M. le président. Madame Gonthier-Maurin, l'amendement n° 10 est-il rectifié ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Non, monsieur le président. Selon nous, le droit pour la défense d’être entendu est primordial. C’est pourquoi le texte proposé par le Gouvernement et la commission pour l’article L.331-21-1 du code de la propriété intellectuelle nous paraît porteur d’un glissement très dangereux : alors que les procès-verbaux faisant aujourd'hui foi jusqu’à preuve contraire concernent uniquement les contraventions, il s’agit en l’espèce d’un délit. L’évolution me semble donc très inopportune.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l'amendement n° 9.
Mme Marie-Christine Blandin. L’amendement n° 9, sur lequel la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable, a pour but de supprimer la force probante des procès-verbaux en matière de téléchargement.
Les cas reconnus de force probante cités par Mme Boumediene-Thiery – excès de vitesse, alcoolémie – ou par M. le rapporteur – transgression du droit du travail – se justifient par la preuve flagrante : le radar, l’analyse chimique de l’éthanol, le constat de travailleur au contact de l’amiante sans scaphandre, le non-respect des règles de sécurité sur un échafaudage.
En revanche, l’usager – je ne dis pas « le client » – d’internet dont un voisin indélicat aura utilisé l’adresse IP sera totalement dépourvu devant le procès-verbal. Allumez vos ordinateurs et regardez les noms de vos voisins ayant souscrit des abonnements internet : vous découvrirez qu’une constellation de réseaux est à votre disposition. S’il y a cinq réseaux, vous en trouverez toujours un qui ne sera pas sécurisé et sera donc accessible !
À ce sujet, le législateur a prévu plus loin dans le texte le cas où le titulaire d’un abonnement aura fait preuve de négligence. J’attire votre attention sur cette notion de « négligence » ou de « non-négligence ». La non-négligence revient à utiliser un certain logiciel et à acheter un certain type de pare-feu et d’antivirus. Avec votre texte, faire preuve demain de « négligence », ce sera utiliser Linux ou tout logiciel libre ! Seront négligents tous ceux qui auront choisi d’autres systèmes que celui d’une grande multinationale voulant dominer l’informatique !
C'est pourquoi je soutiens cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Admettre qu’un procès-verbal qui n’est pas rédigé par un officier de police judiciaire fait foi dans le cours de l’instruction, durant l’enquête et tout au long de la procédure, c’est s’acheminer doucement vers la disparition du juge d’instruction.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 1er bis (nouveau)
Le code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 précité est ainsi modifié :
I. - Le dernier alinéa de l'article L. 331-22 est supprimé.
II. - L'article L. 331-25 est abrogé. – (Adopté.)
Article 1er ter (nouveau)
Le code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 précitée est ainsi modifié :
I. - La première phrase du premier alinéa de l'article L. 331-26 est complétée par les mots suivants : « et l'avertissant des sanctions encourues en application des articles L. 335-7 et L. 335-7-1 ».
II. - Le premier alinéa de l'article L. 331-35 est complété par les mots suivants : « et en application de l'article L. 335-7-1 ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
L'amendement n° 11 est présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le I de cet article, remplacer les mots :
et l'avertissant des sanctions encourues en application des articles L. 335-7 et L. 335-7-1
par les mots :
, l'avertissant des sanctions encourues en application des articles L. 335-7 et L. 335-7-1 et l'informant des voies et délais de recours
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 2.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à inscrire dans le projet de loi la nécessaire information de la personne sur les voies et délais de recours contre la sanction encourue.
Il s’agit d’un amendement de bon sens, que j’avais déjà présenté lors de l’examen de la loi HADOPI 1 et que notre assemblée avait à l’époque accepté.
Nous sommes totalement opposés au dispositif que vous avez créé. Néanmoins, la moindre des choses, c’est qu’il respecte un certain nombre de principes et, au premier chef, celui du droit à un recours.
Ce principe est respecté si, en tout premier lieu, une menace de sanction est accompagnée de manière claire d’une information sur les voies et les délais de recours, de manière à éviter qu’une personne condamnée n’ait même pas la possibilité de contester les charges pesant contre elle.
Cet amendement rejoint par ailleurs l’objectif de prévention et de pédagogie qui est censé inspirer ce projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l'amendement n° 11.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le dispositif prévu par ce projet de loi est peut-être « simplifié » du point de vue technique, encore que, ainsi que nous l’avons montré dans la discussion générale et en présentant la motion de renvoi à la commission, il n’est pas certain que ce soit le cas. Cependant, il est très opaque du point de vue du citoyen, susceptible d’être poursuivi pour un délit à l’occasion duquel c’est sa culpabilité et non son innocence qui sera présumée.
Face à des dispositifs tels que ceux qui sont envisagés pour sanctionner le téléchargement illégal, les internautes ne disposent dans le système proposé ni du droit d’être entendu, ni des pièces et motifs de l’accusation qui doivent être transmis au juge, ni des informations concernant la procédure dans son ensemble ou des droits qui leur sont ouverts dans ce cadre.
Or il est essentiel de disposer de toutes ces informations dans le contexte d’une procédure de type exceptionnel – les citoyens n’y sont pas accoutumés –, non contradictoire, écrite et dans laquelle les délais et les voies de recours sont différents des procédures de droit commun.
Nous sommes opposés, nous l’avons déjà dit, à tout le dispositif construit par cette loi, car, loin de résoudre le problème auquel est confrontée la création, il engendre de surcroît une situation pénale attentatoire au droit des citoyens. Cet amendement de repli a donc vocation à prévoir un minimum de protection pour ces derniers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. Tout est question de chronologie dans ce texte de loi, comme on l’a dit à plusieurs reprises. Il nous paraît donc tout à fait légitime que, au moment où la recommandation est envoyée à l’internaute, celui-ci puisse connaître les sanctions éventuellement encourues en application du projet de loi. C’est l’objet de cet article 1er ter, introduit dans le texte par amendement de la commission.
En revanche, quand on en est au stade de la recommandation, on n’en est pas, par définition, au moment de l’inculpation. S’il y a éventuellement inculpation – mais nous ne souhaitons pas qu’on en arrive là puisqu’il y a la recommandation –, le justiciable sera alors bien entendu informé des voies de recours.
Mais ce n’est pas la bonne chronologie, et c'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 2 et 11.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Je rappelle que les avertissements adressés par la Haute autorité sont précisément destinés à éviter toute sanction en attirant l’attention de l’abonné sur l’utilisation de son accès.
Si une sanction est finalement prise par le juge, elle sera notifiée à l’intéressé comme tout autre jugement et mentionnera évidemment les voies et les délais de recours. Cela découle des dispositions générales du code de procédure pénale, par exemple de l’article 495-3 si le juge a utilisé la voie de l’ordonnance pénale.
Mais, au stade de l’avertissement, cela n’a pas de sens d’informer la personne des voies de recours : cette dernière n’est pas condamnée et ne sera peut-être jamais poursuivie.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 11.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er ter.
(L'article 1er ter est adopté.)
Article 1er quater (nouveau)
L'article L. 331-36 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 précitée est complété par un second alinéa ainsi rédigé :
« La personne dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne est tenue d'informer la commission de protection des droits de la date à laquelle elle a débuté la suspension ; la commission procède à l'effacement des données à caractère personnel relatives à l'abonné à l'issue de la période de suspension. » – (Adopté.)
Article 1er quinquies (nouveau)
Au deuxième alinéa de l'article L. 331-37 du code de la propriété intellectuelle dans la rédaction issue de la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 précitée, les mots : « et de tous les actes de procédure afférents » sont remplacés par les mots : « , de tous les actes de procédure afférents, et de l'information des organismes de défense professionnelle et des sociétés de perception et de répartition des droits des éventuelles saisines de l'autorité judiciaire ainsi que des notifications prévues au cinquième alinéa de l'article L. 335-7 ». – (Adopté.)
Article 2
(Non modifié)
I. - Après le onzième alinéa (9°) de l'article 398-1 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 10° Les délits prévus aux articles L. 335-2, L. 335-3 et L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle. »
II. - Après le sixième alinéa (5°) de l'article 495 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 6° Les délits prévus aux articles L. 335-2, L. 335-3 et L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle. »
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’objectif de cet article est de permettre de beaucoup réprimer, à moindre coût. C’est ce qui ressort de l’exposé des motifs du projet de loi : il y est en effet indiqué que, si le législateur a décidé de recourir à la procédure du juge unique et aux ordonnances pénales en matière de délits de contrefaçon, c’est non parce que la nature des délits permettrait le recours à ce type de procédure, mais parce que les atteintes aux droits d’auteur et aux droits voisins, lorsqu’elles sont commises par l’intermédiaire d’internet, sont très répandues. L’important est non pas de garantir les conditions d’une justice équitable, mais de faire de l’abattage.
Pourtant, l’adoption de ce projet de loi entraînera un surcroît de travail pour des magistrats déjà bien souvent surmenés. C’est ce que révèle l’étude d’impact demandée par le Gouvernement sur la mise en œuvre du nouveau texte anti-piratage.
Les chiffres ont effectivement de quoi donner le tournis aux magistrats. Le rapport prévoit que la justice traitera chaque année 50 000 cas, ce qui nécessitera 109 postes supplémentaires, dont 26 de magistrats. Selon l’étude, le temps consacré à chaque dossier sera d’environ 35 minutes : 5 minutes pour le traitement de l’ordonnance pénale et 30 minutes comprenant la préparation de l’audience, le temps d’audience et la rédaction de la décision. En cas d’appel, il faudra compter 50 minutes de plus. L’étude prévoit que la moitié des internautes feront appel : en effet, « le taux d’opposition peut être important dans la mesure où la peine de suspension de l’accès à l’internet aura des conséquences pratiques évidentes pour les condamnés ».
Pour combler les brèches ouvertes par le Conseil constitutionnel, vous avez cru bon de transférer le volet répressif de la commission de protection des droits au juge, mais cela ne fait que déplacer le problème. En effet, malgré les efforts du Gouvernement, avec un tel dispositif, le risque d’inconstitutionnalité n’est toujours pas écarté. Le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion en 2002, avec la loi Perben I, de se prononcer sur la procédure simplifiée appliquée aux délits : cette dernière doit être réservée aux cas où sont « assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l’existence d’une procédure juste et équitable » et où « il résulte de l’enquête de police judiciaire que les faits reprochés au prévenu sont établis et que les renseignements concernant la personnalité de celui-ci, et notamment ses charges et ses ressources, sont suffisants pour permettre la détermination de la peine ».
Or, en l’espèce, il n’y aura pas d’enquête de police judiciaire puisque c’est une autorité administrative qui réunira les preuves. Alors qu’une adresse IP est très largement insuffisante pour savoir qui utilise l’ordinateur en question, comment connaître la personnalité et les ressources de l’abonné ?
La justice est engorgée et fonctionne à flux tendus. Lui confier un contentieux de masse crée une menace d’asphyxie, ou suppose l’abandon de poursuites dans d’autres domaines ; mais lesquels ? Les violences conjugales ? Le trafic de stupéfiants ?
Le Gouvernement exclut de fournir à la justice les moyens dont elle a besoin ; il préfère étendre plus encore le champ d’action des procédures les plus bureaucratiques et expéditives au détriment du vrai travail des magistrats, celui de l’enquête, de l’investigation et de la justice.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. La possibilité de recourir à l’ordonnance pénale en matière de délit de contrefaçon via internet, comme celle de recourir au juge unique, répond à un souci d’efficacité des procédures : le caractère massif du piratage justifie le recours à des procédures accélérées lorsque les autorités judiciaires l’estimeront souhaitable.
Il faut préciser que le recours à une procédure simplifiée n’est pas automatique : le choix est d’abord laissé à l’appréciation du parquet, qui ne peut suggérer de recourir à l’ordonnance pénale que lorsque les faits poursuivis sont établis et que les renseignements sont suffisants pour permettre de déterminer la peine. Ensuite, le juge peut refuser cette voie et opter pour une procédure classique, s’il considère qu’il ne dispose pas des éléments suffisants.
D’après les informations fournies par le Gouvernement, l’action des parquets quant à l’opportunité et aux conditions d’utilisation des ordonnances pénales sera encadrée par une circulaire du ministre de la justice. Mme le garde des sceaux pourra certainement nous apporter un éclairage à cet égard.
Je précise enfin que la commission a prévu, à l’article 1er quinquies, que la Haute autorité pourra informer les ayants droit des éventuelles saisines de l’autorité judiciaire pour leur permettre de décider s’ils souhaitent ou non se constituer partie civile. Dans ce cas, il serait fait obstacle à la procédure de l’ordonnance pénale, au bénéfice d’une procédure classique.
Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le recours au juge unique et aux ordonnances pénales est couramment admis pour les affaires simples, commises à grande échelle, ce qui est précisément le cas de la contrefaçon d’œuvres sur internet. Ces procédures bien connues, qui existent depuis fort longtemps dans notre droit, respectent les droits de la défense.
Le recours aux procédures simplifiées n’est d’ailleurs qu’une simple faculté : c’est le procureur qui apprécie, au vu du dossier dont il dispose, l’opportunité de recourir ou non à l’ordonnance pénale. Ce choix peut être remis en cause par le président du tribunal si son appréciation diffère de celle du parquet. La procédure normale reprend alors son cours.
Par ailleurs, les ayants droit peuvent également faire obstacle à l’utilisation de l’ordonnance pénale en se portant partie civile pour obtenir des dommages et intérêts.
Enfin, le prévenu lui-même peut faire opposition à cette procédure.
En ce qui concerne le juge unique, le tribunal pourra toujours renvoyer une affaire devant une formation collégiale si la complexité ou la gravité de l’affaire le justifie.
Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
L'amendement n° 13 est présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le II de cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 3.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement a pour objet de supprimer le recours automatique à l’ordonnance pénale.
Tout d’abord, l’ordonnance pénale a été créée pour faire face aux contentieux de masse, qui ne soulèvent guère de problèmes de preuve. Une telle procédure est absolument impraticable pour les délits de contrefaçon sur internet. En effet, le dernier alinéa de l’article 495 du code de procédure pénale prévoit ceci : « Le ministère public ne peut recourir à la procédure simplifiée que lorsqu’il résulte de l’enquête de police judiciaire que les faits reprochés au prévenu sont établis et que les renseignements concernant la personnalité de celui-ci, et notamment ses charges et ses ressources, sont suffisants pour permettre la détermination de la peine ».
Ensuite, en vertu du neuvième alinéa de l’article 495 du code de procédure pénale, l’ordonnance pénale suppose que la victime ne demande pas de dommages et intérêts. Alors même que la protection contre la contrefaçon est un outil de protection des auteurs et artistes, le recours à l’ordonnance pénale les prive du droit de demander réparation de leur préjudice, ce qui absolument contre-productif.
Par ailleurs, l’ordonnance pénale n’est pas applicable aux mineurs en vertu du huitième alinéa de l’article 495. Or, nous le savons, ceux qui recourent le plus au piratage sont des mineurs.
Enfin, dans sa décision du 29 août 2002, le Conseil constitutionnel a considéré que, « si l’article 495-1 du même code donne au ministère public le pouvoir de choisir la procédure simplifiée, dans le respect des conditions fixées par l’article 495, c’est en raison du fait que la charge de la poursuite et de la preuve lui incombe ».
L’article 495 fait très clairement référence à la charge de la preuve, qui incombe au ministère public, alors que le projet de loi prévoit que le procès-verbal établi par la commission de protection des droits fait foi jusqu’à preuve du contraire. Cette contradiction doit être levée, car elle est contraire au principe de la présomption d’innocence.
Mes chers collègues, la procédure d’ordonnance pénale n’est recevable que si le prévenu a bénéficié de toutes les garanties d’un procès équitable. Or, le dispositif proposé dans le projet de loi a justement pour but de contourner le principe constitutionnel du droit à un procès équitable. La place faite au juge est réduite à la portion congrue : il n’aura d’autre pouvoir que de prononcer la peine au vu du dossier monté par la Haute autorité, sans aucune marge de manœuvre.
Contrairement à ce que vous avez dit ou à ce que vous avez voulu faire croire, madame la ministre d’État, nous faisons confiance au juge et demandons un contrôle judiciaire.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Or, votre projet de loi ne fait pas place au parquet et induit même – vous devez l’avouer – la disparition du juge d’instruction. Vous n’avez donc pas confiance en les juges ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Michel Charasse. Ça, ce n’est pas grave ! On s’en remet ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l'amendement n° 13.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’ordonnance pénale a d’abord été créée pour faire face aux contentieux de masse posant peu de problèmes de preuve, à savoir les contraventions routières. Ces contraventions sont matériellement simples et obéissent à des règles de preuve qui limitent considérablement les droits de la défense ; un extrait du casier judiciaire est suffisant pour que le juge fixe une peine adéquate.
Cette pratique, qui permet d’augmenter, à budget constant, le nombre de condamnations, était alléchante. C’est pourquoi, selon la technique habituelle de l’exception qui s’élargit discrètement, cette procédure qualifiée de « simplifiée » a été étendue à plusieurs autres délits, notamment par les lois Perben I et II.
Or, on le voit bien, cette procédure ne peut fonctionner que pour des délits simples à établir, ce qui n’est absolument pas le cas de la contrefaçon, surtout par voie informatique.
Il faut en effet que le parquet puisse apporter la preuve que l’œuvre téléchargée était protégée, que l’abonné savait qu’il téléchargeait une œuvre protégée, et tout simplement identifier ce dernier, ce que l’adresse IP ne suffit pas à établir. Il y a donc fort à parier que la plupart des ordonnances pénales seront refusées par le juge pour preuves insuffisantes. Le parquet devra alors ouvrir une enquête de police, ce qui fait perdre tout l’intérêt simplificateur : la police étant le bras séculier du parquet, la faire enquêter sur des contrefaçons l’empêche de s’occuper d’autres affaires.
De plus, pour des raisons tout à fait justifiables, l’ordonnance pénale n’est pas applicable aux mineurs. Or les adolescents forment une part non négligeable des pirates du web et sont souvent parmi les plus compétents et inventifs.
Enfin, il a été répété que l’objectif de cette loi était avant tout de protéger les artistes. Or, amusant paradoxe, le recours à l’ordonnance pénale suppose que la victime ne demande pas de dommages et intérêts. Les ayants droit ne pourront pas demander réparation de leur préjudice. Cette loi ne les protégera donc pas.
Bref, le recours aux ordonnances pénales est, en l’espèce, tout sauf opportun et ne sert qu’à combler une soif de répression. C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de ce dispositif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission n’est pas favorable à la suppression du II de cet article. Elle a donc émis un avis défavorable sur les amendements nos 3 et 13, pour les mêmes raisons que celles qui ont été évoquées pour l’amendement précédent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Je ne reviendrai pas sur ce que j’ai déjà dit au sujet de l’amendement n° 2 concernant le recours aux ordonnances pénales. Je rappelle simplement qu’il ne s’agit que d’une faculté déjà utilisée dans de nombreux autres contentieux, tels ceux qui sont liés au code de la route ou au droit de la concurrence.
J’ajoute que, si le dossier établi par la Haute autorité et transmis au parquet est insuffisant pour établir l’infraction, celui-ci pourra toujours demander à la police judiciaire d’effectuer les actes d’enquête complémentaires nécessaires.
En tout état de cause, comme pour tout procès, personne ne sera condamné si les faits ne sont pas établis.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. M. le ministre a appelé notre attention sur le fait que la contrefaçon était simple à identifier. Sans doute, mais le contrefacteur, lui, est plus difficile à identifier. C’est à partir de ce moment-là que l’on commence à ouvrir la boîte de Pandore.
Pour justifier son avis défavorable, le Gouvernement nous précise que, en cas de doute, des actes d’enquête complémentaires pourront être demandés. Compte tenu de mes connaissances en informatique, je peux vous dire que, pour obtenir des éléments de preuve, les enquêteurs seront obligés d’inventorier le contenu des ordinateurs des voisins pour voir ce qui y entre et ce qui en sort.
Cette voie répressive nous promet une ambiance absolument délétère dans les quartiers. Nous voulons tous sauver les créateurs, mais il faut choisir une autre solution !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 13.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)