil au sein des fonctions publiques et sur le caractère attractif des mesures d'accompagnement social. Son rythme de mise en œuvre, tel que prévu par l'article 4 de la présente loi, n'a pas vocation à être accéléré, quels que soient les aléas de gestion.
3.4.3.1 Le maintien d'un recrutement de qualité
Un niveau élevé de recrutement de jeunes militaires devra être maintenu pour garantir l'aptitude au combat et l'adaptation de l'armée à ses missions.
Le recrutement est essentiel pour entretenir la dynamique de renouvellement des effectifs militaires à plus de 10 % par an.
Les moyens des différentes chaînes de recrutement des armées seront mutualisés au sein de centres d'information et de recrutement des forces armées (CIRFA) afin d'accroître leur lisibilité extérieure.
3.4.3.2 Le renforcement de la reconversion
La reconversion des personnels militaires répond à une exigence sociale d'aide au retour à l'emploi civil à l'issue des carrières. Elle garantit l'attractivité du métier militaire et contribue à maintenir les flux de recrutement.
Une agence de la reconversion du personnel de la défense est créée. Des conventions sont mises en place avec les entreprises et les organismes de formation. La création dans chaque région de guichets uniques « défense » permettra de centraliser et de mutualiser les offres d'emploi au bénéfice du personnel de la défense et des conjoints.
3.4.4 La réserve opérationnelle
Les réservistes opérationnels apportent un concours direct et indispensable à l'efficacité de l'armée professionnelle. La réserve opérationnelle montera en puissance et apportera des compétences supplémentaires dans les disciplines pour lesquelles les armées ne disposent pas de ressources suffisantes. L'État veille à ce que les moyens consacrés à la réserve militaire évoluent de manière équilibrée avec ceux de l'ensemble des forces.
Pour constituer le vivier des réservistes, un effort d'information et de recrutement sera fourni. L'objectif est de disposer de 40 000 réservistes opérationnels hors gendarmerie, prêts à souscrire un contrat d'au moins trente jours par an et, dans certains cas, jusqu'à deux cents jours pour agir en renfort des unités d'active, au sein d'unités constituées (sur le territoire national comme en opération extérieure) ou dans des fonctions d'expertise dans les structures de commandement ou de gestion de crise. La durée d'activité moyenne d'un réserviste opérationnel devra être de l'ordre de vingt-cinq jours par an.
La mise en valeur du rôle des réservistes se traduira également par l'établissement de partenariats avec leurs employeurs, entreprises ou administrations. Des compensations modérant le préjudice financier subi par les individus ou les entreprises seront mises en place.
3.5 La densification des implantations et l'accompagnement des restructurations
3.5.1 La densification du stationnement des forces
La carte des implantations ne correspondant plus à la menace ni aux besoins opérationnels et étant source de surcoûts, un nouveau dispositif territorial sera mis en place. Trois objectifs sont poursuivis : améliorer le caractère opérationnel de l'outil de défense, rationaliser un déploiement aujourd'hui très dispersé et optimiser les soutiens.
La densification du plan de stationnement s'organisera autour d'environ 90 bases de défense métropolitaines. Ces bases de défense, qui regrouperont à terme 96 % de l'effectif total, pourvoiront au soutien et à l'administration générale de l'ensemble des unités qui leur seront rattachées.
3.5.2 L'accompagnement social des restructurations
Le plan d'accompagnement des restructurations (PAR) comportera notamment une aide à la réalisation de projets professionnels et des mesures d'incitation financière au départ pour les militaires (pécule défiscalisé d'incitation des militaires à une seconde carrière professionnelle au profit de toutes les catégories, indemnité spécifique de préparation à la reconversion) comme pour les civils (indemnités de départ volontaire des fonctionnaires et des ouvriers de l'État, indemnité d'aide à la création d'entreprise au profit des ouvriers de l'État, indemnité de reconversion et complément exceptionnel de restructuration au profit des ouvriers de l'État, pension de retraite anticipée pour les ouvriers d'État ayant effectué au minimum dix ans de travaux insalubres avant une mutation prononcée dans le cadre des restructurations). Les dispositifs à incidence fiscale seront insérés en loi de finances.
Ce plan s'appliquera au moins jusqu'en 2014 et sera doté de 123 M€ en 2009, 146 M€ en 2010 et 149 M€ en 2011.
La mobilité géographique sera encouragée. Elle sera accompagnée par des mesures spécifiques, notamment en faveur des familles.
Un dispositif interministériel privilégiant les possibilités offertes par la mobilité interne entre les trois fonctions publiques avant tout recours à un recrutement externe bénéficiera au personnel civil et militaire acceptant un départ du ministère de la défense.
3.5.3 Un dispositif d'accompagnement territorial
Les territoires les plus touchés par les mesures de restructuration bénéficieront d'aides financières directes et de mesures fiscales.
Ainsi, 24 contrats de redynamisation de sites de défense (CRSD) sont prévus pour les communes ou les zones d'emploi les plus fragiles.
Par ailleurs, les communes touchées par un nombre significatif de départs bénéficieront de plans locaux de redynamisation (PLR), pilotés par les préfets.
Au total, une somme de 320 M€ (dont 20 M€ pour l'outre-mer) sera consacrée à l'ensemble de ces mesures sur la période 2009-2015.
Un effort particulier est entrepris pour attirer, notamment par des mesures fiscales, des opérateurs et des investisseurs français et étrangers sur les sites à revitaliser.
3.5.4 Une politique d'accompagnement immobilier
La mise en œuvre du plan de stationnement nécessite une politique active de cession des emprises devenues inutiles et la réalisation, dans un court délai, d'un plan important d'aménagement des emprises sur lesquelles seront regroupées les unités, se traduisant par des travaux d'adaptation de l'infrastructure (construction neuve ou rénovation).
Pour les cessions d'immeubles devenus inutiles qui nécessiteraient un dispositif de reconversion au travers de la réalisation d'un projet d'aménagement urbain ou de développement économique, le ministre de la défense mandatera la mission pour la réalisation des actifs immobiliers (MRAI) afin qu'elle mène, avec les collectivités, les études d'aménagement et négocie la cession amiable sans mise en concurrence. Ceci est vrai également pour les cessions concernant plusieurs emprises situées sur le territoire de la même commune ou établissement public de coopération intercommunal.
L'intégralité des produits des cessions immobilières réalisées au cours de la période 2009-2014 pour la mise en œuvre du plan de stationnement sera affectée au financement de la présente loi de programmation.
3.6 La modernisation de la fonction « achats »
L'ambition de la réforme de la fonction « achats » est de permettre de bénéficier d'un service au moins équivalent à moindre coût, tout en veillant en permanence à satisfaire les besoins des formations opérationnelles tant pour leur projection que pour leur préparation.
Les domaines tels que l'habillement, la restauration ou les infrastructures pourront faire l'objet d'externalisations qui permettront de réaliser des économies en bénéficiant de la performance économique des prestataires externes. La qualité des services sera ainsi améliorée tandis que les armées et les personnels civils se consacreront à leur cœur de métier. Toutefois, une capacité nationale sera recherchée dans ces domaines, notamment pour la fabrication de l'habillement militaire. En outre, le soutien des forces armées projetées devra être garanti en toutes circonstances. À cet effet, des moyens militaires minimaux de restauration, de gestion des infrastructures ainsi que d'approvisionnement seront maintenus.
Dans la mesure du possible, des partenariats public-privé seront privilégiés.
Toute opération d'externalisation et tout partenariat public-privé envisagé devra faire l'objet d'une étude d'impact préalable soulignant les avantages et les inconvénients de la formule proposée.
3.7 L'amélioration de la conduite des programmes d'armement
La conduite des programmes d'armement sera améliorée en réarticulant les responsabilités des intervenants tout au long de la vie des programmes. Une équipe de programme suivra le programme de sa conception à sa réalisation. Cette équipe sera placée sous l'autorité du chef d'état-major des armées pour les phases de définition et de conception puis d'utilisation et sous celle du directeur général de l'armement pour les phases de négociation du contrat et de réalisation du programme.
L'évaluation des coûts des programmes sera réalisée en tenant compte de l'ensemble des coûts de possession.
Un comité ministériel des investissements de défense, présidé par le ministre de la défense, sera mis en place pour examiner la satisfaction du besoin opérationnel, la stratégie de maîtrise des risques, le coût prévisionnel d'acquisition et le coût global de possession, la faisabilité financière d'ensemble, la stratégie d'acquisition à retenir, la politique de soutien et le potentiel de l'équipement à l'exportation.
Enfin, un comité financier associant le ministère chargé du budget procèdera à un examen contradictoire de la soutenabilité financière de la programmation et au suivi régulier de la politique d'engagements du ministère en matière d'investissements.
4 L'industrie et la recherche
4.1 L'industrie de défense
L'échelle européenne est la plus appropriée pour offrir la taille critique permettant d'allier compétitivité industrielle et autonomie stratégique. C'est pourquoi la politique d'acquisition se décline selon trois cercles :
- un cercle de souveraineté nationale qui regroupe les capacités technologiques et industrielles dont la France conservera une maîtrise ou des compétences spécifiques nationales (armes nucléaires, SNLE et SNA, missiles balistiques, vecteurs de la composante nucléaire aéroportée et produits de sécurité pour la sécurité des systèmes d'information...) ;
- un cercle européen, que la France considère comme le cadre de référence pour la majorité des acquisitions de défense (avions et drones de combat, drones de surveillance, bâtiments de surface, missiles, satellites, armements terrestres, munitions et composants électroniques de défense...) : le développement de ce cercle suppose une volonté politique partagée par nos principaux partenaires européens et la mise en place d'interdépendances librement consenties entre États ;
- et un cercle mondial pour tous les équipements dont la sécurité d'approvisionnement et la liberté d'emploi ne sont pas directement en jeu.
Le niveau actuel des budgets en Europe et le coût croissant des systèmes d'armes font qu'aucune nation en Europe n'a la taille et donc la capacité d'assumer seule le coût d'un outil de défense répondant à l'ensemble de ses besoins.
Des projets et des programmes en coopération sur le plan européen seront essentiels pour structurer l'offre industrielle sur la base d'une harmonisation des besoins militaires entre les États et de l'identification de besoins communs. Dans ce cadre, l'Agence européenne de défense (AED) assure la convergence des besoins, en particulier sur les satellites de renseignement (MUSIS) ou sur les drones.
S'agissant des équipements relevant des deux premiers cercles, la satisfaction du besoin militaire exige de disposer d'un tissu industriel dynamique et des compétences pour concevoir, réaliser, soutenir et démanteler les équipements de défense. Le maintien et le développement d'une base industrielle et technologique de défense compétitive avec un juste niveau d'autonomie nationale ou européenne constituent donc un enjeu majeur.
4.2 Le rôle stratégique de la recherche
4.2.1 Les priorités en matière de recherche
Les priorités par fonction stratégique sont les suivantes :
- maintien de la crédibilité de la dissuasion avec démarrage des études du futur moyen océanique de dissuasion et adaptation des vecteurs balistiques et aérobies à l'évolution de la menace ;
- maîtrise des technologies pour la connaissance et l'anticipation : renseignement spatial, surveillance, exploitation du renseignement, charges utiles pour le renseignement spatial et tactique, opérations en réseaux, lutte informatique, technologies militaires de surveillance de l'espace et de radio logicielle ;
- poursuite de l'effort technologique pour la protection : surveillance des espaces nationaux, interception de cibles furtives, défense NRBC, soutien santé et protection des systèmes informatiques ;
- maintien de l'effort pour l'intervention : protection des forces, adaptation des systèmes d'armes aux menaces asymétriques, maintien de la capacité à frapper dans la profondeur, aviation de combat, technologies des missiles complexes et des munitions de précision ;
- prévention : maîtrise de l'énergie, impact des systèmes sur l'environnement.
Les crédits de R&T développeront ou maintiendront les compétences des bureaux d'études critiques pour notre autonomie (sous-marins nucléaires, cryptologie, calcul scientifique, espace, missiles, guerre électronique, radars et plates-formes aéronautiques...) et celles qui permettent d'accéder à des capacités technologiques indispensables (communications numériques, drones, robots, armes à énergie dirigée, production et stockage de l'énergie sur le champ de bataille...).
4.2.2 Une politique de recherche européenne ambitieuse
Les projets ambitieux en coopération européenne de recherche et acquisition de technologies (R&T) viseront à :
- augmenter l'effort d'innovation très en amont pour détecter et soutenir les technologies émergentes et de rupture, dans les laboratoires de recherche et les PME innovantes, au travers de la coopération avec l'agence nationale de la recherche et les pôles de compétitivité ;
- consolider le socle technologique en portant à maturité les technologies pour les drones, les robots, les radars passifs, la communication numérique, les systèmes de systèmes et la protection de l'homme et des sites et les technologies spatiales des futurs programmes de télécommunications, d'observation et de surveillance, à la base de la supériorité de l'information ;
- développer l'approche des démonstrateurs technologiques qui servent à maîtriser les risques technologiques des programmes, à s'assurer très tôt de l'adéquation des solutions technologiques à un emploi militaire et qui fournissent un cadre structurant pour l'industrie européenne.
La politique européenne de recherche tendra à favoriser les synergies entre les coopérations industrielles et les efforts conduits dans le cadre du programme cadre de recherche et développement (PCRD).
4.2.3 La synergie avec la recherche civile
La coopération avec la recherche civile sera développée pour renforcer les synergies autour des technologies duales, démultiplier l'efficacité des budgets mis en commun et faire partager les enjeux de la défense à la communauté scientifique civile. Trois axes seront privilégiés : le renforcement des relations avec l'Agence nationale de la recherche (ANR), l'orientation du programme budgétaire de recherche duale vers la recherche de base en matière de défense et l'élargissement de la recherche de défense à l'ensemble du secteur de la sécurité.
Le ministère de la défense s'appuiera, en complément des études amont, sur les subventions versées aux organismes et écoles sous tutelle défense, les appels à proposition pour l'attribution de bourses de thèse dans le domaine de la défense et la contribution de la défense aux programmes civils du CNES et du CEA.
4.3 Un nouveau partenariat entre l'industrie de défense et l'État
L'industrie de défense bénéficiera du rééquilibrage progressif du budget du ministère de la défense au profit des investissements.
4.3.1 Optimiser les procédures d'acquisition
Le ministère de la défense est le premier acheteur et le premier investisseur public. L'amélioration des procédures d'acquisition peut exiger la passation de commandes globales sur des programmes majeurs. Par une contractualisation globale, l'industrie est en outre incitée à rechercher la meilleure rentabilité sur un périmètre plus large incluant les coûts de soutien. Cette démarche permet d'obtenir des conditions plus avantageuses dans la mesure où elle fournit une meilleure visibilité à l'industrie sur le moyen terme.
Le développement des partenariats public-privé (PPP) sera recherché au cours de la présente programmation.
Des contrats d'externalisation et de prestation de services avec engagement de résultat seront encouragés pour la formation des pilotes de combat (AEJPT), les moyens de sauvegarde maritime (BSAH) et le soutien des MRTT.
4.3.2 Dynamiser les exportations
La France s'attachera à promouvoir sur le plan technique et sur le plan politique la présence et l'offre de ses entreprises sur les marchés extérieurs. Il s'agit dans cette perspective :
- de présenter une offre globale, c'est-à-dire couvrant toutes les phases du projet, du financement à la maintenance des matériels ;
- dans certains cas, d'associer l'État à la transaction ;
- de prendre en compte, dès la phase amont des programmes, les perspectives d'exportation possible des équipements ;
- de renforcer l'influence française et européenne en matière de normalisation ;
- d'exploiter les possibilités ouvertes par le marché des matériels d'occasion.
5 L'adhésion de la Nation, condition de l'efficacité de la stratégie de sécurité nationale
5.1 Le rôle des élus
Le rôle du Parlement sera fortement renforcé. Le Parlement sera informé des interventions des forces armées à l'étranger et se prononcera par un vote sur leur prolongation dans l'hypothèse où leur durée serait supérieure à quatre mois. Il sera également davantage associé à la définition de la stratégie de sécurité nationale, notamment grâce au suivi et à l'actualisation des orientations du Livre blanc comme à l'information concernant les accords de défense.
Les élus locaux, proches de la population et acteurs lors des crises, seront davantage associés à la conception des plans locaux de protection qui les concernent territorialement ; ils seront étroitement associés aux exercices.
Les « correspondants de défense », déjà présents dans la plupart des conseils municipaux, deviendront des conseillers de sécurité nationale et leur formation sera renforcée. Ils pourront être appelés à rendre compte chaque année, devant le conseil municipal, des actions engagées.
5.2 La formation des jeunes et le volontariat
La journée d'appel et de préparation à la défense (JAPD) sera rénovée et centrée sur sa mission fondamentale de sensibilisation des jeunes aux nouveaux enjeux de défense et de sécurité.
L'actuelle réserve citoyenne sera transformée en « volontariat de la sécurité nationale » afin de permettre à ses volontaires de contribuer à l'encadrement de la journée d'appel et de préparation à la défense, aux actions de rayonnement des armées, à la politique de mémoire et à celle de sécurité nationale. Ils pourront être sollicités en cas de crise grave sur le territoire national et contribueront ainsi à la résilience du pays et de ses institutions.
5.3 L'université et la société civile
La création d'un pôle universitaire de recherches en sciences sociales de la défense et de la sécurité sera encouragée. Ce pôle permettra de traiter de l'ensemble des questions touchant au fait militaire, au fait guerrier et aux nouvelles formes de violence dans le monde contemporain. Il pourrait prendre la forme d'une fondation de recherche et de coopération scientifique, support d'une école doctorale européenne dédiée à la recherche sur les questions de défense et de sécurité.
La formation permanente de défense et de sécurité qui est actuellement dispensée par quatre grands instituts sera réorganisée en deux pôles : « défense et affaires étrangères » et « sécurité intérieure ». À ce titre, l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) et le Centre des hautes études de l'armement (CHEAR) seront fusionnés à l'automne 2009.
6 Les ressources
La présente LPM constitue la première étape d'un effort pour lequel les ressources budgétaires et exceptionnelles consacrées à la mission Défense s'élèveront à 377 milliards d'euros (en euros constants 2008) sur les douze prochaines années.
Le périmètre de la loi de programmation militaire est constitué de l'ensemble de la mission de politique publique « Défense » hors pensions dans la structure de la loi de finances pour 2008.
La loi 2009-2014 programme les crédits d'équipement, les effectifs et la masse salariale associée, les crédits de fonctionnement et l'activité des forces, les investissements et le fonctionnement des autres organismes du ministère, ainsi qu'une provision pour le financement des opérations extérieures.
Les ressources 2009-2014 sur le périmètre de la programmation sont composées :
- de ressources budgétaires à hauteur de 181,13 Md€, stabilisées en 2009 en valeur par rapport à 2008, à partir d'une inflation estimée à 2 %, maintenues en volume sur les années 2010 et 2011, puis progressant en volume de 2,3 % en 2012 et de 1,3 % par an en volume en 2013 et en 2014 ; après prise en compte de l'impact du plan de relance de l'économie, ces ressources sont portées à 182,21 milliards d'euros ;
- de ressources exceptionnelles d'un montant global de 3,66 Md€2008, mobilisées pour financer les besoins en dépense d'équipement militaire. Ces ressources proviendront notamment de cessions d'actifs.
Md€2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
09-14 |
Ressources LPM totales |
32,22 |
31,60 |
30,10 |
30,39 |
30,66 |
30,90 |
185,87 |
dont ressources budgétaires |
30,61 |
30,39 |
29,55 |
30,19 |
30,56 |
30,90 |
182,21 |
Part mission Défense |
29,65 |
29,65 |
29,55 |
30,19 |
30,56 |
30,90 |
180,50 |
Part mission Relance |
0,97 |
0,74 |
|
|
|
|
1,71 |
6.1 La priorité à l'investissement dans les équipements
La priorité est donnée à la disponibilité et à l'emploi des parcs opérationnels, à la modernisation des équipements et à la transition avec les équipements futurs. Cette priorité est financée par un redéploiement en faveur des équipements.
|
(En Md€ 2008) |
|||||||
|
L F I |
Total |
||||||
|
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
09-14 |
Équipements |
15,36 |
17,55 |
17,23 |
16,04 |
16,41 |
17,02 |
17,68 |
101,94 |
Représentant 15,4 Md€ en 2008, les crédits d'équipements s'élèveront en moyenne à 17 Md€2008 sur la période 2009-2014.
Les crédits d'équipement couvrent les crédits consacrés aux opérations d'armement, à la dissuasion, à l'entretien programmé des matériels et du personnel, à l'infrastructure et aux études de défense.
51,15 Md€2008 sont consacrés aux opérations d'armement qui regroupent les programmes, opérations d'armement et acquisitions classiques organisés comme suit :
- les programmes à effets majeurs (PEM), au nombre d'environ 200, structurent les capacités ;
- directement liés aux précédents, les programmes d'environnement et les équipements d'accompagnement complètent la cohérence capacitaire et organique des forces.
La dissuasion comprend l'ensemble des crédits d'investissement, d'étude, d'infrastructure et de MCO. Ses besoins sont couverts à hauteur de 20,2 Md€2008 cumulés de 2009 à 2014.
Les crédits consacrés à l'entretien programmé des équipements et du personnel sont portés à un niveau moyen annuel de 2,9 Md€2008 sur les six années de la LPM, soit un total de 17,2 Md€2008, pour poursuivre le rétablissement de la disponibilité technique dans un contexte de maintien en service des matériels anciens.
L'infrastructure regroupe l'ensemble de l'activité liée à la politique immobilière dans le domaine du fonctionnement et de l'investissement, y compris les crédits nécessaires à la mise en œuvre des restructurations. 8 Md€2008 y seront consacrés de 2009 à 2014.
Les crédits des études de défense hors dissuasion regroupent les études amont contractualisées avec l'industrie, les études prospectives, stratégiques et technico-opérationnelles, ainsi que les subventions aux écoles et organismes sous tutelle. Ces crédits sont portés à 5,4 Md€ au total sur la période 2009-2014.
6.2 La sécurisation des crédits d'activité et d'entraînement des forces
Les crédits de fonctionnement et d'activité des armées financent le niveau global d'activité et d'entraînement correspondant aux contrats opérationnels du Livre blanc.
Ces crédits s'élèvent en moyenne annuelle à 1,87 Md€2008 sur la période 2009-2014.
Le montant des crédits programmés pour les carburants opérationnels s'élève à 385 M€2008 en 2009.
En cas de hausse du coût constaté des carburants opérationnels, le budget du ministère de la défense fera l'objet de mesures de gestion et, si la hausse est durable, des crédits supplémentaires seront ouverts en construction budgétaire, pour couvrir les volumes nécessaires à la préparation opérationnelle des forces.
6.3 Le financement des opérations extérieures
Un double objectif sera poursuivi afin d'éviter que le financement des opérations extérieures ne pèse sur la réalisation de la programmation des investissements :
- une maîtrise du coût des opérations extérieures, qui sera mis en regard de leur intérêt politique ;
- un niveau de budgétisation suffisant, assorti d'une meilleure identification des surcoûts.
À cet effet, le montant de la provision au titre des surcoûts des opérations extérieures, porté à 510 M€ en 2009, sera augmenté de 60 M€ en 2010 puis de 60 M€ en 2011.
En gestion, les surcoûts nets non couverts par la provision (surcoûts hors titre 5 nets des remboursements des organisations internationales) seront financés par prélèvement sur la réserve de précaution interministérielle.
7 Les suites du Livre blanc et le suivi de la loi
7.1 Le conseil de défense et de sécurité nationale et la réforme de l'ordonnance de 1959
La présente loi tire les conséquences de l'adoption d'une stratégie de sécurité nationale.
Elle institue notamment, sous l'égide du chef de l'État, un conseil de défense et de sécurité nationale qui comprend le Premier ministre et les principaux ministres intéressés aux questions de défense et de sécurité nationale. Dans ce conseil seront prises les principales décisions dans ces domaines, conformément aux attributions constitutionnelles du Président de la République. Le Premier ministre qui dirige l'action du Gouvernement dans le domaine de la sécurité nationale sera étroitement associé à la préparation des travaux du conseil et au suivi des décisions prises. Il suppléera le cas échéant le Président de la République conformément à l'article 21 de la Constitution.
Le dispositif retenu prévoit en outre des formations restreintes et spécialisées du conseil. Il instaure en particulier le conseil national du renseignement. Celui-ci sera assisté d'un coordonnateur national placé à la présidence de la République.
Le secrétariat du conseil de défense et de sécurité nationale, dans ses différentes formations, sera assuré par le futur secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).
La loi procède également à une première refonte des dispositions du code de la défense issues de l'ordonnance du 7 janvier 1959, en particulier en ce qui concerne les compétences des principaux ministres responsables des politiques concourant à la sécurité nationale présentées en fonction de leurs contributions respectives à la stratégie globale.
La réforme de l'ordonnance du 7 janvier 1959 sera ensuite poursuivie. La modernisation du cadre juridique des activités de renseignement sera également entreprise par des dispositions relatives à la protection des personnels des services et à celle de leurs sources.
7.2 Un meilleur suivi de l'exécution du Livre blanc et de la loi
Sera institué un processus de suivi des orientations du Livre blanc incluant notamment chaque année un point au conseil de défense et de sécurité nationale, une évaluation présentée aux commissions compétentes du Parlement et un séminaire de stratégie générale.
Le Gouvernement présentera chaque année au Parlement un rapport sur l'exécution de la présente loi, exposant notamment les efforts accomplis en matière de recherche amont.
Il joindra à ce rapport une présentation des grandes orientations de la politique industrielle de défense en insistant sur l'état de la coopération européenne en la matière.
7.3 Une révision tous les quatre ans
La présente loi sera révisée au bout de quatre ans, pour tenir compte en particulier de l'évolution du contexte stratégique, de la réalisation effective du plan d'équipement, de la mise en œuvre des réductions d'emplois et des mesures de restructuration. Cette révision conduira à une nouvelle loi de programmation qui couvrira la période 2013-2018.
Un point d'étape d'ensemble de la programmation sera réalisé en 2010 à l'occasion de l'élaboration du prochain budget triennal.
M. le président. Je suis tout d’abord saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 48 est présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller.
L'amendement n° 129 est présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le troisième alinéa du rapport annexé, supprimer les mots :
à la dissuasion,
L’amendement n° 48 n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l'amendement n° 129.
Mme Michelle Demessine. Dans le rapport annexé, l’arme nucléaire figure parmi les priorités qui seraient nécessaires à l’adaptation et à la modernisation de nos forces.
De là découle la part très importante affectée chaque année à l’armement nucléaire dans le budget.
Nous admettons tout à fait qu’il faille assurer le niveau de crédibilité de notre système de dissuasion avec les techniques de simulation.
Cependant votre politique dans ce domaine va au-delà et ne respecte pas le principe de stricte suffisance, qui est l’un des fondements de notre doctrine.
Monsieur le secrétaire d'État, vous ne vous contentez pas de moderniser nos armements nucléaires. Mais, comme vos prédécesseurs, vous continuez à les développer.
C’est ainsi que, pour 2009, les crédits destinés à la dissuasion représentent 23 % des crédits d’équipement de nos forces et progressent fortement en raison de la conclusion de plusieurs contrats qui résultent de décisions prises dans les années antérieures.
C’est pourquoi nous restons opposés à la construction d’un quatrième sous-marin nucléaire lance-engins et aux missiles M51 qui l’équiperont en 2010.
Sur le fond, nous pensons que la dissuasion nucléaire n’est plus, dans les conditions de 2009, la clef de voûte de notre sécurité et que les armes nucléaires ne sont plus adaptées aux menaces du monde d’aujourd’hui.
Notre politique de dissuasion nucléaire, outre notre volonté d’autonomie de décision, qui, elle, reste valable, reposait essentiellement sur l’existence d’un ennemi potentiel clairement identifié. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, et les menaces sont diffuses et multiformes.
Les armes nucléaires sont, par exemple, inefficaces pour lutter contre le terrorisme et contre les États qui le suscitent.
Pour cet ensemble de raisons, notre amendement tend à ne pas compter l’armement nucléaire parmi les priorités à retenir dans ce projet de loi de programmation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapporteur. La commission est, bien entendu, défavorable à cet amendement.
Elle considère à une large majorité que la dissuasion demeure une garantie fondamentale de notre sécurité dans un monde où subsistent des arsenaux considérables et où certains pays cherchent à se doter de capacités balistiques et d’armes de destruction massive.
Cela n’a pas empêché la France de faire des pas très importants en matière de désarmement nucléaire.
Je pense à l’abandon de la composante sol-sol et à la réduction très significative du nombre d’armes, avec tout dernièrement encore la diminution d’un tiers du format des forces aériennes stratégiques.
Je pense également à l’arrêt irréversible des essais et de la production de matière fissile militaire, comme ont pu le constater de nombreux observateurs étrangers, puisque nous sommes le seul pays à avoir réalisé la transparence sur le démantèlement de nos installations.
Le maintien de la dissuasion à un niveau de stricte suffisance n’exclut pas une politique active sur la scène internationale pour renforcer les régimes de désarmement et de non-prolifération. Les propositions émises par l’Union européenne sous présidence française en sont l’illustration.
La commission considère donc que la dissuasion a toujours sa place dans notre politique de défense.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. La dissuasion est un élément essentiel de notre politique de défense.
Cet amendement est contraire à toute notre politique et le Gouvernement ne peut qu’en demander le rejet.
M. le président. L'amendement n° 49, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Compléter le quatrième alinéa du rapport annexé, par les mots :
, et des moyens permettant de leur prodiguer un entraînement adapté aux enjeux actuels
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 50, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, MM. Desessard, Muller, Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter le cinquième alinéa du rapport annexé par les mots :
, ainsi qu’à la remise en état des sites militaires anciennement utilisés
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 13 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Supprimer le sixième alinéa du rapport annexé.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'intitulé du 1.1 du rapport annexé :
La nouvelle géographie de la puissance et des crises
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 15 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Après les mots :
s'adapter à
rédiger comme suit la fin de la première phrase du premier alinéa du 1.1 du rapport annexé :
la nouvelle géographie de la puissance, à la montée des grands pays émergents et à la multipolarité du monde.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du 1.1 du rapport annexé, remplacer les mots :
l'arc de crise s'étendant de l'Atlantique à l'ouest de l'Afrique jusqu'à l'océan Indien, le continent européen, l'Afrique sub-saharienne
par les mots :
le continent européen, l'Afrique, l'arc de crise s'étendant de l'Atlantique à l'ouest de l'Afrique jusqu'à l'océan Indien,
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Charasse, est ainsi libellé :
I. - Dans le quatrième alinéa du 1.1 du rapport annexé, après le mot :
exposés
insérer les mots :
aux conséquences des crises dans les zones d'intérêt stratégique et
II. - En conséquence, dans le même alinéa, après le mot :
djihadiste
remplacer le signe de ponctuation :
,
par le mot :
et
et supprimer les mots :
les conséquences des crises dans les zones d'intérêt stratégique
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 52, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, MM. Desessard, Muller, Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
I. - Dans le quatrième alinéa du 1.1 du rapport annexé, supprimer les mots :
d’inspiration djihadiste.
II. - Compléter le même alinéa par les mots :
, la mise en cause de la sécurité d’approvisionnement en eau, en énergie, en alimentation et en matières premières
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 18 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Dans le septième alinéa du 1.1 du rapport annexé, après le mot :
stabilisation
insérer les mots :
sous l'égide de l'Organisation des Nations unies
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 128, présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après le premier membre de phrase du septième alinéa du 1.1 du rapport annexé, insérer un membre de phrase ainsi rédigé :
elles se feront prioritairement dans un cadre multinational et autorisé par les Nations unies ;
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Le rapport annexé, dans sa partie traitant de la mondialisation et de la nouvelle stratégie de sécurité nationale, manque de précision sur le cadre dans lequel doivent s’effectuer nos interventions militaires à l’étranger.
Certes, il fait référence à certains grands principes directeurs énoncés dans le Livre blanc, dont celui d’une « définition de l’engagement dans l’espace et le temps, avec une évaluation précise du coût ».
Cependant, ces principes sont surtout de nature technique et n’invitent pas à se poser la question de la légitimité des interventions.
Pour éviter la dérive qui consisterait à transformer nos troupes en corps expéditionnaire engagé dans des combats illégitimes et incertains, le cadre de l’intervention doit être précis et clair.
Notre conception du règlement de conflits par l’envoi de troupes à l’étranger est strictement celle du maintien ou du rétablissement de la paix, de l’interposition entre belligérants et, bien entendu, en cas d’urgence, de la protection de nos ressortissants.
Ces interventions militaires ne peuvent donc être légitimes à nos yeux que quand elles procèdent d’un mandat donné par la seule institution internationale qui privilégie le multilatéralisme ainsi que la recherche de solutions politiques et pacifiques, je veux parler de l’ONU.
Nous sommes évidemment conscients des insuffisances et parfois de l’inefficacité de cette grande institution. C’est une raison de plus pour poursuivre nos efforts de modification du fonctionnement et de la composition du Conseil de sécurité afin qu’il reflète le monde tel qu’il est aujourd’hui.
Cette conception explique que nous soyons, en revanche, totalement opposés à une participation des troupes françaises à des opérations menées dans le cadre de l’OTAN qui découlent, comme en Afghanistan, d’un alignement pur et simple sur les intérêts de l’administration américaine.
D’une manière générale, nous ne sommes pas favorables à des opérations militaires que la France mènerait de son propre chef, sans mandat international. Pour nous, le mandat de l’ONU doit être la règle et toute autre opération ou présence doit être l’exception.
Cet amendement vise à ce que le rapport annexé fasse clairement référence à un mandat du Conseil de sécurité de l’ONU pour l’envoi de troupes françaises à l’étranger.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Sur le fond, on ne peut qu’être d’accord avec l’idée que les Nations unies doivent être le principe directeur en ce qui concerne nos interventions.
Pour autant, la rédaction proposée n’est pas satisfaisante.
Les décisions du Conseil de sécurité de l’ONU ne sont pas les seules sources de la légalité internationale. Nous pouvons être amenés à intervenir dans le cadre du droit de légitime défense, consacré par l’article 51 de la Charte des Nations unies, ou dans le cadre des engagements souscrits au titre de nos accords de défense ou de nos alliances, qu’il s’agisse de l’OTAN ou de l’Union européenne.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Madame Demessine, cet amendement est inutile. Dans tous les cas de figure, la France ne peut intervenir aux fins de mise en œuvre d’opérations de stabilisation sans l’aval du Conseil de sécurité des Nations unies, seule instance habilitée à décider de telles opérations.
C’est la raison pour laquelle je demande le rejet de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Chevènement. Je soutiens l’amendement de Mme Michelle Demessine, qui rejoint l’amendement n° 18 rectifié, dont je suis l’un des signataires.
L’expérience montre, monsieur le secrétaire d'État, contrairement à ce que vous venez d’affirmer, que la France a pu intervenir dans un cadre non autorisé par les Nations unies.
Je citerai l’exemple des bombardements de la Yougoslavie en 1999, qui n’étaient pas autorisés par les Nations unies. Notre intervention s’était clairement située en dehors de la légalité internationale même si, ensuite, les Nations unies ont été amenées à prendre des résolutions.
On peut toujours dire, comme M. le rapporteur, qu’il y a plusieurs sources du droit international, mais elles ne sont pas toutes de même niveau. Le fait que nous soyons entraînés dans une alliance pour des opérations qui ne sont pas autorisées par les Nations unies pose un problème.
M. le président. L’amendement n° 53, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Dans l’avant-dernier alinéa du 1.1 du rapport annexé, supprimer les mots :
et recevoir le soutien de la nation.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement a pour objet d’attirer votre attention, mes chers collègues, sur le caractère ambigu du segment de phrase « et recevoir le soutien de la nation ».
Malgré la révision constitutionnelle de 2008, la nation est peu consultée sur les opérations extérieures, qui restent le domaine réservé du Président de la République, en vertu d’un véritable tabou résultant de la pratique institutionnelle de la Ve République. Depuis la dernière révision constitutionnelle, l’article 35 de la Constitution limite le rôle du Parlement, dans les domaines de la défense et des affaires étrangères, à une information « au plus tard trois jours après le début de l’intervention » et, éventuellement, à « un débat qui n’est suivi d’aucun vote ». Lorsque l’intervention dure plus de quatre mois, le Parlement autorise par un vote le maintien des forces.
Ces dernières années, les opérations extérieures se sont multipliées : elles sont plus complexes, plus longues, plus coûteuses que par le passé ; elles résultent de décisions d’une grande importance et sont menées au nom de la France ; elles engagent la vie des hommes et des femmes qui servent dans nos forces armées. C’est donc au nom de la France, avec l’adhésion des représentants du peuple que la décision d’engager nos troupes doit être prise.
Je tiens à souligner le caractère ambigu de ce segment de phrase puisqu’il n’évoque pas explicitement la validation par le Parlement, mais se limite à une formulation plus vague, qui pourrait laisser à penser qu’une simple adhésion de l’opinion pourrait être recherchée, sans plus de précision.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. La représentation nationale est la voix de la nation ! Elle est amenée à se prononcer sur les opérations extérieures. Par conséquent, la rédaction de cet amendement n’est pas adaptée à la situation et la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d’État. Dans tous les discours de l’opposition que nous avons entendus hier soir, l’action du Président de la République a été stigmatisée, sous prétexte qu’il s’occuperait de tout. Je rappelle que le Président de la République, en vertu de la Constitution, est le chef des armées : il est donc tout à fait naturel qu’il s’implique pleinement dans les missions des armées !
Madame le sénateur, permettez-moi d’exprimer l’étonnement que m’inspire votre amendement. La suppression que vous proposez sous-entend que la politique de défense n’aurait pas besoin du soutien de la nation ! L’adhésion de la nation est pourtant une condition de l’efficacité de la stratégie de sécurité nationale, comme le rappelle le paragraphe 5 du rapport annexé au présent projet de loi de programmation militaire.
En ce qui concerne les opérations extérieures, le rôle du Parlement a été renforcé, puisqu’il est désormais informé des interventions de nos forces armées à l’étranger, comme l’a si bien dit M. le rapporteur, et qu’il se prononce par un vote sur leur prolongation. Il n’est donc pas vain, vous l’aurez tous compris, de faire mention du soutien de la nation. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 93, présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le septième alinéa du 1.1 du rapport annexé par une phrase ainsi rédigée :
Ces engagements devront respecter la Charte de l’Organisation des Nations unies.
La parole est à M. André Vantomme.
M. André Vantomme. Cet amendement précise que les opérations militaires conduites par l’armée française, seule ou en coalition, sur des théâtres extérieurs doivent se dérouler dans un cadre autorisé par les Nations unies, c’est-à-dire respecter les principes de la Charte de l’Organisation des Nations unies. Il confirme une politique, répare un oubli et conforte le rôle et la place des Nations unies dans l’organisation de la sécurité internationale.
Concrètement, ce rappel peut aussi tenir lieu de message adressé à toutes les nations du monde, qui seraient tentées, un jour ou l’autre, de faire cavalier seul : il ne faut pas se laisser entraîner dans des aventures militaires. En la matière, le respect de la charte de l’Organisation des Nations unies est un point cardinal qui mérite de figurer dans le rapport annexé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je me suis déjà expliqué sur ce sujet. L’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d’État. Nous avons déjà évoqué ce sujet lors de la discussion de l’amendement n° 128. Le Gouvernement n’a pas changé de position et émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 93.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
M. le président. L’amendement n° 51, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, MM. Desessard, Muller, Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter le 1.1 du rapport annexé par un alinéa ainsi rédigé :
Les institutions d’une gouvernance mondiale peinant à se mettre en place pour répondre aux défis relatifs à ce nouveau contexte, la France doit prendre en conséquence les initiatives permettant d’encourager le développement des fonctions de médiation et de prévention au sein de l’Union européenne.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Le texte du rapport annexé au projet de loi, par ailleurs largement discuté, élargit le concept de sécurité nationale, dans la mesure où celle-ci ne se résume plus au seul effort de défense. Cette extension est difficile à admettre si elle conduit à renforcer de manière unilatérale les pouvoirs du Président de la République en la matière ; elle est juste si l’on considère que, parallèlement à l’effort de défense, des efforts dans les domaines de l’intelligence économique, de la mise en sécurité des approvisionnements énergétiques ou en matières premières doivent être déployés pour assurer la sécurité nationale. Il en va de même pour les efforts tendant à la prévention des conflits.
Comme le note le texte du rapport annexé au projet de loi, au début du paragraphe 1.1, le monde est aujourd’hui « plus instable, plus imprévisible, et les évolutions de notre environnement peuvent être brutales ». Les pays sont désormais interconnectés, les destins de leurs peuples sont intimement liés. Dans ce monde où les distances sont réduites à peu de chose par les technologies de l’information et de la communication et par le développement des moyens de transport, l’interpénétration des économies et des cultures à la surface du globe et la propagation systémique des crises sont devenues des réalités. Ainsi, l’émergence d’une crise financière aux États-Unis provoque un raz de marée mondial, qui plonge les États dans la situation économique et sociale que nous connaissons aujourd’hui. L’apparition d’un virus informatique dans un pays fait craindre à l’ensemble de la planète une contamination inévitable. Ces craintes sont encore plus justifiées dans le cas de la propagation des virus réels, comme celui de la grippe A. Les tensions ou les conflits dans une région donnée ont des conséquences mondiales, jusqu’au sein de nos collectivités.
Il apparaît donc essentiel qu’une gouvernance mondiale soit mise en place afin d’anticiper ces crises ou, le cas échéant, de les circonscrire lorsqu’elles surviennent. C’est pourquoi cet amendement tend à compléter un paragraphe du rapport annexé consacré aux différentes dimensions de la sécurité, en précisant que, « les institutions d’une gouvernance mondiale peinant à se mettre en place pour répondre aux défis relatifs à ce nouveau contexte », notre pays devra prendre les initiatives qui conviennent, dans un cadre européen, pour encourager le développement des fonctions de médiation et de prévention.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Le rôle majeur de l’Union européenne est souligné dans une autre partie du rapport annexé. La commission a du mal à identifier en quoi consisteraient les « fonctions de médiation et de prévention des conflits » qui, d’après l’amendement, seraient développées au sein de l’Union européenne. Elle a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d’État. La loi de programmation militaire n’a pas vocation à définir les instances de la gouvernance mondiale. Cet amendement est totalement extérieur à notre débat ; il recueille donc un avis défavorable du Gouvernement.
M. le président. L’amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi, est ainsi libellé :
À la fin de la seconde phrase du premier alinéa du 1.2 du rapport annexé, remplacer les mots :
l’Union européenne, les Nations unies et l’Alliance atlantique
par les mots :
les Nations unies ainsi que les obligations qui découlent de notre appartenance à l’Union européenne et à l’Alliance atlantique
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Cet amendement n’est pas de caractère purement rédactionnel, car il tend à distinguer les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies des obligations qui découlent, pour notre pays, de son appartenance à l’Union européenne et à l’Alliance atlantique.
Comme je l’ai rappelé tout à l’heure, ces deux ordres de préoccupations peuvent entrer en conflit. J’observe d’ailleurs que M. le secrétaire d’État ne m’a pas répondu lorsque j’ai évoqué les bombardements de la Yougoslavie en 1999, qui n’avaient fait l’objet d’aucune autorisation du Conseil de sécurité des Nations unies. Chacun sait que nous avons été entraînés dans cette affaire par la pression de Mme Madeleine Albright, qui voulait justifier l’existence de l’organisation militaire intégrée de l’OTAN, près de dix ans après la chute du Mur de Berlin.
Cet amendement vise donc à distinguer les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, bases du droit international, des obligations découlant de nos alliances, qui s’imposent à nous dès lors qu’elles sont conformes au droit international.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d’État. La rédaction de cet alinéa du rapport annexé que M. Jean-Pierre Chevènement propose de modifier résulte des travaux de l’Assemblée nationale. Le Gouvernement souhaiterait s’y tenir. C’est pourquoi il émet un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 95, présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du 1.2.1 du rapport annexé par les mots :
destinée à protéger et défendre les populations et les territoires de l’Union européenne.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Cet amendement porte sur la définition d’une politique de défense commune de l’Union européenne et mérite un rappel historique.
On se souvient de l’échec de la Communauté européenne de défense, la CED, en 1954, puis des tentatives d’affirmation de l’Union de l’Europe occidentale, l’UEO, au début des années 1980. Au sortir de l’affrontement Est-Ouest, la signature du traité de Maastricht a remis le dossier sur la table. Entre le sommet franco-britannique de Saint-Malo, en décembre 1998, et le Conseil européen de Laeken, trois ans plus tard, l’« Europe de la défense » progresse.
La défense et la sécurité extérieure relèvent toujours de la compétence des États. Or, les crises des années 1990 ont montré que les États membres de l’Union européenne ne peuvent plus mener individuellement une politique crédible en la matière.
À la suite du sommet franco britannique de Saint-Malo, en décembre 1998, l’Union européenne s’est dotée, en juin 1999, d’une « politique européenne de sécurité et de défense ». Le paragraphe 2 de l’article 42 du traité sur l’Union européenne, dans sa rédaction résultant du traité de Lisbonne, stipule que « la politique de sécurité et de défense commune inclut la définition progressive d’une politique de défense commune de l’Union européenne ». Il n’est donc pas choquant que la représentation nationale précise et définisse la portée et l’objet géostratégique de ses ambitions en termes de politique de défense commune.
Nous savons que M. le ministre de la défense a rappelé, devant l’Assemblée nationale, que la France ne pouvait pas concevoir seule l’Europe de la défense. Le groupe socialiste en prend acte, mais rien n’empêche le Parlement d’avoir l’ambition d’exprimer ce qu’il entend par « défense commune » en précisant, notamment, ses contours, car certaines évidences s’imposent mieux si on les explicite.
Nous souhaitons ainsi réparer un oubli et définir le principal objet de la défense européenne commune : apporter protection et sécurité aux États membres et à leurs populations. L’objectif n’est donc pas l’expansion.
Certes, l’Union européenne doit s’affirmer comme un acteur majeur de la gestion des crises et de la sécurité internationale, mais elle doit commencer par apporter protection et sécurité aux Européens. Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. M. le ministre de la défense a très bien dit, devant l’Assemblée nationale, qu’il n’appartenait pas à la France seule de définir la politique européenne de sécurité et de défense. L’amendement de nos collègues se résume à un vœu pieux, il est donc inopérant. Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d’État. Il est évident que la politique de l’Union européenne vise à protéger et à défendre les populations et les territoires de l’Union européenne. Au surplus, monsieur le sénateur, l’alinéa du rapport annexé que vous souhaitez modifier …
M. Daniel Reiner. Compléter !
M. Hubert Falco, secrétaire d’État. … reprend les dispositions du traité sur l’Union européenne. J’estime donc que cet amendement est sans objet et j’émets un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote sur l’amendement n° 95.
Mme Dominique Voynet. Ce débat prend une allure curieuse. On pourrait avoir l’impression qu’il est unilatéral, puisque seul le côté gauche de l’hémicycle développe des arguments et des propositions ! Malgré tout, un minimum de bonne foi semble requis de la part du président de notre commission des affaires étrangères et de M. le secrétaire d’État.
Vous venez de nous expliquer, monsieur le secrétaire d’État, qu’il n’appartenait pas à la France de dicter sa conduite à l’Union européenne et qu’il n’était donc pas souhaitable de laisser penser qu’elle lui donne des instructions. C’est vrai, sauf que l’ensemble du paragraphe 1.2.1 du rapport annexé donne des consignes à l’Union européenne !
Ce chapitre ne traite pas de l’ambition de la France pour l’Europe et en Europe, mais présente une liste d’indications : « L’Union européenne doit s’affirmer […] » ; « une capacité d’intervention […] doit être […] développée » ; « l’Union européenne devra être en mesure […] » ; etc.
En outre, vous avez accepté à l’Assemblée nationale un amendement qui insiste sur le fait que « la France fera des propositions à ses partenaires afin de développer un esprit de défense européen ». Dans l’amendement n° 51, qui a été rejeté ce matin, j’ai bien veillé à utiliser la même formulation. Il s’agissait de faire en sorte que notre pays prenne des initiatives, et non qu’il donne des instructions.
Par conséquent, je ne vois pas bien la solidité de l’argumentaire qui consiste à invoquer l’irrecevabilité de cet amendement n°95, au motif qu’il serait trop autoritaire au regard de l’Union européenne, alors que tout le paragraphe 1.2.1 du rapport annexé est rédigé dans le même esprit.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Madame le sénateur, dans un débat, même si des divergences peuvent apparaître, toutes les positions sont respectables. Par conséquent, je m’oppose à ce que vous fassiez des remarques sur la bonne ou la mauvaise foi du Gouvernement, comme vous venez de le faire.
Nous n’avons pas, et vous le savez très bien, la même vision de la défense nationale. Chacun défend ses positions sur la base de ses convictions. Ce n’est pas une histoire de bonne ou de mauvaise foi !
M. Didier Boulaud. C’est donc la fin du consensus !
M. le président. L'amendement n° 54, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, MM. Desessard, Muller, Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Au début du troisième alinéa du 1.2.1 du rapport annexé, ajouter les mots :
Conformément à la décision du Conseil européen d'Helsinki,
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement vise à préciser l’origine de l’affirmation, assez forte, selon laquelle une capacité d’intervention globale de 60 000 hommes doit être développée par l’Union européenne.
En décembre 1998, lors du sommet franco-britannique de Saint-Malo, le Président de la République française Jacques Chirac et le Premier ministre britannique Tony Blair ont décidé que l’Union européenne devait disposer d’une « capacité autonome d’action, appuyée sur des forces militaires crédibles ».
Cette position a été confirmée par le Conseil européen d’Helsinki de décembre 1999, qui a instauré « l’objectif global », visant à permettre à l’Union européenne de déployer jusqu’à 60 000 hommes, dans un délai de soixante jours et pendant au moins un an.
Il s’agit donc ici de souligner que le chiffre de 60 000 hommes est parfaitement fondé. Il a été solidement travaillé et validé par nos partenaires européens, à l’occasion de l’étape importante du Conseil européen d’Helsinki.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Cet amendement est lacunaire. Il se réfère au Conseil européen d’Helsinki, mais oublie toutes les rencontres qui sont intervenues ultérieurement. Il faudrait notamment citer le Conseil européen de Bruxelles du mois de décembre dernier, à l’occasion duquel l’Union européenne s’est fixé un niveau d’ambition très élevé et précis dans toute une gamme de domaines.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Nous pensons avec bonne foi qu’il n’est pas nécessaire d’être exhaustif et de viser tous les Conseils européens successifs. Notre avis est défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 97, présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa du 1.2.1 du rapport annexé par une phrase ainsi rédigée :
La France propose la création d'une cellule de planification et de commandement européenne autonome.
La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Les dispositions du traité de Lisbonne, notamment les clauses de solidarité et d’assistance mutuelle et la coopération structurée, permettront-elles à la politique européenne de sécurité et de défense, la PESD, de franchir un nouveau cap et à l’Union européenne de renforcer ses capacités de défense et de gestion des crises ? Cela nous paraît bien sûr souhaitable !
Nous l’avons déjà affirmé, la rédaction d’un livre blanc européen en matière de défense et de sécurité aurait permis de mieux articuler tous les enjeux. En revanche, dans le contexte actuel, l’élaboration d’un livre blanc franco-français marque, à nos yeux, une occasion manquée.
Nous confirmons bien entendu la nécessité d’étudier la mutualisation de certains moyens opérationnels. Mais il nous faut surtout travailler à la montée en puissance des capacités européennes de planification et de conduite d’opérations.
Les problèmes que rencontre la défense européenne sont ceux auxquels l’Europe est elle-même confrontée : le manque d’identité européenne induit un manque de volonté quant à une politique extérieure commune et, en conséquence, l’absence de financement pour une défense commune.
Ceux qui ont la volonté de construire l’Europe de la défense n’ont pas assez de moyens et ceux qui auraient les moyens de le faire n’ont pas la volonté de la construire. La France doit contribuer à briser ce cercle vicieux ! Cette situation doit évoluer !
Nous réaffirmons que la défense européenne se construira uniquement au sein de l’Union européenne, et non à l’extérieur, que ce soit dans le cadre particulier de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, l’OTAN, ou ailleurs.
La réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN ne doit pas signifier l’abandon d’une politique de sécurité et de défense au sein de l’Union européenne, politique devant être dotée de moyens susceptibles de lui garantir l’autonomie de décision et, le cas échéant, l’autonomie d’action.
La France doit proposer, encore et toujours, la création d’un état-major, d’une cellule de planification et de commandement européenne autonome.
Tel est le sens de cet amendement.
Lorsque le Président de la République a garanti que notre réintégration dans le trente-neuvième comité de l’OTAN serait liée à la mise en œuvre d’une politique européenne de sécurité et de défense et à la mise en place d’un nouveau concept stratégique de l’Alliance, il a tout simplement oublié que les Britanniques se refusent obstinément à instaurer ce commandement opérationnel, laissant ainsi la politique européenne de sécurité et de défense dans l’impasse.
C’est la preuve que la réintégration totale dans l’OTAN était largement anticipée et reposait en définitive sur la seule volonté du Président de la République de s’aligner sur les positions américaines, qui étaient à l’époque, je le rappelle, celles de M. Bush.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je voudrais vous faire remarquer, monsieur Boulaud, que, si nous devions attendre le ralliement des Britanniques à nos thèses pour élaborer un livre blanc européen sur la défense et la sécurité, ce qui d’ailleurs demanderait le concours de vingt-sept nations, nous attendrions certainement très longtemps.
Votre propos est donc en contradiction avec les buts que vous cherchez à atteindre. Vous jugez nécessaire d’élaborer un livre blanc européen et, dans le même temps, vous nous expliquez que les Britanniques ne veulent absolument pas d’une politique européenne de sécurité et de défense. Comment faire alors ?
Le problème qui se pose à nous concerne, non pas tant la création d’une cellule de planification et de conduite d’opérations, qui existe déjà au sein de l’état-major européen, mais plutôt son renforcement.
C’est pourquoi le rapport annexé a repris les termes proposés au cours de la présidence française de l’Union européenne et agréés par le Conseil européen du 12 décembre 2008. Au cours de ce conseil, une définition très précise du nombre, de la nature et du volume des opérations que l’Union européenne devra être en mesure de planifier et de conduire simultanément a été adoptée.
La rédaction du rapport annexé nous semble satisfaisante, puisque celui-ci indique que « les capacités européennes de planification et de conduite d’opérations, militaires et civiles, monteront en puissance », en se référant au niveau d’ambition de l’Union européenne.
Finalement nous sommes d’accord et l’amendement est satisfait par le texte actuel. Je vous propose donc, monsieur Boulaud, de le retirer, faute de quoi je serai obligé de donner un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Comme vient de l’expliquer M. le rapporteur, l’alinéa que cet amendement n° 97 propose de modifier se conclut par la phrase suivante : « Les capacités européennes de planification et de conduite d’opérations, militaires et civiles, monteront en puissance ». Je propose que nous nous en tenions à cette formulation.
La France prendra les initiatives nécessaires pour atteindre cet objectif. Mais, comme vous le savez fort bien – ce sujet a été longuement débattu en commission –, il faut convaincre tous nos partenaires.
C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Puisque certains de nos collègues nous reprochent de ne pas évoquer les problèmes de fond, je voudrais indiquer à M. Boulaud que j’ai trouvé choquante son intervention sur la politique du Président de la République.
Tous ceux qui sont au fait depuis un certain nombre d’années des discussions existant au sein d’une Union européenne progressivement élargie savent parfaitement que la création d’une unité européenne de planification, tel que le propose M. Boulaud, serait récusée par une grande partie de nos partenaires. Je pense à certains partenaires qui voulaient intégrer l’OTAN et ont accepté d’entrer dans l’Union européenne, notamment certains pays baltes, la Pologne ou encore la Roumanie.
L’amendement que vous présentez, monsieur Boulaud, démolit la politique conduite avec l’accord de la majorité, qui consiste à la fois à réintégrer la cellule de commandement de l’OTAN, en laissant bien sûr de côté les opérations nucléaires, et à trouver des mécanismes qui permettent de mettre en place des forces européennes.
Le texte actuel nous convient parfaitement et cet amendement nous semble provoquant. C’est pourquoi nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur quelques travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud, pour explication de vote.
M. Didier Boulaud. Je voudrais remercier notre collègue Jean-Pierre Fourcade de son intervention, car c’est le premier débat sérieux que nous avons sur un article depuis hier.
Nous avons déploré la volonté du Gouvernement d’organiser à la va-vite cette discussion de fond et, enfin, un sénateur de la majorité est disposé à parler de ce fameux projet de loi de programmation militaire et des conséquences qu’il pourrait avoir. C’est la première fois ! Pour le reste, on nous oppose un vote conforme et un débat caricatural ! Je tenais donc, avant de répondre, à vous adresser mes remerciements, mon cher collègue. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Vous avez pu dire tout ce que vous vouliez exprimer en commission !
M. Didier Boulaud. Bien évidemment, monsieur Fourcade, je ne partage pas votre point de vue.
Ce n’est pas moi qui ai promis aux Français de mettre en place la politique européenne de sécurité et de défense, comme condition à notre réintégration dans le trente-neuvième comité de l’OTAN. C’est le Président de la République !
Si on connaissait, par avance, le résultat des négociations qui auraient pu être menées avec les Britanniques ou avec d’autres, il ne fallait pas s’engager. Pourtant, le Président de la République s’est engagé très fermement, en faisant du déploiement de cette politique une condition sine qua non à notre retour dans ce trente-neuvième comité. Je ne l’invente pas ! C’est bien lui qui en fait une condition de base !
C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement, que je maintiens.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. On ne peut pas reprocher au Gouvernement de vouloir faire passer ce projet de loi à la va-vite, comme M. Boulaud vient de le faire. (M. Didier Boulaud s’exclame.)
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, ces amendements ont été largement débattus en commission. Vous avez eu tout le temps que vous souhaitiez pour en discuter et vous revenez aujourd’hui, à l’occasion de leur examen dans l’hémicycle, avec les mêmes arguments.
On ne peut pas nous reprocher un examen à la va-vite : c’est vous qui faites de l’obstruction ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je vous remercie à mon tour, monsieur Boulaud, de me donner l’occasion de vider une querelle sur l’existence ou la non-existence d’une politique européenne de sécurité et de défense.
Depuis le début des débats, vous n’arrêtez pas de nous expliquer que cette politique n’existe pas et que, par conséquent, nous avons conclu un marché de dupes en intégrant l’OTAN. On nous avait promis une politique européenne de sécurité et de défense toute faite et nous aurions manqué à nos engagements en acceptant le statu quo.
Prétendre qu’il n’existe pas même l’embryon d’une politique européenne de sécurité et de défense est totalement inexact ! Au cours des dernières années, des progrès importants ont été réalisés.
Il existe un très grand nombre de programmes européens en matière d’armement. L’Agence européenne de défense s’est vue conférer une responsabilité dans le domaine de l’aéromobilité, c'est-à-dire les hélicoptères, afin d’établir un plan de transport pour l’Union européenne. C’est également le cas dans le domaine satellitaire, avec le programme MUSIS. Cette agence se développe donc de manière parfaitement convenable.
En outre, monsieur Boulaud, vous n’avez pas écouté ce qu’a dit hier votre collègue M. Boutant sur les actions menées par l’Union européenne en matière de lutte contre la piraterie maritime. Ainsi qu’il nous l’a très clairement expliqué en commission, il existe une force d’intervention européenne, sous commandement d’un amiral britannique, qui a obtenu des résultats non négligeables dans la lutte contre la piraterie maritime. M. Boutant a légitimement rendu hommage hier à cette action à laquelle il a pu participer sur un navire de la marine française.
Par conséquent, prétendre que rien n’est fait en matière de politique européenne de sécurité et de défense, c’est pousser le trait un peu loin !
Je vous signale aussi que vingt et une opérations extérieures ont été menées, et la dernière au Tchad avec l’EUFOR a été reconnue par tous comme étant efficace.
Par ailleurs, j’ai pu constater, lors de réunions avec les présidents des commissions de défense de l’Union européenne, qu’un certain nombre de pays qui, au départ, étaient assez réfractaires à l’idée d’une politique européenne de sécurité et de défense ont rejoint les Français sur la nécessité d’en établir une. Je pense à la Pologne, qui a participé de manière très efficace à l’EUFOR, ainsi qu’à l’Irlande, pays neutre, qui n’appartient pas à l’OTAN, mais qui a joué un rôle déterminant dans l’EUFOR puisque cette force a été commandée par un général de division irlandais.
Enfin, monsieur Boulaud, ce sont les Russes qui légitiment l’existence de cette politique européenne de sécurité et de défense : très récemment, lors de conversations entre le chef d’état-major de l’armée de l’air et son homologue russe, les Russes ont marqué leur satisfaction d’avoir participé au Tchad à l’opération EUFOR en soulignant qu’ils avaient été très heureux d’apporter leur coopération à une opération européenne de stabilisation de crise et qu’ils ne l’auraient pas fait si cette action avait été menée par l’OTAN.
Voilà bien la démonstration que cette politique existe.
Qu’il faille faire davantage, nous en convenons. Mais je me réjouis de constater que l’initiative du Président de la République porte ses fruits. J’espère d’ailleurs fortement que d’autres initiatives seront prises dans ce domaine. Il est capital pour l’Europe qu’un pôle européen de sécurité et de défense, au sein même de l’OTAN, puisque pratiquement la majorité des pays de l’Union européenne appartient à l’OTAN, puisse faire contrepoids à la puissance du groupe anglo-américano-canadien au sein de l’Alliance atlantique. De grâce, ne dites pas que rien n’a été fait, car c’est contraire à la vérité ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. J’ose à peine prendre la parole (Exclamations sur les travées de l’UMP.), car je n’ai pas compris si M. le secrétaire d'État regrettait que le débat ait eu lieu en commission ou s’il déplore qu’il ait lieu ici. Selon les textes qui régissent nos institutions en tout cas, il a lieu en commission et en séance plénière.
M. le rapporteur vient de rappeler un point important sur lequel nous sommes tous d’accord : il est capital que l’Europe se dote d’une politique étrangère de sécurité et de défense.
Monsieur le rapporteur, vous nous avez reproché tout à l’heure d’avoir dressé la liste des Conseils européens qui avaient contribué à sa mise en place.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. De ne pas les avoir listés exhaustivement, ce qui n’est pas la même chose !
Mme Dominique Voynet. Vous avez cédé à la tentation d’énumérer les opérations qui témoignent de son existence effective. Aucun de nous n’a prétendu qu’il n’existait pas de politique européenne de sécurité et de défense.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Mais si !
Mme Dominique Voynet. En revanche, nous disons depuis longtemps qu’un des signes les plus concrets, les plus opérationnels de sa crédibilité est la mise en place d’une cellule de planification et de commandement européenne autonome. Il nous avait semblé que c’était une position soutenue avec force par le Président de la République et qu’il en avait fait l’un des objectifs majeurs de sa présidence de l’Union européenne.
Nous souhaitons donc simplement faire inscrire dans la loi que la création de cette cellule de planification et de commandement reste un objectif essentiel pour notre pays en Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Charasse, est ainsi libellé :
Compléter la deuxième phrase du quatrième alinéa du 1.2.1 du rapport annexé par les mots :
qu'il faudra doter des moyens d'action propres à le rendre opérationnel
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Nous devons clairement marquer notre volonté d’avancer dans ce domaine. Atalante, EULEX, EUFOR, tout cela est méritoire, mais ne suffit pas à manifester l’existence d’une politique européenne de sécurité et de défense.
Je propose donc de doter l’état-major européen « des moyens d’action propres à le rendre opérationnel », car rien ne nous interdit de manifester cette volonté.
Quant aux opérations qu’a évoquées M. Josselin de Rohan, je lui ferai remarquer qu’en 1900 une coalition européenne dirigée par le maréchal allemand Von Waldersee prenait Pékin et saccageait le Palais d’été. Nous ne voulons pas revenir à ces excès coupables, condamnables ! Nous voulons quand même que l’Europe, pour se défendre, se protéger, comme le disait l’un de nos collègues tout à l’heure, dispose d’un état-major tant soit peu consistant, ce qui n’est pas le cas, vous le savez bien.
Par cet amendement, nous marquons une intention et vous devriez l’accepter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je voudrais rendre hommage aux convictions européennes de mon ami Jean-Pierre Chevènement. Je les connais et, pour cette raison, j’aurais aimé être favorable à son amendement.
J’ajoute que je me souviens très bien de l’épisode auquel il a fait allusion, l’expédition lancée lors la guerre des Boxers, car mon grand-père y a participé. Il est revenu de Pékin avec quelques souvenirs. (Ah ! sur plusieurs travées de l’UMP.) Donc, je sais bien qu’il y a déjà eu une coopération européenne à cette époque.
Comme les arguments que vous utilisez sont ceux de Mme Voynet, je ne puis - une fois n’est pas coutume - être favorable à cette coalition ni à votre amendement, cher ami, et je le regrette.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Tout d’abord, monsieur Chevènement, je vous remercie d’enrichir le débat par des rappels historiques, qui, en l’occurrence, nous ramènent à la guerre des Boxers en 1900.
Je ne vous étonnerai en vous disant que je partage l’objectif visé à travers l’amendement que vous proposez. Toutefois, son application n’est pas possible, car il faudrait avoir au préalable, je l’ai déjà dit, convaincu la totalité de nos partenaires européens. Vous savez mieux que quiconque combien cela est parfois difficile, monsieur Chevènement.
C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.
M. Daniel Reiner. Je soutiens cet amendement qui rejoint le nôtre.
Le débat qui vient de s’engager est faussé. Vous nous reprochez de dire que la politique européenne de sécurité et de défense n’existe pas. Or nous n’avons jamais prétendu cela ! Nous disons simplement que multiplier les opérations ne suffit pas à faire une politique, qu’il faut les conduire de manière autonome sans être des sous-traitants, en faisant, par exemple, ce que l’OTAN ne voudrait pas faire.
C’est pourquoi nous avons besoin de moyens opérationnels, d’une cellule de planification et de commandement autonome. Voilà ce que nous avons dit.
Jean-Pierre Chevènement était aux commandes au moment où la première brigade franco-allemande a été créée, ce qui était l’amorce, en quelque sorte, d’une mise en commun des moyens en matière de défense européenne. Preuve est faite qu’il a des sentiments européens et que nous avons quand même légèrement progressé depuis.
Donc, ne faussons pas le débat ! Nous n’avons jamais dit qu’il n’existait pas de politique européenne de sécurité et de défense. Nous disons simplement qu’avec ce texte nous avons l’occasion de faire mieux et que cela procède d’un débat.
M. le président. L'amendement n° 55, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, MM. Desessard, Muller, Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter l'avant dernier alinéa du 1.2.1 du rapport annexé, par les mots :
, et prendre en conséquence des initiatives pour développer ses capacités de médiation et d’intervention pacifique.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Au préalable, je voudrais revenir sur les phrases qui viennent d’être prononcées par M. de Rohan et qui me concernaient de façon plus que subliminale.
Nous sommes tous égaux, mais certains ici sont plus égaux que les autres, puisque, si j’en crois les propos de M. de Rohan, un amendement présenté par son ami Jean-Pierre Chevènement ne serait pas acceptable parce que j’aurais pu en partager la philosophie.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je disais simplement que cette conjonction était étrange !
Mme Dominique Voynet. Voilà qui va quand même relativement loin ! Je ne sais pas si vous avez maîtrisé vos propos, mais c’est assez inquiétant. J’espère que le compte rendu rendra fidèlement compte de cet échange et ne procèdera pas à une réécriture émolliente.
M. Michel Charasse. Le compte rendu est intégral, ce qui n’arrange pas toujours certains !
Mme Dominique Voynet. J’en viens à l’amendement n° 55.
Monsieur le rapporteur, vous nous avez dit tout à l’heure que vous ne voyiez pas très bien ce que recouvraient les fonctions de médiation et de prévention. Vous avez certainement fait de la peine à Gisèle Gautier et à d’autres sénateurs qui contribuent aux travaux de la Coordination internationale pour la décennie de la culture de non-violence et de paix, initiative de l’ONU, qui est soutenue par des sénateurs de tous les groupes de cette assemblée.
Nous devons nous garder, dans certaines instances, de plaider pour la paix et la prévention des conflits et, dans d’autres, de dire que nous ne voyons pas exactement à quoi ces concepts renvoient.
Cet amendement a pour objet de préciser que notre pays prendra des initiatives pour développer les capacités de médiation et d’intervention pacifique, car le rôle d’une politique de sécurité et de défense, au niveau tant national qu’européen, est autant de prévenir les conflits susceptibles de se déclarer que de les circonscrire une fois qu’ils ont éclaté et que l’on en est à déplorer des affrontements sanglants.
Pour ce faire, il est primordial de favoriser l’émergence d’une culture de la paix fondée sur les principes de liberté, de justice, de démocratie, de tolérance et de solidarité ainsi que sur les droits de la personne humaine.
Il convient donc de développer toutes les opportunités de négociation et de dialogue entre les peuples et leurs représentants, en s’appuyant sur les possibilités offertes par l’Organisation des Nations unies et ses différentes institutions.
La France pourra même militer auprès de l’ONU pour que soit créée une agence spécialisée dans la médiation et la prévention. Les ONG font un travail essentiel, en particulier sur le terrain, mais il est sans doute insuffisant. C’est pourquoi, pour atteindre ces objectifs ambitieux, pour protéger la paix, il me paraît indispensable d’amplifier, de relayer et d’institutionnaliser leurs actions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je tiens à rassurer Mme Voynet. Comme l’a dit notre collègue Michel Charasse, les comptes rendus dans cette maison ne sont absolument pas émollients. Nous disposons d’un compte rendu intégral qui retranscrit très fidèlement nos propos.
J’assume totalement les propos que j’ai tenus tout à l’heure. J’ai innocemment fait remarquer qu’il y avait une convergence, madame Voynet, entre votre amendement et celui de M. Chevènement et que ces convergences étaient rares. C’est tout ce que j’ai dit.
Cela étant, je suis défavorable à votre amendement pour des raisons qui ont été exposées précédemment.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Dans le projet de loi de programmation militaire est largement évoquée la fonction stratégique de la prévention. Cet amendement étant satisfait, le Gouvernement y est donc défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote sur l'amendement n° 55.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le rapporteur, je n’avais pas compris que c’était M. Chevènement que vous souhaitiez taquiner. J’avoue que c’est en effet tentant.
Si M. Chevènement et moi sommes d’accord, c’est que vraiment l’enjeu est d’importance. Cela arrive suffisamment rarement pour que le Gouvernement et la commission dressent l’oreille et portent une attention particulière à une telle proposition.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 130, présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la première phrase du premier alinéa du 1.2.2. du rapport annexé :
La rénovation des concepts stratégiques de l'OTAN ne peut se concevoir que dans la perspective de l'élaboration d'une politique européenne de sécurité de défense.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Depuis la dissolution du Pacte de Varsovie, l’OTAN tente d’élaborer de nouveaux concepts stratégiques pour s’adapter aux réalités du monde actuel. En effet, elle peut légitimement s’interroger sur l’utilité de maintenir une alliance défensive, alors que le seul adversaire qu’elle avait identifié n’existe plus.
Cependant, force est de constater que ces concepts stratégiques développés en vue de répondre aux nouveaux risques et menaces de notre époque sont en tous points conformes à la conception américaine du monde.
L’objectif des États-Unis reste de transformer l’OTAN en une « alliance globale » tous azimuts, élargissant progressivement son périmètre et sa zone d’intervention et se substituant à l’ONU lorsque celle-ci est défaillante.
Washington conserve une influence déterminante dans la réflexion sur les nouveaux concepts stratégiques. Selon moi, le fait d’avoir obtenu la nomination d’un officier général français au commandement dit de la « transformation » à Norfolk n’y change pas grand-chose.
Constituée autour d’un bloc occidental dans lequel les États-Unis continueront de régner en maîtres, l’OTAN apparaîtra toujours, aux yeux de nombreux pays et de nombreux peuples, comme le bras armé de l’interventionnisme hégémonique des Américains.
Parallèlement, l’élaboration d’une véritable politique européenne de sécurité et de défense peine à progresser, quoi qu’en dise M. de Rohan. Nous persistons à penser – et nous ne sommes pas seuls dans ce cas, tant s’en faut – que la présidence française de l’Union européenne n’a pas tenu ses promesses. Aucun progrès décisif n’a été obtenu sur les questions fondamentales que sont la création d’un état-major permanent de planification des opérations ou d’une agence européenne d’armement dotée d’une réelle autorité.
Pour notre part, nous sommes favorables à une organisation européenne de sécurité collective émancipée de l’OTAN, dont elle ne doit pas être un sous-traitant. Cette organisation devrait avoir pour vocation la prévention des crises, en se fondant sur la résolution multilatérale et politique des conflits et le respect du droit international et des résolutions de l’ONU.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons voir explicitement inscrit dans le chapitre du rapport annexé consacré aux relations transatlantiques que la rénovation de l’OTAN ne peut pas ne pas tenir compte de la nécessité d’une politique européenne de sécurité et de défense.
M. le président. L'amendement n° 21 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi, est ainsi libellé :
I. - Dans la première phrase du premier alinéa du 1.2.2 du rapport annexé, remplacer les mots :
ira de pair avec
par le mot :
implique
II. - Dans la deuxième phrase du même alinéa, remplacer les mots :
elles sont
par les mots :
elles doivent être
III. - Rédiger comme suit la dernière phrase du même alinéa :
Le renforcement de la politique de sécurité et de défense commune est la condition de rénovation de l'OTAN.
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Voilà près de cinquante ans, le président Kennedy disait déjà que l’Alliance atlantique devait reposer sur deux piliers.
La rénovation de l’Alliance atlantique « implique », selon nous, la constitution d’une défense européenne. Nous indiquons en outre que l’une et l’autre « doivent être » complémentaires, car cela ne va pas de soi, et que « le renforcement de la politique de sécurité et de défense commune est la condition de rénovation de l’OTAN ».
La démarche solide et réaliste qui sous-tend cet amendement nous avait d’ailleurs été « vendue » par le Président de la République,…
M. Didier Boulaud. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Chevènement. … mais n’a pas été mise en pratique. Mme Demessine ayant présenté une rédaction modérée et de bon sens, peut-être meilleure que la mienne, je retire mon amendement au bénéfice du sien.
M. le président. L'amendement n° 21 rectifié est retiré.
L'amendement n° 56, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, MM. Desessard, Muller, Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
I. - À la première phrase du premier alinéa du 1.2.2 du rapport annexé, remplacer les mots :
qui ira de pair avec
par le mot :
impliquant
II. - Rédiger comme suit la deuxième phrase du même alinéa :
L’OTAN et l’Union Européenne, complémentaires, sont toutes deux nécessaires face aux menaces et aux crises.
III. - Rédiger comme suit la dernière phrase du même alinéa :
Le renforcement de la politique de sécurité et de défense commune est la condition de la rénovation de l’OTAN.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Approuver le rapport annexé à l’article 2 revient à valider la stratégie développée dans le Livre blanc.
Il me paraît hasardeux de considérer que la « rénovation de la relation transatlantique », telle qu’évoquée dans le 1.2.2 de ce rapport et donc dans le Livre blanc, serait propice à l’établissement d’une relation équilibrée entre la politique européenne de sécurité et de défense et l’OTAN, d’une part, et entre l’OTAN et les pays non membres de cette instance née à la fin de la Seconde Guerre mondiale et dont la raison d’être était la guerre froide, d’autre part.
Un concept stratégique n’est en effet pertinent que s’il est adapté aux situations à venir – changement climatique, tensions sur les ressources énergétiques, multipolarité du monde, émergence d’un terrorisme radical à foyers multiples – et ne s’inspire pas seulement des crispations du passé.
L’argument selon lequel le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN favoriserait l’émergence d’une véritable défense européenne est de courte vue. Les freins à l’avènement de celle-ci n’étaient pas liés à la position originale de la France dans l’OTAN. En réalité, nos partenaires européens n’ont jusqu’à présent pas réellement souhaité s’engager sur cette voie parce qu’ils ont le sentiment que l’OTAN leur offre une protection suffisante et que certains d’entre eux y voient une menace pour la relation privilégiée qu’ils entendent entretenir avec les États-Unis.
Par ailleurs, il est malheureusement à craindre que le choix du retour au sein du commandement intégré ne constitue une entrave à la prévention des conflits et à l’affirmation d’une préférence pour les efforts diplomatiques multilatéraux par rapport aux réponses militaires d’un seul acteur, fût-il un acteur collectif, regroupant un ensemble de pays qui, à l’échelle du monde, se ressemblent tout de même beaucoup.
De ce fait, la France doit continuer à militer pour le développement d’une défense européenne, propre à répondre aux défis de demain et à offrir des solutions variées, loin des oppositions qui ne peuvent qu’alimenter la crainte d’un choc des civilisations.
Cet amendement vise par conséquent à inscrire la défense européenne comme le moyen incontournable d’établir des relations transatlantiques, et plus largement mondiales, coordonnées et apaisées.
Dans un souci de clarification, je me rallie à la position de M. Chevènement, au risque que certains y voient des fraternités tout à fait suspectes (Rires sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste), et je soutiens la rédaction proposée par Mme Demessine.
M. Didier Boulaud. Les fraternités suspectes n’existent pas à droite…
M. le président. L'amendement n° 56 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 130 ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Cet amendement tend à faire du renforcement de la PESD une condition de la rénovation de l’OTAN.
Certes, un tel renforcement des capacités européennes en matière de défense ne peut, à mon sens, qu’être bénéfique. Quelques signes en ce sens ont d’ailleurs déjà été envoyés, même si certains d’entre vous, mes chers collègues, considèrent qu’ils sont insuffisants : je pense notamment à la révision des postes de commandement, qui a donné une plus grande place, à des niveaux de responsabilité importants, aux Européens, et en premier lieu aux Français, le commandement de l’Allied Command Transformation, l’ACT, ayant ainsi été confié au général Abrial.
Bien entendu, ce rééquilibrage ne sera possible que si les Européens se montrent plus volontaires en matière d’effort de défense.
L’expérience nous a appris que la PESD et l’OTAN sont complémentaires. J’espère que, à l’avenir, la PESD sera la plus consistante et la plus importante possible, mais il est certain, en tout cas, qu’elle ne verra jamais le jour si elle apparaît comme une politique de substitution ou même antagoniste par rapport à l’OTAN. En effet, nous ne convaincrons jamais nos partenaires de troquer l’une contre l’autre.
Mme Michelle Demessine. La PESD sera un sous-traitant de l’OTAN, alors !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Madame Demessine, depuis 1949 – cela fait soixante ans ! –, le Parti communiste nous chante la même chanson : « US go home » !
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Vous avez toujours été contre l’OTAN, depuis le début !
Mme Michelle Demessine. Nous ne sommes plus les seuls !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je vous reconnais le mérite de la constance, ce qui vous distingue de M. Chevènement, qui, en tant que ministre de la défense, a participé à un très grand nombre de conseils de l’OTAN et a par conséquent accepté cette organisation, même s’il souhaite qu’elle soit rénovée.
Il ne s’agit pas de réduire la question de la relation transatlantique à la seule PESD. D’autres volets très importants doivent être examinés : la révision des concepts stratégiques de l’OTAN, l’allégement des structures, demandé par la France, les États-Unis et le Royaume-Uni, la clarification des missions ou la refonte de la planification de défense.
L’amendement n° 130 ne prend pas en compte ces nécessités. Par conséquent, la commission y est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Constante !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Par conséquent, lorsque vous affirmez que la présidence française de l’Union européenne n’a pas été un succès,…
M. Didier Boulaud. Dans le domaine de la défense !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. … vos propos dépassent certainement votre pensée ! En effet, tous les États membres ont souligné l’engagement et la détermination du Président de la République au cours de cette période, ainsi que l’implication du Gouvernement, notamment du ministre de la défense, sur des sujets importants et essentiels. Je ne peux donc pas vous laisser dire que la présidence française de l’Union européenne n’a pas atteint ses objectifs.
M. le rapporteur l’a déjà indiqué, un officier général français, actuellement chef d’état-major de l’armée de l’air, va occuper une fonction ô combien stratégique au sein de l’OTAN.
Renforcer la PESD et renforcer l’OTAN sont les deux volets d’une même démarche. Le Gouvernement n’entend pas revenir sur ce point. L’Union européenne et l’OTAN ont chacune leurs spécificités, leurs objectifs et leur dynamique propres, mais elles sont toutes deux nécessaires à la sécurité et à l’action de la France sur la scène internationale.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 130.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Chevènement. Je voudrais rappeler à M. de Rohan que, à l’époque qu’il a évoquée, le ministre français de la défense ne siégeait pas au Conseil des ministres de la défense de l’OTAN. C’est seulement au début des années quatre-vingt-dix que François Mitterrand a mis fin à cette politique d’abstention. Par la suite, le chef d’état-major des armées a été envoyé au comité militaire.
Cela ne m’a pas empêché d’avoir de bonnes relations avec mes homologues américains – notamment M. Carlucci, qui m’avait invité à Washington – et d’étudier avec eux le perfectionnement des accords qui unissaient la France à l’OTAN. J’ai également essayé de convaincre M. Cheney, avec qui j’ai eu un entretien sur ce thème le 23 octobre 1990, qu’il ne fallait pas briser l’échine de l’Irak, au risque d’ouvrir la voie au fondamentalisme et à la domination de l’Iran sur la région. Je ne le connaissais pas encore à l’époque, et je pouvais espérer que ces arguments de bon sens finiraient par le convaincre. Je regrette que tel n’ait pas été le cas, mais, entre alliés, les rapports doivent être marqués du sceau de l’amitié et de la franchise.
M. le président. L'amendement n° 96, présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après la deuxième phrase du premier alinéa du 1.2.2 du rapport annexé, insérer une phrase ainsi rédigée :
Toutefois, la politique européenne de sécurité et de défense commune est autonome.
La parole est à M. Jacques Berthou.
M. Jacques Berthou. L’Union européenne n’est pas de même nature que l’OTAN. Il est donc nécessaire d’affirmer l’autonomie de la PESD.
La nouvelle politique inspirée par le Président de la République nous place à la remorque de l’Alliance atlantique. Or le renforcement de l’Union européenne dans le domaine de la gestion des crises et de la sécurité ne doit pas être tributaire de la « rénovation » de l’OTAN.
Cet amendement vise à préserver une politique européenne de défense spécifique. Celle de la France a toujours été originale et volontariste, ce qui a permis à la défense européenne de commencer à grandir.
L’Union européenne, contrairement à l’OTAN, n’est pas une alliance militaire. Or le texte qui nous est présenté confond les deux entités. La PESD est une politique de l’Union européenne, alors que l’OTAN est une organisation militaire. Nous devons conforter la PESD afin qu’elle puisse disposer de moyens autonomes, faute de quoi elle ne sera qu’un appendice de l’Alliance atlantique.
Il ne s’agit pas de rejeter la recherche d’une complémentarité entre la PESD et l’OTAN. Cependant, il n’est pas choquant de tenir compte des différences objectives qui distinguent les États-Unis, directeurs politiques de l’Alliance atlantique, de l’Europe, qu’il s’agisse de la géographie, des intérêts stratégiques ou du rapport à l’usage de la force et au respect du droit international.
La politique européenne de sécurité et de défense commune doit être autonome pour exister.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. L’autonomie de l’Union européenne résulte des traités et est attestée par la plupart des opérations militaires ou civiles qu’elle a menées. Le rapport annexé mentionne d’ailleurs notre ambition de faire de l’Union européenne un acteur majeur de la gestion des crises et de la sécurité internationale.
L’ajout qu’il est proposé d’insérer dans le texte au travers de cet amendement ne paraît pas nécessaire. L’Union européenne et l’OTAN sont bien entendu autonomes, mais le fait que vingt et un pays soient membres de l’une et de l’autre impose qu’il existe une compatibilité entre les deux organisations.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Comme l’a fort bien dit M. le rapporteur, il va de soi que la politique européenne de sécurité et de défense commune est autonome ; sinon, comment pourrait-elle être complémentaire de l’OTAN ?
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le secrétaire d’État, ce débat doit être l’occasion d’un échange approfondi.
L’amendement déposé par le groupe socialiste est de bon sens. En effet, croyez-vous que les États-Unis souhaitent véritablement une politique européenne de sécurité et de défense autonome ? Dans leur excellent livre L’Amérique face au monde, paru à la fin de 2008, MM. Brzezinski et Scowcroft appellent de leurs vœux un meilleur partage du fardeau entre les États-Unis et l’Europe,…
M. Didier Boulaud. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Chevènement. … mais ils ne souhaitent pas l’avènement d’une défense européenne autonome…
M. Jean-Pierre Chevènement. … qui pourrait faire de l’ombre à leur pays. Cela est dit très clairement.
Nous devons donc nous entendre sur les mots. L’adjectif « complémentaire » prêtant à confusion, il faut nettement indiquer que nous visons un partage des responsabilités. Voilà ce que signifie l’expression « politique autonome ».
M. Didier Boulaud. Exactement !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Il faut en effet préciser les choses. Les États-Unis et la France considèrent que, au sein de l’Union européenne comme au sein de l’OTAN, un certain nombre de pays n’assument pas leurs responsabilités en matière de défense, estimant que le parapluie américain suffit et qu’ils n’ont aucunement à inscrire dans leur budget des dépenses militaires. Nous ne pouvons donc que faire nôtre ce souhait des Américains d’un meilleur partage du fardeau.
Cela étant, une autre question est de savoir si les États-Unis accepteraient ou non une politique européenne de sécurité et de défense. À Bucarest, M. Bush s’était prononcé favorablement sur ce point, position confirmée par l’administration américaine actuelle.
Si l’Europe entend se doter d’une politique européenne de sécurité et de défense, ce ne sont donc pas les États-Unis qui s’y opposeront, car ils savent que leurs alliés veulent que cette politique soit complémentaire de celle de l’OTAN,…
M. Josselin de Rohan, rapporteur. … mais les Vingt-Sept sont pusillanimes.
Je ne vois donc pas où est la difficulté. La véritable question est plutôt de savoir si l’Europe veut vraiment une politique européenne de sécurité et de défense. En tout cas, tel est le souhait de la France, et je crois qu’il n’y a pas d’ambiguïté sur ce point.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 22 rectifié est présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 57 est présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, MM. Desessard, Muller, Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Dans le second alinéa du 1.2.2 du rapport annexé, remplacer les mots :
s'effectue
par les mots :
ne peut s'effectuer que
II. - Dans le même alinéa, après les mots :
principes suivants :
insérer les mots :
autonomie de nos concepts doctrinaux ;
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour présenter l’amendement n° 22 rectifié.
M. Jean-Pierre Chevènement. Dans le rapport annexé, il est indiqué que le rapprochement avec la structure de commandement de l’OTAN s’effectue dans le respect des principes suivants : indépendance complète de nos forces nucléaires, absence d’automaticité dans nos engagements militaires, accroissement de nos capacités de renseignement, liberté permanente de décision. Je souhaite simplement ajouter à cette liste l’autonomie de nos concepts doctrinaux. N’oublions pas, en effet, que la pensée précède l’action !
Ainsi, nous avons refusé de participer à l’invasion de l’Irak, que ce soit au sein de la coalition des pays volontaires ou dans le cadre de l’OTAN, en procurant un certain nombre de facilités matérielles aux forces d’invasion, parce que nous pensions qu’il n’existait pas d’armes de destruction massive dans ce pays et que l’on n’exporte pas la démocratie par la force des baïonnettes ou des missiles. Bref, sur ces sujets, nous avions une doctrine autonome.
Mon amendement vise simplement à préciser que nous devons préserver l’indépendance de notre pensée ; tout le reste en découle.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour présenter l'amendement n° 57.
Mme Dominique Voynet. Dans le prolongement de mes amendements précédents, qui avaient pour objet de préciser que la politique étrangère et de sécurité européenne était complémentaire de l’OTAN, mais autonome dans ses fondements, il s’agit d’insister sur le fait que l’autonomie de nos concepts doctrinaux doit être à chaque instant réaffirmée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. L’autonomie de nos concepts doctrinaux ne paraît pas remise en cause dès lors que les principes de liberté d’appréciation et de décision de la France, ainsi que d’autonomie stratégique, ont été clairement posés.
Nous n’avons jamais été contraints de participer à la moindre opération de l’OTAN ; lorsque nous nous sommes engagés, ce fut de notre propre autorité et en toute indépendance.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Ainsi que le souligne le Livre blanc, l’engagement de la France dans l’OTAN n’altère pas notre autonomie, puisque sont sauvegardées l’indépendance de nos forces nucléaires, la liberté d’appréciation de nos autorités et, surtout, la liberté de décision d’engagement de nos forces.
Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 rectifié et 57.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 58, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Au début du 1.2.3 du rapport annexé, ajouter deux alinéas ainsi rédigés :
La France prendra des initiatives permettant de relancer un processus coordonné de réduction du nombre de têtes nucléaires et de démantèlement des arsenaux nucléaires. Elle participera activement aux efforts de réduction et de maîtrise des armements dans l’optique d’un désarmement général et complet.
La France veillera notamment à l’universalisation du traité de non prolifération et à celle du traité international d’interdiction des essais nucléaires. Elle soumettra, à la conférence d’examen du Traité de non prolifération de 2010 et lors des réunions préparatoires, des propositions pour renforcer le régime de non-prolifération.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Par cet amendement, nous souhaitons souligner la nécessité, pour notre pays, de prendre des initiatives permettant de relancer le processus de réduction du nombre de têtes nucléaires et de démantèlement des arsenaux, ainsi que de veiller à l’universalisation du traité de non-prolifération et du traité d’interdiction des essais nucléaires.
On m’objectera que la France a déjà pris sa part dans ce chantier, mais je pense que nous pouvons et que nous devons aller plus loin. Les réalités géopolitiques et les menaces qui pèsent aujourd’hui sur les États démocratiques ne sont plus celles qui prévalaient à l’époque de l’élaboration de la stratégie de dissuasion militaire nucléaire de la France.
Dans la perspective de la conférence d’examen du traité de non-prolifération de 2010, et comme l’a préconisé le président des États-Unis lors de son allocution du 5 avril 2009 à Prague, le désarmement général et complet reste l’objectif ultime fixé par l’article VI du traité de non-prolifération des armes nucléaires. Il doit désormais être envisagé de façon plus concrète.
Le traité de non-prolifération est, depuis 1969, le seul régime juridique international de lutte contre la prolifération des armes nucléaires. Signé par 188 pays, il engage les puissances nucléaires à désarmer. Tel est l’objet de son article VI, dont je rappelle les termes : « Chacune des Parties au Traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire, et sur un traité de désarmement général et complet sous contrôle international strict et efficace. »
Cet article est ouvertement bafoué par la France, qui poursuit la modernisation de ses armes nucléaires et encourage ainsi directement les autres pays à se doter de capacités militaires nucléaires. Pour mobiliser la communauté internationale autour de la question de la prolifération de ces armes et pour amener les pays soupçonnés aujourd’hui d’ambitionner d’en produire à renoncer à cet objectif, il faut d’abord que nous montrions notre volonté d’aboutir à une dénucléarisation. Seule une réduction de notre propre arsenal, couplée au développement de la coopération internationale, peut permettre de progresser dans cette voie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Cet amendement est en grande partie satisfait par l’adoption par l’Union européenne, sous présidence française, d’un plan de désarmement à l’initiative duquel se trouve le Président de la République. Ce plan a été adressé au secrétaire général des Nations unies et a été largement diffusé dans toutes les enceintes concernées par le désarmement, en vue notamment de la conférence d’examen du traité de non-prolifération de 2010.
J’ajoute que le plan européen est plus complet que le dispositif de cet amendement, puisqu’il met notamment l’accent sur l’importance d’un futur traité d’interdiction de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires, dont la négociation va s’engager au sein de la Conférence du désarmement.
En revanche, la référence à un processus coordonné de diminution du nombre de têtes nucléaires paraît contestable. L’accentuation de la réduction des arsenaux des États-Unis et de la Russie, qui possèdent 95 % du stock mondial de têtes nucléaires, est un préalable nécessaire. En effet, engager des discussions multilatérales associant les autres puissances nucléaires, dont les arsenaux sont sans commune mesure avec ceux des États-Unis et de la Russie, n’aurait pas de sens.
Madame Voynet, je vous renvoie aux propos extrêmement pertinents qui ont été tenus hier sur ce sujet par M. Chevènement. La commission vous invite à retirer votre amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Il n’aura pas échappé à Mme Voynet que la France présente un bilan exemplaire, unique au monde, en matière de désarmement nucléaire.
La France a été le premier État, avec le Royaume-Uni, à signer et à ratifier le traité d’interdiction complète des essais nucléaires. Elle est le premier État à avoir décidé la fermeture et le démantèlement de ses installations de production de matières fissiles à des fins explosives. Elle est le seul État à avoir démantelé ses missiles nucléaires sol-sol. La France est le seul État a avoir diminué volontairement d’un tiers le nombre de ses sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. En outre, dans un discours prononcé à Cherbourg le 21 mars 2008, le Président de la République a annoncé, pour la composante aéroportée, la réduction d’un tiers du nombre d’armes nucléaires, de missiles et d’avions.
Vous voyez donc que la France est exemplaire sur ce sujet. Nous sommes défavorables à cet amendement, que nous pensons inutile.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. M. le secrétaire d’État a rappelé les efforts qui ont été jusqu’ici déployés par notre pays pour donner le bon exemple en matière de dénucléarisation et souligné à juste titre qu’ils renforcent singulièrement la crédibilité de la France en la matière.
Cependant, alors que le texte qui nous est proposé est parfois redondant et insiste sur des points qu’il est permis de considérer comme secondaires, je ne vois pas pourquoi nous renoncerions à y inscrire de façon explicite que nous poursuivrons ces efforts, par l’insertion de deux alinéas à la rédaction parfaitement raisonnable et conçus pour pouvoir être adoptés par l’ensemble des membres de la Haute Assemblée.
Je maintiens donc cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
I. - Rédiger comme suit la première phrase du 1.2.3 du rapport annexé :
La France, membre permanent du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies, entend agir pour faire respecter les principes du droit international, dont le premier est l'autodétermination des peuples et pour soutenir les résolutions de l'Organisation des Nations unies.
II. - Au début de la troisième phrase, supprimer les mots :
Membre permanent du Conseil de sécurité,
III. - Dans la quatrième phrase, remplacer les mots :
s'engage à ce titre en faveur d'
par le mot :
soutient
IV. - Compléter la même phrase par les mots :
sans nuire à son bon fonctionnement qui implique un plafonnement du nombre de ses membres
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Cet amendement vise à rappeler d’emblée, et non au détour d’une phrase, que la France est membre permanent du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies et qu’à ce titre elle agit pour « faire respecter les principes du droit international, dont le premier est l’autodétermination des peuples, et pour soutenir les résolutions de l’Organisation des Nations unies ». Cette formulation me paraît préférable à celle du rapport annexé, selon laquelle « le multilatéralisme est au cœur de la politique de la France ». Le multilatéralisme est une méthode, ce n’est pas une politique ; en revanche, le soutien au droit international en est une.
Par ailleurs, nous suggérons que l’élargissement du Conseil de sécurité « aux puissances qui ont la capacité et la volonté de contribuer à la paix et à la sécurité internationales » s’opère « sans nuire à son bon fonctionnement qui implique un plafonnement du nombre de ses membres ». Le Conseil de sécurité compte actuellement quinze membres. Au-delà de vingt membres, son fonctionnement deviendra difficile ; avec vingt-cinq membres, il sera ingouvernable. C’est pourquoi il est délicat de faire droit à toutes les demandes. L’Allemagne désire en faire partie, soit, mais l’Italie aussi, ce qui pose problème car d’autres pays ne souhaitent pas son entrée au Conseil de sécurité. Nous soutenons la candidature du Brésil, mais le Mexique et l’Argentine demandent également à être admis. Deux pays africains figureraient dans la liste des membres permanents, mais lesquels ? La Chine ne veut pas du Japon, ni de l’Inde, semble-t-il. Cette question est très compliquée. Par conséquent, je pense qu’il faut balancer notre soutien tous azimuts par une considération de bon sens : pour que l’ONU fonctionne, il faut limiter le nombre de membres permanents du Conseil de sécurité, dont l’effectif global ne saurait être supérieur à vingt.
M. le président. Le sous-amendement n° 137, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
Après les mots :
Organisation des Nations unies
rédiger comme suit la fin du second alinéa du I de l'amendement n° 23 :
se conforme aux règles du droit public international. Elle n'entreprendra aucune guerre dans des vues de conquête et n'emploiera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple. Sous réserve de réciprocité, elle consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix.
Ce sous-amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 23 rectifié ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Le Gouvernement est lui aussi défavorable à cet amendement.
Monsieur Chevènement, quels que soient ses défauts et ses difficultés, la voie du multilatéralisme paraît non seulement la plus légitime, mais aussi la plus prometteuse. La France continuera de privilégier son renforcement. Le multilatéralisme constitue un principe fondateur, sur lequel il ne nous paraît pas opportun de revenir.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 59, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le troisième alinéa du 1.3 du rapport annexé :
La dissuasion a pour fonction d’empêcher une agression d’origine étatique contre les intérêts vitaux de la nation, d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme. Longtemps fondée sur l’accumulation d’armes de destruction massive, notamment nucléaires, elle pose des problèmes insurmontables dans un monde multipolaire, notamment en termes de prolifération. Sa fonction et ses modalités doivent être profondément revues, afin de prévenir les conflits avant qu’ils n’éclatent, au niveau de l’Union Européenne et des Nations unies.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement concerne la dissuasion nucléaire, qui est affichée dans le rapport annexé comme l’une des cinq grandes fonctions stratégiques de la politique de défense française.
Je considère pour ma part que si la stratégie de dissuasion militaire de la France pouvait s’expliquer, sinon se justifier, dans le contexte de la guerre froide, aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, face à un ennemi potentiel bien identifié, les réalités géopolitiques et les menaces qui pèsent aujourd’hui sur les États démocratiques – le terrorisme, les atteintes à la sécurité et à l’approvisionnement énergétiques ou aux équipements informatiques, par exemple – ne sont plus celles qui prévalaient à l’époque de l’élaboration de cette stratégie.
Dans ce contexte renouvelé, la dissuasion nucléaire s’avère inefficace et présente un certain nombre de graves inconvénients, au premier chef la prolifération, qui constitue un problème pratiquement insurmontable.
En outre, le coût élevé de production et d’entretien de l’arme nucléaire compromet le développement des forces d’interposition et de maintien de la paix, ainsi que la contribution française à l’Europe de la défense.
Le terme « dissuasion » renvoie, selon un usage galvaudé, à une dissuasion strictement nucléaire. Pourtant, ce mot, issu du substantif latin dissuasio – action de dissuader, de détourner –, lui-même dérivé du verbe dissuadere, qui signifie déconseiller, dissuader, détourner de l’exécution d’un dessein ou d’une résolution prise (Exclamations sur les travées de l’UMP), a différents sens. La dissuasion consiste à prévenir un acte en persuadant son auteur potentiel que les coûts excèdent les bénéfices. Ces coûts peuvent être directs, dans le cas de la dissuasion par interdiction, ou indirects, pour la dissuasion par représailles.
On peut d’ailleurs faire remonter la conceptualisation de la notion de dissuasion aux débuts de la criminologie moderne, née des travaux des philosophes Cesare Beccaria et, surtout, Jeremy Bentham. Ce dernier, cherchant à définir une doctrine sociale de « l’utilitarisme », fut notamment conduit à proposer, à la suite de sa réflexion sur le système pénal, le terme de determent, désignant la punition comme moyen de décourager le crime et resté d’un usage courant dans la langue anglaise jusque dans les années cinquante.
Cet amendement vise donc à supprimer un terme qui est utilisé ici selon une acception particulièrement restrictive.
M. le président. L'amendement n° 127, présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le troisième alinéa du 1.3 du rapport annexé :
La dissuasion a pour fonction d'empêcher une agression d'origine stratégique contre les intérêts vitaux du pays. Dans le monde multipolaire qui est le nôtre, la prolifération nucléaire ne permet pas de prévoir l'origine d'une agression. Il est impératif de changer notre doctrine d'emploi de l'arme nucléaire et de ne l'utiliser qu'après avoir épuisé, dans les instances internationales, toutes les possibilités de prévention d'un conflit.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Toutes les dimensions de la dissuasion nucléaire, qui est l’une des cinq grandes fonctions stratégiques définies par le Livre blanc, ne sont pas suffisamment prises en compte dans le premier chapitre du rapport annexé : est simplement évoquée, d’une manière très générale, sa fonction première d’empêcher une agression d’origine étatique contre nos intérêts vitaux. Ceux-ci mériteraient d’ailleurs d’être précisés. Considérez-vous par exemple, monsieur le secrétaire d’État, que la sécurité de nos approvisionnements énergétiques en fasse partie ? Apporter cette précision me semble important, alors que la récente signature de nouveaux accords de défense avec l’émirat d’Abou Dhabi pourrait le cas échéant nous amener à recourir à la dissuasion nucléaire, si d’aventure l’Iran s’avisait d’entraver la circulation maritime dans le golfe arabo-persique.
Je pense que cette définition trop générale de la dissuasion ne tient pas compte des réalités du monde d’aujourd’hui. En effet, notre doctrine de la dissuasion nucléaire, laquelle consiste à faire comprendre à l’ennemi que les risques encourus sont supérieurs aux avantages escomptés, a été élaborée à une époque où le monde était bipolaire et où l’agresseur potentiel était clairement identifié. Les réalités ont changé : la prolifération nucléaire ne permettant plus de prévoir l’origine d’une agression et les risques d’agression étant devenus multiformes, il faut adapter notre doctrine d’emploi de l’arme nucléaire.
Il serait donc souhaitable d’inscrire dans le premier chapitre du rapport annexé que la France considère désormais que l’arme nucléaire ne peut être utilisée « qu’après avoir épuisé, dans les instances internationales, toutes les possibilités de prévention d’un conflit ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Nous sommes pour la dissuasion, les auteurs de ces amendements sont contre : avis défavorable sur les deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Ces amendements sont contraires à toute notre politique de défense et ne peuvent donc que recevoir un avis défavorable.
De plus, il appartient au rapport annexé à la loi de programmation militaire de modifier la doctrine de la dissuasion nucléaire, qui relève du Président de la République.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote sur l’amendement n° 59.
Mme Dominique Voynet. L’argumentation est courte : Mmes Voynet et Demessine sont hostiles à la dissuasion nucléaire, leurs amendements reçoivent un avis défavorable !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Eh oui !
Mme Dominique Voynet. J’ai pourtant laissé volontairement de côté les arguments éthiques et moraux qui, aux yeux de bien des citoyens, suffisent à disqualifier le recours à l’arme nucléaire, pour m’en tenir à des arguments compatibles avec votre propre concept, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, d’une arme ultime qui n’a pas vocation à être utilisée.
Je pose sérieusement la question suivante, à laquelle vous ne répondez pas : cette arme coûteuse, qui prolifère, nous protège-t-elle en quoi que ce soit des risques d’aujourd’hui, au nombre desquels figurent, outre l’agression d’un État contre un autre, le terrorisme, les atteintes à la sécurité des approvisionnements énergétiques, les menaces économiques ou informatiques, qui pèsent sur l’ensemble de nos sociétés ? Dans cette perspective, est-il justifié de dépenser des sommes aussi considérables pour une arme qui engendre d’autres risques encore, notamment ceux de prolifération ou de mésusage liés à la circulation et à la vente des cerveaux capables de doter d’autres États ou des groupes terroristes de l’arme nucléaire ? Je constate que vous fuyez la discussion, mais j’attends une réponse à ces questions.
M. François Trucy. Utopiste !
Mme Dominique Voynet. On me qualifie d’utopiste, du côté droit de l’hémicycle, comme s’il s’agissait d’une insulte !
M. François Trucy. C’est un danger !
Mme Dominique Voynet. Je m’honore d’être une utopiste, monsieur Trucy ! Qui aurait dit, voilà vingt ou trente ans, que les rapports de force dans le monde deviendraient ce qu’ils sont aujourd'hui se serait fait traiter d’utopiste ! Pourtant, les moyens consacrés à la dissuasion nucléaire ont bel et bien été fortement réduits. Est-il si dangereux, si difficile pour vous de vous interroger sur l’efficacité de cette arme, aussi discutable que celle de la ligne Maginot en son temps ? Ce n’est tout de même pas un scandale de poser de telles questions quand on considère le nombre de milliards qui sont consacrés chaque année à la dissuasion nucléaire !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Madame Voynet, ce n’est tout de même pas non plus un scandale que de ne pas être d’accord avec vous ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
Mme Dominique Voynet. Votre argumentation est pathétique !
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, faisons en sorte que le débat se déroule de façon calme et sereine,…
Mme Dominique Voynet. Il n’y a pas de débat !
M. le président. … afin que chacun puisse s’exprimer, en laissant au président le soin de conduire la discussion.
Je mets aux voix l'amendement n° 59.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 24 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Charasse, est ainsi libellé :
À la fin de la seconde phrase du dernier alinéa du 1.3 du rapport annexé, remplacer les mots :
de l'Atlantique au golfe arabo-persique à l'océan Indien
par les mots :
du continent européen à l'Afrique, à l'arc de crise s'étendant de l'Atlantique à l'ouest de l'Afrique jusqu'à l'océan Indien, et à l'Asie
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Il s’agit de définir les zones géographiques prioritaires du point de vue de nos intérêts en matière de sécurité. Selon nous, cette liste doit commencer avec le continent européen et se poursuivre avec l’Afrique, où vivent de nombreux francophones. Viennent ensuite l’arc de crise s’étendant de l’Atlantique à l’ouest de l’Afrique, jusqu’à l’océan indien, et enfin l’Asie, zone de contradictions majeures, vers laquelle le centre de gravité de la planète se déplace.
La logique suivie en matière de sécurité doit être inspirée par l’intérêt national. Il convient donc de s’intéresser d’abord à l’Europe, puis à l’Afrique, au Proche-Orient, au Moyen-Orient et, enfin, à l’Asie lointaine, dont nous souhaitons qu’elle puisse résoudre ses problèmes pacifiquement. En tout cas, il importe que la France ne soit pas engagée dans des conflits qui la dépassent, comme c’est malheureusement le cas aujourd'hui.
Cet ordre de priorité est différent de celui qui a été retenu dans le Livre blanc, qui, je le rappelle, n’a jusqu’à présent fait l’objet d’aucun vote. En votant sur le projet de loi de programmation militaire, nous allons donc également nous prononcer sur le Livre blanc, qui, comme l’a dit M. Morin, est notre « feuille de route ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Défavorable. L’arc de crise décrit dans le Livre blanc recoupe bien la localisation de la plupart des conflits actuels.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Je partage l’avis de M. le rapporteur. J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 60, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
I. - Dans l'intitulé du 1.4 du rapport annexé, supprimer les mots :
et contrats
II. – Dans la première phrase du premier alinéa du 1.4 du rapport annexé, supprimer les mots :
et en contrats
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. L’amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 61, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Supprimer le quatrième alinéa du 1.4 du rapport annexé.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Compte tenu de la richesse des arguments que m’oppose le Gouvernement à propos de la dissuasion nucléaire, je ne rouvrirai pas le débat, me bornant à relever que le quatrième alinéa du 1.4 du rapport annexé énumère les moyens de la dissuasion nucléaire : sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, moyens de sûreté assurant la liberté d’action de ceux-ci, capacité de frappe aérienne nucléaire, etc.
Alors que l’utilisation de ces équipements est plus qu’improbable, leur conception et leur entretien coûtent extrêmement cher. Cet amendement s’inscrit donc dans la logique générale de nos propositions et la conforte.
Je profiterai de cette occasion pour évoquer un amendement que vous n’aurez pas le plaisir de lire, mes chers collègues, puisqu’il a été déclaré irrecevable par la commission des finances au titre de l’article 40 de la Constitution.
Cet amendement ne visait pourtant pas à réduire les moyens affectés à la dissuasion ; il tendait à les affecter au démantèlement et à la restauration des sites, ainsi qu’au recyclage des matières pouvant être recyclées. Invoquer contre lui l’article 40 donne à penser que la mise en œuvre de ce dispositif aurait pu entraîner des dépenses supplémentaires pour l’État, or il n’en était rien.
En choisissant de ne pas réduire les moyens affectés à la dissuasion, j’entendais insister sur le coût extravagant du démantèlement des armes anciennes, qui ne me paraît pas suffisamment pris en compte aujourd'hui. Nous aurons l’occasion d’y revenir ultérieurement au cours de l’examen du texte, lorsqu’il s’agira de penser le « retour à l’herbe » de certaines installations nucléaires, dont le poids repose largement sur la collectivité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Nous avons déjà insisté sur l’importance de la dissuasion dans notre politique de défense, dont elle représente – je le rappelle une fois de plus à Mme Voynet – l’axe le plus fort. J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 61.
M. le président. L'amendement n° 25 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi, est ainsi libellé :
Dans le cinquième alinéa du 1.4 du rapport annexé, remplacer les mots :
en deux
par les mots :
plusieurs
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Le cinquième alinéa du 1.4 du rapport annexé prévoit, en matière de prévention, que nous ne disposions plus à terme que de deux points d’appui sur les façades occidentale et orientale de l’Afrique.
Sur la façade orientale de l’Afrique, il est clair que le point d’appui sera Djibouti, mais quel sera-t-il sur la façade occidentale ? S’agira-t-il de Dakar ? De Port-Gentil ? D’Abidjan ? Je ne parle pas du Tchad ni de la République centrafricaine, puisque nous n’y avons pas de base permanente.
Nous sommes engagés dans un certain nombre d’opérations depuis longtemps, mais ne conserver qu’un seul point d’appui sur la façade occidentale ne nous mettrait pas en situation, à mon avis, d’assumer nos responsabilités à l’égard des jeunes États de cette vaste région de l’Afrique centrale, dont les richesses excitent la convoitise d’autres puissances, que je ne nommerai pas, alors que leur construction est encore loin d’être achevée. Or, sans sécurité, il n’y a ni développement ni démocratie. Le maintien d’une base permanente en Afrique centrale me paraît relever du simple bon sens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. La commission estime que la rationalisation de nos forces prépositionnées est indispensable. Dans cette logique, concentrer ces forces dans deux bases permanentes en Afrique paraît raisonnable, d’autant que nous créons une base aux Émirats arabes unis, dans une zone dont la France ne peut se désintéresser. Pour l’heure, l’extrême dispersion de nos implantations hors métropole crée des contraintes difficiles à gérer en termes de répartition des matériels et de soutien.
Je rappelle à M. Chevènement que nous avons passé des accords de défense avec les pays africains. Si l’un d’entre eux se trouvait menacé, nous y enverrions des forces, comme nous l’avons fait au Tchad avec l’opération Épervier, afin d’éviter que l’indépendance de ce pays ne soit mise en danger par des attaques venues du Nord ou de l’Est.
L’un des axes majeurs de notre politique consiste à développer, avec l’appui de l’Union européenne, les capacités africaines de maintien de la paix, dans le cadre de l’Union africaine et des organisations sous-régionales. Il ne faudrait pas nous exposer au reproche de néo-colonialisme, qui nous est déjà trop souvent adressé.
En cas de besoin, nous pourrions intervenir dans ces pays et créer des bases nouvelles, mais deux bases permanentes suffisent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Le Gouvernement fait sienne l’argumentation de la commission et émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 26 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du dixième alinéa du 1.4 du rapport annexé, après les mots :
sécurité internationale
insérer les mots :
dans le cadre des résolutions du conseil de sécurité des Nations Unies
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Cet amendement vise à préciser que les opérations de stabilisation de l’armée française doivent s’inscrire dans le cadre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies ou dans celui de la légitime défense défini à l’article 51 de la Charte des Nations unies.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Défavorable. Nous avons déjà longuement explicité nos positions respectives.
M. le président. L'amendement n° 62, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
À la fin de l'avant-dernier alinéa du 2.1.1.2 du rapport annexé, supprimer les mots :
A 400M et Atlantique 2
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Il est indéniable que l’A 400M revêt une importance cruciale à l’échelon européen, pour des raisons économiques, de stratégie industrielle, mais également de politique de défense. Sept nations, 180 appareils à livrer pour un coût unitaire de 145 millions d’euros : c’est considérable.
Si le programme de l’avion de transport A 400M mérite une attention particulière, c’est en raison non seulement des répercussions potentielles de son retard sur la capacité opérationnelle des forces armées européennes en général, et françaises en particulier, mais aussi des difficultés qu’il peut engendrer pour les champions industriels de l’Europe de la défense que sont la société EADS et sa filiale Airbus.
Les difficultés techniques rencontrées au cours de la construction de l’avion A 400M ont entraîné un retard estimé à quatre ans pour la première livraison. Ce retard pourrait, dans le pire des cas, conduire à l’abandon pur et simple du programme ; le P-DG d’EADS a récemment souligné que ce risque est réel.
Le sauvetage du programme coûterait entre 7 milliards et 8 milliards d’euros aux contribuables des pays concernés, selon les chiffres qui circulent dans les milieux aéronautiques. Pour les Français, la facture pourrait se situer entre 2 milliards et 2,5 milliards d’euros supplémentaires.
Les ministres de la défense des sept pays partenaires du programme A 400M n’ont abouti qu’à un compromis a minima sur l’avenir de l’avion, le 22 juin dernier à Séville, et se sont accordés un mois de réflexion supplémentaire : rien qui laisse présager un avenir radieux pour ce projet !
Mon amendement a pour objet d’exprimer une préoccupation. Il ne constitue pas, bien sûr, une quelconque marque de défiance à l’égard d’un programme d’avion de transport qui me paraît tout à fait indispensable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Tel qu’il est rédigé, cet amendement donnera des arguments à ceux qui souhaitent se retirer du programme. La commission souhaite très fortement, au contraire, que celui-ci puisse être mené à son terme, en raison de l’importance qu’il représente pour notre industrie aéronautique et pour l’indépendance de notre pays.
Nous sommes donc totalement défavorables à cet amendement. En outre, il n’y a aucune raison de supprimer la référence aux avions gros porteurs Altantique 2.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Afin de la rassurer, j’indique à Mme Voynet que M. le ministre de la défense réunira ses homologues des pays partenaires le 24 juillet prochain en vue de préparer un avenir plus radieux à un programme ô combien important.
Le retard de calendrier du programme de l’A 400M n’exclut pas une première livraison avant 2014. Nous y travaillons.
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier, pour explication de vote.
M. Jacques Gautier. Le point a été fait hier après-midi, lors de la discussion générale, sur l’A 400M. Tout laisse à penser que l’engagement de M. le ministre de la défense et celui des États concernés, ainsi que le moratoire en cours, permettront que les premières livraisons, attendues avec impatience par nos armées, puissent intervenir dès 2013, comme annoncé. Il serait donc totalement fou d’y renoncer, d’autant que le « trou capacitaire » pose problème et qu’il nous faudra investir pour le boucher. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. L'amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après le 2.1.2 du rapport annexé, insérer un 2.1.2 bis ainsi rédigé :
2.1.2 bis L'action diplomatique
Le renseignement doit nourrir les actions de prévention des conflits qui incombent à la diplomatie.
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. La diplomatie a un rôle particulier à jouer en matière de prévention des conflits, ce que l’on a parfois oublié par le passé. Les actions en la matière lui incombent « notamment », comme a souhaité le préciser M. Charasse au travers d’un sous-amendement. Je reprends volontiers à mon compte cette formulation et rectifie mon amendement en conséquence.
Cela m’est l’occasion de rappeler à M. de Rohan que le fait de disposer de forces prépositionnées participe d’une stratégie de prévention des conflits, tandis que les opérations pouvant être menées en vertu d’accords de défense qu’il a évoquées ne sont décidées qu’en réaction à des tentatives de déstabilisation.
En tout état de cause, le rôle de la diplomatie en matière de prévention des conflits doit être mis en exergue, y compris dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 27 rectifié bis, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, et ainsi libellé :
Après le 2.1.2 du rapport annexé, insérer un 2.1.2 bis ainsi rédigé :
2.1.2 bis L'action diplomatique
Les actions de prévention des conflits incombent notamment à la diplomatie qui dispose pour ce faire des éléments rassemblés par les services de renseignement.
Le sous-amendement n° 134, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa de l'amendement n° 27 :
Les actions de prévention des conflits incombent notamment à la diplomatie qui dispose pour ce faire des éléments rassemblés par les services de renseignement.
Ce sous-amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 27 rectifié bis ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. La fonction « connaissance et anticipation » fournit aux responsables les outils d’aide à la décision nécessaires, y compris dans le domaine diplomatique.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 63, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Supprimer le 2.2 du rapport annexé.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Tout le chapitre 2.2 du rapport annexé confond dissuasion et dissuasion nucléaire ! Comme je l’ai déjà souligné tout à l’heure, une définition beaucoup trop bornée – au sens de « limitée par des bornes », il ne s’agit pas d’une insulte ! – du terme « dissuasion » a été retenue. Je propose donc la suppression du chapitre 2.2 du rapport annexé.
M. le président. L'amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Compléter la dernière phrase du 2.2.1 du rapport annexé par les mots :
dont, hors situation de crise, seulement une centaine sont opérationnelles
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Il peut m’arriver de ne pas partager le point de vue de Mme Voynet…
Mme Dominique Voynet. Personne n’est parfait !
M. Jean-Pierre Chevènement. En l’occurrence, c’est le cas.
Dans un monde où les menaces sont nombreuses, où la surprise est toujours possible et où la géographie des puissances entre en jeu d’une manière nouvelle, sans doute en conséquence de la mondialisation libérale, il est important, me semble-t-il, de préserver les marges d’indépendance de la France. Cela suppose de maintenir une dissuasion crédible, calibrée à un niveau de stricte suffisance.
Je ne vois pas pourquoi nous inscririons dans le texte que notre arsenal doit comporter moins de 300 têtes nucléaires. Ce chiffre sera immédiatement comparé au nombre de têtes opérationnellement déployées figurant dans les accords de Moscou, les accords START – Strategic Arms Reduction Treaty – et les accords SALT – Strategic Arms Limitation Talks.
Je rappelle que les récents arrangements conclus entre M. Obama et M. Medvedev évoquent le passage d’une fourchette comprise entre 1 700 et 2 200 têtes nucléaires à une fourchette comprise entre 1 500 et 1 650 têtes. Je fais observer à Mme Voynet que la réduction est modeste ! En ajoutant les stocks stratégiques et les armes tactiques aux têtes nucléaires opérationnellement déployées, les chiffres seraient beaucoup plus importants. Comparons donc ce qui est comparable !
Je m’exprime dans l’intérêt de la France : mentionnons 300 têtes nucléaires, à comparer avec les 10 000 têtes dont disposent les États-Unis ou la Russie, ou alors une centaine de têtes opérationnellement déployées, à comparer aux 1 500 à 1 650 dont sont dotés ces deux pays. Cela me paraît souhaitable. Monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d'État, je sais que mon amendement sera balayé, mais je crois qu’il pourrait tout de même alimenter votre réflexion.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Mme Voynet nous chante toujours la même chanson, et l’insuccès ne la rebute manifestement pas ! Quoi qu’il en soit, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 63.
Au travers de l’amendement n° 28 rectifié, M. Chevènement soulève une question tout à fait pertinente. En effet, dans le débat international sur le désarmement nucléaire, des chiffres relatifs au volume des arsenaux sont aujourd'hui avancés sans que soient précisées les réalités qu’ils recouvrent.
Lorsque le Président de la République a indiqué que notre arsenal comprendrait moins de 300 têtes nucléaires, il parlait bien de la totalité de notre stock. Les chiffres avancés par les États-Unis et la Russie concernent, quant à eux, les têtes opérationnellement déployées, à l’exclusion des têtes en réserve prêtes à être déployées ou des têtes en attente de démantèlement. Il y a donc une grande ambiguïté, qui tend à grossir artificiellement le volume de notre arsenal, comme l’a parfaitement souligné M. Chevènement.
Pour autant, je ne suis pas certain que nous puissions mentionner dans le texte un nombre de têtes déployées. Il me paraît délicat de modifier par voie d’amendement le discours public de la France sur sa posture de dissuasion.
Mon cher collègue, je reconnais très volontiers que votre question est pertinente et je ne « balaye » pas du tout votre argumentation, qui peut effectivement alimenter notre réflexion. Toutefois, la rédaction de cet amendement m’amène à émettre un avis défavorable, même si, sur le fond, nous avons la même analyse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 63. Je ne me lasserai pas de rappeler à Mme Voynet l’importance de la dissuasion dans la politique de défense française !
En ce qui concerne l’amendement n° 28 rectifié, je ne pense pas qu’il convienne d’inscrire une telle précision dans la loi. À mon sens, la phrase qui figure dans le rapport annexé se suffit à elle-même.
Mme Dominique Voynet. Quelle argumentation !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote sur l’amendement n° 63.
M. Jean-Pierre Fourcade. La majorité ne peut demeurer silencieuse devant l’amendement de Mme Voynet, qui vise à supprimer un pan entier de notre système de défense.
Comme le savent ceux d’entre nous qui ont participé à une session de l’assemblée générale de l’ONU ou assisté à une réunion du Conseil de sécurité, c’est bien l’existence de notre force de dissuasion nucléaire qui justifie notre statut de membre permanent de ce dernier !
M. Yves Pozzo di Borgo. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Fourcade. Dans ces conditions, il me paraît très grave de proposer, comme le fait Mme Voynet, de supprimer la totalité du chapitre consacré à la dissuasion nucléaire. C’est pourquoi nous voterons résolument contre l’amendement n° 63.
Par ailleurs, si l’amendement de M. Chevènement s’explique, je pense, à l’instar de M. le rapporteur, qu’il n’est pas opportun de mentionner de tels chiffres dans un projet de loi de programmation destiné à s’appliquer pendant un certain nombre d’années.
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.
M. Yves Pozzo di Borgo. Pour avoir participé à une session de l’assemblée générale de l’ONU et pris part à une réunion de l’Union de l’Europe occidentale, l’UEO, je ne puis que confirmer les propos de notre collègue Jean-Pierre Fourcade : le rôle fondamental de la France au sein de l’ONU est lié à sa puissance nucléaire. Mme Voynet devrait peut-être faire le voyage de New York pour prendre conscience de l’importance de la stratégie de dissuasion pour notre pays.
Par conséquent, le groupe de l’Union centriste s’associe à l’argumentation qui vient d’être développée par M. Fourcade au nom du groupe de l’UMP.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. M. Fourcade semble s’insurger contre le fait que je présente des amendements destinés à interpeller et à faire réfléchir. Je fais simplement mon travail !
À vrai dire, je n’espérais pas vous convaincre, monsieur Fourcade. Je tiens néanmoins à exprimer mon désaccord avec votre raisonnement. À mon sens, ce qui fonde l’influence de la France, c’est l’histoire (M. Yves Pozzo di Borgo fait un geste de dénégation), ce sont les équilibres géopolitiques issus de la Seconde Guerre mondiale,…
M. Michel Bécot. Mais non !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Il faut bien se faire respecter !
Mme Dominique Voynet. … c’est aussi l’autorité d’un pays qui a toujours mis l’accent sur le respect des droits humains et des valeurs fondamentales héritées de la Révolution française, avec lesquels il n’a jamais transigé.
Pour ma part, je trouve tout à fait étrange cet argument selon lequel ce serait l’existence de la dissuasion qui justifierait notre statut de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Personne ne nourrit l’idée folle d’attribuer un tel statut au Pakistan ou à d’autres pays dotés de l’arme nucléaire !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Et à l’Inde ?
Mme Dominique Voynet. L’Inde, c’est 1,2 milliard d’habitants ! Ce n’est pas parce qu’il dispose de l’arme nucléaire que l’on envisage d’attribuer à ce pays un poste de membre permanent !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. C’est tout de même une puissance nucléaire !
Mme Dominique Voynet. Reprenons la liste des pays qui ont fini par se doter de l’arme nucléaire, avec ou sans autorisation, parce que vous n’avez jamais osé affronter courageusement la question des risques de prolifération ni su sortir de l’ornière le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires : envisagez-vous de doter ces pays, qui ont joué avec le feu pendant tant d’années, d’un statut de membre permanent du Conseil de sécurité ? Bien sûr que non !
M. le président. L'amendement n° 29 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du 2.2.2.2. du rapport annexé, remplacer les mots :
Multi Role Tanker and Transport (MRTT)
par les mots :
ravitailleur transporteur polyvalent (RTP en français, MRTT en anglais)
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Le ministre de la défense, M. Hervé Morin, s’est exprimé hier en des termes qui étaient pour moi incompréhensibles : il a évoqué une loi de programmation bottom-up, puis a employé une expression se terminant par « down », mais dont le début m’a échappé… (Sourires.)
Cette invasion de la langue anglo-américaine dans nos débats me paraît fâcheuse.
M. Robert del Picchia. Oui !
M. Jean-Pierre Chevènement. Pourquoi mentionner dans le rapport annexé le multi role tanker and transport, ou MRTT, plutôt que, tout simplement, le ravitailleur transporteur polyvalent, ou RTP ?
Au demeurant, je constate que les auteurs du rapport annexé ont utilisé des termes français pour désigner les matériels terrestres. Ainsi, ils font référence au porteur polyvalent terrestre, le PPT, ou à l’engin blindé de reconnaissance de combat, l’EBRC… Ce n’est pas parce qu’on prend les airs qu’il faut se mettre à parler anglais ! (Applaudissements.)
M. André Vantomme. C’est vrai !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. M. Chevènement sait comme moi que, depuis des temps immémoriaux, un nombre considérable de termes anglais sont utilisés dans l’armée, notamment dans l’armée de l’air.
J’admets volontiers qu’il serait bon de les franciser, mais, pour l’heure, il conviendrait à mon sens de maintenir le sigle MRTT, qui désigne une catégorie générique d’appareils bien identifiée, en espérant qu’une appellation différente pourra être trouvée pour cet avion européen d’ici à son admission au service.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, bien que je partage la préoccupation de son auteur devant l’envahissement du franglais.
M. Jean-Pierre Fourcade. Sur le fond, il a raison !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Je fais la guerre à mes services à propos de l’abus de termes anglais, mais l’appellation MRTT est universellement consacrée et connue de tous. C'est pourquoi le ministre de la défense l’a employée.
En attendant de trouver un terme bien de chez nous, je propose de maintenir cette appellation. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Comme M. de Rohan, qui est breton tandis que je suis corse, je salue le combat de M. Chevènement pour la francophonie et la défense du français.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Et pour la défense de la France en français ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 30 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du 2.3.1 du rapport annexé, remplacer les mots :
autour de deux pôles, un sur chaque façade, atlantique et orientale
par les mots :
sur plusieurs pôles
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Il s’agit toujours de savoir si nous conserverons un ou, comme je le propose, plusieurs pôles sur la façade occidentale de l’Afrique, où seraient prépositionnées des forces. Cette présence est un facteur de stabilité, ainsi qu’un élément de prévention en vue de l’affermissement de la démocratie et de jeunes États, notamment en Afrique centrale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. Nous nous sommes déjà expliqués sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 132, présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du 2.3.2 du rapport annexé :
La liste des accords de défense a été rendue publique. Le Parlement sera désormais informé de la conclusion et des orientations de ces accords. Le texte de tous les accords de défense sera communiqué aux commissions parlementaires permanentes en charge de la défense et des affaires étrangères.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. La révision constitutionnelle de 2008 a été incomplète pour ce qui concerne le contrôle du Parlement sur l’activité du Gouvernement en matière de défense. Elle s’est en fait limitée à prévoir une information du Parlement sur les interventions militaires à l’étranger, suivie d’un vote du Parlement sur l’opportunité de leur prolongation.
Cependant, nos opérations extérieures futures pourraient aussi résulter de l’application d’accords de défense ou de coopération militaire avec des pays tiers. Il est donc essentiel que le Parlement soit informé du contenu de ces accords pour qu’il puisse se prononcer en toute connaissance de cause. Malheureusement, nous n’en sommes pas encore là.
Dans son discours du Cap, le Président de la République s’était engagé à remettre à plat et à publier tous nos accords de défense, en particulier ceux qui ont été signés avec les pays d’Afrique. Cela représente un progrès au regard de l’opacité qui régnait auparavant. Depuis quelque temps, en effet, la liste des accords de défense est rendue publique. Ainsi, ceux qui ont été récemment passés avec le Togo, le Cameroun ou les Émirats arabes unis ont été publiés au Journal officiel.
Toutefois, la publication de la liste des accords est une chose, l’information du Parlement sur leur contenu en est une autre.
Par respect pour la démocratie et pour la représentation nationale, qui peut être amenée à se prononcer sur des cas précis d’intervention, il est nécessaire de fournir une information complète et précise au Parlement. Cela permettrait d’éviter les soupçons ou les procès d’intention quant à un engagement nucléaire automatique, tels ceux qui se sont récemment fait jour à propos du nouvel accord nous liant à Abou Dhabi. Il faudrait bien sûr garantir un certain niveau de confidentialité afin d’assurer la sécurité de notre pays ou la stabilité de nos relations internationales. Cette information sur le contenu des accords de défense – il conviendra d’en préciser la nature et la forme, et de décider si elle sera transmise à l’ensemble des membres des commissions des affaires étrangères et de la défense ou simplement aux bureaux de celles-ci – devra être aussi complète que possible.
En attendant que nous puissions légiférer sur cette question, notre amendement vise à ce qu’il soit inscrit dans le rapport annexé à la loi de programmation militaire que les commissions parlementaires compétentes des deux assemblées doivent avoir connaissance du contenu intégral des accords de défense.
M. le président. L'amendement n° 85, présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du 2.3.2 du rapport annexé par une phrase ainsi rédigée :
Le texte de tous les accords de défense sera communiqué aux commissions parlementaires permanentes en charge de la défense et des affaires étrangères.
La parole est à M. André Vantomme.
M. André Vantomme. Dans le cadre des différentes réformes destinées, paraît-il, à renforcer les pouvoirs du Parlement qu’il a mises en œuvre, le Président de la République a affirmé publiquement que la représentation nationale devait être informée des dispositions qui lient la France à des pays tiers, notamment dans le domaine de la défense et du maintien de l’ordre. Il s’est engagé à ce que ces informations ne soient plus soumises au secret et soient communiquées.
Le prenant au mot, nous souhaitons, au travers de cet amendement, accroître l’information réelle du Parlement sur les accords de défense et de sécurité, afin qu’il puisse exercer un véritable contrôle.
Le ministre de la défense a lui-même déclaré, lors de l’examen du texte en commission à l’Assemblée nationale, les mardi 7 et mercredi 8 avril derniers, que « des discussions portant sur l’ensemble des accords [étaient] en cours », et il s’est engagé à informer le Parlement de leurs conclusions, le moment venu. « S’il fallait mettre en œuvre un accord de défense, a-t-il ajouté, il appartiendrait en effet au Gouvernement d’indiquer à la commission de la défense le contenu de cet accord ou d’en révéler la clause secrète. »
Nous approuvons cette intention. Cependant, la rédaction actuelle du projet loi, aux termes de laquelle « le Parlement sera désormais informé de la conclusion et des orientations de ces accords » n’est pas suffisamment complète et demeure ambiguë : une simple information n’est pas suffisante. Il ne peut s’agir seulement d’une liste d’accords à venir, et la représentation nationale ne peut plus tolérer que les journalistes soient mieux informés qu’elle en la matière. Nous souhaitons avoir connaissance du texte des accords, et non pas seulement de leurs orientations.
Par ailleurs, nous approuvons la deuxième partie du texte présenté, qui prévoit que « les conventions ou les clauses relatives aux possibilités d'intervention de la France dans des missions de maintien de l'ordre, figurant dans certains accords bilatéraux, seront abrogées ». Je dirai même qu’il était temps de procéder à une telle abrogation !
Qu’il me soit permis de rappeler l’exemple récent d’une implantation militaire française permanente inaugurée à Abou Dhabi. Ce complexe abritant 400 hommes regroupe une base navale, une base aérienne et un camp d’entraînement. La création de cette structure répond à une demande exprimée par les autorités émiraties dès l’arrivée de M. Sarkozy à l’Élysée. Un premier accord de défense avait été signé en 1995. Toutefois, le nouvel accord signé le 26 mai 2009 pousse encore plus loin l’engagement de notre pays envers les Émirats arabes unis : selon Le Figaro du 15 juin, ses clauses secrètes imposent à la France de défendre les sept Émirats arabes unis par « tous les moyens militaires dont elle dispose », c’est-à-dire également l’arme nucléaire. Cette clause, qui placerait ainsi les Émirats arabes unis sous la protection du parapluie nucléaire français, serait, affirme Le Figaro, plus contraignante que l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord, qui prévoit que les membres de l’OTAN se portent assistance en cas d’attaque contre l’un d’entre eux.
Cet accord est d’une portée incalculable pour la sécurité de la France. Avouez qu’il n’est pas raisonnable, et encore moins admissible, que, dans cette affaire, la représentation nationale soit tenue informée grâce à la presse !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. La liste des accords de défense a été rendue publique. Il s’agit, là encore, d’une innovation qui mérite d’être soulignée. Aucun gouvernement, quelle que soit sa couleur politique, n’avait jusqu’à présent publié cette liste. Par ailleurs, le principe de l’information du Parlement sur la conclusion et sur les orientations de ces accords est désormais posé.
Les auteurs des deux amendements proposent de retenir une procédure uniforme de transmission de tous les accords aux commissions compétentes, quels que soient leur nature et leur contenu.
Le Gouvernement a d’ores et déjà indiqué que certains de ces accords feraient l’objet d’une procédure d’approbation parlementaire classique, dans le cadre de l’article 53 de la Constitution. D’autres cependant ne relèveront pas de ce cas de figure. Il faut également tenir compte de la nécessaire latitude dont doit disposer l’exécutif en matière diplomatique, compte tenu de la sensibilité des enjeux.
Je souhaiterais que M. le secrétaire d’État nous expose son point de vue sur la question de la publicité des accords de défense et nous indique sous quelle forme le Gouvernement envisage d’assurer l’information du Parlement prévue dans le projet de loi. Je me prononcerai après avoir entendu ces explications.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. La Constitution définit la répartition des pouvoirs en matière de conventions internationales et d’accords de défense. Très classiquement, l’exécutif négocie les traités et le législateur peut être amené à autoriser leur ratification, conformément aux dispositions des articles 52 et 53 de la Constitution.
Le rapport annexé au projet de loi de programmation militaire, dans son article 2.3.2, précise que « la liste des accords de défense a été rendue publique » et que « le Parlement sera désormais informé de la conclusion et des orientations de ces accords ». Cette rédaction, issue des travaux de l’Assemblée nationale, représente à mes yeux un bon équilibre, car elle garantit au Parlement une information en matière d’accords de défense tout en laissant à l’exécutif l’initiative et la maîtrise de la négociation en matière internationale.
Le Parlement aura par ailleurs accès au texte même des accords dans le cadre de la procédure de ratification par voie législative, qui sera privilégiée et qui est d’ores et déjà envisagée pour la ratification des accords récemment signés avec le Togo, le Cameroun et les Émirats arabes unis.
Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Compte tenu des explications fort claires que vient d’apporter M. le secrétaire d’État, je demande le retrait de ces deux amendements. Sinon, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Les amendements nos 132 et 85 sont-ils maintenus ?
Mme Michelle Demessine. Par précaution, je maintiens l’amendement n° 132, monsieur le président.
M. André Vantomme. Et moi l’amendement n° 85 !
M. le président. L'amendement n° 64, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, MM. Desessard, Muller, Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après le 2.3.2 du rapport annexé, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
2.3.2 bis La lutte contre la corruption
La France apportera sa contribution à la mise en place d’une gouvernance mondiale à même de prévenir les conflits, de lutter contre le blanchiment d’argent, le transfert de technologies dangereuses et la vente illégale d’armes.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. La corruption peut être le fait des gouvernements, des entreprises ou même des habitants d’un pays. Dans tous les cas, elle fausse les processus de prise de décision et de régulation des relations sociales, de financement et de mise en œuvre des politiques publiques. En ce sens, et particulièrement lorsqu’elle vise à détourner des fonds publics au profit d’intérêts privés, elle affecte profondément les initiatives qui seraient pourtant susceptibles de favoriser le développement.
En présence de corruption, on observe que les ressources sont confisquées par un petit nombre, que l’inégalité des revenus s’accroît et que la capacité du Gouvernement à agir pour le bien des citoyens se réduit, spécialement lorsqu’il s’agit de répondre aux besoins des plus pauvres. Les analyses de la Banque mondiale l’attestent : on constate notamment une corrélation manifeste entre l’indice de perception de la corruption et l’indice de développement humain, qui est particulièrement faible dans les pays où ce fléau sévit le plus. La corruption engendre et nourrit donc la pauvreté. On sait par ailleurs combien l’extrême précarité, le dénuement exacerbent les tensions et les conflits, à quel point le désespoir est à l’origine, souvent, de la violence.
Devant cette axiomatique implacable, il apparaît fondamental de s’attaquer de front à la corruption qui gangrène la démocratie de nombreux pays, affame les citoyens et engendre des tueries insupportables. La France doit par conséquent inscrire cet objectif dans sa politique de prévention des conflits.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. La corruption, c’est très mal, mais c’est un sujet étranger à notre débat. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. La lutte contre la corruption et la prévention de celle-ci sont bien sûr des objectifs majeurs pour le Gouvernement. Toutefois, la définition des modalités de la gouvernance mondiale dans ce domaine n’entre absolument pas dans le champ du projet de loi de programmation militaire. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Il est parfaitement exact que cet amendement peut sembler ne pas être à sa place dans l’examen d’un texte qui traite, pour l’essentiel, de la défense, mais il se trouve que la lutte contre les trafics fait l’objet du paragraphe 2.3.3. Or ce thème n’est pas moins étranger à l’objet du projet de loi que celui de la lutte contre la corruption. Les trafics, la corruption, c’est effectivement très mal, monsieur le rapporteur, et leur répression va de pair.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 31 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Avant le premier alinéa du 2.3.4. du rapport annexé, ajouter un alinéa ainsi rédigé :
La France participera activement aux efforts de réduction et de maîtrise des armements dans l'optique d'un désarmement général et complet. Elle veillera notamment à l'universalisation du traité de non prolifération et à celle du traité international d'interdiction des essais nucléaires. Elle s'engagera ainsi résolument dans la négociation d'un nouveau traité interdisant la production de matières fissiles à usage militaire. Il convient de marquer les objectifs définis par la France et l'Union européenne en matière de désarmement.
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Cet amendement tend à rappeler les axes essentiels de la stratégie de la France et de l’Union européenne en matière de désarmement, ainsi que l’objectif ultime inscrit à l’article 6 du traité de non-prolifération nucléaire, à savoir un désarmement général et complet, et pas seulement le désarmement nucléaire.
L’amendement vise à préciser que la France participera activement aux efforts de réduction et de maîtrise des armements dans l’optique d’un désarmement général et complet. Elle veillera notamment à l’universalisation du traité de non-prolifération et à celle du traité international d’interdiction des essais nucléaires.
Le président Obama a annoncé l’intention des États-Unis de ratifier le traité de non-prolifération, ce que le Congrès américain s’était refusé à faire jusqu’à présent. Cependant, cette proposition devra recueillir soixante-sept voix au Sénat, et il n’est pas certain que ce chiffre puisse être facilement atteint. Ensuite, il restera à obtenir la ratification du traité par la Chine…
Enfin, la France s’attachera à la négociation, à la signature et à la ratification d’un traité international d’interdiction des essais nucléaires. Celle-ci empêchera la modernisation des têtes nucléaires, tandis que l’interdiction de la production de matières fissiles à usage militaire bloquera le développement quantitatif des arsenaux.
Les positions prises par le Président de la République en tant que président de l’Union européenne, rappelées dans une lettre au secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, ne se limitent pas à cela, mais il me semble important de marquer clairement dans ce texte les grandes lignes de notre action, sur un sujet dont nous ne devons pas paraître nous désintéresser à l’heure où il va mobiliser très largement l’attention de l’opinion publique.
M. le président. Le sous-amendement n° 135, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
Au début du second alinéa de l'amendement n° 31, ajouter les mots :
Dans le respect de ses grands intérêts et sans compromettre sa sécurité et son indépendance,
Ce sous-amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 131, présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du 2.3.4 du rapport annexé, insérer un alinéa ainsi rédigé :
La France se conformera pleinement à l'objectif fixé par l'article 6 du Traité de non-prolifération nucléaire de désarmement général et complet. Elle prendra des initiatives pour relancer le processus engagé qu'elle soumettra à la prochaine conférence de réexamen du TNP. Elle agira tout particulièrement pour aboutir à mettre en place un régime international efficace de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, de leurs vecteurs et des matériels connexes.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. La politique de développement des armes nucléaires du Gouvernement, qui ne se borne pas à leur modernisation dans le respect du principe de stricte suffisance, est contradictoire avec la volonté affichée dans le rapport annexé de lutter contre la principale forme de prolifération, celle des armes nucléaires.
La politique menée en la matière incite en réalité à la course aux armements. Prévenir la prolifération, comme le prévoit le rapport annexé, par le renforcement du régime international de maîtrise des armements, le contrôle des exportations et le renseignement, est nécessaire, mais pas suffisant, car la prévention seule, non accompagnée d’initiatives diplomatiques fortes, est peu efficace.
Certes, il n’est pas avéré que la réduction des arsenaux des puissances nucléaires reconnues par le traité de non-prolifération ait à elle seule valeur d’exemple.
En effet, bien que les stocks américains et russes aient été réduits des trois quarts environ au cours des vingt dernières années, l’incidence de cette évolution sur la volonté de pays comme la Corée du Nord, l’Inde, le Pakistan ou Israël de se doter d’arsenaux nucléaires a été faible. Il n’en demeure pas moins que la voie des discussions multilatérales reste la seule possible.
Puisque nous prétendons affirmer notre volonté de promouvoir le désarmement, il faut multiplier les actes concrets, comme la réduction d’un tiers de notre composante nucléaire aérienne ou le démantèlement de nos usines de production de matières fissiles de Marcoule et de Pierrelatte. Notre pays doit agir pour rendre un jour accessible l’objectif fixé à l’article 6 du TNP, à savoir un désarmement général et complet.
Afin de nous mettre au diapason des engagements pris récemment par les présidents russe et américain, nous devons faire d’ambitieuses propositions pour relancer le processus de désarment lors de la prochaine conférence d’examen du TNP. Il faut absolument parvenir à mettre un jour en place un régime international de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, de leurs vecteurs et des matériels connexes qui soit efficace.
Notre amendement vise à inscrire clairement ces principes dans le rapport annexé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Nous avons déjà évoqué le plan que l’Union européenne a proposé en matière de désarmement et de non-prolifération. Il constitue pour les mois à venir, notamment en vue de la conférence d’examen du TNP, le cadre de référence de la politique française.
C’est pourquoi ces amendements, qui visent chacun à apporter des nuances à la rédaction du texte, ne nous apparaissent pas indispensables. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. L’effort de maîtrise des armements nucléaires est retracé au paragraphe 2.2 du rapport annexé, qui n’appelle pas de précisions supplémentaires. Le Gouvernement adopte ici la même position que sur un amendement similaire présenté par Mme Voynet.
M. le président. L'amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi, est ainsi libellé :
Supprimer la dernière phrase du 2.4.1.2 du rapport annexé.
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Cet amendement concerne les partenariats public-privé.
Monsieur le secrétaire d’État, d’une manière générale, la politique industrielle de défense doit rester sous le contrôle de la puissance publique. Certes, il y a déjà eu beaucoup d’entorses à ce principe, mais on ne doit pas, dans un texte de loi, préjuger de dispositions pratiques susceptibles de nuire, en l’occurrence, à la sécurité de nos transmissions. Les systèmes de transmissions militaires devraient rester l’apanage de la puissance publique.
M. Daniel Reiner. Ce serait plus simple et préférable !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Cet amendement est le premier d’une série qui vise à supprimer du texte toute référence aux possibilités de partenariat public-privé.
La commission estime que cette formule ne doit pas être écartée a priori. Elle mérite d’être étudiée non pas de manière systématique, mais au cas par cas, lorsqu’elle peut présenter un réel avantage par rapport aux modes d’action traditionnels.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement beaucoup trop général.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Dans un contexte de maîtrise de la dépense publique, la recherche de financements innovants, associant des partenaires privés, constitue vraiment une des voies permettant de rendre la commande publique plus efficace, notamment pour des opérations d’envergure.
De tels partenariats sont entourés de garanties, aux termes desquelles il est clair que la puissance publique garde la maîtrise des opérations menées. Cela vaut pour les réseaux de transmissions et pour les infrastructures. La défense est, à cet égard, un champ d’application pertinent de ces partenariats.
Telle est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 33 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi, est ainsi libellé :
Compléter le quatrième alinéa du 2.4.3.1 du rapport annexé par les mots :
indépendamment du programme de défense antimissiles américain
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Il est indiqué, dans le rapport annexé, que la mise en œuvre d’une coopération européenne sera recherchée pour le programme de détection de missiles ennemis et d’alerte avancée.
Je propose de préciser que cette coopération devra être menée « indépendamment du programme de défense antimissiles américain », car nous devons conserver la maîtrise d’un tel système. En effet, les délais de réaction étant de l’ordre de vingt minutes, nous savons très bien que se conformer au programme de défense antimissiles américain reviendrait à se mettre entièrement à la merci des décisions qui seront prises par le président des États-Unis. M. le secrétaire d’État l’a indiqué tout à l’heure, il s’agit d’une affaire très complexe, et l’on ne peut s’aligner sur le programme américain sans savoir quelles conséquences cela emporte.
Je souhaite donc que l’on inscrive clairement dans le texte que ces systèmes de détection et d’alerte avancée resteront sous contrôle européen et français.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Si la France a décidé d’investir dans le développement d’une capacité de détection et d’alerte avancée, c’est bien pour disposer d’une autonomie d’appréciation et ne pas dépendre exclusivement de renseignements fournis par un autre pays. C’est la justification même de ce programme, pour lequel une coopération avec d’autres pays européens sera recherchée.
S’agissant de la défense antimissiles, spécifiquement visée par l’amendement, le débat sera certainement appelé à se poursuivre et à se développer dans les mois et les années à venir. Nous ignorons aujourd’hui quelles suites seront données au projet d’implantation d’éléments du système américain en Europe, de même que nous ignorons si des développements interviendront au sein de l’OTAN ou si la Russie, comme elle l’avait demandé à une certaine époque, sera un jour associée à une défense antimissiles couvrant tout le continent européen.
Il me semble donc aujourd’hui tout à fait prématuré de préconiser ou d’exclure tel ou tel schéma. Le texte, tel qu’il est rédigé, me paraît parfaitement clair, puisqu’il vise à doter la France d’une capacité autonome, quoi qu’il arrive, le cas échéant par le biais d’une coopération européenne. Il ne s’agit en aucun cas d’abdiquer notre autonomie.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. L’acquisition de capacités de détection et d’alerte avancée repose bien sûr sur des moyens indépendants élaborés avec nos partenaires européens. Il nous semble donc inutile d’insérer dans le texte la précision présentée par M. Chevènement.
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.
M. Yves Pozzo di Borgo. Je partage l’avis de la commission et du Gouvernement, mais je voudrais revenir sur l’intervention que j’ai faite hier sur ce sujet au nom du groupe de l’Union centriste, afin d’obtenir une réponse à la question que j’avais posée à cette occasion.
Pourquoi le projet Spirale, conçu par des ingénieurs français, n’a-t-il pas été intégré dans le projet de loi de programmation militaire ? Actuellement, lorsqu’un missile est lancé, la France et l’Europe sont aveugles et dépendent complètement des États-Unis en matière d’alerte.
Des essais ont déjà été conduits. Le projet Spirale, dont la mise en œuvre s’étalerait jusqu’en 2016, coûterait à la France, selon mes informations, 700 millions d’euros. Il s’agit d’un dispositif important, dont la réalisation doterait l’Europe des lunettes dont elle ne dispose pas actuellement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Les études d’amont et l’exploitation des informations collectées par les deux microsatellites Spirale lancés en 2009 seront accélérées pour permettre que la conception et la réalisation des radars et des satellites puissent être engagées au plus tard en 2012.
L’entrée en service opérationnel de radars de très longue portée interviendra aux environs de 2015, celle du premier satellite opérationnel d’ici à 2019.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je voudrais compléter l’information donnée par M. le secrétaire d’État : le programme Spirale est mentionné dans le rapport de la commission.
M. Yves Pozzo di Borgo. Mais pas dans le texte !
M. Daniel Reiner. Si, dans le rapport annexé !
M. le président. L'amendement n° 65, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du 2.4.4 du rapport annexé, remplacer les mots :
les flux migratoires illégaux
par les mots :
la piraterie maritime
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Aux termes du premier alinéa du 2. 4. 4 du rapport annexé, « les moyens militaires dans les DOM-COM seront redéployés et leur niveau redéfini en fonction de leurs missions de souveraineté et de leur contribution à la lutte contre cinq risques majeurs : les catastrophes naturelles, les atteintes à la sécurité du centre spatial guyanais, le narcotrafic, les flux migratoires illégaux, le pillage des ressources naturelles ».
Si l’on peut élever au rang de risques majeurs les catastrophes naturelles ou le narcotrafic, il en va tout autrement des flux migratoires illégaux. En effet, les clandestins ne menacent pas nos côtes. (M. le secrétaire d’État s’exclame.) Ils sont le plus souvent des victimes, qui fuient la misère pour trouver refuge dans un lieu plus propice à leur épanouissement, voire à leur simple survie. Ils sont les otages de passeurs qui leur imposent de s’acquitter de sommes considérables, au regard de leur niveau de vie, quand ils ne s’en débarrassent pas comme de vulgaires colis, sans égard aucun pour leur vie.
Nous ne sommes pas naïfs : l’extrême hétérogénéité qui caractérise l’immigration clandestine rend impossibles les jugements tranchés et trop rapides, fondés exclusivement sur la dimension humanitaire du phénomène ou, à l’inverse, sur sa seule dimension criminelle.
La mise en place de politiques concertées avec les pays d’origine des immigrants clandestins est bien entendu nécessaire. Le moyen le plus efficace de combattre les migrations illégales est d’en traiter les causes premières dans ces pays, en augmentant, par exemple, l’aide au développement.
Au contraire, il ne fait aucun doute que la piraterie maritime représente un risque majeur. La sûreté maritime recouvre des enjeux importants, aux frontières de la défense et de la sécurité. À l’heure où plus de 90 % du commerce mondial transite par la mer, qui constitue en outre une formidable réserve de ressources, l’économie mondiale est étroitement liée à la maîtrise du milieu marin et sous-marin. C’est un enjeu stratégique essentiel, souvent sous-évalué en France.
Face à cette menace, la France doit favoriser la mise en place, à l’échelon international, de moyens propres à empêcher que de nouveaux enlèvements ou prises d’otages ne se produisent.
C’est pourquoi je propose de substituer, dans la liste des risques majeurs énumérés par le texte, la piraterie maritime aux flux migratoires illégaux, qui appellent un tout autre traitement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Madame Voynet, lutter contre les flux migratoires illégaux, c’est lutter contre les trafiquants et les négriers qui extorquent à des malheureux des sommes extraordinaires et exposent leur vie sur les océans !
M. Michel Bécot. Absolument !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. C’est donc un devoir, pour nos forces armées, que de s’opposer à ce genre de trafic.
M. Robert del Picchia. Absolument !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Puisque vous aimez beaucoup la morale, madame Voynet, vous devriez approuver cette lutte !
Par ailleurs, je vous ferai également remarquer que peuvent se dissimuler, parmi les immigrants illégaux, des personnes susceptibles de porter ultérieurement atteinte à la sécurité nationale.
M. Robert del Picchia. Tout à fait !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. C’est une raison supplémentaire d’être vigilants.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Madame Voynet, en tant que maire, j’ai malheureusement eu à accueillir de ces malheureux…
Mme Dominique Voynet. Il y en a partout !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Vous n’êtes pas la seule à parler de solidarité ! Cette valeur n’est ni de droite ni de gauche, elle est propre à la démocratie ; nous pouvons donc la partager.
Il est vraiment de notre devoir de lutter contre les flux migratoires illégaux, qui constituent un risque majeur pour la stabilité de nos départements et de nos collectivités d’outre-mer. On ne saurait passer ce phénomène sous silence.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. On est en train de tout confondre ! Monsieur le rapporteur, l’irritation que vous éprouvez à mon encontre nuit décidément à la clarté de votre jugement ! (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.) Personne ne nie que la traite et le trafic des êtres humains soient des activités éminemment criminelles, mais nous discutons ici d’un alinéa énumérant les risques majeurs !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. C’en est un !
Mme Dominique Voynet. Le narcotrafic et le trafic des armes constituent un risque majeur,…
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Le trafic des hommes n’en est pas un ?
Mme Dominique Voynet. … de même que la piraterie maritime, mais tel n’est pas le cas de la détresse des êtres humains, qui met en jeu la responsabilité morale de la France !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. C’est un sophisme !
Mme Dominique Voynet. Si vous vous sentez agressé lorsque je vous fais remarquer que nous devons, d’une part, accueillir les personnes victimes de la traite des êtres humains, et, d’autre part, lutter sérieusement contre les risques majeurs, mais qu’il ne faut pas tout confondre, le débat est-il encore possible entre nous ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je vous accuse de sophisme !
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. Madame Voynet, je vis depuis quarante ans à l’étranger et je connais bien ces problèmes d’immigration clandestine, que celle-ci trouve sa source en Europe de l’Est ou dans les pays de la rive sud de la Méditerranée.
La commission des affaires européennes m’a confié plusieurs missions sur ce sujet. Je me suis ainsi rendu la semaine dernière à Calais avec votre collègue Alima Boumediene-Thiery. Les passeurs font payer de 5 000 euros à 15 000 euros à de pauvres âmes pour les conduire en Angleterre. (M. le secrétaire d’État opine.) Quand les migrants clandestins ne peuvent leur procurer cette somme, ils s’en prennent à eux au Royaume-Uni ou à leurs familles restées au pays. Il existe donc des mafias, et il s’agit bien là d’une criminalité organisée.
M. Robert del Picchia. Demandez à Mme Boumediene-Thiery de vous raconter son séjour dans ce que l’on appelle à Calais la « jungle ».
Mme Dominique Voynet. J’y suis allée aussi !
M. Robert del Picchia. Elle vous parlera des gangs organisés !
Les Britanniques nous ont demandé d’agir pour lutter contre ce trafic, car ils craignent l’entrée sur leur territoire de terroristes potentiels. Déjà, à l’époque de la guerre froide, des espions se mêlaient aux personnes qui passaient frauduleusement les frontières. Des risques existent bel et bien, voilà pourquoi je voterai sans hésitation contre cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 98, présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du 2.4.4 du rapport annexé par une phrase ainsi rédigée :
Cette diminution des effectifs devra faire l'objet d'une étude d'impact préalable soulignant les avantages et les inconvénients de la mesure proposée.
La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras. Dans sa recherche d’économies tous azimuts, le Gouvernement se trouve assez souvent placé en contradiction avec lui-même.
Il en est ainsi pour la réorganisation du dispositif de souveraineté dans les départements et collectivités d’outre-mer. Les missions sur place sont devenues plus nombreuses et l’on insiste sur la nécessité de renforcer la lutte contre les trafics. Il est donc envisagé de mettre en place une capacité de projection régionale dans certains départements et collectivités d’outre-mer, tels que les Antilles-Guyane, la Réunion ou la Nouvelle-Calédonie. Or, parallèlement, on nous annonce que les effectifs militaires diminueront en moyenne de 40 % d’ici à 2011 !
Notre demande, simple et empreinte de bon sens, devrait recueillir l’approbation de tous les membres de cette assemblée, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent : nous souhaitons que la diminution des effectifs militaires annoncée fasse l’objet d’une étude d’impact préalable mettant en évidence ses avantages et ses inconvénients.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Prévoir une étude d’impact préalable avant la diminution des effectifs militaires dans les départements et collectivités d’outre-mer ne nous a pas paru indispensable, car en règle générale toutes les mesures d’organisation que prend le ministre de la défense font l’objet d’études préalables approfondies, en particulier quand elles concernent les effectifs.
En conséquence, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Le retrait des forces armées ne se fera qu’après transfert des missions de service public à d’autres administrations. En outre, je rappelle que les moyens du service militaire adapté seront renforcés.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement estime que cet amendement est inutile.
M. le président. L'amendement n° 34 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi, est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa du 2.5.1.8 du rapport annexé.
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. J’ai défendu un amendement similaire tout à l'heure.
Je tiens à marquer mes réticences, ma reluctance, comme dirait M. Morin (Sourires), à l’égard de la généralisation des partenariats public-privé dans le domaine de la transmission satellitaire. Il est de bon sens de rappeler que, dans des domaines très protégés, la puissance publique doit maîtriser la politique industrielle de défense.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur cet amendement.
Monsieur Chevènement, je tiens à vous faire remarquer que les Britanniques recourent depuis longtemps déjà à de tels partenariats.
M. Jean-Pierre Chevènement. Ils n’agissent pas toujours à bon escient ! Ils ont aussi brûlé Jeanne d’Arc ! (Sourires.)
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Vous avez rappelé l’histoire, permettez-moi de me référer à ce qui se fait de bien près de chez nous !
M. Didier Boulaud. Ils sont aussi allés en Irak ! On aurait pu faire comme eux !
M. le président. L'amendement n° 66, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du deuxième alinéa du 2.5.2.1 du rapport annexé par les mots :
, en concertation avec nos partenaires européens, dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Je voudrais tout d’abord indiquer à M. del Picchia que je me suis moi aussi rendue à Calais pour rencontrer ces malheureux qui vivent dans ce que l’on appelle la « jungle ». Il faut avoir beaucoup d’imagination pour voir dans ces personnes des terroristes potentiels !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Vous n’en savez rien !
Mme Dominique Voynet. Il s’agit, pour l’essentiel, de très jeunes gens attirés par le Royaume-Uni parce que des membres de leur famille ou des proches y vivent. Des associations leur fournissent des repas chauds et mettent parfois des douches à leur disposition. Des adolescents ont perdu la vie en voulant s’accrocher aux essieux des camions ou des trains qui franchissent la Manche.
Pour ma part, j’estime que le risque terroriste est plus le fait de réseaux puissamment organisés, disposant de moyens financiers relativement importants. Il est probable que, entre la France et la Grande-Bretagne, les terroristes circulent plus souvent en costume-cravate, munis de papiers et de titres de transport valides, que dans les conditions de précarité absolue que connaissent les malheureux de la « jungle » de Calais.
J’en viens maintenant à l’amendement n° 66, voulu comme un acte de foi dans la stabilité future de la politique européenne de sécurité et de défense.
Il me semble paradoxal de parler d’un second porte-avions sans mener une concertation avec les autres États membres de l’Union impliqués dans la défense européenne. L’objectif central de la politique commune est de renforcer la capacité de l’Union européenne à agir hors de ses frontières par le développement de ses capacités civiles et militaires en matière de prévention des conflits internationaux et de gestion des crises.
Au fil du temps, les capacités militaires doivent pouvoir être mises en commun entre les États membres. D’autres projets importants font déjà l’objet d’une coopération européenne : pourquoi n’en irait-il pas de même pour le second porte-avions ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. La France étudie systématiquement les possibilités de coopération européenne avant le lancement de tout programme d’armement. S’agissant du second porte-avions, des études communes avec les Britanniques ont déjà été menées.
L’exposé des motifs de l’amendement évoque la mise en commun des équipements existants, or c’est précisément ce qui a été fait sous présidence française de l’Union européenne avec l’initiative d’interopérabilité aéronavale européenne, l’IIAE.
Pour autant, seuls deux pays européens disposent de porte-avions ; si la France renonçait à construire un second porte-avions, je ne crois pas que l’Europe le ferait à sa place.
Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. La France se concertera bien entendu avec ses partenaires européens sur la question du second porte-avions. Toutes les possibilités de coopération seront explorées et les études qui avaient été menées avec nos amis britanniques seront reprises.
Par conséquent, l’amendement de Mme Voynet est inutile et le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 35 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Supprimer le premier alinéa du 3.1.1 du rapport annexé.
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Il ne convient pas d’arrêter un chiffre précis concernant l’effectif global des armées à l’horizon de 2014, car nous ne savons pas ce qui peut se passer d’ici là. Mieux vaut donc laisser une certaine incertitude sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. L’un des objets essentiels d’un tel texte est de programmer les effectifs, afin qu’ils ne soient pas tributaires d’arbitrages budgétaires annuels.
Qui plus est, la programmation des effectifs est ici essentielle, puisqu’elle doit permettre un redéploiement des ressources au profit de l’équipement.
Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. La réduction des effectifs fait partie intégrante de la loi de programmation militaire.
M. le président. L'amendement n° 36 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du 3.1.2 du rapport annexé, remplacer les mots :
de 88 000 personnes
par les mots :
d'au moins 88 000 personnes
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Il s’agit d’un amendement à la marge.
Le rapport annexé précise que la composante terrestre constituera une force opérationnelle de 88 000 personnes à l’horizon de 2014, mais, dans le contexte économique actuel, nous pouvons mesurer toutes les difficultés liées aux reconversions. Ainsi, ne pas remplacer un fonctionnaire partant à la retraite sur deux risque de poser des problèmes.
Par conséquent, je suggère d’introduire un peu de souplesse dans des prévisions quelque peu mécaniques, en prévoyant plutôt, en l’occurrence, que l’armée de terre constituera une force « d’au moins 88 000 personnes ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Il est prévu que la composante opérationnelle compte 88 000 hommes. L’amendement n° 36 rectifié vise à aller au-delà de ce chiffre, mais cela supposerait une augmentation de l’effectif global de l’armée de terre, fixé à 131 000 hommes. Nous sommes opposés à un tel accroissement, c’est pourquoi la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. L’effectif de la composante opérationnelle a été fixé à 88 000 personnels. Ce chiffre résulte d’une analyse capacitaire cohérente avec nos objectifs et nos moyens et n’a pas à être réévalué.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 67, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Supprimer le sixième alinéa du 3.1.2 du rapport annexé.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, si vous me le permettez, je présenterai en même temps l’amendement n° 68.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 68, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, et ainsi libellé :
Supprimer le septième alinéa du 3.1.2 du rapport annexé.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Dominique Voynet. Si la France a dû renoncer aux essais nucléaires réels, elle n’en continue pas moins de développer et de moderniser activement son armement nucléaire. C’est donc une pérennisation des armes nucléaires pour une très longue période qui est organisée.
Les alinéas visés du rapport annexé à l’article 2 sont relatifs à la panoplie de l’arsenal maritime nucléaire, notamment les sous-marins nucléaires. J’ai déjà indiqué tout à l’heure pourquoi je trouvais déraisonnable de poursuivre dans cette voie de la dissuasion nucléaire.
Le projet Barracuda est le plus important programme naval français de l’histoire. Son budget prévisionnel de 7,87 milliards d’euros est supérieur à celui du projet des dix-sept frégates multimissions ou à celui des deux porte-avions. Seul le coût du programme des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins du type du Triomphant est nettement plus élevé.
Certes, au-delà du rappel de l’importance des sommes en jeu, nous ne partageons pas la même analyse sur l’utilité même de la dissuasion.
Cela étant, aux coûts de conception et de construction des matériels s’ajoute celui, supérieur à 650 millions d’euros, du chantier d’adaptation au M 51 de la base des SNLE, à l’Île-Longue. La modernisation de la force océanique stratégique, qui assure l’essentiel de la dissuasion nucléaire française, aura donc coûté un peu plus de 24 milliards d’euros. Même si la dépense est répartie sur une durée relativement longue, d’environ deux décennies, cela représente tout de même plus de 1 milliard d’euros d’équipements chaque année.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 67 et 68 ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements, qui constituent une remise en cause de la dissuasion nucléaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Avis défavorable également.
Je fais remarquer à Mme Voynet que l’arsenal maritime fait partie de notre dispositif de dissuasion, dont nous avons déjà souligné l’importance dans la politique de défense.
M. le président. L'amendement n° 69, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Compléter l'avant-dernier alinéa du 3.4.1. du rapport annexé par les mots :
, ainsi que l’acquisition de compétences linguistiques, historiques et culturelles
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. La mobilité inhérente au métier de militaire de carrière représente un atout indéniable en termes de ressources humaines.
L’acquisition de compétences linguistiques, historiques et culturelles revêt une grande importance. Lors des auditions auxquelles nous avons procédé en commission, l’accent a été très souvent mis sur l’intérêt capital d’une compréhension intime de la culture des pays dans lesquels nos troupes interviennent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 70, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Au début du dernier alinéa du 3.4.1 du rapport annexé, supprimer les mots :
Pour répondre à ces objectifs de valorisation,
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 99, présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du 3.4.3 du rapport annexé par une phrase ainsi rédigée :
L'État veille à ce que les moyens consacrés à l'accompagnement social des réductions d'emploi évoluent de manière équilibrée et adaptée.
La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras. La mise en œuvre d’une politique des ressources humaines adaptée est une condition sine qua non du bon accomplissement de la profonde réforme de la défense en cours, qui implique des sacrifices pour les personnels civils et militaires. L’État a la responsabilité de mettre en place des incitations financières adéquates.
Il nous semble important que figure, au sein de toute la littérature du rapport annexé, des messages clairs à l’adresse des personnels de la défense.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. L’alinéa 3.5.2 du rapport annexé comporte déjà les indications utiles à cet égard. Il précise en effet que le plan d’accompagnement des restructurations s’appliquera au moins jusqu’en 2014 et sera doté de 123 millions d’euros en 2009, de 146 millions d’euros en 2010 et de 149 millions d’euros en 2011.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 71, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Compléter l'intitulé du 3.4.3.1 du rapport annexé par les mots :
, représentant la diversité de la population
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. L’armée française a longtemps fonctionné comme un creuset républicain dans lequel se fondaient toutes les classes sociales. Les Français issus de l’immigration comptaient sur elle pour effacer les préjugés sociaux et culturels dont ils étaient l’objet. La France n’a jamais hésité à faire appel à ceux qui venaient d’Afrique ou d’ailleurs défendre le territoire hexagonal, souvent au prix de leur vie.
Le recrutement des jeunes militaires doit donc demeurer diversifié, afin que l’armée, qui accueille désormais des femmes, soit à l’image de la population française d’aujourd’hui. Elle est censée porter les valeurs de la République et doit donc refléter cette diversité dont nous sommes fiers.
M. Christian Cambon. C’est ridicule ! Assistez au défilé du 14 juillet !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 73, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du 3.4.3.1 du rapport annexé, après le mot :
élevé
insérer les mots :
et diversifié
et après le mot :
garantir
insérer les mots :
le respect des valeurs humaines et républicaines,
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Le débat n’est pas facile dans cet hémicycle, dans la mesure où l’on n’y est guère respectueux de la diversité des opinions. J’ai bien compris que j’étais minoritaire sur la dissuasion nucléaire, mais qu’importe !
M. Cambon juge ridicule un amendement…
M. Christian Cambon. Tout à fait !
Mme Dominique Voynet. … visant à insister sur la nécessité d’assurer la diversité des recrutements, qui représente un atout essentiel pour la crédibilité de l’armée aux yeux des jeunes.
Monsieur Cambon, l’histoire jugera qui de nous deux est le plus ridicule en l’occurrence. Quoi qu’il en soit, je voudrais que vous renonciez à ce genre d’épithètes tout à fait dégradantes. Le fait que vous n’ouvriez la bouche, pour la première fois de la matinée, que pour insulter un collègue n’est pas du meilleur aloi !
M. Christian Cambon. Je vous ai conseillé d’assister au défilé du 14 juillet !
Mme Dominique Voynet. Cela étant dit, les arguments que j’ai employés pour défendre l’amendement précédent valent pour l’amendement n° 73.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je veux préciser à Mme Voynet que notre armée est vraiment à l’image de la population française et qu’elle porte en elle toutes les valeurs de la République. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
MM. Christian Cambon et André Dulait. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 100, présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le 3.4.3.2 du rapport annexé par un alinéa ainsi rédigé :
Le Gouvernement présentera chaque année au Parlement un rapport sur la reconversion des personnels de la défense.
La parole est à M. Michel Boutant.
M. Michel Boutant. Le ministère de la défense s’apprête à connaître une réduction très importante de son personnel, puisque 54 000 emplois vont être supprimés.
Dans cette perspective, il convient de veiller à la bonne marche, région par région, du processus de reconversion des personnels de la défense. Le Parlement doit être informé du déroulement de ce processus, qui conditionne les économies escomptées par le ministère.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Le texte prévoit déjà le dépôt d’un rapport annuel sur l’exécution de la loi de programmation militaire. Par conséquent, il ne paraît pas nécessaire de multiplier les rapports particuliers.
Je précise à notre collègue Michel Boutant, qui est nouveau dans cette assemblée, que le nombre des rapports demandés par les parlementaires est égal à celui des vœux pieux qu’ils émettent ! Depuis plus de vingt-six ans que je siège dans cet hémicycle, j’ai vu maintes demandes de ce type être acceptées pour rester ensuite lettre morte !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Monsieur Boutant, le deuxième alinéa du 7.2 du rapport annexé prévoit que le Gouvernement présentera chaque année au Parlement un rapport sur l’exécution de la loi de programmation militaire. L’amendement est donc inutile.
M. le président. L'amendement n° 101, présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du deuxième alinéa du 3.5.1 du rapport annexé, remplacer les mots :
d'environ 90 bases
par les mots :
d'un certain nombre de bases
La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Il est vrai, monsieur de Rohan, que le nombre des rapports demandés par les parlementaires est significatif. Je vous rappelle cependant que certaines lois de programmation militaire, notamment la précédente, ont explicitement prévu la remise de rapports. Nous n’avions rien demandé : le Gouvernement lui-même l’avait proposé, même s’il n’a malheureusement jamais respecté son engagement. Les parlementaires seraient peut-être moins enclins à demander des rapports si le Gouvernement remettait effectivement ceux qu’il a promis !
Avec l’amendement n° 101, nous avons simplement anticipé largement l’information, puisque le ministre de la défense a lui-même déclaré, voilà quelques jours, que le nombre de bases de défense serait probablement réduit de quatre-vingt-dix à soixante-dix. De surcroît, en répondant hier aux différents orateurs au terme de la discussion générale, il semble même avoir indiqué que le chiffre final serait .encore inférieur.
Nous proposons donc de lui simplifier la vie en mettant le texte qu’il nous soumet en concordance avec ses propos !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. L’adoption de cet amendement aurait pour conséquence de supprimer tout ordre de grandeur, ce qui nous semble inopportun.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Pour avoir suivi sur le terrain les restructurations menées dans le secteur de la défense, je dirai que le nombre de bases de défense sera probablement inférieur à quatre-vingt-dix.
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud, pour explication de vote.
M. Didier Boulaud. Cela nous a été confirmé à la fois par M. le rapporteur et par M. le secrétaire d’État : il y aura moins de quatre-vingt-dix bases de défense. M. le ministre de la défense nous a même affirmé hier que leur nombre serait proche de soixante-dix, voire inférieur. Dans ces conditions, pourquoi s’entêter à inscrire ce chiffre de quatre-vingt-dix dans le texte, alors que l’on sait que ce seuil ne sera pas atteint ? À l’évidence, comme nous l’avons dit et répété hier, ce projet de loi relatif à la programmation militaire est d’ores et déjà caduc.
M. le président. L'amendement n° 102, présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le 3.5.3 du rapport annexé, par un alinéa ainsi rédigé :
Le Gouvernement présentera chaque année au Parlement un rapport sur le dispositif d'accompagnement territorial, exposant notamment les efforts accomplis en matière de contrats de redynamisation de sites de défense et de plans locaux de redynamisation.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. M. le rapporteur parlait à l’instant des vœux pieux des parlementaires : je vais m’inscrire dans ce climat de piété en suggérant que le Gouvernement présente chaque année au Parlement un rapport sur la mise en œuvre du dispositif d’accompagnement territorial, exposant notamment les efforts accomplis en matière de contrats de redynamisation.
Le rapport annexé prévoit que les territoires les plus touchés par les mesures de restructuration bénéficieront d’aides financières directes et de mesures fiscales. Il est également question de contrats de redynamisation de site de défense, les CRSD, à destination des communes ou des zones d’emploi les plus fragiles. Ainsi, les communes touchées par un nombre significatif de départs bénéficieront de plans locaux de redynamisation.
La mobilisation de sommes importantes, de l’ordre de 320 millions d’euros, dont 20 millions d’euros pour l’outre-mer, est envisagée pour la période 2009-2015.
À notre sens, l’impact de cette action sur les territoires doit être attentivement et régulièrement évalué. Je parle en connaissance de cause, puisque des plans de ce type se sont multipliés en Lorraine, sans toujours donner les résultats attendus…
Notre vœu pieux est d’être informés convenablement par le Gouvernement de l’application de ces mesures. Elles partent d’un bon sentiment, mais encore faut-il pouvoir mesurer leur efficacité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. L’application de chaque loi de programmation militaire a donné lieu à la remise d’un rapport. On ne peut donc pas dire que ce point ait été escamoté, bien au contraire.
En tout état de cause, la commission est défavorable à cet amendement. Le dépôt d’un rapport supplémentaire n’apporterait strictement rien.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.
M. Daniel Reiner. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer explicitement que le rapport sur l’exécution de la loi relative à la programmation militaire comportera bien un volet sur la réorganisation territoriale ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. J’ai eu l’occasion de le dire au cours de la matinée, et je vous confirme que tel sera bien le cas, monsieur Reiner.
M. le président. L'amendement n° 75, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, MM. Desessard, Muller, Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du 3.5.4 du rapport annexé par une phrase ainsi rédigée :
Dans le respect du droit commun, les sites affectés seront dépollués par le ministère de la défense, ou la vente sera amputée du prix de la dépollution.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement ayant le même objet que ceux que j’ai déposés sur l’article 9, j’aurai donc le loisir de développer davantage mon propos lorsque celui-ci viendra en discussion.
Le deuxième alinéa du 3.5.4 du rapport annexé comporte une lacune évidente. Comment ne pas évoquer les nombreux exemples de sites militaires cédés par l’État ou restés en attente d’un repreneur pour lesquels l’État s’est défaussé de sa responsabilité environnementale et sanitaire ? À l’heure où le Gouvernement clame haut et fort ses ambitions dans ce domaine dans le cadre des travaux du Grenelle de l’environnement, il serait temps de concrétiser les grands discours par des actions déterminées et efficaces.
Prenons le seul cas du fort d’Aubervilliers, cédé par l’État en 1973 à l’Agence foncière et technique de la région parisienne, l’AFTRP. Les travaux d’assainissement radiologique n’ont débuté qu’en 1999, à un rythme tellement lent que j’ai posé en décembre 2005 une question écrite sur la dépollution de ce site à M. Perben, ministre compétent à l’époque. Il m’avait alors été confirmé que les déchets de contamination présents sur le site seraient totalement enlevés à la fin du mois de novembre 2006. Cependant, il a fallu attendre encore trois ans avant que le chantier ne soit achevé.
Les derniers fûts radioactifs ont été retirés voilà seulement moins d’un an, alors que, aux alentours du fort d’Aubervilliers, l’émotion est très forte, à la suite de la constatation, confirmée par la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales de la Seine-Saint-Denis, d’un grand nombre de cancers de nature différente : vingt-quatre pathologies cancéreuses ou thyroïdiennes ont été recensées parmi le personnel d’une école voisine, ainsi que trois cas de cancer infantile ces dernières années.
Il est reconnu que ce site a hébergé des activités de recherche sur les radionucléides. Le fort fait l’objet d’une surveillance par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire depuis 1994. Ce sont les élus locaux, placés en première ligne, qui ont dû interpeller sans trêve l’État pour obtenir une dépollution superficielle du site.
Il n’est pas déraisonnable de penser, à l’instar des élus de la ville, que ce site, sur lequel d’importantes activités ont été déployées par le passé – confection de bombes, laboratoire d’essences –, présente encore de nombreux polluants qui n’ont pas été cantonnés dans ces fûts collectés sur le tard.
Lorsque l’État fuit ses responsabilités environnementales, il en découle des conséquences dramatiques pour la salubrité et la santé publiques. Personne ne peut le nier, il s’agit d’un chantier de longue haleine. Ces sites sont très nombreux, et les moyens dévolus à leur traitement très limités. L’État devrait pour le moins affirmer sa volonté d’engager une politique de restauration de leur qualité environnementale et sanitaire. Quand un site est mis en vente, il doit être soit dépollué par le ministère de la défense, soit vendu à un prix qui permettra à l’acquéreur de financer cette dépollution.
Je l’ai dit, nous serons amenés à discuter plus profondément de ce point au moment de l’examen de l’article 9.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Nous aurons un débat spécifique sur la question de la dépollution des sites lors de l’examen de l’article 9 : peut-être aurions-nous pu faire l’économie de la discussion de cet amendement…
Il nous semble inutile de préciser que les coûts de dépollution seront défalqués du prix de la vente, puisque tel est bien entendu le cas lorsque l’acquéreur prend à sa charge les éventuels travaux de dépollution. L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Je connais fort bien ce dossier pour avoir, dans mes fonctions antérieures, été chargé d’accompagner la restructuration de la défense.
Je puis assurer que, sur cette question, le ministère de la défense a été exemplaire. Conformément au vœu du Président de la République, nous cédons pour un euro symbolique les sites libérés, après dépollution. Par conséquent, le reproche que vous nous adressez de faire supporter le poids de celle-ci aux élus locaux ne se justifie plus, madame la sénatrice.
Les collectivités territoriales reçoivent parfois ainsi des sites magnifiques pour un euro symbolique. Je pense par exemple à celui qui se situe en plein cœur d’Arras.
M. Didier Boulaud. Ils ont bien de la chance ! Pour ma part, j’ai dû payer, il y a de cela dix ans. Vous me remboursez ? (Sourires.)
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Étant moi-même maire d’une ville à vocation militaire, je connais bien le problème.
Pour avoir exercé des fonctions gouvernementales, vous connaissez, madame la sénatrice, le poids de Bercy et des impératifs comptables : la démarche n’a pas été facile à mettre en œuvre, mais, grâce à la volonté du Président de la République et du ministre de la défense, nous avons fait en sorte que les élus locaux ne soient pas doublement pénalisés, par le départ d’un régiment et par la vente du site militaire. Celui-ci est cédé en priorité aux collectivités territoriales pour un euro symbolique, après dépollution.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Certains dossiers ont effectivement relevé de mes responsabilités par le passé. Je puis vous dire que si l’État a la volonté d’être exemplaire, il l’est rarement, faute d’avoir effectué, pour nombre de sites, un diagnostic environnemental, pour des raisons que chacun comprend. Il faudra donc beaucoup de temps et d’argent pour assumer ce lourd héritage. En disant cela, je ne cherche nullement à vous agresser, monsieur le secrétaire d’État.
Il est effectivement avantageux pour les élus locaux d’acquérir certains de ces sites pour un euro symbolique, à condition que ces derniers ne soient pas pollués. À l’inverse, quand ils le sont, le coût de la dépollution excède souvent leur valeur patrimoniale et foncière. C’est notamment le cas pour le fort d’Aubervilliers et, plus généralement, pour les sites qui ont été occupés à une époque où l’on était totalement inconscient des conséquences sanitaires de certaines pratiques, notamment en matière nucléaire.
Vous avez tort de prendre ces observations pour des critiques, monsieur le secrétaire d’État. À l’heure du Grenelle de l’environnement, je voudrais simplement que nous soyons conscients de cette dimension, afin de préparer un avenir qui soit plus responsable que le passé ne l’a été.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
4
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.
situation du système financier et bancaire
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Ma question s’adresse à Mme le ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
Madame le ministre, au moment où vous recevez à Paris le secrétaire américain au Trésor, nous apprenons la remontée des cours de bourse de certaines banques américaines et la publication de résultats supérieurs aux attentes.
D’un côté, nous ne pouvons que nous réjouir de l’amélioration de la situation du secteur financier aux États-Unis et en Europe. Le Président de la République et le Gouvernement ont agi avec rapidité et efficacité, au plan tant national et européen que mondial, afin de sauver certains établissements financiers, rassurer les épargnants et, surtout, soutenir le financement de l’activité des entreprises.
De l’autre côté, nous sommes en droit de nous interroger sur les bénéfices et les bonus importants annoncés cette semaine par certaines grandes banques d’investissement américaines, ...
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... celles-là mêmes qui sont largement responsables de la crise financière dont l’économie mondiale n’a pas fini de payer la facture économique et sociale.
M. Daniel Raoul. En effet !
M. Jean-Pierre Fourcade. La France a su imposer des conditions et des règles claires en matière de soutien de l’État et de rémunération des dirigeants. Elle plaide par ailleurs, au niveau européen comme devant le G20, en faveur d’un renforcement de la régulation du secteur financier.
Comment faire en sorte que les règles et les pratiques du secteur financier soient mieux harmonisées entre les États-Unis, la Grande-Bretagne et la zone euro ? Comment renforcer la régulation et améliorer la gouvernance, au plan européen comme au plan mondial ?
Vos conversations avec nos alliés américains vous permettent-elles de penser, madame le ministre, que le bon sens va enfin triompher des mauvaises habitudes ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, M. le Premier ministre a reçu ce matin M. Timothy Geithner, secrétaire au Trésor des États-Unis, qui a ensuite participé à une réunion technique dans mes bureaux.
La tentation est très grande, pour les acteurs du secteur bancaire, de revenir à leurs vieilles habitudes, et vous avez raison de vous en émouvoir. Nous devons bien entendu lutter contre ces tentations.
Lors de la réunion du G20 à Washington, le 15 novembre dernier, des principes avaient été établis. Puis, le 2 avril, lors de la réunion du G20 à Londres, des décisions ont été prises, en particulier à la suite d’une initiative franco-allemande dont j’ai été le témoin privilégié.
Je peux vous assurer que nous avons réussi à convaincre les partenaires du G20 de l’utilité de toutes les mesures contracycliques, c'est-à-dire destinées à éviter l’accélération de la crise. Or on sait que les modes de rémunération, qui, conçus pour le court terme, sur la base de bonus garantis, ne prévoient aucun retour en cas de mauvaise performance, sont manifestement de nature à accélérer les phénomènes de crise.
Nous devons être très vigilants car la tentation naturelle est d’agir comme avant. Il nous faut donc nous en tenir aux principes arrêtés, aux décisions prises, et veiller à leur mise en œuvre.
Lors de la prochaine réunion du G20 à Pittsburgh, les 24 et 25 septembre, nous ferons un état des lieux des mesures qui auront été réellement engagées. Comme je l’ai évoqué ce matin avec Timothy Geithner, nous devons faire cause commune sur cette question.
J’ai été particulièrement satisfaite de constater que la Commission européenne avait proposé de modifier certaines directives relatives au capital des banques, notamment la directive dite « Capital Requirements Directive », afin de sanctionner les politiques de rémunération de nature à accélérer la crise dont nous avons été les témoins au cours des dernières semaines. La Commission a ainsi recommandé la mise en place de mécanismes de rémunération qui répondent de façon précise à nos exigences de mesure et de prise en compte de la performance, y compris jusqu’au remboursement des bonus, le cas échéant.
Croyez bien que nous serons extrêmement vigilants, monsieur le sénateur, sur la mise en œuvre de ces dispositifs. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
grippe h1n1
M. le président. La parole est à M. Jean Milhau.
M. Jean Milhau. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé et des sports. Elle concerne l’appréciation de la pandémie de grippe A/H1N1 et l’état de préparation de notre pays face à celle-ci.
Mme la ministre de la santé a annoncé hier l’achat par la France de 94 millions de doses de vaccin, le tout pour un montant de un milliard d’euros, auprès de trois laboratoires pharmaceutiques. Si de tels chiffres peuvent laisser penser que le problème est maîtrisé par le Gouvernement, ils démontrent surtout que la propagation du virus au dernier trimestre de l’année 2009 représente une menace bien réelle pour la population française, contrairement à toutes les déclarations rassurantes entendues jusqu’à présent.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mme Bachelot-Narquin va régler tout cela !
M. Jean Milhau. Bien que l’Organisation mondiale de la santé ait décidé de déclarer l’état de pandémie, la France maintient son niveau d’alerte actuel, compte tenu, nous dit le Gouvernement, du faible nombre de cas avérés de grippe A dans notre pays.
Or tout porte croire que la pandémie de grippe A est très largement sous-estimée. L’Institut de veille sanitaire indiquait hier, 15 juillet, que 628 cas avaient été identifiés sur le territoire français, dont 481 cas confirmés et 147 « probables ». Quel crédit accorder à ces données chiffrées ?
Selon une étude qui vient tout juste de paraître dans une revue médicale britannique, le nombre de cas de grippe A - de même que le taux de mortalité lié à cette maladie - serait bien plus élevé que ne l’indiquent les statistiques officielles. Nombre de malades infectés ne sont pas recensés comme tels. Dès lors, la propagation du virus serait bien supérieure aux annonces et les risques de voir s’étendre la pandémie sont multipliés d’autant, faute de précautions suffisantes et adaptées à la réalité.
Plus grave encore, l’absence de données fiables retarde la prise en compte de la mutation du virus.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean Milhau. Or nous sommes à quelques semaines de la fin de l’été et des premiers rhumes automnaux.
Dans ces conditions, comment notre pays entend-il emporter la course de vitesse qui s’engage entre propagation du virus et mise à disposition du vaccin ? Pour gagner du temps, Mme la ministre de la santé envisage-t-elle de mettre sur le marché un vaccin qui n’aurait pas été évalué selon les protocoles en vigueur ? (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Enfin, pourquoi ne pas admettre devant la représentation nationale que la grippe A est une pandémie très largement sous-estimée dans notre pays ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Vous avez raison, monsieur le sénateur : il s’agit d’un sujet majeur de santé publique. Le passage en phase 6, décidé par l’Organisation mondiale de la santé, signifie que le monde est bel et bien confronté à une pandémie grippale, ce que le Gouvernement ne conteste absolument pas.
Où en sommes-nous ?
Depuis le début de la pandémie, notre pays a recensé environ 600 cas, principalement importés, sans aucun décès lié à cette maladie. Il faut sans doute y voir le résultat des mesures qui ont été prises et dont nous avons pu mesurer l’efficacité voilà quelques jours, lors de l’apparition de cas à Megève. Nous avions donné des instructions aux préfets quelques jours auparavant et leur mise en œuvre s’est soldée par un succès.
Que faisons-nous face à l’évolution de cette pandémie ? Nous avons pris trois mesures.
Tout d’abord, le dispositif de protection et de vaccination est activé.
Grâce aux décisions prises par Roselyne Bachelot-Narquin et Michèle Alliot-Marie, la France dispose d’ores et déjà de un milliard de masques anti-projections et de 723 millions de masques de protection. Par ailleurs, 33 millions de traitements antiviraux sont disponibles et 94 millions de doses de vaccin ont été commandées afin de couvrir, dès que le vaccin sera disponible, les besoins de la population. Ce dernier chiffre s’explique par le fait qu’il faudra procéder dans certains cas à deux vaccinations.
Ensuite, nous adaptons notre dispositif sanitaire à l’évolution de la pandémie.
La cellule interministérielle de crise a décidé hier que, dès le 23 juillet, les malades seront pris en charge par la médecine libérale, afin que soit assuré un suivi médical de proximité. Des instructions précises ont été adressées dès aujourd’hui aux préfets concernant la mise en place de cette mesure.
Enfin, nous mobilisons l’ensemble des acteurs de proximité.
Sous l’autorité de M. le Premier ministre et à la demande du Président de la République, j’ai réuni hier tous les préfets des départements ainsi que les préfets de zone. Je leur ai donné des instructions afin qu’ils s’assurent que les plans de continuité d’activité sont dès à présent opérationnels, car c’est notre principal défi à l’heure actuelle. Le deuxième objectif que j’ai assigné aux préfets est de prendre contact avec les élus locaux, et tout d’abord avec les maires, qui sont les premiers acteurs concernés.
Nous ne devons pas inquiéter inutilement la population, mais nous lui devons la vérité. C’est en agissant ensemble, en mobilisant l’État, les collectivités locales, les entreprises et la société civile que nous apporterons la réponse la plus efficace, indispensable pour lutter contre cette pandémie bien réelle. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
situation des petites communes face à la disparition de la télévision analogique
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. (Applaudissements nourris sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
La manière dont sont prévus le déploiement de la télévision numérique et la coupure du signal analogique risque de se traduire, pour plus de un million d’habitants en milieu rural, par la suppression pure et simple de la télévision !
La loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur prévoit, en effet, une obligation de couverture TNT par les chaînes historiques à hauteur de 95 % de la population au niveau national et de 91 % seulement par département.
De ce fait, seuls 1 626 réémetteurs seront totalement ou partiellement mis aux normes TNT. Près de 2 000 autres réémetteurs, qui diffusent aujourd’hui la télévision analogique sur le territoire métropolitain, ne seront pas systématiquement équipés par les chaînes pour diffuser le numérique.
Si les habitants desservis par ces réémetteurs – au nombre de plusieurs centaines de milliers répartis sur une quarantaine de départements – veulent continuer à recevoir au moins une partie des dix-huit chaînes gratuites de la TNT, dont les chaînes du service public pour lesquelles ils seront de toute façon obligés de s’acquitter de la redevance, ils devront, soit, à titre individuel, passer par le réseau câblé, par l’ADSL ou par le satellite, soit, à titre collectif, par le biais de leur commune qui en aura la charge, financer la mise aux normes TNT du réémetteur local.
Ils seront condamnés, en quelque sorte, à une double peine : continuer à payer la redevance pour un service qui aura disparu, financer le maintien de ce service, et parfois à un coût très élevé.
Or il n’échappe pas à votre vigilance, monsieur le ministre, que les communes qui se trouvent dans cette situation n’ont évidemment pas de réseau câblé ; bien souvent, elles attendent encore l’ADSL ou, lorsqu’elles en disposent, le reçoivent à un débit inférieur à celui que nécessite la TNT. De plus, certains documents d’urbanisme concernant notamment des secteurs protégés et classés auxquels appartiennent une partie des communes concernées interdisent purement et simplement l’installation de paraboles satellitaires.
M. le président. Mon cher collègue, veuillez poser votre question.
M. Yves Détraigne. Nous sommes donc face à un risque avéré de nouveau recul du service public en milieu rural.
Étant donné la gravité de cette situation, pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, ce que le Gouvernement entend faire pour que le passage au « tout numérique » n’amplifie pas la fracture territoriale ? (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre, notre ancien collègue Michel Mercier, que nous accueillons avec plaisir pour sa première séance de questions d’actualité en tant que membre du Gouvernement.
M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, le Gouvernement partage vos préoccupations. Je les fais bien volontiers miennes parce qu’elles ont trait au développement de tous nos territoires et au bien-être des populations qui y vivent.
M. Charles Gautier. Nous voilà rassurés ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Mercier, ministre. Tout d’abord, je veux vous rappeler que la loi de 2007 a fixé un certain nombre de règles, prévoyant notamment que 95 % de la population doit être desservie. Compte tenu du fait que, dans les zones urbaines, pratiquement 100 % de la population est déjà desservie, on risquait une véritable fracture. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, est donc allé plus loin et a exigé que 91 % de la population de chaque département soit desservie. Dès la semaine prochaine, le Sénat aura d’ailleurs l’occasion de consacrer dans la loi cette règle très judicieuse.
Il convient de relever que la desserte de 91 % de la population ne constitue pas un recul par rapport à la situation actuelle. En effet, aujourd'hui, la couverture analogique n’est pas assurée partout totalement, mais entre 90 % et 100 % de nos concitoyens sont desservis, en fonction des départements. L’objectif du Gouvernement est d’atteindre le plus rapidement possible cette couverture et de faire en sorte qu’elle soit la plus homogène possible.
Aux termes de la loi, un fonds devra aider les ménages les plus modestes à s’équiper en télévision numérique et en parabole.
Monsieur Détraigne, je veux être très clair : il n’est pas question de laisser s’établir une nouvelle fracture numérique. Ceux de nos concitoyens qui sont déjà confrontés à des difficultés en matière de téléphonie mobile ou d’ADSL ne doivent pas rencontrer de problèmes supplémentaires dans le domaine de la télévision numérique.
M. Paul Raoult. C’est pourtant ce qui arrive !
Mme Annie David. C’est ce qui va arriver !
M. Michel Mercier, ministre. Le Gouvernement ne le veut pas et se mobilise sur ce sujet, afin d’éviter l’accumulation de handicaps dans certains territoires. C’est la raison même de la mission que m’ont confiée le Premier ministre et le Président de la République.
Monsieur le sénateur, la « double peine » à laquelle vous avez fait allusion est au cœur des réflexions et de l’action que le Gouvernement entend mener, notamment Mme Kosciusko-Morizet, chargée de ce dossier.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Michel Mercier, ministre. Cette mobilisation du Gouvernement sera démontrée la semaine prochaine : le Premier ministre, François Fillon, présidera le Conseil national du numérique. Il prendra à cette occasion des décisions dont il vous fera part. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
situation de l'audiovisuel
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Ma question s’adresse à Frédéric Mitterrand, au tout nouveau ministre comme à l’homme de culture, à l’homme de toutes les cultures. J’attends avec plaisir une réponse sincère et non conventionnelle. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Monsieur le ministre, vous qui n’aviez pas hésité, au mois d’octobre 2001, en votre qualité de président de la commission d’avance sur recettes du cinéma français, à apporter votre soutien à une grève au Centre national de la cinématographie, le CNC, comprenez-vous aujourd'hui les raisons qui ont poussé les salariés de RFI à cesser le travail pendant deux mois pour protester contre une restructuration d’une rare brutalité ? (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
Après soixante jours d’interruptions régulières de l’antenne, le personnel de RFI n’a toujours pas été entendu et six programmes en langue étrangère – notamment en allemand et en polonais –, ainsi que 206 postes, soit 20 % de l’effectif de la radio, doivent toujours disparaître.
Mais, au-delà de RFI, serez-vous sensible, en tant qu’ancien directeur des programmes de ce formidable outil de promotion de la francophonie qu’est TV5 Monde, au sort que réserve la majorité à une autre voix essentielle de la France dans le monde, l’AFP, promise à la privatisation ?
Par ailleurs, vous qui dénonciez en 1990, dans un geste fort, en direct, devant huit millions de téléspectateurs, la paupérisation du service public, laisserez-vous résorber les 50 millions d’euros de déficit qu’aura accumulés France Télévisions en 2010 par la suppression de 500 emplois sur les 900 départs à la retraite prévus d’ici à 2012 ?
Vous qui avez quitté TF1 avec fracas en 1988, en affirmant, avec des mots d’une rare violence – mais l’époque a changé ! – « ils n’aiment ni les noirs, ni les Arabes, ni les pédés, ni les gens de gauche. Autant dire que je n’avais pas beaucoup d’avenir », aujourd’hui, en votre qualité de ministre, vous engagez-vous à agir pour que le service public reste au moins un lieu où la diversité et l’indépendance soient garanties et pas celui où l’on aime d’abord et toujours le président Sarkozy ? (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Dominique Braye. Provocation !
M. David Assouline. Allez-vous fermer les yeux devant la véritable catastrophe démocratique…
M. Dominique Braye. La question !
M. David Assouline. … que constitue la mise sous tutelle politique de notre télévision, illustrée par la scandaleuse et complaisante valorisation du Président de la République sur les antennes audiovisuelles les 13 et 14 juillet,…
M. Alain Gournac. Donneur de leçons !
M. David Assouline. … alors que l’opposition n’avait pas le droit à la parole ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. David Assouline. Agirez-vous pour garantir la pérennité des actuelles éditions locales de France 3, auxquelles les Français sont très attachés, comme l’indépendance des rédactions nationales des antennes de France Télévisions ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Assouline, votre question, à épisodes, comporte un certain nombre de citations datant de ma « carrière » antérieure. Aujourd’hui, ce n’est pas tout à fait la même personne qui est devant vous ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.- Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Dominique Braye. Qui plus est des citations sorties de leur contexte !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. De surcroît, ces citations sont effectivement en partie sorties de leur contexte.
Cependant, je suis très sensible à votre volonté de reconstituer un destin dans son intégralité. Vous savez à quel point de telles préoccupations me sont chères. (Sourires.)
Pour ce qui concerne RFI, la réforme en cours vise non pas à éteindre une chaîne à laquelle tous les Français se doivent d’être attachés, comme vous avez l’air de le soupçonner, mais, au contraire, à la redéployer. Certaines zones couvertes par RFI méritent ce redéploiement, notamment celles dans lesquelles sont en usage des langues vernaculaires comme l’haoussa ou le swahili, encore insuffisamment pratiquées. En revanche, RFI, par le biais de ses émissions en langue arabe, collabore désormais de manière beaucoup plus intensive avec France 24 et TV5 Monde.
Cette réforme entraîne évidemment une réduction des effectifs – vous avez évoqué la suppression de 206 emplois – qui se déroulera conformément à un plan que nous avons voulu le plus juste possible, comme nous le faisons toujours. Par ailleurs, 34 nouveaux emplois vont être dégagés de manière à faciliter l’adaptation de RFI au numérique.
En vérité, la chaîne RFI a été abandonnée pendant longtemps. Comme toujours en pareil cas, ce sont les salariés qui payent la facture.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Dominique Braye. Les socialistes !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Pour ce qui concerne maintenant le service public, pour y avoir travaillé pendant très longtemps, j’en connais toutes les qualités et toute l’importance. Croyez bien que mon appui au service public est constant.
M. le président. Monsieur le ministre, il ne vous reste plus que quelques secondes pour conclure !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. D’ailleurs, une réponse vous a été donnée hier soir, avec la diffusion en prime time, grâce à la suppression de la publicité, de l’opéra La Traviata, regardé par 1,2 million de téléspectateurs. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
problèmes concernant le conseil supérieur de la magistrature
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ma question s'adresse à Mme le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Mon intervention porte sur les rapports entre l’exécutif et la justice.
M. Marc Robert, procureur général de Riom, a été muté d’office à la Cour de cassation. Le Conseil supérieur de la magistrature, le CSM, avait donné un avis défavorable à cette mutation, mais, le 23 juin, un décret du Président de la République procédait à la nomination de M. Robert « vu l’avis du Conseil supérieur de la magistrature du 4 juin 2009. ».
Or, lors de la réunion du 4 juin, Mme Dati, alors garde des sceaux, avait retiré sa proposition de mutation de l’ordre du jour, alors que M. Ouart, conseiller du Président de la République, était intervenu contre ce retrait.
Les conditions de cette mutation suscitent beaucoup d’émoi.
En effet, le décret de nomination paraît notoirement irrégulier, puisqu’il a été pris sans que l’avis du CSM, qui doit être explicite, ait été rendu. En tout cas, le procès-verbal n’a pas été communiqué.
Je constate que M. Robert lui-même conteste la légalité du décret et a saisi le Conseil d’État. Les syndicats de magistrats se sont d’ailleurs joints à sa requête.
Cette affaire constitue une atteinte extrêmement grave à l’institution judiciaire et au principe de séparation des pouvoirs.
J’ajoute que votre injonction à l’avocat général de Paris pour qu’il fasse appel du verdict de la cour d’assises dans l’affaire Fofana,…
M. Michel Houel. C’est un assassin !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … contrairement à ce que ce magistrat envisageait apparemment, renforce notre inquiétude.
Avec une telle injonction, les politiques qui, bien évidemment, ne participent pas au procès, interviennent directement en faveur de l’une des parties, ce qui ouvre la voie à toutes les dérives.
Madame le ministre d’État, je veux vous poser deux questions.
Premièrement, entendez-vous faire appel de toutes les décisions de justice qui ne seraient pas conformes aux réquisitions des avocats généraux ? Si tel n’est pas le cas, et je peux d’ores et déjà le constater, quels seront vos critères ?
Deuxièmement, ce type d’affaires intervenant en plein débat sur la suppression du juge d’instruction et l’indépendance du parquet et coïncidant avec la présentation en conseil des ministres du projet de loi organique réformant le Conseil supérieur de la magistrature, qu’entendez-vous faire pour sortir le CSM de la crise dans laquelle vous le plongez ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame Borvo Cohen-Seat, je vous remercie de cette double question.
Pour ce qui concerne le cas de M. Robert, dès ma prise de fonctions, j’ai reçu les présidents des trois formations du Conseil supérieur de la magistrature, ainsi que les membres de la formation « parquet » du CSM. J’ai fait part aux uns et aux autres de ma volonté de travailler avec eux en toute transparence, en toute confiance, dans le respect des institutions, de la Constitution ainsi que des lois organiques.
M. Alain Gournac. Voilà !
M. Didier Boulaud. Cela nous rassure ! Il était temps !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Hier, le CSM s’est réuni en ma présence. Assistaient à cette réunion les trois membres du Conseil qui, à la suite de l’affaire, s’étaient retirés. C’est une première marque de la confiance retrouvée.
Comme je l’ai indiqué à cette occasion à mes interlocuteurs, parce qu’un recours a été formé devant le Conseil d’État, c’est à cette juridiction, et à elle seule, de se prononcer.
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Sur l’affaire Fofana, et l’appel que j’ai fait interjeter, madame le sénateur, mes critères sont et seront toujours les mêmes : l’intérêt de la société et la paix publique.
Quand j’ai constaté que, du fait des procédures, les condamnations prononcées aboutiraient à la remise en liberté, d’ici à quelques mois, de certaines des personnes les plus engagées dans cet assassinat, qui se trouveraient donc de nouveau libres dans les quartiers et sur les lieux mêmes où les faits ont été commis, il m’a semblé qu’un problème se posait, qui n’avait peut-être pas suffisamment été pris en compte.
Je ne juge pas à la place de la Cour ; je demande simplement que l’on revoie le dossier à la lumière de cette considération.
En effet, je sais ce qui se passe dans un certain nombre de quartiers, que je suis attentivement, et je suis très préoccupée par la montée et la banalisation de la violence.
M. Didier Boulaud. Que fait donc Sarkozy depuis sept ans ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Remettre très rapidement en liberté des personnes qui ont commis un acte d’une telle barbarie, ce serait adresser un bien mauvais signal à tous ceux qui banalisent la violence. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
De plus, le risque est grand que les victimes n’aient plus alors confiance en nos institutions et cherchent à se faire justice elles-mêmes.
Dès lors, en tant que garde des sceaux, j’ai estimé en conscience que l’intérêt de la société comme la paix publique exigeaient de demander au procureur général de faire appel. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Jean-Marc Todeschini. Supprimez donc les jurés !
M. le président. La parole est à Mme Monique Papon.
Mme Monique Papon. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie.
Madame la secrétaire d'État, je souhaite vous interroger sur le Grenelle de la mer lancé en avril dernier.
En effet, au regard de l’importance des enjeux maritimes, il est indispensable de mettre en œuvre une stratégie nationale pour la mer et le littoral qui s’inscrive pleinement dans une perspective de développement durable.
Dans la continuité du processus de concertation que le ministère a su mettre en place au cours de ces deux dernières années, des groupes de travail ont été constitués, qui ont abouti à des tables rondes finales réunissant les représentants des organisations composant les cinq collèges du Grenelle de la mer.
Par ailleurs, des « Grenelle de la mer régionaux » ont permis aux territoires de contribuer activement à ces débats.
Dix-huit régions, parmi lesquelles dix sont des régions littorales, ont ainsi pu faire partager leurs observations en cohérence avec la réalité du terrain. Ce fut en particulier le cas en juin dernier à Pornic, en Loire-Atlantique.
Le Grenelle de la mer a achevé hier sa troisième étape, celle de la négociation et des arbitrages collectifs, avec la tenue des tables rondes finales réunissant les cinq collèges.
Enfin, le Président de la République (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.) s’est rendu aujourd’hui au Havre afin de présenter la politique maritime de notre pays, ce qui témoigne de son entière implication dans les thématiques portées par le Grenelle de la mer.
Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous éclairer sur cette étape décisive et sur les avancées majeures qui se dégagent de ces mois de débat ? Vous est-il possible de nous indiquer la façon dont vous entendez poursuivre ce projet indispensable à l’avenir de la planète ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question.
Comme vous l’avez indiqué, Jean-Louis Borloo, Bruno Le Maire, Dominique Bussereau et moi-même étions présents ce matin au Havre pour assister à la présentation par le Président de la République de ses ambitions pour la politique maritime de la France.
Le chef de l’État a confirmé que notre pays devait, grâce au Grenelle de la mer, corriger un oubli historique, celui de son destin maritime.
Et quand nous évoquons un « oubli historique », il ne s’agit pas de mots : savez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il n'y a même pas aujourd'hui d’ambassadeur français accrédité auprès de l’Organisation maritime internationale ? (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Ce n’est pourtant pas difficile à trouver ! Aucun ministre à la retraite ne veut s’en charger ? Mme Boutin, par exemple…
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Or nous avons une responsabilité particulière dans ce domaine : nous possédons le deuxième domaine public maritime mondial, qui représente vingt fois la surface de la France.
Loin d’être vide, ce domaine constitue un potentiel énergétique et alimentaire considérable, en même temps, bien entendu, qu’une richesse en termes de biodiversité.
Le Président de la République a fait siennes les conclusions du Grenelle de la mer, qui ont trouvé leur aboutissement précisément hier et qui ont confirmé la nécessité de protéger la mer pour l’homme, notamment afin que les pêcheurs puissent poursuivre leur activité.
Aussi a-t-il été décidé que 20 % de nos eaux seraient classées « aires marines protégées » et que les pêcheurs seraient les premières sentinelles de la mer. Bruno Le Maire a d'ailleurs confié une mission à M. Louis Le Pensec afin de définir les conditions d’une pêche en haute mer.
Par ailleurs, le Président de la République a confirmé que la France devait être leader pour les énergies marines.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, les énergies marines représentent un immense potentiel. Elles pourraient produire pas moins de 6 000 mégawatts d’ici à 2020, soit l’équivalent d’au moins 3 000 éoliennes…
Sachez aussi que le Président de la République a souhaité renforcer l’action de l’État en mer, en définissant une fonction de garde-côte à la française, afin de mieux lutter contre les pollutions.
Il s'agit d’une importante rupture dans nos politiques : la mer est désormais reconnue comme notre avenir ; la haute mer est considérée non plus comme une zone de non-droit, mais comme le bien commun de l’humanité.
La volonté de poursuivre le Grenelle de la mer était partagée par l’ensemble des acteurs, qui se sont enfin parlé, qui ont cherché à rapprocher leurs positions et qui souhaitent continuer leur action, au sein des comités opérationnels et à l’occasion d’un futur conseil interministériel de la mer.
La France doit assurer pleinement la responsabilité d’un domaine public maritime qui, je le répète, est le deuxième du monde ; vous voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que cela peut représenter !
La mer est notre avenir. Elle représente un immense potentiel et une ressource gigantesque dont il est temps, aujourd'hui, que nous prenions en compte la dimension politique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
iran
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.
Les électeurs iraniens ont massivement participé à l’élection présidentielle du 12 juin.
Mahmoud Ahmadinejad, soutenu par le Guide suprême de la révolution et par les fractions les plus conservatrices de la République islamique, a été proclamé vainqueur.
Les soupçons de fraude massive, corroborés par de nombreuses observations directes, ont été écartés sans ménagement par le Guide suprême, qui a réaffirmé, après un simulacre de recomptage des voix, son soutien au président sortant.
Les candidats réformateurs, en faveur desquels la volonté populaire s’était clairement exprimée, ont contesté très fermement l’action du pouvoir. Pendant plusieurs semaines, le peuple iranien a manifesté son indignation et sa colère dans les rues de Téhéran et des autres grandes villes du pays.
« Où est mon vote ? », tel était le cri de ralliement des manifestants, qui ne toléraient pas que l’une des seules libertés qui leur étaient octroyées soit ainsi piétinée.
Des manifestants ont été blessés, tués parfois. Des opposants ont été arrêtés, maltraités, torturés, et ils continuent de l’être.
Les arrestations sont massives, la répression brutale. Elle touche les Iraniens, mais également les journalistes et les touristes étrangers, comme en témoigne l’arrestation arbitraire et révoltante de Clotilde Reiss, cette jeune étudiante française passionnée d’Iran qui est en prison depuis quinze jours.
En quelques semaines, l’Iran a été bousculé et le régime a été si contesté par le peuple que plus rien, probablement, ne sera comme avant.
La légitimité des dirigeants est en effet doublement écornée : ils ont perdu leur légitimité démocratique par la fraude ; ils ont perdu leur légitimité religieuse quand Ali Khamenei a exposé son autorité de guide pour justifier cette fraude.
Dans une situation si incertaine, la responsabilité de la France et de l’Europe n’en est que plus grande encore.
Monsieur le ministre, quelle sera la position de la France dans les prochaines semaines ? Reconnaîtra-t-elle le président iranien, qui n’est pas mal élu, mais non élu ? Exigera-t-elle la libération sans condition des milliers de personnes arrêtées ces dernières semaines, comme y invitent ce matin, dans le quotidien Libération, des dizaines de militants, d’artistes et d’intellectuels solidaires du peuple iranien ?
Enfin, monsieur le ministre, j’ai une autre question, un peu plus complexe, au regard des mutations à l’œuvre en Iran et dans la société iranienne.
Puisque nous sommes d’accord, je l’espère, pour réaffirmer avec force que la « guerre des civilisations » est une vision erronée de l’histoire ; puisque nous sommes favorables au renforcement des relations d’amitié et de reconnaissance mutuelle entre l’Orient et l’Occident, entre les mondes d’histoire judéo-chrétienne et les mondes d’histoire arabo-musulmane ; puisque ces idées, sans naïveté, doivent s’incarner dans des options stratégiques, dans des décisions politiques courageuses et dans une vision historique forte ; puisque nous sommes d’accord sur tous ces points, comment expliquez-vous, monsieur le ministre, que la France soit si réticente à envisager l’adhésion d’un autre grand pays de culture et d’histoire musulmanes au sein de l’Union européenne (Protestations sur les travées de l’UMP), alors que, manifestement, nous n’avons rien d’autre à lui reprocher que d’être, justement, un pays musulman ?
M. Dominique Braye. Nous mélangeons tout !
M. Rémy Pointereau. La question !
Mme Dominique Voynet. Est-ce là, monsieur le ministre, la meilleure façon d’honorer un islam laïcisé, démocratique et pluraliste, comme l’espère, à cor et à cri, le peuple iranien ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Madame la sénatrice, vous avez posé au moins deux questions, qui ne se ressemblent guère et dont je dirais même qu’elles n’ont aucun rapport entre elles !
M. Josselin de Rohan. C’est sûr !
M. Bernard Kouchner, ministre. Toute la première partie de votre intervention, qui décrivait les tragiques et multiples répressions des manifestations en Iran, juste après l’annonce des résultats officiels du scrutin, était juste.
Il y a eu une réaction très spontanée de centaines de milliers, sinon de millions de personnes – personne ne les a comptées, en tout cas pas nous, malheureusement – et nous avons vu ce spectacle effrayant des arrestations et des nombreux morts.
S’y ajoute le cas de Clotilde Reiss. Cette jeune française qui, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, enseignait à l’université d’Ispahan, a été arrêtée le 1er juillet dernier. Elle est encore détenue aujourd'hui, ce qui n’est pas acceptable et exige une action concertée des pays européens, qui a déjà commencé, d'ailleurs.
Malgré une première visite de notre ambassadeur - une deuxième étant prévue samedi prochain, si tout se passe bien, du moins aussi bien que cela peut se passer -, malgré des contacts téléphoniques qui nous rassurent sur la santé et l’état psychologique de Clotilde Reiss, nous ne pouvons accepter qu’une innocente soit emprisonnée (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Aussi, nous faisons tout pour qu’elle soit libérée, à travers le G8 et l’Union européenne ; les Vingt-Sept ont d'ailleurs manifesté, à deux reprises, leur réaction spontanée sur ce sujet.
Que pouvons-nous faire d’autre ? Les vingt-sept États de l’Union européenne, y compris la France, ont chacun convoqué leur ambassadeur d’Iran, et nous nous apprêtons, même si nous ne souhaitons pas y être obligés, à réagir de façon extrêmement violente sur ce dossier à chaque fois que nous en aurons l’occasion.
Toutefois, je vous le rappelle, le Gouvernement iranien a arrêté entre-temps une employée franco-iranienne de notre ambassade à Téhéran qui, heureusement, a été relâchée. Nous devons donc mesurer nos effets, parce que nous voulons obtenir la libération de Clotilde Reiss.
Madame la sénatrice, vous affirmez dans le même temps qu’il ne faut pas reconnaître le régime ainsi « issu des urnes ». Je crains hélas, que celui-ci ne soit pas le premier qui, en se maintenant, doive être reconnu…
Il y a eu, bien sûr, une contestation de l’élection, qui était forte et que nous avons ressentie politiquement, psychologiquement et même presque physiquement, compte tenu de notre affection pour ce peuple. Toutefois, si tout le monde en Iran proclame l’élection d’un président, il serait bien inutile et contre-productif d’aller, seuls, dans le sens contraire.
En revanche, nous pouvons soutenir le mouvement de contestation, multiplier les contacts avec lui, continuer à nous opposer à la politique menée par le régime iranien en matière d’énergie atomique, comme nous l’avons fait d'ailleurs avant que cela ne nous soit imposé.
Je vous le rappelle, nous avons maintenu les contacts directs avec les dirigeants iraniens, nous les avons maintes fois rencontrés. Moi-même je téléphone tous les deux jours à mon homologue à Téhéran pour faire pression afin que Mlle Reiss soit libérée. Cette attitude est la bonne pour le moment, me semble-t-il.
Quant à votre seconde question, permettez-moi de ne pas la mélanger avec la première ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
fin de la prime à la casse
M. le président. La parole est à M. Jackie Pierre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jackie Pierre. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Madame le ministre, en décembre 2008, dans le cadre du plan de relance de l’économie française élaboré pour affronter la crise structurelle sans précédent qui nous a frappés, ainsi que de nombreux autres pays dans le monde, des mesures spécifiques ont été prises pour aider le secteur automobile, particulièrement touché.
Ainsi, une prime à la casse de 1 000 euros pour l’achat d’un véhicule neuf émettant moins de 160 grammes de CO2 a été instaurée. Ce dispositif, le plus populaire du plan de relance, est prévu pour durer jusqu’à la fin de 2009.
Je le rappelle, pour assurer l’avenir de notre outil industriel automobile et préserver ce secteur stratégique pour notre économie et nos emplois, un pacte automobile a été concrétisé dans le collectif budgétaire du mois d’avril dernier.
Or le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance et le ministre de l’industrie viennent d’annoncer que la prime à la casse ne pourrait être maintenue indéfiniment.
Nos voisins allemands font de même, Berlin ayant exclu d’étendre ce dispositif.
Certains journaux titrent déjà sur une fin trop rapide de la prime en rappelant les effets dommageables, dans le passé, de l’arrêt de la « Balladurette » et de la « Jupette ».
En outre, ces déclarations de nos ministres n’ont pas manqué de susciter de multiples réactions chez les constructeurs, chez les sous-traitants, nombreux dans les Vosges, ainsi que dans les réseaux de vente d’automobiles, réactions à la hauteur des résultats, qui semblent positifs.
Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quel est le premier bilan de ce dispositif, sachant qu’il a été conçu pour soutenir l’activité, écouler les stocks et faire repartir la production ?
D’autre part, pouvez-vous nous préciser dans quel délai et suivant quelles modalités vous envisagez de l’arrêter ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le sénateur, le bilan de la prime à la casse est positif.
Nous nous étions fixé comme objectif de maintenir si possible la production de 2009 au niveau de celle de 2008.
Nous constatons, au terme du premier semestre de 2009, une progression de 0,2 % de la commercialisation des véhicules sur le territoire français.
Nous avions escompté que cette mesure remporterait un certain succès et nous avions prévu une enveloppe budgétaire de 220 millions d’euros. Or le succès rencontré par la prime à la casse – vous en avez rappelé les modalités : 1 000 euros pour le retour d’un véhicule de plus de dix ans d’âge en contrepartie de l’achat d’un véhicule qui ne consomme pas plus de 160 grammes de CO2 par kilomètre – a été tel que nous estimons le coût de la mesure à 390 millions d’euros pour le budget de l’État.
L’objectif que nous nous étions fixé est donc non seulement atteint, mais dépassé.
Ce résultat est bénéfique pour notre économie et pour la santé de nos entreprises, au point, d’ailleurs, qu’un certain nombre de constructeurs automobiles ont relancé la production.
Ainsi, les chaînes de fabrication des petits modèles de PSA se sont remises à tourner en horaires 2/8, et Renault a été contraint – nous en sommes heureux – de rapatrier de Slovénie à Flins une partie de la fabrication des petits véhicules.
La prime à la casse est de toute évidence un succès. Nous devons désormais absolument éviter une sortie du dispositif brutale qui se solderait, comme cela a déjà été le cas dans le passé, par une chute de la production et des ventes de véhicules de 20 %. Le retour à l’équilibre avait alors pris trois ans.
Nous étudions actuellement plusieurs dispositifs permettant une sortie « en sifflet », c’est-à-dire progressive, de ce mécanisme à partir de 2010.
Nous serons très attentifs aux modalités, au cadrage et au calendrier, et nous tiendrons compte à la fois de nos finances publiques et de la situation économique. Il est bien évident que la construction automobile est un secteur industriel que nous devons soutenir. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Bout. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Brigitte Bout. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Encore ?
Mme Brigitte Bout. Je ne poserai, moi, qu’une seule question, chère collègue.
Depuis plus d’un mois, le peuple iranien connaît une situation dramatique. Les règles élémentaires de la démocratie, comme le respect des droits de l’homme, sont bafouées.
Le 23 juin 2009, des ressortissants britanniques en poste diplomatique à Téhéran ont été expulsés du territoire iranien.
Depuis le 1er juillet 2009, une Française, Clotilde Reiss, établie depuis cinq mois en tant que lectrice de français à l’université technique d’Ispahan, est accusée à tort d’espionnage et retenue par les autorités iraniennes, lesquelles sont en passe de faire de cette jeune femme un symbole face à l’Occident.
Originaire de la région Nord-Pas-de-Calais et ancienne élève de l’Institut d’études politiques de Lille, la jeune française doit savoir que ses compatriotes ne l’oublient pas et la soutiennent.
Monsieur le ministre, pour la deuxième fois en dix jours, vous avez pu vous entretenir avec votre homologue iranien au sujet de Clotilde Reiss.
Pouvez-vous nous tenir informés de la situation de cette jeune femme, qui n’est en rien impliquée dans les faits dont on l’accuse et mérite de recouvrer la liberté ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Boulaud. Interrogez-le sur la Turquie !
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Madame le sénateur, notre ambassadeur a joint plusieurs fois au téléphone Clotilde Reiss et l’a rencontrée une fois ; vous avez bien raison de réclamer la libération immédiate de la jeune femme, puisqu’elle est innocente.
Elle est dans une prison épouvantable,…
M. Didier Guillaume. Comme en France !
M. Bernard Kouchner, ministre. … celle d’Evin. Comme elle parle couramment le persan - elle était en effet lectrice de français à l’université technique d’Ispahan -, elle peut au moins s’entretenir avec ses codétenues.
Nous l’avons trouvé résistante, vive, et évidemment désireuse, avant tout, d’obtenir sa libération.
Nous faisons tout, au plan juridique, pour répondre aux cinq chefs d’accusation qui pèsent sur elle. L’un d’eux, invraisemblable, est celui d’espionnage : elle n’a pas vingt-quatre ans, était en Iran depuis cinq mois et faisait son travail, ce que tout le monde a constaté. Pourquoi est-elle accusée d’espionnage ? Parce qu’elle a pris des photos avec son téléphone portable et les a envoyées à un ami français à Téhéran !
Cette accusation est ridicule.
Nous continuons à peser le plus possible sur le gouvernement iranien.
Je réponds au passage à Mme Voynet : oui, nous sommes témoins d’un mouvement qui nous semble promis à un avenir au sein du peuple iranien ; oui, nous constatons, pour la première fois depuis une trentaine d’années, l’existence de désaccords majeurs au sommet de la hiérarchie chiite. Il s’agit d’une lutte de pouvoir comme il s’en trouve dans tous les pays.
Nous avons appris aujourd’hui l’arrestation, le licenciement ou le limogeage, je ne sais quel terme employer, du patron de l’agence iranienne de l’énergie atomique, M. Gholamreza Aghazadeh.
Que lui reproche-t-on ? Il a simplement fait savoir publiquement au peuple iranien quelles étaient les questions que posait l’Agence internationale de l’énergie atomique au gouvernement iranien.
Encore une fois, mesdames, messieurs les sénateurs, nous prenons des nouvelles de Clotilde Reiss le plus souvent possible. Nous sommes en contact deux à trois fois par jour avec notre ambassade, notamment avec les personnes chargées du dossier, pour, un jour, le plus vite possible, faire libérer Clotilde ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
finances locales
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon.
M. Jean-Claude Frécon. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
M. Didier Boulaud. Il est déjà parti !
M. Jean-Claude Frécon. Le Gouvernement devait présenter publiquement, la semaine dernière, la réforme de la taxe professionnelle. Or cette annonce a été repoussée pour permettre au Président de la République ainsi qu’à M. le Premier ministre de rendre les derniers arbitrages.
Il est urgent de jouer franc-jeu avec les collectivités territoriales, qui vont commencer d’envisager leurs projets pour 2010, qui ont répondu largement présentes dans la mise en œuvre du plan de relance et qui ne peuvent rester plus longtemps dans l’incertitude face au devenir de leur budget.
M. le Premier ministre leur doit, ainsi qu’à nos concitoyens, des réponses claires.
Tenu par la promesse électorale du candidat Nicolas Sarkozy faite au MEDEF, le Gouvernement va procéder, coûte que coûte, à la suppression de la taxe professionnelle, malgré un contexte économique des plus défavorables et des finances publiques dans un état désastreux.
Le rapporteur général de la commission des finances du Sénat réclame, dans un rapport que nous allons discuter cet après-midi, « d’attendre des jours meilleurs ». Les socialistes sont favorables à une réforme de la taxe professionnelle ambitieuse pour le développement des territoires et des entreprises, mais ils ne veulent pas qu’elle ait lieu dans la précipitation estivale.
Nous soutenons l’instauration d’un véritable impôt économique local, dynamique, à l’opposé de la réforme proposée.
Outre la contribution sur la valeur ajoutée, qui ne représente qu’à peine la moitié du montant de la perte de recettes fiscales, M. le Premier ministre prévoit de transférer aux collectivités territoriales des parties d’impôts nationaux et des dotations, sur lesquelles elles n’auront strictement aucune marge de manœuvre.
De plus, le Gouvernement, en proposant une réforme uniquement axée sur la taxe professionnelle, fait l’impasse sur une réforme globale de la fiscalité locale, notamment des impôts reposant sur les ménages.
Nous savons tous, ici, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, que la suppression de la taxe professionnelle aura pour conséquence inéluctable la hausse des impôts payés directement par nos concitoyens : c’est inacceptable !
M. Didier Boulaud. C’est ce qu’ils veulent !
M. Jean-Claude Frécon. Cette réforme aura aussi un coût important pour l’État, et creusera un trou qu’il faudra de toutes les manières combler.
Or nous refusons que la taxe carbone serve de palliatif budgétaire. D’ailleurs, sur ce point, tous les ministres ne sont pas unanimes.
M. le Premier ministre ne juge-t-il pas dangereux de maintenir une telle réforme, incomplète et inadaptée en ces temps de crise, alors que nos collectivités ont besoin de visibilité ? Sans visibilité, en effet, elles feront moins de projets, donc moins d’investissements.
Quel scénario va-t-il donc proposer aux collectivités locales ? Alors qu’il les a fortement sollicitées pour le plan de relance, osera-t-il porter un coup d’arrêt à l’investissement local en réduisant ainsi leurs moyens financiers ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Claude Frécon. A-t-il l’intention de profiter de la période estivale pour asphyxier nos collectivités territoriales ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.- Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur Frécon, vous êtes un trop fin spécialiste…
M. Jean-Marc Pastor. Cela commence mal !
Mme Christine Lagarde, ministre. … de ces questions de financement des collectivités locales et d’investissement pour ne pas être d’accord avec moi sur le constat : en France, l’investissement, qu’il soit public ou, surtout, privé, est insuffisant.
M. Jacques Mahéas. Ce sont les collectivités qui investissent le plus !
Mme Christine Lagarde, ministre. C’est précisément pour cette raison que le Président de la République avait pris l’engagement devant le pays, et non devant le MEDEF,…
M. David Assouline. On ne voit que le MEDEF !
Mme Christine Lagarde, ministre. … de stimuler l’investissement et, pour ce faire, d’éliminer la part de la taxe professionnelle assise sur les équipements et biens mobiliers, c’est-à-dire sur l’investissement productif.
Tous les gouvernements qui se sont succédé depuis vingt ans en ont parlé. La qualifiant d’absurde ou d’imbécile, tous étaient d’accord pour considérer que la taxe professionnelle, qui frappe les investissements productifs, qu’ils soient utilisés ou non, d’ailleurs, et quel que soit le degré d’amortissement, n’est pas un bon impôt
Qu’avons-nous fait ? Sur l’initiative du Président de la République et sous l’autorité du Premier ministre, le Gouvernement a engagé tout un processus.
Je tiens à m’arrêter quelques instants sur la méthode, importante à mes yeux.
J’ai, à trois reprises, rencontré en séance plénière les associations représentant les collectivités territoriales, toutes catégories confondues ; j’ai, à trois reprises, rencontré les représentants des entreprises. Je les ai écoutés, nous travaillons de concert à l’élaboration d’un projet de réforme, en partageant nos informations, notamment les données chiffrées.
En effet, je sais que la taxe professionnelle constitue une ressource très importante des collectivités locales et que nous ne réussirons une réforme fondamentale pour nos entreprises, pour notre économie et pour l’emploi, que si elle est le fruit d’une concertation intelligente.
Je vais continuer d’appliquer cette méthode, fondée sur la concertation et la consultation, que j’ai faite mienne depuis le 5 février dernier, date à laquelle le Président de la République a pris cet engagement devant le pays.
Quels sont les principes qui nous guident ? Ce sont toujours les mêmes.
Premièrement, nous entendons supprimer la taxe professionnelle sur les investissements productifs.
Deuxièmement, nous voulons maintenir un lien étroit entre les entreprises et les territoires par le biais des collectivités territoriales.
Troisièmement, nous souhaitons maintenir l’autonomie financière des collectivités territoriales.
Quatrièmement – ce principe a été rappelé par M. le Premier ministre –, nous voulons maintenir le financement des collectivités locales par niveau de collectivités.
Nous travaillons en considération de ces quatre principes. Nous réfléchissons également à la reliaison des taux, indispensable, selon nous, pour parvenir à une fiscalité équilibrée, qui permettra d’attirer les entreprises dans une bonne intelligence fiscale.
Notre objectif est très clair : grâce à cette méthode, nous voulons encourager les entreprises et l’emploi, et soutenir l’investissement. Le projet de loi de finances pour 2010 sera élaboré selon ces mêmes principes, et tendra à répondre à cet objectif que – je l’espère – nous cherchons tous ensemble à atteindre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
5
Allocution de M. le président du Sénat
M. le président. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a un peu plus de neuf mois, je traçais devant vous ce qui, à mes yeux, devait être un « nouveau cap » pour le Sénat. J’articulais cette ambition collective autour de deux idées : le retour du politique, l’image de notre assemblée.
C’est autour de ces deux thèmes initiaux que je voudrais organiser ce point d’étape en forme de compte rendu des engagements pris avec vous.
Notre action collective a été intense. Je ne sais s’il faut s’en féliciter, mais nous avons battu cette année le record du nombre d’heures et de jours de séance depuis le début de la Ve République : 950 heures et 124 jours. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Nous avons crevé le plafond de 120 jours de séance !
M. David Assouline. Au détriment de la qualité !
M. le président. Au nombre moyen habituel de 5 500 amendements s’est substitué le chiffre de 11 000, dont 3 000 en commission, depuis le 1er mars.
En outre, 94 % des amendements adoptés dans cet hémicycle ont été retenus par l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Parallèlement, le temps du contrôle en séance publique a été multiplié par trois depuis le mois de mars, sous l’effet notamment des possibilités nouvelles qui nous ont été données en matière d’ordre du jour. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
Mais, au-delà de ces chiffres, qui ne me semblent pas éloignés d’un point de rupture, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, ce qui importe, c’est la qualité de notre bilan législatif.
Le Sénat a imposé sa marque.
Au cours de quelque 106 heures de débat, avec sa commission des affaires sociales, le Sénat a contribué à modifier de manière équilibrée l’efficacité de la gestion future de nos hôpitaux publics. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Le Sénat a confirmé son engagement de toujours en faveur de la défense des libertés publiques et de la vie privée. Il l’a fait, par exemple, avec sa commission des lois, dans la loi pénitentiaire et dans le rapport remarqué sur le développement du numérique.
Avec sa commission des finances, le Sénat a mis en exergue l’effort nécessaire en faveur des petites et moyennes entreprises et de la fiscalité environnementale.
Avec sa commission de la culture, le Sénat a réussi, dans des conditions difficiles, notamment au départ, à imposer un financement pérenne pour la télévision publique ; ce n’était pas évident.
Avec sa commission de l’économie, le Sénat a confirmé le principe de 20 % de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants.
Un sénateur socialiste. Ce n’était pas facile ! Merci l’opposition !
M. le président. Avec sa commission des affaires étrangères, le Sénat a mis en œuvre sur le Moyen-Orient – dossier ô combien sensible ! – les tandems de rapporteurs majorité-opposition que nous appelions de nos vœux.
Les trois secteurs privilégiés d’intervention que je vous avais invité à partager, le 14 octobre dernier, ont fait l’objet de missions communes d’information.
La mission commune d’information sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales a permis au Sénat de jouer tout son rôle dans les réflexions préalables sur les réformes annoncées. Et ce n’est pas fini !
La mission commune d’information sur la situation des départements d'outre-mer a amorcé une action de longue haleine. Nous la poursuivrons.
La mission commune d’information sur la crise financière a pris la forme originale et sans précédent de ce que j’avais appelé un « groupe de contact paritaire », entre députés et sénateurs.
Je crois qu’il nous faut continuer à oser des initiatives inédites.
Nous avons, en outre, décidé de mettre en place une quatrième mission pour réfléchir aux possibilités d’insertion de notre jeunesse. Je pense qu’il s’agit là d’un défi majeur.
Mais, surtout, nous avons donné un sens quotidien à ce qui, pour moi, constitue l’un des points majeurs de la « noblesse » de la politique : les vertus de la collégialité.
Ensemble, au sein de notre bureau, nous avons institué une gouvernance refondée : clarté, responsabilité à l’égard des deniers publics, collégialité ont été parmi les mots-clés de l’action que nous avons conduite.
Nous nous sommes attachés à poursuivre l’auto-réforme en renforçant nos contrôles internes, mais aussi en recourant – quand cela est apparu utile – à l’apport d’expertises extérieures. Je citerai l’audit annuel de nos comptes, l’analyse de notre politique de communication, l’étude sur l’adéquation de nos moyens à nos missions, l’audit sur le musée du Luxembourg.
Nous nous sommes recentrés sur notre cœur de métier : la loi, le contrôle, la prospective.
Et, ensemble, nous avons commencé à faire évoluer nos méthodes de travail. Hier soir encore, la conférence des présidents y a consacré une grande part de son temps.
L’esprit de dialogue a prévalu au sein du groupe chargé de l’élaboration de notre règlement, sous l’égide des deux rapporteurs, Jean-Jacques Hyest et Bernard Frimat.
Préférant les équilibres négociés aux solutions imposées, nous avons fait le pari de l’intelligence collective pour l’exercice de nos nouveaux pouvoirs. Nous avons recherché une meilleure maîtrise de notre temps et, de ce fait, une plus grande lisibilité et un intérêt accru de nos débats pour nos concitoyens. Nous avons voulu que cette démarche n’affecte pas le droit d’amendement et qu’elle renforce la dimension politique de nos travaux.
Je souhaite que ce choix pragmatique et de principe puisse servir la démocratie parlementaire.
Le rôle accru de la conférence des présidents devient une évidence : les décisions y sont désormais prises à la proportionnelle des groupes.
Nous avons recherché des moyens pour que les propositions de loi de l’opposition soient effectivement discutées.
Le Sénat a, de manière très concrète, accompagné la présidence française de l’Union européenne avec sa commission des affaires européennes, en confortant différentes initiatives lancées par les présidents Christian Poncelet et Bernard Accoyer.
Ensemble, il nous faudra confirmer l’état d’esprit de concertation que nous avons mis en place.
Ensemble, il nous faudra franchir une étape de plus dans l’organisation de notre travail législatif.
Nous devons mieux lier le travail en commission et le travail en séance publique (Mme Fabienne Keller approuve), ne serait-ce que pour la gestion du bien qui nous est compté, le temps, mais aussi au nom de la transparence que nous devons à nos concitoyens.
Ensemble, il nous faudra mieux équilibrer le travail du Sénat entre son rôle législatif et sa mission de contrôle.
Le Sénat n’a pas attendu la réforme pour faire du contrôle l’une de ses priorités permanentes. Il a su le faire par des moyens de plus en plus diversifiés. Il faudra qu’il puisse continuer de valoriser cette spécificité dans le contexte d’un accroissement de ses missions.
Ensemble, il nous faudra coordonner au mieux le rôle d’impulsion de nos groupes politiques – renforcé par la révision constitutionnelle – avec l’expertise et l’espace de dialogue propres à nos commissions permanentes.
Il faudra que, dans la concertation avec chacun, nos délégations trouvent toute leur place.
Où, sinon au sein de la conférence des présidents, pourrons-nous y parvenir?
Ayant mis l’accent sur notre travail, nous serons plus forts pour renforcer notre communication sur l’essentiel et pour tenter de gagner la bataille de l’image.
Nous devons veiller à renforcer les modes de communication sur le travail sénatorial. Notre bureau a ouvert ce matin la voie à la réalisation de cet objectif. Pour l’atteindre, il nous faudra la contribution de chacune et de chacun d’entre vous.
Dans un monde touché hier par la crise financière, aujourd’hui par la crise économique et sociale, le Sénat, s’il occupe toute sa place, me semble avoir un rôle important à jouer, celui de « passeur » entre le vécu quotidien dans les territoires et les décisions prises à l’échelon national.
Par son rapport particulier au temps et aux territoires, le Sénat est aussi le lieu naturel de la réflexion sur l’avenir, en particulier lorsque les événements obligent à repenser l’économie et la société et à sortir de nos habitudes. Notre rôle de passeur n’est pas à sens unique. Il ne s’agit pas de nous faire seulement l’interprète des attentes et parfois des angoisses des populations, nous devons aussi éclairer nos concitoyens.
Les 343 sénatrices et sénateurs sont donc, oui, les « passeurs », dans les décisions nationales, de ce que vous avez appelé ici, à l’occasion d’une mission commune d’information, « l’intelligence territoriale ».
Je souhaite rendre publiquement hommage à nos collaborateurs : fonctionnaires du Sénat, collaborateurs de nos groupes politiques, assistants parlementaires.
Tous, à la place qui est la leur, ils ont su – souvent au prix d’un considérable investissement personnel – faire preuve d’une parfaite conscience professionnelle, mais aussi d’adaptation et d’inventivité face au changement. Ils auront encore à le faire en fonction des orientations données ce matin par le bureau du Sénat.
J’adresse également mes remerciements à la chaîne parlementaire Public Sénat, à son ancien et à son nouveau président, aux correspondants de la presse écrite et audiovisuelle accrédités au Sénat et à tous ceux qui ont bien voulu observer ce que nous faisons et en rendre compte.
Je souhaite que nous poursuivions les actions qu’ensemble nous avons entreprises et que nous continuions comme nous avons commencé, en « jouant collectif », dans le respect, bien entendu, des convictions et des engagements de chacun.
Si nous y parvenons, alors, plus personne ne se demandera à quoi sert le Sénat. J’ai envie de vous faire partager cette conviction.
M. René Garrec. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, beaucoup vous a été demandé, je sais que le Gouvernement en a conscience. Encore quelques jours et vous tous, comme votre président, allez pouvoir prendre des semaines de vacances estivales amplement méritées : je vous les souhaite très sincèrement revigorantes ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à M. le ministre. (Marques de satisfaction sur les travées de l’UMP.)
M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, je vous ai écouté avec l’attention que requièrent tout à la fois l’important bilan que vous avez dressé et les perspectives que vous avez tracées.
Je me trouve en cet instant dans une situation assez singulière, puisque, à quelques semaines près, j’aurais pu, tirant le bilan de la session ordinaire qui s’est achevée, me reconnaître dans les acteurs qui ont nourri et fait vivre le travail du Sénat. Je me sens d’autant plus fier de pouvoir m’adresser, au nom du Gouvernement, à ceux qui étaient il y a peu encore mes collègues et qui tiennent toujours une grande place dans mon cœur. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Monsieur le président, du fond du cœur, je remercie les sénatrices et les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent.
Vous le savez, j’apprécie à la fois la qualité du travail qui est ici mené, le sens du dialogue, le respect mutuel et, ce qui est très important, l’écoute : chacun a sa sensibilité, ses engagements politiques, mais, sur l’idéal, pas grand-chose ne nous sépare, sinon, éventuellement, les voies et moyens. Mais n’est-ce pas cette divergence des points de vue qui nourrit la démocratie ?
Monsieur le président, je souhaite également – c’est la première fois que je puis le faire publiquement dans cette enceinte – vous remercier. Je sais la passion que vous nourrissez pour cette maison, je sais tout le travail que vous y accomplissez pour que le Sénat remplisse pleinement son rôle au service de la République. Au cours de la première session ordinaire de votre présidence, vous avez, avec les membres du bureau, avec vos collaborateurs, avec chacune et chacun, engagé un certain nombre de changements et de réformes qui ont tous pour ambition de mettre le Sénat aux avant-postes de la République.
Mes remerciements iront encore aux présidents des groupes et à leurs collaborateurs – je sais la difficulté de la tâche, je ne l’ai pas oubliée -, ainsi qu’aux présidents des commissions, à tous les commissaires, et à l’ensemble des fonctionnaires du Sénat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous venons de vivre une session parlementaire tout à fait inédite, et ce pour deux raisons.
D’abord, depuis le printemps, se met progressivement en place la réforme constitutionnelle qui a été votée par le Congrès en juillet 2008. Ensuite, le Parlement, singulièrement le Sénat, a su répondre présent dans la crise financière, économique et sociale que nous traversons.
Sans être liés, ces deux éléments ont néanmoins permis au Sénat, dans une période de transition quant à ses méthodes de travail, de montrer un nouveau visage, en alliant sa vocation naturelle d’approfondissement à une très grande réactivité par rapport aux événements.
En premier lieu, s’agissant de la réforme de la Constitution, avec la loi organique, avec la réforme du règlement du Sénat, ce qui est en jeu, conformément à la volonté du Président de la République, du Premier ministre et du gouvernement à l’époque, c’est de permettre au Parlement d’être véritablement la caisse de résonance, autant que possible en temps réel, des problèmes que rencontre notre société.
Il importe de supprimer le décalage souvent observé entre le moment où l’on constate une situation et celui où le Parlement s’en saisit, décalage qui pourrait être interprété comme une distance par rapport à nos compatriotes et qui ne donne pas une image fidèle de la démocratie telle que nous la concevons en ce début du XXIe siècle.
Certes, nous, Gouvernement et Parlement, sommes dans une période de rodage, où il nous faut inventer, imaginer de nouvelles méthodes de travail, accroître notre confiance mutuelle, faire en sorte que l’hémicycle soit véritablement le cœur du débat républicain. Le Sénat – j’ai quelques raisons de le savoir – s’est engagé résolument et efficacement.
À l’évidence, avec de la bonne volonté et cette confiance que j’évoquais, nous parviendrons à atteindre cet objectif, même si quelques ajustements sont encore nécessaires.
En second lieu, je tiens à saluer la réactivité du Parlement, en l’occurrence du Sénat, face à la crise.
J’en veux pour preuve les délais très brefs dans lesquels, une fois arrêtées à l’échelon national, des dispositions importantes, pour le Gouvernement comme pour tous les Français, ont été examinées dans cette enceinte. Je veux parler, notamment, du plan de sauvetage du secteur bancaire, du plan de relance, ou des mesures prises en matière de logement.
Le Parlement s’est montré très en phase avec les mesures indispensables qui devaient être prises rapidement pour que leur efficacité soit garantie.
Monsieur le président, vous avez également rappelé, illustrant la densité de cette session, certaines lois très importantes votées par le Sénat, notamment des textes économiques, les lois relatives à l’outre-mer et à l’hôpital, qui ont fait l’objet d’un travail approfondi dans cette maison, travail que je tiens à saluer.
J’ajoute, s’agissant singulièrement des dispositions du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, que la validation imminente du Conseil constitutionnel sera aussi comme un hommage au travail qui a été accompli par le Gouvernement et par le Parlement, en particulier par les commissions compétentes et leurs rapporteurs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux vous dire – cela soulèvera chez vous beaucoup d’enthousiasme, j’en suis persuadé – que l’ardeur réformatrice du Gouvernement ne s’est pas éteinte avec l’achèvement de la session ordinaire ! (Sourires sur les travées de l’UMP.) Vous pouvez le mesurer à l’occasion de la présente session extraordinaire. (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.) Des textes majeurs sont en effet soumis à votre appréciation.
Je peux vous l’assurer, le Gouvernement a l’intention d’inscrire à l’ordre du jour du Sénat, dès cet automne, des textes de grande portée, dont certains sont attendus depuis longtemps, qu’il s’agisse du Grenelle II, de la formation professionnelle continue ou de l’indispensable réforme des collectivités territoriales, qui donnera certainement lieu ici à des débats passionnants et éclairants, sans parler du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Voilà le travail qui nous attend !
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous souhaite à toutes et à tous de prendre un repos bien mérité (Exclamations sur les travées de l’UMP), en espérant vous retrouver en pleine forme à la rentrée !
Monsieur le président, à ceux qui se demanderaient encore à quoi sert le Sénat, je répondrai avec vous tout simplement qu’il sert la République, ce qui est déjà formidable ! (Vifs applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. - Certains sénateurs du groupe socialiste applaudissent également.)
M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de M. Roger Romani.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Taïwan
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le très grand plaisir de saluer, au nom du Sénat, la présence dans nos tribunes d’une délégation du groupe d’amitié parlementaire Taïwan-France, conduite par sa présidente, Mme Li-Huan Yang.
Cette délégation est accompagnée par notre collègue Monique Papon, présidente du groupe d’information et d’échanges Sénat - République de Chine-Taïwan.
Nous sommes très sensibles à l’intérêt et à la sympathie que nos hôtes témoignent à notre institution.
Je leur souhaite la plus cordiale bienvenue et je forme des vœux pour que leur séjour en France contribue à améliorer les liens qui nous unissent. Pour cela, nous faisons confiance à Mme Monique Papon ! (Mmes et MM. les membres du Gouvernement ainsi que Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
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Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour un rappel au règlement.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention se fonde sur les dispositions de l’article 36, alinéa 3, de notre règlement, relatif à l’organisation de nos travaux.
Alors même que nous allons entamer un débat sur l’orientation des finances publiques pour 2010, on nous annonce une nouvelle diminution du taux de rémunération du livret A, qui passerait de 1,75 % à 1,25 % dès le 1er août prochain.
Le Gouvernement, en s’appuyant sur les dispositions du code monétaire et financier, prétend d’ailleurs qu’il adresse un bon signe à l’épargne populaire car la stricte application de la formule prévue par le code aurait dû conduire à réduire plus encore le taux de rémunération du livret A et le porter à 0,25 % !
Mais, à la vérité, un an après l’adoption de la loi de modernisation de l’économie – on ne sait pas, d’ailleurs, ce que sont devenues les promesses de croissance dont elle était porteuse –, qui comportait, entre autres mesures, la banalisation du livret A, cela fait deux fois que la rémunération de ce produit d’épargne populaire est réduite.
Nul doute que l’opération menée contre le livret A, dont la centralisation de la collecte au bénéfice de la construction de logements sociaux est de moins en moins garantie, vise à créer un appel d’air vers de nouveaux produits appelés à connaître un certain succès cet automne, tels l’« emprunt Sarkozy », dont ni le montant, ni les conditions de rémunération ne nous sont pour le moment connus !
Nul doute que les banques, pour le moment peu collectrices du livret A, vont vite trouver, avec ce nouveau produit financier, de quoi réorienter l’épargne des ménages et celle de leurs clients et déposants !
Une telle situation est d’ailleurs porteuse de récession économique car elle met clairement en cause l’équilibre de nombreuses opérations de construction ou de réhabilitation de logements.
De fait, le Gouvernement se montre bien plus empressé à réduire le taux du livret A, dont le rendement est inférieur, par exemple, à la progression du CAC 40, notamment si l’on se réfère aux trois dernières séances de la Bourse, qu’à légiférer sur les stock-options ou sur la rémunération des dirigeants des banques, y compris celles qui ont passé convention avec l’État, ou à lutter contre la spéculation financière et la fraude fiscale qui continuent de grever lourdement le budget de l’État.
Le Gouvernement, avec le recours immodéré aux bons du Trésor sur formule, c’est-à-dire de très court terme, comme nous l’avons vu hier, offre d’ailleurs à certains épargnants bien informés les moyens de réaliser rapidement de fructueuses opérations de placement.
Cela méritait d’être souligné, mes chers collègues, alors même que notre ordre du jour nous appelle aujourd’hui à débattre de l’orientation des finances publiques.
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
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Orientation des finances publiques pour 2010
Débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur l’orientation des finances publiques pour 2010.
La parole est à M. le ministre.
M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la commission de la culture, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, avec la crise, la mission régulatrice de l’État vient de reprendre une vigueur nouvelle.
Jamais, en effet, la politique budgétaire n’a été autant au cœur du débat public ; jamais elle n’a été autant sollicitée. Chacun perçoit désormais que le séisme économique mondial actuel constitue tout à la fois un risque et, même si nous ne l’avons pas choisi, une chance.
Le risque serait de voir, à la suite de cette crise financière, se multiplier d’autres crises, à la manière de poupées gigognes. Le risque serait surtout, derrière cet enchaînement diffus et dangereux, de voir se propager une mentalité de retrait, ainsi qu’une tendance à se défausser de l’intérêt collectif sur les générations futures.
La chance, c’est de comprendre que cette période, avec son lot de bouleversements, peut être l’occasion de moderniser la France et de permettre à notre pays de conquérir une puissance économique digne de ses talents.
Les choix budgétaires que nous arrêterons dans les semaines et les mois qui viennent peuvent se révéler fondateurs.
Or nous sommes fermement décidés à préparer l’avenir et à utiliser encore plus cette période de difficultés pour développer les capacités de notre pays, en ne nous contentant pas d’essayer de le préserver.
Préparer l’avenir, c’est d’abord sortir de la crise.
Préparer l’avenir, c’est évidemment amplifier la lutte contre nos déficits structurels et poursuivre nos efforts pour faire de la France une démocratie financière moderne.
Préparer l’avenir, c’est enfin identifier les domaines stratégiques dans lesquels nous devons investir pour mettre la France à l’heure du monde.
Aujourd’hui, en matière budgétaire, il serait aussi irresponsable d’en appeler à une politique de resserrement immédiat qu’à un assouplissement permanent.
Notre crédibilité va reposer tout à la fois sur notre capacité à savoir dépenser dans les secteurs qui permettront à la France de conforter sa place dans le concert des nations les plus performantes et sur notre aptitude à tenir le cap de la raison économique.
Durant trente-cinq ans, nous avons produit du déficit. Si nous voulons rester crédibles sur le long terme, nous ne pouvons plus nous permettre le moindre relâchement dans notre volonté de maîtriser nos dépenses publiques.
Dépenser à bon escient, au bon endroit, tout en restant rigoureux et responsables vis-à-vis des générations futures, ce n’est pas hors d’atteinte.
Pour assainir nos finances publiques, encore faut-il faire des choix précis et concrets, sur le plan tant des politiques publiques que de la gestion publique. Il doit s’agir de vrais choix, et non d’un simple élagage aléatoire cumulant tous les inconvénients, notamment une faible efficacité budgétaire et le risque d’entraîner une paralysie décourageante pour les administrations.
De vrais choix, mesdames, messieurs les sénateurs : voilà qui nous ramène à la politique dans sa fonction et sa pratique véritables.
Vous vous souvenez peut-être que, dès 2007, j’avais pris soin de présenter le budget en privilégiant, dans sa construction, les dépenses d’avenir.
Aujourd’hui, c’est bien l’ensemble de la dépense publique que nous voulons orienter vers l’avenir.
Mais avant d’aller plus loin dans mon propos, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai par faire le point de l’année en cours.
Si les déficits se creusent – nous l’avons souligné hier lors de l'examen du projet de loi de règlement –, c’est bien en raison de la crise, mais c’est tout à la fois le coût de la crise et le prix de la relance. Telle est l’idée qui mériterait d’être gardée à l’esprit, s’il ne fallait qu’en retenir une seule.
Le déficit public atteindrait 7 à 7,5 points de PIB en 2009. Cette dégradation d’un peu moins de 4 points de PIB d’une année sur l’autre, c’est la facture de la crise sous l’action conjuguée de la baisse énorme des recettes et, bien évidemment, du coût inhérent aux mesures de relance elles-mêmes.
Notre prévision de baisse du PIB, identique à celle de l’INSEE, est de 3 %, soit près de 5 % en deçà de notre croissance potentielle. En temps normal, l’effet de baisse de l’activité se traduirait donc par une hausse des déficits non pas de 4 points de PIB, mais d’un peu moins de 2,5 points. Or, précisément, nous ne sommes pas en temps normal et les recettes fiscales se replient en fait bien plus vite que le PIB, en raison d’une élasticité beaucoup plus importante.
Prenons l’exemple des recettes d’impôt sur les sociétés. Alors qu’elles ont atteint 50 milliards d'euros l’année dernière, elles retomberaient brutalement cette année, oscillant entre 20 et 25 milliards d'euros, soit une baisse supérieure à 50 %.
Cette « sur-réaction » à la baisse de certaines recettes par rapport à l’activité explique un peu moins de 1 point de PIB de déficit. Il nous faudra, bien sûr, en analyser les raisons dans les mois à venir.
Concernant l’impôt sur les sociétés, je crois pouvoir d’ores et déjà confirmer une intuition que j’avais avancée dès le début de la crise, à savoir que l’IS pâtit non seulement de la baisse des résultats d’exploitation des sociétés, mais évidemment aussi de celle de leurs résultats financiers.
La réalité est là : nombre d’entreprises ont passé des provisions pour dépréciation de leur portefeuille de participation financières, ce qui réduit leur résultat fiscal. C’est donc la chute brutale du prix des actifs financiers concomitante au ralentissement de l’activité qui explique, en grande partie, cette sur-réaction. Finalement, la baisse du produit de l'impôt sur les sociétés est beaucoup plus rapide que celle du PIB.
À ce jeu des stabilisateurs automatiques, qui est sans précédent par son ampleur, s’ajoute naturellement le coût budgétaire des mesures de relance, pour environ 0,75 point de PIB.
Cette dégradation de près de 4 points de PIB s’explique donc bien intégralement par l’effet mécanique de la récession, avec la « sur-réactivité » de la diminution des recettes fiscales et l'augmentation d’un certain nombre de stabilisateurs, notamment celle des dépenses sociales.
À l’inverse, M. le président de la commission des finances le notait hier à cette tribune, les dépenses ordinaires, en d’autres termes, les dépenses « hors crise », pour employer une expression qui tend à entrer dans le langage courant, sont parfaitement maîtrisées : les dépenses de l’État hors relance sont contenues au niveau voté par le Parlement ; l’objectif national de dépenses d’assurance maladie sera, cette année, pour la première fois depuis 1997, respecté ou quasi respecté.
Le déficit de l’État atteindrait 125 à 130 milliards d'euros en comptabilité budgétaire, au sein duquel le déficit « hors crise », c'est-à-dire le déficit structurel, représenterait un peu plus de 40 milliards d'euros, contre environ 85 milliards d'euros pour le déficit dû à la crise, c’est-à-dire les deux tiers. Il faut noter qu’une partie du déficit, autour de 15 milliards d'euros, ne pèse pas sur le déficit « maastrichtien » – tout cela est certes compliqué, mais le fait de disposer d’indicateurs au niveau européen permet les comparaisons avec nos voisins –, notamment les prêts au secteur automobile ou les fonds versés au Fonds stratégique d’investissement.
Sur le montant total du déficit du régime général de la sécurité sociale, de l’ordre de 20 milliards d'euros, 10 milliards d'euros doivent être directement imputés à la crise.
À ce stade, il est sans doute utile d’indiquer ce qui se passe au-delà de nos frontières.
L’Espagne vient de réactualiser ses prévisions de déficit à 9,5 points de PIB cette année. D’après les dernières prévisions de l’OCDE, les États-Unis passeraient en 2009 à plus de 10 points de PIB, probablement 12 points, et le Royaume-Uni connaîtrait également un déficit proche des 12 points. Même le déficit allemand, qui est inférieur au déficit français, se dégrade au même rythme que le nôtre, c'est-à-dire, je le répète, de 4 points de PIB en 2009.
Chez nous, le déficit public serait globalement stable en 2009 et en 2010, l’amélioration du déficit budgétaire étant malheureusement compensée par la poursuite en 2010 de la dégradation des comptes sociaux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le déficit budgétaire se réduirait donc en 2010.
Les recettes de l’État se rétabliraient quelque peu avec le retour – modeste – de la croissance, et l’amorce du retour de recettes d’impôt sur les sociétés à un niveau moins atypique.
De plus, pour une large part, les dépenses de relance disparaîtraient : elles seraient ramenées à 3,5 milliards d'euros. La maîtrise des dépenses « hors relance » se poursuivra, puisque celles-ci respecteront la norme « zéro volume », malgré la révision à la baisse de l’inflation. Ces dépenses hors relance progresseront donc de 1,2 %.
Je tiens à souligner le rôle majeur que la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 a eu dans le cadre de l’élaboration du budget 2010. J’ai pu, avec mes collègues, et sous l’autorité du Premier ministre, concentrer mon attention sur les budgets qui étaient les plus concernés par la crise et ses impacts macroéconomiques.
Plusieurs budgets ont d’ailleurs été revus à la hausse. C’est le cas notamment de l’emploi – ce n’est pas une surprise ! –, pour faire face à la montée du chômage, mais aussi d’un certain nombre de dotations sociales, compte tenu du nombre de leurs bénéficiaires. Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne augmente également, mais cela s’explique justement parce que notre situation économique s’est relativement moins dégradée que celle de nos partenaires !
À l’inverse, la révision à la baisse de l’inflation a conduit à réduire certaines dépenses, parmi lesquelles figurent les pensions, qui sont indexées, les charges de la dette, ou encore, la défense, laquelle, faisant l’objet d’une programmation en euros constants, subit les aléas de l’inflation. La baisse des taux d’intérêt a en outre allégé la charge de la dette.
Pour la plupart des autres budgets, les modifications ont été marginales par rapport à la loi de programmation. Cela prouve que ma volonté de mener, avec vous, la discussion et le vote de cette loi pluriannuelle jusqu’à son terme se justifiait bel et bien, malgré les incertitudes économiques.
Je veux le redire, cette loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 a toute son importance : elle représente, au fond, l’une des rares boussoles à notre disposition dans le domaine des finances publiques, dans un monde terriblement incertain.
Par ailleurs, nous poursuivons évidemment la politique dite du « 1 sur 2 », à savoir le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, avec des réductions d’effectifs atteignant 34 000 emplois équivalents temps plein en 2010.
Toutefois, comme je le disais, l’amélioration du déficit budgétaire serait compensée par la poursuite de la dégradation des comptes sociaux. En effet, le recul de la masse salariale de 0,5 % en 2010 pèserait de nouveau sur les recettes du régime général, des régimes complémentaires de retraite et de l’UNEDIC.
Au total, le déficit s’établirait de nouveau en 2010 entre 7 et 7,5 points de PIB.
On ne peut évidemment pas s’en réjouir, c’est le moins que l’on puisse dire, mais ces déficits sont, face à la crise, la traduction très concrète du rôle d’amortisseur social de la politique budgétaire.
En particulier, selon l’INSEE, le pouvoir d’achat des transferts sociaux devrait croître de 4,8 % en 2009. Il faut l’avoir en tête, c’est deux fois la moyenne de ces vingt-cinq dernières années ! Voilà qui, je l’espère, mettra finalement un terme aux passes d’armes quelque peu dépassées auxquelles nous avons assisté ces derniers mois entre les tenants de la relance par la consommation et ceux de la relance par l’investissement.
Cette dynamique des transferts aux ménages, c’est notre système social qui joue à plein pendant la crise. C’est aussi l’action du Gouvernement, qui ne perd pas de vue qu’une société avancée se doit d’être solidaire. Il faut le dire, jusqu’au plus haut du sommet de l’État, nous sommes convaincus qu’il faut apporter plus de justice sociale à ceux qui sont touchés directement par la crise. Nous le faisons et continuerons à le faire, parce que, à nos yeux, c’est un devoir autant qu’un bénéfice pour le pays tout entier.
Plus de justice sociale, c’est, par exemple, l’augmentation du minimum vieillesse et de l’allocation aux adultes handicapés, c’est la prime exceptionnelle de fin d’année, la prime de solidarité active et c’est, bien sûr, depuis le 1er juillet dernier, le versement du revenu de solidarité active, nouveau venu dans notre paysage social.
Naturellement, il existe d’autres urgences, en particulier le soutien à l’investissement et à la trésorerie des entreprises, pour préserver au mieux notre appareil productif.
Mon collègue Patrick Devedjian et moi-même avons mis en place le plan de relance dans toutes ses composantes : les lois ont été votées, les primes versées, les crédits d’impôt restitués, les chantiers engagés, les dispositifs d’aide à l’emploi activés. Aucun autre pays n’a agi aussi vite et aussi fort.
Aujourd’hui, il ne se trouve guère d’observateurs objectifs pour critiquer le plan de relance. Au contraire, le FMI et l’OCDE en saluent à la fois le ciblage et le calibrage.
La question qui nous préoccupe à présent est donc plutôt de savoir ce que nous faisons à partir de là pour préparer l’après-crise tout en poursuivant notre effort pour sortir de la crise. Tout le monde reconnaît l’incertitude du calendrier de la reprise. Quelle sera sa force après une telle récession ? Comment évolueront les prix des actifs ? Qu’escompter comme croissance potentielle au lendemain d’une telle bourrasque ?
Je voudrais m’arrêter un instant, comme le fait M. le rapporteur général dans son rapport, sur la question de l’évolution de la croissance potentielle, sujet majeur pour les années à venir.
La crise révèle que le potentiel de croissance de la France et, surtout, du monde était, à l’évidence, surévalué. Il y avait bien un excès de demande dû à des bulles – bulles d’endettement privé des ménages, bulles immobilières –, bien d’autres, d’ailleurs, ayant explosé par le passé. Nous avons donc révisé à la baisse l’évaluation de la croissance potentielle, qui passe ainsi d’un peu plus de 2 % à environ 1,75 %.
Mesdames, messieurs les sénateurs, faut-il aller plus loin et dire que le terrain perdu dans la crise ne sera jamais reconquis ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Hélas…
M. Eric Woerth, ministre. Les Anglais l’ont fait. Cependant, notre situation est, me semble-t-il, en bien des points différente. Nous avons moins d’endettement des ménages, moins de prêts risqués, moins de bulle immobilière, notre secteur financier n’est pas surdimensionné par rapport aux autres secteurs de notre économie, enfin, par le jeu des stabilisateurs économiques automatiques et de dispositifs comme le chômage partiel, nous avons mieux conservé le « capital humain » de notre économie.
Je vous le concède volontiers, cela prendra du temps, mais nous mettons tout en œuvre pour reconquérir le terrain perdu.
Le Conseil européen des 18 et 19 juin a intégré cette dimension d’incertitude dans son approche : le redressement des finances publiques doit se faire au rythme de la reprise de l’activité.
Il faudra continuer à mener une politique budgétaire souple et éminemment réactive. Tel a été mon mot d’ordre jusqu’ici, afin d’ajuster au mieux le rythme d’assainissement des finances publiques. Ne l’oublions pas, à vouloir consolider trop tôt, au milieu des années quatre-vingt-dix, après quelques rares signes positifs, le Japon avait tué sa croissance pour dix ans, en montant notamment les taux de TVA de façon prématurée.
Ce sont les grandes orientations de l’après-crise que le Président de la République a indiquées dans son discours devant le Congrès et que le Premier Ministre a eu l’occasion de préciser lors d’un séminaire gouvernemental qui s’est tenu il y a une quinzaine de jours.
Dans cette situation inédite, plusieurs conditions doivent être respectées.
Premièrement, pour réussir l’assainissement des finances publiques, il convient de conserver aux mesures de relance leur caractère temporaire. Le Gouvernement s’y est engagé, car il s’agit de ne pas répéter une erreur qui a été trop souvent commise dans le passé.
Deuxièmement, une hausse des prélèvements obligatoires est exclue. C’est une condition sine qua non et en aucun cas un a priori idéologique. L’augmentation des prélèvements obligatoires dans un pays où ceux-ci représentent déjà 43 points de PIB est tout bonnement inenvisageable quand ce même ratio avoisine les 37 points en Allemagne et au Royaume-Uni, voire moins de 30 points aux États-Unis. Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est tout bonnement inenvisageable, sous peine d’obérer la compétitivité et la croissance potentielle françaises et de peser, in fine, sur la soutenabilité des finances publiques.
Comme vous le savez, nous avons défini une stratégie en trois axes pour nos finances publiques : sécuriser les recettes ; réduire le poids de la dépense courante ; investir massivement dans les projets d’avenir. Si la presse n’en retient souvent que le troisième, les trois objectifs ont à mes yeux la même importance, car ils sont indissociables.
Nous aurons ainsi un vrai débat dans les semaines et les mois à venir sur notre capacité à investir dans les projets d’avenir.
Il faut donc sécuriser les recettes. Afin de compenser les pertes de recettes dues à la dégradation de l’activité, le surcroît de recettes qui interviendra au rythme de la reprise sera intégralement consacré à la réduction du déficit.
La lutte contre les déficits structurels doit être évidemment poursuivie. Depuis deux ans, tout est mis en œuvre pour infléchir drastiquement la dépense courante. Même si la crise l’a occulté, nous avons tout de même obtenu un certain succès. L’effort sera d’autant plus soutenu aujourd’hui que le Président de la République vient de nous appeler à mettre les bouchées doubles en la matière.
Soyons clairs : la dépense courante, pour moi, ce ne sont pas seulement les gommes et les crayons, loin de là ; j’en ai une vision extensive, qui inclut notamment les dépenses d’intervention et celles des opérateurs. Sinon, rien ne fonctionne !
La méthode que nous avons utilisée jusqu’à maintenant a porté ses fruits - nous avons contenu la dépense publique à moins de 1 % en euros constants l’année dernière -, mais elle ne suffira pas face aux défis qui nous attendent, compte tenu notamment de l’ampleur du champ auquel il faut s’attaquer. Il faut donc l’élargir et la renforcer.
Avec l’aide du Parlement, dans la lignée des États généraux de la dépense publique, une identification systématique de toutes les dépenses inutiles sera, encore une fois, réalisée.
La réforme de l’administration sera poursuivie.
La réforme des collectivités locales sera menée à bien, notamment sur la répartition des compétences, afin que tous les échelons administratifs contribuent plus efficacement au redressement des finances publiques.
Toutes les options envisageables pour la réforme des retraites seront examinées, avec des décisions en 2010.
La maîtrise des dépenses de santé sera quant à elle amplifiée : l’ONDAM peut être, selon moi, ramené à 3 % dès 2010 compte tenu de la baisse de l’inflation ; nous allons travailler en ce sens avec Roselyne Bachelot- Narquin pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale à venir.
Les niches sociales feront l’objet d’un examen systématique. Leur montant global s’élève à 42 milliards d’euros : 33 milliards d’exonérations de cotisations sociales, 9 milliards d’exemptions d’assiette diverses.
Depuis deux ans, nous avons agi sur deux leviers : nous avons rationalisé plusieurs dispositifs d’exonérations peu efficients et mis à contribution les stock-options, les « parachutes dorés », ainsi que l’intéressement et la participation au financement de la sécurité sociale. J’entends poursuivre et accentuer cette action dans le PLFSS 2010, notamment sur les « retraites chapeaux ».
Je vais également conduire un examen aussi critique des dépenses fiscales dans les mois qui viennent. Nous avons déjà travaillé sur deux axes, en réduisant certaines niches spécifiques et en instaurant le plafonnement global.
Je souhaite poursuivre sur ces deux voies : continuer de questionner certains dispositifs dont la pertinence et l’efficacité ne sont franchement pas avérées ; réfléchir aussi à une manière plus transversale de réduire le poids de la dépense fiscale globale.
Si aucune niche prise isolément n’est illégitime, il faut bien dire que le véritable dédale que constituent les niches fiscales ou sociales, sans parler des débats infernaux qu’elles suscitent entre les uns et les autres, devient difficilement gérable pour les finances publiques. Il faut donc, là aussi, redoubler d’effort et certainement inventer de nouvelles méthodes.
Avec la sécurisation des recettes et la réduction des dépenses courantes, le troisième pilier de la stratégie présentée par le Président de la République consiste à réorienter de manière résolue la dépense publique vers des projets d’avenir.
Le débat s’est curieusement focalisé sur les modalités de l’emprunt. À mon sens, c’est un point assez accessoire. L’emprunt n’est qu’un moyen, une modalité, et pas une fin en soi.
Le but ultime, c’est bien le redéploiement de nos dépenses vers les projets d’avenir. Ces projets seront financés par un emprunt dédié, qui donc ne pourra financer que des projets d’avenir prioritaires et clairement identifiés. Alain Juppé et Michel Rocard y travaillent. Aucune fongibilité ne sera possible avec le financement de la dépense courante, dont l’objectif est évidemment l’équilibre.
J’ajoute que nous imposerons, et c’est crucial, de rendre compte régulièrement sur les dépenses ainsi financées, et d’apporter la preuve qu’elles ont un intérêt et un rendement important pour les générations futures.
Ce processus pourrait d’ailleurs débuter, soit par une loi de finance rectificative, soit, le cas échéant, par un mini-débat d’orientation budgétaire au début de 2010, puisqu’en fin de compte il vous reviendra à vous, représentants de la nation, de trancher à la fois sur les priorités et sur les modalités de l’emprunt.
Permettez-moi de revenir sur la définition même des dépenses d’avenir.
Leur nature est, de fait, très variée : il peut s’agir d’engagements financiers pour soutenir des entreprises dans des secteurs de pointe, d’investissements physiques dans de nouvelles technologies, ou encore de certains investissements en capital humain, comme l’enseignement supérieur ou la recherche. Toutes ont évidemment une légitimité en termes d’avenir.
Mais, à mon sens, l’emprunt étant, par définition, une opération ponctuelle, la raison devrait nous engager à ne financer par l’emprunt que des dépenses non récurrentes. Cela ne préjuge en rien, naturellement, du montant et des modalités de l’emprunt. Des dépenses, même d’avenir, qui se renouvellent chaque année ont vocation à être financées par des recettes qui se renouvellent également.
Par ailleurs, je le disais en introduction, pour être efficace, il faut faire des choix. D’où le préalable de la grande consultation qui commence pour pouvoir choisir et hiérarchiser nos priorités nationales, tant il est vrai, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’on ne peut pas tout traiter sur le même plan.
À la demande du Premier ministre, cette consultation devra déboucher dans la première quinzaine de novembre sur des projets forts et structurants, mais en nombre restreint. Ils devront apporter la preuve qu’ils ont une rentabilité financière et socio-économique élevée et devront associer le plus possible des cofinanceurs externes pour démultiplier les efforts de l’État.
L’enjeu, c’est donc bien de parvenir à faire le tri dans les dépenses publiques. En tant que ministre du budget, je tiens à souligner que je ferai preuve de la même détermination dans l’identification des dépenses les plus productives pour notre pays que dans la suppression, déjà entamée, de celles qui ne sont pas ou plus efficaces.
Ces réformes permettront de réorienter l’effort public vers les dépenses d’avenir, la progression de l’ensemble des dépenses publiques restant limitée à environ 1 % par an en volume sur l’ensemble de la dépense publique, c’est-à-dire sur quelque 1 000 milliards d’euros.
En ce qui concerne l’évolution globale de nos finances publiques à l’horizon 2011, on peut raisonnablement miser sur une reprise de la croissance plus forte, et, surtout, sur des recettes plus dynamiques lors de la reprise de l’activité.
Je prends à nouveau l’exemple de l’impôt sur les sociétés : passer du niveau 2009, c'est-à-dire de 20 à 25 milliards d’euros, pour simplement retrouver le niveau de 2007- 2008, c'est-à-dire 50 milliards d’euros, soit 100 % de plus, cela permet déjà de retrouver plus de un point de PIB, et ce sans augmentation d’impôt, juste par la reprise de l’activité et le retour du prix des actifs à une valeur plus en rapport avec leurs fondamentaux.
Entre la maîtrise de la dépense et ce dynamisme des recettes, on peut ainsi espérer une amélioration du déficit public de l’ordre de deux points de PIB en deux ans, à moitié par les recettes et à moitié par la dépense. Nous irons plus vite si la croissance est plus forte, mais l’important, c’est bien de marquer une inflexion forte par la dépense.
Donc, nous misons sur deux points de PIB en deux ans à partir de la reprise, à moitié financés par une augmentation des recettes et à moitié financés par une diminution des dépenses, soit 20 milliards d’euros au titre de la maîtrise de la dépense, ce qui n’est pas mince.
Selon les informations actuellement disponibles, nous ne pourrons donc revenir à trois points de PIB de déficit en 2012 sans un rebond extrêmement fort de la croissance, qui ne peut être exclu, mais que l’on ne peut prendre comme référence dans un débat d’orientation budgétaire.
La dette atteindrait 88 points de PIB à l’horizon 2012. C’est un niveau très élevé, mais qui resterait encore inférieur à celui que connaissent déjà actuellement plusieurs de nos partenaires.
Dire tout cela, ce n’est pas renoncer au pacte de stabilité, c’est prendre en compte la réalité des effets de la crise. Nous conservons l’esprit du pacte : nous ferons le meilleur effort d’assainissement possible des finances publiques, sans casser le retour de la croissance et tout en préparant la croissance de demain, pour retourner au plus vite sous les trois points de PIB, et réduire la dette. Dans leur quasi-totalité les pays européens sont confrontés à la même situation.
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas une consolation !
M. Eric Woerth, ministre. Intéressez-vous aux débats sur les finances publiques dans les autres pays européens : vous verrez que ce sont les mêmes qu’en France !
Même l’Allemagne a annoncé qu’elle ne pourrait revenir sous les trois points de PIB de déficit qu’en 2013 au mieux, voire en 2014.
Vous l’aurez compris, nous voulons que la France sorte de la crise plus grande et plus forte qu’elle n’y est entrée. Dans cette perspective, nous restons fidèles à ce que nous sommes et à ce que nous voulons.
Nous sommes convaincus que, si le renouveau de l’État doit passer aussi par une logique défensive, conjoncturelle, cette logique ne doit surtout pas éclipser, bien au contraire, notre devoir d’anticipation. La priorité, c’est évidemment de préparer l’avenir, c’est de poursuivre la modernisation de l’État et de convertir ou de reconvertir le modèle économique français.
Ce sont les réformes d’aujourd’hui qui créeront la croissance de demain et le pouvoir d’achat d’après-demain.
Contre la démagogie, contre la facilité, nous tiendrons donc bon sur les réformes, en particulier - j’en prends l’engagement - dans le domaine de la maîtrise de nos dépenses publiques.
À terme, il me semble en effet impossible de laisser perdurer une situation dans laquelle plus de un euro sur deux de richesse produite dans ce pays passe par la sphère publique. Revenir sous 50 points de PIB de dépenses publiques - hors relance et effets de la crise -, c’est trouver environ 60 milliards d’euros d’économies. Telle est l’ampleur exacte de notre déficit structurel.
Mesdames, messieurs les sénateurs, maîtriser la dépense est bien la voie à suivre pour durablement réduire nos déficits. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’exprime en cet instant à la fois comme remplaçant du rapporteur général de la commission des finances et comme président de la commission. Par conséquent, je vais bénéficier d’un double crédit de temps – soit deux fois dix minutes –, comme je m’empresse de le préciser à ceux qui seraient impatients. (Sourires.)
Notre séance d’aujourd’hui nous permet de débattre des grandes orientations des finances publiques, la loi organique relative aux lois de finances l’a prévu, l’a programmé, et je m’en réjouis. Ainsi, nous pouvons entendre les contributions respectives de la commission des affaires sociales et de la commission des finances, et nous sommes heureux de pouvoir en débattre avec le ministre chargé de l’ensemble des comptes publics.
Nous débattons aujourd'hui sur la base du rapport que le Gouvernement nous a transmis relatif à l’évolution de l’économie nationale et des finances publiques.
Mes chers collègues, je n’ai pas vraiment trouvé dans ce document la « description des grandes orientations de [notre] politique économique et budgétaire au regard des engagements européens de la France », pour reprendre les termes de la LOLF. Au fond, ce n’est peut-être pas plus mal, car, même si la France fait toujours l’objet d’une procédure pour déficit excessif, de tels développements auraient pu paraître artificiels, voire tout bonnement irréels.
En effet, lorsque l’on extrait des documents préparatoires les principaux chiffres, le vertige saisit : un déficit des administrations publiques de 7 % ou 7,5 % du PIB, c’est deux fois plus que le maximum autorisé par nos engagements européens et trois points de plus que l’objectif que nous avons voté en février dans la loi de programmation des finances publiques !
Pour l’État, le Gouvernement envisage un déficit de l’ordre de 130 milliards d’euros en 2009 et en 2010, contre 56 milliards d’euros en 2008.
Côté recettes, celles de l’impôt sur les sociétés, qui rapporte théoriquement à l’État environ un cinquième de ses ressources fiscales annuelles, soit une cinquantaine de milliards d’euros, le produit sera divisé par deux cette année ! C’est une moins-value de 25 milliards d’euros.
Dernier exemple pour illustrer la profondeur de la crise, on constate un déficit de 20 milliards d’euros du régime général de la sécurité sociale, alors même que 27 milliards d’euros ont été transférés l’année dernière à la CADES, la Caisse d’amortissement de la dette sociale !
L’addition des deux déficits, 130 milliards d’euros pour l’État et 20 milliards d’euros pour la protection sociale, nous amène, mes chers collègues, à un total de 150 milliards d’euros !
Dans la tourmente, il nous faut un cap, un horizon au-delà de la préparation des textes financiers de l’automne. Nous devons évaluer l’impact durable de la crise une fois l’onde de choc passée, et nous demander quelle conduite tenir dans la situation nouvelle qui nous attend.
Mes réflexions me conduisent toujours vers les deux mêmes constats.
Premièrement, avec la crise, notre pays s’appauvrit. La question est de savoir comment on peut inverser la tendance et retrouver compétitivité et attractivité.
Deuxièmement, le poids de la dette risque d’asphyxier nos finances publiques. Comment retrouver des marges de manœuvre ?
La thématique de la dette a beaucoup occupé nos travaux préparatoires, mais, lorsque son montant dépasse les 1000 milliards d’euros, lorsque la perspective d’une France qui vivrait durablement avec un endettement stabilisé autour de 100 % du PIB n’est plus un scénario de science-fiction, il n’est pas étonnant que les parlementaires s’intéressent de plus près encore à son mode de financement.
Lorsque la dette atteint un tel volume, sans que cela – miracle de « l’insoutenable légèreté de la dette publique » – provoque la moindre tension sur le niveau des dépenses, il est légitime que nous recherchions les instruments qui permettraient une plus grande pédagogie sur les conséquences de l’endettement.
Je veux le souligner, ces préoccupations ont été partagées par les membres de la commission des finances bien au-delà des limites de la majorité sénatoriale.
Sans refaire le débat que nous avons eu hier à l’occasion de l’examen des amendements portant sur le projet de loi de règlement, je veux réaffirmer ici ma conviction qu’il faut assumer les conséquences de ses choix.
Nous avons fait le choix collectif, depuis 1975, de dépenser chaque année un montant supérieur à celui des recettes. Je rappelle que le dernier budget présenté en équilibre par un ministre des finances l’a été, à l’époque, par Jean-Pierre Fourcade !
M. Jean-Pierre Chevènement. Bravo !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il faut assumer les conséquences d’un tel choix.
J’ai la faiblesse de penser que les termes du débat sont un peu faussés. Notre système de financement de la dette favorise la préférence pour le présent et anesthésie l’opinion en repoussant l’heure des vraies décisions.
M. Jean-Pierre Chevènement. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Jégou. Eh oui !
M. Jean-Pierre Fourcade. C’est la roue perpétuelle !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Plus on repousse cette heure, plus les décisions seront difficiles à prendre.
C’est pourquoi j’ai la conviction qu’il convient, d’une manière ou d’une autre, de faire peser sur les dépenses du budget général le poids de l’amortissement du capital de la dette de l’État à raison, pourquoi pas ? de 2 % par an, c'est-à-dire l’amortissement de la dette en cinquante ans par tranche annuelle de 20 milliards d’euros.
Mes chers collègues, je citerai un exemple : la loi de finances rectificative pour 2007 a réglé le problème du service annexe de la dette de la SNCF. Le gouvernement précédent avait eu l’idée fantastique, pour désendetter la SNCF, de sortir une partie de la dette et de la placer dans un satellite n’apparaissant dans aucun compte public : de la pure magie !
L’État s’était engagé à verser chaque année une dotation dont le montant correspondait à l’annuité, capital plus intérêts, soit à peu près 677 millions d’euros.
En 2007, vous êtes chargé du dossier, monsieur le ministre, et vous prenez la décision qu’il fallait prendre, à savoir la reprise par l’État de la dette de la SNCF.
En 2008, bonne affaire, les intérêts sont repris, mais pas le capital. Autrement dit, sur les 677 millions d’euros de charges constatés en 2007, soit 400 millions d’euros au titre des intérêts et 277 millions d’euros au titre de l’amortissement du capital, on ne retrouve plus, en 2008, que les seuls intérêts !
C’est dire combien de tels procédés peuvent paraître anesthésiants et combien il est nécessaire de trouver, monsieur le ministre, les moyens de pratiquer une bonne pédagogie.
Avant de clore ce chapitre, il me faut vous remercier, monsieur le ministre, des engagements que vous avez pris hier en matière d’information du Parlement sur la politique de financement de l’État. Aujourd’hui, si le Parlement a conquis ses galons d’interlocuteur incontournable en matière de gestion budgétaire, il reste, convenons-en, un acteur plus marginal de la politique de financement de l’État.
La LOLF a posé les premiers jalons en prévoyant un vote sur le tableau de financement et sur la variation de la dette à plus d’un an. Mais quelle est la portée effective de ce vote ? Monsieur le ministre, j’ai consulté, sur le site internet de l’Agence France Trésor, la rubrique consacrée aux textes de référence. On y trouve une entrée « Loi organique relative aux lois de finances » qui fournit une liste des articles de la LOLF concernant l’Agence France Trésor, soit les articles 10, 19, 22, 25 et 26.
Curieusement, l’article 34, qui vise spécifiquement la première partie de la loi de finances initiale, avec l’autorisation des emprunts, et qui fixe le plafond de la variation de dette nette à plus d’un an, n’est pas mentionné. Est-ce un oubli ou un acte manqué ? Le rapporteur général, qui a lu Kundera, aurait peut-être parlé de plaisanterie !
Au-delà de l’anecdote, il faut remédier au déséquilibre institutionnel qui apparaîtrait s’il y avait durablement contradiction entre l’intérêt financier du pays, servi avec talent par l’Agence France Trésor et qui la conduit à privilégier le financement à moins d’un an, et la portée du vote de la représentation nationale, qui a trait à la variation nette de la dette à plus d’un an. Votre proposition, monsieur le ministre, va dans le bon sens, et nous tenons à vous en remercier.
Mes chers collègues, l’obsession de la lutte contre l’endettement n’est pas une lubie ou une tocade. Elle vient de la conscience aiguë qu’a la commission des finances des menaces que la dette fait peser sur notre modèle social en nous contraignant à sacrifier au service de la dette une part importante des dépenses de transfert, auxquelles les Français sont attachés, et une part tout aussi importante des dépenses d’investissement, si nécessaires à la préparation de notre avenir.
Lorsque le produit de l’impôt sur le revenu ne suffit plus à payer la charge de la dette, on ne peut que s’inquiéter de notre capacité financière à relever les défis qui sont devant nous.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est vrai !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Or ces défis sont immenses. La crise cause à notre pays des dommages irréparables. Sur ce point, monsieur le ministre, je rappelle que, selon les calculs de la commission des finances du Sénat, la perte potentielle de PIB pourrait atteindre 5 points.
Le Gouvernement a révisé à la baisse son estimation du taux de croissance potentiel, le ramenant de 2,2 % à 1,75 %.
De fait, nos perspectives de croissance sont inférieures à la moyenne de la zone euro. L’Allemagne, qui subit en 2009 une récession près de deux fois plus sévère que la nôtre, retrouverait la croissance dès le début de 2010.
Après la crise, notre pays ne sera plus le même que ce qu’il était encore l’année dernière. Nous devons malheureusement anticiper un nouveau « coup de torchon » sur les entreprises productrices de biens et de services ainsi que sur l’économie. Il y aura de nouvelles délocalisations, des industries auront disparu, le chômage sera plus élevé, la population sera plus âgée, certains comportements économiques seront peut-être transformés.
Le potentiel de croissance ne sera malheureusement sans doute pas ce qu’il était avant le déclenchement de la crise.
Cependant, notre pays, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, a la capacité d’absorber les effets de ces mutations profondes, à condition que l’on y voie clair sur la voie à suivre et que l’on prenne les décisions structurelles qui, en rendant possible ce qui est souhaitable, permettront de reconstituer notre croissance potentielle.
Je vois quatre domaines dans lesquels nous avons besoin de prendre des décisions courageuses.
Le premier domaine est la maîtrise des dépenses.
Le Gouvernement confirme qu’il tiendra bon sur la stabilisation en volume des dépenses dans le cadre d’enveloppes pluriannuelles qui, conformément à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, offrent de la visibilité aux gestionnaires de crédits. Il projette le non-remplacement d’un départ en retraite sur deux dans la fonction publique. Il annonce une deuxième phase de la révision générale des politiques publiques.
Je forme le vœu que cette deuxième phase soit très ambitieuse, car, du fait de notre niveau d’endettement, nous ne pourrons plus longtemps nous satisfaire d’une stabilisation en volume des dépenses : nous devrons nous fixer l’objectif d’une stabilisation en valeur.
Il faudra une réforme administrative profonde pour parvenir à stabiliser les dépenses en valeur tout en maintenant les exigences d’un service public de qualité. Il faudra un effort de l’ensemble de la sphère publique. En l’état actuel des prévisions, le besoin de financement des administrations publiques resterait, en 2012, compris entre 5 % et 7 % du PIB.
Évidemment, en période de récession, il convient avant tout de s’assurer que la machine économique continue de fonctionner. Le plan de soutien au financement de l’économie joue ce rôle en assurant que le crédit continue d’être distribué.
La relance budgétaire a aussi les effets positifs que l’on attend, surtout lorsqu’elle prend la forme de dépenses non récurrentes et qu’elle sert au financement d’infrastructures dont la réalisation est de nature à redresser notre taux de croissance potentiel.
Le plan de relance engagé depuis la fin de l’année dernière produira ses effets en 2009 et en 2010. L’injection dans l’économie des sommes prélevées au titre de l’emprunt national prendra alors sans doute le relais.
S’agissant de cet emprunt, vous savez, monsieur le ministre, que la commission des finances a des idées sur la façon dont il pourrait être souscrit et rémunéré. Nous serons heureux de vous les faire partager !
Nous pensons, notamment, qu’il faudrait, pour que cet emprunt ait du sens, qu’il soit l’expression d’une nation désireuse de renverser les tendances et d’accepter, sans doute, un taux d’intérêt inférieur au taux du marché, faute de quoi l’emprunt sera probablement assez banal.
Le deuxième domaine dans lequel une action structurelle doit être engagée est la réforme territoriale, qui nous occupera à l’automne. Elle doit, selon moi, s’accompagner d’une réforme de l’État déconcentré.
J’appelle, à ce sujet, votre attention sur la treizième des vingt propositions contenues dans le rapport Balladur, passée trop inaperçue à mon avis, qui préconise de supprimer les services déconcentrés dans les domaines où les compétences sont exercées non plus par l’État, mais par les collectivités territoriales.
Sur le plan économique, il est indispensable de préserver la capacité d’investissement des collectivités territoriales, qui sont le poumon de l’investissement public.
En préparation de ce débat, nous avons auditionné le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance, M. Devedjian. J’ai cru comprendre qu’il appelait à une forme de pérennisation de la mesure de versement anticipé des attributions au titre du Fonds de compensation pour la TVA. Il n’est pas douteux que les collectivités territoriales, qui assument les trois quarts de l’investissement public, participent à la relance, que 2009 ne suffira pas et qu’il faudra soutenir cet effort également en 2010.
En 2009, les collectivités auront perçu les versements du Fonds de compensation pour la TVA au titre de deux années, 2007 et 2008. Peut-être pourront-elles percevoir en 2010 les recettes pour 2009 et 2010 ? Nous aurons l’occasion d’en reparler à l’automne.
Le troisième domaine est la protection sociale. Mme Dini et M. Vasselle en parleront mieux que moi. La commission des finances évoque les dépenses sociales dans son rapport, où elle aborde, notamment, la question du déficit de la branche vieillesse, les effets attendus de la réforme de l’hôpital ou encore les enjeux de la prise en charge de la dépendance.
Cependant, il ne faut pas éluder la question du mode de financement de ces dépenses. Les cotisations sociales sont des « droits de douanes à l’envers » qui, par exemple, fragilisent les efforts que nous déployons par ailleurs pour améliorer la compétitivité des petites et moyennes entreprises, ainsi que celle du travail.
Cette situation, monsieur le ministre, ne peut pas durer. Il n’y a pas de fatalité à ce que le financement de la protection sociale – famille et santé – soit un obstacle à notre compétitivité et à notre attractivité, sinon, mes chers collègues, comment retrouverons-nous notre potentiel de croissance ?
Cela me conduit au quatrième domaine que je souhaitais évoquer et qui est le vrai sujet, celui dont dépendent à la fois notre capacité à endiguer la spirale de la dette et la restauration de notre compétitivité, je veux parler des prélèvements obligatoires.
Notre pays dispose de nombreux atouts. Les agences de notation lui conservent leur confiance en relevant la diversification de son économie et son « leadership mondial », mesuré par le nombre de ses grandes entreprises. Mais les grandes entreprises participent peu à la croissance du PIB ici, en France.
Notre pays fait partie des quatre ou cinq « champions » de l’Union européenne en termes de poids des prélèvements obligatoires, derrière la Suède, le Danemark et la Belgique.
Au-delà du niveau des prélèvements, nous devons restaurer la cohérence de notre système fiscal pour le mettre au service de la compétitivité de notre pays. Nous réfléchissons à un « triptyque » qui permettrait d’aller dans ce sens en remettant à plat l’impôt sur le revenu, l’impôt sur la fortune et le bouclier fiscal.
Plus largement, nos choix collectifs changent, leur mode de financement doit s’adapter.
À cet égard, je veux saluer le travail du groupe de réflexion présidé par Fabienne Keller au sein de la commission des finances, dont le rapport doit, à mon avis, servir désormais de référence préalable à toute réflexion sur la fiscalité écologique.
Je note, en tout cas, que la notion de « sécurisation des recettes » fait son chemin, même si elle n’est pas encore une règle absolue, pour le bonheur des restaurateurs, par exemple… À titre personnel, je regrette que l’on ait abaissé la TVA de 19,6 % à 5,5 %.
Il faudra, en tout état de cause, que cette règle de sécurisation trouve à s’appliquer lors de la réforme de la taxe professionnelle.
À terme, nous arriverons, j’en suis sûr, à rendre obsolète la distinction entre les impôts qui reposeraient sur les ménages et ceux qui seraient à la charge des entreprises. En effet, in fine, seuls les ménages, qu’ils soient contribuables, consommateurs, salariés ou épargnants, supportent le poids de la fiscalité. Si nous voulons éviter que les phénomènes de délocalisation ne se prolongent encore, rendant ainsi plus difficile le rétablissement de notre potentiel de croissance, il nous faut ouvrir ce débat devant l’opinion publique en vue de faire émerger les solutions d’avenir et d’engager des réformes en profondeur.
Nous retrouverons tous ces sujets à l’automne, en particulier lors du débat sur les prélèvements obligatoires et de la discussion de la première partie du projet de loi de finances. Je voulais les évoquer dès aujourd’hui car la stratégie économique de notre pays, dont les finances publiques constituent une composante importante, doit être globale. En dépenses comme en recettes, l’heure n’est plus aux rustines ni aux colmatages, elle est aux décisions qui engagent résolument notre avenir.
Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que vous espériez que la France sorte plus grande et plus forte de cette crise qui l’affecte depuis maintenant plus d’un an. Nous vous soutenons pour qu’il en soit ainsi. Pour cela, nous devrons faire œuvre de pédagogues, afin que la lucidité s’impose à tous les esprits et que l’on se prépare aux réformes. Pour que celles-ci aboutissent, nous devrons faire preuve à la fois de courage et d’esprit de justice ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat d’orientation des finances publiques prend place cette année dans un contexte que je n’hésite pas à qualifier de particulièrement préoccupant pour les finances sociales. Ma première intervention dans cet hémicycle en tant que présidente de la commission des affaires sociales sera donc empreinte d’une certaine gravité.
Notre débat d’aujourd’hui me paraît en effet crucial : il s’agit de déterminer les meilleures orientations possible pour nos finances publiques et sociales compte tenu d’une situation extrêmement dégradée – un déficit de 20 milliards d’euros pour le régime général en 2009 et d’environ 30 milliards d’euros en 2010 – et de perspectives encore très incertaines pour les années suivantes. Certes, la crise explique une partie de nos difficultés. Mais, au total, il faut surtout retenir qu’une dégradation d’une telle ampleur est inédite pour notre pays. Elle signifie que, n’ayant pas réussi à résorber un déficit d’environ 10 milliards d’euros par an depuis 2004, nous devrons bientôt faire face à un socle de déficit annuel de l’ordre de 30 milliards d’euros. Un tel changement d’échelle est sans précédent pour nos comptes sociaux. Ni les discours ni les recettes du passé ne pourront nous permettre d’y porter remède. Il y a pourtant urgence, car notre système de protection sociale ne pourra survivre à de tels déficits.
Nous avons souvent dit dans cet hémicycle, en particulier à l’occasion de ce rendez-vous annuel sur les perspectives des finances publiques, qu’il fallait cesser de reporter les dépenses d’aujourd’hui sur les générations de demain !
M. Jean-Jacques Jégou. Eh oui !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Or nous n’avons jamais dépassé le stade de l’incantation ni traduit par de réelles mesures d’assainissement ce que nous pensions constituer un engagement. Nous ne pouvons donc plus nous contenter de décisions ponctuelles, que ce soit pour nous permettre de revenir à l’équilibre – un immense défi à soi seul ! – ou, plus encore, pour faire face à l’enjeu que constitue le vieillissement de la population. Celui-ci, vous le savez, est bien réel : en matière de retraites, de santé et de dépendance, il pourrait se traduire par au moins trois points de PIB de dépenses supplémentaires d’ici à 2050.
Je vous présenterai les principaux éléments du diagnostic établi par la commission des affaires sociales. Alain Vasselle, nouveau rapporteur général de cette dernière, mais déjà rapporteur-président de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, et expert éprouvé et reconnu des comptes sociaux, vous décrira tout à l’heure les conditions que la commission des affaires sociales estime indispensables pour parvenir à un vrai retour à l’équilibre.
Où en sommes-nous aujourd’hui ? La commission des comptes de la sécurité sociale a publié les chiffres définitifs pour 2008 : le déficit du régime général s’est finalement élevé à 10,2 milliards d’euros, en phase avec les dernières prévisions. Les recettes de la sécurité sociale sont restées relativement dynamiques, le ralentissement économique n’ayant commencé à produire ses effets qu’en toute fin d’année.
La branche maladie a poursuivi son redressement avec un déficit ramené de 11,6 milliards d’euros en 2004 à 4,4 milliards d’euros. La réduction très importante de ce dernier est un résultat positif incontestable, surtout si l’on songe que les dépenses de santé, par nature extrêmement dynamiques, progressent toujours à un rythme supérieur à celui de la richesse nationale.
En revanche, la branche vieillesse a vu son déficit se creuser fortement pour atteindre 5,6 milliards d’euros sous l’effet à la fois du départ à la retraite des générations du baby-boom et de la poursuite des départs en retraite anticipée pour carrière longue.
Pour 2009, la situation est tout autre, puisque le déficit du régime général devrait doubler et s’établir, selon les dernières prévisions, à 20,1 milliards d’euros. Si l’on y ajoute le déficit du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, ce montant pourrait même atteindre 22,2 milliards d’euros.
L’essentiel de cette évolution est dû à l’arrêt brutal de la croissance des recettes, alors que celles-ci progressaient régulièrement au cours des dernières années : les cotisations sociales devraient ainsi stagner en 2009, et les recettes de la contribution sociale généralisée, ou CSG, diminuer.
Ce constat inspire deux réflexions à la commission des affaires sociales.
Premièrement, nous avions exprimé notre scepticisme quant aux hypothèses économiques très volontaristes qui sous-tendaient la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Je ne prendrai qu’un exemple : le projet de loi tablait sur une croissance de la masse salariale de 2,75 % ; or, celle-ci devrait diminuer de 1,25 %. Il y aurait donc, au minimum, quatre points d’écart entre la prévision et la réalité, ce qui bouleverse naturellement les équilibres initiaux.
Deuxièmement, la commission s’interroge sur l’absence de projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif. N’aurait-il pas été justifié de demander au Parlement de prendre acte, à défaut de mesures correctrices, de la caducité totale des équilibres votés en fin d’année dernière ? Je souligne au passage que, dans le même temps, pas moins de deux collectifs ont été votés en matière budgétaire...
Quoi qu’il en soit, ces pertes de recettes font s’effondrer les comptes de chacune des branches – elles affichent désormais toutes un déficit –, malgré une croissance des dépenses relativement maîtrisée. La branche maladie pourrait ainsi connaître un déficit de 9,4 milliards d’euros, la branche vieillesse de 7,7 milliards d’euros, la branche famille de 2,6 milliards d’euros et la branche accidents du travail–maladies professionnelles de 0,3 milliard d’euros.
Pour la branche maladie, je vous rappelle que le comité d’alerte du 29 mai 2009 n’a pas constaté de dérapage de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM. Il a seulement noté un dépassement de l’ordre de 300 à 500 millions d’euros. Il a mis en exergue la progression dynamique des indemnités journalières et des frais de transport, ainsi que le retard pris sur certaines mesures d’économie, comme les baisses de tarifs ou de médicaments, la limitation du nombre de séances de soins paramédicaux, l’encadrement des transports sanitaires par taxis ou l’augmentation du ticket modérateur en cas de non-respect du parcours de soins. La commission des affaires sociales estime que tout doit être fait pour corriger cette situation et pour revenir à un respect strict de l’ONDAM pour 2009.
Pour la branche vieillesse, je note un motif de satisfaction : la maîtrise des charges liées aux départs en retraite anticipée grâce à un meilleur encadrement de cette mesure. En revanche, le FSV, qui avait retrouvé une situation excédentaire en 2007 et en 2008, renoue avec un déficit massif en 2009 – de l’ordre de 2,1 milliards d’euros –, sous l’effet de l’augmentation du chômage et du transfert d’une partie de ses ressources vers la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES. Alain Vasselle vous fera part de la position de la commission des affaires sociales sur ces « tuyauteries » qui, si elles apportent une solution à un instant donné, constituent rarement de bonnes réponses à moyen terme, ainsi que nous l’avons trop souvent constaté.
S’agissant de 2010, nous disposons encore de trop peu d’éléments. Les premières prévisions font état d’un déficit du régime général s’élevant à environ 30 milliards d’euros, chiffre évidemment considérable, sans précédent et, je n’hésite pas à le dire, très inquiétant. Ce rapide tableau des comptes sociaux montre en effet l’ampleur des difficultés à résoudre et donne la mesure du chemin à parcourir non plus pour revenir à l’équilibre, mais simplement pour stabiliser nos déficits.
À cet égard, monsieur le ministre, nous regrettons – nous l’avions malheureusement déjà souligné les années précédentes – que le document préparatoire au débat d’aujourd’hui soit aussi succinct s’agissant des finances sociales. En particulier, il ne mentionne toujours pas la trajectoire pluriannuelle détaillée de l’évolution de l’ONDAM, comme le prévoit pourtant la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. C’est dommage, car la définition d’objectifs clairs que tous pourraient s’approprier est désormais une priorité : c’est à cette seule condition que les modalités concrètes de leur respect pourront ensuite être déterminées.
Vous nous apportez néanmoins l’assurance que la nouvelle discipline issue de la loi de programmation des finances publiques en matière de recettes et de niches sociales sera respectée. Nous le souhaitons vivement, car nous éprouvons à nouveau quelques inquiétudes quant à cette nécessité, affirmée depuis longtemps par la commission des affaires sociales.
À ce sujet, permettez-moi, monsieur le ministre, de formuler deux séries de remarques.
En premier lieu, la commission des affaires sociales présente régulièrement des propositions raisonnables et concrètes trop souvent écartées par le Gouvernement. J’en veux pour preuve notre vote d’il y a trois ans pour taxer les stock-options ou celui d’il y a deux ans pour instituer une flat tax sur les niches sociales. Dans les deux cas, vous nous avez contraints à revenir sur ces dispositions pour, un an après, les proposer vous-même dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale. Nous avons perdu, au passage, une année... M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales va à nouveau vous présenter aujourd’hui un certain nombre de mesures que je souhaite voir retenues dans le cadre de la préparation de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.
En second lieu, permettez-moi de vous redire combien il nous paraît important que le Parlement soit pleinement et parfaitement informé sur la situation des finances sociales. À cet égard, je renouvelle des demandes plusieurs fois formulées par la commission des affaires sociales : un chiffrage précis de l’incidence de toutes les mesures nouvelles envisagées, ce qui exige d’enrichir l’exposé des motifs ainsi que l’annexe 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale ; un cadrage pluriannuel plus étayé, avec des scénarios d’évolution plus solidement établis à partir d’hypothèses crédibles et différenciées. Nous devons disposer d’éléments aussi transparents et précis que ceux qui sont désormais disponibles en matière de loi de finances.
En conclusion, je voudrais insister sur le caractère stratégique de l’année 2010. Des décisions majeures, peut-être douloureuses, devront être prises pour inverser les tendances actuelles et pour permettre, dans un premier temps, une stabilisation de nos déficits, puis, dans un deuxième temps – c’est ce que nous espérons –, un retour à l’équilibre à moyen terme de nos comptes sociaux.
Nous ne pouvons plus repousser encore les échéances. Je souhaite que, dès le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, les décisions du Gouvernement traitent réellement et en profondeur l’ensemble des questions qu’Alain Vasselle et moi-même évoquons aujourd’hui devant vous. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, me voilà élevé à une fonction quelque peu plus solennelle : celle de rapporteur général de la commission des affaires sociales, notamment pour la loi de financement de la sécurité sociale ! Je ne peux que m’en réjouir. (M. Jean-Jacques Jégou s’exclame.)
Les propos que je vous tiendrai ne vont cependant pas changer au motif que j’ai été élevé à ce rang ! (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.) Cela en décevra peut-être certains, cela en surprendra éventuellement d’autres, mais mes observations seront en effet de même nature que celles que j’ai pu formuler les années précédentes. Mon propos sera peut-être seulement un peu plus solennel.
Je tiens ici à remercier publiquement M. le président du Sénat d’avoir, avec la réforme du règlement du Sénat, permis à la commission des affaires sociales de démontrer, par son action et par son suivi des finances sociales, que la commission des finances n’a pas le monopole de la rigueur dans la gestion des dépenses et des recettes. S’agissant des dépenses prévues par la loi de financement de la sécurité sociale, les membres de la commission des affaires sociales sont animés du même souci de rigueur et d’analyse que les membres de la commission des finances lorsqu’ils examinent le projet de loi de finances.
M. Dominique Braye. C’est le cas dans toutes les commissions !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cela dit, mes chers collègues, je voudrais vous rappeler que nous espérions encore, voilà moins d’un an, un retour à l’équilibre des comptes sociaux en 2012. Malheureusement, comme l’ont indiqué tout à l’heure la nouvelle présidente de la commission des affaires sociales, Mme Dini, et M. Woerth, dans son propos liminaire, le déficit atteindra fort probablement un montant de 20 milliards d’euros à la fin de l’année 2009, si ce chiffre n’est pas dépassé en raison de l’évolution de la conjoncture et de la situation économique, de la situation de nos entreprises et de l’éventuelle progression du chômage.
Cela n’augure guère d’un avenir réjouissant puisque la probabilité de voir le déficit de l’année 2010 atteindre le montant de 30 milliards d’euros est forte.
M. Nicolas About. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le déficit cumulé des années 2009 et 2010 pourrait donc atteindre 50 milliards d’euros. Comme M. le ministre l’a rappelé tout à l’heure, si aucune réforme structurelle n’est engagée, le déficit cumulé des comptes sociaux pourrait ainsi s’élever à 80 milliards d’euros, montant inédit qui fait froid dans le dos.
Bien sûr, la dégradation massive des comptes sociaux résulte, cette année – M. le ministre des comptes publics l’a rappelé tout à l’heure –, des effets de la crise économique. Cela dit, il faut bien reconnaître que, si la sécurité sociale avait affronté cette crise sans le handicap considérable d’un déficit structurel de 10 milliards d’euros, elle aurait pu y faire face dans des conditions tout à fait différentes de celles que nous allons connaître. Le retard que nous avons pris dans l’engagement de réformes structurelles, dont chacun sait depuis longtemps qu’elles sont absolument indispensables, pourrait être payé fort cher dans le contexte de la récession actuelle.
Il faut, mes chers collègues, prendre dès à présent conscience de la chose suivante : le retour de la croissance au niveau antérieur à la crise permettra seulement de stabiliser le déficit à son niveau d’après-crise, soit, peut-être, 30 milliards d’euros. Or, si la sécurité sociale a pu supporter, depuis 2003, des déficits annuels de l’ordre de 10 milliards d’euros au prix d’un accroissement important de la dette sociale, elle ne résistera pas à plusieurs années d’un déficit qui se stabiliserait à 30 milliards d’euros.
Sans vouloir aucunement dramatiser les enjeux, je crois que la situation actuelle menace la pérennité de notre système de protection sociale et que nous devons agir avec vigueur, sans attendre et sans croire que le retour de la croissance arrangera tout.
Mme la présidente de la commission des affaires sociales ayant détaillé tout à l’heure la situation des comptes, je n’y reviendrai pas. Qu’il me soit cependant permis, monsieur le ministre, d’insister sur la nécessité d’une présentation par le Gouvernement, lors de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale, d’hypothèses économiques réalistes. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 était effectivement caduque dès son adoption ! Il vous a fallu corriger un certain nombre d’éléments au cours de son examen pour essayer de vous rapprocher de la réalité de la situation !
Sur la base des prévisions inscrites dans cette loi, nous avons transféré des ressources de CSG du FSV vers la CADES, pour permettre à cette dernière de faire face à une nouvelle reprise de dette. Le résultat, c’est que le FSV, qui avait renoué avec les excédents, sera en déficit de plus de 2 milliards d’euros cette année.
De même, M. Fillon, alors ministre des affaires sociales, avait pris le pari que nous pourrions transférer des cotisations chômage vers les cotisations vieillesse pour un montant non négligeable de l’ordre de 10 milliards d’euros, selon les estimations de l’époque. La crise étant passée par là, cette mesure n’a pu être mise en œuvre.
Nous aurions peut-être intérêt à nous inspirer de certains pays qui construisent leur budget sur des hypothèses économiques pessimistes pour être sûrs de les atteindre, voire de les dépasser.
Quoi qu’il en soit, deux dangers, parmi ceux que comporte la situation actuelle, me paraissent devoir être particulièrement soulignés.
Il y a, tout d’abord, un risque de découragement de tous les acteurs de notre système de protection sociale : « pourquoi s’acharner à rechercher des économies de 50 ou 100 millions d’euros quand les déficits atteignent de telles profondeurs ? », peuvent-ils se dire. Certains peuvent légitimement se demander si nous connaîtrons un jour de nouveau l’équilibre des comptes sociaux.
La dette est bien sûr le deuxième danger qui nous guette, car – je ne vous apprends rien – le déficit d’aujourd’hui est la dette de demain. Jusqu’à présent, contrairement à la dette de l’État, la dette sociale est restée à des montants d’un niveau relativement maîtrisé et en rapport avec les ressources affectées à son remboursement. En principe, à ce jour, la dette sociale devrait être entièrement éteinte en 2021, c’est-à-dire dans douze ans. Qu’adviendra-t-il cependant si les comptes sociaux demeurent plusieurs années dans les zones de déficit vers lesquelles nous nous dirigeons ? D’ores et déjà, la question est posée : dans quelles conditions la dette sociale résultant de la crise en cours, qui pourrait atteindre 50 milliards d’euros à la fin de l’année 2010 alors même que la CADES vient à peine de reprendre une dette de 27 milliards d’euros, sera-t-elle portée ?
Voilà peu, monsieur le ministre, vous avez indiqué que les décisions relatives à une éventuelle reprise de dette n’interviendront pas dans l’immédiat et que l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, aura les moyens de faire face, en 2009 et en 2010, aux besoins découlant des déficits.
Cette situation, vous le savez, ne sera cependant pas tenable très longtemps.
En effet, l’ACOSS a deux sources principales de financement : d’une part, la Caisse des dépôts et consignations, la CDC ; d’autre part, l’émission de billets de trésorerie. L’ACOSS et la CDC mettent actuellement la dernière main à un avenant à la convention qui les lie depuis 2006, dont il résulterait notamment que la CDC ne s’engagerait à prêter à l’ACOSS, à des conditions prédéterminées, qu’à hauteur de 25 milliards d’euros et qu’elle ne pourrait en tout état de cause prêter plus de 31 milliards d’euros.
En ce qui concerne les billets de trésorerie, les émissions de l’ACOSS sont actuellement plafonnées à 11,5 milliards d’euros ; mais, en réalité, l’ACOSS, lorsqu’elle a recouru aux billets de trésorerie, n’a jamais dépassé le montant de 5 milliards d’euros. Parfois, l’État lui-même achète des billets de trésorerie. Nous pouvons aujourd'hui nous poser la question suivante : l’État le fera-t-il à nouveau et, le cas échéant, à quelle hauteur ? Je serais heureux que M. le ministre puisse nous répondre sur ce point.
Pour faire face aux déficits, le plafond des ressources non permanentes de l’ACOSS a été fixé pour 2009 à 18,9 milliards d’euros par le Parlement, plafond que vous allez relever par décret de près de 10 milliards d’euros, monsieur le ministre. Jusqu’à ce montant, l’ACOSS devrait pouvoir se financer sans trop de difficultés. En revanche, l’année prochaine, si aucune reprise de dette n’est intervenue, l’ACOSS risque de devoir faire face à un besoin de trésorerie compris entre 50 et 60 milliards d’euros. Les 25 à 31 milliards de la Caisse des dépôts et consignations n’y suffiront pas, même si vous y ajoutez les 11,5 milliards de billets de trésorerie.
Quelles solutions le Gouvernement envisage-t-il donc pour faire face à cette situation ? L’État ou d’autres entités publiques pourraient-ils se porter acquéreurs de billets de trésorerie ? Nous serions heureux de le savoir, M. Jégou n’étant pas le moins intéressé par votre réponse, monsieur le ministre. (M. Jean-Jacques Jégou acquiesce.)
En tout état de cause, il est essentiel d’affirmer clairement l’engagement de l’État à l’égard de l’ACOSS pour éviter que la crédibilité de celle-ci ne soit remise en cause sur les marchés.
Quoi qu’il en soit, il faudra bien trouver une solution pérenne pour porter cette nouvelle dette. Il existe, à mon sens, trois possibilités : premièrement, la reprise de la dette par l’État, idée dont j’ai cru comprendre que le Gouvernement l’avait abandonnée ; deuxièmement, la création d’une caisse chargée de porter la dette de crise, idée dont j’ai également cru comprendre qu’elle était abandonnée ; troisièmement, la reprise de la dette par la CADES, idée à laquelle le Gouvernement, ne souhaitant ni allonger la durée de vie de la CADES ni, dans l’immédiat, augmenter les prélèvements obligatoires, ne semble pour l’instant pas favorable.
J’admets que toutes ces solutions ont des inconvénients ou entraînent des difficultés.
La reprise de la dette par l’État mettrait fin au principe très sain du cantonnement de la dette sociale, et je n’y suis donc moi-même pas très favorable. Le transfert à la CADES pose, pour sa part, le problème des ressources et de l’augmentation de la durée de vie de la caisse.
Comme vous le savez, le législateur organique a décidé en 2005 qu’aucune reprise de dette ne pourra plus être effectuée sans que soit accordée à la CADES la ressource nécessaire. Or nous avons vu les résultats du transfert, l’an dernier, de 0,2 point de CSG au FSV : ce dernier se retrouve dans la situation que j’évoquais tout à l’heure.
Si vous ne voulez pas augmenter la durée de vie de la CADES, il n’est d’autre solution que d’augmenter les ressources. Or la caisse doit achever sa mission en 2021, soit dans douze ans.
Il faut savoir – peut-être M. Jégou en dira-t-il quelques mots tout à l’heure – que, comme M. Patrice Ract Madoux, président du conseil d’administration de la CADES, l’a confirmé devant le comité de surveillance de celle-ci et lors d’un entretien que j’ai eu avec lui, plus on approche de l’échéance de 2021, plus les transferts de dette vont nécessiter la fourniture de recettes importantes.
Par exemple, si nous transférons 50 milliards d’euros de dette au début de l’année 2011, cela impliquera de fournir 0,425 point de CRDS à la CADES, ce qui représenterait quasiment le doublement de la contribution actuelle. Plus on attendra, plus le coût de la reprise sera élevé, dans la mesure où nous voulons respecter l’échéance de 2021.
Dans ces conditions, je me demande si nous pourrons éviter un débat sur une éventuelle prolongation de la durée de vie de la CADES ; mais le risque serait alors très grand d’abandonner toute perspective d’extinction de la dette et de reporter celle-ci sur les générations futures, ce que nous avons toujours voulu éviter, et ce qu’a également voulu éviter le législateur organique en prenant la disposition que j’ai rappelée voilà quelques instants. J’ai cru comprendre, monsieur le ministre, que tel était aussi votre état d’esprit. Or, reporter l’extinction de la dette à 2030, à 2040 ou à 2050, c’est bien faire porter le poids de la dépense sur nos petits-enfants et à nos arrière-petits-enfants.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face à cette situation sans précédent, que pouvons-nous faire ? La priorité me semble être de comprendre que nous devons agir tout de suite, qu’il s’agisse d’accroître les recettes ou de maîtriser les dépenses. Tout ce que nous ne ferons pas maintenant coûtera plus cher ultérieurement.
La priorité des priorités est aujourd’hui de préserver et d’accroître les ressources de la sécurité sociale – j’ai cru comprendre que le Gouvernement partageait cet état d’esprit –, qui devront, après la crise, être plus dynamiques que les dépenses.
Cela passe, d’une part, par une meilleure évaluation des dispositifs d’exonération de charges, qui devront être compensés à l’euro près, ce qui n’est pas le cas pour le moment.
Mais il faut surtout, d’autre part, accroître l’assiette des cotisations en remettant en cause ou en limitant, dans toute la mesure du possible, les niches sociales, qui mitent les recettes de la sécurité sociale. Comme vous l’avez rappelé tout à l’heure, monsieur le ministre, la perte de recettes potentielles représentée par ces mécanismes est estimée à 9,4 milliards d’euros. Ce chiffre, même s’il doit être relativisé – les employeurs procéderaient sans doute à des arbitrages différents si les sommes concernées étaient soumises aux cotisations sociales –, montre qu’il est possible d’agir dans le sens d’un encadrement de ces dispositifs. Quelques progrès ont déjà été faits avec la taxation des stock-options ou la création du forfait social de 2 %, idée dont Mme Dini a rappelé tout à l’heure qu’elle avait été émise par le Sénat et que le Gouvernement n’y avait tout d’abord pas été favorable, jusqu’à ce que M. le député Yves Bur dépose un amendement à une loi de financement de la sécurité sociale ; le Gouvernement, reprenant cet amendement à son compte, a alors finalement considéré que l’idée émise par le Sénat un an plus tôt n’était pas si mauvaise et qu’il y avait lieu de la mettre en œuvre. Ne désespérons donc jamais d’être suivis dans nos propositions, mes chers collègues, même si cela prend et fait perdre un peu de temps : il n’est jamais trop tard pour bien faire !
Nous pourrons donc aller plus loin. Plusieurs pistes devront être explorées, que je suggère à M. le ministre : l’élargissement de l’assiette du forfait social, le relèvement du taux de ce forfait, le relèvement du taux spécifique applicable aux attributions de stock-options et d’actions gratuites, la remise à plat de la taxation des indemnités de rupture, la taxation des retraites chapeau. Voilà toute une série de recettes potentielles de nature à améliorer la situation de nos comptes sociaux !
Cette remise en cause de certains mécanismes devra aussi s’accompagner du respect des nouvelles règles fixées par la loi de programmation des finances publiques, selon laquelle une création ou une extension de niche fiscale ou sociale doit être compensée par la suppression ou la diminution d’une autre de ces niches.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Or, pas plus tard que la semaine dernière, monsieur le ministre, le Gouvernement a créé une nouvelle niche sociale en faisant voter l’extension des chèques-vacances. Ce n’est pas le meilleur moyen, à mon avis, de parvenir à une meilleure maîtrise de l’évolution des niches sociales ! Dès lors, où allez-vous trouver des ressources nouvelles pour permettre cette compensation ?
Il y a les droits sur le tabac ou sur l’alcool. Il ne serait pas choquant de taxer davantage les alcools forts.
Une autre piste que nous avions avancée voilà quelques années mais que le Gouvernement n’a pas voulu prendre en considération est la taxation des produits gras ou sucrés. Il me paraîtrait opportun d’y réfléchir de nouveau.
De même, alors qu’une réflexion est en cours sur la création d’une contribution climat-énergie, ne serait-il pas légitime qu’une partie du produit de cette « taxe carbone » revienne à l’assurance maladie, compte tenu des conséquences néfastes des pollutions sur la santé ? Je ne pense pas que nous allons nous disputer avec la commission des finances pour le partage de cette recette, mais je considère qu’une telle disposition serait légitime dans la mesure où cette taxe a pour objet de ramener à la raison certains consommateurs.
Enfin, il conviendrait à mon avis d’engager une réflexion sur la CSG, pour laquelle coexistent aujourd’hui quatre barèmes, tandis que certains éléments d’assiette sont exonérés. Il y a là une marge d’harmonisation qui permettrait d’accroître les recettes de la sécurité sociale.
J’en terminerai par les réformes indispensables.
La première, dont on a beaucoup parlé ces dernières semaines, est celle des retraites. Le rendez-vous de 2008 a été largement manqué, monsieur le ministre. Souhaitons que celui de 2010 ne le soit pas.
Certes, des efforts significatifs ont été accomplis sur l’emploi des seniors et sur la solidarité envers les personnes aux revenus les plus modestes. Cependant, le dossier de la pénibilité est bloqué ; il n’a pas été abordé, pas plus que ne l’a été la question de la compensation de la hausse des cotisations vieillesse par la baisse des cotisations chômage.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que les besoins de financement de la branche vieillesse vont continuer à s’accroître rapidement. En 1960, le France comptait quatre cotisants pour un retraité ; aujourd’hui, le rapport s’établit à 1,43.
Dans ces conditions, le rendez-vous de 2010 ne doit pas être l’occasion de reporter les réformes structurelles à 2012. Il devra déboucher sur une véritable réforme, et je laisse le soin à Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse, d’en dire quelques mots tout à l'heure.
Le report de l’âge légal du départ à la retraite, qui est évoqué comme l’une des pistes possibles, impliquerait un changement profond de mentalité dans notre pays sur la question de l’emploi des seniors.
Il faut en outre avoir à l’esprit que l’augmentation de l’âge de la retraite n’est pas la panacée. Elle ne comblera pas à elle seule les besoins de financement des régimes de retraite. Nous devons donc réfléchir à une réforme globale.
Monsieur le ministre, il serait heureux également que vous nous éclairiez sur l’évolution du régime de retraite des exploitants agricoles, aucune solution pérenne n’ayant accompagné la suppression du Fonds de financement des prestations sociales agricoles, le FFIPSA. Si nous avons réglé le problème concernant le volet de la branche maladie, nous ne l’avons pas fait pour le volet des retraites. Vous avez annoncé qu’il le serait dans le cadre du PLFSS pour 2010. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
J’en viens à la maîtrise des dépenses de santé. On le sait, ces dépenses ont naturellement tendance à croître plus vite que la richesse nationale. Il faudra faire preuve, me semble-t-il, de plus de volontarisme pour contenir les dépenses, notamment en améliorant l’efficacité du système et en utilisant toutes les marges de manœuvre existantes.
Comme je le disais tout à l’heure, les niveaux de déficit que nous allons connaître cette année risquent de provoquer une certaine démobilisation chez les différents acteurs. Les propositions que vient de présenter la CNAM sont utiles, mais à mon avis insuffisantes.
En matière d’efficacité de la gestion hospitalière, il reste des marges de manœuvre importantes, des gisements de productivité dont la mobilisation ne remettrait pas en cause la qualité des soins dispensés.
Lors de l’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, défendu avec ténacité par Mme Bachelot, nous avons créé les agences régionales de santé, ou ARS, alors présentées comme les solutions miraculeuses devant permettre de maîtriser les dépenses de santé tant en ville qu’en milieu hospitalier. J’ose espérer que les résultats seront au rendez-vous. Les agences régionales de l’hospitalisation, pour leur part, n’ont pas démontré leur pertinence dans la maîtrise des dépenses de santé à l’hôpital, des rapports assez édifiants ayant d’ailleurs été publiés sur le sujet. Je souhaite donc que les ARS permettent d’obtenir le résultat escompté.
Enfin, j’espère que Mme Bachelot avancera sur la question de la convergence tarifaire, qui est au point mort. On nous dit que des études complémentaires restent à faire. Je souhaite qu’elles fassent l’objet d’un calendrier précis et que nous puissions aller réellement vers la convergence tarifaire.
Tels sont, mes chers collègues, les quelques éléments que je voulais soumettre à votre réflexion. Il y aurait encore beaucoup à dire, mais le PLFSS sera à mon avis l’occasion pour nous d’aller encore un peu plus loin quant aux solutions à retenir afin de préserver l’avenir de notre régime de protection sociale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
(M. Roland du Luart remplace M. Roger Romani au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la culture.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur quelques points qui préoccupent la commission de la culture, de l’éducation et de la communication dans la perspective de la préparation du projet de loi de finances pour 2010.
Ces points concernent des dépenses inéluctables. Je crains de ne pas être tout à fait dans l’esprit qui nous rassemble aujourd'hui mais, monsieur le ministre, soyez rassuré, je ne dispose que de cinq minutes ! (Sourires.)
Le premier point dont je voudrais parler concerne notre politique culturelle extérieure, aujourd’hui illisible, profondément handicapée par la multiplicité de ses opérateurs et par l’absence d’un pilotage stratégique clair.
Dans un rapport d’information commun aux commissions de la culture et des affaires étrangères, adopté à l’unanimité de tous les groupes politiques – cela mérite d’être souligné –, nous avons formulé dix propositions opérationnelles afin de réunir les conditions d’un sursaut de notre diplomatie culturelle.
Un document budgétaire transversal regroupant l’ensemble des crédits consacrés à l’action culturelle extérieure nous semble indispensable pour garantir la lisibilité et la cohérence de la dépense publique dans ce domaine.
De plus, la création d’un opérateur unique en charge de la coopération culturelle et linguistique permettrait de sanctuariser les moyens de notre réseau au sein d’une ligne budgétaire clairement identifiée et d’éviter ainsi que cette action ne serve trop systématiquement de variable d’ajustement.
Compte tenu des baisses sans précédent des crédits de l’action culturelle extérieure, notre réseau culturel, d'ailleurs réuni aujourd'hui à Paris, est en profonde restructuration, navigue à vue et se trouve en proie à une démobilisation préoccupante.
Alors que nos partenaires et concurrents britanniques, allemands, espagnols et chinois, malgré la crise, augmentent fortement les moyens consacrés à leurs établissements culturels à l’étranger, n’est-il pas étonnant que notre pays restreigne aussi sévèrement les financements consentis à sa diplomatie culturelle ? Il vient un moment où les diminutions de crédits sont totalement contreproductives puisque les dépenses restantes n’ont plus aucune efficacité.
L’ouverture de 40 millions d’euros de crédits annoncée au début de l’année 2009 demeure très insuffisante au regard des défis qui se posent et ne devrait pas permettre de couvrir les baisses de crédits programmées pour les deux prochaines années.
Dans ces conditions, nous estimons que la réforme annoncée par le ministre des affaires étrangères en mars 2009 sera compromise si aucun effort budgétaire substantiel n’est consenti.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n’est pas possible ! Il n’y a pas d’argent !
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Le deuxième point sur lequel je souhaite attirer votre attention est la situation de l’enseignement agricole.
L’an dernier, à la suite de négociations longues, parfois tendues mais finalement fructueuses, nous étions parvenus à nous entendre sur une augmentation de 38 millions d’euros des crédits du programme 143.
Mais ce geste s’est malheureusement révélé insuffisant. Contrairement à ce qu’espérait le Sénat, ces 38 millions d’euros ne comprenaient aucun crédit de personnel et ne s’accompagnaient d’aucun emploi. Aussi, si la situation de l’enseignement privé ne pouvait que s’améliorer, celle de l’enseignement public, largement concerné par ces suppressions d’emploi, s’est dégradée dans de fortes proportions.
Il a fallu que s’engage un mouvement d’ampleur dans les lycées agricoles publics pour que chacun finisse par prendre la mesure du problème. Avec votre accord, le ministre de l’agriculture et de la pêche a finalement rétabli 132 postes en équivalent temps plein et ouvert une enveloppe de 90 000 heures supplémentaires, ce qui devrait permettre d’apaiser la tension qui montait dans les établissements publics.
J’attire cependant votre attention sur le point suivant : les acquis du budget 2009 tel qu’il s’exécute aujourd’hui constituent une forme d’étiage pour l’enseignement agricole. Toute suppression d’emploi supplémentaire dans l’enseignement public et toute aggravation des reports de charge dans l’enseignement privé ne pourraient que déclencher à court terme l’apparition de nouveaux problèmes.
À l’évidence, cela n’est pas souhaitable, car l’enseignement agricole, s’il ne jouit pas toujours de la considération qu’il mérite à l’échelon national, fait l’unanimité dans nos régions en raison de son efficacité. C’est de l’argent bien dépensé ! Tous ceux qui l’approchent ont pu constater qu’il fait merveille en matière de « remédiation » et qu’il parvient à assurer à l’immense majorité de ses élèves une insertion professionnelle durable. N’est-ce pas une nécessité du moment ?
Le troisième point concerne l’entretien de notre patrimoine monumental. Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que les engagements pris dans le cadre du plan de relance de le doter d’une enveloppe supplémentaire de 100 millions d’euros seront poursuivis en 2010 ?
Nous sommes par ailleurs préoccupés par le financement de l’archéologie préventive.
Depuis la loi de 2001 qui lui a donné une base légale, de fortes tensions se sont fait jour, nées des exigences parfois contradictoires du développement économique local et de la recherche scientifique, et qui font à intervalles réguliers l’objet de débats au sein de notre assemblée.
Le dispositif expérimental de « contrats d’opération » que nous avons voté en janvier ne vaut que pour la part concurrentielle de l’activité de l’Institut national de recherches et d’applications pédagogiques, l’INRAP, c’est-à-dire pour les fouilles ; mais il ne résout pas la question des délais d’intervention pour les diagnostics, qui trouvent leur origine dans la faiblesse du rendement de la redevance d’archéologie préventive.
Ce rendement conditionne le niveau des moyens que l’INRAP et les services agréés de collectivités territoriales peuvent consacrer aux diagnostics, mais aussi la capacité à mutualiser le coût des fouilles à travers le Fonds national d’archéologie préventive, le FNAP, au profit de certains aménageurs, et, enfin, l’activité de recherche et de diffusion de l’INRAP, qui constitue la finalité même de ses travaux.
Certes, le Parlement a déjà décidé, dans le cadre de la loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, une hausse progressive des taux de la redevance pour un montant total estimé à 20 millions d’euros en année pleine 2010. Par ailleurs, une subvention exceptionnelle de 20 millions d'euros a été allouée en 2009 à l’INRAP. Mais la subvention versée par le ministère de la culture et de la communication sera supprimée en 2010, et la subvention exceptionnelle du plan de relance n’a évidemment pas vocation à être reconduite.
Dans ce contexte, l’archéologie préventive devra faire face l’an prochain à une diminution de ses moyens d’origine publique de plus de 15 millions d’euros, alors que ses besoins de financement resteront très soutenus.
Afin de sortir de façon définitive de ce débat, nous devons réfléchir à la mise en place d’un dispositif de financement à même de garantir de manière pérenne le bon déroulement des opérations d’archéologie préventive, sans doute à travers une réforme en profondeur de l’assiette de la redevance d’archéologie préventive. La réforme envisagée de la taxe locale d’équipement devrait en être l’occasion. J’insiste sur ce point, car ces problèmes d’archéologie préventive sont un obstacle à la réalisation de certains travaux, même décidés dans le cadre du plan de relance.
Je souhaiterais enfin évoquer des questions touchant au secteur de l’audiovisuel.
S’agissant du service public, nous avons adopté l’an dernier des dispositions garantissant un financement pérenne à France Télévisions à hauteur de 450 millions d’euros. Or selon certains échos, ces sommes n’auraient pas encore été versées faute de réponse de la Commission européenne sur cette aide. Qu’en est-il exactement, monsieur le ministre ?
Quant au secteur privé, la commission de la culture tient à vous faire part de sa préoccupation. Nous avions voté des taxes visant, en quelque sorte, à compenser « l’effet d’aubaine » dont les chaînes privées auraient pu bénéficier du fait de la suppression de la publicité sur le service public. Or la situation du marché publicitaire s’est effondrée, comme leur chiffre d’affaires. Il serait opportun de procéder aux adaptations nécessaires dans la prochaine loi de finances. Je vous rappelle l’attachement de la commission de la culture à un secteur audiovisuel équilibré.
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques pistes que je soumets à votre réflexion au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat d’orientation, que nous engageons dans un contexte particulièrement contraint, est le second volet de notre diptyque annuel sur les finances publiques, après la discussion du projet de loi de règlement.
Les orientations de fond mises en œuvre ces dernières années ne doivent pour l’instant pas être modifiées, particulièrement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010 : la norme de progression de la dépense publique et les choix d’évolution des recettes fiscales, que l’on retrouve notamment dans la loi TEPA, doivent rester inchangés.
Le paquet fiscal, dont nous avons déjà dit tout le bien que nous en pensions, continuera à fonctionner, malgré la crise et la détérioration sensible des comptes publics.
Quant à la norme de dépense, c’est encore une fois au travers d’une nouvelle saignée d’emplois publics qu’elle sera tenue coûte que coûte. Il est par ailleurs fort probable que quelques judicieuses mesures législatives ou réglementaires viendront comprimer autant que possible la croissance des dépenses sociales.
Tout cela doit évidemment permettre de prendre en charge le coût grandissant et toujours plus préoccupant de la dette. Celle-ci agit de plus en plus comme un redoutable poids mort dans les comptes publics, en tout cas comme une contrainte qui va sérieusement mettre en question toute politique de réduction des déficits, toute politique fiscale et toute politique budgétaire originale pour quelques années.
Chers collègues de la majorité, vous pouvez fort bien manifester votre inquiétude devant la croissance de cette dette publique, mais vous ne parviendrez pas à nous faire oublier deux éléments.
Premier élément, la dette publique est une bonne affaire et un placement satisfaisant pour une certaine épargne, qui n’est pas toujours celle des ménages les plus modestes ou des petites et moyennes entreprises.
Parler de dette publique en oubliant un peu vite qu’une bonne part de celle-ci est souscrite par des résidents – ménages, compagnies d’assurance et autres structures de même nature –, c’est en effet mentir délibérément aux Françaises et aux Français.
Second élément, il y a bien évidemment plusieurs manières de faire croître et embellir la dette publique. Celle qui est aujourd’hui à l’œuvre consiste, pour l’essentiel, à gager le prix des réductions de recettes fiscales décidées politiquement par l’émission de nouveaux titres de dette publique.
Dans les faits, cela n’apporte absolument rien au développement économique et social de la nation, les initiatives privées ainsi libérées de l’impôt ne se mobilisant apparemment pas pour se substituer à l’intervention publique.
Si nous nous endettions pour réaliser les infrastructures de transport dont nous avons besoin, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, relier les territoires et favoriser le développement harmonieux de l’ensemble des bassins de vie de notre pays, cela pourrait se comprendre.
Si nous choisissions de nous endetter pour renforcer l’équipement éducatif du pays, pour développer le logement social ou pour répondre aux nécessités de l’égalité d’accès aux soins, cela pourrait aussi se comprendre.
Mais tel n’est pas le cas ! Nous nous endettons pour payer la facture des cadeaux fiscaux, l’importation de la récession américaine, celle qui découle de choix de gestion d’entreprises françaises de moins en moins responsabilisées. En un mot, c’est un « mal-endettement » de l’État qui se développe.
La même observation vaut d’ailleurs pour la sécurité sociale, victime d’une sensible réduction de ses recettes du fait de l’accroissement du chômage, et pour laquelle, là encore, la logique favorable aux revendications corporatistes de certains syndicats de médecins a été, en dépit du bon sens, prise en compte.
Quant aux prestations servies par les régimes de retraite, comme par l’assurance maladie, elles ont continué de subir les effets des choix inscrits dans les lois de financement de la sécurité sociale.
Cette situation n’a toutefois pas empêché la Cour des comptes de ne pas valider les comptes de l’assurance vieillesse, comme ceux de l’assurance maladie, au motif de leur absence de sincérité.
Ce cadre général, qui demande toujours plus au contribuable ou à l’assuré social modeste – plus de cotisations et d’impôts, pour moins de service en retour –, est, une fois encore, celui qui sera fixé par le Gouvernement dans les prochaines loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale.
Le cadre est d’autant plus contraint que plusieurs annonces ont déjà été faites quant à l’évolution de nos prélèvements.
La croissance de 0,5 % prévue pour 2010, croissance qui relève, de notre point de vue, de l’incantation, est d’ores et déjà consommée. Il faut tout à la fois supporter les effets du paquet fiscal de 2007, la réduction de la TVA sur la restauration et la réforme de la taxe professionnelle.
A contrario, a été annoncée la création d’une taxe carbone, sur laquelle nous avons une position très simple : nous sommes contre ce qui contribuera, une fois encore, à extraire une partie de l’impôt du lieu de création des richesses, c’est-à-dire l’entreprise, et à taxer une consommation déjà largement obérée par un grand nombre de taxes et de droits divers.
La fiscalité environnementale rapporte déjà aujourd’hui quelque 50 milliards d’euros. Mais la plus importante recette de cette fiscalité, c’est-à-dire la taxe intérieure sur les produits pétroliers, ou TIPP, ne sert aucunement la cause écologique : elle est reversée soit au budget général, soit aux collectivités locales pour leur permettre de faire face aux charges transférées au titre de la décentralisation.
Nous sommes partisans d’une rénovation de notre système de prélèvements fiscaux : il faudrait par exemple s’interroger sur le bien-fondé de la prise en charge par les collectivités des compétences transférées depuis la décentralisation « à la sauce Raffarin », mais également prévoir le transfert d’autres recettes fiscales pour favoriser cette éventuelle prise en charge.
Pourquoi ne pas décider dès 2010 de cette orientation nécessaire au retour à la cohérence et à l’équilibre des dépenses publiques ? Pourquoi ne pas faire de la collecte de la TIPP le moyen d’alimenter un fonds d’investissement écologique permettant, par exemple, de faciliter le financement des travaux pour rendre les logements anciens moins gourmands en énergie ou de développer la recherche sur l’utilisation d’alternative aux carburants pétroliers ?
Pour le moment, si nous nous en tenons à ce qui figure dans la presse, la taxe carbone, au motif de favoriser la préservation de l’environnement, risque avant tout de servir, d’une part, à compenser la réforme de la taxe professionnelle et, d’autre part, à augmenter le prix de l’essence et du chauffage pour les ménages les plus modestes. Cela revient à accroître les défauts inhérents à notre système de prélèvements obligatoires, qui sont trop fondés sur des dispositions régressives, pénalisant lourdement les plus modestes au bénéfice des plus aisés et des grandes entreprises.
Selon nous, une réorientation des finances publiques doit participer de ce nécessaire examen de l’état des lieux, de la mise en cause des choix fiscaux et sociaux adoptés ces dernières années et de la valorisation de choix budgétaires plus conformes à l’intérêt général.
Nous l’avons vu, l’état des lieux est particulièrement préoccupant : de 125 à 130 milliards d’euros de déficit en 2009 et sans doute pas beaucoup moins en 2010. Dans le rapport annexé, il est indiqué que le déficit public devrait encore atteindre de 7 à 7,5 points de PIB en 2010 et qu’il ne devrait baisser que d’un point en 2011 et d’un autre point en 2012.
En clair, nous devrions atteindre en 2012 un magnifique taux de déficit de 5,5 %, bien au-delà des limites autorisées par l’Union économique et monétaire, et un niveau de dette publique proche des 90 % du PIB.
Cette situation – faut-il le dire ? – justifie pleinement qu’on réfléchisse à la mise en place d’un emprunt obligatoire pour les entreprises comme pour les ménages les plus aisés, emprunt dont nous souhaiterions ici caractériser certains principes.
Une telle initiative ne serait pas nouvelle puisque le gouvernement de M. Mauroy, auquel participait M. Delors, avait fait adopter en 1983 un projet de loi d’habilitation, d’ailleurs rejeté par le Sénat de l’époque à la suite des conclusions du rapport de notre ancien collègue Maurice Blin. C’est sur la base de ce texte, devenu la loi du 22 avril 1983, qu’avait été prise l’ordonnance du 30 avril 1983 relative à l’émission d’un emprunt obligatoire.
Cet emprunt, souscrit auprès des contribuables de l’impôt sur les grandes fortunes et des ménages acquittant les plus importantes cotisations d’impôt sur le revenu, était assorti d’un taux actuariel de 11 % – l’inflation était à l’époque d’une autre nature qu’aujourd’hui ! –, et sa durée de remboursement avait été fixée à trois ans.
Compte tenu de la situation, nous devrions nous orienter vers les mêmes caractéristiques, à une nuance près : l’inflation devrait conduire à mettre en œuvre un emprunt obligatoire à taux nul ou quasi nul.
Nous devons également nous pencher sur la question de la dette des entreprises publiques, puisque la controverse née de la situation d’EDF semble bel et bien montrer la nécessité de pousser la réflexion sur le sujet.
Les entreprises publiques sont endettées, parfois de manière importante, et ne sont pas véritablement en situation de faire face aux exigences du développement futur de leur activité.
Il est manifeste que nous devons réfléchir à la mise en œuvre d’une vaste opération d’échange de titres de dette, transformant en dette complémentaire de l’État la dette des entreprises publiques, et permettant de délivrer ces dernières du fardeau de leurs charges financières.
Dans le même ordre d’idées, permettez-moi d’évoquer les problématiques européennes. Il est plus que temps que la Banque centrale européenne, plutôt que de délivrer des bons et des mauvais points aux élèves de la « classe euro », prenne une initiative forte pour aider au développement de chacun des pays de l’Union européenne.
La Banque centrale européenne, jouissant de la position dont elle bénéficie au regard des marchés financiers, doit souscrire un emprunt destiné, entre autres, à faire face aux dépenses d’infrastructure et d’équipement nécessaires à la cohésion du projet européen, singulièrement en matière d’infrastructures ferroviaires, d’infrastructures de transport ou de développement de l’économie numérique.
Il faut que M. Trichet mette enfin au service des États de l’Union européenne les moyens d’un développement économique peu coûteux, en levant ces ressources pour permettre aux États de mettre en œuvre leurs choix politiques.
Revue générale de la dépense fiscale, remise en question des choix opérés depuis 2007, emprunt obligatoire et gestion active de la dette publique : voilà quelques-unes des orientations que nous devrions privilégier.
Et il ne faut pas oublier la question de l’avenir de notre système de sécurité sociale, sur lequel plusieurs orateurs sont intervenus.
D’aucuns pourront toujours gloser sur l’allongement de la durée nécessaire pour ouvrir droit à la retraite ou sur la faiblesse du taux d’emploi des seniors ; mais en réalité, il faut le dire, les comptes sociaux sont aujourd'hui dans le rouge ! Tout comme les comptes de l’État, ils pâtissent de l’insuffisance des recettes liée à la dégradation de la situation économique.
En parallèle, les comptes de l’assurance chômage sont particulièrement dégradés.
Pour répondre à ces problèmes, le Gouvernement a conçu différentes solutions.
D’une part, il a fait adopter un projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, qui va conduire à la dégradation du service rendu, pour des économies de bout de chandelle.
D’autre part, il va tenter, avec le texte sur le devenir de la formation professionnelle, de faire main basse sur l’argent des salariés – celui de leurs cotisations – pour financer son propre désengagement en matière de préservation de l’emploi productif.
Avec un gouvernement qui a mis en place un fonds de soutien au secteur automobile payant les plans sociaux et un fonds stratégique d’investissement pour alimenter les opérations spéculatives de quelques entreprises, il faut s’attendre au pire !
Dans le champ de la protection sociale, il est temps que l’on s’interroge une bonne fois pour toutes sur les politiques d’allégement de cotisations sociales et leurs effets pervers, de la même manière qu’il faudra sans doute un jour prendre les mesures qui s’imposent contre les professionnels de médecine refusant les bénéficiaires de la CMU.
Tels sont tous les points que nous souhaitions ici soulever, en regrettant par avance – faut-il le répéter ? – que les choix désastreux ayant conduit les finances publiques au plus mal ne soient pas remis en cause. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les finances publiques, sujet complexe et technique, prennent, avec la crise internationale, une dimension politique essentielle. Ainsi, depuis plus de six mois, les débats budgétaires ne cessent de se succéder. Entre les rendez-vous traditionnels et ceux qui sont imposés par les turbulences de la crise, nous avons examiné pas moins de quatre projets de loi de finances rectificative depuis novembre dernier !
Aujourd’hui, nous tentons de préparer un budget pour 2010 dans un contexte d’une difficulté inconnue. En effet, jamais l’état de nos finances publiques n’a été aussi dégradé. Dans cette situation préoccupante, considérant la très faible visibilité à court, à moyen et à long terme, il est particulièrement ardu d’apporter des réponses.
La situation est particulièrement délicate, puisque, pour la première fois depuis 1945, notre pays devrait connaître cette année une croissance négative de 3 %. Espérons que cette dernière se hissera à 0,5 % en 2010. Compte tenu de tels déficits et de la baisse très forte des recettes fiscales, les marges de manœuvre du prochain exercice budgétaire seront quasi inexistantes. De plus, à la crise conjoncturelle se juxtapose une crise structurelle où un État boursouflé s’épuise à cacher son incapacité à s’adapter à un contexte mondial nouveau, tout en gérant une société conservatrice.
La cause principale de la crise est un endettement accéléré sur les dix dernières années. M. le rapporteur général, employant une image poétique qui souligne d’ailleurs l’apathie des gouvernements successifs, a évoqué le « monde étrange des déficits sans pleurs ». Dire que nous sommes le troisième État le plus endetté de la zone euro, avec une dette publique qui risque de se stabiliser à près de 100 points de PIB et un déficit public supérieur à 7 points de PIB, me semblerait cependant plus approprié pour décrire la réalité. Toujours est-il que le désendettement des acteurs économiques prendra beaucoup de temps.
L’État réalise des efforts, mais il est condamné à en faire encore davantage. L’effort ciblé et temporaire mis rapidement en place s’illustre par le plan de relance engagé par la France. Celui-ci est judicieusement axé sur les investissements. Néanmoins, quand serons-nous en mesure d’avoir un retour sur ceux-ci ? Contrairement à nos voisins, mais à l’instar de la Grande-Bretagne, nous avons orienté ce plan essentiellement sur l’année 2009. Les résultats en seront-ils plus rapidement perceptibles ?
Nous connaissons la difficulté de votre tâche, monsieur le ministre. Votre choix de privilégier l’investissement plutôt que la consommation fut de toute évidence le bon, malgré la forte augmentation du chômage.
La consommation se tient en raison des divers garde-fous sociaux et des différentes allocations que vous avez accordées aux ménages les plus fragiles. Au-delà de l’aspect social, celles-ci leur ont permis – espérons-le pour une majorité d’entre eux – de ne pas sombrer dans un découragement contagieux. Compte tenu de la forte propension de nos compatriotes à épargner – la Chine mise à part, la France constitue une exception dans l’économie mondiale avec un taux d’épargne de 15 % –, les ménages font face relativement bien à la crise. La TVA liée à la consommation représente 61 % de cette recette et résiste donc bien.
Il n’en va pas de même pour les recettes résultant de l’activité économique. Pour maintenir celle-ci, vous ne pouviez pas faire beaucoup plus que garantir les dépôts des ménages auprès des banques et inciter ces dernières, grâce à l’action des médiateurs, à tenir des lignes de crédit aux entreprises.
Les entreprises françaises sont en effet en mauvais état : elles perdent de leur compétitivité, elles suppriment des emplois et contribuent deux fois moins aux recettes de l’État dans le cadre de l’impôt sur les sociétés, dont les rentrées ont diminué de plus de 50 % en un an. On estime la baisse de leurs investissements à 9,4 % en 2009 et à 1,2 % en 2010 avec une chute de l’ordre d’un tiers des achats de logements neufs par les ménages.
La situation financière des collectivités est également en dégradation constante : à la fin de 2008, le déficit de ces dernières a atteint 7,5 milliards d’euros avec un endettement global de 113 milliards d’euros. Ce montant est certes faible en regard de l’endettement de l’État, qui s’élève à plus de 1 000 milliards d’euros. Néanmoins, avec le déficit des collectivités territoriales, c’est aussi l’endettement de la France qui augmente.
Le Premier président de la Cour des comptes a indiqué que la dette des administrations publiques locales représente environ 10 % de la dette publique. L’état des finances locales est d’autant plus inquiétant que, en 2008, nous avons assisté à une augmentation des dépenses et à un tassement des recettes de fonctionnement.
Les collectivités subissent d’importantes pertes de recettes en raison du ralentissement de l’activité immobilière, qui vient fortement réduire les droits de mutation – de 30 % à 40 % dans certains départements –, entraînant une sérieuse diminution des recettes. Quelle sera la situation à la fin de 2009 ? L’activité sur le marché immobilier restant faible, les droits de mutation le seront tout autant. Les recettes des collectivités diminueront et leurs dépenses sociales, qui concernent au premier plan les départements, exploseront.
La prochaine réforme de la taxe professionnelle, bien que souhaitée par les entreprises, doit impérativement faire l’objet d’une juste et intégrale compensation financière pour les collectivités territoriales. Dans ce domaine, le Sénat devra jouer son rôle. La compensation sera bien sûr versée par l’État, ce qui implique de trouver de nouvelles ressources évolutives sans porter atteinte au principe d’autonomie financière des collectivités.
Dans ce contexte de déficit, la question centrale reste donc celle des recettes fiscales. Comme je le soulignais hier, il est urgent de relancer leur dynamique, tant par les entreprises que par les ménages, sans alourdir l’impôt. Or nous avons fort peu de gisements de ressources. Le plus important reste celui des niches fiscales. Il en existe plus de 400 et nous évaluons le manque à gagner entre 50 et 70 milliards d’euros. Dans la mise en place de dispositions tendant à plafonner certaines de ces exceptions fiscales, un grand pas a été franchi l’année dernière avec la loi de finances pour 2009. Pour 2010, cette piste doit être poursuivie. Peut-on imaginer que l’on en récupère 50 % d’ici à la fin de la législature ?
Je dirai maintenant un mot de la fonction publique dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP. On estime l’économie réalisée avec le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux à près de un milliard d’euros annuel, somme à laquelle s’ajoutent les dépenses de fonctionnement inhérentes aux postes. Je rappelle à nouveau les propos du Président de la République qui soulignait que l’État, en France, dépensait proportionnellement 150 milliards d’euros de plus que l’Allemagne sans que les citoyens s’en trouvent mieux servis.
Nous ne sommes pas un îlot de déficit dans un monde prospère. Les États-Unis ont des déficits publics situés entre 10 % et 13 % de leur PIB et l’épargne des ménages y est nulle, comme en Grande-Bretagne où l’épargne des entreprises est souvent négative.
Avec Jean de La Fontaine, je dirai : « Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés » ! Un chômage dépassant les 10 %, une perte de recettes fiscales de 30 milliards d’euros, des droits de mutation en baisse de plus de 30 %... J’arrête là cette énumération. Ce paysage cataclysmique touche aujourd’hui tous les acteurs économiques, mais, demain, ces chiffres peuvent être inversés.
Soyons optimistes pour l’évolution de la crise. Imaginons que, en 2012, elle soit derrière nous et que les entreprises voient leurs carnets de commandes remplis, que l’immobilier soit relancé et que les droits de mutation suivent par conséquent, que les collectivités aillent mieux, que les Français consomment. Mais qu’en sera-t-il de l’État ? Comment fera-t-il face à une dette qui dépassera sans doute 80 % du PIB et à une charge induite augmentant en proportion ?
Le budget prépare l’avenir, mais pas uniquement à court terme. Le plan de relance s’inscrit dans le court, le moyen et le long terme. Monsieur le ministre, comment préparez-vous la sortie de crise ? Quand pouvons-nous escompter réintégrer les critères de Maastricht ? Y aura-t-il une action concertée des pays de la zone euro ? Y aura-t-il une initiative européenne ?
Toutes ces interrogations ont trait au moyen terme, mais on ne peut imaginer que les mesures prises aujourd’hui se résument à un sauve-qui-peut ; elles s’inscrivent dans le temps.
Suivons donc le conseil de Raymond Barre : « Un avenir, cela se façonne, un avenir cela se veut. » Demain se prépare aujourd’hui ! C’est en tout cas la certitude partagée par tous les membres du groupe du RDSE. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Jégou. Bravo !
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le ministre, que nous réserve l’année 2010 sur le plan économique et financier ? Vos pronostics ne sont pas faits pour nous rassurer.
Vous avez parlé d’un taux de croissance terriblement comprimé. J’ai cru comprendre que la France serait moins réactive que l’Allemagne.
Vous avez évoqué un déficit de 130 milliards d’euros en 2009 et en 2010, sans oublier les 30 milliards d’euros de déficit des comptes sociaux, ce qui représente donc une somme gigantesque.
Vous avez aussi dit que la dette, dont le taux est aujourd’hui de 70 %, atteindra rapidement 80 %, voire 86 % en 2010, puis très vite 100 %. Si nous continuons sur le même rythme, nous serons à 130 % en 2020.
M. le président de la commission des finances a parlé de « vertige », d’ « asphyxie », et il a souligné à quel point la politique de communication du Gouvernement anesthésiait l’opinion. Nous partageons bien sûr cette façon de voir, même si nous souhaitons aller plus loin que lui dans l’analyse des responsabilités politiques.
De fait, la crise systémique apparue dans un premier temps dans la sphère bancaire frappe désormais tous les secteurs économiques. Notre inquiétude se porte évidemment sur la question du pouvoir d’achat et du chômage.
Nous n’oublions pas non plus la question vitale de l’environnement et du climat, qui impose de placer la conduite des politiques publiques, et donc de leurs financements, sous le signe du développement durable. Peut-on à cet égard parler de développement durable lorsqu’on laisse filer l’endettement comme le fait le Gouvernement ? Assurément non, mais j’y reviendrai.
C’est donc dans une situation tendue à l’extrême que s’inscrit la préparation du budget pour 2010. Le rapporteur général, Philippe Marini, parle ainsi de « la France en état d’apesanteur financière ».
Pourtant, malgré les risques qui pèsent sur l’avenir, et non content de poursuivre une politique budgétaire dangereuse, le Gouvernement s’autorise à lancer des réformes hasardeuses dont l’impréparation le dispute à la démagogie. Il en va ainsi de la réforme territoriale, dont nous avons bien compris qu’elle a surtout vocation à renforcer le poids du parti présidentiel. C’est également le cas de la suppression de la taxe professionnelle, qui conduira inévitablement à l’étouffement financier des collectivités locales.
Complètement désarçonné par la crise financière, le Gouvernement abuse des effets d’annonce, comme, par exemple, le « grand emprunt » annoncé à Versailles par le chef de l’État sans qu’il y ait eu au préalable la moindre réflexion sur le montant, le taux, la durée et encore moins l’usage ! À ce jour, une chose est sûre : faute d’avoir clairement expliqué aux Français le sens de cet emprunt, le Gouvernement l’a d’ores et déjà rendu impopulaire à 82 % de nos concitoyens, si l’on en croit un récent sondage.
Monsieur le ministre, en 2010, la situation économique et financière sera très difficile en France comme dans la plupart des autres grands pays ; chacun ici en convient. Il est incontestable que les marges de manœuvre seront très étroites pour les gouvernants. Raison de plus pour veiller à appliquer la bonne politique au bon moment de manière à préparer au mieux l’avenir de notre pays ! À cet égard, je suis véritablement inquiet ! En effet, comme beaucoup de mes collègues sénateurs, de tous bords d’ailleurs, j’ai le sentiment que la politique de recette conduite en France depuis 2002 mène à une véritable catastrophe !
Nous avons le sentiment, monsieur le ministre, que vous vous trompez lourdement dans votre politique fiscale. J’aimerais ici vous le démontrer, de façon à vous convaincre de changer profondément vos orientations budgétaires pour 2010. En effet, l’état calamiteux de nos finances publiques provient fondamentalement non pas seulement de la crise mais aussi, en grande partie, de votre mauvaise politique de recettes.
La Cour des comptes ne dit d’ailleurs pas autre chose. Dans son rapport sur l’exécution du budget 2008, la juridiction financière insiste sur le fait que la dégradation des comptes publics n’a été provoquée qu’à la marge par la crise, qui représente seulement 4 milliards d'euros de moins-values fiscales, alors que le Gouvernement a accordé, dans le même temps, 7,8 milliards d'euros de nouveaux cadeaux fiscaux pour la seule année 2008.
Ces cadeaux fiscaux, cumulés à ceux des années précédentes, portent le montant total des dégrèvements et remboursements d’impôt à 92,2 milliards d'euros ! Ce chiffre, qui paraît presque incroyable, fait véritablement froid dans le dos !
Il est vrai que cette stratégie n’est pas nouvelle. Nous l’avons vu apparaître dès 2002, avec le gouvernement Raffarin, avant d’être poursuivie par M. de Villepin, notamment au travers de son fameux « bouclier fiscal ».
Les effets néfastes étaient tels que, à peine M. Sarkozy élu, Mme Lagarde appelait de ses vœux un plan de rigueur, avant d’être tancée par l’Élysée. Puis ce fut au tour de M. Fillon d’indiquer que les caisses de l’État étaient vides et que la France était en « faillite ». Malheureusement, ce constat lucide ne l’a pas empêché d’appliquer les consignes de l’Élysée, tout en accentuant les choix de ses prédécesseurs ; la loi TEPA et son paquet fiscal, adoptés en 2007, ont ainsi coûté au budget général 3,3 milliards d'euros en 2008.
Ces mesures ne sont pas seulement dispendieuses, elles portent aussi, à nos yeux, gravement atteinte au principe de progressivité de l’impôt.
Rappelons en effet que la loi TEPA a introduit une quasi-suppression des droits de succession, l’exonération d’impôt sur le revenu des heures supplémentaires, la déduction de 75 % du montant de l’ISF pour certains investisseurs et, pour couronner le tout, elle a abaissé le bouclier fiscal à 50% ! Ajoutez-y des restitutions d’impôt sur les sociétés et de TVA, coûtant au total 9,5 milliards d'euros en 2008, et vous obtenez une situation explosive au profit des contribuables favorisés.
Dans son rapport de juin 2009, la Cour des comptes pointe « un mouvement ancien d’allégements fiscaux ». Les magistrats de la rue Cambon relèvent en effet que la baisse des impôts de l’État depuis quatre ans a contribué à accroître le déficit de 39 milliards d'euros en 2009. Pis, le déficit structurel s’aggravera en 2010 à cause de la baisse de la TVA sur la restauration, qui coûtera au moins 2,5 milliards d'euros,…
M. Michel Sergent. Eh oui !
M. François Marc. …à laquelle s’ajoutera une charge résiduelle d’au moins 6 milliards d'euros due à la future compensation de la taxe professionnelle.
Lors de son audition au Sénat, M. Séguin estimait qu’il était urgent de trouver 70 milliards d'euros d’économies pour endiguer le déficit structurel. Nul doute que ces 39 milliards d'euros gaspillés indûment y contribueraient efficacement !
Il est aussi possible de chercher du côté des niches fiscales, car ces exonérations, déductions ou réductions diverses occupent aujourd'hui une place considérable dans les politiques publiques. Leur nombre a été estimé en 2008 à 483, soit un manque-à-gagner pour l’État de 73 milliards d'euros, ou 27 % des dépenses et 21 % des recettes fiscales. La perte de recettes qu’elles génèrent s’élève au total à 3,8 % du PIB. Or, malgré les critiques unanimes, une quinzaine de niches fiscales sont créées chaque année.
Si l’on additionne les 39 milliards d'euros d’allégements et les 73 milliards d'euros de niches fiscales, mes chers collègues, on aboutit à un total de 112 milliards d'euros, que l’on peut aisément rapprocher du déficit annoncé pour 2009. C’est un chiffre effrayant à lui seul, et le constat est accablant.
Néanmoins, il y a plus grave, me semble-t-il. En effet, si la politique menée par le Gouvernement avait un sens sur le plan économique, si elle était efficace et produisait des effets positifs, nous pourrions, même en désaccord sur la perception des choses, convenir de ses bienfaits. Mais en l’occurrence, c’est loin d’être le cas, car cette politique fondée sur un a priori idéologique, sur une certaine doctrine de l’offre, révèle ses limites.
Quelles intentions et quelle stratégie nous a-t-on annoncées ? Depuis 2003, on nous disait qu’il fallait moderniser l’État devenu impotent, baisser les prélèvements pour libérer les énergies, attirer les investisseurs afin de retrouver le chemin de la croissance. Le Gouvernement affirmait que la politique fiscale et sociale de la France était un fardeau pénalisant et qu’il fallait mettre fin à l’exode des capitaux pour une fiscalité attrayante.
Cette promesse faite par M. Sarkozy devant l’université d’été du MEDEF en 2007 est sans doute le péché originel de toute la politique économique menée depuis deux ans. Ce que l’un de nos collègues, sur les travées de l’UMP, qualifiait de « cocktail gagnant » s’est conclu par un échec cuisant qui n’a aucunement rendu plus compétitif le territoire national.
Ces baisses d’impôt avaient vocation à améliorer la croissance. Qu’en est-il aujourd'hui ? Les choses sont simples : le taux de croissance de la France, qui était au début des années 2000 supérieur à la moyenne européenne, est aujourd'hui inférieur à celle-ci. Les baisses d’impôt n’ont donc pas du tout produit les effets escomptés.
À ce sujet, une étude récente sur le comportement des contribuables dits « à fort potentiel économique », autrement dit les riches, montre que ceux-ci orientent leurs placements vers la rente – livrets, assurance-vie, immobilier – plutôt que vers l’investissement productif, forcément risqué. Un quotidien économique ne titrait-il pas récemment, monsieur le ministre : « Même les riches ont "le blues" » ? Ces derniers ne croient en effet plus à la politique économique du Gouvernement.
Le deuxième objectif visé était de rendre de la compétitivité à notre pays. « La France a une situation calamiteuse sur le plan fiscal, nous disait-on ; il faut attirer les investissements et empêcher que ne fuient à l’étranger un certain nombre d’investisseurs ».
À vrai dire, si l’on se fie aux études comparatives internationales – la dernière en date, celle d’Ernst & Young présentée récemment en commission des finances, l’établit clairement –, la fiscalité n’est en rien un argument dissuasif pour l’investissement et les choix d’implantation des investisseurs.
La situation est donc catastrophique, avec un déficit considérable, et le Gouvernement s’échine à poursuivre une politique qui ne produit pas les effets annoncés !
La situation de la dette mérite que l’on s’y penche sérieusement. En vingt-cinq ans, elle n’a cessé de croître, à l’exception d’une courte embellie de 1997 à 2002, quand la gauche gouvernait. À ce rythme, la dette devrait atteindre 86 % en 2010, puis 100 %, voire 130 % en 2020. Actuellement, un montant équivalent au produit de l’impôt sur le revenu est avalé par le remboursement des intérêts, qui représente 2 000 euros par actif ! Il faudra bientôt parler non plus d’effet boule-de-neige, mais d’un risque d’avalanche de niveau 5 !
Cette dette, aussi pharaonique soit-elle, aurait pu servir à préparer la France du XXIe siècle par des investissements dans les infrastructures utiles, dans la connaissance, la recherche et l’innovation. Malheureusement, le sous-investissement récurrent dans ces domaines mine les fondations du pays, notamment l’industrie et l’enseignement supérieur. Et ce n’est pas votre plan de relance qui a changé cet état de fait !
La dette provoque aussi des tensions sur la trésorerie de l’État, obligé de se financer sur les marchés.
Nous savons tous que cette situation dans laquelle vous avez mis la France depuis 2002 est impossible à tenir. Il faudra tôt ou tard relever les prélèvements obligatoires et réduire les dépenses. Deux voies s’offrent à vous : ou bien vous abrogez les privilèges consentis à quelques-uns, ou bien vous lancez un plan de rigueur en cassant le service public et la protection sociale.
Pour notre part, nous pensons que le plus urgent est de retrouver une politique de recettes conforme à l’idéal républicain de solidarité, en réhabilitant l’impôt progressif. Monsieur le ministre, vous êtes en quelque sorte au pied du mur : vous devez changer au plus vite de cap pour ne pas entrer dans les manuels d’histoire comme le ministre d’un gouvernement ayant causé la banqueroute de notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Brigitte Bout. Oh ! là ! là !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, n’oublions pas que nous traversons une crise profonde ! Dans une telle situation, la définition d’une ligne claire pour orienter les finances publiques est d’autant plus nécessaire que l’année 2009 va connaître un recul historique de notre produit intérieur brut, associé à un déficit budgétaire de l’ordre de 7 % du PIB et à un endettement record dépassant 1 400 milliards d’euros.
Monsieur le ministre, vous avez précisé, avec l’honnêteté et le talent qui vous caractérisent, les perspectives de l’année prochaine.
Je voudrais rappeler, notamment à MM. Marc et Foucaud que je viens d’écouter avec intérêt, que le Président de la République, dans le discours qu’il a prononcé à Versailles, a clairement reconnu que la France avait un problème de finances publiques.
Mme Nathalie Goulet. Ah !
Mme Nicole Bricq. Il était temps de le reconnaître !
M. Jean-Pierre Fourcade. Il a esquissé la théorie des trois déficits : le mauvais déficit qu’il faut ramener à zéro ; le déficit conjoncturel qu’il faudra résorber en y consacrant l’intégralité des recettes de la croissance ; enfin, le déficit qui finance les dépenses d’avenir. À cet égard, il a annoncé le lancement d’un emprunt affecté exclusivement à des priorités stratégiques que plusieurs commissions vont déterminer.
J’approuve ce discours ainsi que le recours à un emprunt, mais celui-ci ne peut être une simple addition à la dette actuelle. Mes chers collègues, cet emprunt doit marquer une rupture, et c’est dans cette perspective que s’inscrit mon intervention. J’estime en effet qu’il n’est pas possible de laisser dériver plus longtemps les finances publiques de notre pays et que nous devons donner dès le budget de 2010un signal à tous ceux qui nous observent.
S’il est facile d’expliquer pourquoi il faut entreprendre de réduire le déficit budgétaire, il sera plus difficile d’expliquer comment nous devons le faire. Je vais m’y employer.
Pourquoi faut-il réduire le déficit des finances publiques ? Pour trois raisons.
D’abord, les déficits de l’État et de la sécurité sociale engendrent un endettement public qui va, cette année, atteindre 80 % du PIB et nécessitent une charge financière de l’ordre de 50 milliards d’euros, soit l’équivalent de l’impôt sur le revenu. Cette charge, déjà lourde en période de taux de crédit relativement faibles, risque de devenir insupportable si les taux augmentent. De plus, n’oublions pas que près de 10 % de la dette de l’État est portée par des obligations du Trésor indexées sur l’inflation. Nous avons mesuré en 2008, à concurrence de plusieurs milliards d’euros, les conséquences de cette indexation.
Ensuite, ce déficit chronique détériore nos relations avec nos partenaires de l’euro et risque de remettre en cause l’euro lui-même. Certes, le danger n’est pas encore perceptible, car le marché financier international accueille favorablement nos emprunts à court, à moyen et à long terme ; mais la Cour des comptes, dans son rapport, évoque le risque d’explosion de la dette. Chacun se souvient de la crise financière de l’année dernière : tout peut arriver très vite dans le cas d’une crise financière et les marchés peuvent se fermer sans préavis.
Enfin, et c’est la raison qui me paraît la plus importante, la mauvaise situation de nos finances publiques et plus particulièrement le déficit du régime général de la sécurité sociale, longuement évoqué par Mme Dini et M. Vasselle, créent une divergence grave avec notre principal partenaire européen, l’Allemagne. Le bon fonctionnement du couple franco-allemand est, on le sait, nécessaire à la poursuite de la construction européenne. Or, le gouvernement allemand vient de s’engager avant les élections – c’est courageux de sa part – dans la voie d’une réduction programmée de son déficit budgétaire : 6 % du PIB en 2010, 5 % en 2011 et 4 % en 2012.
Il n’est donc pas envisageable d’accroître la dette actuelle avec un grand emprunt national sans mettre à profit cette émission pour entamer, nous aussi, une réduction programmée de notre déficit, en préalable à la stabilisation de l’endettement. Il nous faudra bien nous résoudre à engager une telle réduction dès que la crise économique sera en voie de résorption.
J’en viens à ma seconde question, la plus difficile : comment amorcer la réduction du déficit dès 2010 ?
M. Jean-Jacques Jégou. Tout un programme !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je ne sous-estime pas, monsieur le ministre, les efforts entrepris par le Gouvernement depuis le début de la crise : réduction des effectifs de la fonction publique – décision courageuse, contestée par tout le monde –, maîtrise de la croissance des dépenses de l’État – contestée par tous ceux qui dépensent –, révision générale des politiques publiques – révision qui n’a pas encore porté tous ses fruits –, diversification des modalités de financement du Trésor. Je n’aurai garde de proposer des impôts supplémentaires, à l’exception toutefois de la contribution climat-énergie.
Toutefois, mes chers collègues, je suis quelque peu perturbé par le fait que, alors qu’on nous dit que tout le monde doit consentir les efforts nécessaires pour sortir de la crise, seuls les travailleurs privés d’emploi et les jeunes dans l’impossibilité d’en trouver un supportent aujourd'hui les conséquences de cette crise. Nos autres concitoyens se contentent de les observer, parfois avec compassion, souvent avec indifférence, comme si le retour de la croissance à partir de 2011 devait nous dispenser de tout effort et de toute réforme.
Monsieur le ministre, alors que, dans son rapport préalable à notre débat, la Cour des comptes prévoit que le déficit public sera encore supérieur à 6 % du PIB en 2012, il me paraît possible d’engager dès maintenant un processus de réduction du déficit analogue à celui que nos voisins d’outre-Rhin mettent en œuvre. Ce dernier vise, en taillant dans les dépenses inutiles ou répétitives, à faire passer leur déficit public de 7 % du PIB en 2009 à 4 % en 2012.
Trois secteurs doivent faire l’objet de soins particuliers. Le premier est celui des dégrèvements – le budget le plus important de l’État –, qui représentent 90 milliards d’euros, soit 73 milliards d’euros pour l’État et 17 milliards d’euros pour les collectivités locales. Le deuxième secteur est celui des dépenses fiscales, soit 69 milliards d’euros. Enfin, le troisième secteur est celui des allégements de charges sociales, à hauteur de quelque 40 milliards d’euros. L’ensemble de ces secteurs représente au total une masse de l’ordre de 200 milliards d’euros.
L’objectif pour 2010 est d’économiser 20 milliards d’euros, soit un point de PIB, le fameux point qui nous permettrait de réduire le déficit de 7 % à 6 % du PIB.
Les exemples de ce qui pourrait être entrepris sont nombreux, mais je me contenterai de n’en citer que quelques-uns, monsieur le ministre.
Certains programmes d’allégements fiscaux pourraient être suspendus (Mme Nicole Bricq s’exclame.), par exemple les dépenses fiscales du programme « Épargne », qui représentent un manque à gagner de 5,8 milliards d’euros en 2008.
Le seuil d’exonération en matière d’allégements de charges sociales pourrait être réduit. L’abaisser à 1,4 SMIC ou à 1,3 SMIC rapporterait de 6 milliards à 7 milliards d’euros.
On pourrait également développer le financement de la dette en jouant davantage sur le court terme, comme nous l’avons vu hier, …
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Jean-Pierre Fourcade. … ce qui représenterait un gain de 2 milliards à 3 milliards d’euros.
On pourrait aussi, à l’occasion de l’emprunt national de 20 milliards, 30 milliards ou 40 milliards d’euros que l’État s’apprête à lancer pour financer les priorités d’avenir, ressusciter l’activité de la Caisse de la dette publique, organisme qui ne sert pas à grand-chose aujourd'hui – mais loin de moi l’idée d’attaquer ses honorables membres ! Cette caisse pourrait porter cet emprunt, le produit de la taxe climat-énergie pouvant lui être affecté pour l’amortir. Ce serait là une bonne façon d’utiliser le produit de cette taxe.
Mme Nicole Bricq. L’argument est simpliste !
M. Jean-Pierre Fourcade. Par ailleurs, l’examen des dégrèvements et des niches fiscales et sociales nous permettrait sans doute de gagner un autre point de PIB en 2011, lorsque les recettes fiscales seront de nouveau plus solides et permettront de réduire un peu le déficit.
Si vous persévérez dans la maîtrise de la dépense, comme vous nous en avez donné l’assurance, monsieur le ministre, et si vous fixez des plafonds à l’ensemble des administrations dans une loi pluriannuelle, nous pourrons alors gagner un point en 2011 et un point en 2012.
Parviendrons-nous à revenir à un déficit de 3 % du PIB en 2013 ? Nul ne peut le savoir aujourd'hui. Cela dépendra de la conjoncture. Je ne pense pas que l’on puisse réduire le déficit de plus de 1 % du PIB par an, mais nous devons nous y efforcer, afin d’envoyer ainsi un signal à nos partenaires et de nous engager dans la voie de la stabilisation de notre endettement.
Il ne s’agit là bien évidemment que de pistes de réflexion. Il conviendra ensuite, avec le président et les membres de la commission des finances, d’examiner chacune de ces niches sociales et fiscales, ainsi que chacun des dégrèvements.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Évidemment !
M. Jean-Pierre Fourcade. En conclusion, monsieur le ministre, comme l’a rappelé tout à l’heure M. le président de la commission des finances, j’ai été le dernier ministre de l’économie et des finances à présenter un budget en équilibre, celui de 1975.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Quel bonheur !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je rappelle que, cette année-là, la dette publique représentait 13 % du PIB.
M. Jean-Jacques Jégou. Autres temps, autres mœurs !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je m’étais alors fait tancer très vivement par Fernand Icart, alors président de la commission des finances de l’Assemblée nationale – il fut d’ailleurs mon successeur au ministère de l’équipement et de l’aménagement du territoire –, qui trouvait dramatique que la dette de l’État passe de 9 % à 13 % du PIB ! (Sourires.) C’était à l’époque une critique très sévère. Les temps ont changé !
Monsieur le ministre, loin de moi l’intention de sous-estimer la qualité du travail que vous effectuez, l’honnêteté avec laquelle vous traitez ces différents sujets et l’effort que vous faites pour tenter de résorber notre déficit, qui représente un poids considérable ; mais je me dois de dire clairement dès aujourd'hui que je ne pourrai pas voter le projet de loi de finances pour 2010 s’il ne marque pas le début de la réduction du déficit et donc de l’endettement de notre pays.
Mme Nicole Bricq. On s’en souviendra !
M. Jean-Pierre Fourcade. Le moment est venu d’agir. Je pense qu’un certain nombre de mes collègues partagent mon sentiment : nous ne pouvons plus nous laisser aller à la dérive ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je viens d’écouter avec intérêt M. Jean-Pierre Fourcade. Mais, mon cher collègue, cessez donc de voter tous les jours des diminutions de nos ressources fiscales, car c’est bien à cela que nous sommes confrontés !
Le Sénat siège aujourd’hui en session extraordinaire– c’est une pratique devenue habituelle pour notre assemblée – pour débattre des orientations des finances publiques pour 2010.
Il est une autre habitude, monsieur le ministre : nous débattons bien sûr sans connaître toutes les conséquences budgétaires des décisions des conseillers du Président de la République ! Peut-être d’ailleurs ne les connaissez-vous pas encore vous-même ? C’est le tonneau des Danaïdes !
Est-il besoin de rappeler que nous avions élaboré voilà à peine sept mois un projet de loi de finances pour 2009 alors même que le Président de la République annonçait de façon concomitante un plan de relance aux conséquences forcément réelles pour les finances publiques ?
Aujourd’hui, nous débattons des orientations des finances publiques pour l’année 2010 alors même que les modalités de la révision de la fiscalité locale ne sont pas actées et que l’on ne connaît rien du projet de grand emprunt national annoncé en grande pompe à Versailles par le Président de la République.
Le Premier président de la Cour des comptes, lors de son audition le 24 juin dernier, avouait n’avoir aucune information sur le montant, les modalités ou la destination de ce grand emprunt, que le Président de la République lui-même avait pourtant écarté quelques mois auparavant. Comprenne qui pourra !
Les Français – cela fera plaisir au président de la commission des finances – sont, si l’on en croit le baromètre BVA-Les Échos, bien plus informés qu’on ne le pense sur l’état de nos finances publiques. Près de 55 % d’entre eux ne soutiennent pas le lancement en 2010 d’un grand emprunt national pour financer les dépenses dites « d’avenir ». Ils ont bien compris que cet emprunt n’avait pour autre vocation que de différer après 2012 un certain nombre de mesures nécessaires !
Mme Nicole Bricq. Il s’agit de faire diversion !
M. François Rebsamen. Il s’agit en effet de faire diversion.
La communication politique du Président de la République et du Gouvernement a beau se déployer comme jamais, nous savons bien que, depuis plusieurs années – cela a été déjà dit par nombre de nos collègues, notamment François Marc –, la baisse de la fiscalité des ménages les plus aisés – grâce à la multiplication des niches fiscales, conjuguée à de nouvelles mesures, telles la réduction du taux de TVA sur la restauration ou la suppression annoncée de la taxe professionnelle – diminue les ressources fiscales de l’État et augmente l’effet de ciseau entre les recettes et les dépenses.
Le Premier président de la Cour des comptes estime ainsi que l’adoption de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat et le dégrèvement actuel de la taxe professionnelle – je ne parle pas du dégrèvement à venir – ont entraîné une diminution des ressources publiques de près de 10 milliards d’euros.
Aujourd’hui, alors même que la crise sévit, que le taux de chômage enfle, les collectivités locales assument, aux côtés de l’État, un double rôle, celui d’investisseur public et celui d’amortisseur social.
Il n’est pas loin le temps – un an à peine – où le Gouvernement ne cessait de pointer du doigt les dépenses des collectivités locales, qu’il accusait d’être les seules responsables des déficits. Depuis qu’il a pris conscience de la crise qui frappe notre pays, le Gouvernement a redécouvert le caractère vertueux de leurs dépenses d’investissement – elles représentent, comme chacun le sait, près de 75 % de l’investissement public total – et a signé avec près de 20 000 d’entre elles, dans le cadre du pacte de relance, une convention portant augmentation de leurs investissements en contrepartie d’un remboursement anticipé de TVA.
À cet égard, il est regrettable qu’aucune mesure d’encouragement à l’investissement n’ait été mise en œuvre en faveur des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI – la commission des finances avait pourtant fait des propositions en ce sens –, alors qu’ils sont bien souvent aujourd’hui les relais de nos communes en matière d’investissement public local.
Les EPCI à taxe professionnelle unique, les départements et les régions ont récemment appris par le Président de la République que la taxe professionnelle serait supprimée à la fin de l’année 2009 – ils ne savent toujours pas aujourd'hui par quoi elle sera remplacée –, ce qui creusera encore le déficit de l’État, déjà qualifié par tous d’abyssal, de 10 milliards ou 11 milliards d’euros supplémentaires, nul ne le sait exactement.
Avouez, mes chers collègues, que ces éléments sont de nature à inquiéter les excellents gestionnaires que sont dans leur très vaste majorité les élus locaux. Dans une période où, crise oblige, les collectivités locales ont besoin de visibilité pour investir de manière soutenue, c’est là, selon moi, une rupture du pacte de confiance qui doit les unir à l’État. Et je n’évoquerai pas, car ce n’est pas le moment, le souhait du Président de la République de diviser par deux le nombre d’élus départementaux et régionaux, ce qui ajoute encore à la confusion.
Quand on sait la bonne image que les Français ont de leurs élus locaux, quand on sait à quel point l’excellence de ces derniers est reconnue par nos concitoyens, qui apprécient leur proximité et l’efficacité des politiques menées et des services offerts, je souhaite bien du plaisir à ceux qui défendront une réforme que l’on ne peut que qualifier d’électoraliste et de populiste !
Nous pensons que les collectivités locales sont de meilleures gestionnaires que l’État, qu’elles investissent plus dans les domaines de compétences transférées, comme on l’a vu, par exemple, avec les lycées, les collèges et les TER. Nous ne laisserons donc personne les disqualifier, comme on a tenté de le faire en les accusant d’augmenter les impôts et les dettes.
D’ailleurs, c’est vers ces mêmes collectivités locales que les Français se tournent en dernier recours lorsque tout va mal. Les fonds d’aide des conseils généraux ou les secours apportés par les centres communaux d’action sociale, ou CCAS, jouent un rôle d’amortisseur social.
Par conséquent, nous ne pouvons pas, me semble-t-il, supprimer la taxe professionnelle sans jeter les bases – c’est le cas de le dire – d’une fiscalité locale plus juste et d’une véritable autonomie fiscale.
Les transferts de compétences n’étant que partiellement compensés, la croissance des dépenses locales est plus forte que celle des dépenses de l’État. Cela se traduit par un déplacement de pression fiscale de l’État vers les collectivités locales. Se pose donc la question de la réforme des impôts locaux attendue depuis des années.
Monsieur le ministre, lorsque je vous avais interrogé sur la réforme des bases, vous m’aviez indiqué qu’une concertation était engagée, en liaison avec la suppression de la taxe professionnelle. Nous voulons savoir où cela en est aujourd'hui.
Par comparaison avec d’autres réformes extrêmement coûteuses pour les finances publiques, notamment la baisse de la TVA sur la restauration, l’effort de péréquation du Gouvernement est dérisoire. En exerçant une contrainte sur l’évolution de la DGF – la norme de croissance de l’enveloppe globale des dotations est chaque année plus restrictive –, l’État se défausse de ses responsabilités en la matière.
Chacun le comprend, les collectivités locales ont besoin de recettes dynamiques, mais également de prévisibilité financière et de lisibilité. Or cette exigence n’est plus satisfaite aujourd'hui. Il est donc temps, me semble-t-il, que le Gouvernement cesse de considérer les finances locales comme une variable d’ajustement du budget de l’État.
Faute d’une prise de conscience de l’ampleur des difficultés, la crise des collectivités risque de venir aggraver la situation économique nationale soit par une hausse obligatoire ou inéluctable des impôts locaux et de l’endettement, soit par une panne de l’investissement local.
Comment dès lors réinstaurer une véritable confiance ? Nous pensons que l’État serait bien inspiré de s’appuyer sur le dynamisme local, au lieu de l’étouffer. Ne pas aggraver la situation pour 2010 relèverait du bon sens, et l’améliorer serait conforme à l’intérêt national.
À mon sens, le Gouvernement devrait comprendre que la concertation avec les collectivités locales est un bienfait, et non une contrainte. En effet, au lieu de « travailler plus pour gagner plus », les Français devront bientôt « payer plus pour rembourser plus » ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat d’orientation budgétaire pour 2010 nous amène à examiner l’état actuel de nos finances publiques, ainsi que les perspectives à venir et les orientations du Gouvernement.
Le Premier président de la Cour des comptes a présenté devant la commission des finances des perspectives inquiétantes non seulement pour les finances publiques et sociales, mais également pour la croissance de demain et la sortie de crise.
Ce débat est aussi l’occasion de nous assurer que la politique budgétaire suivie par le Gouvernement prépare notre pays à sortir de la crise : elle doit non seulement accompagner la reprise, mais également favoriser la croissance de long terme tout en consolidant la « soutenabilité » de nos finances publiques.
Certes, personne ne peut nier que nous vivons une situation exceptionnelle, la pire crise économique depuis la libération, avec une récession de près de 3 % en 2009. Mais ayons l’honnêteté de reconnaître que la situation de nos comptes publics était dégradée avant même que la crise ne produise ses effets ! La Cour des comptes, qui réclame justement un effort de vérité accru sur l’état de nos finances publiques, vient d’établir clairement que nous assistons à une accélération de la dégradation des déficits depuis 2007. Ainsi, le déficit de l’État s’est aggravé en 2007, alors que la croissance était de 2,3 %, et il a augmenté de 47 % en 2008. La crise n’explique donc pas à elle seule l’aggravation des déficits.
Nous devrions regarder courageusement nos propres insuffisances. Nous payons aujourd’hui le laxisme budgétaire dont les gouvernements successifs ont fait preuve depuis des années. Et nous le payons cher, car notre pays, en entrant dans la crise avec des comptes dégradés, n’a pas pu consacrer autant de moyens que ses voisins aux actions du plan de relance.
S’agissant des perspectives budgétaires pour 2010, personne ne sait vraiment aujourd’hui quel sera l’état de l’économie mondiale et quelles seront les répercussions de la crise mondiale à cette date. Pour ma part, je pense que nous devons nous attendre à une sortie de crise lente.
L’hypothèse de croissance retenue par le Gouvernement pour construire le budget pour 2010, c'est-à-dire 0,5 %, doit nous inciter à la prudence sur le niveau des recettes fiscales pour l’année prochaine. Celles-ci sont en forte baisse, en recul de 20 % au 30 avril dernier par rapport à la même période en 2008, alors que le volume des dépenses reste stable.
Monsieur le ministre, notre débat a lieu dans un contexte incertain, comme vous l’avez d’ailleurs vous-même reconnu. Où en est le projet du Gouvernement de suppression de la taxe professionnelle, qu’il faudra bien compenser ? Quid de la taxe carbone, qu’un membre éminent du Gouvernement veut déjà rembourser aux Français sous la forme de « chèques verts » ? Voilà autant de recettes incertaines pour le budget 2010. Dans ces conditions, il est illusoire d’imaginer réduire le déficit.
En effet, Philippe Séguin, a fait une description détaillée et alarmiste, mais malheureusement réaliste, de la situation des comptes de l’État. Le déficit budgétaire « tangente » les 140 milliards d’euros, soit 7,5% du PIB, et la dette atteint 1 327 milliards d’euros, ce qui représentera 80 % du PIB à la fin de l’année 2010.
La situation des comptes sociaux est tout aussi préoccupante, puisque l’on prévoit 25 milliards, voire 30 milliards d’euros de déficit pour 2009. Nous devons nous attendre à ce que ce dernier se creuse encore davantage : l’aggravation du chômage et la contraction de la masse salariale qui en découle réduiront de fait les recettes, alors que les dépenses augmenteront.
Il s’agit malheureusement non pas d’un déficit conjoncturel, mais bien d’une insuffisance de recettes structurelles de nos dépenses sociales, que ce soit en matière de santé ou de vieillesse. Je ne m’étendrai pas sur le sujet, Mme Dini, présidente de la commission des affaires sociales, et M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales, ayant été très clairs.
Mme Nathalie Goulet. Hélas !
M. Jean-Jacques Jégou. Permettez au président du comité de surveillance de la CADES que je suis d’exprimer une position que M. le ministre connaît bien. La CADES devra bien reprendre une telle dette, qui s’élèvera peut-être à plus de 50 milliards d’euros à la fin de l’année 2010.
En 2008, la dette publique brute de la France a progressé de 10 %, passant de 1 209 milliards d’euros à 1 327 milliards d’euros, soit 20 600 euros par habitant et 47 400 euros par actif. La charge d’intérêts a atteint 54,6 milliards d’euros, soit 850 euros par habitant et 1 950 euros par actif.
En matière de déficit, la France fait moins bien que la moyenne de ses partenaires européens : 3,4 % contre 1,5 %. Elle est également le seul pays de la zone euro dont les dépenses publiques ont été supérieures à 50 % du PIB en 2008. Enfin, la France est devenue le quatrième État le plus endetté de la zone euro par rapport à son PIB, alors qu’elle se classait au huitième rang en 2004. Nous faisons donc moins bien que nos voisins européens.
Il va sans dire que, à ce stade, l’objectif d’un retour à l’équilibre en 2012 est abandonné. Vous nous l’avez d’ailleurs confirmé, monsieur le ministre. Et même si je suis conscient des efforts que vous réalisez, je constate que l’objectif d’un déficit à 3 % du PIB en 2012 s’éloigne lui aussi progressivement, du fait de la crise.
Avec cette crise, l’économie française ressemble à une machine à fabriquer de l’endettement. Au total, la dette publique de l’État, des collectivités locales et de la sécurité sociale s’élève à 1 413 milliards d’euros, soit 72,9 % du PIB. L’endettement atteint donc des proportions abyssales.
Hormis en temps de guerre, jamais l’état de nos finances publiques n’a été aussi dégradé.
Si la situation est inquiétante, elle pourrait vite devenir catastrophique. Selon les simulations de la Cour des comptes, le déficit dépasserait les 6 % en 2012. Philippe Séguin évoque le risque d’un emballement de la dette, qui pourrait atteindre 100 % du PIB en 2018. À ce rythme, je me demande si nous ne serons pas amenés dans les prochaines années à examiner un projet de loi visant à lutter contre le surendettement de l’État !
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Jean-Jacques Jégou. En outre, le recours à l’endettement de court terme rend la France très vulnérable à une hausse des taux d’intérêt – je ne m’étends pas sur le sujet, sur lequel M. Jean-Pierre Fourcade s’est montré parfaitement clair –, qui pourrait survenir prochainement. Si nos déficits perdurent après la crise, le risque à terme est bien que la signature de la France perde de sa crédibilité. Nous en avons d’ailleurs discuté hier à l’occasion de l’examen du projet de loi de règlement.
Nous devrons garder à l’esprit cette réalité des chiffres lorsque nous examinerons la question du grand emprunt.
Devant un tel constat, comment ne pas être surpris, voire inquiets, en entendant le Président de la République préconiser devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles de s’endetter davantage pour résoudre le problème de la dette, et lancer l’idée d’un grand emprunt ? En d’autres termes, il est proposé de combler le trou en le creusant davantage. En effet, le grand emprunt, qui servira, nous dit-on, à financer « les priorités nationales », aura pour premier effet mécanique d’augmenter la dette et la charge d’intérêts sur celle-ci.
Si le chef de l’État a évoqué la « grave question des déficits de nos finances publiques », son discours à Versailles a donné le sentiment que la maîtrise des déficits publics et le désendettement n’étaient plus une priorité pour le Gouvernement et que, avec la crise, on pouvait au contraire rouvrir peu ou prou les vannes de la dépense.
Je crains également que, en lançant l’idée d’un grand emprunt national, le président n’ait en quelque sorte fait sauter un « verrou psychologique ». Je trouve cela très dommageable dans un pays où nombre de nos concitoyens pensent encore que les ressources de l’État sont inépuisables et que l’on peut dépenser sans compter. D’ailleurs, en ouvrant grand les vannes de la dépense publique et en faisant sauter la digue des 3 % de déficit, la crise a accrédité cette idée.
Pourtant, depuis la dernière campagne présidentielle – c’était voilà deux ans à peine –, au cours de laquelle plusieurs candidats, notamment un, avaient placé les dangers de l’envolée de la dette publique dans notre pays au premier rang des préoccupations nationales, j’avais le sentiment que beaucoup de nos concitoyens avaient pris conscience de la gravité de nos déficits et de notre dette publique. Sans parler d’un « parti de la dette », chacun prenait conscience du fait que nous laissions une ardoise de plus en plus grosse aux générations futures. Je crains que la crise et l’idée du grand emprunt ne viennent anéantir tous nos efforts en la matière.
L’idée que leurs enfants, voire leurs petits-enfants, auront à régler l’addition de nos dépenses inquiète beaucoup les Français. Le Président de la République évoque un emprunt pour « préparer l’avenir du pays ». Je ne suis pas sûr que les générations futures, qui auront à rembourser nos emprunts, aient à se réjouir de cette annonce.
Une telle fuite en avant dans le surendettement finit par devenir anxiogène. Plusieurs économistes ont décrit le mécanisme dans lequel la hausse de la dette incite les gens à moins consommer – il suffit de considérer le taux d’épargne actuel des Français – pour mettre de l’argent de côté en vue d’inéluctables hausses d’impôts. Si c’était le cas, on ne voit plus très bien ce qu’il resterait à la France pour alimenter sa croissance, puisque notre balance commerciale est en grave déséquilibre.
Pour justifier le recours à l’emprunt, le chef de l’État explique que, à chaque fois qu’une politique de rigueur a été menée, on s’est retrouvé avec moins de croissance, plus d’impôts, plus de déficits et plus de dépenses.
A contrario, si les déficits et la dette créaient de la croissance et permettaient de lutter contre le chômage dans notre pays, nous le saurions depuis longtemps. La France est l’unique pays industrialisé à ne pas avoir connu un seul excédent budgétaire depuis le milieu des années soixante-dix. M. Fourcade, qui a été le grand témoin de cet après-midi, fut le dernier ministre de l’économie et des finances à connaître un budget en équilibre, en 1975 !
L’addiction de notre pays au déficit ne l’a pas empêché de connaître une croissance nettement plus faible et un chômage beaucoup plus élevé que la moyenne.
Il faut rappeler une réalité qui semble avoir été oubliée depuis le discours de Versailles : en empruntant sur les marchés chaque année plus de 150 milliards d’euros, la France fait le grand emprunt tous les jours !
M. François Marc. Eh oui !
M. Jean-Jacques Jégou. Depuis l’annonce du grand emprunt, tous les efforts du Gouvernement se concentrent sur un seul objectif : préparer l’avenir. C’est ce que vous avez indiqué, monsieur le ministre, et nous vous croyons.
Mais, pour être honnête, je ne suis pas sûr que nous préparions l’avenir en contractant un nouvel emprunt ! Si cette idée est habile politiquement, est-elle bien raisonnable économiquement dans un État aussi surendetté et incapable de se désendetter que le nôtre ?
Je le rappelle, l’État peut emprunter des montants très élevés sur les marchés financiers à un coût très faible – d’ailleurs, il le fait –, alors que l’emprunt auprès du public est beaucoup plus coûteux. M. le président de la commission des finances indiquait tout à l’heure que le taux du grand emprunt devrait finalement être inférieur aux conditions du marché. Cela risque de ne pas le rendre forcément très attractif auprès des éventuels souscripteurs…
Compte tenu de ses coûts de réalisation et des avantages fiscaux qui y sont associés, cet emprunt, dont l’objet est plus politique que financier, coûtera cher aux contribuables et aux finances publiques. Il aura également des conséquences sur l’endettement, puisqu’il consiste à reporter une partie du financement sur les générations futures.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je crains que, avec une telle opération, nous ne passions du « travailler plus pour gagner plus » à la deuxième phase du quinquennat, c'est-à-dire « emprunter plus pour dépenser plus » !
En effet, concernant l’utilisation de l’emprunt, malgré les engagements répétés du Gouvernement et votre rigueur, que je salue, monsieur le ministre, je m’interroge sur l’affectation – on parle de 80 à 100 milliards d’euros ! – des sommes empruntées aux « dépenses d’avenir » prioritaires.
Il est particulièrement délicat de définir ce que sont exactement les dépenses d’avenir, ce « bon déficit », selon la distinction désormais établie entre bon et mauvais déficit ! Or, pour moi, qu’il soit bon ou mauvais, le déficit s’aggrave et la dette augmente ! On sent d’ailleurs bien qu’il existe un certain flottement à la tête de l’État. Aujourd’hui, chacun – le chef de l’État, le Premier ministre, le conseiller du président inspirateur du grand emprunt, la ministre de l’économie, vous-même, monsieur le ministre, ... – essaye d’en donner une définition et d’en établir une liste à la fois exhaustive et limitative.
N’est-il pas surprenant, à ce propos, de décider d’emprunter avant de savoir pourquoi ? Surtout, les finances publiques sont indivisibles et l’emprunt, comme les autres ressources de l’État, contribuera en réalité à financer l’ensemble des dépenses publiques, sauf à prévoir un mécanisme spécifique du type d’une commission de suivi des investissements dits d’avenir.
J’ai une autre interrogation, monsieur le ministre. On ne peut qu’approuver la volonté d’investir dans l’innovation, la recherche et développement qui prépare l’économie de demain, surtout quand on sait que l’État, du fait de son appauvrissement, investit très peu : 20 milliards d’euros. Mais je ne suis pas sûr que les sommes empruntées iront spécifiquement à ces investissements dans l’avenir. J’en veux pour preuve le récent rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, sur la part de l’innovation dans les plans de relance face à la crise. Il montre que le plan de relance français ne consacrait que 46 millions d’euros à la recherche et développement, et 4,7 milliards d’euros aux ponts et aux routes. La France fait figure de mauvais élève là où la Finlande ou la Corée du Sud sont en haut du classement. Ne risque-t-on pas de reproduire ce schéma ?
Je serai donc particulièrement attentif, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, au début de 2010, aux conditions de l’emprunt, et notamment à son coût pour les finances publiques.
C’est pourquoi plusieurs de nos collègues, et non des moindres puisqu’il s’agit notamment des deux rapporteurs généraux, doutant de l’opportunité de ce grand emprunt, proposent un emprunt obligatoire. Celui-ci ne me semble pas raisonnable et doit faire au moins l’objet d’un examen attentif. Peut-être est-ce de leur part une façon habile de contourner le bouclier fiscal ? Dans ce cas, l’objectif serait intéressant.
On ne peut donc, à mon sens, accepter l’idée de grand emprunt que dans une seule perspective : le financement des réformes structurelles que vous avez appelées de vos vœux, monsieur le ministre, et qui seront nécessaires pour enrayer le dérapage chronique des finances publiques. Les réformes structurelles apportent des gains à long terme, même si le coût budgétaire est initialement élevé. Un tel emprunt permettrait d’annoncer les priorités claires, d’en estimer les coûts et les bénéfices attendus, et d’ancrer ainsi les réformes. Vous nous avez dit tout à l’heure, monsieur le ministre, qu’il en irait ainsi. Nous ne pourrons accepter cet emprunt que si les réformes et les investissements sont identifiés, chiffrés, et les bénéfices escomptés, c’est-à-dire s’ils sont créateurs de richesses.
Dans ce contexte, quelles politiques budgétaires devons-nous engager ? Un tel niveau de déficit public n’est pas rattrapable par le seul effet de la reprise de la croissance économique en 2011 : même avec un rythme annuel de 2 % à 2,5 % par an, le déficit public en 2012 serait encore de 5,5 % du PIB, soit un niveau toujours très élevé au regard des engagements européens et de la capacité de financement du pays. Cela veut dire que nous devons engager le redressement durable de nos finances publiques et le retour à la viabilité budgétaire, comme le demande le Fonds monétaire international, le FMI. Cela nécessite des efforts d’une tout autre ampleur, notamment en matière de réforme de l’État, que ceux qui sont réalisés jusqu’à présent. Nous devons tous en avoir conscience.
Il s’agit, tout d’abord, de maîtriser et de réduire nos dépenses publiques. Je crois cette politique indispensable. Il faut la poursuivre de façon beaucoup plus profonde et tenir en 2010 les dépenses courantes, dont certaines – les dépenses sociales et celles de la mission « Emploi » – augmenteront du fait de la crise. Cependant, elle n’est pas suffisante : d’abord, parce que force est de constater que la Révision générale des politiques publiques ne permettra d’économiser que 7 milliards d’euros, alors que l’objectif était de 20 milliards d’économies ; ensuite, parce que, même en serrant à fond la vis des économies budgétaires, jamais l’État ne pourra réduire en deux ans ses dépenses en volume de 60 milliards d’euros, alors que les charges financières de la dette vont grossir chaque année d’ici là de 4 à 5 milliards d’euros sous l’effet de la remontée inévitable des taux.
Il me semble enfin inutile de maîtriser les dépenses publiques si, dans le même temps, on multiplie les dispositifs d’exonérations fiscales. Si nos comptes publics se dégradent, c’est aussi parce que les ressources de l’État diminuent.
Mme Nicole Bricq. Eh oui ! Cela dure depuis des années !
M. Jean-Jacques Jégou. Le rapport Pébereau préconisait déjà de ne pas diminuer le niveau global des prélèvements obligatoires pendant la phase de retour à l’équilibre.
Il nous faut, ensuite, sécuriser nos recettes. S’il faut éviter d’augmenter les prélèvements obligatoires, il faut au moins ne pas réduire les ressources fiscales. La conjoncture ne nous permet pas des allégements d’impôts. Je crois nécessaire, pour ma part, de garantir nos recettes pendant cette période, en évitant de mettre en place de nouvelles baisses d’impôts, comme celles du paquet fiscal de 2007 que nous payons très cher aujourd’hui, et de créer au cours des prochaines lois de finances de nouvelles dépenses fiscales ou crédits d’impôts, comme nous avons eu la fâcheuse habitude de le faire au cours des dernières années.
Sans les mesures d’allégements de ces dernières années, les recettes fiscales auraient progressé de 2,7 %, alors qu’elles ont diminué de 0,5°%. En moyenne, ce sont quatorze mesures supplémentaires de dépenses fiscales qui sont créées chaque année depuis 2003. En 2008, elles représentent 27 % des dépenses du budget en atteignant 73 milliards d’euros. Cette politique est, à la longue, suicidaire pour nos finances publiques. C’est la raison pour laquelle j’ai refusé d’approuver la baisse de la TVA sur la restauration – je reviendrai d’ailleurs à la charge lors du projet de loi de finances pour 2010 ! –, car je la crois inefficace économiquement et purement électoraliste.
Nous devons aussi imposer que toute nouvelle dépense fiscale soit compensée à due proportion par la réduction d’autres dépenses, ce qui n’a malheureusement pas été fait pour la baisse de la TVA dans la restauration ou la réforme de la taxe professionnelle, pour lesquelles nous attendons des réponses. Beaucoup de progrès restent donc à accomplir dans ce domaine.
Il faut aussi, dans cette perspective, revoir l’ensemble des niches fiscales et sociales qui se sont accumulées au cours de ces dernières années. On en compte aujourd’hui 400, qui représentent un manque à gagner estimé entre 50 et 70 milliards d’euros. Certes, nous avons commencé l’année dernière, lors de l’examen du projet de loi de finances, à travailler sur le plafonnement des niches fiscales, mais nous devons aller plus loin. Il faut examiner l’ensemble des dispositifs, évaluer leur efficacité, leur pertinence et leur caractère juste pour l’ensemble des contribuables.
La France, en ne réduisant pas son déficit structurel et en multipliant les dettes de crise et les emprunts, ne prépare pas la sortie de crise. C’est le devoir du Gouvernement et du Parlement que de prévoir l’après-crise.
Je voudrais, en conclusion, rappeler une réalité. Si l’on peut retarder le moment de la facture, on ne saurait – j’en suis sûr – la faire disparaître. Pour les Français, le réveil risque d’être douloureux après 2012, car ce sont eux qui paieront ! Comme l’a dit le Premier président de la Cour des comptes, le report des réformes indispensables impliquerait des ajustements encore plus douloureux. Il leur faudrait alors « payer plus pour rembourser plus » ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées de l’UMP et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat d’orientation des finances publiques offre l’occasion au rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse que je suis de faire un point sur les comptes de cette dernière.
Vous ne serez pas étonnés que je qualifie la situation de cette branche financière de préoccupante. En dépit de la réforme de 2003, son déficit n’a en effet cessé de se creuser depuis quatre ans, passant de 1,9 milliard d’euros en 2005 à 5,6 milliards d’euros en 2008. La branche vieillesse est aujourd’hui la plus déficitaire des quatre branches de la sécurité sociale.
Cette dégradation continue des comptes ne s’explique pas seulement par les facteurs démographiques que nous connaissons bien désormais : l’arrivée à l’âge de la retraite des générations du baby-boom et l’augmentation de l’espérance de vie. Elle résulte aussi de la montée en charge du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue, instauré par la loi du 21 août 2003. Depuis sa mise en œuvre, 560 000 retraites anticipées ont été accordées par le régime général. Cette mesure a coûté sans cesse davantage à la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, sur la période 2004-2008, pour atteindre 2,4 milliards d’euros en 2008, soit trois fois plus qu’on ne le prévoyait voilà cinq ans.
Fort heureusement, l’année 2009 devrait être marquée par une nette diminution des départs anticipés en raison des nouvelles conditions d’éligibilité au dispositif et des mesures réglementaires prises pour encadrer le recours aux arriérés de cotisations. Pour la première fois, le coût du dispositif pour le régime général diminuerait cette année, ce qui expliquerait, pour une modeste part, le ralentissement de la croissance des charges de la CNAV en 2009.
Pour autant, cette tendance n’empêcherait pas le déficit de la branche vieillesse de continuer à se creuser, puisqu’il atteindrait 7,7 milliards d’euros cette année.
L’aggravation des comptes est d’autant plus inquiétante que les projections font état d’une dégradation financière accrue des régimes de retraite à l’horizon 2020-2050, principalement due au choc démographique. En conséquence, notre système de retraite devra faire face à un besoin de financement croissant, estimé à 24,8 milliards d’euros pour 2020 et à 68,8 milliards d’euros pour 2050.
Malgré la nécessité et l’urgence du retour à l’équilibre des comptes de la branche vieillesse, le rendez-vous de 2008 n’a apporté aucune réponse au problème du financement des retraites. Certes, il y a bien eu quelques avancées louables sur l’emploi des seniors ou la solidarité envers les retraités les plus modestes, mais des questions essentielles sont restées en suspens : le dossier de la pénibilité est bloqué et la hausse des cotisations vieillesse, qui devait être compensée par une baisse des cotisations chômage, a été reportée sine die.
Comme le Président de la République s’y est engagé devant le Congrès, le bilan d’étape de 2010 devra absolument déboucher sur des solutions pérennes à même de garantir la viabilité financière des régimes de retraite. Il ne doit pas être un rendez-vous manqué comme l’a été celui de 2008.
Les différents instruments de pilotage sont bien connus. Jusqu’à présent, le levier privilégié a été l’augmentation de la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Celle-ci, actuellement de 40 annuités, sera de 41 annuités en 2012. La question qui se pose aujourd’hui est donc la suivante : cette durée ne doit-elle pas être portée à 42 annuités, voire à 43 ou plus ? Une telle réforme nécessite cependant de surmonter l’obstacle du dossier de la pénibilité. Les syndicats n’accepteront pas l’augmentation de la durée de cotisation si, parallèlement, la pénibilité au travail n’est pas prise en compte.
Une autre piste, de plus en plus souvent évoquée, est le report de l’âge légal de départ en retraite qui, en France, a été abaissé à soixante ans en 1983. Ce qui a été vécu, à l’époque, comme un progrès social entre aujourd’hui en totale contradiction avec les évolutions démographiques en cours. Alors que l’espérance de vie ne cesse d’augmenter, la période consacrée au travail au cours d’une vie est de moins en moins longue !
La logique voudrait donc que l’âge légal de départ en retraite soit repoussé, comme l’ont fait plusieurs pays européens. Mais l’utilisation de ce levier se heurte, en France, à un obstacle de taille : le taux d’emploi des seniors, qui se situe autour de 38 %, est l’un des plus bas des pays développés. Retarder l’âge de la retraite sans favoriser le maintien dans l’emploi des seniors aboutirait à créer des demandeurs d’emplois supplémentaires.
Par ailleurs, il faut avoir à l’esprit que l’augmentation de l’âge de la retraite ne peut à elle seule résoudre le problème du financement des régimes de retraite. Pour le régime général, le report à soixante-deux ans apporterait 6,6 milliards en 2020, sur 13 milliards d’euros de besoins, mais seulement 5,7 milliards sur un besoin total de 46 milliards d’euros en 2050. Il s’agirait en définitive d’une mesure de court terme.
C’est pourquoi, au-delà de la nécessité d’une nouvelle réforme paramétrique à brève échéance, il est indispensable de préparer l’étape suivante : réfléchir à d’autres modes de gestion de l’assurance vieillesse. Le pilotage actuel des régimes de retraite ne pourra en effet enrayer le mouvement de dégradation de la situation financière de la branche vieillesse ni proposer de solution solide face au défi démographique à l’horizon 2020-2050.
Cette situation rend impératif l’engagement d’une réforme de type structurel ou systémique, seule à même d’assurer la survie de notre système de retraite.
Un rapport sur ce sujet du Conseil d’orientation des retraites, le COR, commandé par le Parlement sur l’initiative de la commission des affaires sociales du Sénat, sera rendu au début de l’année 2010. Il sera l’occasion d’engager un vaste débat public sur l’avenir des retraites.
Monsieur le ministre, certes, ce soir, je n’ai évoqué que la branche vieillesse, mais l’évolution des pensions civiles et militaires connaît depuis quelques années dans notre pays une dérive de l’ordre de 6 % à 8 %. Le poids de ces dernières devient lui aussi très lourd pour le budget de l’État. Mais nous aurons l’occasion d’aborder ce sujet au cours des prochains mois. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Monsieur le ministre, voilà quelques jours, à l’Assemblée nationale, vous affirmiez ceci : « tous les efforts du Gouvernement tendent à un seul but : préparer l’avenir. » C’est à l’aune de ces propos que je vais prendre en considération les finances sociales.
La situation de nos comptes publics est catastrophique. Nous ne sommes pas les seuls à le dire. M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales a déclaré que ce débat prend place « dans un contexte qui peut être qualifié de dramatique pour les finances sociales ». Il estime même qu’« il ne s’agit plus d’une aggravation du “trou de la sécu” […], mais d’un changement d’échelle, d’une situation totalement inédite ».
Certes, la crise qui frappe l’ensemble des économies n’a pas épargné notre pays. Cependant, une observation plus fine fait apparaître que cet état de fait préexistait avant même que les effets de la crise ne se fassent sentir.
Mon collègue François Marc a parlé fort justement des déficits et de l’endettement, points sur lesquels je ne reviendrai donc pas.
Mais, monsieur le ministre, tout n’est pas la faute de la crise ! Le rapporteur général de la commission des affaires sociales, que je citerai une fois encore, constate que « si la sécurité sociale avait affronté cette crise sans le handicap sévère d’un déficit structurel de 10 milliards d’euros, elle aurait pu y faire face dans des conditions très différentes ».
M. Bernard Vera. Eh oui !
Mme Christiane Demontès. La Cour des comptes démontre, dans son dernier rapport, que la dégradation du déficit en 2008 n’est que très peu due à la crise économique : elle estime que seuls 4 milliards d’euros sur 14 milliards d’euros résultent de ladite crise. Les 10 milliards d’euros restants proviennent donc des mesures fiscales et sociales décidées par l’actuelle majorité. François Marc ayant traité ce sujet, je ne m’y attarderai pas.
Voilà quelques semaines, lors du débat sur la défiscalisation des heures supplémentaires, je pronostiquais un déficit du régime général de la sécurité sociale de l’ordre de 20 milliards d’euros pour 2009. Le secrétaire d’État chargé de l’emploi semblait particulièrement dubitatif. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) Malheureusement, la réalité est là : ce déficit est historique, et ce à plusieurs titres. Il l’est non seulement en raison du volume sans précédent qu’il atteint, mais aussi parce qu’il est organisé et programmé sciemment.
Pour ce qui concerne les comptes sociaux, il en est de même que pour les comptes de l’État. Rappelons-nous que le Gouvernement promettait une croissance de la masse salariale de l’ordre de 3,5 % pour cette année et de 4,6 % pour les années suivantes. Nous en sommes bien loin ! Le nombre de demandeurs d’emploi a crû de 18,4 % cette année. Il nous faut maintenant nous préoccuper du financement de cette dette sociale.
Le Gouvernement a choisi de ne pas relever le taux de la CRDS ; c’est donc à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale que reviendra la mission de porter cette dette, dont la charge ne pèse pas moins de 10 milliards d’euros par an. Cet accroissement de la dette pénalise les générations à venir qui devront l’acquitter.
Monsieur le ministre, depuis 2002, votre majorité n’a eu de cesse de s’en remettre au seul viatique qui vaille à vos yeux : la réduction des dépenses.
En matière de santé, nos concitoyens ont dû faire face à l’augmentation du forfait hospitalier, aux déremboursements massifs, à la mise en œuvre de la franchise médicale… Le Gouvernement, non content de culpabiliser les assurés sociaux puis les malades, leur a fait supporter en plus un poids croissant des dépenses évalué à plus de 3 milliards d’euros.
Cette politique pénalise l’ensemble des citoyens, notamment les plus modestes, mais, à plus long terme, elle ne manquera pas d’avoir des conséquences lourdes sur la santé publique.
Pour s’en persuader, il suffit de considérer les effets de la réduction du panier de soins de l’aide médicale d’État sur les ayants droit. Il s’agit bel et bien d’une diminution de l’accès aux soins. Le fait que notre pays soit passé de la première place à la onzième place pour la qualité de son système de santé signifie que votre bilan est très inquiétant.
Venons-en aux branches de notre système de protection sociale.
Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, que la majorité a adopté, le déficit prévu pour la branche vieillesse s’élevait à 5 milliards d’euros. Selon toute vraisemblance, il atteindra 7,7 milliards d’euros, avec un fonds de solidarité vieillesse déficitaire de 2,1 milliards d’euros, et ce malgré une remise à zéro de ses comptes via le transfert de ses déficits cumulés à la CADES.
Il s’agit là de l’illustration de l’échec de la réforme Fillon de 2003. À l’époque, nous avions dit que cette réforme ne constituait pas une réponse aux besoins de financement pérenne de nos retraites par répartition et qu’elle allait immanquablement en appeler d’autres. Mais une fois de plus, peu vous importe : vous maintenez le cap. Vous évoquez un départ à la retraite à soixante-sept ans, puis vous rectifiez le tir en parlant d’une durée de cotisations portée à quarante-deux ans, voire à quarante-trois ans.
Mais, monsieur le ministre, vous êtes-vous rendu compte que le taux d’emploi des personnes âgées de cinquante-cinq ans à soixante-quatre ans n’est que de 38 % dans notre pays, alors qu’il atteint 70 % en Suède, par exemple ?
Vous rendez-vous compte que, si le comportement des employeurs ne se modifie pas, vos propositions aboutiront à un abaissement drastique du montant des retraites par répartition, lequel est déjà bien bas ?
Avez-vous pris la mesure de ce qui se passe ? L’UNEDIC, qui affichait un excédent de 4,5 milliards d’euros en 2008, se retrouve dans le rouge à hauteur cette année de 1,3 milliard d’euros et probablement, l’année prochaine, de 4,6 milliards d’euros. Dans ce contexte, quelle incidence ont vos propos alors que vous affirmiez, voilà un an, que, grâce à la baisse du chômage, une diminution des cotisations chômage et une hausse des cotisations de retraite pouvaient voir le jour ?
Pensez-vous sérieusement que des dispositions aussi contestables que l’auto-entreprise soient à même de constituer une solution pour des millions de nos concitoyens ? N’est-il pas temps de reconsidérer cette problématique essentielle dans son ensemble et, au moins, de conclure enfin les négociations relatives à la pénibilité que le patronat bloque, avec votre assentiment, depuis 2003 ?
À ce titre aussi, il ne suffit pas de rappeler à Versailles que le programme du Conseil national de la Résistance entendait « assurer une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours » ; il faut passer aux actes, et les vôtres sont loin de satisfaire à cet objectif.
J’en viens à la branche maladie, qui, si les prévisions se vérifient, devrait enregistrer un déficit record de 9,4 milliards d’euros en 2009, contre 4,4 milliards d’euros en 2008, soit une augmentation de l’ordre de 120 %. Face à cette situation, qu’allez-vous faire ?
Allez-vous encore une fois procéder à des coupes budgétaires qui n’auront comme seule vertu que de conforter une analyse comptable sans lien avec les besoins sanitaires de nos concitoyens ?
Allez-vous mettre en scène de nouveaux boucs émissaires, tels que semblent l’être devenus depuis quelques jours les salariés en arrêt de travail ? Non seulement ce procédé est détestable, mais, en plus, il instaure le culte de la défiance au plus haut niveau de l’État. En lieu et place, nous aurions préféré, tout comme les Français, que la réforme de l’hôpital s’accompagne d’une augmentation tant du numerus clausus que du nombre de médecins du travail. Mais peine perdue ! Vous n’avez visiblement que faire des conditions de travail, qui se dégradent très sensiblement. Les conclusions de la CNAM, chargée d’élaborer des référentiels portant sur les pathologies les plus fréquemment observées dans le monde du travail, seront un excellent témoin de cette précarisation.
Votre politique comptable s’applique aussi aux transports sanitaires. Ce poste budgétaire connaît effectivement une croissance rapide, et ce depuis quelques années. Mais au lieu de vous contenter d’un simple constat, pourquoi ne vous posez-vous pas la question de l’incidence directe des fermetures d’hôpitaux et de services, par exemple ?
Cette situation appelle un sursaut. Nous vous le demandons depuis des années, projet de loi de financement de la sécurité sociale après projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Or, comme l’indique le rapporteur général de la commission des affaires sociales, « le retour de la croissance au niveau d’avant la crise permettra seulement de stabiliser le déficit à son niveau d’après-crise, soit peut-être 30 milliards d’euros. » Nous ne pouvons qu’être d’accord avec lui lorsqu’il pronostique ceci : « Le retour d’une croissance modérée […] des dépenses ne permettra en aucun cas – ou de manière marginale – de résorber les déficits massifs qui auront été atteints. Leur résorption ne pourra passer que par une croissance des recettes durablement plus forte que la croissance des dépenses » Mais il n’y a rien concernant l’augmentation des salaires qui aurait une incidence directe sur les recettes de la sécurité sociale, rien concernant la hausse de la taxation sur les stock-options, rien sur les fonds spéculatifs, rien sur les 6 milliards d’euros que coûte la défiscalisation des heures supplémentaires, rien, enfin, concernant une réorientation de votre sacro-sainte politique d’exonération de cotisations sociales !
Pourtant, à plusieurs reprises, notamment au mois de septembre dernier, la Cour des comptes a pointé le fait qu’elle était peu efficiente en matière d’emploi. Pourquoi ne pas procéder au réexamen des conditions d’exonération ? Pourquoi ne pas les lier très directement à la politique menée par les entreprises en matière de salaires et d’emploi ?
Les sommes en jeu sont colossales : 42 milliards d’euros par an, soit un peu plus du double du déficit de la sécurité sociale cette année.
Dans le même ordre d’idée, pourquoi ne vous attaquez-vous pas aux niches fiscales, que la Cour des comptes n’hésite désormais pas à qualifier d’« obsolètes, injustes et inefficaces » ?
Pourquoi ne veillez-vous pas à appliquer le principe d’universalité de la CSG ?
Enfin – mais le sujet est une véritable arlésienne –, pourquoi ne pas remettre à plat l’assiette de cotisations, afin d’intégrer justement le rapport entre le capital et le travail ? Rappelons que le financement de la protection sociale dépend aux deux tiers des revenus du travail.
Mes chers collègues, derrière l’aridité des chiffres se fait jour non seulement le quotidien, mais aussi l’avenir de nos concitoyens. Il conviendrait de se fixer comme objectif de tout mettre en œuvre pour que la société souffre le moins possible et que la dépense publique, en période de crise, puisse sinon annihiler, du moins atténuer les conséquences des décisions prises par le secteur privé.
Malheureusement, ce débat d’orientation budgétaire nous démontre que le Gouvernement a choisi de réduire son effort, alors que nous n’avons pas rattrapé le niveau de 2006.
Monsieur le ministre, il s’agit d’une faute politique qui sera lourde de conséquences et empêchera de relever les défis que pose une société de plus en plus inégalitaire.
Pour notre part, nous sommes prêts à contribuer à redéfinir et à réorienter cette politique, notamment dans les domaines de la fiscalité et de l’emploi. C’est ce que commande la recherche d’une plus grande justice sociale et d’une plus grande efficience économique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention sera un peu différente des précédentes, dans lesquelles ont été cités des chiffres que vous connaissez tous et qu’il est donc inutile de rappeler.
Il serait à mon avis plus judicieux d’élever ce débat et de s’interroger sur les raisons directes et indirectes de la crise. La conjoncture actuelle a en effet plusieurs origines.
Notons d’abord la crise mondiale du crédit, qui affecte tous les pays du monde, à la suite de la faillite de nombreuses banques, et sur laquelle on ne peut agir directement, sauf à essayer d’en atténuer les effets.
Relevons aussi les contraintes multiples qui nous ont été imposées par différents gouvernements, en particulier socialistes, contraintes qui paralysent nos entreprises et compromettent notre économie. Je m’y attarderai quelques instants.
Si la crise a plusieurs origines, peut-être pouvons-nous agir sur celles qui nous sont propres. La hausse de nos coûts de production n’est pas seulement due à la baisse des crédits disponibles. Notre perte de compétitivité a d’autres causes, telle la politique démagogique menée pour favoriser la politique sociale, dite « justice sociale », sans se soucier aucunement de la politique économique et des possibilités de financement de cette politique sociale. En effet, toute décision politique, quelle qu’elle soit, doit d’abord tenir compte des recettes avant d’envisager les dépenses. Or certains gouvernements ne procèdent pas ainsi.
Il est certes très agréable de partir à la retraite plus tôt – pourquoi pas ? –, de travailler moins en gagnant autant ou même plus, d’augmenter les aides en tous genres. Toutefois, au final, on aboutit à la situation que nous observons aujourd'hui, c'est-à-dire à une aggravation considérable de notre déficit budgétaire.
En effet, de telles dépenses sociales ne peuvent être financées autrement. Dès lors que l’on n’a pas les moyens nécessaires pour les couvrir, on emprunte ! Cette solution est peut-être pratique, mais elle est aussi dangereuse.
Ainsi, les 35 heures (M. Bernard Angels s’exclame.), malgré les correctifs apportés par le Gouvernement, constituent toujours la durée légale du travail et plombent nos coûts de production, à travers la RTT, la réduction du temps de travail, et les heures supplémentaires.
Ce régime est très pratique pour les salariés, mais l’instauration des 35 heures a été la plus grave décision qui ait jamais été prise par un Gouvernement pour notre économie, et nous en subissons encore aujourd'hui les conséquences. Il faut le savoir et en tenir compte.
Mes chers collègues, nous ne pouvons travailler moins que les habitants des autres pays, qui produisent bien plus que nous et à des coûts moins élevés !
De même, en France les congés sont trop nombreux, bien que, naturellement, il soit agréable de partir en vacances et de profiter de nombreux jours fériés, et les charges sur les salaires sont trop élevées.
Nous avons évoqué tout à l'heure le financement de la sécurité sociale. Pour ma part, je serais tout à fait partisan de ne plus le faire peser sur les charges salariales et de le reporter sur d’autres facteurs. Je crois d'ailleurs que M. le président de la commission des finances, lui aussi, a quelques idées sur ce sujet, qu’il faudrait tenter de mettre en application.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout à fait ! Il faut une TVA sociale.
M. Serge Dassault. La retraite à soixante ans, obtenue grâce au président Mitterrand, est sans doute une « conquête sociale », mais on constate qu’elle est de plus en plus difficilement financée par la répartition, car sans cesse le nombre des actifs diminue et celui des inactifs augmente, ce qui empêche d’équilibrer ces dépenses.
Par ailleurs, les conflits sociaux sont trop nombreux et paralysent la production. Ils nuisent autant aux salariés, qui, soi-disant, défendent leur activité, qu’aux entreprises, car ils risquent de faire disparaître les clients. En effet, quand des grèves éclatent, la production cesse, les clients s’en vont et l’entreprise capote…
Aussi, compte tenu de l’évolution très préoccupante de nos finances, il conviendrait de prendre dès maintenant les mesures nécessaires pour rendre à nos entreprises leur compétitivité. En effet, si celles-ci ne sont pas concurrentielles, elles ne vendront rien et n’embaucheront pas, mais, au contraire, licencieront.
Il faudrait appliquer les règles de la gestion participative, que je m’efforce de promouvoir, et instaurer dans toutes les entreprises un véritable consensus social qui permette de motiver les salariés, en égalisant chaque année la réserve de participation au montant des dividendes distribués.
M. François Marc. La règle des trois tiers ?
M. Serge Dassault. Pour ma part, je continuerai de porter cette proposition.
Les syndicats doivent cesser de pousser les salariés à la grève à la moindre occasion.
M. François Marc. Supprimez-les ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Serge Dassault. Il faut encadrer le droit de grève. La Constitution le permet, mais on ne le fait pas !
En effet, les arrêts de travail n’ont jamais résolu aucun problème et ils sont nuisibles à tous. Pas plus que les processions religieuses n’ont jamais fait tomber la pluie, aucune grève n’a jamais fait pleuvoir les euros ! (Rires sur les travées de l’UMP, ainsi qu’au banc des commissions.)
Une autre mesure de bon sens consisterait à limiter dans le temps les dépenses de fonctionnement, pour lesquelles on ne fixe jamais de terme, avec pour résultat une addition sans fin des emprunts destinés à les couvrir.
Seule la diminution des emprunts de fonctionnement récurrents permettrait de réduire peu à peu le déficit. Il faudrait commencer tout de suite, mais on ne le fait pas, malgré les propositions que j’ai formulées en ce sens…
En revanche, comme l’a souligné M. le ministre, les emprunts nouveaux destinés à des investissements d’avenir sont absolument nécessaires afin d’accroître notre production de richesses.
Enfin, mes chers collègues, permettez-moi une dernière remarque, que personne n’a encore formulée.
Notre système capitaliste a montré ses limites en raison de la spéculation réalisée par les détenteurs d’actions de sociétés anonymes dépourvues de « noyau dur ». Ceux-ci ne se préoccupent que du prix des titres et les revendent immédiatement avec une plus-value ; ils n’ont pas le moindre souci de l’avenir de l’entreprise en cause.
Pour éviter ces va-et-vient destructeurs, il serait bon, me semble-t-il, d’obliger tout acquéreur d’actions à conserver celles-ci pendant au moins cinq ans. Une telle décision éviterait des mouvements spéculatifs qui sont fortement nuisibles et ne coûterait rien.
Il faut aussi remarquer – j’y insiste – que seules les actionnaires des sociétés familiales conservent leurs titres, sans se préoccuper des cours de la bourse, car ils veulent préserver le patrimoine familial.
Il faudrait donc soigner ces actionnaires familiaux, d'ailleurs de moins en moins nombreux, car ils sont des facteurs de stabilité économique, au lieu de les pénaliser par des impôts spécifiques qui les découragent et les poussent à s’expatrier, privant ainsi la France à la fois de leurs capitaux et de leurs talents.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà quelques-unes des propositions que je tenais à formuler devant vous.
Il faudrait aller encore plus loin dans la politique de réformes courageuses que le Président de la République a entreprise et que j’approuve, en prenant en compte, si possible, les quelques points que je viens d’indiquer.
Rien n’est simple dans ce domaine. Je connais les résistances multiples qui se manifestent en France à la moindre réforme, car notre pays est conservateur et prêt à se paralyser contre n’importe quelle tentative de changement. Cet état d’esprit ne facilite pas la tâche des gouvernements, qui tentent de faire des efforts mais se heurtent toujours à des grèves.
Rien ne pourra se faire sans le consensus de tous, me semble-t-il. Pour l’obtenir, il faudrait lancer une vaste opération d’explication en direction de l’opinion, pour que chacun prenne conscience de la gravité de la situation et pour faciliter les réformes.
Au lieu d’affirmer que tout va bien, que la situation n’est pas si grave et qu’elle va s’arranger, il faut souligner une fois pour toutes l’ampleur des difficultés qui se présentent à nous ! C’est d'ailleurs ce que nous faisons ici depuis plusieurs heures.
Les Canadiens ont mené cette réforme avec succès voilà quinze ans. Aujourd’hui, ils ont réussi ce miracle d’obtenir un budget équilibré, sinon excédentaire, mais aussi de réduire leur dette. Rien ne nous empêcherait de faire pareil !
M. François Marc. Sans diminuer les impôts !
M. Serge Dassault. C’est à ce prix que nous commencerons à sortir de la crise, mais il faut en avoir la volonté, le courage et savoir ce que nous voulons. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, bien des questions ont été évoquées au cours de ce débat, et je constate que certaines préoccupations sont communes aux différents orateurs.
Monsieur Dassault, nous ne sous-estimons pas les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Nous n’embellissons pas la situation et l’envisageons telle qu’elle est. J’espère en tout cas que mes propos pourront vous rassurer.
Monsieur le président de la commission des finances, vous avez décrit les défis qui nous attendent et vous nous avez appelés à voir au-delà du court terme. Je souscris tout à fait à cet appel.
Je ne reviendrai pas sur notre débat d’hier relatif à la politique de financement de l’État. Nous devons en effet être plus transparents et donner davantage d’informations, notamment en ce qui concerne les emprunts levés à court terme. C’est précisément ce que nous avons l’intention de faire.
Je fais miennes vos préoccupations sur la dette, qui sont d'ailleurs partagées par l’ensemble des sénateurs, quelle que soit leur tendance politique.
Toutefois, on affirme souvent que le produit de l’impôt sur le revenu serait aujourd'hui inférieur au montant des charges d’intérêt de la dette, mais ce n’est pas exact : il lui est toujours supérieur, d’environ huit milliards d'euros, du moins si nous prenons seulement en compte le coût de l’endettement de l’État. En revanche, l’affirmation est vérifiée si nous considérons l’ensemble de la dette publique.
Mme Michelle Demessine. Donc tout va bien ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mais vous êtes le ministre de tous les comptes publics !
M. Éric Woerth, ministre. Certes, monsieur le président de la commission des finances, mais l’impôt sur le revenu a vocation à financer le budget de l’État ; il faut comparer ce qui est comparable. J’y insiste, car j’entends souvent cette assertion.
Pour réduire la dette, j’estime, tout comme vous, monsieur le président de la commission des finances, que nous n’avons d’autre solution que de mettre l’accent sur la maîtrise des dépenses. Je me suis d'ailleurs efforcé de le montrer dans mon intervention liminaire.
D'une part, il faut revenir à un niveau satisfaisant de recettes fiscales grâce à la reprise économique ; d'autre part, nous devons maîtriser la dépense.
Certaines dépenses disparaîtront toutes seules ; ce sont celles qui sont destinées à la relance, et dont vous avez pu vérifier qu’elles étaient réversibles.
Comme je l’ai indiqué dans la préparation du budget pour 2010, ces dépenses tomberont l’an prochain à 3,5 milliards d'euros environ. Certes, elles ne disparaîtront pas complètement et la rupture en la matière ne sera pas totale, parce que nous devons accompagner la reprise, une crise ne cessant pas du jour au lendemain ! Toutefois, elles retrouveront un niveau raisonnable.
L’accompagnement de la reprise économique passera par les systèmes de formation professionnelle et d’aide à l’emploi, ces 3,5 milliards d'euros servant, notamment, à financer le FISO, le Fonds d’investissements social.
Monsieur le président de la commission des finances, nous lancerons également une deuxième phase de la révision générale des politiques publiques.
Certains ont estimé que les sept milliards ou huit milliards d'euros dégagés jusqu’ici par ces mesures n’étaient pas suffisants, compte tenu des enjeux. Toutefois, il ne s’agit là que des sommes économisées immédiatement. À moyen terme, cette politique qui transforme l’approche culturelle des administrations permettra de dégager des montants bien plus considérables !
La RGPP doit cependant rebondir. Tel est l’objet de la « deuxième phase » que nous sommes en train de lancer ; ce matin encore, je présidais d'ailleurs une réunion sur ce sujet.
Nous voulons, d'une part, aller plus loin dans la réorganisation des services de l’État, et, d'autre part, examiner les politiques d’intervention, ce qui n’avait pas été fait dans la « première phase ».
En effet, la RGPP vise à maintenir, sinon à accroître, la qualité du service public en affectant plus justement les moyens de l’État. C’est ainsi que nous devons la concevoir. Nous sommes tout près de cette logique d’évaluation qui a fait l’objet de tant de débats.
Monsieur le président de la commission des finances, vous préconisez également de passer au « zéro valeur » en ce qui concerne les dépenses de l’État.
D'ores et déjà, cet objectif est pratiquement atteint si nous ne prenons pas en considération l’accroissement des charges de la dette, qui, aujourd'hui, est largement incompressible, ni les charges de retraites et de pensions.
Le véritable enjeu serait d’arriver au « zéro valeur » pour l’ensemble de la dépense publique, au lieu de l’augmentation de 1 % en volume que nous connaissons aujourd'hui.
Toutefois, il est extrêmement difficile d’atteindre un tel objectif, notamment en raison du rythme d’évolution des dépenses des organismes de sécurité sociale, qui, même si elles sont maîtrisées, progressent bien plus vite que le PIB…
J’en viens à la réforme territoriale, qui est indispensable.
Les structures de l’État suivent le mouvement que la RGPP a initié. Nous devrons également donner vie aux préconisations de la commission Balladur, qui devraient déboucher sur un certain nombre de décisions dans le courant de cette année. Je ne doute pas que le débat sur cette question sera très animé, et c’est une litote, mais je crois que cette réforme est au cœur des préoccupations des Français.
En ce qui concerne la protection sociale, j’ai bien noté que son mode de financement constituait une inquiétude constante. Il s’agit d’une question essentielle pour Mme la présidente de la commission des affaires sociales, mais aussi pour le nouveau rapporteur général, qui travaillait déjà auparavant sur ces sujets et qui n’a pas changé d’idées en prenant sa nouvelle fonction…
Pour leur répondre, ainsi d'ailleurs qu’à Serge Dassault, Dominique Leclerc et Jean-Jacques Jégou, je voudrais évoquer la question de la bonne information du Parlement en matière de finances sociales, car il s'agit là d’un point essentiel, me semble-t-il.
Comme M. Dassault l’a souligné à juste titre, nous ne devons pas nous raconter d’histoires. Tel n’est pas d'ailleurs mon objectif, car une telle méthode serait ridicule et inutile. Nous devons mener un débat responsable.
Or le niveau d’information du Parlement a été augmenté considérablement ces dernières années, me semble-t-il.
Madame la présidente de la commission des affaires sociales, vous regrettez, si je vous ai bien compris, l’absence de projets de loi de financement de la sécurité sociale rectificative. (Mme la présidente de la commission des affaires sociales acquiesce.)
Cependant, vous savez parfaitement, madame la présidente, que, lorsqu’on vote un projet de loi de financement de la sécurité sociale, on vote non pas sur un budget précis, mais sur des intentions budgétaires, sur des objectifs de dépenses. Point n’est besoin, donc, de le rectifier : les objectifs se rectifient par eux-mêmes, il suffit de constater.
Au demeurant, tout PLFSS comporte une partie consacrée aux comptes de l’année en cours : lors de son examen, on remet les choses à l’équerre. La démarche est donc construite et cohérente. Cela donne régulièrement lieu à des débats nourris. J’imagine que, cette année, ils seront particulièrement animés.
Nous donnons aussi une information sur la trajectoire des finances sociales.
La loi de programmation pluriannuelle ne concerne pas uniquement l’État ; elle porte aussi sur l’ensemble des finances publiques. Les indications données sont en pourcentages. Elle tend, notamment, à fixer l’ONDAM, l’évolution de chacun des risques concernés, ainsi que les sous-objectifs de l’ONDAM, le secteur médico-social, l’hôpital et la médecine de ville.
Nous disposons là d’un assez bon outil pour voir comment les choses se construisent les unes par rapport aux autres.
M. Jean-Jacques Jégou et M. le rapporteur général Alain Vasselle ont évoqué le financement de la dette de la sécurité sociale.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Sujet important !
M. Eric Woerth, ministre. Le prochain conseil des ministres examinera un projet de décret tendant à relever le plafond d’emprunt de l’ACOSS de 18,9 milliards d’euros à 29 milliards d’euros.
Par ailleurs, l’ACOSS vient de conclure avec la Caisse des dépôts et consignations un avenant à la convention financière qui vise à redéfinir les conditions tarifaires des emprunts auprès de la Caisse.
Pour 2010, chacun connaît les solutions. Il n’y a pas de magie à espérer. Faire reprendre la dette de la sécurité sociale par l’État serait, à mon avis, la pire des solutions, parce que tout retour en arrière serait impossible.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des finances. Exactement ! On est d’accord là-dessus.
M. Eric Woerth, ministre. Ce serait donc la pire des solutions, et, de surcroît, elle ne serait pas du tout conforme aux conclusions auxquelles nous sommes parvenues au terme des débats que nous avons eus depuis deux ou trois ans. Je m’opposerai farouchement à une telle solution.
Transférer la dette sociale à la CADES signifierait augmenter la durée de vie de cette dernière, ce qui serait également à mes yeux, une solution assez irresponsable, en ce qu’elle reviendrait à la prolonger indéfiniment. Il ne faut pas augmenter la durée de vie de la CADES.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des finances. D’accord !
M. Eric Woerth, ministre. Augmenter la CRDS n’est pas dans l’optique du Gouvernement : il n’a pas comme politique d’augmenter les prélèvements obligatoires.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. C’est vrai !
M. Eric Woerth, ministre. Une telle solution n’est donc pas, elle non plus, envisageable.
Monsieur Fourcade, vous évoquez la création d’une caisse particulière alimentée par les revenus de la contribution climat-énergie. Je me bats pour que les revenus de la contribution climat-énergie financent tout ou partie du manque à gagner, en termes de recettes fiscales, de la suppression d’une taxe absurde, mais productive, la taxe professionnelle.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oh oui ! Ce n’est pas possible !
M. Eric Woerth, ministre. Nous avons un certain nombre de choix à faire.
Nous avons donc fait le choix d’une solution qui ne peut, selon moi, être que transitoire : donner à l’ACOSS les moyens de financer en 2010 l’intégralité des besoins de trésorerie, qui devraient s’élever, en moyenne, à une quarantaine de milliards d’euros. Elle ne pourra pas durer, mais elle offre le mérite d’éviter de les faire financer par l’État.
Nous sommes en train d’examiner toutes les possibilités, avec l’aide d’une mission de l’inspection générale des finances.
Nous réfléchissons ainsi à l’augmentation des émissions de billets de trésorerie sur les marchés, à la possibilité et la capacité pour d’autres acteurs publics d’acheter des billets de trésorerie de l’ACOSS, au recours aux banques, sous réserve que la dette soit cantonnée.
Le schéma vous sera précisé le moment venu, mesdames, messieurs les sénateurs, à savoir lors de l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Cette solution a beau être transitoire et provisoire, elle a néanmoins le mérite d’être claire. Cette dette devra finir par être épongée. Nous trouverons d’autres sources de financement après la sortie de crise.
Aujourd’hui, nous devons prévoir un financement spécifique via l’ACOSS.
L’opération sera neutre pour les finances de l’État, car l’écart de financement entre l’État, l’ACOSS ou la CADES est faible. De plus, le niveau actuel des taux rend même plus intéressant un financement à court terme, comme le fait l’ACOSS, qu’un financement à long terme.
Sur la préservation des recettes sociales, je suis bien d’accord avec ce qui a été dit.
Je tiens tout de même à préciser – M. Fourcade et M. Dassault ont abordé ce point – qu’il est assez difficile de réduire les 23 milliards d’euros des aides à l’emploi. Je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire. Le Gouvernement, après réflexion, prendra probablement des décisions sur ce sujet.
Les réductions de charges directes sur le SMIC – 1,6 SMIC – ont permis une baisse des charges des entreprises et ont donc des conséquences immédiates sur l’emploi.
Beaucoup d’idées peuvent être émises. Les sommes en jeu sont énormes.
Je rappelle à Mme Christiane Demontès que près de la moitié des niches sociales – dix sur vingt-trois, précisément – résultent de la compensation des 35 heures. Il faut l’assumer ! Je le fais, pour ma part, sans problème. Mais je tenais à le préciser. Comment s’alarmer du nombre de niches sociales, quand chacun y a contribué d’une certaine manière ?
Nous devrons prendre garde, et ne pas oublier que réduire les niches sociales reviendrait, pour parler un langage simple, à augmenter les charges sociales. Or, les charges sociales sont violemment décriées, car accusées d’être la cause du manque de compétitivité française et d’entraver notre capacité à créer de l’emploi à long terme. Il nous faut veiller à préserver la bonne cohérence de nos choix politiques. Ils ne doivent pas être en contradiction avec nos propos.
Sur les retraites, j’ai bien entendu ce qu’ont dit MM. Alain Vasselle, Dominique Leclerc et Mme Christiane Demontès.
Nous nous saisirons de ce dossier en 2010, comme M. le Président de la République l’a annoncé. L’idée est de procéder à une réforme structurelle, le problème étant structurel.
Je trouve l’exercice de dénonciation de Mme Demontès tout à fait intéressant, mais il n’y a là que des effets de tribune. Où sont les propositions ? Le parti socialiste est un grand parti démocratique, un parti de gouvernement qui appelle à débattre. Aussi, plutôt que de dénoncer les projets gouvernementaux en matière de retraites, que ne formule-t-il des propositions à la hauteur de l’enjeu ! Certes, ce serait beaucoup plus difficile que de renvoyer le dossier à une énième commission ou de reconnaître qu’il faudra bien en venir à une réforme.
Mme Michèle André. En l’occurrence, c’est vous qui polémiquez !
M. Eric Woerth, ministre. Il y a peu de solutions. Nous allons toutes les explorer, et nous prendrons alors des décisions.
Monsieur Legendre, j’ai écouté avec attention votre discours, qui détonait un peu parmi les autres. (Mme la présidente de la commission des affaires sociales sourit.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On peut dire cela !
M. Eric Woerth, ministre. Nous devons changer un peu de logique. Nul ne saurait affirmer que les affaires culturelles ne sont pas importantes. Nul, dans cette enceinte, ne professerait une telle opinion.
Cependant, il va nous falloir apprendre à les gérer avec les mêmes crédits, voire parfois un peu moins. Telle est la base de mon argumentation : quand je demande une baisse du rythme d’augmentation des dépenses, c’est de cela qu’il s’agit.
On en arrive très vite à parler de choses concrètes : de la politique culturelle de l’État à l’étranger, de notre capacité à entretenir notre patrimoine monumental, du difficile financement de l’architecture préventive. Certes, 20 milliards d’euros ont, à titre exceptionnel, été dégagés, mais l’ampleur de la somme ne doit pas faire oublier l’adjectif « exceptionnel ». Parce que l’enjeu était d’importance, des crédits ont été momentanément débloqués.
J’appelle chacun à bien mesurer que la réduction du rythme d’évolution des dépenses concerne tous les domaines. Il faut finir par l’accepter.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L’enseignement du français à l’étranger ! Les frais de scolarité à l’étranger !
M. Eric Woerth, ministre. Si l’on avait retenu une évolution « zéro valeur », le niveau de réduction serait supérieur à ce qu’il est.
J’ai écouté attentivement le discours de M. Foucaud. Si je ne partage pas son analyse de notre système fiscal, je lui accorde bien volontiers qu’il est évidemment perfectible, c’est le moins que l’on puisse dire.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est un bon sujet, cela !
M. Eric Woerth, ministre. Cependant, je ne saurais le laisser prétendre que nous ne nous attaquons pas à ses défauts.
Réformer la taxe professionnelle est un travail de fond. Cela fait vingt ans que les défauts de cette taxe sont dénoncés. Nous nous employons à y remédier.
Par ailleurs, nous créons une fiscalité verte, preuve s’il en est de notre volonté de nous orienter vers une fiscalité différente, de nous organiser différemment, de penser différemment. L’avenir nous dira quels auront été les réels progrès accomplis, mais il s’agit là, d’ores et déjà, d’avancées marquantes.
J’ai évidemment apprécié la formule de M. de Montesquiou : « façonner l’avenir ». C’est ce que nous essayons de faire.
Pour « façonner l’avenir », il faut avoir confiance en l’avenir et, en même temps, regarder le présent avec lucidité, comme nous le faisons ; il faut se garder de raconter des histoires aux Français, mais les persuader que notre pays a de l’avenir, quelles que soient les difficultés financières auxquelles il est confronté.
Le débat qui s’ouvrira, à partir des propositions de MM. Alain Juppé et Michel Rocard, sur les dépenses d’avenir, sera fondamental. Ces dépenses d’avenir valent bien un emprunt – puisque ce sont, justement, des dépenses d’avenir ! – à condition, toutefois, comme l’a précisé M. Fourcade, de ne pas oublier les autres éléments de la donne, à savoir, d’une part, l’équilibre des dépenses de fonctionnement et, d’autre part, l’affectation des recettes supplémentaires au remboursement de la dette.
Monsieur Marc, votre discours est empreint de cohérence, et je n’ai pas d’objection à formuler sur la forme, mais, si les recettes que vous préconisez ont le mérite de la constance, elles n’en sont pas moins assez artificielles.
Les solutions que vous envisagez, comme par exemple l’arrêt de la loi TEPA, ne sont pas du tout à la hauteur des enjeux. Elles sont mêmes contreproductives. La loi TEPA et le dispositif sur les heures supplémentaires produisent de la valeur, j’en ai l’intime conviction. La vôtre est différente. Je la respecte.
Je vais maintenant me hâter de vous apporter quelques éléments de réponses supplémentaires, mesdames, messieurs les sénateurs, car je devine – il est dans mon dos, je ne le vois pas ! – que M. le président commence à perdre patience et surveille l’heure. (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La statue du Commandeur ! (Sourires sur le banc de la commission.)
M. Eric Woerth, ministre. Il ne dit rien, mais il n’en pense pas moins.
Monsieur Rebsamen, vous déplorez l’imprévisibilité budgétaire dont souffrent aujourd’hui les collectivités. Je ne l’ignore pas, pour être moi aussi maire. Ce soir, j’avais d’ailleurs une réunion au sujet du budget pour 2010.
Je vous accorde qu’une telle imprévisibilité n’est pas très bonne, mais il ne peut pas y avoir d’un côté de la prévisibilité pour les collectivités locales et une imprévisibilité totale pour l’État.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. On est d’accord !
M. Eric Woerth, ministre. Certes, l’imprévisibilité est un peu plus importante pour les collectivités, compte tenu de leur mode de gestion et de financement, mais, dans une crise comme celle que nous traversons, l’imprévisibilité budgétaire est le lot commun, pour les systèmes privés comme pour les systèmes publics. C’est ainsi ; il faut composer avec cette situation.
M. Jégou a beaucoup parlé de l’emprunt annoncé par le Président de la République. Il ne s’agit pas d’un grand emprunt. L’emprunt sera réservé au financement des dépenses d’avenir. Nous devrons observer la plus grande rigueur quant à la notion de « dépenses d’avenir ».
Quant à Mme Demontès, elle a préféré dénoncer, plutôt que formuler des propositions. C’est là un exercice qui n’est pas satisfaisant, surtout s’agissant des retraites. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. Je constate que le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement.
9
Décision du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures trente, est reprise à vingt-deux heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
10
Programmation militaire pour les années 2009 à 2014
Suite de la discussion et adoption définitive d'un projet de loi
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense (nos 462, 514 et 513).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l'article 2 et du rapport annexé, à l’examen de l'amendement n° 77.
Article 2 et rapport annexé (suite)
M. le président. L'amendement n° 77, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Supprimer le deuxième alinéa du 4.2.1 du rapport annexé.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° 78, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du 4.2.1 du rapport annexé, supprimer les mots :
sous-marins nucléaires,
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 79, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du 4.2.3 du rapport annexé, insérer un alinéa ainsi rédigé :
La reconversion civile du Laser Mégajoule, LMJ, et du supercalculateur TERA, pièces maîtresses du programme de simulation, devra être engagée.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 37 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi, est ainsi libellé :
Supprimer les deux derniers alinéas du 4.3.1 du rapport annexé.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 76, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Supprimer le 4.3.2 du rapport annexé.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 103, présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
À la fin de la dernière phrase du premier alinéa du 5.1 du rapport annexé, remplacer les mots :
notamment grâce au suivi et à l'actualisation des orientations du Livre blanc comme à l'information concernant les accords de défense
par les mots :
après débat, le Parlement vote le Livre blanc. Le texte de tous les accords de défense sera communiqué aux commissions parlementaires permanentes en charge de la défense et des affaires étrangères
La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Il s’agit d’en terminer avec l’hypocrisie qui consiste à parler des droits du Parlement sans se donner véritablement les moyens de les accroître.
Cet amendement tend donc à renforcer le rôle du Parlement. Ce dernier devrait contrôler les interventions des forces armées à l’étranger et non pas en être seulement informé. Il devrait aussi être davantage associé à la définition de la stratégie de sécurité. Pour ce faire, il doit discuter et voter le Livre blanc ainsi que ses éventuelles modifications.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. J’ai déjà indiqué que la commission émettait un avis défavorable sur la question du vote du Livre blanc et sur celle de la transmission du texte des accords de défense.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 104, présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
À la fin du deuxième alinéa du 5.1 du rapport annexé, remplacer les mots :
aux exercices
par les mots :
à toutes les évolutions de la carte des implantations militaires et des plans de stationnement des forces
La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Il importe que les élus locaux, proches de la population et acteurs lors des crises, soient associés à toutes les évolutions de la carte militaire. Directement concernés par les réformes en cours, ils doivent être consultés et écoutés avant que soient prises des décisions qui sont souvent très dommageables pour les économies locales.
Tel est le sens de cet amendement, qui tend à revaloriser le rôle des élus locaux et à consolider le lien entre les citoyens et l'institution militaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Un tel amendement n’a pas sa place dans un paragraphe relatif aux plans locaux de protection.
Par ailleurs, la concertation a été menée avec les élus locaux sur le plan de stationnement, même s’il n’est évidemment pas possible de conditionner toute évolution des implantations militaires à l’aval des élus locaux.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud, pour explication de vote.
M. Didier Boulaud. Le rapporteur affirme que la mesure prévue par cet amendement n’a pas sa place dans le rapport annexé. Nous devrions plutôt nous étonner des multiples dispositions qui se trouvent dans le document que nous étudions depuis hier et nous interroger sur leur pertinence ! C’est d’ailleurs ce que nous n’avons cessé de faire.
Je suis surpris qu’un amendement de cette nature, qui fait référence à l’importance de la place des élus locaux dans les restructurations de défense, puisse ne pas trouver sa place dans le texte.
M. le président. L'amendement n° 74, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du 5.1 du rapport annexé par les mots :
et informés, sans que puisse leur être opposé le principe de secret défense, du mouvement de troupes sur le territoire de leur commune
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, pour être arrivée en séance avec deux minutes de retard – en raison de la grêle et dans le souci de l’intérêt général, j’ai fermé toutes les fenêtres du troisième étage du 26, rue de Vaugirard (Marques d’ironie sur les travées de l’UMP) –, ...
Mme Brigitte Bout. Bravo !
Mme Dominique Voynet. ... je me retrouve punie ! Et nos collègues, qui n’auront pas à éponger l’eau dans le couloir, se sont vus privés du plaisir d’entendre la défense de ces amendements.
Ainsi, les amendements nos 77 et 78 visaient à rappeler au rapporteur, au cas où il l’aurait oublié, notre désaccord existentiel sur la question de la dissuasion nucléaire. (M. le rapporteur acquiesce.)
L'amendement n° 79 visait à insister sur le fait que le Laser Mégajoule et le supercalculateur TERA (Murmures sur les travées de l’UMP.), ...
M. Robert del Picchia. Ces amendements sont tombés!
Mme Dominique Voynet. Mais, mes chers collègues, j’ai trois minutes de temps de parole...
Je disais donc que le Laser Mégajoule et le supercalculateur TERA, qui sont aujourd'hui exclusivement utilisés à des fins militaires, pouvaient aussi utilement intéresser les civils.
Je n’ai pas non plus présenté l'amendement n° 76, qui tendait à souligner que nous ne devions pas envoyer de signaux encourageant les exportations d’armes.
L'amendement n° 74 porte sur un sujet dont il est rarement question. Les maires, qui sont responsables de la sécurité sur le territoire de leur commune, éprouvent bien des difficultés à assurer cette mission de manière concrète. Ils ne sont en général pas informés des activités militaires qui s’y déroulent ni des convois qui la traversent – matériels, munitions, déchets – et ils peuvent également être confrontés à des accidents. Il leur est difficile d’assumer leurs responsabilités quand ils ne savent pas exactement ce qui circule sur leur territoire ni dans quelles conditions.
Cet amendement vise donc à préciser que les maires seront informés des mouvements de troupes et de matériels sur le territoire de leur commune.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Les autorités militaires prennent la plupart du temps le soin d’informer les élus locaux du mouvement des unités,...
Mme Dominique Voynet. Non !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. ... dès lors que ces mouvements sont inhabituels ou ont une certaine ampleur. Pourquoi créer vis-à-vis des armées une obligation d’information qui n’est pas prévue pour les autres activités qui peuvent transiter sur le territoire de telle ou telle commune ?
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
Mme Nathalie Goulet. C’est bien dommage !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 39 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Charasse, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du dernier alinéa du 5.1 du rapport annexé, remplacer les mots :
deviendront des conseillers de sécurité nationale et leur formation sera renforcée
par les mots :
verront leur formation renforcée
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Il ne me semble pas souhaitable de changer la dénomination des correspondants de défense, à la fin du 5.1, qui est relatif au rôle des élus. Vouloir les nommer « conseillers de sécurité nationale » revient à ouvrir des débats sans fin, qui ne serviront pas le consensus national sur la défense, je m’en suis déjà expliqué.
Je le répète : la défense est une chose et la politique de sécurité en est une autre. Je ne dis pas qu’elles sont sans rapport, mais cela ne justifie pas qu’il faille les confondre.
Par conséquent, cet amendement vise à remplacer les mots « deviendront des conseillers de sécurité nationale et leur formation sera renforcée » par les mots « verront leur formation renforcée ». Croyez-moi, tout le monde s’en portera mieux !
Vous regretterez d’avoir combattu cet amendement, qui, je le sais, connaîtra le sort de tous les autres, alors qu’il était le fruit d’une réflexion de bon sens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Nous aurons à l’occasion de l’examen de l’article 5 un débat de fond sur les notions de « défense » et de « sécurité nationale ». La commission demandera d’ailleurs le rejet des amendements que Jean-Pierre Chevènement a déposés sur l'article 5 et qui visent à supprimer toute référence à la sécurité nationale.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Morin, ministre. Nous avons déjà eu ce débat. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Chevènement, l'amendement n° 39 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Chevènement. Oui, je le maintiens, monsieur le président !
M. le président. Je mets donc aux voix l'amendement n° 39 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 38 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du second alinéa du 5.2 du rapport annexé, remplacer les mots :
volontariat de la sécurité nationale
par les mots :
volontariat de la défense nationale
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. C’est la même argumentation qui prévaut. Encore une fois, la politique de défense ne doit pas être confondue avec celle de la sécurité nationale. Une telle confusion, par les ambiguïtés qu'elle recèle, serait nuisible à l'esprit de défense de la nation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 105, présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le sixième alinéa du 6 du rapport annexé par une phrase ainsi rédigée :
Un décret d'avance d'un montant de 245 millions d'euros permettra de faire la jonction avec ces futures recettes exceptionnelles.
La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Parce qu’il a très probablement eu connaissance de cet amendement, le Gouvernement a décidé de publier un décret d’avance d’un montant de 245 millions d’euros permettant de faire la jonction avec les futures recettes exceptionnelles.
C’est bien la preuve que notre groupe a eu raison de déposer cet amendement ! Dans la mesure où il est satisfait, je le retire, monsieur le président.
M. le président. Je constate que le Gouvernement est très réactif à vos propositions, monsieur Boulaud ! (Sourires.)
M. Didier Boulaud. C’est la seule fois ! (Rires.)
M. le président. L'amendement n° 105 est retiré.
L'amendement n° 106, présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Remplacer le 7 du rapport annexé par un alinéa ainsi rédigé :
Un projet de loi relatif à la réforme de l'ordonnance de 1959 et à l'organisation des pouvoirs publics dans le domaine de la défense sera présenté au Parlement à l'ouverture de la prochaine session ordinaire 2009-2010.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Le 7 du rapport annexé concerne les suites du Livre blanc et le suivi de la loi. Il traite en particulier du conseil de défense et de sécurité nationale et de la réforme de l’ordonnance de 1959.
Nous avons déjà manifesté notre souhait, d’une part, de voir le Livre blanc faire l’objet d’un véritable débat parlementaire, d’autre part, d’entamer une réforme de l’ordonnance de 1959 par la voie législative normale.
Cette partie du rapport annexé tire les conséquences de l’adoption d’une stratégie de sécurité nationale que nous ne partageons pas et qui consacre la prééminence totale du chef de l’État sur les questions de sécurité, de défense et de renseignement.
Nous nous opposons à la méthode employée. Avant de voter ce rapport annexé, je vous demande de méditer ces propos : « Le pouvoir d’un seul, même consacré pour un temps par le consentement général, insulte le peuple des citoyens, [...] l’abus ne réside pas dans l’usage qu’il fait de son pouvoir mais dans la nature même de ce pouvoir... »
Les spécialistes auront reconnu l’ouvrage d’un ancien Président de la République, Le Coup d’État permanent.
M. Bernard Piras. Ah !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Une référence pour moi. (Sourires.)
M. Daniel Reiner. Cet amendement vise à replacer d’une manière vertueuse le Parlement au centre du processus démocratique destiné à réformer et à adapter l’organisation des pouvoirs publics dans le domaine de la défense.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Indépendamment de la question de la recevabilité d’un amendement enjoignant au Gouvernement de déposer un projet de loi, la commission ne peut être que défavorable à cet amendement remettant en cause l’article 5, qui actualise l’organisation des pouvoirs publics en créant notamment le conseil de défense et de sécurité nationale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 et le rapport annexé.
(L'article 2 et le rapport annexé sont adoptés.)
Article 3
I. - Les crédits de paiement de la mission Défense, hors charges de pensions, à périmètre constant 2008, exprimés en milliards d'euros 2008 évolueront comme suit :
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
29,65 |
29,65 |
29,55 |
30,19 |
30,56 |
30,90 |
Ils seront complétés par des ressources exceptionnelles, provenant notamment de cessions, exprimées en milliards d'euros 2008 qui évolueront comme suit :
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
1,61 |
1,22 |
0,54 |
0,20 |
0,10 |
0 |
La politique de défense bénéficiera aussi de crédits de paiement ouverts au titre de la mission Plan de relance de l'économie exprimés en milliards d'euros 2008 qui évolueront comme suit :
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
0,97 |
0,74 |
- |
- |
- |
- |
II. - L'ensemble de ces moyens sera actualisé chaque année par application de l'indice des prix à la consommation hors tabac retenu par la loi de finances de l'année pour chacune des années considérées. – (Adopté.)
Article 4
I. - Le plafond d'emplois de la mission Défense, à périmètre constant 2008, exprimé en milliers d'équivalents temps plein travaillé, évoluera de la façon suivante de 2009 à 2014 :
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
314,2 |
306,2 |
298,5 |
291,0 |
283,5 |
276,0 |
Ce plafond inclut les emplois relatifs aux activités retracées dans les comptes de commerce.
II. - Les réductions nettes d'effectifs exprimés en équivalents temps plein seront les suivantes :
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
- 7 999 |
- 7 926 |
- 7 577 |
- 7 462 |
- 7 462 |
- 7 462 |
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 82 est présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 126 est présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Par galanterie, je donne d’abord la parole à Mme Michelle Demessine, pour présenter l'amendement n° 126. (Sourires.)
Mme Michelle Demessine. L’article 4, qui décrit l’évolution des emplois des personnels civils et militaires sur la période de la loi de programmation, présente dans toute sa sécheresse législative et budgétaire une application quasi mécanique de la révision générale des politiques publiques appliquée à la défense nationale en termes de suppression d’emplois.
Une des principales critiques que nous émettons au sujet du financement de ce projet de loi de programmation tient précisément au fait que les économies réalisées proviennent pour l’essentiel d’une diminution drastique des effectifs.
Nous ne nions pas la nécessité de faire des économies pour pouvoir financer les programmes, mieux équiper nos forces ou revaloriser la condition militaire.
Mais ce que nous contestons, c’est la répartition des efforts demandés, puisqu’ils reposeront en réalité sur le plus grand plan social du pays.
Ainsi, vous prévoyez de supprimer 7 000 postes par an. Cette mesure concernera 75 % des emplois liés à l’administration, au soutien des forces et au personnel civil, mais aussi, et cela est rarement souligné, 25 % des emplois touchant directement aux capacités opérationnelles. À cela s’ajoutera vraisemblablement la perte de 16 000 emplois résultant de l’externalisation de certains services.
Il semble pourtant que cette projection mécanique de suppressions d’emplois par la mutualisation et « l’interarmisation » de l’administration et du soutien, mais aussi par la densification des implantations, ne permette pas, sur le terrain, de réaliser aussi facilement les économies escomptées ni d’atteindre les objectifs de déflation des effectifs.
Vous avez d’ailleurs vous-même annoncé dans la presse, monsieur le ministre, que vous réviseriez à la baisse le nombre de bases de défense prévu.
Outre les douloureuses conséquences de ces suppressions d’emplois pour les familles, mais aussi pour les économies locales et les collectivités, les chiffres que vous souhaitez atteindre sont totalement irréalistes en cette période de profonde crise économique.
Ainsi, les mesures d’incitation financière à quitter de tels emplois et les possibilités de reclassement dans les autres fonctions publiques ne sont pas à la hauteur de la situation.
Pour les personnels civils des services et de nos industries de défense, l’avenir est tout aussi sombre. Après avoir vu leurs effectifs fondre en douze ans, puisqu’ils sont passés de 145 000 à 72 000, ils vont subir une nouvelle saignée. Ils connaissent à nouveau des fermetures d’établissement sans véritables possibilités de reclassement, car ils sont souvent situés dans des bassins d’emplois déjà sinistrés.
Des exemples ces dernières années, comme GIAT-Industries, ont malheureusement montré que la plus grande part des efforts consécutifs aux restructurations étaient supportés par les salariés et les collectivités territoriales.
Compte tenu des moyens importants que vous mettez en œuvre par ailleurs pour inciter les ouvriers de l’État à des départs volontaires, on peut même vous soupçonner de vouloir ainsi anticiper sur l’abandon de la maîtrise publique dans certaines de nos industries de défense.
Avec cet amendement, nous voulons donc supprimer l’article 4. Nous marquons ainsi notre refus d’une telle programmation de suppressions d’emplois, dont l’efficacité pour moderniser l’équipement et le fonctionnement de nos armées nous paraît incertaine, et pour lesquelles les mesures d’accompagnement économique et social sont très insuffisantes.
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud, pour présenter l'amendement n° 82.
M. Didier Boulaud. Monsieur le président, permettez-moi, avant de défendre cet amendement, de m’étonner du fait que l’article 3 ait été si rapidement mis aux voix, même s’il ne faisait l’objet d’aucun amendement, car c’est bien le seul qui relève réellement du domaine de la programmation ! En effet, il constitue somme toute le cœur de la loi de programmation militaire, puisqu’il vise les équipements, et nous aurions aimé pouvoir nous prononcer sur cet aspect. Mais ce n’est pas moi qui préside…
J’en viens à l’amendement n° 82. La politique du Gouvernement en matière de défense est fondée sur le triptyque comprenant le Livre blanc, la RGPP et la carte militaire. En l’occurrence, nous retenons surtout la déflation des effectifs et le manque de concertation avec les élus locaux.
Nos réserves face à ce « paquet défense » sont concrètes. Le présent amendement tend à supprimer un article engendrant des conséquences graves et pénibles pour les personnels, tant civils que militaires, pour les années à venir. En outre, les mesures que vous préconisez sont tributaires des incertitudes financières majeures qui planent sur la réalisation du budget de la défense.
Parallèlement, vous lancez un emprunt national pour soutenir les investissements stratégiques dans les secteurs d’avenir et, donc, la création d’emplois. Mais mesurez-vous que, en même temps, ce ne sont pas moins de 54 000 emplois qui seront supprimés d’ici à 2015 ? Or vous savez, tout comme moi, que le reclassement des personnels de la défense sera difficile dans la conjoncture actuelle de crise économique.
Votre méthode, simple et connue, est d’ailleurs issue du modèle imposé par le Président de la République, la RGPP : les suppressions de postes permettront de réaliser des économies, qui seront reversées au budget de l’équipement. Cela reste bien évidemment à prouver.
Quel sera le coût réel de cette déflation des effectifs ? Peut-on d’ailleurs en mesurer le coût social pour la nation en cette période de croissance du chômage ? La défense nationale est composée de moyens non pas uniquement matériels, mais également humains, et ces personnels sont désormais inquiets de leur avenir.
Dois-je vous rappeler, monsieur le ministre, que mardi 7 juillet, Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, et Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l'emploi, ont souligné, dans un communiqué conjoint, que les dernières prévisions en date relatives au nombre de chômeurs sont celles de l’UNEDIC, qui font état de 639 000 chômeurs de plus en 2009.
Il est vrai que, sur les cinq premiers mois de l’année, le nombre d’inscrits auprès de Pôle emploi a déjà augmenté de près de 340 000 en métropole, atteignant 3,6 millions. Si ce rythme se maintient, on comptera en fin d’année près de 820 000 chômeurs supplémentaires. Les personnels licenciés sont inquiets, je le répète, et à juste raison.
Nous demandons en conséquence la suppression de l’article 4.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. La commission ne peut pas être favorable à ces amendements qui visent à supprimer la programmation des effectifs telle qu’elle est prévue dans le projet de loi.
Elle émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 82 et 126.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
CHAPITRE II
Organisation des pouvoirs publics dans les domaines de la défense et de la sécurité nationale
Article 5
Le code de la défense est ainsi modifié :
1° L'article L. 1111–1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1111–1. - La stratégie de sécurité nationale a pour objet d'identifier l'ensemble des menaces et des risques susceptibles d'affecter la vie de la Nation, notamment en ce qui concerne la protection de la population, l'intégrité du territoire et la permanence des institutions de la République et de déterminer les réponses que les pouvoirs publics doivent y apporter.
« L'ensemble des politiques publiques concourt à la sécurité nationale.
« La politique de défense a pour objet d'assurer l'intégrité du territoire et la protection de la population contre les agressions armées. Elle contribue à la lutte contre les autres menaces susceptibles de mettre en cause la sécurité nationale. Elle pourvoit au respect des alliances, des traités et des accords internationaux et participe, dans le cadre des traités européens en vigueur, à la politique européenne de sécurité et de défense commune. » ;
2° Aux articles L. 1111–3, L. 1122–1 et L. 1321–2, la référence au : « conseil de défense » est remplacée par la référence au : « conseil de défense et de sécurité nationale » ;
3° Le deuxième alinéa de l'article L. 1111–3 est ainsi rédigé :
« Les décisions en matière de direction générale de la défense et de direction politique et stratégique de la réponse aux crises majeures sont arrêtées en conseil de défense et de sécurité nationale. » ;
4° L'article L. 1111–3 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « de », le mot : « la » est supprimé ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les orientations en matière de renseignement sont arrêtées en conseil national du renseignement, formation spécialisée du conseil de défense et de sécurité nationale. » ;
5° L'article L. 1121–1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1121–1. - Le conseil de défense et de sécurité nationale, de même que ses formations restreintes ou spécialisées, notamment le conseil national du renseignement, sont présidés par le Président de la République, qui peut se faire suppléer par le Premier ministre. » ;
6° L'article L. 1121–2 est abrogé ;
7° L'article L. 1131–1 est ainsi modifié :
a) Au début de l'article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le Premier ministre dirige l'action du Gouvernement en matière de sécurité nationale. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le Premier ministre prépare et coordonne l'action des pouvoirs publics en cas de crise majeure. Il coordonne l'action gouvernementale en matière d'intelligence économique. » ;
8° À l'article L. 1141–1, après le mot : « responsable », sont insérés les mots : «, sous l'autorité du Premier ministre, » et les mots : « de la défense » sont remplacés par les mots : « de défense et de sécurité nationale » ;
9° Le chapitre II du titre IV est ainsi rédigé :
« CHAPITRE II
« Dispositions particulières à certains ministres
« Section 1
« Défense
« Art. L. 1142–1. - Le ministre de la défense est responsable de la préparation et de la mise en œuvre de la politique de défense. Il est en particulier chargé de l'infrastructure militaire comme de l'organisation, de la gestion, de la mise en condition d'emploi et de la mobilisation des forces armées.
« Il a autorité sur les armées et leurs services. Il veille à ce que les armées disposent des moyens nécessaires à leur entretien, leur équipement et leur entraînement. Il est responsable de leur sécurité.
« Il est également chargé :
« - de la prospective de défense ;
« - du renseignement extérieur et du renseignement d'intérêt militaire ;
« - de l'anticipation et du suivi des crises intéressant la défense ;
« - de la politique industrielle et de recherche et de la politique sociale propres au secteur de la défense.
« Il contribue à l'élaboration et à la mise en œuvre de la politique d'exportation des équipements de défense.
« En matière de communication, de transports, et pour la répartition des ressources générales, le ministre de la défense dispose, dès la mise en garde définie à l'article L. 2141-1, d'un droit de priorité.
« Section 2
« Intérieur
« Art. L. 1142–2. - Le ministre de l'intérieur est responsable de la préparation et de l'exécution des politiques de sécurité intérieure et de sécurité civile qui concourent à la défense et à la sécurité nationale et il est, à ce titre, sur le territoire de la République, responsable de l'ordre public, de la protection des personnes et des biens ainsi que de la sauvegarde des installations et ressources d'intérêt général.
« À ce titre :
« 1° Il est chargé de l'anticipation et du suivi des crises susceptibles d'affecter la sécurité intérieure et la sécurité civile ;
« 2° Il contribue à la planification interministérielle en matière de sécurité nationale. Il prépare les plans à dominante d'ordre public, de protection et de sécurité civiles ;
« 3° Il assure la conduite opérationnelle des crises ;
« 4° Il s'assure de la transposition et de l'application de l'ensemble de la planification gouvernementale par les représentants de l'État dans les zones de défense et de sécurité, les départements et les collectivités d'outre-mer ;
« 5° Il est responsable du renseignement intérieur, sans préjudice des compétences des ministres chargés de l'économie et du budget.
« En matière de sécurité économique, sous réserve des compétences du ministre de la défense dans le domaine de l'armement, le ministre de l'intérieur assure la protection du patrimoine matériel et immatériel de l'économie française.
« Son action s'exerce sur le territoire en liaison avec les autorités militaires en s'appuyant sur le représentant de l'État dans les zones de défense et de sécurité.
« Section 3
« Économie et budget
« Art. L. 1142–3. - Le ministre chargé de l'économie est responsable de la préparation et de l'exécution de la politique de sécurité économique. Il prend les mesures de sa compétence garantissant la continuité de l'activité économique en cas de crise majeure et assure la protection des intérêts économiques de la Nation.
« Il oriente l'action des ministres responsables de la production, de l'approvisionnement et de l'utilisation des ressources nécessaires à la défense et à la sécurité nationale.
« Conjointement avec le ministre chargé du budget, il assure la surveillance des flux financiers.
« Art. L. 1142–4. - Le ministre chargé du budget contribue à la défense et à la sécurité nationale, notamment par l'action des services placés sous son autorité en matière de contrôle douanier.
« Art. L. 1142–5. - Le ministre chargé de l'économie et le ministre chargé du budget arrêtent les mesures d'ordre financier que nécessite la conduite de la guerre.
« Section 4
« Affaires étrangères
« Art. L. 1142–6. - Le ministre des affaires étrangères traduit, dans l'action diplomatique au niveau européen et au niveau international, les priorités de la stratégie de sécurité nationale et de la politique de défense.
« Il anime la coopération de défense et de sécurité.
« Il coordonne la gestion des crises extérieures ainsi que la planification civile de celles-ci avec le concours de l'ensemble des ministères et des services de l'État concernés.
« Il continue d'exercer ses attributions en matière d'action à l'étranger dans les cas prévus à l'article L. 1111-2.
« Section 5
« Justice
« Art. L. 1142–7. - Le ministre de la justice assure en toutes circonstances la continuité de l'activité pénale ainsi que l'exécution des peines.
« Il concourt, par la mise en œuvre de l'action publique et l'entraide judiciaire internationale, à la lutte contre les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation.
« Section 6
« Autres ministres
« Art. L. 1142–8. - Le ministre chargé de la santé est responsable de l'organisation et de la préparation du système de santé et des moyens sanitaires nécessaires à la connaissance des menaces sanitaires graves, à leur prévention, à la protection de la population contre ces dernières, ainsi qu'à la prise en charge des victimes.
« Il contribue à la planification interministérielle en matière de défense et de sécurité nationale en ce qui concerne son volet sanitaire.
« Art. L. 1142–9. - Les ministres chargés de l'environnement, des transports, de l'énergie et de l'industrie sont responsables, chacun en ce qui le concerne, en matière de maîtrise des risques naturels et technologiques, de transports, de production et d'approvisionnements énergétiques ainsi que d'infrastructures, de la satisfaction des besoins de la défense et de la sécurité nationale et, en toutes circonstances, de la continuité des services. »
M. le président. La parole est à M. André Vantomme, sur l'article.
M. André Vantomme. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la première fois depuis fort longtemps, la gendarmerie n’a pas sa place dans la loi de programmation militaire.
M. Daniel Reiner. Eh oui !
M. André Vantomme. En effet, la loi de programmation militaire, couplée avec la loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale qui a détaché la défense nationale de l’essentiel des missions de la gendarmerie, organise la toute-puissance du ministère de l’intérieur sur celui de la défense.
Le groupe socialiste le regrette, car nous sommes attachés à ce que deux forces concourent à la défense de la sécurité intérieure : la police, force civile, et la gendarmerie, force militaire pourvue des pouvoirs de police.
La dualité des forces de police est un grand principe républicain. C’est la garantie que les pouvoirs de police et de maintien de l’ordre ne relèvent pas tous d’une seule et même personne. C’est ce qu’on appelle un garde-fou, je dirais une garantie républicaine.
Le rattachement au ministère de l’intérieur met en danger l’existence même de la gendarmerie. Dans les prochaines années, la tentation sera forte de regrouper au sein de ce ministère l’organisation de la sécurité et les moyens qui y sont consacrés.
Les sénateurs, socialistes notamment, ont été très actifs pour combattre un dispositif qui, à terme, remettra en cause le statut militaire de la gendarmerie.
Dans les quelques minutes qui me sont réservées, je n’entends pas revenir sur un débat qui nous a longtemps occupés et divisés.
Je ne reprendrai pas les propos des uns et des autres, mais je veux adresser un message de sympathie et d’amitié à nos gendarmes.
Curieuse situation que vous réservez, monsieur le ministre, à ces femmes et à ces hommes qui ont choisi de servir la France sous l’uniforme, avec constance et dévouement, et qui se trouvent aujourd'hui exclus de la loi de programmation militaire.
Habitués à servir dans l’obéissance et la loyauté républicaine, ils retiendront très probablement leur sentiment et leur amertume.
Pour autant, il ne sera pas dit qu’ici, au Sénat, des sénatrices et des sénateurs qui auraient voulu une orientation différente quant à l’évolution de ces dossiers n’auront pas tenu à adresser un message de sympathie et de profond respect à la gendarmerie pour sa façon de servir la République, …
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Démagogie !
M. André Vantomme. … même si votre loi de programmation militaire, monsieur le ministre, les ignore aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 83 est présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 125 est présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Piras, pour présenter l'amendement n° 83.
M. Bernard Piras. Cet amendement tend à supprimer l’article 5.
Permettez-moi, à cet instant, de rappeler la définition d’une loi de programmation militaire, que je n’ai pas inventée, puisque je l’ai trouvée en surfant sur le site du ministère de la défense.
« La loi de programmation militaire, couvrant une durée égale à six années, est l’acte solennel par lequel le Parlement, sur proposition du Gouvernement, consacre l’adhésion de la Nation à la constitution de l’instrument militaire de la politique de défense. La loi de programmation militaire est ainsi au point de convergence de plusieurs domaines, politique, militaire, mais également industriel, économique et financier. Elle est également un sujet majeur d’intérêt pour un grand nombre d’acteurs de ces sphères. La programmation pluriannuelle des crédits permet à la Défense de planifier l’acquisition des équipements nécessaires à l’accomplissement des missions des armées. »
Après la lecture de cette définition, nous devrions tous nous interroger sur l’opportunité de l’article 5.
Cet article bouleverse l’organisation des pouvoirs publics en matière de défense et de sécurité. Il modifie le code de la défense suivant les nouvelles orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale relatives à l’organisation des pouvoirs publics en matière de défense et de sécurité nationale. Il organise, autour du Président de la République, une concentration inédite des pouvoirs, impliquant l’extension du domaine réservé.
Le rôle du Premier ministre et le vôtre, monsieur le ministre de la défense, se trouvent amoindris à la faveur d’une redistribution des responsabilités inspirée du modèle américain de « sécurité nationale ».
Seul le ministre de l’intérieur tire son épingle du jeu. Il existe un glissement des pouvoirs vers le ministre de l’intérieur qui, grâce au concept flou de sécurité nationale, voit ses compétences considérablement grossies en matière de « réponse aux crises majeures », tout en assurant « la conduite opérationnelle des crises ».
D’ailleurs il faudrait analyser de près cette notion de « crises majeures ». S’agit-il de la mise en cause des intérêts de la nation, de la sécurité de la population, d’une catastrophe naturelle ou industrielle ? Y aurait-il la tentation d’employer différemment les forces armées dans les situations de crise intérieure ?
Et vous, les RPR, et vous, monsieur le ministre, que pensez-vous de cette notion ?
Ce chapitre est, en réalité, « hors programmation » et pourrait mériter un traitement ad hoc et un débat particulier.
Il modifie le contenu de l’ordonnance n° 59–147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense, alors que cette ordonnance, intégrée dans le code de la défense, était devenue au fil du temps l’un des fondements du relatif consensus national sur les questions de défense.
En réalité, cet article est là pour faire adopter, sans véritable débat, les mesures préconisées par le Livre blanc du Président de la République.
Nous pensons qu’une autre démarche est possible : le Gouvernement devrait soumettre à la représentation parlementaire un projet de loi sur la nouvelle organisation des pouvoirs publics en matière de défense.
La Constitution n’est pas officiellement et légalement modifiée, mais sa pratique le sera. D’ailleurs, vous vous souvenez certainement, monsieur le ministre, que les parlementaires socialistes membres de la commission de rédaction du Livre blanc avaient démissionné pour protester contre l’ingérence du Président de la République dans les travaux de la commission.
Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, compte tenu de vos origines, je vous mets en garde sur l’intention de cette suppression.
Je sais que vous êtes tenus à un vote conforme, ce qui empêche tout débat, mais ce problème mérite sérieusement d’être débattu entre nous. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je vous rappelle, mon cher collègue, que, aux termes du règlement du Sénat, le signataire d’un amendement dispose d’un temps de parole de trois minutes pour en exposer les motifs !
M. Bernard Piras. Monsieur le président, le sujet méritait bien un temps de parole suffisant !
M. le président. Je ne vous ai pas interrompu, mais je le ferai la prochaine fois !
La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l'amendement n° 125.
Mme Michelle Demessine. L’article 5 est un des articles majeurs de cette loi.
On pourrait s’étonner de le voir figurer dans une loi de programmation militaire, car il traite d’une question institutionnelle de fond, qui est la réorganisation des pouvoirs publics pour les adapter à la nouvelle stratégie dite de « la sécurité nationale ».
Conscient du fait que votre projet de loi ne traitait pas que de programmation militaire, vous avez d’ailleurs, monsieur le ministre, prudemment ajouté dans son intitulé : « et diverses dispositions concernant la défense ».
Cela vous permet donc, par exemple, de modifier l’organisation des pouvoirs publics, de privatiser deux entreprises, ou encore de limiter le pouvoir d’investigation des juges.
Cette nouvelle notion de sécurité nationale est issue des réflexions menées dans le cadre du Livre blanc élaboré l’an dernier et approuvé par le Président de la République.
C’est une notion directement importée des États-Unis et qui est à l’origine de toutes les politiques publiques américaines de sécurité et de défense. Elle inspire aussi la réflexion actuellement en cours au sein de l’OTAN pour renouveler ses concepts stratégiques.
Bien que nous vivions dans un monde globalisé, je suis loin d’être persuadée qu’une telle notion corresponde à la vision que nous avons en France des risques et des menaces contre nos intérêts nationaux.
Mais je voudrais surtout, avec cet amendement de suppression, marquer notre profonde opposition aux modifications institutionnelles qu’implique cette notion, ainsi que notre refus de la concentration des pouvoirs qu’elle entraîne.
À travers cet article, on assiste en effet à une extension du champ de la sécurité et du champ des compétences du Président de la République. La défense nationale devient un sous-ensemble de la sécurité du pays, qui englobe déjà la sécurité intérieure.
Cet élargissement des notions implique une concentration pyramidale des pouvoirs du Président de la République. Sur les questions de sécurité, tout remonte à lui et tout procède de lui.
C’est ainsi que cet article 5 vise notamment à remplacer l’actuel conseil de défense, ainsi que le conseil de sécurité intérieure, par un seul organisme qui englobera l’ensemble.
Le champ de compétence de ce nouvel organisme sera extrêmement étendu, puisqu’il couvrira toutes les questions et toutes les politiques ayant trait à la défense et à la sécurité nationale.
Quand on sait que ce nouveau conseil de défense et de sécurité nationale, présidé par le chef de l’État, se déclinera en formations spécialisées restreintes qui seront toutes, elles aussi, présidées par lui, en particulier pour le renseignement, on mesure l’étendue du contrôle et des pouvoirs présidentiels sur la sécurité du pays.
J’ajouterai enfin que nous débattons aussi de la création d’un organisme qui existe déjà depuis quelques mois, puisque le conseil national du renseignement, l’une des formations spécialisées du conseil de défense et de sécurité nationale, est déjà en place ; son coordonnateur a été nommé il y a quelques mois. Il s’agit, là encore, d’un bel exemple d’organisme fonctionnant avant même que la loi ne soit votée !
Ne voulant ni cautionner ce déséquilibre institutionnel ni approuver cette présidentialisation sans partage et sans contrôle de la sécurité du pays, nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement de suppression de l’article 5.
M. Didier Boulaud. Cela s’appelle la monocratie !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. La commission ne souhaite pas de modification au texte de l’article 5, tel qu’elle l’a approuvé. Elle est donc défavorable à l’ensemble des amendements déposés sur cet article, qu’il s’agisse des deux amendements actuellement en discussion ou des suivants.
Je voudrais revenir sur un certain nombre d’arguments qui ont été avancés à l’encontre de cet article 5, qui actualise sans les bouleverser les dispositions sur l’organisation des pouvoirs publics en matière de défense qui dataient de l’ordonnance de 1959.
Il y a d’abord le débat sur la notion de « défense et sécurité nationale », qui a été mise en avant par le Livre blanc et dans laquelle certains voudraient voir un changement fondamental de nos conceptions politiques.
Il faut, sur cette question, revenir aux explications extrêmement précises qui ont été données dans les travaux du Livre blanc. La stratégie de sécurité nationale prend en compte « tous les phénomènes, risques et menaces susceptibles de porter atteinte à la vie de la nation », quelles que soient leur nature – militaire ou non militaire – et leur origine, intérieure ou extérieure.
Il s’agit simplement de constater une réalité, à savoir qu’il n’y a plus de césure tranchée entre la sécurité extérieure et la sécurité intérieure, et que les vulnérabilités qui affectent notre territoire ou notre population sont non plus le fait de moyens militaires classiques, mais au contraire celui de modes opératoires qui cherchent à contourner nos moyens militaires ou notre puissance technologique.
Il est donc nécessaire d’avoir une vision plus globale de notre sécurité et de décloisonner les pouvoirs publics pour accélérer les processus de décision et de réaction face aux crises. C’est d’ailleurs ce qu’attendent nos concitoyens, qui ne se soucient pas de savoir si tel ou tel moyen relève plutôt de la défense que de la sécurité !
Par ailleurs, la sécurité nationale ne se confond pas avec la sécurité intérieure. Cela est dit très clairement dans le Livre blanc : la sécurité quotidienne et individuelle des personnes et des biens, c’est-à-dire l’action courante des forces de police et de gendarmerie, ne relève en rien de la sécurité nationale. Il ne peut pas y avoir de confusion sur ce point.
À l’inverse, on voit bien que les moyens importants que la programmation consacre à la fonction « connaissance et anticipation » participent à la sécurité nationale, au sens large, et pas seulement à la défense, au sens strictement militaire du mot, ce qui est bien évidemment le cas du renseignement et de ses moyens humains et techniques.
En outre, on ne peut que s’étonner du trouble que suscite l’association des mots « défense » et « sécurité », alors que depuis des années chacun parle d’une « politique européenne de sécurité et de défense », sans que cela provoque le moindre état d’âme ou la moindre discussion ! Nous souhaitons donc conserver cette notion de « défense et sécurité ».
Une autre objection émise à propos de l’article 5 réside dans l’idée que cet article entraînerait une excessive concentration des pouvoirs entre les mains du Président de la République.
M. Didier Boulaud. C’est pourtant vrai !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. La Constitution n’a pas changé sur ce point. Elle donne au Président de la République des responsabilités éminentes. Il est, selon son article 5, « le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités », ce qui le place, pour tout ce qui touche à la défense et à la sécurité nationale, dans une situation particulière, très différente de celle qu’il peut avoir dans les autres domaines de l’action gouvernementale. Il est ainsi, conformément à l’article 15 de la Constitution, le chef des armées et il « préside les conseils et comités supérieurs de la défense nationale. » Son élection au suffrage universel direct, puis le quinquennat, n’ont fait que renforcer sa responsabilité en la matière.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas une réussite !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Par ailleurs, le rôle du Premier ministre n’est pas modifié ; il est même précisé. En effet, le Premier ministre est étroitement associé, avec les ministres concernés, aux travaux placés sous l’autorité du Président. Il n’y a donc pas lieu de voir dans l’adaptation du dispositif le signe d’une quelconque dérive.
L’un des points importants est la création du conseil national du renseignement, qui remplace effectivement une instance qui relevait de Matignon – le comité interministériel du renseignement –, dont chacun s’accorde à dire qu’elle ne parvenait pas à jouer son rôle.
La coordination du renseignement depuis l’Élysée, avec la mission qui a été confiée à M. l’ambassadeur Bernard Bajolet, constitue, de mon point de vue, une avancée très positive.
L’inscription du conseil national du renseignement dans la loi, grâce à l’article 5, me semble donc particulièrement utile. Par conséquent, la commission est défavorable à tous les amendements déposés sur cet article. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Morin, ministre. Il est tout de même heureux que ce projet de loi de programmation militaire soit en cohérence avec le Livre blanc. C’est la moindre des choses !
J’ai déjà évoqué, notamment hier, en réponse à M. Chevènement, à propos du conseil national du renseignement, la nécessité d’une coordination.
À cet égard, le fait que nous ayons, comme aujourd’hui, un « conseil de défense », ou bien, comme ce sera le cas demain, un « conseil de défense et de sécurité nationale », ne change en rien les responsabilités et les attributions du Président de la République, qui, sous toutes les majorités et quel que soit le titulaire de la fonction, a toujours eu une place éminente dans la définition des grandes orientations en matière de défense et de sécurité de notre pays.
Le présent article 5, d’une part, tire les conséquences du Livre blanc et, d’autre part, redéfinit les attributions de chaque ministre. Voilà qui me semble aller plutôt dans le bon sens, cinquante ans après l’ordonnance de 1959 !
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud, pour explication de vote.
M. Didier Boulaud. En ce qui concerne la concentration des pouvoirs à l’Élysée, qu’aucun de nos collègues de la majorité ne semble vouloir percevoir – libre à eux ! – pour notre part, nous estimons quelle existe dans tous les domaines. J’ai lu aujourd’hui, dans un hebdomadaire, que la flotte des avions mis à l’usage des ministres, jusqu’à présent gérée par Matignon, le serait désormais directement par l’Élysée. Si ce n’est pas une preuve de la concentration de tous les pouvoirs… (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
En ce qui concerne le conseil national du renseignement, je voudrais que les choses soient bien claires : nous n’avons pas contesté la mise en place de ce conseil, pas plus que nous ne mettons en cause le rôle du coordonnateur du renseignement.
Ce que nous contestons, c’est le rattachement de ce conseil au Président de la République et, pour être précis, sous l’autorité du secrétaire général de l’Élysée, qui est situé hiérarchiquement au-dessus du coordonnateur du renseignement.
Vous nous expliquez que le rôle du Premier ministre reste éminent, mais chacun a pu s’apercevoir au contraire du caractère éminent qu’avait acquis le secrétaire général de l’Élysée !
Mme Dominique Voynet. C’est M. Guéant le vrai Premier ministre !
M. Didier Boulaud. Il est d’ailleurs devenu courant de dire qu’aujourd’hui le Gouvernement a changé de rive et qu’il est désormais situé au 55, rue du Faubourg Saint-Honoré. Tous les pouvoirs y sont concentrés, y compris ceux du ministère de la défense !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 83 et 125.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de quatorze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 84, présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Le Gouvernement déposera, à l'ouverture de la prochaine session ordinaire 2009-2010, un projet de loi sur l'organisation des pouvoirs publics en matière de défense.
La parole est à M. Michel Boutant.
M. Michel Boutant. Il s'agit, par l’intermédiaire de cet amendement, de permettre au Gouvernement d'organiser un débat parlementaire sur les changements importants qu'il souhaite introduire dans l'organisation des pouvoirs publics en matière de défense.
Cet amendement tend à proposer au Gouvernement d’engager avec la représentation nationale un débat spécifique sur l’évolution de l’organisation des pouvoirs publics en matière de défense dans laquelle il souhaite se lancer.
Il s’agit simplement d’une question de cohérence, mes chers collègues. En effet, les nombreuses modifications contenues dans cet article imposent un débat en profondeur.
L’article 5 modifie le code de la défense suivant les nouvelles orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale relatives à l’organisation des pouvoirs publics en matière de défense et de sécurité nationale.
Le contenu de l’ordonnance n° 59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense est très profondément modifié. Une concentration des pouvoirs inédite est ainsi réorganisée autour du Président de la République, jusque dans le détail, comme vient de le rappeler notre collègue Didier Boulaud.
Le rôle du Premier ministre et celui du ministre de la défense se trouvent du coup atténués sous l’effet d’une redistribution des responsabilités. Le concept de « sécurité nationale », à la fois mal défini et imprécis, prend la place de celui de « défense nationale ».
En revanche, le ministre de l’intérieur voit son champ de compétences élargi.
M. Didier Boulaud. Eh oui !
M. Michel Boutant. N’oublions pas qu’il hérite en outre d’une force à statut militaire, du moins pour le moment : la Gendarmerie. La « sécurité nationale » résonne fortement comme une nouvelle déclinaison de la « sécurité intérieure ».
La mise en œuvre d’une politique qui mélange les notions de sécurité et de défense tend à créer une zone commune, sans frontières nettes, où la politique de défense et la sécurité intérieure semblent avoir fusionné.
Voilà donc qui mérite, encore une fois, un débat plus approfondi. Le transfèrement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur est déjà une conséquence de cette tendance imposée par l’exécutif.
En l’état actuel du texte, le Gouvernement voudrait nous faire voter une loi de programmation dans laquelle les modifications du code de la défense suivent les nouvelles orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
Le groupe socialiste pense que l’importance des dispositions nouvelles impose un débat devant la représentation nationale.
M. le président. Les amendements nos 5 rectifié et 124 sont identiques.
L'amendement n° 5 rectifié est présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.
L'amendement n° 124 est présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Au début du premier alinéa du texte proposé par le 1° de cet article pour l'article L. 1111-1 du code de la défense, remplacer les mots :
La stratégie de sécurité nationale a
par les mots :
Les stratégies de défense et de sécurité nationales ont
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié.
M. Jean-Pierre Chevènement. Il s’agit de distinguer la stratégie de défense et celle de sécurité nationale.
L’idée selon laquelle la stratégie de sécurité nationale doit englober aussi bien la défense que la sécurité est tout à fait contestable, comme l’ont dit avant moi d’autres intervenants.
Il s’agit d’ailleurs d’une doctrine fort peu nationale, qui nous vient d’Amérique et qui est grosse de dérives potentielles…
M. Didier Boulaud. Exactement !
M. Jean-Pierre Chevènement. … par le glissement que connaît la notion d’« ennemi ». Celle-ci en arriverait à désigner une sorte d’ennemi intérieur, qui pourrait être un contestataire…
Or il faut éviter de criminaliser des attitudes que l’on peut par ailleurs désapprouver et critiquer. Nous sommes en République ! Il y a là un danger que vous ne semblez pas apercevoir.
Cette idée de sécurité nationale, qui nous vient des États-Unis, nous a placés, d’une certaine manière, à la remorque de la politique de guerre contre la terreur définie par M. Bush. Or on voit que la politique américaine est sujette à certains changements de cap, qu’il s’agisse de l’Irak, de l’Iran, de l’Afghanistan ou du Pakistan. Sommes-nous consultés quand interviennent des changements d’orientation ?
Un conseil national du renseignement pourquoi pas ? Mais il est tout à fait possible d’établir les connexions, quand il y en a, au moyen des structures existantes.
Je crois me souvenir que le ministre de l’intérieur peut être invité à participer aux conseils de défense. Je ne vois donc pas de raison de changer ce qui existe et qui fonctionne bien. La nouvelle structure mise en place ne manquera pas de susciter des débats dont on aurait très bien pu se passer et privilégiera une conception de la sécurité nationale qui se révélera, en définitive, très peu opératoire et pleine de risques.
M. Didier Boulaud. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l’amendement n° 124.
Mme Michelle Demessine. Cet article 5, qui vise à adapter l’organisation des pouvoirs publics à la nouvelle stratégie de sécurité nationale définie par le Livre blanc, entretient, cela a déjà été dit à plusieurs reprises, une confusion entre des notions et des domaines différents.
La définition de la sécurité nationale donnée dans cet article, par son caractère globalisant et peu précis, dilue totalement la notion de défense nationale et en fait une composante parmi d’autres de la sécurité nationale.
Dans cette conception de la sécurité nationale, les risques et la nature des menaces ne sont pas hiérarchisés.
Tout peut devenir une menace, la prolifération nucléaire, bien sûr, les attentats terroristes, évidemment. Mais les attaques informatiques, les tensions nées de l’accès aux ressources naturelles, les pandémies ou bien encore les catastrophes naturelles doivent-elles être mises sur le même plan ?
Quand tout devient menace, les défenses et les réponses adaptées sont beaucoup plus difficiles à concevoir.
Surtout, si l’on partage cette conception des choses, les menaces contre le pays et la population sont multiformes et tellement diffuses qu’elles peuvent provenir de partout, de l’extérieur, mais aussi de l’intérieur. Et pourquoi pas même de certaines catégories de la population ? (M. le ministre exprime son désaccord.)
Afin d’éviter de tels risques de dérives dangereuses pour notre État républicain et démocratique, nous proposons, par cet amendement, de bien distinguer la politique de la défense nationale de celle de la sécurité nationale.
MM. Didier Boulaud et Daniel Reiner. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 91, présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au début du premier alinéa du texte proposé par le 1° de cet article pour l’article L. 1111-1 du code de la défense, remplacer les mots :
La stratégie de sécurité nationale
par les mots :
La stratégie de défense
La parole est à M. André Vantomme.
M. André Vantomme. Nous proposons de modifier le premier alinéa du texte proposé par le 1° de l’article 5 pour l’article L. 1111-1 du code de la défense afin de remplacer les mots « stratégie de sécurité nationale » par les mots « stratégie de défense ».
Cela a déjà été dit, cet article 5 apporte des modifications majeures parce qu’il organise, autour du Président de la République, une concentration des pouvoirs inédite. Les rôles du Premier ministre et du ministre de la défense se trouvent amoindris à la faveur d’une redistribution des responsabilités inspirée du modèle américain de « sécurité nationale ».
Par ailleurs, le concept de stratégie de sécurité nationale, à la fois mal défini et imprécis, se substitue à celui de stratégie de défense nationale. Nous l’avions d’ailleurs déjà critiqué lors de la présentation du Livre blanc.
À notre sens, il convient de ne pas entretenir la confusion entre sécurité, défense, sécurité nationale, sécurité intérieure.
Le Livre blanc aurait dû être discuté et voté par le Parlement, pour avoir une vision globale de la défense et de la sécurité dans un cadre européen et, en conséquence, définir la stratégie à suivre et les moyens à employer.
La « sécurité nationale » semble n’être qu’une nouvelle façon d’habiller la « sécurité intérieure » Or, celle-ci ne doit pas être confondue avec la sécurité et la défense.
La mise en œuvre d’une politique mêlant les notions de sécurité et de défense tend à créer une zone commune, sans frontières, où la politique de défense et celle de sécurité intérieure paraissent fusionnées.
L’article 15 de la Constitution précise : « Le Président de la République est le chef des armées. Il préside les conseils et comités supérieurs de la Défense nationale. » Il y est question non pas de sécurité nationale, mais de défense nationale. Puisque le Gouvernement propose maintenant ces changements, faudra-t-il, monsieur le ministre, réviser de nouveau la Constitution ?
M. Didier Boulaud. Eh oui !
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié, est ainsi libellé :
Dans première phrase du dernier alinéa du texte proposé par le 1° de cet article pour l’article L. 1111-1 du code de la défense, après les mots :
l’intégrité
insérer les mots :
et l’indépendance
Monsieur Chevènement, voulez-vous présenter en même temps les sept amendements suivants ?
M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le président, vous me confiez une tâche bien difficile, voire totalement impossible, car ces amendements n’ont pas le même objet !
Par l’amendement n° 4 rectifié, nous proposons de préciser que la politique de défense a pour objet d’assurer non seulement l’intégrité du territoire et la protection de la population contre les agressions armées, comme l’article 5 le prévoit d’ores et déjà, mais aussi l’indépendance du territoire.
L’indépendance, pour un pays, est l’acquisition ou la préservation de son entière souveraineté, alors que l’intégrité territoriale repose simplement sur le droit d’un État à préserver ses frontières. Ce sont donc deux notions différentes.
Le fait de faire référence à l’indépendance dans la rédaction du texte me semble une précision particulièrement opportune. Dans le contexte actuel, marqué par la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, par l’émergence de concepts nouveaux comme celui de sécurité nationale et dans un monde de plus en plus multipolaire et interdépendant, notre pays aura bien du mal à faire entendre sa voix.
Or je suis de ceux qui pensent que la France doit être capable de se faire entendre : même si elle est à certains moments isolée ou tout du moins paraît l’être, les événements viennent en quelque sorte à son secours, comme on l’a vu, en 2003, au moment de l’invasion de l’Irak.
Monsieur le président, pour en revenir à votre sollicitation, je vous demande de bien vouloir faire voter dès à présent cet amendement n° 4 rectifié, étant entendu que je suis tout à fait disposé à défendre en un seul bloc les sept amendements suivants, qui, eux, sont effectivement similaires dans la mesure où ils ont tous trait à la confusion entre les notions de défense et de sécurité intérieure. (M. le ministre et M. le rapporteur expriment leur accord.)
Sans doute ne suis-je pas suffisamment initié aux arcanes de notre règlement, mais cela m’étonnerait que ce dernier ne prévoie pas une telle procédure, qui, en l’occurrence, est la plus logique.
M. Didier Boulaud. Très bien !
M. le président. Monsieur Chevènement, je partage votre souci de contribuer à la clarté du débat. Néanmoins, dans la mesure où cet amendement fait partie d’un ensemble d’amendements qui font l’objet d’une discussion commune, je ne peux accéder à votre demande sans recueillir au préalable l’accord de l'ensemble de vos collègues.
Je consulte donc le Sénat sur cette demande de mise aux voix immédiate de l’amendement n° 4 rectifié.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. J’ai déjà exprimé un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Les sept amendements suivants sont présentés par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.
L’amendement n° 3 rectifié est ainsi libellé :
Supprimer le 2° de cet article.
L’amendement n° 2 rectifié est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du 3° de cet article, supprimer les mots :
et de sécurité
L’amendement n° 1 rectifié est ainsi libellé :
À la fin du second alinéa du b du 4° de cet article, supprimer les mots :
et de sécurité
L’amendement n° 6 rectifié est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 5° de cet article pour l’article L. 1121-1 du code de la défense, supprimer les mots :
et de sécurité nationale
L’amendement n° 7 rectifié est ainsi libellé :
À la fin du second alinéa du a du 7° de cet article, remplacer les mots :
de sécurité nationale
par les mots :
de défense et de sécurité nationales
L’amendement n° 8 rectifié est ainsi libellé :
Supprimer le 8° de cet article.
L’amendement n° 9 rectifié est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le 9° de cet article pour l’article L. 1142-2 du code de la défense, remplacer le mot :
nationale
par le mot :
nationales
Vous avez la parole pour défendre ces amendements, monsieur Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Ces amendements ont tous pour objet de rétablir la distinction entre la politique de défense et la politique de sécurité nationale. Certains sont des amendements rédactionnels, d’autres de suppression, mais en aucun cas ils ne peuvent apparaître comme des amendements de pure forme, tant il n’y a pas lieu de confondre les militaires et les policiers, dont les métiers sont très différents.
Si, je peux en témoigner par mon expérience personnelle, le ministre de l’intérieur est bien entendu vigilant sur les questions de terrorisme et de filières de recrutement, celles-ci l’occupent très peu. Il est donc véritablement regrettable d’en arriver à une telle confusion.
Je m’attarderai un instant sur l’amendement n° 8 rectifié, qui vise à supprimer le 8° de l’article 5. Chaque ministre est responsable de la préparation et de l’exécution des mesures de défense incombant à son département. Il serait grave que cette responsabilité soit étendue à la politique de sécurité, car, dès lors, ce sont l'ensemble des ministres qui ne manqueront pas de se mêler de tout ce qui a trait à la sécurité. Monsieur le ministre, vous introduisez par cet article une confusion inimaginable !
M. Didier Boulaud. Comme tous les pouvoirs sont désormais concentrés entre les mains d’un seul, cela n’a plus d’importance !
M. le président. Les deux amendements suivants sont présentés par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin, MM. Desessard, Muller, Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L’amendement n° 43 est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par le 9° de cet article pour l’article L. 1142-6 du code de la défense, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Il assure une veille permettant d’identifier les foyers de tensions potentielles et de mobiliser les outils de prévention des conflits dans un cadre multilatéral.
L’amendement n° 44 est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le second alinéa du texte proposé par le 9° de cet article pour l’article L. 1142-7 du code de la défense :
« Il concourt, par la mise en œuvre de l’action publique et l’entraide judiciaire internationale, à la lutte contre les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, contre la corruption et le blanchiment d’argent sale.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. L’amendement n° 43 a pour objet de compléter l’article L. 1142-6 du code de la défense, qui définit les responsabilités du ministre des affaires étrangères dans le domaine de la défense et de la sécurité nationale.
Lors du débat, j’ai déjà eu l’occasion d’expliquer combien les fonctions de médiation et de prévention des conflits revêtaient un caractère essentiel et qu’elles pouvaient prendre différents aspects. Il convient d’appeler à la mise en place de moyens institutionnels d’ampleur capables de relayer l’action des ONG.
Dans cet amendement, nous insistons tout particulièrement sur le rôle du ministre des affaires étrangères, qui est le mieux à même d’assurer une veille permettant d’identifier les foyers de tensions potentielles et de mobiliser les outils de prévention des conflits dans un cadre multilatéral.
Par ailleurs, l’amendement n° 44 vise à compléter les responsabilités du ministre de la justice dans le domaine de la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent sale.
Je l’ai rappelé ce matin ici même en évoquant certaines des études qui ont été réalisées à ce sujet, la corruption est un frein au déploiement des politiques publiques, au développement, à l’essor démocratique et à la stabilité politique. Nous ne sommes pas naïfs au point de penser que cette plaie gangrénerait uniquement les pays d’Afrique ou les îles du Pacifique et que nos démocraties en seraient exemptes. Nous savons que ces mécanismes de corruption locale ou nationale ont des implications internationales, ne serait-ce que parce qu’aujourd’hui les échanges économiques et les déplacements se font à l’échelle mondiale et que la déréglementation financière a offert bien des facilités pour dissimuler les méfaits des corrupteurs et des corrompus.
Monsieur le ministre, l’impact sur la paix ne peut être sous-estimé. Si le ministre de la justice concourt effectivement à la coopération judiciaire internationale, il me semble nécessaire de mettre l’accent sur son action à mener contre la corruption et la délinquance financière, qui constituent des modes particulièrement graves d’atteinte aux intérêts fondamentaux de notre pays.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les treize amendements restant en discussion ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. J’ai déjà émis l’avis défavorable de la commission sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Morin, ministre. J’ai moi aussi déjà émis le même avis défavorable du Gouvernement sur ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 rectifié et 124.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’article 5.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, mes chers collègues, s’il y a beaucoup de très bonnes choses dans ce projet de loi de programmation militaire, la confusion entretenue à cet article entre sécurité et défense ne me semble pas appropriée. Je vous rappelle que le texte relatif à la fusion de la police et de la gendarmerie n’est même pas encore définitivement adopté par le Parlement.
La confusion des genres, qui a déjà fait ses preuves un certain 16 juillet 1942, est donc porteuse d’un certain nombre de dangers.
C’est pourquoi j’avais voté contre cet article en commission. Je ferai de même ce soir.
M. le président. Je mets aux voix l’article 5.
(L’article 5 est adopté.)
CHAPITRE III
MESURES DE COMPENSATION DE L'EXPOSITION DE CERTAINS PERSONNELS À DES RISQUES PROFESSIONNELS D'INSALUBRITÉ
Article 6
I. - Les services accomplis dans son nouvel emploi par un ouvrier de l'État du ministère de la défense ayant été muté ou déplacé depuis le 1er janvier 1997 dans le cadre d'une restructuration ou d'une réorganisation et ayant au préalable effectué au moins dix ans de travaux dans un emploi comportant des risques particuliers d'insalubrité sont considérés, dans la limite de cinq ans, comme ayant inclus l'exécution de travaux insalubres. Ils permettent la liquidation d'une pension de retraite dès l'âge de cinquante-cinq ans au titre de l'exposition à des risques d'insalubrité.
II. - La liste des services et fonctions considérés comme faisant l'objet d'une restructuration ou d'une réorganisation est fixée par arrêté ministériel. – (Adopté.)
CHAPITRE IV –
DISPOSITIONS RELATIVES AUX MODALITÉS DE CESSION DES INSTALLATIONS DE LA DÉFENSE ET DE LA RÉINDUSTRIALISATION
Article 7
(Supprimé)
Article 8
Le III de l'article 73 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière est ainsi rédigé :
« III. - Jusqu'au 31 décembre 2014, par dérogation aux dispositions de l'article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques, les immeubles affectés au ministère de la défense peuvent être remis au service chargé des domaines en vue d'une cession sans que ces immeubles soient reconnus comme définitivement inutiles à l'État. »
M. le président. La parole est à M. Michel Boutant, sur l'article.
M. Michel Boutant. L’article 8 du projet de loi qui nous est soumis est, en apparence, d’une importance secondaire par rapport au reste du projet de loi dont notre assemblée est saisie. Loin des débats fondamentaux relatifs à la définition de notre doctrine de défense nationale, de sécurité intérieure, au financement de nos armées, ou encore aux frontières du secret défense, ne s’agit-il pas, en effet, de la simple prolongation d’un régime dérogatoire dont bénéficient déjà et depuis le 1er janvier 1987, les immeubles appartenant au ministère de la défense au moment de leur cession par l’État ?
C’est effectivement le cas, mais il me semble que cette prolongation offre justement l’opportunité idéale de s’interroger sur la pertinence d’un dispositif qui permet au ministère de la défense de contourner un système qui s’impose pourtant à l’ensemble des autres administrations.
Le code général de la propriété des personnes publiques prévoit, en effet, que lorsqu’un ministère souhaite vendre un immeuble dont il n’a plus besoin, il doit proposer aux autres services de l’État ledit immeuble avant de pouvoir procéder à la vente.
Ce n’est que lorsque l’immeuble est reconnu inutile par tous les services de l’État que le ministère peut le remettre au service chargé des domaines afin que celui-ci procède à la vente effective.
En 1986, le législateur a jugé cette procédure trop longue et a estimé que la spécificité des immeubles détenus par le ministère de la défense devait autoriser ce ministère à déroger à ces règles et à pouvoir remettre les immeubles concernés au service chargé des domaines sans pour autant devoir consulter au préalable les autres services de l’État. Cette dérogation était, toutefois, limitée à une durée de vingt-deux ans commençant au 1er janvier 1987.
Vous l’aurez compris, c’est cette dérogation que l’article 8 vise à prolonger car, à compter du 1er janvier 2010, le ministère de la défense sera de nouveau soumis au droit commun des ventes d’immeubles par l’État, au moment même où la réorganisation du ministère va le conduire à libérer de très nombreuses emprises.
Le Gouvernement estime que, pour assurer au mieux la reconversion des sites concernés, il est absolument indispensable de prolonger le régime dérogatoire qui permet au ministère de la défense de céder des immeubles appartenant à l’État sans se soucier des besoins des autres administrations. Il me semble, pourtant, qu’une bonne gestion des biens publics impose cette concertation, y compris s’il s’agit d’immeubles affectés au ministère de la défense.
Au vu de certaines mésaventures intervenues ces dernières années - je pense, par exemple, au rachat par l’État du bâtiment de l’Imprimerie nationale pour 376 millions d’euros après l’avoir vendu 85 millions d’euros quelques années auparavant -, il me semble qu’en réalité chaque cession d’un immeuble appartenant à l’État devrait être mûrement réfléchie au regard des besoins de l’ensemble des administrations et services de l’État ou de ses satellites. Car s’il est une leçon à retenir de la mésaventure de la vente de l’Imprimerie nationale, c’est bien que la vente précipitée d’un immeuble ne rapporte rien à l’État et risque même, au contraire, de lui coûter très cher !
C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste refuse la prolongation du système dérogatoire dont bénéficie le ministère de la défense et demandera la suppression de cet article.
M. le président. L'amendement n° 87, présenté par MM. Boutant, Boulaud, Reiner, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Boutant.
M. Michel Boutant. Je viens de défendre cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 86, présenté par MM. Boutant, Boulaud, Reiner, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'est envisagée la cession d'immeubles affectés au ministère de la défense et compris dans un site ayant fait l'objet d'une décision de restructuration prise par le ministre de la défense, les organismes d'habitation à loyer modéré mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation doivent être préalablement consultés par le service chargé des domaines sur les projets de cession, afin de leur permettre de soumettre une proposition d'acquisition. Un décret détermine les modalités de cette consultation et les conditions d'examen des propositions d'acquisition auxquelles elle donne lieu. »
La parole est à M. Michel Boutant.
M. Michel Boutant. Cet amendement est un amendement de repli au cas où l’article 8 ne serait pas supprimé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 87 et 86 ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 87, car elle souhaite le maintien de l’article 8.
S’agissant de l’amendement n° 86, je rappellerai que le ministère de la défense a d’ores et déjà pris des contacts pour transformer certains sites qu’il souhaite vendre en logements sociaux, notamment à Paris. Il existe beaucoup de sites libérés qui ne sont pas adaptés à une reconversion en logements.
La commission a considéré que la procédure de consultation systématique n’était pas appropriée. Et comment cet amendement pourrait-il s’articuler avec les dispositions existantes du code des domaines qui prévoient déjà une procédure de publicité ? Comment serait-il compatible avec les dispositions spécifiques de cession à l’euro symbolique aux collectivités locales dans le cadre des restructurations ?
La commission est donc également défavorable à l’amendement n° 86.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les deux amendements ?
M. Hervé Morin, ministre. Nous souhaitons que la cession puisse intervenir rapidement. Compte tenu de l’hétérogénéité de notre parc, la consultation de l’ensemble des services de l’État nous ferait perdre un temps précieux, notamment pour la reconversion des sites. C’est la raison pour laquelle nous voulons la prolongation et sommes défavorables à l'amendement n° 87.
S’agissant de l’amendement n° 86, je dirai que nous sommes les premiers à accéder à la demande d’une collectivité qui souhaite faire du logement social. Faut-il vous rappeler que chaque ville a à la fois un droit de priorité et un droit de préemption. Elle a donc tous les moyens d’imposer la construction de logements sociaux là où elle le souhaite, le cas échéant contre le désir de l’État.
M. le président. Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
Le deuxième alinéa de l'article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques est ainsi modifié :
1° Les mots : « au préalable » sont supprimés ;
2° Les mots : « confier au futur acquéreur le soin d'y faire procéder » sont remplacés par les mots : « subordonner la cession à l'exécution, dans le cadre de la réglementation applicable, par l'acquéreur, de ces mesures ou de ces travaux, ».
M. le président. L'amendement n° 45, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, MM. Desessard, Muller, Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement a, comme le suivant, fait l’objet d’une discussion relativement longue en commission. Je n’ai pas été convaincue par les arguments qui m’ont alors été opposés. Il me semble que la rédaction ambigüe de l’article 9 en porte une part de responsabilité.
Depuis 2007, le Président de la République et le Gouvernement, affichant des ambitions louables, se sont lancés dans une campagne de communication très efficace sur les questions environnementales. Le Grenelle de l’environnement n’est pas encore voté que, partout, on l’érige déjà en texte sacré !
Je ne ferai pas de commentaires sur le plan de relance de l’économie, qui fait la part belle aux solutions du passé, notamment en matière de transport routier, pour m’en tenir au secteur de la défense. Il faut admettre qu’il présente aujourd’hui de nombreuses opportunités d’agir pour la sauvegarde de l’environnement, notamment à l’occasion du démembrement d’infrastructures non utilisées ou de la reconversion possible de l’arsenal militaire. Il me semble, hélas, que rien n’est fait en ce sens !
Cet article 9 est l’antithèse même de ce que prétend être le Grenelle de l’environnement puisqu’il subordonne la cession d’un site à l’exécution par l’acquéreur des travaux de dépollution. Vous m’avez expliqué en commission, monsieur le ministre, que, pour vous, la phrase était claire : subordonner la cession d’un site à l’exécution ne voulait pas dire que l’État fuyait ses responsabilités en se dédouanant des nuisances et des pollutions commises du fait de ses activités. Pour moi, les choses ne sont pas aussi claires.
En effet, rien ne dit que l’État devra déduire du coût de cession du site le coût de sa remise en état, lequel excède souvent sa valeur même. On court là le risque que les anciens sites militaires – et il va y en avoir un certain nombre : quatre-vingt-trois seront fermés ces prochaines années ! – demeurent des sites pollués et non traités, portant atteinte à la santé publique des riverains.
M. le président. L'amendement n° 46, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, MM. Desessard, Muller, Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
I. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le délai dans lequel l'État est tenu de procéder à la dépollution et à la remise en bon état de ces immeubles, dans le cas où ils ne seraient plus utilisés et dans l'attente de leur cession, est fixé par décret. ».
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Á l’occasion de la présentation de cet amendement, je vais évoquer un cas tout à fait exemplaire, car il montre bien comment les couches de pollution se sont succédé au fil du temps. Il s’agit du polygone d’expérimentation de Pontfaverger à Moronvilliers, équipement du Commissariat à l’énergie atomique, rattaché à la direction des applications militaires d’Île-de-France.
À côté de ce polygone, on trouve plusieurs centaines de tonnes d’obus datant du début de la première guerre mondiale, qui sont stockés sans protection sur un site passoire. Plus tard ont été réalisés sur le site, en 1958, les premiers essais nucléaires pour le programme de la bombe atomique. Puis, plus tard encore, ont eu lieu des expériences de détonique et d’explosions chimiques avec des matériaux inertes.
Dans tous les cas, au moment où la fermeture d’un site est annoncée, la question se pose de savoir comment on va dresser le bilan de ce qui s’y trouve et comment on va le dépolluer. Le maire de la commune s’inquiète fortement.
Vous avez, monsieur le ministre, adressé en décembre 2007 un « plan d’action environnement du ministère de la défense » aux directeurs de l’administration centrale du ministère.
Ce plan prévoit que, chaque année à partir de 2008, « le ministère préparera un bilan environnemental de ses activités, portant notamment sur ses rejets gazeux et liquides, ses productions de déchets, ses consommations d’énergies et d’eau, ainsi qu’un bilan carbone ».
Á ma connaissance, monsieur le ministre, rien n’a été fait et rien n’a été publié. Mais, surtout, ce document est très peu bavard en ce qui concerne la remise en état des sites militaires.
Dans ces conditions, l’amendement n° 45 vise à revenir au régime commun et l’amendement n° 46 vise à fixer une échéance pour la remise en état de ces sites.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements n° 45 et 46?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. En commission, le ministre nous a donné des exemples très concrets de blocages que l’article 9 permettra de lever sans remettre en cause l’obligation légale de dépollution. Il n’y a donc pas lieu de le supprimer.
Quant à l’amendement n° 46, il est contraire à l’objet de l’article 9 puisqu’il tend à imposer à l’État la dépollution préalable avant cession, alors que le texte vise à permettre à l’acquéreur d’exécuter les travaux de dépollution. La commission y est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Morin, ministre. Au risque de lasser l’auditoire, je répéterai que nous sommes aujourd’hui encore propriétaires de terrains qui datent des plans de restructuration Joxe ou Léotard du début des années quatre-vingt-dix, parce que l’État n’a pas de quoi financer ces travaux de dépollution.
C'est la raison pour laquelle nous avons imaginé un dispositif qui devrait recueillir l’unanimité dans la mesure où, sous le contrôle de l’État, il permettra à l’acquéreur de procéder à la dépollution pour permettre la reconversion du site le plus rapidement possible.
Si la dépollution coûte plus cher que le site, l’État prendra, bien entendu, le différentiel à sa charge. Je rencontre régulièrement des députés, des sénateurs, des maires qui me réclament les moyens de réaliser par eux-mêmes la dépollution pour rendre la reconversion du site possible.
Comme je l’ai déjà dit, mon ministère possède à La Londe-les-Maures, dans le Var, un site de 13 ou 14 hectares situé en plein centre-ville et au bord du littoral. Le maire m’a demandé si j’envisageais de le débarrasser un jour de cette verrue.
Désormais, nous aurons les moyens de permettre aux collectivités de se lancer soit elles-mêmes, soit avec un promoteur privé, dans des travaux de dépollution. Tout cela se fera sous le contrôle de l’État.
Ce dispositif garantit les contrôles et donne les assurances nécessaires. En même temps, il permettra d’activer la reconversion des sites si nombreux dont l’État n’arrive pas, depuis dix ou vingt ans, à transmettre la propriété faute d’avoir les moyens de les dépolluer.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote sur l’amendement n° 45.
Mme Dominique Voynet. Nous avons déjà eu cette discussion en commission. Et je persiste à ne pas être convaincue !
J’ai proposé de préciser, en ajoutant un alinéa, que le prix de vente serait amputé du coût de la remise en état du site en incluant notamment les réparations environnementales.
Vous m’avez expliqué qu’il n’y avait pas de problème. Je dois me contenter de votre parole !
Or, dans les textes, il n’est nulle part prévu que l’État doit mettre « au pot » pour financer la dépollution lorsque le site est cédé à l’euro symbolique à une commune ou au conservatoire du littoral si ces derniers sont totalement incapables de financer cette dépollution.
Vous reconnaissez que l’État n’a pas de quoi financer ces dépollutions. Une sorte de pression sera donc exercée sur les communes pour qu’elles fassent à la place de l’État ce que ce dernier n’a pas su faire.
J’en conviens bien volontiers : tous les gouvernements qui se sont succédé se sont heurtés à la même difficulté, mais je constate qu’une commune confrontée à une verrue en plein cœur de son territoire n’aura guère le choix. Elle devra hériter du site pollué et se débrouiller.
Je comprends que ça ne vous fasse pas plaisir de l’entendre, mais vous faites un cadeau empoisonné à beaucoup de ces communes. De nombreux sites du conservatoire du littoral ont été utilisés par l’armée, sans diagnostic préalable. Certains d’entre eux ont servi de terrain d’entraînement et de manœuvres. Je suis à peu près certaine qu’aucun bilan sérieux de leur état sanitaire et de l’impact de celui-ci sur l’environnement n’a été réellement effectué.
M. le président. Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
CHAPITRE V –
OUVERTURE DU CAPITAL DE CERTAINES ENTREPRISES DU SECTEUR DE LA DÉFENSE
Article 10
I. - Les cinquième à neuvième alinéas de l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 (n° 2001-1276 du 28 décembre 2001) sont ainsi rédigés :
« Le transfert au secteur privé des filiales créées en application de l'alinéa précédent est autorisé dans les conditions prévues au titre III de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations. Les I à III de l'article 10 de la même loi sont applicables aux filiales transférées au secteur privé.
« Lorsque l'entreprise nationale apporte ou transfère l'une de ses activités à une société dont l'entreprise nationale détient, directement ou indirectement, la majorité du capital et des droits de vote, les ouvriers de l'État affectés à cette activité sont mis à la disposition de cette société dès la réalisation de l'apport ou du transfert. Les ouvriers de l'État affectés aux activités apportées ou transférées dans les conditions définies au présent alinéa bénéficient alors des droits reconnus aux salariés par les articles 6 à 28, 37, 40-1 et 40-2 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public dès lors que celle-ci s'applique à ladite société, les ouvriers de l'État étant pris en compte dans le calcul des effectifs de la société. Ils sont à ce titre électeurs et éligibles au conseil d'administration ou au conseil de surveillance de cette société.
« Lorsque l'entreprise nationale apporte ou transfère l'une de ses activités à une société dont l'entreprise nationale détient, directement ou indirectement, moins de la moitié et plus du tiers du capital et des droits de vote, les ouvriers de l'État affectés à cette activité sont mis à la disposition de cette société dès la réalisation de l'apport ou du transfert.
« Les ouvriers de l'État affectés aux activités apportées ou transférées en application des dispositions prévues aux deux alinéas précédents bénéficient, au sein des sociétés à la disposition desquelles ils sont mis, des droits reconnus aux salariés par les titres Ier à V du livre III de la deuxième partie du code du travail ainsi que par le titre Ier du livre VI de la quatrième partie du même code.
« En dehors des cas d'apport ou de transfert d'activités à des filiales visés au sixième alinéa du présent article, les ouvriers de l'État mis à la disposition de l'entreprise nationale peuvent, sur leur demande et avec l'accord de l'entreprise nationale, être mis à la disposition de toute société dont au moins un tiers du capital et des droits de vote est détenu, directement ou indirectement, par l'entreprise nationale, ou de tout groupement auquel participe l'entreprise nationale. Ils bénéficient des droits reconnus aux salariés énoncés dans le précédent alinéa. Lorsqu'ils sont mis à la disposition d'une société dont l'entreprise nationale détient, directement ou indirectement, la majorité du capital et des droits de vote, ils bénéficient des droits reconnus aux salariés par les articles 6 à 28, 37, 40-1 et 40-2 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 précitée dès lors que celle-ci s'applique à ladite société, les ouvriers de l'État étant pris en compte dans le calcul des effectifs de la société. À ce titre, ils sont alors électeurs et éligibles au conseil d'administration ou au conseil de surveillance de cette société. »
II. - Le dixième alinéa de l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 précitée est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les fonctionnaires et les militaires détachés auprès de l'entreprise nationale et employés à une activité transférée à une société dont l'entreprise nationale détient, directement ou indirectement, au moins un tiers du capital et des droits de vote, sont détachés auprès de cette société dès la réalisation du transfert.
« En dehors des cas de transfert d'activité à des filiales visés à l'alinéa précédent, les fonctionnaires et les militaires détachés auprès de l'entreprise nationale peuvent, à leur demande et avec l'accord de l'entreprise nationale, être détachés dans une société dont au moins un tiers du capital et des droits de vote est détenu, directement ou indirectement, par l'entreprise nationale ou de tout groupement auquel participe l'entreprise nationale. »
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quelques années, le ministère de la défense est en pleine évolution, mais l’année 2009 restera surement marquée d’une pierre noire.
En témoigne cette loi de programmation militaire qui entérine à la fois les conclusions du Livre blanc de la défense et les conséquences de la RGPP.
Cela a déjà été dit plus tôt dans le débat par mes collègues du groupe socialiste, si nous comprenons la nécessité de certaines évolutions, nous ne partageons pas le sens de celle que vous mettez en place, qui consiste principalement à externaliser les activités industrielles et de soutien, avec 54 000 suppressions d’emplois civils et militaires à la clé. Vous engagez en fait un véritablement démantèlement de notre outil de défense !
DCNS n’échappe pas à cette funeste règle comme le prouve l’article 10 du projet de loi, qui fait entrer l’entreprise dans le droit commun des privatisations.
En 2001, j’avais voté contre le changement de statut et en 2004, au nom du groupe socialiste, j’avais déjà exprimé mes craintes sur le risque d’éclatement de DCN et sa filialisation tous azimuts. On m’avait répondu, en substance, en 2004, qu’il n’y avait aucun risque et que le législateur avait prévu des garde-fous. Aujourd’hui, ce sont justement ces garde-fous qui sont remis en cause puisque, comme cela est écrit explicitement dans l’exposé des motifs du projet de loi, ils constituent des « obstacles » !
Mes chers collègues de la majorité, je me souviens des propos rassurants que tenait à l’époque le rapporteur du texte, notre ancien collègue Yves Fréville. Il se plaisait à souligner la protection garantie par le recours au législateur au-delà de certains seuils ou effectifs.
Aujourd’hui, en bonne logique libérale, c’est justement le recours au législateur qui est un obstacle, et il faut donc gommer tout signe de l’appartenance de DCNS au secteur public.
J’avoue, mes chers collègues, ne pas comprendre pourquoi la majorité qui, en 2004, – nombre d’entre vous étaient déjà au Sénat – avait sciemment jugé nécessaire de prévoir des dispositions dérogatoires au droit commun des privatisations lorsque les opérations de filialisation étaient assorties d’un transfert d’actifs de DCN, choisit aujourd’hui de se déjuger. Que sont devenus les risques de dérives dont vous parliez en 2004 ? Ont-ils subitement disparus en 2009 ?
Pour ma part, ma position sur le sujet reste inchangée. Je demeure persuadé que la question de possibles coopérations industrielles ponctuelles avec d’autres industriels ne peut se concevoir que dans un schéma de conservation des patrimoines et des missions de chacun.
Au lieu de cela, le processus de filialisation-privatisation entrepris en 2004 a ouvert la boîte de Pandore. Aujourd’hui, c’est l’unicité de DCNS qui est remise en cause, de même que son avenir comme industrie de défense.
Depuis plusieurs années, notamment depuis l’entrée de Thales dans le capital de DCN, la stratégie du groupe est très claire. Il ’agit de recentrer ses activités vers l’ingénierie et le commerce, et d’externaliser de plus en plus les moyens de production.
Sans même parler de l’avenir des sites français, il me semble que ce recentrage ne correspond pas à l’urgence d’une véritable politique industrielle dont notre pays a besoin, et qu’il conduirait aux mêmes déboires que ceux qu’ont connus il y a quelques années les chantiers civils, qui sont allés trop loin dans l’externalisation de certaines compétences, voire, dans certains domaines comme l’électronique, jusqu’au concept absurde d’entreprises sans salariés.
Dans le cas présent, avec des salariés de production a minima, c’est ce que vous proposez pour l’instant.
L’année dernière, à l’occasion de l’examen du budget pour 2009, je vous ai interrogé sur votre stratégie et votre projet industriel, monsieur le ministre, au sujet de DCNS alors même que, à cette époque, le Président de la République parlait de rapprocher les constructions navales civiles et militaires, c’est-à-dire DCNS et les chantiers de l’Atlantique. Vous aviez été dans l’embarras pour me répondre. Aujourd’hui encore, j’ai le sentiment que vous aurez beaucoup de mal à répondre à cette question !
La preuve en est que le contrat d’entreprise pluriannuel conclu entre l’État et la société est arrivé à échéance en 2008, et qu’aucun nouveau contrat n’a depuis été élaboré.
Ce contrat n’a d’ailleurs pas été respecté, de même que n’a pas été respecté l’engagement du Gouvernement de transmettre aux commissions des finances et de la défense du Parlement, chaque année, jusqu’au terme de la période d’exécution du contrat, un rapport sur les perspectives d’activité et les fonds propres de la société.
Cela aurait pourtant dû être obligatoire aux termes de l’article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001.
Vous comprendrez donc mon inquiétude à l’égard de cet article 10, qui vise à supprimer l’un des derniers moyens de contrôle du Parlement sur la stratégie de DCNS.
Ce qui m’inquiète également dans cet article 10, c’est le sort fait aux personnels de tous statuts.
Là encore, l’exposé des motifs du projet de loi est très clair : il s’agit de faire sauter les obstacles administratifs qui empêchent la mise à disposition des personnels de DCNS dans les sociétés où elle est minoritaire.
Vous tentez de rassurer les personnels en affirmant qu’il n’est pas question de remettre en cause leurs statuts et en leur assurant qu’ils pourront revenir au sein de DCNS si un poste se libère. C’est pour le moins insuffisant, alors même que la mobilité accrue et sans limite des personnels dans le groupe aura pour conséquence de rompre les liens géographiques entre les individus et leur lieu de travail, et sans doute de modifier les contrats de travail et les accords collectifs.
En fait, il n’y aura pas, monsieur le ministre, de retour possible. L’objectif réellement visé est d’accélérer l’extinction du statut d’ouvrier d’État.
Il ne faut, d’ailleurs, pas oublier de mettre ces dispositions en relation avec celles de l’article 29 du projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique que vous avez fait voter en catimini à l’Assemblée nationale le 7 juillet dernier.
Il permet à votre ministère d’externaliser certaines de ses missions et de mettre les personnels du ministère à disposition des opérateurs privés, quelle que soit leur catégorie : fonctionnaires, militaires, ouvriers d’État.
Cela revient à organiser le démantèlement du ministère de la défense et à remettre en cause le statut des différentes catégories de personnels.
M. le président. Veuillez conclure, cher collègue !
M. Jean-Pierre Godefroy. Une fois mis à la disposition des entreprises privées ou de leurs filiales, les personnels civils et militaires du ministère de la défense se retrouveront soumis aux dispositions du code du travail, avec des garanties bien moins importantes que celles prévues par leurs statuts.
Vous affirmez, monsieur le ministre, que le dispositif reposera sur le volontariat – nous aurons l’occasion de reparler du volontariat la semaine prochaine à propos du travail dominical, mais c’est toujours la même chose : il ne fonctionne que dans un sens ! – et sur la possibilité de retour au ministère.
M. le président. Veuillez conclure !
M. Jean-Pierre Godefroy. Oui, je termine, monsieur le président.
C’est une illusion, monsieur le ministre, puisque, une fois la mission externalisée, le ministère n’aura plus l’utilité des compétences de ces personnels.
En cas de difficulté dans la société choisie pour l’externalisation, le chômage sera la seule solution pour ces personnels. C’est pourquoi, nous demandons la suppression de l’article.
Dans votre propos liminaire, monsieur le ministre, vous vous êtes réjoui d’avoir redonné vie à l’école des Mousses en créant 150 places. J’aurais aimé que vous vous réjouissiez d’avoir redonné vie aux écoles des apprentis de la marine, ces écoles qui étaient des modèles de promotion sociale, écoles républicaines s’il en est, écoles du mérite, ce qui ne devrait pas laisser insensible le Président de la République, mais écoles qui avaient comme grave défaut de former les ouvriers d’État à statut et des ingénieurs des constructions navales militaires. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je souhaite répondre à M. Jean-Pierre Godefroy, ce qui me permettra d’expliquer pourquoi je suis défavorable à tous les amendements qui seront présentés sur cet article.
Monsieur Godefroy, j’ai comme vous l’avantage d’avoir dans mon département un établissement de DCNS. Je connais donc un peu le problème.
En 2001, quand vous vous êtes opposé vous, monsieur Godefroy, au changement de statut proposé par le ministre de la défense de l’époque, M. Richard, la situation de la DCN était véritablement catastrophique. C’était un service de l’État qui fonctionnait très mal.
La DCN avait un plan de charge si peu fourni qu’il a fallu recourir aux collectivités locales, notamment à la région de Bretagne, …
M. Jacques Blanc. Qui avait un excellent président ! (Sourires.)
M. Josselin de Rohan, rapporteur. … pour lui donner du travail.
Nous avons été contraints de financer des plates-formes pétrolières, comme si c’était la vocation de la DCN !
Cette situation désastreuse a amené les ministres Sautter et Richard à envisager de changer le statut de la DCN pour la transformer en une société anonyme contrôlée par l’État puisque le capital est détenu à 100 % par l’État.
Personnellement, je crois aux histoires qui réussissent. Or c’est ce changement de statut qui a permis à DCN de se lancer sur un marché où la concurrence est extrêmement forte, de montrer la qualité et l’excellence de ses ingénieurs comme de ses ouvriers. Grâce à cela, elle a pu se présenter dans les meilleures conditions et mettre sur le marché les produits demandés.
Aujourd'hui, le plan de charge de DCNS est non seulement assuré, mais ce que DCN ne pouvait pas faire convenablement, DCNS le fait aujourd'hui fort bien grâce à son statut. Elle est devenue un exportateur dont les produits se vendent très bien : même le Brésil s’est récemment porté acquéreur !
Un des avantages du changement de statut est qu’il apporte beaucoup plus de souplesse et beaucoup plus de recettes, ce qui n’est tout de même pas négligeable !
La deuxième étape extrêmement importante a été la possibilité de procéder à des regroupements et à des synergies. DCNS, en raison d’ailleurs de sa bonne situation, a pu acheter Thales Naval, …
M. Jean-Pierre Godefroy. À quel prix !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. … ce qui la rend aujourd'hui extrêmement compétitive dans le domaine maritime. Elle offre des gammes de produits diversifiées.
Évidemment, des précautions ont été prises. Même si Thales est entré dans le capital de DCN, l’État domine : tout est contrôlé.
Cependant, aujourd'hui, quand DCNS doit fonder des filiales communes avec d’autres entreprises, ce qui est indispensable, elle ne peut pas le faire dans les conditions qui sont celles des entreprises publiques. Il faut lui donner beaucoup plus de souplesse. Si nous voulons demain mettre sur pied une Europe de la défense, dont vous regrettez suffisamment l’inexistence, il va falloir que nous puissions créer des partenariats industriels avec d’autres pays. DCNS, excellente entreprise, nous permettra d’y arriver.
Je ne vois pas en quoi ses filiales constitueraient aujourd'hui un danger. À partir du moment où l’État conserve une « golden share » ou une « action spécifique » qui contrôle à peu près l’intégralité de l’exercice dans toutes les filiales, même dans celles où il est minoritaire, je ne vois pas où est le risque de démantèlement.
Il n’y a, au contraire, que des avantages aux formules qui nous sont présentées, car elles permettront à DCNS d’étendre sa gamme et de réaliser un certain nombre d’opérations qui lui étaient jusque-là interdites.
Il s’agit d’un progrès qui, à mon sens, permettra l’achèvement du processus engagé en 2001. C’est le mérite de M. Richard de l’avoir ouvert. Nous en tirons les conséquences.
C’est pourquoi la commission est défavorable à tous les amendements qui iraient à l’encontre de cette bonne opération. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Rien à voir avec 2001 !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 10 rectifié est présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Charasse.
L'amendement n° 88 est présenté par MM. Godefroy, Boulaud, Reiner, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 123 est présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour présenter l'amendement n° 10 rectifié.
M. Jean-Pierre Chevènement. Je rejoins tout à fait M. Godefroy.
N’ayant pas l’avantage d’avoir un établissement de DCNS dans mon département (Sourires), je me contenterai de poser quelques questions simples.
En réalité, il s’agit de permettre à DCNS de créer des filiales minoritaires,…
M. Josselin de Rohan, rapporteur. C’est très important !
M. Jean-Pierre Chevènement. … alors que seule la création de filiales majoritaires est autorisée aujourd’hui. Par définition, quand on est minoritaire, on n’est plus le patron !
J’entends M. le président de la commission des affaires étrangères et de la défense nous parler d’une golden share, mais je n’en trouve nulle trace dans le texte. Nous ne savons même pas de quelles filiales minoritaires nous parlons : s’agit-il de se défaire de notre capacité à produire des sous-marins à propulsion classique ? (M. le ministre s’esclaffe.) S’agit-il d’entrer dans un consortium à dominante anglo-saxonne ou allemande ? Nous nous interrogeons, monsieur le ministre, sur la politique industrielle que vous entendriez mener…
M. Didier Boulaud. Elle n’existe pas !
M. Jean-Pierre Chevènement. … à partir du moment où le Parlement aurait donné à DCNS l’autorisation de créer des filiales minoritaires.
Rappelez-vous M. Tchuruk parlant d’« entreprises sans usines » : c’était le grand spécialiste de l’externalisation ! Il a si bien géré ce magnifique fleuron de notre industrie qu’était Alcatel-Alsthom que l’entreprise s’est passée de ses services, car on a estimé que ça suffisait comme ça ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Il y avait un salarié de trop !
M. Jean-Pierre Chevènement. Vous comprendrez qu’un tel exemple nous incite à éprouver une certaine réticence devant cette possibilité de créer des filiales minoritaires, on ne sait où, ni pour quoi faire !
Tel est donc l’objet de cet amendement de suppression. S’il s’avérait un jour nécessaire de créer de telles filiales, au nom d’alliances européennes, le Gouvernement pourrait toujours revenir devant le Parlement avec un dossier ad hoc et je suis persuadé que, les faits parlant d’eux-mêmes, nous nous laisserions convaincre.
M. Didier Boulaud. Ils sont champions du meccano industriel !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. M. Chevènement m’ayant posé une question précise, je souhaite lui apporter une réponse précise. Le démantèlement de DCNS n’est pas en jeu lorsque cette entreprise crée une filiale minoritaire avec Veolia, par exemple, pour éliminer les ordures ménagères des bases françaises. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Daniel Reiner. S’il ne s’agissait que de cela !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. L’article 10 permettrait ce genre d’opération. Je ne vois donc pas en quoi il poserait un problème.
M. Bernard Piras. Justement, ce n’est pas le problème !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l’amendement n° 88.
M. Jean-Pierre Godefroy. La présentation de mon amendement me permettra de répondre à M. le rapporteur.
En 2001, le gouvernement de gauche et son ministre de la défense, M. Alain Richard, tout en changeant le statut de la DCN – même si j’y étais hostile, à titre personnel, pour des raisons que chacun connaît –, avaient pris la précaution très judicieuse et essentielle de faire de l’État l’actionnaire unique de l’entreprise. La logique qui prévalait à l’époque, et qui aurait continué à prévaloir si la majorité n’avait pas changé, consistait à faire en sorte que DCNS demeure une entreprise entièrement contrôlée par l’État.
Vous considérez, monsieur le rapporteur, que ce changement a permis à DCNS d’accéder à de nouveaux marchés. C’est possible, mais je n’en suis pas totalement convaincu. À mes yeux, ce sont surtout la compétence des ouvriers et des ingénieurs ainsi que la qualité du travail fourni qui permettent de gagner des marchés. D’ailleurs, les contrats passés entre 2001 et 2004 l’ont été sans qu’il soit besoin de créer des filiales minoritaires. Nous n’avons pas eu besoin, pour vendre des sous-marins Agosta et Scorpène au Pakistan et à l’Inde, de faire miroiter à ces pays la perspective de créer des filiales minoritaires, car ils s’en fichaient ; nous avons vendu nos bâtiments parce qu’ils étaient remarquablement conçus et construits, et compétitifs sur le marché international.
Quant à la construction de plates-formes pétrolières, c’était un leurre. Personnellement, je n’ai jamais vu DCN en construire !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Ah bon ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Une tentative a bien été faite à Brest, mais je n’ai jamais cru en cette solution. Une entreprise française s’était déjà lancée dans la fabrication de plates-formes pétrolières – il s’agissait de l’Union industrielle et d’entreprise, l’UIE, installée en Normandie –, mais elle n’a pas pu continuer parce que sa production n’était pas assez compétitive à l’époque. Mais il s’agit d’un autre débat.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Cela a tout de même coûté cher à la Bretagne !
M. Jean-Pierre Godefroy. Pour revenir à vos projets actuels concernant DCNS, je ne suis pas du tout persuadé qu’ils la rendront plus attractive sur le marché international. En revanche, il existe un danger de voir disparaître la capacité industrielle qui fait la renommée de cette entreprise. Car c’est son cœur de métier qui est en cause !
MM. Jacques Gautier et Jacques Blanc. Et le temps de parole ?
M. Jean-Pierre Godefroy. On parle bien de cœur de métier à propos du Sénat ou des hôpitaux ! Dans une entreprise comme DCNS, le cœur de métier est incarné par ceux qui fabriquent, et non pas uniquement par ceux qui vendent.
M. Christian Cambon. Monsieur le président, faites respecter son temps de parole par l’orateur !
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, nous prenons le risque de perdre notre autosuffisance nationale dans la fabrication de ces matériels militaires. Quand nous aurons externalisé notre savoir-faire, nous serons dépendants d’autres pays, et nous pourrons rencontrer un jour des problèmes de construction.
Vous savez très bien, monsieur le rapporteur, que l’idée germe dans l’esprit de certains… (Protestations sur les travées de l’UMP.) Si je vous dérange, je peux me taire…
M. Jacques Gautier. Trois minutes, c’est le règlement !
M. Didier Boulaud. Monsieur Gautier, hier, vous avez dépassé votre temps de parole de deux minutes !
M. le président. Je vous accorde cinq secondes pour conclure, monsieur Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je disais donc que l’idée germe chez certains d’assembler des sous-marins par tronçons qui proviendraient d’ici ou d’ailleurs. On perçoit là la volonté de faire en sorte que DCNS ne soit plus l’entreprise industrielle de fabrication qui nous est indispensable !
Merci de m’avoir accordé quinze secondes de plus pour dire ce que j’avais à dire, mes chers collègues. Je ne pense pas abuser de mon temps de parole dans cet hémicycle : il me semble donc mesquin de me reprocher un dépassement de quelques secondes. À moins que ce que je dis ne vous dérange vraiment… (M. Bernard Piras applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour présenter l’amendement n° 123.
M. Michel Billout. Certains débats méritent qu’on leur consacre du temps et il faut bien appeler un chat un chat !
L’article 10 de ce projet de loi, sous prétexte de donner à notre société nationale de construction navale, DCNS, la possibilité de mieux se développer à l’international et dans de nouveaux secteurs d’activité, prévoit tout à fait autre chose.
En effet, vous voulez faire entrer DCNS dans le droit commun des privatisations en assouplissant les conditions de création de filiales ou de prise de participations dans des entreprises où la société ne détiendrait plus qu’une part minoritaire. Parallèlement, vous modifiez les règles de mise à disposition des ouvriers d’État et de détachement des fonctionnaires.
Avec ces nouvelles dispositions, qui vont encore plus loin que la loi de décembre 2001, nous entrons effectivement dans un processus rampant de changement de statut de cette société d’un intérêt stratégique essentiel pour notre défense nationale.
Je crains que, en assouplissant les conditions dans lesquelles DCNS pourrait céder des branches de son activité à des entreprises extérieures au groupe, on ne franchisse, cette fois-ci, l’ultime étape du démantèlement de cette entreprise intégrée, d’autant que cette mesure s’accompagne de l’organisation d’une mobilité accrue de ses personnels de tous statuts.
Les personnels, toutes catégories confondues, et leurs organisations syndicales sont d’ailleurs légitimement inquiets pour leur avenir et pour celui de leur entreprise, qui privilégie de plus en plus la rentabilité au détriment d’objectifs de production industrielle.
L’état actuel de la législation permet pourtant déjà à DCNS de créer des filiales où elle est minoritaire, quand il s’avère nécessaire de rassurer des partenaires étrangers réticents à s’associer à une entreprise où les capitaux publics français sont majoritaires. Ainsi, l’entreprise a déjà créé des filiales minoritaires en Asie du Sud-Est ou en Italie.
Je me méfie d’autant plus de ces nouvelles dispositions que la loi de 2001 prévoyait que le Parlement puisse être régulièrement informé de la situation de DCNS. Or ces rapports réguliers n’ont jamais vu le jour !
M. Didier Boulaud. Évidemment !
M. Michel Billout. Je pense donc que ces nouvelles dispositions, prétendument nécessaires à de nouvelles alliances industrielles qui ne sont pas clairement définies, sont en fait révélatrices d’une politique industrielle de défense menée au coup par coup au niveau européen.
Monsieur le ministre, je ne vois pas comment la possibilité de céder des branches d’activité à des sociétés extérieures au groupe DCNS permettrait la préservation et le développement de nos bases industrielles et technologiques de défense, dont vous vous plaisez tant à vous faire le promoteur. J’y vois plutôt un danger certain de perte de notre maîtrise nationale sur le secteur stratégique de la construction navale militaire.
Pour cet ensemble de raisons, je vous invite, moi aussi, mes chers collègues, à voter la suppression de l’article 10.
M. Didier Boulaud. Très bien !
M. le président. M. le rapporteur a déjà exprimé son avis défavorable sur ces trois amendements.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Morin, ministre. Si M. Richard, lorsqu’il était ministre, a massacré les crédits d’équipement des armées,… (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
MM. Daniel Reiner et Didier Boulaud. Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre !
M. Bernard Piras. Vous verrez ce que l’on dira de vous dans dix ans !
M. Hervé Morin, ministre. … il aura à son actif une très belle réforme, qu’il a eu le courage de mener : la transformation de la DCN en société anonyme. Les sénateurs socialistes présents dans cet hémicycle en 2001 ont dû voter cette réforme, sans doute à l’exception de M. Godefroy…
Je suis très heureux d’assumer aujourd’hui la continuité d’une réforme engagée par le gouvernement de Lionel Jospin et qui a permis à DCNS d’être aujourd’hui une entreprise autour de laquelle nous pouvons mener les grandes restructurations industrielles dont nous avons tant besoin dans le secteur de la construction navale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On voit ce qu’il en est !
M. Hervé Morin, ministre. Nous nous trouvons dans une situation extraordinaire : les Européens, sur tous les marchés, se font concurrence en permanence, alors que vous connaissez le niveau des crédits budgétaires consacrés à la défense, en Europe, par rapport à d’autres concurrents.
Grâce à cette évolution statutaire et à la mesure que nous vous proposons d’adopter dans ce projet de loi, DCNS va pouvoir passer des accords de création de filiales avec d’autres entreprises européennes, où elle ne sera pas majoritaire mais où elle sera en mesure de contrôler une partie de l’entreprise.
Par exemple, nous voulons créer avec Finmeccanica une entreprise qui serait, pour la fabrication de torpilles, l’équivalent de ce qu’est MBDA pour la fabrication de missiles ; nous pourrons ainsi transférer une partie des actifs de DCNS et créer un acteur industriel majeur dans ce domaine.
M. Didier Boulaud. Il ne s’agit plus du ramassage des ordures !
M. Hervé Morin, ministre. Deuxième exemple : nous avons décidé de consacrer 100 millions d’euros à la déconstruction des matériels d’armement, et notamment de matériel naval. Je ne sais pas ce que fera DCNS dans ce domaine, mais qui vous dit qu’elle ne pourrait pas être l’un des acteurs, avec une autre entreprise française, de la déconstruction, que vous appelez d’ailleurs de vos vœux à Cherbourg, monsieur Godefroy ?
M. Jean-Pierre Godefroy. On peut déjà le faire !
M. Hervé Morin, ministre. Avec cette décision, nous ne faisons que poursuivre une évolution nécessaire, et Dieu sait si elle l’était ! On a tellement tergiversé dans le cas d’une autre entreprise qui s’appelait GIAT que nous avons été à deux doigts de ne plus avoir d’industrie d’armement terrestre. Or cette industrie renaît maintenant de ses cendres.
DCNS connaît la chance extraordinaire d’avoir des commandes représentant quatre années de chiffre d’affaires. Aucune autre entreprise européenne ne dispose d’une perspective à dix ou quinze ans, comme c’est le cas pour DCNS grâce à nos programmes de construction de SNLE ou de sous-marins Barracuda.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors, pourquoi changer le statut ?
M. Hervé Morin, ministre. Nous allons ainsi pouvoir faire de DCNS le pivot de la reconstruction de l’industrie européenne de défense : il s’agit d’une bonne nouvelle pour les salariés de DCNS et pour l’ensemble des sites industriels de l’entreprise ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Didier Boulaud. On en reparlera !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 rectifié, 88 et 123.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 10.
(L’article 10 est adopté.)
Article 11
I. - L’article 3 de la loi n° 70-575 du 3 juillet 1970 portant réforme du régime des poudres et substances explosives est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « nationale » et « et dont l’État détiendra la majorité du capital social » sont supprimés ;
2° Le deuxième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le transfert au secteur privé des filiales constituées ou acquises par la société mentionnée au premier alinéa est autorisé dans les conditions prévues par la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations.
« Les I à III de l’article 10 de la même loi sont applicables aux filiales transférées au secteur privé en application de l’alinéa précédent. »
II. - La liste annexée à la loi n° 93-923 du 1 juillet 1993 de privatisation est complétée par un alinéa ainsi rédigé :
« SNPE ».
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat, sur l’article.
M. Xavier Pintat. L’article 11 prévoit la privatisation de la Société nationale des poudres et explosifs, la SNPE, avec ses filiales Eurenco, BNC, Isochem et SME, dont les activités et le savoir-faire sont éminemment stratégiques.
Cette opération va nous engager durablement. Aussi, pour réussir, être compris et partagé par ses salariés, le transfert de propriété de ce groupe doit s’accompagner de garanties et d’explications. Tel était le sens et l’objet de l’amendement que j’avais déposé en commission et qui reportait d’un an l’entrée en vigueur de la privatisation.
J’ai accepté de retirer cet amendement à la demande de notre président…
M. Didier Boulaud. Lequel ? (Sourires.)
M. Robert del Picchia. Tous les présidents ! (Nouveaux sourires.)
M. Xavier Pintat. … pour répondre aux exigences nationales d’une application rapide et attendue de la loi de programmation militaire.
Néanmoins, le contexte économique et social est aussi une réalité avec laquelle nous devons compter, sachant que le bassin aéronautique aquitain est fragile. C’est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous renouveliez publiquement, à l’occasion de cette discussion, votre engagement de prendre en compte les intérêts de ces sociétés et de leurs personnels, car je reste convaincu que, pour que cette réforme soit un succès, ses objectifs doivent être partagés et recueillir l’adhésion la plus large possible. Prenons le temps nécessaire pour faire toute la clarté sur les chances et les conditions de reprise des filiales du groupe et nous assurer d’une solution globale.
M. Didier Boulaud. Si notre collègue avait maintenu son amendement, nous l’aurions voté !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Morin, ministre. Je sais, monsieur Pintat, que vous suivez ce dossier de près. J’ai déjà eu l’occasion de vous répondre lorsque j’ai été entendu par la commission et nous pourrons considérer que, en vous répondant sur l’article, j’aurai donné l’avis du Gouvernement sur les amendements de suppression de l’article 11 qui vont être défendus.
Vous le savez, une évolution de la SNPE est nécessaire. Nous rencontrons la même problématique qu’avec Nexter et GIAT Industries : il s’agit d’une entreprise aux pertes chroniques, représentant chaque année de l’ordre de 10 % du chiffre d’affaires, lequel s’élève à 350 millions d’euros. L’entreprise n’a gagné de l’argent que les années où elle a cédé des actifs ; cela ne peut être considéré comme un bénéfice lié à l’activité.
Comme vous le savez, il s’agit de reprendre le projet Héraklès, projet également lancé par Alain Richard, je le précise notamment à l’intention du groupe socialiste, et tendant à réorganiser la SNPE autour de plusieurs entreprises, dont Safran pour la propulsion solide.
J’ai ici un document extrêmement intéressant (M. le ministre brandit un tableau.) qui montre que l’organisation industrielle est aujourd'hui tellement complexe que la seule propulsion du M51 met en jeu neuf transferts de responsabilité entre les sociétés productives, du début de la construction de ce missile à son achèvement. Je vous transmettrai ce tableau, monsieur Pintat.
M. Jean-Pierre Chevènement. Est-ce bien raisonnable ? (Sourires.)
M. Hervé Morin, ministre. Oui, car il ne contient aucune information secrète. En outre, M. Pintat est un parlementaire, donc un homme responsable.
Nous allons mener cette réorganisation avec le souci de préserver les activités majeures, comme celle qui vous tient à cœur, à Saint-Médard-en-Jalles, ou encore les activités liées à la problématique de la propulsion solide. Nous allons essayer de construire un pôle munitionnaire, qui nous manque actuellement, soit avec Nexter – j’ai rencontré ce matin les industriels pour leur indiquer les orientations de l’État en la matière –, soit avec nos partenaires européens d’Eurenco. S’agissant des activités civiles, des discussions sont également engagées avec un certain nombre de producteurs.
J’ajoute que, sur le site de Sorgues, des investissements d’un montant de 40 millions d’euros sont actuellement engagés. Voilà qui prouve que SNPE est considérée non pas comme une entreprise à liquider mais comme une entreprise dont il convient de renforcer les capacités de production.
Soyez donc assuré, monsieur le sénateur, que l’activité des sites de Safran et de SNPE à Saint-Médard-en-Jalles sera consolidée par les évolutions en cours.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 11 rectifié est présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Charasse.
L'amendement n° 89 est présenté par MM. Cazeau, Godefroy, Boulaud, Reiner, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 122 est présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 133 est présenté par M. Milon.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour défendre l’amendement n° 11 rectifié.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le ministre a déjà répondu à toutes les objections !
M. Jean-Pierre Chevènement. Il s’agit là d’une question de philosophie. Je pense, pour ma part, que l’industrie de défense doit demeurer, dans toute la mesure possible, sous le contrôle de la puissance publique. Par conséquent, je ressens d’une manière très négative la privatisation de la SNPE.
Celle-ci a quatre filiales. L’une d’entre elles, la SME, est une entreprise chimique que vous allez fusionner avec un mécanicien privé, Safran. Je ne vois pas quelle synergie industrielle ce rapprochement entre une entreprise chimique et un fabricant de tuyères va entraîner. (M. le ministre tend à M. Chevènement, qui le saisit, le tableau précédemment brandi.)
Je veux bien regarder ce tableau, monsieur le ministre, mais je ne suis pas sûr d’en avoir une compréhension immédiate. Ce que je sais, c’est qu’un mécanicien reste un mécanicien et un chimiste un chimiste. Je ne vois pas très bien, dans ce tableau complexe, ce qui conduit à cette fusion, et à cette privatisation.
Vous avez parlé d’un « pôle munitionnaire », mais savez-vous ce qu’étaient les munitionnaires sous l’Ancien Régime ? Savez-vous qu’on leur reprochait de s’enrichir aux dépens de la puissance publique, alors la puissance royale ? Car ils ont amassé des fortunes !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est bien ce qui se passe maintenant !
M. Jean-Pierre Chevènement. Nous ne savons pas ce qui se passera, et nous ne sommes pas à l’abri de surprises stratégiques. Votre pôle munitionnaire privé fera donc de très bonnes affaires mais, vous demanderai-je, est-ce bien raisonnable ?
M. Jean-Pierre Chevènement. Je ne connais pas exactement la composition du capital de cette entreprise…
M. Didier Boulaud. Et où est passé Manurhin ?
M. Jean-Pierre Chevènement. Dès lors que l’on parle de privatisation, ce n’est pas pour que l’État reste le propriétaire ! Vous nous engagez dans un processus qui ne sera pas sans conséquences pour les différentes filiales de la SNPE : Isochem, Bergerac NC, etc. Il y a suffisamment de chômeurs comme cela, et notre industrie ne se porte pas si bien que l’on puisse penser que le moment est opportun pour réaliser une telle opération.
Il s’agit en tout cas d’une question de philosophie. Vous l’aurez compris, je ne suis pas d’accord avec cette privatisation.
Il me reste maintenant à essayer de comprendre votre tableau. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour défendre l’amendement n° 89.
M. Daniel Reiner. Cet amendement est dû à l’initiative M. Cazeau, qui s’est exprimé sur le sujet dans la discussion générale. Dans la mesure où le département dont il est un élu, la Dordogne, abrite quelques établissements de la SNPE, ce sujet lui tient évidemment à cœur.
Cet article permettrait le transfert au secteur privé de la SNPE, de ses actifs et de sa filiale SNPE Matériaux énergétiques, ou SME. Lesdits matériaux énergétiques sont nécessaires – on ne l’a pas encore dit – à la fabrication des propergols, utilisés comme carburant aussi bien pour les moteurs à propulsion solide des missiles balistiques de la force stratégique – il s’agit du programme M51, essentiel dans la dissuasion nucléaire – que pour ceux des lanceurs spatiaux civils du programme Ariane.
Les actifs de la SNPE et de SME nécessaires à la recherche dans le domaine des poudres, explosifs et propergols à usage civil ou militaire sont également inclus dans ce périmètre.
Le caractère stratégique de la production de la SNPE n'est donc pas à démontrer : il est évident. La nécessité de sa privatisation est, en revanche, loin d'être évidente.
Quels sont les plans du Gouvernement ? Je vous ai bien entendu, monsieur le ministre, dire ce que vous vouliez faire, en réponse à une intervention d’un sénateur siégeant de l’autre côté de l’hémicycle ; je constate que l’on est traité différemment selon que l’on se trouve d’un côté ou de l’autre de celui-ci, car M. Cazeau, qui avait posé hier les mêmes questions, n’avait pas obtenu ces réponses.
M. Didier Boulaud. Absolument !
M. Daniel Reiner. Quels sont les rapprochements industriels envisagés ? Vous en évoquez quelques-uns, par exemple avec le motoriste Safran, mais ces carburants sont également utilisés par d’autres motoristes ; pourquoi donc retenir celui-là plutôt qu’un autre ? Nous voudrions donc connaître les contours précis de ces rapprochements, ainsi que les projets à moyen et long terme.
Une privatisation, nous le savons bien, est, par définition, irréversible. Cela requiert donc des informations très précises sur le projet industriel et sur l'avenir des salariés. Nous ne refuserions pas d’examiner la possibilité d’une privatisation si nous disposions de ces précisions, mais nous ne les avons pas obtenues jusqu’à présent. N’étant toujours pas assurés de les obtenir un jour, nous proposons simplement de supprimer l’article et de conserver à SNPE son caractère public.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour défendre l’amendement n° 122.
M. Michel Billout. L’État est encore actionnaire à 99,9% de la Société nationale des poudres et explosifs, ce qui semble aujourd'hui insupportable… Cet article 11 vise donc à transférer au secteur privé – cela s’appelle bien une privatisation – la SNPE, ses actifs et sa filiale SME.
La SME n’est pourtant pas une entreprise banale. Comme l’ont souligné avant moi Bernard Cazeau, Jean-Pierre Chevènement et Daniel Reiner, elle produit les matériaux énergétiques nécessaires à la fabrication des propergols utilisés comme carburant pour les moteurs à propulsion solide des missiles M51 qui équipent notre force stratégique nucléaire. Elle produit aussi les carburants de nos lanceurs civils spatiaux. Les actifs de la SNPE et de SME nécessaires à la recherche civile et militaire dans ces différents domaines sont également concernés.
C’est dire l’importance hautement stratégique de ces entreprises, d’un point de vue militaire, mais aussi industriel.
Il faut bien mesurer concrètement les conséquences de la privatisation.
La fabrication du propergol serait assurée par le groupe aéronautique Safran. Ainsi, sous couvert de créer un pôle français de carburants utilisés par nos forces de dissuasion nucléaire et nos lanceurs spatiaux, on s’apprête en fait à céder ce secteur à un groupe dans lequel les intérêts privés américains, la société Général Electric pour ne pas la nommer, sont loin d’être négligeables.
Nous refusons d’envisager une situation dans laquelle des intérêts privés étrangers pourraient, d’une manière ou d’une autre, peser sur des secteurs aussi décisifs pour la sécurité nationale. La notion d’indépendance nationale conserve encore, pour nous, un sens profond.
Nous estimons donc que la préservation de nos intérêts nationaux impose, à elle seule, de conserver la maîtrise de la puissance publique sur ces entreprises, cette maîtrise s’exerçant notamment au moyen d’une présence largement majoritaire de capitaux publics. C’est la principale raison pour laquelle nous souhaitons la suppression de cet article.
En outre, le projet industriel du Gouvernement pour ces entreprises manque cruellement de clarté. Il suscite, par conséquent, une vive inquiétude chez leurs salariés.
M. le président. L'amendement n° 133, présenté par M. Milon, n’est pas soutenu.
M. Didier Boulaud. Je le reprends !
M. le président. Aux termes du règlement, ce n’est pas possible. L’unique signataire de cet amendement n’étant pas présent, celui-ci tombe automatiquement.
M. Didier Boulaud. Comment l’ont-ils fait taire ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. La commission a approuvé le principe de la privatisation de la SNPE, dont il appartiendra au Gouvernement de fixer le calendrier et les modalités, notamment en termes de projet industriel.
Il n’y a pas de raison de conserver dans le giron de l’État des activités de chimie civile ou des entreprises de vernis pour peinture.
En revanche, les branches « propulsion » et « poudres et explosifs » présentent un intérêt stratégique et doivent être durablement préservées.
Je ne crois pas qu’il y ait lieu de redouter les conséquences, pour la dissuasion, de l’adossement de l’activité « propulsion » à un grand groupe privé français de défense. Tous les groupes privés de défense contribuent déjà à la dissuasion sans que celle-ci ait eu à en souffrir.
Cette religion du secteur public concernant les industries de défense est tout de même assez contestable ! Regardez les États-Unis : le secteur privé représente la quasi-totalité de l’industrie militaire de ce qui est la principale puissance industrielle militaire ! De même, depuis plus de cinquante ans, toutes les entreprises de défense de la sociale-démocrate Suède sont privées ! Je ne crois donc pas qu’il y ait lieu de craindre quoi que ce soit de cette privatisation.
Je rappelle en outre que l’État dispose d’une large gamme de moyens de contrôle, allant de sa présence au capital, avec une action spécifique, aux moyens qu’il tient de sa situation de client et de financeur de la recherche.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 11 rectifié, 89 et 122.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Morin, ministre. J’ai motivé l’avis défavorable, du Gouvernement sur ces amendements en répondant tout à l’heure à M. Pintat.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11 rectifié, 89 et 122.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté.)
Article additionnel après l'article 11
M. le président. L'amendement n° 90, présenté par MM. Godefroy, Boulaud, Reiner, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présentera tous les deux ans au Parlement, un rapport sur les orientations de la politique industrielle dans le domaine de la défense et sur la situation de l'emploi dans ce secteur. Ce rapport fera l'objet d'un débat au Parlement.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. En préambule à la défense de cet amendement, je voudrais faire observer à M. le ministre que, si DCN a un plan de charge sur quatre ans, il l’a obtenu sans filiales minoritaires. Cela prouve que l’on doit bien pouvoir fonctionner autrement.
S’agissant de cet amendement, nous nous interrogeons : comment préserver nos bases industrielles et technologiques de défense ? Le projet de loi n’apporte pas de réponse, bien au contraire puisqu’il s’attaque à DCNS et SNPE.
Nous nous interrogeons sur la politique industrielle et de recherche et aussi la politique sociale du secteur de la défense. Votre politique, monsieur le ministre, consiste à agir au coup par coup, avec un dessein très clair, mais sans programmation.
Aussi proposons-nous, par cet amendement, afin d’éclairer le Parlement, que le Gouvernement présente un rapport sur les orientations de la politique industrielle dans le domaine de la défense, rapport qui donnerait lieu à un débat.
Bien entendu, ce travail d’information et de contrôle devrait aussi aborder la délicate situation de l’emploi dans ce secteur industriel, l’emploi étant un élément clé pour la préservation d’une base industrielle et technologique performante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Cet amendement est satisfait par les dispositions prévues aux paragraphes 499 et 500 du rapport annexé et aux termes desquelles le rapport annuel sur la loi de programmation présentera les grandes orientations de la politique industrielle de défense.
Je vous invite donc, monsieur Godefroy, à retirer votre amendement, auquel, sinon, je donnerai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Morin, ministre. Monsieur Godefroy, en tant qu’ancien et peut-être futur parlementaire, je ne comprends pas l’idée consistant à demander au Gouvernement de présenter des rapports sur sa politique.
M. Didier Boulaud. C’est son rôle !
M. Hervé Morin, ministre. Dans une démocratie qui fonctionne, le Gouvernement doit être contrôlé par le Parlement et c’est à ce dernier d’établir des rapports afin de contrôler la mise en œuvre de la politique du Gouvernement. Ce n’est certainement pas au Gouvernement de produire des rapports pour expliquer sa propre politique, que, bien entendu, il jugera totalement satisfaisante.
Je n’arrive pas à comprendre comment des parlementaires peuvent, en permanence, réclamer que le Gouvernement fasse le panégyrique de sa propre politique à travers des rapports. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Monsieur Godefroy, l'amendement n° 90 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Oui, monsieur le président.
Je tiens à dire à M. le ministre que nous ne pouvons pas faire autrement que de demander des rapports au Gouvernement.
M. Jean-Pierre Godefroy. Le rapport, prévu par la loi, sur le plan de charge et l’avenir de DCNS ne nous a jamais été présenté !
M. Jean-Pierre Godefroy. En ne tenant pas les engagements qui sont inscrits dans la loi, vous nous incitez à vous demander des rapports, monsieur le ministre.
M. Jean-Pierre Godefroy. C’est le rôle de contrôle du Parlement !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90.
(L'amendement n'est pas adopté.)
CHAPITRE VI - DISPOSITIONS RELATIVES AU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE
Article 12
I. - Après l'article 56-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 56-4 ainsi rédigé :
« Art. 56-4. - I. - Lorsqu'une perquisition est envisagée dans un lieu précisément identifié, abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale, la perquisition ne peut être réalisée que par un magistrat en présence du président de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Ce dernier peut être représenté par un membre de la commission ou par des délégués, dûment habilités au secret de la défense nationale, qu'il désigne selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'État. Le président ou son représentant peut être assisté de toute personne habilitée à cet effet.
« La liste des lieux visés à l'alinéa précédent est établie de façon précise et limitative par arrêté du Premier ministre. Cette liste, régulièrement actualisée, est communiquée à la Commission consultative du secret de la défense nationale ainsi qu'au ministre de la justice, qui la rendent accessible aux magistrats de façon sécurisée. Le magistrat vérifie si le lieu dans lequel il souhaite effectuer une perquisition figure sur cette liste.
« Les conditions de délimitation des lieux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale sont déterminées par décret en Conseil d'État.
« Le fait de dissimuler dans les lieux visés à l'alinéa précédent des procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers non classifiés, en tentant de les faire bénéficier de la protection attachée au secret de la défense nationale, expose son auteur aux sanctions prévues à l'article 434-4 du code pénal.
« La perquisition ne peut être effectuée qu'en vertu d'une décision écrite du magistrat qui indique au président de la Commission consultative du secret de la défense nationale les informations utiles à l'accomplissement de sa mission. Le président de la commission ou son représentant se transporte sur les lieux sans délai. Au commencement de la perquisition, le magistrat porte à la connaissance du président de la commission ou de son représentant, ainsi qu'à celle du chef d'établissement ou de son délégué, ou du responsable du lieu, la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition, son objet et les lieux visés par cette perquisition.
« Seul le président de la Commission consultative du secret de la défense nationale, son représentant et, s'il y a lieu, les personnes qui l'assistent peuvent prendre connaissance d'éléments classifiés découverts sur les lieux. Le magistrat ne peut saisir, parmi les éléments classifiés, que ceux relatifs aux infractions sur lesquelles portent les investigations. Si les nécessités de l'enquête justifient que les éléments classifiés soient saisis en original, des copies sont laissées à leur détenteur.
« Chaque élément classifié saisi est, après inventaire par le président de la commission consultative, placé sous scellé. Les scellés sont remis au président de la Commission consultative du secret de la défense nationale qui en devient gardien. Les opérations relatives aux éléments classifiés saisis ainsi que l'inventaire de ces éléments font l'objet d'un procès-verbal qui n'est pas joint au dossier de la procédure et qui est conservé par le président de la commission consultative.
« La déclassification et la communication des éléments mentionnés dans l'inventaire relèvent de la procédure prévue par les articles L. 2312-4 et suivants du code de la défense.
« II. - Lorsqu'à l'occasion d'une perquisition, un lieu se révèle abriter des éléments couverts par le secret de la défense nationale, le magistrat présent sur le lieu ou immédiatement avisé par l'officier de police judiciaire en informe le président de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Les éléments classifiés sont placés sous scellés, sans en prendre connaissance, par le magistrat ou l'officier de police judiciaire qui les a découverts, puis sont remis ou transmis, par tout moyen en conformité avec la réglementation applicable aux secrets de la défense nationale, au président de la commission afin qu'il en assure la garde. Les opérations relatives aux éléments classifiés font l'objet d'un procès-verbal qui n'est pas joint au dossier de la procédure. La déclassification et la communication des éléments ainsi placés sous scellés relèvent de la procédure prévue par les articles L. 2312-4 et suivants du code de la défense.
« III. - Lorsqu'une perquisition est envisagée dans un lieu classifié au titre du secret de la défense nationale dans les conditions définies à l'article 413-9-1 du code pénal, elle ne peut être réalisée que par un magistrat en présence du président de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Ce dernier peut être représenté par un membre de la commission et être assisté de toute personne habilitée à cet effet.
« Le magistrat vérifie auprès de la Commission consultative du secret de la défense nationale si le lieu dans lequel il souhaite effectuer une perquisition fait l'objet d'une mesure de classification.
« La perquisition ne peut être effectuée qu'en vertu d'une décision écrite et motivée qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci, ainsi que le lieu visé par la perquisition. Le magistrat transmet cette décision au président de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Il la porte, au commencement de la perquisition, à la connaissance du chef d'établissement ou de son délégué, ou du responsable du lieu.
« La perquisition doit être précédée d'une décision de déclassification temporaire du lieu aux fins de perquisition et ne peut être entreprise que dans les limites de la déclassification ainsi décidée. À cette fin, le président de la Commission consultative du secret de la défense nationale, saisi par la décision du magistrat mentionnée à l'alinéa précédent, fait connaître sans délai son avis à l'autorité administrative compétente sur la déclassification temporaire, totale ou partielle, du lieu aux fins de perquisition. L'autorité administrative fait connaître sa décision sans délai. La déclassification prononcée par l'autorité administrative ne vaut que pour le temps des opérations. En cas de déclassification partielle, la perquisition ne peut être réalisée que dans la partie des lieux qui fait l'objet de la décision de déclassification de l'autorité administrative.
« La perquisition se poursuit dans les conditions prévues aux sixième alinéa et suivants du I.
« IV. - Les dispositions du présent article sont édictées à peine de nullité. »
I bis (nouveau). - Au premier alinéa de l'article 57 du même code, le mot : « précédent » est remplacé par la référence : « 56 ».
II. - Au quatrième alinéa de l'article 96 du même code, les références : «, 56-1, 56-2 et 56-3 » sont remplacées par le mot et les références : « et 56-1 à 56-4 ».
M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, sur l’article.
Mme Virginie Klès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici à l’article 12, qui a fait et fera encore couler tant d’encre.
D’autres avant moi se sont insurgés et d’autres après moi s’insurgeront encore contre les dangers engendrés par les modifications, adoptées sans même avoir été débattues, du « secret défense ». Ces dispositions, de surcroît, ne sont absolument pas à leur place dans un texte de programmation militaire.
Je ne reviendrai pas sur les échanges musclés qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale ni sur l’avis unanimement défavorable de sa commission des lois, preuve, s’il en était besoin, de l’absence de consensus sur le dispositif proposé.
Le projet de loi prévoit donc d’étendre la protection du secret défense à des lieux, qui deviendront ainsi inaccessibles à la justice.
Il institue un cadre très contraignant relatif au pouvoir d’enquête des juges d’instruction s’agissant de la perquisition.
C’est pourtant un contexte judiciaire particulier, chacun le sait, qui a en réalité déterminé l’élaboration de ces nouvelles normes : la perquisition effectuée à l’Élysée dans l’affaire Borrel, l’instruction de l’affaire des frégates de Taïwan et la perquisition effectuée dans l’affaire Clearstream au siège de la DGSE.
Monsieur le ministre, lors de votre audition devant la commission des affaires étrangères, le 1er juillet dernier, vous avez confirmé que cette initiative législative découlait de l’avis émis par la plus haute juridiction française, le Conseil d’État. Interprétation pour le moins sujette à caution…
Il n’était pas question pour le Conseil d’État d’admettre la classification de lieux mais de « permettre le recueil d’éléments utiles à la manifestation de la vérité sans enfreindre les dispositions du code pénal qui interdisent à toute personne non habilitée, y compris aux magistrats, de prendre connaissance d’éléments classifiés ». Il a, à cette fin, suggéré d’étendre les compétences de la commission consultative du secret de la défense nationale, la CCSDN, et non les compétences exclusives de son président. Un président en cacherait-il un autre ?
Le résultat ne peut être considéré comme satisfaisant, et nous ne sommes pas les seuls à l’affirmer : le rapport de la section française de l’association Transparency International note que la loi de programmation militaire, au lieu de restreindre le champ du secret défense ou, plus utile encore, de mieux le définir, prévoit au contraire de l’étendre, de façon très imprécise qui plus est, à des lieux devenant inaccessibles ou difficilement accessibles aux autorités judiciaires dans le cadre d’enquêtes pénales.
De surcroît, le respect de la convention de l’OCDE contre la corruption, ratifiée en 2001, impliquerait de limiter la classification du secret défense, qui ne doit pas être utilisé pour protéger une infraction de corruption.
L’équilibre entre l’impératif de sécurité de la nation - que nous ne contestons en rien - et la nécessité d’un contrôle démocratique des actes de l’exécutif, monsieur le ministre, n’est à l’évidence pas garanti par votre choix, qui est fait au bénéfice exclusif de l’exécutif.
Des questions importantes n’ont toujours pas de réponse.
La classification des lieux répondrait à des critères extrêmement restrictifs. Lesquels ?
La liste de ces sites ne comprendrait pas, aujourd’hui, plus de dix-neuf sites à caractère technique ou opérationnel. Comment ces sites seraient-ils strictement délimités ? Qui fera évoluer cette liste, le cas échéant ?
Quels seront les tenants et aboutissants précis de l’arrêté du Premier ministre, dont il est question dans votre texte ? Est-ce réellement dans ses attributions constitutionnelles ? L’avis de la CCSDN, et non de son seul président, lie-t-il le Premier ministre ?
Le cadre juridique qui est proposé à l’article 12 ne sécurise pas suffisamment ces opérations de perquisition. De l’avis même du rapporteur de ce texte, ce n’est qu’« un équilibre globalement satisfaisant » qui a été trouvé à l’Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, face à l’enjeu démocratique que constitue le déroulement sans entrave de la justice, alors que l’application de la loi ne pourra plus se faire par les magistrats, on ne saurait se contenter d’un dispositif « globalement satisfaisant ». Le pire se cache toujours dans les détails.
Et ce n’est pas l’instauration de l’incrimination pénale de toute personne qui utiliserait les lieux classifiés en vue de rendre plus difficile la communication à un magistrat de documents n’ayant aucun rapport avec le secret de la défense nationale qui est de nature à nous rassurer. S’il y avait un moyen d’empêcher la délinquance quelle qu’elle soit, il serait aujourd’hui connu !
Les mécanismes d’information et de rendez-vous préalables rendent la discrétion nécessaire à l’efficacité comme à la sécurité de ces perquisitions du domaine du virtuel.
Ce texte crée donc des zones de non-droit parfaitement contraires aux exigences du secret de l’instruction, dans des affaires où, par définition, les faits sont particulièrement sensibles et le risque de fuites très élevé.
Mais, affirmez-vous, tout irait finalement pour le mieux dans le meilleur des mondes, car la « décision de classification du Premier ministre sera rendue publique ». Certes, mais c’est oublier que la liste de ces lieux serait très générale et doublée d’une annexe non publiée, elle-même classifiée.
Ne vouloir apporter aucune correction à un texte aux conséquences si graves au seul motif que « des modifications ponctuelles auraient pour effet de remettre en navette un projet de loi dont l’examen a pris beaucoup de retard depuis son dépôt en octobre 2008 » n’est pas digne des législateurs que nous sommes ! À qui la faute si le texte a pris du retard ? Et qui tente d’empêcher la lutte contre la corruption ? Certainement pas nous !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Lamentable !
Mme Virginie Klès. Pour toutes ces raisons et parce que nous refusons une disposition où se manifestent l’insincérité, voire le mensonge, je m’opposerai, avec le groupe socialiste, à cet article 12 en particulier et à l’ensemble du texte en général. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Robert Badinter. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 121, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, puisqu’il est si urgent d’adopter ce texte dont l’examen a pris du retard, je pense que l’on pouvait se passer d’y inclure cet article 12, d’autant qu’il n’a rien à y faire.
« Naturellement, je lèverai le secret défense sur tout document que nous demandera la justice. Il n’y a pas d’autre façon de faire la vérité » : ainsi s’exprimait le Président de la République le 7 juillet dernier à propos de l’assassinat en 1996 des moines de Tibhirine, en Algérie.
Nous pourrions légitimement conclure de ces propos que le secret défense ne doit pas constituer une entrave au bon déroulement de la justice. Pourtant, aujourd'hui, ce projet de loi prévoit d’étendre le champ du secret défense de façon considérable et de restreindre ipso facto le pouvoir d’enquête de la justice et du juge d’instruction avant leur disparition.
Le projet de loi initial était très inquiétant. On nous dit que l’Assemblée nationale a arrangé tout cela. Il était tellement inquiétant que le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale s’en est ému, au point de déclarer qu’il était opposé à ces dispositions.
Si, aujourd’hui, un compromis a été trouvé, force est de constater que la nouvelle rédaction constitue toujours un danger puisqu’il s’agit de permettre à la justice de faire toute la lumière sur des faits ou des événements embarrassants pour le pouvoir.
Dans le cas d’une perquisition réalisée dans un lieu précisément identifié abritant des éléments couverts par le secret défense, plusieurs problèmes se posent.
Comme l’a dit ma collègue, le juge d’instruction devra être accompagné du président de la CCSDN. Il devra lui indiquer la nature de l’infraction, les raisons justifiant la perquisition, son objet et les lieux visés par cette perquisition.
Autrement dit, une autorité administrative aura connaissance d’informations relevant d’une instruction judiciaire, ce qui lui donne un pouvoir de contrôle a priori sur la pertinence de la perquisition.
Le déséquilibre reste entier entre les impératifs de protection des intérêts de la nation et de recherche des auteurs d’infractions pénales.
De plus, ces informations sont théoriquement protégées par le secret de l’instruction. Cette procédure augmente le risque de fuites, risque déjà élevé dans le cas d’affaires très sensibles.
Enfin, la liste de ces lieux est fixée par le Premier ministre, sans même que la Commission consultative puisse donner son avis : elle n’en sera que la destinataire.
C’est dans le cas d’une perquisition dans un lieu classé au titre du secret défense que les entraves à la justice sont les plus graves. Le projet de loi initial créait de véritables zones de non-droit, inaccessibles à la justice, mais la rédaction retenue par l’Assemblée nationale ne nous rassure guère. En effet, le régime de la perquisition est ici encore plus contraignant que dans le cas précédent. Le magistrat devra également transmettre au président de la Commission consultative les raisons justifiant la perquisition, son objet, etc.
De surcroît, la perquisition devra être précédée de l’avis de déclassification des lieux rendu par la Commission consultative. Elle ne pourra en outre être réalisée que dans les limites de la déclassification. Ainsi, la perquisition – finalement très restreinte – sera soumise à l’avis d’une autorité administrative, ce qui constitue une entrave au cours de la justice et une atteinte au principe de séparation des pouvoirs.
C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article, qui n’a pas, je le répète, sa place dans une loi de programmation militaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. François Pillet, rapporteur pour avis.
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. Permettez-moi en préambule de souligner que nul ne peut sérieusement contester notre volonté de débattre. Je vais d'ailleurs reprendre l’ensemble des arguments qui ont été développés hier lors de l’examen de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne nous avez pas convaincus !
M. François Pillet, rapporteur pour avis. Pour vous épargner une répétition fastidieuse de ma présentation, je vais en changer la forme.
Quelle est la situation sur le terrain ? Lorsqu’un juge d’instruction se rend dans un lieu particulièrement sensible et s’en voit refuser l’entrée, s’expose-t-il à des poursuites ? Je ne sais pas s’il encourt une quelconque sanction, car le droit est incertain sur ce point. S’il entre néanmoins, risque-t-il une condamnation ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. François Pillet, rapporteur pour avis. Sans doute puisqu’il pénètre dans un lieu où le seul fait de voir un secret caractérisera le délit de compromission.
Ainsi, contrairement à ce que vous dites, c’est l’incertitude du droit qui crée des lieux sanctuarisés. Et l’incertitude du droit, c’est ce contre quoi nous voulons lutter dans cette hypothèse. Telle est la situation.
Vous dites que cette situation a complètement échappé à l’avis du Conseil d’État parce que celui-ci ne traite pas de cette question. Bien au contraire. Sans doute va-t-on me reprocher d’être un exégète excessif de ses avis, mais le Conseil d’État vise expressément cette situation puisqu’il précise, à propos du juge, qu’il lui incombe, lorsqu’il envisage de pénétrer dans une telle zone, de respecter la « nécessité impérieuse » d’éviter tout risque de compromission du secret de la défense nationale « qui pourrait résulter du seul fait de sa présence dans cette zone ».
Cela veut bien dire que c’est le fait d’entrer dans le lieu et d’appréhender le secret autrement que par la lecture d’un document qui pose problème.
L’article 13 reproduit, en négatif, l’avis du Conseil d’État. Il dispose en effet que « seuls peuvent faire l’objet d’une classification au titre du secret de la défense nationale les lieux auxquels il ne peut être accédé sans que, à raison des installations ou des activités qu’ils abritent, cet accès donne par lui-même connaissance d’un secret de la défense nationale ».
Voilà une définition qui est tout à fait claire et qui ne soulève pas de difficulté.
La protection de ces lieux est-elle contestée ? Durant les auditions auxquelles j’ai procédé, certains m’ont fait part de leurs nombreuses réserves sur ce sujet, au premier chef le Syndicat de la magistrature. Mais personne n’a contesté que ces lieux méritaient une protection particulière : ni l’Association française des magistrats instructeurs, ni l’Union syndicale des magistrats, ni le barreau, représenté par des avocats parisiens.
Comparons le secret défense au secret de la correspondance ou au secret professionnel. J’ai été séduit par la formule employée hier par le président Badinter : le secret défense, oui, mais pas au détriment du secret des affaires. Fort bien ! Mais le secret des correspondances, auquel fait expressément référence l’avis du Conseil d’État, ne constitue-t-il pas quelquefois un handicap ? N’arrive-t-il pas à un juge d’instruction perquisitionnant au cabinet d’un avocat d’entendre celui-ci lui opposer le secret professionnel pesant sur la correspondance, dans laquelle peut pourtant se trouver une preuve de corruption.
Faut-il donc moins protéger le secret défense, qui est l’image même de la protection des intérêts supérieurs de la nation, que le secret des correspondances ?
L’important est de trouver un équilibre et, oui, j’ai dit que celui qui était proposé était globalement satisfaisant. Je pense qu’aucun système ne peut servir de modèle universel.
Pour en revenir à la question qui a été soulevée hier, cet équilibre est-il constitutionnel ? En toute hypothèse, il représente, me semble-t-il, une avancée de l’état de droit, que d’aucuns qualifieront de modeste, mais qui n’est tout de même pas négligeable.
Si certains d’entre vous estiment qu’il porte atteinte à l’équilibre entre les deux plaques tectoniques de notre Constitution – j’ai déjà utilisé cette image hier –, ils pourront toujours saisir le Conseil constitutionnel. Mieux encore, depuis la révision constitutionnelle votée par le Parlement l’an dernier, cette faculté est ouverte à tout citoyen !
Attendez-vous à savoir – pour reprendre l’expression fétiche d’une ancienne chroniqueuse politique dont les moins jeunes d’entre nous se souviennent – que, dans les temps à venir, lorsque surviendra un problème à l’occasion d’une perquisition, l’avocat de la « victime » ne manquera pas de faire en sorte que le Conseil constitutionnel soit saisi par voie d’exception. Nous verrons bien alors quelle sera sa réponse.
Je le répète, j’estime que nous avons trouvé un équilibre et que, dès lors, il n’y a pas lieu de voter l’amendement n° 121. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 12 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Après le mot :
précédent
rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 56-4 du code de la procédure pénale :
comporte la Direction générale de la sécurité intérieure, la Direction de la coopération et des relations internationales, la Direction du renseignement militaire, la Direction de la protection et de la sécurité de la défense, les cabinets du Président de la République, du Premier ministre, des ministres de la défense et de l'intérieur.
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Je ne suis pas certain de bien saisir le sens du texte proposé par le Gouvernement, et je ne suis d’ailleurs pas certain non plus que ce dernier le comprenne lui-même !
L’article 12 me paraît être une véritable usine à gaz, dont les dispositions ne relèvent en rien d’une loi de programmation militaire, car il s’agit en fait de procédure pénale.
Par ailleurs, je me demande si le Gouvernement ne confond pas documents classifiés et lieux secrets.
M. Jean-Pierre Chevènement. Ces deux concepts sont en effet assez différents.
J’admets que, lorsqu’un juge perquisitionne dans un lieu comme la DGSE ou la DCRI, la direction centrale du renseignement intérieur, il ne puisse se saisir de n’importe quel document, car je sais très bien quelles conséquences cela pourrait avoir. Je ne verrais donc pas d’inconvénient à ce qu’il soit escorté du président de la CCSDN, dès lors que toutes les précautions sont prises pour préserver le secret de la perquisition, qui est un réel problème, évoqué hier par M. Badinter.
Monsieur le ministre, ne serait-il pas plus simple de définir dès maintenant la liste des lieux qui font l’objet d’une protection spéciale au titre de la préservation du secret de la défense nationale ? Cette solution aurait le mérite d’être claire pour tous, au contraire de l’arrêté du Premier ministre, qui va déterminer une liste de lieux que nous ne connaissons pas. Nous avons entendu parler de dix-neuf sites, mais d’autres chiffres ont été avancés. Et pourquoi citer l’Île Longue quand on parle des documents pouvant compromettre le secret de la défense nationale ? En commission, avait même été évoqué je ne sais quel code d’une entreprise aéronautique.
Monsieur le ministre, la plus grande confusion règne !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un jour, tout sera privatisé et il n’y aura plus de problème !
M. Jean-Pierre Chevènement. J’ai donc déposé un amendement qui est un peu destiné à vous « titiller ». (Sourires.) Il tend à définir les lieux qui me paraissent mériter une protection spéciale, ce qui n’interdirait ni les perquisitions ni le secret de ces perquisitions. Avec le sous-amendement n° 136, M. Charasse a ajouté à ma liste la direction générale des douanes et droits indirects, la cellule Tracfin et le ministère de l’économie et des finances, ainsi que, pour faire bonne mesure, tous les services qui y sont rattachés. Sa conception est donc beaucoup plus extensive que la mienne !
Mme Nathalie Goulet. Charassienne ! (Sourires.)
M. le président. Le sous-amendement n° 136, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
Après le mot :
comporte
rédiger comme suit la fin du second alinéa de l'amendement n° 12 :
notamment les cabinets du Président de la République, du Premier ministre, du ministre de la défense, du ministre de l'intérieur, du ministre de l'économie et des finances, ainsi que les services qui leurs sont attachés et exercent leurs activités ou des compétences dans les domaines de la défense et des relations internationales dont la Direction générale de la sécurité intérieure, la Direction de la coopération et des relations internationales, la Direction du renseignement militaire, la Direction de la protection et de la sécurité de la défense, la Direction générale des douanes et la Tracfin.
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. le président. L'amendement n° 116, présenté par M. Badinter, Mme Klès, MM. Michel, Boulaud, Carrère, Vantomme, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Voynet, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du deuxième alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article 56-4 du code de procédure pénale par les mots :
sur avis conforme de la Commission consultative du secret de la défense nationale
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Mon collègue Jean-Pierre Chevènement a déjà fort bien présenté l’essentiel.
Monsieur le rapporteur pour avis, j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt vos propos, dans lesquels j’ai retrouvé le talent que je vous connais. Je crains de n’être pas d’accord avec vous sur l’interprétation à donner de l’avis du Conseil d’État. Je sais que l’imagination est le propre du vrai juriste, mais j’ai peur que, dans ce cas, elle ne vous ait emporté un peu loin. Je vous défie de trouver dans cet avis, que j’ai lu et relu, une invitation à sanctifier des lieux pour protéger les magistrats.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. Robert Badinter. En réalité, le Conseil d’État était, à juste titre, essentiellement préoccupé par les dispositions du code pénal relatives à l’appréhension des secrets et leur communication à des tiers non habilités. Or ce problème est résolu par le régime des perquisitions.
En ce qui concerne les lieux, deux types de locaux protégés ont été créés. Le premier, que l’on peut qualifier de niveau inférieur, est celui dont nous parlons en ce moment : il comprend les lieux qui abritent des documents considérés comme relevant du secret de la défense nationale. Le second est constitué par les sanctuaires, qui sont les lieux classifiés.
Je ne me fais aucune illusion : le texte sera ce soir voté conforme ; nos propos relèvent donc des observations purement académiques ou juridiques.
Sachant cela, je voudrais faire remarquer que la première catégorie est très large. Y figurent notamment des services administratifs sensibles ou des locaux d’entreprises privées intervenant dans le domaine de la recherche ou de la défense. Autrement dit, cette catégorie recouvre un très large éventail de lieux, qui sont donc intégrés dans le champ d’application de ces dispositions.
On a beaucoup chanté, à juste titre, les louanges de la Commission consultative du secret de la défense nationale. J’estime qu’elle est l’innovation essentielle de la loi du 8 juillet 1998, mais nous ne devons pas nous contenter de l’état actuel des choses. On nous a dit que ses avis étaient suivis dans pratiquement tous les cas. Mais alors, pour éviter toute ambiguïté, prévoyons que cet avis doit être conforme ! Nous ne demandons rien d’autre que de régler les différences d’appréciation par la recherche du consensus.
Mon propos ne porte pas sur les modalités de la perquisition – prévoir que le juge d’instruction est escorté par le président de la Commission me paraît satisfaisant –, mais sur les pouvoirs de l’autorité administrative indépendante. Elle a été créée pour éviter l’arbitraire qui survient toujours, croit-on, lorsque la raison d’État est en jeu – c’est le cas avec le secret défense. On sait l’usage et souvent l’abus qui en a été fait par le passé. Il suffit simplement d’accroître les pouvoirs de la Commission en prévoyant qu’un consensus entre elle et le pouvoir exécutif doit être trouvé pour procéder à la classification comme lieu abritant des secrets de la défense nationale.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Robert Badinter. Je terminerai par une remarque de droit comparé.
Deux systèmes coexistent en Europe. Dans le premier, ce sont les magistrats ou les autorités indépendantes qui décident de ce qui doit être classé. Parmi les cinq grandes puissances européennes militaires, l’Allemagne, l’Angleterre et l’Espagne ont adopté ce système. Dans le second, le Premier ministre prend seul la décision. Seules la France et l’Italie ont choisi cette formule. Chez notre voisine latine, il revient au Président du Conseil, M. Berlusconi actuellement, de décider s’il y a lieu d’étendre, ou non, le bouclier du secret défense.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Judicieuse comparaison !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. La commission n’est pas favorable à l’amendement n° 12 rectifié, qui est beaucoup trop restrictif.
Le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoit une liste précise et limitative, établie par arrêté du Premier ministre. Il vise les périmètres précis qui, au sein des services ou organismes concernés, ont réellement vocation à abriter des éléments classifiés.
Sur l'amendement n° 116, qui tend à proposer un avis conforme de la CCSDN sur la liste des lieux abritant ordinairement des éléments classifiés, la commission a soulevé deux objections.
D’une part, la CCSDN ne serait plus un organisme consultatif si son avis s’imposait. Or nous estimons, contrairement au président Badinter, qu’il importe de conserver la nature consultative de cette autorité.
D’autre part, la liste des lieux résulte d’éléments objectifs : il s’agit des sites dans lesquels sont entreposés des documents ou éléments classifiés. On voit mal comment la CCSDN pourrait s’opposer à ce que le ministère de la défense ou les administrations disposent d’éléments classifiés sur tel ou tel site ou de quelle manière elle pourrait émettre un avis à ce sujet.
La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 116.
M. le président. La parole est à M. François Pillet, rapporteur pour avis.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. Je voudrais répondre au président Badinter sur la CCSDN. Étendre sa mission en lui confiant le pouvoir de rendre un avis conforme reviendrait, en quelque sorte, à empiéter sur les compétences de l’État.
Surtout, une telle orientation modifierait l’équilibre du texte. En effet, pourquoi, alors, ne pas obliger le juge à informer la CCSDN des raisons de son instruction avant toute visite de lieux ?
Chemin faisant, on transformerait la CCSDN en cogérant de l’instruction. Or certains auteurs pensent déjà que la Commission consultative participe à la procédure d’instruction. Nous aboutirions alors à un autre système, qui bouleverserait tout l’équilibre du texte. Nous ne sommes peut-être pas encore mûrs pour cette évolution.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 40 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Supprimer les quatrième et cinquième alinéas du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 56-4 du code de procédure pénale.
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Cet amendement vise à supprimer deux alinéas afin de simplifier la rédaction de ce projet de loi. Il est en effet évident que la procédure n’a pas besoin d’être définie plus avant dès lors que les lieux sont délimités par la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 41 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
I. - Supprimer les III et IV du texte proposé par le I de cet article pour l'article 56-4 du code de procédure pénale.
II. - Supprimer les I bis et II de cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Cet amendement vise également à vous simplifier la tâche, monsieur le ministre, en supprimant plusieurs paragraphes de cet article. En effet, encore une fois, les procédures prévues ici n’ont plus lieu d’être.
M. le président. L'amendement n° 115, présenté par M. Badinter, Mme Klès, MM. Michel, Boulaud, Carrère, Vantomme, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Voynet, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le III du texte proposé par le I de cet article pour l'article 56-4 du code de procédure pénale.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Nous abordons là le cœur du système dans ce qu’il a de plus choquant, comme je l’ai longuement expliqué dans mon intervention liminaire.
Je le répète, l’avis du Conseil d’État n’a jamais évoqué la création de lieux sanctuarisés où le magistrat ne pourrait pénétrer sans une décision préalable de déclassification, les choses se déroulant ensuite comme précédemment si cette déclassification est décidée. Mais l’essentiel est là : par qui cette décision sera-t-elle prise, puisque la commission n’a qu’un avis consultatif ? Elle le sera par le Premier ministre lui-même ! Par conséquent, c’est l’autorité administrative – ici le pouvoir politique – qui décidera de rendre des lieux inaccessibles à un magistrat en quête d’éléments de preuve d’une infraction.
Que faites-vous, alors, de ce qui est la mission première de la justice pénale et qui relève d’une obligation constitutionnelle ?
Nous sommes donc passés de la recherche de l’équilibre à un évident déséquilibre : le lieu est interdit à la justice, sauf si une déclassification est décidée. C’est le point le plus choquant. Le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale s’est d’ailleurs exprimé avec beaucoup de vigueur à ce sujet.
À ce stade du débat, je voudrais simplement vous poser deux questions, monsieur le ministre. Je suis en effet sans illusion sur l’importance des déclarations des parlementaires au regard de l’analyse des travaux préparatoires quand une juridiction, je pense en particulier au Conseil d’État, est à la recherche de la pensée du législateur. En revanche, je sais qu’il n’en va pas de même des propos du ministre.
Hier, vous nous avez indiqué que la liste établissant les lieux sanctuarisés pourrait faire l’objet d’un recours devant le juge administratif. J’aimerais que vous précisiez votre pensée à cet égard. Pensez-vous sérieusement qu’un arrêté du Premier ministre établissant la liste des lieux classifiés – où un magistrat ne pourra donc plus accéder – pourra être soumis au contrôle a posteriori du Conseil d’État ? Si oui, par qui ? Par ceux auxquels cet arrêté ferait grief, le maire de la commune, par exemple ? Autrement dit, comment concevez-vous l’exercice de ce recours ?
Ma deuxième question est encore plus importante. Admettons que le juge d’instruction demande la déclassification d’un lieu et qu’on la lui refuse. Il ne peut donc agir. Dans ces conditions, le magistrat de l’ordre judiciaire pourra-t-il saisir le Conseil d’État pour faire annuler le refus de déclassification du Premier ministre ?
J’attends de savoir ce qu’il en sera. Pour l’heure, les choses étant ce qu’elles sont, là encore, je suis sans illusion. M. Warsmann a d’ailleurs rappelé que, dans ce domaine, le juge, qu’il soit judicaire ou administratif, ne va pas très loin. Vous me direz peut-être que ce ne sera désormais plus le cas, ou vous ne me le direz peut-être pas. En tout cas, vos réponses auront une importance particulière pour l’avenir, même si je pense que le plus simple serait de supprimer cette disposition, comme je le préconise, mais je ne crois pas que je parviendrai à obtenir ce résultat.
M. le président. L'amendement n° 117, présenté par M. Badinter, Mme Klès, MM. Michel, Boulaud, Carrère, Vantomme, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Voynet, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Au début de la deuxième phrase de l'avant-dernier alinéa du III du texte proposé par le I de cet article pour l'article 56-4 du code de procédure pénale, après les mots :
À cette fin,
supprimer les mots :
le président de
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Cet amendement de repli vise à ce que, s’agissant d’une demande de déclassification temporaire d’un lieu, la décision appartienne collégialement à la CCSDN et non à son seul président. Cette décision est en effet suffisamment importante pour que l’instance tout entière se prononce.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Les amendements nos 41 rectifié et 115 visent à supprimer les dispositions spécifiques aux lieux classifiés.
Contrairement à ce que l’on a pu dire ou écrire, il existe d’ores et déjà des lieux dans lesquels le simple fait de pénétrer donne accès, visuellement, à la connaissance d’éléments classifiés. C’est ce qu’a rappelé le Conseil d’État en soulignant que le juge n’était pas habilité à y pénétrer.
Le projet de loi vise donc à prévoir de dresser une liste de ces lieux, car elle n’existe pas aujourd’hui. Comme nous l’a indiqué M. le ministre, il s’agira d’une liste limitative puisque l’on a parlé de dix-neuf lieux. En outre, le texte vise à permettre au juge de perquisitionner dans ces lieux, en toute légalité, ce qui est hautement inenvisageable aujourd’hui ; il faudra simplement une autorisation, sous la forme d’une déclassification temporaire, et la présence du président de la CCSDN.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Selon le présent texte, c’est le président de la CCSDN qui donne, sans délai, son avis sur la déclassification. L’amendement n° 117 vise à proposer que ce soit la Commission consultative au complet qui se prononce. Cette proposition est antinomique avec la rapidité qui avait été souhaitée pour préserver l’efficacité de la perquisition. On demande en effet au malheureux président de la CCSDN de se rendre sur les lieux sans délai et il faudrait ensuite que la Commission tout entière se réunisse pour se prononcer ! Il faut savoir ce que l’on veut ! Est-ce la rapidité, pour permettre au juge de mener promptement son instruction, ou la collégialité, qui aura évidemment pour effet de repousser le moment où le magistrat pourra conduire la perquisition ?
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Morin, ministre. Monsieur Badinter, je vous ai déjà répondu hier soir, mais je veux bien réitérer mes explications.
Vous faites une grave erreur lorsque vous dites que, en sanctuarisant des lieux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale, le texte ne permettrait plus au juge ou aux enquêteurs d’accéder à ces sites, car, dans l’état actuel de la législation, cela ne leur est pas du tout possible.
M. André Vantomme. Mais de tels lieux n’existent pas !
M. Hervé Morin, ministre. Aujourd'hui, un magistrat qui voudrait se rendre sur le site de l’Ile Longue, au centre de la direction des applications militaires de Bruyères-le-Châtel, où s’effectuent des recherches dédiées à la dissuasion, ou au centre de planification et de conduite des opérations militaires risquerait, en vertu de la législation actuelle, de s’exposer à l’infraction de compromission du secret de la défense nationale.
J’ajoute que les militaires ou les membres du personnel de la DGA qui laisseraient le juge d’instruction ou les enquêteurs pénétrer dans ces lieux seraient eux-mêmes, en vertu du code pénal en vigueur, complices du délit de compromission et encourraient une peine d’emprisonnement de cinq ans et une amende de plusieurs dizaines de milliers d’euros.
Pour aller au bout du raisonnement, imaginons que le juge d’instruction ait accès à des documents classifiés. In fine, la procédure serait automatiquement annulée, puisque le magistrat ne se serait pas adressé à la CCSDN.
Vous reprochez à ce texte de fermer les portes alors que, au contraire, il les ouvre, comme l’a très bien montré M. le rapporteur pour avis de la commission des lois : une liste limitative recensera dix-neuf lieux et une procédure judiciaire pourra désormais se dérouler en présence du président de la CCSDN.
Je ne peux pas décider à la place du Conseil d’État, d’autant que, comme vous, je suis respectueux de la séparation des pouvoirs. Toutefois, ayant enseigné le droit administratif, j’ai encore quelques souvenirs qui font que je ne vois pas en vertu de quoi l’arrêté du Premier ministre qui établit cette liste et qui sera publié au Journal officiel ne pourrait pas faire l’objet d’un recours en premier et dernier ressort devant le Conseil d’État, sauf si celui-ci considère qu’il s’agit d’un acte de Gouvernement, ce que je ne crois pas si je me rappelle bien la jurisprudence administrative. En tout cas, il appartiendra à la haute juridiction administrative d’en décider.
M. le président. Je mets aux voix l'article 12.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste et apparentés, l'autre, du groupe CRC-SPG.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 198 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 183 |
Contre | 154 |
Le Sénat a adopté.
Article 13
I. - Les articles 413-9 à 413-11 du code pénal sont ainsi modifiés :
1° À chaque alinéa de l'article 413-9, le mot : « renseignements, » est supprimé et, après le mot : « documents, », sont insérés les mots : « informations, réseaux informatiques, » et aux deux premiers alinéas de l'article 413-10 ainsi qu'aux 1° à 3° de l'article 413-11, le mot : « renseignement, » est supprimé et, après le mot : « document », sont insérés les mots : « , information, réseau informatique » ;
2° Au premier alinéa de l'article 413-9, le mot : « protection » est remplacé par le mot : « classification » et sont ajoutés les mots : « ou leur accès » ;
3° Au deuxième alinéa de l'article 413-9, après le mot : « divulgation », sont insérés les mots : « ou auxquels l'accès » ;
4° Au premier alinéa de l'article 413-10, après les mots : « reproduire, soit », sont insérés les mots : « d'en donner l'accès à une personne non qualifiée ou » ;
5° Au deuxième alinéa de l'article 413-10, après le mot : « laissé », sont insérés les mots : « accéder à, » ;
6° Au 1° de l'article 413-11, après le mot : « possession », sont insérés les mots : «, accéder à, ou prendre connaissance ».
II. - Après les articles 413-9, 413-10 et 413-11 du même code, sont insérés respectivement les articles 413-9-1, 413-10-1 et 413-11-1 ainsi rédigés :
« Art. 413-9-1. - Seuls peuvent faire l'objet d'une classification au titre du secret de la défense nationale les lieux auxquels il ne peut être accédé sans que, à raison des installations ou des activités qu'ils abritent, cet accès donne par lui-même connaissance d'un secret de la défense nationale.
« La décision de classification est prise pour une durée de cinq ans par arrêté du Premier ministre, publié au Journal officiel, après avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale.
« Les conditions d'application du présent article, notamment les conditions de classification des lieux, sont déterminées par décret en Conseil d'État. »
« Art. 413-10-1. - Est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende le fait, par toute personne responsable, soit par état ou profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire ou permanente, d'un lieu classifié au titre du secret de la défense nationale d'en avoir permis l'accès à une personne non qualifiée.
« Est puni des mêmes peines le fait, par toute personne qualifiée, de porter à la connaissance du public ou d'une personne non qualifiée un élément relatif à la nature des installations ou des activités qu'un tel lieu abrite.
« Lorsque la personne responsable a agi par imprudence ou négligence, l'infraction est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende. »
« Art. 413-11-1. - Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende le fait, par toute personne non qualifiée :
« 1° D'accéder à un lieu classifié au titre du secret de la défense nationale ;
« 2° De porter à la connaissance du public ou d'une personne non qualifiée un élément relatif à la nature des installations ou des activités qu'un tel lieu abrite ;
« 3° (Supprimé) »
III. - Après le 5° de l'article 322-3 du code pénal, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° Lorsqu'elle est commise à l'encontre d'un lieu classifié au titre du secret de la défense nationale. »
M. le président. L'amendement n° 120, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez un problème avec la séparation des pouvoirs : la loi ou le décret, ce n’est pas la même chose ! La distinction ne semble pas très claire à vos yeux.
Le Conseil d’État n’obligeait en aucun cas à fixer des lieux de cette façon et votre interprétation de son avis, monsieur Pillet, relève de la prestidigitation.
J’ajoute que nous n’avons aucune idée de ce que recouvrent les notions d’installations et d’activités. Nous sommes dans l’opacité la plus totale.
De surcroît, les conditions de classification relèvent de l’arbitraire. Le texte a quelque peu été amélioré par l’Assemblée nationale, mais les aménagements ne garantissent guère plus de transparence dans la décision de classification.
Enfin, nous n’avons aucune idée du nombre de lieux qui pourraient être un jour classés secret défense, et c’est pour cette raison que le recours à la loi ou au décret n’est pas indifférent.
Le rapporteur de la commission des lois à l’Assemblée nationale a confié qu’il ne serait pas étonné que le nombre de lieux classifiés atteigne une centaine si la définition de la liste est entièrement laissée à l’appréciation de l’exécutif. La confiance règne ! (M. le président de la commission des lois s’exclame.)
Le chiffre de dix-neuf sites a été avancé. Lesquels ? Pourquoi dix-neuf ? On n’en sait rigoureusement rien !
Les dispositions votées par l’Assemblée nationale, que notre commission des lois propose d’adopter sans modification, traduisent une culture du secret d’État particulièrement malvenue dans une période où l’État aura à s’expliquer sur ses choix antérieurs et où la suppression du juge d’instruction est sérieusement envisagée.
Avec l’absence de séparation des pouvoirs et la disparition du juge d’instruction, l’indépendance de la justice sera pour une autre fois ! Franchement, vous avez tort de vous obstiner de la sorte et j’espère que vous serez contestés dans cette décision.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 114, présenté par M. Badinter, Mme Klès, MM. Michel, Boulaud, Carrère, Vantomme, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Voynet, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer les II et III de cet article.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Il s’agit d’un amendement de coordination. Je me suis déjà exprimé sur le fond.
M. le président. L'amendement n° 113, présenté par M. Badinter, Mme Klès, MM. Michel, Boulaud, Carrère, Vantomme, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Voynet, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 413-9-1 du code pénal, après le mot :
avis
insérer le mot :
conforme
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Je me suis déjà exprimé sur l’avis conforme de la CCSDN.
M. le président. L'amendement n° 112, présenté par M. Badinter, Mme Klès, MM. Michel, Boulaud, Carrère, Vantomme, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Voynet, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le texte proposé par le II de cet article pour l'article 413-11-1 du code pénal, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. 413-11-2. - Le fait de dissimuler dans des lieux classifiés au titre du secret défense des procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers non classifiés, en tentant de les faire bénéficier de la protection attachée au secret de la défense nationale, expose son auteur aux sanctions prévues à l'article 434-4 du code pénal. »
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Nous voulons combler un curieux manque dans la rédaction du projet de loi, monsieur le ministre.
Il est prévu une sanction pénale en cas de dissimulation de différents éléments non classifiés se trouvant dans des lieux abritant des éléments couverts par le secret défense. Cette sanction fait en revanche défaut lorsque la dissimulation porte sur des éléments de même nature mais se trouvant dans les lieux ultra-protégés classifiés au titre du secret de la défense nationale.
Pourquoi une telle différence de traitement ? Pourquoi protéger les premiers à l’égard de personnes qui auraient fait bénéficier des éléments de la protection attachée au secret de la défense nationale par des sanctions pénales et non les seconds, contenant, vous l’avez dit, des données beaucoup plus sensibles ? Ce qui vaut pour les uns peut certainement valoir pour les autres !
Nous avons déposé cet amendement afin de réparer cette lacune que je ne m’explique pas et qui résulte du passage du texte devant l’Assemblée nationale puisque c’est elle qui est à l’origine de cette disposition. Nous aimerions que vous nous apportiez au moins des éclaircissements, monsieur le ministre. Quoi qu’il en soit, je souhaite, dans l’intérêt général, que cet amendement soit adopté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements nos 114 et 113, qui sont les conséquences des amendements nos 115 et 117, rejetés à l’article 12.
L’amendement n° 112 vise à incriminer le fait de dissimuler dans des lieux classifiés des éléments qui n’y ont pas leur place pour les soustraire à la justice.
Cette précision ne nous paraît pas nécessaire dans la mesure où, en vertu de l’article 12, les perquisitions dans des lieux classifiés obéissent au même régime que celles qui se déroulent dans des lieux abritant des éléments classifiés, pour lesquels cette incrimination a déjà été prévue par l’Assemblée nationale.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Morin, ministre. Monsieur Badinter, je veux vous rassurer : ces dispositions prévues par l’Assemblée nationale s’appliquent tant pour les lieux qui sont par nature classifiés au titre du secret de la défense nationale que pour les lieux susceptibles d’abriter des documents classifiés.
M. Robert Badinter. L’analogie ne vaut pas en droit pénal !
M. Hervé Morin, ministre. La lecture des travaux préparatoires et des débats parlementaires éclaireront le juge.
M. le président. Je mets aux voix l'article 13.
(L'article 13 est adopté.)
Article 14
Le code de la défense est ainsi modifié :
1° L'article L. 2312-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le président de la Commission consultative du secret de la défense nationale, ou son représentant, membre de la commission, est chargé de donner, à la suite d'une demande d'un magistrat, un avis sur la déclassification temporaire aux fins de perquisition de lieux ayant fait l'objet d'une classification. » ;
2° L'article L. 2312-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un magistrat, dans le cadre d'une procédure engagée devant lui, peut demander la déclassification temporaire aux fins de perquisition de lieux protégés au titre du secret de la défense nationale au président de la commission. Celui-ci est saisi et fait connaître son avis à l'autorité administrative en charge de la classification dans les conditions prévues par l'article 56-4 du code de procédure pénale. » ;
2° bis Au deuxième alinéa de l'article L. 2312-5, après les mots : « information classifiée », sont insérés les mots : « et d'accéder à tout lieu classifié » ;
3° Après le troisième alinéa de l'article L. 2312-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'accomplissement de sa mission, la commission ou, sur délégation de celle-ci, son président, est habilitée, nonobstant les dispositions des articles 56 et 97 du code de procédure pénale, à procéder à l'ouverture des scellés des éléments classifiés qui lui sont remis. La commission en fait mention dans son procès-verbal de séance. Les documents sont restitués à l'autorité administrative par la commission lors de la transmission de son avis. » ;
4° Après l'article L. 2312-7, il est inséré un article L. 2312-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2312-7-1. - L'avis du président de la Commission consultative du secret de la défense nationale sur la déclassification d'un lieu aux fins de perquisition, dont le sens peut être favorable, favorable à la déclassification partielle ou défavorable, prend en considération les éléments mentionnés au premier alinéa de l'article L. 2312-7. »
M. le président. L'amendement n° 119, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Coordination.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 111, présenté par M. Badinter, Mme Klès, MM. Michel, Boulaud, Carrère, Vantomme, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Voynet, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le début du second alinéa du 1° de cet article :
La Commission consultative du secret de la défense nationale est chargée de donner...
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. C’est un amendement de coordination.
S’agissant d’une demande de déclassification, j’ai déjà évoqué la nécessité de faire intervenir la CCSDN collégialement, et pas seulement son président.
M. le président. L'amendement n° 110, présenté par M. Badinter, Mme Klès, MM. Michel, Boulaud, Carrère, Vantomme, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Voynet, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le 1° de cet article, insérer trois alinéas ainsi rédigés :
...° Les 2° et 3° de l'article L. 2312-2 sont ainsi rédigés :
« 2° Deux députés, désignés pour la durée de la législature par le président de l'Assemblée nationale ;
« 3° Deux sénateurs, désignés après chaque renouvellement partiel du Sénat, par le président du Sénat. »
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Cet amendement a trait à la composition de la CCSDN.
Celle-ci est actuellement composée de cinq membres : trois sont nommés par le Président de la République, un par le président de l’Assemblée nationale et un par le président du Sénat.
Je le rappelle, il est de règle en matière d’autorités administratives indépendantes – cela vaut pour la CNIL, la CNDS, le CSA, la HALDE, etc. – que la désignation parlementaire équilibre, au moins, la désignation par le Président de la République.
Nous proposons de maintenir la désignation de trois membres par le Président de la République, mais de prévoir que chacune des assemblées en désignera deux. Ainsi, le rééquilibrage se fera naturellement.
L’essentiel des pouvoirs étant concentré entre les mains du président de la Commission consultative, cela ne modifie pas profondément le dispositif. Ce n’est que pour les délibérations collégiales que la représentation parlementaire plus étoffée devrait rééquilibrer le dispositif prévu, qui nous paraît en tout état de cause dérogatoire aux règles communément adoptées pour ces instances.
M. le président. L'amendement n° 109, présenté par M. Badinter, Mme Klès, MM. Michel, Boulaud, Carrère, Vantomme, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Voynet, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - À la fin de la première phrase du second alinéa du 2° de cet article, remplacer les mots :
au président de la commission
par les mots :
à la commission
II - Au début de la seconde phrase du même alinéa, remplacer les mots :
Celui-ci est saisi
par les mots :
Celle-ci est saisie
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Il s’agit de confier à la CCSDN, instance collégiale, et non à son président, la prérogative de se prononcer sur une demande de déclassification de lieux protégés au titre du secret de la défense nationale. Je m’en suis déjà expliqué.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 111 et 109, en cohérence avec l’avis qu’elle a émis sur l’amendement n° 117.
L’amendement n° 110 vise à augmenter l’effectif de la CCSDN en lui adjoignant deux parlementaires supplémentaires. Un amendement identique avait été rejeté par l’Assemblée nationale, qui avait considéré qu’un effectif restreint était préférable et qu’il ne constituait pas un obstacle au bon fonctionnement de la Commission. Le président de la CCSDN s’est d’ailleurs exprimé dans le même sens. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. François Pillet, rapporteur pour avis.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. La composition de la CCSDN illustre l’équilibre de ce texte.
Si votre amendement n° 110 était adopté, monsieur Badinter, la CCSDN serait alors un organisme plus politique que juridique. Elle est actuellement composée de trois magistrats choisis parmi six magistrats sur proposition de la Cour de cassation, du Conseil d’État et de la Cour des comptes, et de deux parlementaires, choisis afin de représenter diverses sensibilités.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon ?
M. François Pillet, rapporteur pour avis. Si nous modifiions la composition de la Commission dans le sens que vous proposez, nous enverrions un signe très négatif à la magistrature et au monde juridictionnel, qui n’y serait plus majoritaire.
M. le président. Je mets aux voix l'article 14.
(L'article 14 est adopté.)
CHAPITRE VII
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 15
Après le 3° de l'article L. 33-3 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° Les installations radioélectriques de l'État établies dans certains établissements affectés aux besoins de la défense et de la sécurité nationale et permettant de rendre inopérants, tant pour l'émission que pour la réception, les appareils de communications électroniques de tous types. » – (Adopté.)
Article 16
À l'article L. 1333-8 du code de la défense, les mots : « ministre de l'industrie » sont remplacés par les mots : « ministre chargé de l'énergie ». – (Adopté.)
Article 16 bis
Pour les immeubles ou parties d'immeubles domaniaux mis à la disposition du ministère de la défense et dont la liste est fixée par un arrêté conjoint du ministre de la défense et du ministre chargé du domaine, la durée du délai prévu à l'article L. 2141-2 du code général de la propriété des personnes publiques est fixée à six ans.
M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, sur l'article.
Mme Virginie Klès. Les disposions de l’article 16 bis concernent le patrimoine immobilier. Si elles sont acceptables en elles-mêmes, elles n’ont cependant pas grand-chose à faire dans un texte consacré à la programmation militaire. Elles me donnent néanmoins l’occasion de revenir sur un sujet que j’avais déjà évoqué lors de l’examen du projet de loi relatif à la gendarmerie nationale, à savoir le nouvel article L. 4145-2 du code de la défense relatif au logement des gendarmes en caserne. J’avais alors posé une question qui est demeurée sans réponse.
Monsieur le ministre, vous avez précisé hier, en début de séance, que la gendarmerie ne relevait plus de votre ministère, et croyez bien que je persiste à le regretter. Néanmoins, les locaux restent occupés par des militaires.
Pour certains, cette question est sans importance puisque, dès lors que le casernement comprend plus de quarante gendarmes, les travaux sont intégralement pris en charge par l’État. Il en va tout autrement pour les élus des territoires ruraux concernés par des brigades de plus petite taille et à qui sont délégués la maîtrise d’ouvrage et le portage financier de ces dossiers. Ces élus locaux doivent se battre pour préserver le maillage territorial de ce service public essentiel qui implique la présence de la gendarmerie jusqu’aux fins fonds de nos campagnes. Ils doivent faire face à de lourdes dépenses d’investissement, incomplètement compensées par l’État.
Pour ne pas grever le budget et les capacités d’emprunt des collectivités locales avec des investissements lourds, qui relèvent pourtant des compétences régaliennes de l’État, il est absolument nécessaire de ne plus subordonner le versement de la subvention de l’État à une maîtrise d’ouvrage effective par une collectivité. Il faut permettre de façon pérenne le recours à une maîtrise d’ouvrage déléguée et envisager des partenariats public-privé, ce dont l’État ne se prive d’ailleurs pas en matière de programmation militaire notamment. Or, compte tenu du retard pris par la LOPSI II, deuxième loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, de tels partenariats ne peuvent plus être mis en œuvre aujourd'hui.
Depuis 2007, les autorisations de programme, d’une durée limitée à deux ans, tombent de fait, sauf à ce que les collectivités acceptent la maîtrise d’ouvrage déléguée. Or le coût d’un tel montage juridico-financier est loin d’être négligeable.
Une solution transitoire pourrait être envisagée : il suffirait de prolonger le délai de l’autorisation de programme du ministère de l’intérieur jusqu’au vote de la LOPSI II, prorogé d’une année supplémentaire après sa promulgation. Tel était le sens d’un amendement que j’avais déposé, mais qui a malheureusement été frappé par le couperet de l’article 40, pour des raisons dont la complexité confinait d’ailleurs à l’obscurité. Cette disposition ne serait pourtant que justice.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir me dire quelles mesures vous envisagez de mettre en œuvre pour rester, sur ce dossier, aux côtés des collectivités comme des gendarmes, qui appartiennent encore à l’armée, dont vous êtes le ministre de tutelle. À moins que vous n’ayez définitivement décidé d’abandonner les gendarmes lors de leur rattachement au ministère de l’intérieur… (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Vous dites n’importe quoi !
Mme Virginie Klès. Peut-être pourriez-vous faire l’effort de vous intéresser aux gendarmes quelques instants, même à une heure aussi avancée !
Un sénateur de l’UMP. Respectez le règlement !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. On est dans une assemblée sérieuse, ici !
Mme Virginie Klès. Jusqu’à preuve du contraire, le règlement est respecté. Une intervention sur l’article donne droit à cinq minutes de temps de parole, pas à trois ! Je ne défends pas un amendement !
Permettez-moi également de revenir ici sur la politique quelque peu déroutante du ministère de la défense en matière de gestion du patrimoine immobilier. La mission pour la réalisation des actifs immobiliers, la MRAI, irait même jusqu’à mettre en vente certains monuments aux morts… Sans doute une rumeur sans fondement ! (M. Robert del Picchia s’exclame.)
Avec le rassemblement des états-majors des trois armes sur le site de Balard, dans le XVe arrondissement de Paris, où se trouve déjà l’armée de l’air, la marine quitterait le prestigieux hôtel qu’elle occupe depuis 1792 place de la Concorde. L’armée de terre devrait abandonner le boulevard Saint-Germain et l’hôtel de Brienne, situé rue Saint-Dominique, deviendrait un lieu de réception du ministère de la défense. Tous ces lieux, s’ils ne sont pas mythiques, sont chargés d’histoire. On brade, bien légèrement me semble-t-il, le patrimoine historique de l’État. La fin justifie-t-elle les moyens ? On peut légitimement s’interroger.
Un Pentagone à la française, pourquoi pas si cela permet d’améliorer le fonctionnement et l’efficacité de nos armées ?
Cet immeuble – ou cette citadelle – sera-t-il un site administratif banalisé, un centre de commandement ou un site à vocation opérationnelle ? Sera-t-il classé secret défense ? Accueillera-t-il 10 000 hommes, 15 000 hommes ? Plus ? Moins ? On ne construit ni au même endroit, ni de la même façon, ni selon les mêmes normes, ni avec la même organisation, ni pour le même fonctionnement l’un ou l’autre de ces équipements.
Sécurité, visibilité, repérage, environnement : autant de variables qui ne semblent être ni maîtrisées ni même identifiées par les promoteurs du projet. La proximité de la Seine, de l’héliport de Paris, la présence d’un habitat dense sont autant de contraintes dont nul ne sait si elles sont rédhibitoires.
M. le président. Veuillez conclure !
Mme Virginie Klès. En outre, aujourd’hui, le plan local d’urbanisme n’accorde qu’une surface hors œuvre nette de 50 000 mètres carrés, très inférieure aux besoins annoncés de 300 000 mètres carrés.
M. le président. Il faut vraiment conclure, madame !
Mme Virginie Klès. Je termine, monsieur le président.
Le ministère de la défense comptait sur la vente d’une partie de son riche patrimoine immobilier pour financer plusieurs programmes, dont cet emblématique projet censé bénéficier d’une manne de 1,6 milliard d’euros.
Certes, la crise ne facilite pas les choses, mais nous ne vivons pas dans un tel contexte depuis vingt ans. Or, depuis de nombreuses années, les recettes tirées de la vente des actifs immobiliers de la défense restent, avec une grande régularité, très inférieures aux prévisions comme aux coûts des restructurations nécessaires : Oissel et Châteaulin sont assez emblématiques à cet égard. Et ce n’est pas en mettant à la charge des éventuels acquéreurs la dépollution des sites ou la dévalorisation des immeubles vendus occupés – sans engagement sur les délais de libération – que l’on inversera cette tendance !
Quand on compte sur des recettes immobilières pour financer un projet, il est bon de gérer ce dossier en professionnel et non en amateur plus ou moins éclairé. (Manifestations d’impatience sur les travées de l’UMP.)
Les gendarmes et les militaires seront contents de savoir que vous préférez faire respecter le règlement plutôt que de leur consacrer quelques secondes supplémentaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Ce galimatias est indigne du Parlement !
M. le président. Je mets aux voix l'article 16 bis.
(L'article 16 bis est adopté.)
Article 16 ter
L'article L. 3212-2 du code général de la propriété des personnes publiques est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Les cessions de biens meubles, dont le ministère de la défense n'a plus l'emploi, à des associations ou organismes agissant pour la préservation ou la mise en valeur du patrimoine militaire, ou contribuant au renforcement du lien entre la Nation et son armée. » – (Adopté.)
Article 16 quater
L'avant-dernière ligne de la première colonne du tableau du 2° de l'article L. 4139-16 du code de la défense est complétée par les mots : «, ingénieurs militaires d'infrastructure de la défense ». – (Adopté.)
Article 16 quinquies
Le plan du code de la défense est ainsi modifié :
a) Au livre IV de la première partie, sont insérés quatre titres ainsi intitulés :
« Titre Ier. - La dissuasion nucléaire » comportant deux chapitres ainsi intitulés :
« Chapitre Ier. - Préparation, mise en œuvre et contrôle gouvernemental de la dissuasion nucléaire ». Ce chapitre ne comprend pas de dispositions législatives ;
« Chapitre II. - Le délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense ». Ce chapitre ne comprend pas de dispositions législatives ;
« Titre II. - Défense opérationnelle du territoire » comportant deux chapitres ainsi intitulés :
« Chapitre Ier. - Objet ». Ce chapitre ne comprend pas de dispositions législatives ;
« Chapitre II. - Mise en œuvre ». Ce chapitre ne comprend pas de dispositions législatives ;
« Titre III. - Défense maritime du territoire » comportant deux chapitres ainsi intitulés :
« Chapitre Ier. - Objet ». Ce chapitre ne comprend pas de dispositions législatives ;
« Chapitre II. - Mise en œuvre ». Ce chapitre ne comprend pas de dispositions législatives ;
« Titre IV. - Défense aérienne » comportant trois chapitres ainsi intitulés :
« Chapitre Ier. - Objet ». Ce chapitre ne comprend pas de dispositions législatives ;
« Chapitre II. - Mise en œuvre ». Ce chapitre ne comprend pas de dispositions législatives ;
« Chapitre III. - Commission interministérielle de la sûreté aérienne ». Ce chapitre ne comprend pas de dispositions législatives ;
b) L'intitulé du titre III du livre III de la deuxième partie est ainsi rédigé : « Matériels de guerre, armes et munitions » ;
c) Au titre Ier du livre Ier de la troisième partie, il est inséré un chapitre unique. Ce chapitre ne comprend pas de dispositions législatives ;
d) L'intitulé du chapitre unique du titre II du livre Ier de la cinquième partie est ainsi rédigé : « Répression des infractions relatives aux servitudes militaires » ;
e) Au titre III du livre Ier de la cinquième partie, il est inséré un chapitre unique ainsi intitulé :
« Chapitre unique. - Gestion et administration des infrastructures de la défense ». Ce chapitre ne comprend pas de dispositions législatives. – (Adopté.)
Article 16 sexies
Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance les mesures d'adaptation de la législation liées au transfert des attributions de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale à d'autres services du ministère de la défense, à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, à l'Institution nationale des invalides et à la Caisse nationale militaire de sécurité sociale.
L'ordonnance devra être prise au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant la publication de la présente loi. Le projet de loi de ratification de l'ordonnance devra être déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du neuvième mois suivant la publication de la présente loi.
M. le président. L'amendement n° 118, présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. L’article 16 sexies, introduit par le Gouvernement en commission à l’Assemblée nationale, vise à l’autoriser à prendre par ordonnance – sûrement dans un souci de simplification !– les mesures liées au démantèlement de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale, la DSPRS. En d’autres termes, cet article organise l’éclatement des missions assumées par la DSPRS et prévoit leur transfert à d’autres services du ministère de la défense, à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONAC, à l’Institution nationale des invalides et à la Caisse nationale militaire de sécurité sociale.
Cet article constitue une nouvelle étape de l’entreprise de sape du droit imprescriptible à réparation des anciens combattants et victimes de guerre.
La révision générale des politiques publiques a déjà conduit à la suppression des directions interdépartementales des anciens combattants, entraînant une refonte totale des tâches des services départementaux, alors que le contrat d’objectifs et de moyens n° 2 prévoit la suppression de 150 postes.
Les services déconcentrés de l’ONAC sont en train d’être réorganisés en services départementaux de proximité. Ils comprendront trois agents pour assurer l’accueil et le renseignement du public, l’instruction des dossiers d’action sociale et la relation avec les partenaires. Dans ces conditions, alors que l’ONAC assurera des missions nouvelles et que son personnel sera réduit, peut-on prétendre que cette réorganisation permettra de réduire les délais de traitement des dossiers ?
Ce « COM 2 », comme on le nomme, prévoit également des « externalisations de tâches » et des « transferts vers des fondations », ce que nous interprétons comme le transfert au privé de certains secteurs d’activité : seront très certainement concernées les maisons de retraite de l’ONAC et les écoles de réinsertion professionnelle, mais sans doute aussi l’entretien et la gestion des nécropoles et des lieux de mémoire.
Nous sommes bien loin des affirmations du Président de la République, qui assurait à l’Union française des associations d’anciens combattants et de victimes de guerre, en avril 2007 : « La reconnaissance de la Nation, c’est également la garantie de l’existence des droits spécifiques des anciens combattants, tels qu’ils sont inscrits dans le code des anciens combattants et victimes de guerre, et un budget qui leur est consacré. Je n’ai pas l’intention de revenir sur l’ensemble du droit existant. » C’est pourtant bien malheureusement ce qui se passe depuis l’élection présidentielle !
Non seulement le budget des anciens combattants et des victimes de guerre se réduit comme peau de chagrin chaque année dans la loi de finances, mais encore les promesses sont jetées par-dessus bord et des décisions insidieuses restreignent régulièrement les droits des anciens combattants et de leurs veuves. Je ne citerai que les plus récentes : l’assujettissement des maisons de retraite de l’ONAC à la taxe foncière, ce qui entraînera une majoration du prix de journée ; ou encore le refus de considérer comme ressortissantes de l’ONAC certaines veuves d’anciens combattants en leur déniant le droit de faire valoir l’attestation à titre posthume selon laquelle leur défunt mari aurait pu bénéficier de la carte du combattant ou du titre de reconnaissance de la Nation de son vivant !
Pour toutes ces raisons, et pour marquer votre solidarité envers le monde combattant dont les droits sont de plus en plus bafoués, nous vous invitons à voter cet amendement visant à supprimer l’article 16 sexies.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Cet amendement de suppression vise à s’opposer à l’habilitation donnée au Gouvernement de réorganiser par ordonnance l’administration des pensions en transférant les attributions de la direction des pensions du ministère des anciens combattants à l’ONAC, à l’Institution nationale des invalides et à la Caisse nationale militaire de sécurité sociale.
Le contexte a radicalement évolué depuis la mise en place de l’administration des pensions après la Première Guerre mondiale. Il est donc nécessaire de simplifier et de rationaliser ces structures. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 16 sexies.
(L'article 16 sexies est adopté.)
Article 17
Sans préjudice des dispositions de la présente loi qui s'y appliquent de plein droit, les dispositions de la présente loi s'appliquent sur l'ensemble du territoire de la République. – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous achevons l’examen du projet de loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014, dont les enjeux, chacun en est conscient, sont majeurs pour nos armées.
Au nom du groupe UMP, je tiens à remercier de leur excellent travail M. le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ainsi que les rapporteurs pour avis de la commission des lois et de la commission des finances. Je vous remercie également, bien entendu, monsieur le ministre, de vos explications.
Ce projet de loi de programmation militaire présente plusieurs innovations tant sur le plan financier que sur le plan législatif.
Sur le plan financier, nous saluons l’augmentation des crédits et nous félicitons des recettes exceptionnelles suscitées par les restructurations et les réformes engagées par le ministre, notamment dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.
Cela témoigne d’une meilleure politique de gestion, qui permettra l’amélioration des conditions et des équipements de nos armées. Nous nous en réjouissons.
En période de crise économique, nous nous félicitons également de la sincérité budgétaire et de la crédibilité financière de ce projet de loi de programmation militaire.
Par ailleurs, le groupe UMP souligne toute la cohérence du volet législatif de ce texte, qui tend à palier le vide juridique auquel l’autorité judiciaire était confrontée en matière de secret défense.
En plus de la traditionnelle adaptation de notre outil de défense aux nouvelles réalités géostratégiques, ce projet de loi traduit une volonté de concilier la nécessaire protection de nos concitoyens sur le territoire national et à l’étranger, au travers de la réforme des structures de renseignement, avec les responsabilités que notre pays exerce au sein de l’OTAN et de l’Union européenne.
Pour toutes ces raisons, l’ensemble du groupe UMP votera ce texte.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe du RDSE déplore les conditions dans lesquelles ce débat s’est déroulé et le vote bloqué qui est imposé au Sénat.
À l’occasion du scrutin public sur l’article 12, une très nette majorité de membres de mon groupe, quinze sur dix-sept, ont émis un vote négatif.
À nos yeux, ce qui pose problème, c’est la confusion entre, d’une part, le projet de loi de programmation militaire, dont l’objet strict est, comme son nom l’indique, de programmer des crédits, voire des effectifs, et, d’autre part, le Livre blanc, que M. Morin a présenté hier comme sa véritable feuille de route et qui éclaire un tournant stratégique.
Quatre sénateurs de notre groupe passeront outre et privilégieront l’aspect « programmation », qui accorde des moyens à nos armées. Ils voteront donc pour le projet de loi.
D’autres marqueront leurs réserves ou leurs réticences – sept en s’abstenant, six en votant contre –, pour des raisons qui, au-delà des conditions contestables dans lesquelles nous avons débattu, sont de nature politique, tenant essentiellement à la philosophie du Livre blanc, c'est-à-dire une rupture profonde avec le primat de l’indépendance nationale, la réintégration du commandement militaire de l’OTAN et l’adoption d’une doctrine de sécurité nationale pour le moins problématique. Toutefois, même ceux-là ne contesteront pas que le projet de loi comporte des aspects positifs, que j’ai d’ailleurs relevés dans mon intervention liminaire.
Le groupe au nom duquel je m’exprime partagera donc ses voix en fonction des considérations que je viens de rappeler.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme d’un débat tronqué sur ce projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014.
Je dis bien « débat tronqué », car nous n’avons pas eu de véritable discussion au Sénat. En effet, cédant aux pressions du Président de la République, la majorité sénatoriale a accepté de voter « conforme », c’est-à-dire sans le modifier, le texte qui avait auparavant été examiné par l’Assemblée nationale.
Nous avons assisté au spectacle un peu dérisoire, mais dangereux pour la démocratie, d’un gouvernement qui ne se donnait pratiquement pas la peine de répondre à nos arguments – nous en avons eu l’illustration ce matin –, contrairement à M. le rapporteur et, parfois, à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois, qui ont au moins eu cette courtoisie.
Ce texte n’ayant en aucune manière évolué, vous comprendrez que nous y demeurions opposés.
Le projet de loi de programmation militaire, prétendument destiné à adapter nos armées aux réalités d’aujourd’hui, est fondé sur des conceptions stratégiques que nous ne partageons pas et utilise des moyens que nous récusons. Il est également très fortement inspiré par la logique purement comptable de la RGPP, qui prévoit de supprimer 54 000 emplois en cinq ans dans ce secteur. Nous le contestons donc sur plusieurs points.
D’abord, nous nous opposons à la réorientation stratégique fondamentale décidée par le Président de la République et consistant à réintégrer le commandement militaire de l’OTAN. Cette réorientation s’est faite sans conditions et sans avoir obtenu de réelles avancées dans la construction d’une politique européenne de défense.
Ensuite, la modification de quelques articles du code de la défense pour les adapter au nouveau concept de « stratégie de la sécurité nationale », qui se substitue à la défense nationale et à la sécurité intérieure, n’est pas compatible avec notre modèle républicain. Une telle évolution a pour conséquence une concentration des pouvoirs en la matière entre les mains du seul Président de la République, avec la création du Conseil de défense et de sécurité nationale, ce qui introduit un déséquilibre institutionnel.
L’extension du secret de la défense nationale à des lieux, et non plus seulement à des documents, qui restreint les pouvoirs d’enquête des magistrats, est également une disposition dangereuse pour la démocratie, de nature à modifier gravement l’équilibre des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire. En outre, de telles dispositions n’ont pas leur place dans une loi de programmation militaire.
D’un point de vue budgétaire, nous critiquons tout aussi fortement la manière dont cette loi de programmation sera financée. Si nous ne remettons pas en cause la nécessité des programmes d’équipement de nos forces, à l’exception de la place trop importante qui est accordée à l’armement nucléaire, nous nous opposons au fait que l’essentiel du financement repose sur un aussi vaste plan de suppression d’emplois et sur des recettes exceptionnelles provenant de cessions immobilières et de ventes de fréquences très incertaines.
Enfin, cette loi de programmation souffre d’un manque de perspectives cohérentes en matière de politique industrielle de défense. Nous refusons tout particulièrement le processus de privatisation des deux industries stratégiques de ce secteur que sont DCNS et SNPE.
Telles sont les principales raisons pour lesquelles le groupe CRC-SPG votera contre ce projet de loi de programmation militaire.
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Tout d’abord, je souhaite rassurer M. le ministre. Nous n’allons pas retirer la demande de scrutin public que nous avons déposée, même si nous sommes désormais majoritaires dans l’hémicycle, ce qui illustre d’ailleurs l’intérêt de certains de nos collègues pour ce projet de loi de programmation militaire. (Mme Fabienne Keller s’exclame.)
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Vous n’êtes guère plus nombreux !
M. Didier Boulaud. Si, monsieur le rapporteur ! Nous sommes majoritaires. D’ailleurs, si vous souhaitez en avoir la confirmation, nous pouvons très bien retirer notre demande de scrutin public…
Le débat nous a apporté quelques précisions utiles, non pas tant sur le projet de loi de programmation militaire que sur la capacité du Gouvernement à imposer ses points de vue à une majorité devenue très docile. Ainsi, après avoir fait lanterner ce projet de loi pendant de très longs mois – un record en la matière –, on joue à présent la précipitation et on fait voter au canon. Les sénateurs UMP se plient aux volontés des députés UMP, eux-mêmes guidés par l’Élysée. Les deux malheureux amendements qui avaient été déposés par deux courageux sénateurs UMP ont été, l’un, retiré, l’autre, non défendu. Ils montraient pourtant l’inquiétude de nos collègues s’agissant de la mise à l’encan de la SNPE.
Le Sénat conservateur serait-il devenu le Sénat conformiste, c’est-à-dire le lieu où l’on vote conforme sans barguigner ?
Pourtant, ce texte méritait plus d’égards et de débats, et il méritait surtout d’être amélioré. Nous considérons en effet que les questions de défense doivent être au cœur de la cité. Pour cela, nos débats doivent être à la hauteur des enjeux, et non pas devenir le théâtre d’ombres d’une majorité trop sûre et dominatrice.
Sur la forme, nous récusons donc les conditions dans lesquelles nous avons examiné ce projet de loi, car elles sont peu démocratiques et risquent, in fine, d’alimenter la méfiance des citoyens à l’égard des institutions représentatives.
Sur le fond, nous avons exposé nos griefs, nos critiques, et nous avons avancé des propositions. Nos amendements visaient à apporter les améliorations nécessaires à ce texte. Nous n’avons pas été entendus ! Le couperet du « vote conforme » avait déjà été décidé avant même le début de l’examen du projet de loi.
Nous ne voterons pas ce projet de loi de programmation militaire parce qu’il inclut certaines mesures résultant d’un choix idéologique contestable, contenu dans le Livre blanc, dont la pire expression est vraisemblablement la décision de réintégrer la France dans le commandement militaire de l’OTAN. Nos propositions portaient notamment sur l’Europe de la défense, qui est à peine mentionnée dans le texte.
Nous ne voterons pas ce projet de loi parce que – nous y reviendrons lors du débat sur le projet de loi de sécurité intérieure – nous n’acceptons pas le concept de « sécurité nationale », qui fait tomber la frontière séparant la défense nationale de la sécurité intérieure et qui aboutit à une autre organisation de la sécurité à l’intérieur de notre pays, plaçant ainsi l’ensemble des pouvoirs entre les mains du Président de la République, qu’il s’agisse de l’organisation du renseignement, mais également de l’ensemble des forces de l’ordre.
Notre collègue et ami Robert Badinter vous a déjà dit ce qu’il fallait penser des dispositions relatives au secret défense. Je ne peux pas croire qu’aucun doute ne traverse l’esprit des éminents juristes siégeant sur les travées de la droite. Je ne peux pas croire que ceux-ci émettront un vote conforme sur de tels articles sans ressentir un petit pincement au cœur, même s’ils finiront, hélas ! par les adopter.
Mais n’oublions pas qu’il s’agit d’un texte prévu pour programmer l’avenir financier de notre défense. Et le bât blesse également là !
Nous ne voterons pas ce projet de loi de programmation militaire, qui ne nous paraît pas sincère dans son architecture budgétaire, trop soumise à un ministre amateur de paris audacieux. D’ailleurs, M. le ministre nous a indiqué hier qu’il n’y avait pas de vie sans aléas. Je suis donc allé regarder de plus près la définition de ce joli mot de la langue française et j’ai lu dans le dictionnaire qu’« aléa » signifiait « hasard » ou « événement imprévisible ».
Imprévisible, dites-vous ? En réalité, je ne crois pas qu’un tel adjectif puisse s’appliquer au financement des mesures contenues dans ce projet de loi. J’ignore s’il sera menacé par des événements imprévisibles, mais je sais que des événements très prévisibles le mettent en danger de mort. Nous les avons énumérés dans nos interventions. Je vous les rappelle pour mémoire.
Premièrement, nous constatons une surévaluation des recettes, qu’il s’agisse des recettes exceptionnelles de 3,7 milliards d’euros devant résulter de la vente des fréquences et des actifs immobiliers du ministère de la défense, dont 1,6 milliard d’euros ont été inscrits en loi de finances pour 2009 et dont le premier euro n’est toujours pas réalisé.
Deuxièmement, le plan social conduit par votre ministère au nom de la révision générale des politiques publiques, qui conditionne le financement des équipements dont nos armées ont besoin, est sous-évalué, tout comme le sont les opérations extérieures.
Troisièmement, les programmes d’armement sont mal calibrés.
Quatrièmement, les effets de la crise économique sont aggravés par votre politique sociale et budgétaire, ensevelis que vous êtes sous l’endettement de la nation et les déficits. Il suffisait d’assister au débat d’orientation budgétaire aujourd'hui ou à l’examen du projet de loi de règlement hier pour s’en convaincre.
Il n’est pas question de refaire ici le catalogue de nos critiques. Vous auriez gagné à incorporer nos amendements dans votre texte, mais c’est trop tard !
Plusieurs intervenants ont salué les personnels civils et militaires de la défense. Nous avons reconnu humblement le professionnalisme, le dévouement, le courage et la capacité d’adaptation de nos soldats. Or je crains que, pour ces femmes et ces hommes, pleinement intégrés dans la Nation et servant la République avec honneur et dévouement, ne vienne bientôt le temps de la déception, ce temps d’orage et de larmes qui survient après que s’est déchiré le voile des promesses non tenues.
Nous voterons contre ce projet de loi et nous vous donnons rendez-vous, monsieur le ministre, dès le mois de décembre 2010 pour analyser son adéquation avec le prochain budget de votre ministère ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Au terme de cette discussion, je voudrais remercier sincèrement nos collaborateurs, qui nous ont aidés à préparer ce rapport et qui ont beaucoup travaillé depuis plusieurs mois pour nous assister dans nos démarches.
Je remercie également mes collègues rapporteurs pour avis de la commission des lois et de la commission des finances, qui se sont, avec nous, efforcés d’éclairer la Haute Assemblée sur les dispositions de ce projet de loi.
Je voudrais aussi remercier tous ceux qui ont participé à ces débats. Je pense aux membres de la majorité, dont le soutien nous a été précieux, mais aussi à ceux de l’opposition, qui nous ont permis de rendre le débat vivant, quoi que certains en disent. Car nous avons pu débattre et échanger durant ces quelques heures sur les principaux aspects du projet de loi, qui est tout de même très riche.
Pour ma part, je voudrais retenir l’engagement exceptionnel qui a été pris par le Président de la République de maintenir un effort tout à fait considérable en faveur de la défense de notre pays.
Après tout, en cette période de crise, on aurait pu, comme cela a été fait dans des temps pas si éloignés, faire du budget de la défense une variable d’ajustement et renoncer à un certain nombre de projets d’équipement au motif que la situation financière du pays interdisait de les poursuivre. C’est un tout autre choix qui a été opéré. Dépenser 186 milliards d’euros et en consacrer la plus grande part à l’équipement de nos forces constitue une décision très heureuse et très bénéfique, dont nos armées sont parfaitement conscientes.
Par ailleurs, un certain nombre de mesures ont été prises dont je persiste à penser qu’elles sont parfaitement conformes à l’évolution de notre Constitution : celles qui permettent au Président de la République de donner des orientations et de veiller à ce que tous ceux qui contribuent à la politique de défense et de sécurité de la Nation travaillent dans le même sens, et à ce que les cloisonnements d’autrefois soient corrigés. Les réformes organiques ont ainsi pour objectif non de renforcer les pouvoirs du Président de la République, qui sont déjà nombreux aux termes de la Constitution, mais de les redéfinir.
Quoi qu’il en soit, c’est à nous qu’il appartiendra de contrôler l’exécution de cette loi de programmation militaire en veillant à ce que, chaque année, les budgets retranscrivent fidèlement les orientations que nous avons votées. Croyez bien, monsieur le ministre, que nous serons très vigilants, d’autant qu’il s’agit aussi, nous le savons, de donner à des personnels qui exposent leur vie sur des théâtres d’opérations extérieurs les moyens de se défendre et d’accomplir leurs missions. Nous aurons toujours cela en tête lorsque nous examinerons les prochains projets qui nous seront présentés.
Nous faisons confiance aux forces armées pour faire le meilleur usage des crédits que nous avons votés aujourd’hui, et nous leur témoignons notre estime et notre reconnaissance. Nous leur demandons en effet des efforts d’adaptation tout à fait considérables. Nous sommes conscients que ces efforts sont souvent douloureux et difficiles. Nous admirons la discipline dont ils font preuve et leur sens de la République.
Au-delà des clivages inhérents à la démocratie, c’est cette idée qui doit nous guider et c’est celle que nous avons tous à l’esprit. Nous partageons tous, en effet, la conviction que la France, pour demeurer forte et respectée, doit disposer de forces armées bien équipées et confiantes en l’avenir. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Morin, ministre. Je remercie l’ensemble des sénateurs de la majorité, qui ont soutenu ce texte, et ceux de l’opposition pour leur participation au débat.
Cette loi de programmation est l’aboutissement d’un énorme travail mené depuis deux ans, qui a commencé par un état des lieux, une revue des programmes d’armement, et s’est poursuivi par une mutation extrêmement importante de notre ministère, une véritable révolution copernicienne de ses structures, laquelle s’est traduite par la mutualisation et la mise en commun de l’ensemble des services d’administration et de soutien.
Cette loi de programmation militaire pourrait se résumer en trois chiffres : 377 milliards d’euros sur douze ans – ce n’est pas rien ! –, 186 milliards d’euros d’ici à 2014 et 18 milliards d’euros sur l’année 2009, soit près de 3 milliards d’euros supplémentaires par rapport à l’annuité 2007. C’est bien la preuve qu’en dépit des difficultés budgétaires du pays la défense reste une priorité majeure pour le Président de la République, le Gouvernement et la majorité, et ce pour une raison très simple : une défense qui ne se modernise pas, qui ne s’adapte pas aux nouvelles menaces et aux nouveaux risques, est une défense en danger.
Je crois que cette loi nous permettra d’évoluer, afin que la France reste ce qu’elle doit être, un grand pays au service des valeurs qui sont les siennes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 199 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 166 |
Pour l’adoption | 186 |
Contre | 145 |
Le Sénat a définitivement adopté le projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
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Dépôt de documents parlementaires
M. le président. Le jeudi 16 juillet 2009, M. le président du Sénat a reçu :
dépôt d’une proposition de résolution européenne
- n° 564, 2008-2009 – Proposition de résolution européenne de M. Richard Yung, présentée au nom de la commission des affaires européennes, en application de l’article 73 quater du règlement, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2002/15/CE relative à l’aménagement du temps de travail des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier (E 4047), envoyée à la commission des affaires sociales ;
dépôt de rapports et d’un texte de commission
- n° 561, 2008-2009 – Rapport de Mme Isabelle Debré, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires (n° 557, 2008-2009) ;
- n° 562, 2008-2009 – Texte de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires (n° 557, 2008-2009) ;
- n° 563, 2008-2009 – Avis de M. Ambroise Dupont, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, sur le projet de loi portant engagement national pour l’environnement (urgence déclarée) (n° 155, 2008-2009).
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Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre les textes suivants, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
E 4580 : Décision du Conseil portant nomination d’un membre roumain du Comité économique et social européen.
E 4581 : Projet de règlement de la Commission concernant l’autorisation et le refus d’autorisation de certaines allégations de santé portant sur les denrées alimentaires et faisant référence à la réduction du risque de maladie ainsi qu’au développement et à la santé infantiles. (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE).
E 4582 : Projet de règlement de la Commission refusant d’autoriser certaines allégations de santé portant sur les denrées alimentaires, autres que celles faisant référence à la réduction du risque de maladie ainsi qu’au développement et à la santé infantiles. (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE).
E 4583 : Projet de règlement de la Commission concernant l’autorisation et le refus d’autorisation de certaines allégations de santé portant sur les denrées alimentaires et faisant référence à la réduction d’un risque de maladie ainsi qu’au développement et à la santé des enfants (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE).
E 4584 : Projet de règlement de la Commission portant refus d’autorisation de certaines allégations de santé portant sur des denrées alimentaires, autres que celles faisant référence à la réduction du risque de maladie ainsi qu’au développement et à la santé infantiles. (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE).
E 4585 : Projet de règlement de la Commission relatif aux substances qui peuvent être ajoutées dans un but nutritionnel spécifique aux denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière. (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE).
E 4586 : Décision du Conseil portant nomination d’un suppléant britannique du Comité des régions.
E 4587 : Projet de décision de la Commission relative à l’adoption des paramètres fondamentaux des registres des licences des conducteurs de trains et des attestations complémentaires prévus par la directive 2007/59/CE.
E 4588 : Projet de directive de la Commission modifiant l’annexe VII de la directive 2008/57/CE du Parlement européen et du Conseil relative à l’interopérabilité du système ferroviaire au sein de la Communauté.
E 4589 : Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 377/2004 du Conseil relatif à la création d’un réseau d’officiers de liaison « Immigration ».
E 4590 : Proposition de règlement du Conseil portant dérogation au règlement (CE) n° 1234/2007 (règlement « OCM unique ») en ce qui concerne les périodes d’intervention 2009 et 2010 pour le beurre et le lait écrémé en poudre.
E 4591 : Proposition de décision du Conseil modifiant la décision du Conseil du 20 janvier 2009 fournissant un soutien financier communautaire à moyen terme à la Lettonie.
E 4592 : Recommandation de la Commission au Conseil autorisant la Commission à engager des négociations concernant un nouvel accord portant renouvellement de l’accord entre la Communauté européenne et la République du Belarus sur le commerce des produits textiles.
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Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 20 juillet 2009 à seize heures et le soir :
1. Projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et sur les gains en capital (n° 247, 2008-2009).
Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de commission des finances (n° 520, 2008-2009).
Texte de la commission (n° 521, 2008-2009).
2. Projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (Procédure accélérée) (n° 451, 2008-2009).
Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de commission des finances (n° 522, 2008-2009).
Texte de la commission (n° 523, 2008-2009).
3. Projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur les revenus (Procédure accélérée) (n° 452, 2008-2009).
Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de commission des finances (n° 523, 2008-2009).
Texte de la commission (n° 524, 2008-2009).
4. Projet de loi autorisant la ratification de l’accord entre l’Irlande, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume d’Espagne, la République italienne, la République portugaise, la République française et le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord, établissant un centre opérationnel d’analyse du renseignement maritime pour les stupéfiants (n° 333, 2008-2009).
Rapport de M. Jacques Gautier, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 528, 2008-2009).
Texte de la commission (n° 529, 2008-2009).
5. Projet de loi autorisant l’approbation de la convention de partenariat entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire (n° 334, 2008-2009).
Rapport de M. Robert del Picchia, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 538, 2008-2009).
Texte de la commission (n° 539, 2008-2009).
6. Projet de loi autorisant l’approbation du protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) de la Méditerranée (n° 390, 2008-2009).
Rapport de M. Jacques Blanc, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 526, 2008-2009).
Texte de la commission (n° 527, 2008-2009).
7. Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil des Ministres de la République d’Albanie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (n° 315, 2008-2009).
Rapport de M. Didier Boulaud, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 494, 2008-2009).
Texte de la commission (n° 495, 2008-2009).
8. Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne visant à compléter l’accord relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière (n° 391, 2008-2009).
Rapport de M. Jean Milhau, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 496, 2008-2009).
Texte de la commission (n° 497, 2008-2009).
9. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation internationale de la francophonie relative à la mise à disposition de locaux pour installer la Maison de la Francophonie à Paris (n° 356, 2008-2009).
Rapport de Mme Catherine Tasca, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 540, 2008-2009).
Texte de la commission (n° 541, 2008-2009).
10. Projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, prorogeant le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental (n° 515, 2008-2009).
Rapport de M. Jean-Pierre Vial, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (n° 535, 2008-2009).
Texte de la commission (n° 536, 2008-2009).
11. Proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique, présentée par M. Xavier Pintat (n° 394, 2008-2009).
Rapport de M. Bruno Retailleau, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 559, 2008-2009).
Texte de la commission (n° 560, 2008-2009).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 17 juillet 2009, à deux heures dix.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD