M. Charles Revet. Vous l’avez dit !
Mme Éliane Assassi. Ce type de raccourci est souvent utilisé par le Gouvernement pour faire croire qu’il bénéficie d’un soutien populaire, afin de faire passer ses réformes, alors que, bien souvent, il n’en est rien.
Appliqué à la Nouvelle-Calédonie, ce raisonnement revient à oublier que 72 % des électeurs néo-calédoniens ont approuvé l’accord de Nouméa.
M. Charles Revet. 63 % !
Mme Éliane Assassi. Pourtant, le conseil politique du Rassemblement-UMP ne s’en cache pas : son projet pour la Nouvelle-Calédonie est de « garantir le maintien de la Nouvelle-Calédonie, fière de sa personnalité et de son identité, dans la France » et « de mettre un terme [...] à la lecture indépendantiste de l’accord de Nouméa ».
Il était nécessaire de rappeler ce contexte, alors que nous examinons aujourd’hui ce projet de loi organique, qui prévoit de modifier la loi organique de 1999 afin de faciliter la mise en œuvre des transferts de compétences et de modifier l’organisation institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie.
S’agissant des transferts de compétences, le projet de loi initial tirait les conséquences des décisions prises par le comité des signataires. Comme je l’ai indiqué, cette instance a approuvé, le 8 décembre dernier, les modifications de la loi organique de 1999 rendues nécessaires par les scenarios adoptés durant les travaux de réflexion.
Dans ce cadre, le comité des signataires a constaté que, « dans un souci de réalisme et de progressivité, des préalables sont requis pour certaines compétences inscrites à l’article 21-III (sécurité civile, droit civil, droit commercial). » Il a donc été décidé que « les modalités de transfert doivent tenir compte de ces préalables » et que ces compétences, destinées à être transférées dans les conditions prévues par l’article 26, « seront inscrites à l’article 27 de la loi organique du 19 mars 1999 ».
Ainsi, les articles 1er et 3 du projet de loi initial opéraient un glissement des quatre compétences de l’article 21, paragraphe III, à l’article 27.
La commission a apporté deux modifications substantielles au projet de loi initial portant sur ces transferts de compétence : elle maintient, au sein de l’article 21, paragraphe III, les quatre compétences énumérées précédemment et crée, à l’article 26 de la loi organique, un nouveau délai de deux ans durant lequel leur transfert devra avoir lieu.
Nous avons toujours souhaité que l’accord de Nouméa soit respecté. Il prévoit qu’en 2014 toutes les compétences, à l’exception des compétences régaliennes, doivent être transférées. Si l’on veut que cet accord soit respecté, il est nécessaire que ces transferts aient lieu durant l’actuelle mandature du congrès, donc avant 2014.
Le congrès ayant été renouvelé le 10 mai dernier, le Gouvernement comme la commission considèrent que le délai de six mois prévu par l’article 26 est trop court puisqu’il expire le 30 novembre 2009. Mais il s’agit simplement de prendre une décision sur les compétences à transférer dans les six mois, et non de procéder au transfert effectif des compétences. Les quatre compétences peuvent parfaitement rester inscrites au paragraphe III de l’article 21. Rallonger le délai et le porter à deux ans ne changera pas le fond du problème : pendant ce laps de temps, le congrès adoptera-t-il une décision qu’il n’a pas prise depuis 2004 ? Nous pensons que maintenir un délai de six mois permettrait, enfin, de faire avancer rapidement la question des transferts de compétences.
Je terminerai mon intervention en évoquant Mayotte.
Le Gouvernement a fait le choix, contestable – et, apparemment, je ne suis pas seule à le penser –, d’inscrire dans le présent projet de loi relatif à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie la départementalisation de Mayotte.
Mes chers collègues, vous connaissez la position des parlementaires communistes sur le fond. Nous nous sommes fermement opposés à cette départementalisation. Mais un vote est intervenu, c’est vrai, monsieur Giraud, et nous respectons le choix des électeurs mahorais, qui ont opté pour la départementalisation.
MM. Charles Revet et Simon Loueckhote. Tout de même !
Mme Éliane Assassi. Nous n’en considérons pas moins que la question de Mayotte n’a pas sa place dans ce projet de loi. C’est un signe extrêmement négatif envoyé aux Néo-Calédoniens. La départementalisation de Mayotte est un cas de partition d’un ex-territoire français, le territoire des Comores, devenu indépendant en 1975. L’État se prépare-t-il à procéder de la même manière en Nouvelle-Calédonie, alors que le point n° 5 du document d’orientation annexé à l’accord de Nouméa prévoit expressément ceci : « Le résultat de cette consultation s’appliquera globalement pour l’ensemble de la Nouvelle-Calédonie. Une partie de la Nouvelle-Calédonie ne pourra accéder seule à la pleine souveraineté ou conserver seule des liens différents avec la France, au motif que les résultats de la consultation électorale y auraient été différents du résultat global. »
Or c’est un décompte par île des Comores qui a été pratiqué en 1974 et qui conduit aujourd’hui à la départementalisation de Mayotte ; dès lors, nous ne pouvons qu’être inquiets de l’accrochage de la départementalisation de Mayotte à ce projet de loi.
Madame la secrétaire d’État, je vous demande aujourd’hui de prendre, au nom de Gouvernement, l’engagement solennel de ne pas procéder à une partition du territoire de la Nouvelle-Calédonie et de respecter l’accord de Nouméa.
Les conditions d’examen de ce projet de loi, malgré le bon travail des collaborateurs de la commission et de M. le rapporteur, sont loin d’être satisfaisantes et le flou entourant la question de Mayotte n’est pas, pour nous, anecdotique : il soulève de nombreuses interrogations. Les membres du groupe CRC-SPG ont donc déposé un amendement sur ce point, et nous serons très attentifs au sort qui lui sera réservé. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Mme Catherine Tasca applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Simon Loueckhote. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Simon Loueckhote. Je tiens tout d’abord à m’associer aux propos tenus tout à l’heure par M. le président du Sénat à votre égard, madame la secrétaire d’État.
Je veux vous exprimer notre satisfaction de vous voir au banc du Gouvernement afin de défendre les présents projets de loi. Je suis personnellement très heureux que ce soit vous, une ultramarine, qui soyez en charge, au Gouvernement, des affaires ultramarines. Vous pouvez compter totalement sur moi pour vous aider dans votre mission, ô combien difficile, à l’égard de nos compatriotes vivant loin de l’Hexagone.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi organique inscrit aujourd'hui à notre ordre du jour est un texte majeur pour la Nouvelle-Calédonie puisqu’il concerne son évolution institutionnelle.
Il s’agit en effet de modifier la loi organique votée en mars 1999, qui n’était rien d’autre que la traduction juridique de l’accord politique – et un accord de paix – qu’est l’accord de Nouméa, signé en 1998 par les deux camps qui s’étaient affrontés auparavant ; je veux parler des indépendantistes et des partisans du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France.
Dix ans après la signature des accords de Matignon qui avaient permis le retour à la paix dans notre archipel, l’accord de Nouméa a ouvert une nouvelle période d’espoir. Dans son préambule, ce texte fondateur affirme que « le moment est venu de reconnaître les ombres de la période coloniale, même si elle ne fut pas dépourvue de lumière ». L’accord de Nouméa prône « le rééquilibrage », ses signataires y ayant inscrit le vœu de « constituer […] une communauté humaine affirmant son destin commun ».
Fruit de l’intelligence des acteurs des deux camps, il a permis, et permet toujours aujourd’hui, d’envisager de manière pacifiée l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, un avenir prometteur où tout le monde aura sa place, où toutes les communautés vivant dans l’agglomération de Nouméa, sur la Grande Terre ou dans les îles, chacun de ces territoires ayant ses spécificités et son histoire, décident de vivre ensemble.
La route tracée par l’accord de Nouméa vers le destin commun est longue, et tout n’est pas gagné. Néanmoins, un long chemin a déjà été parcouru.
Le rééquilibrage, certes incomplet, prend corps. Ainsi, depuis une quinzaine d’années, les écarts économiques et de niveau de vie entre provinces ne cessent de se réduire.
Le rattrapage social a eu lieu. Il est visible à plusieurs signes, dont l’augmentation du niveau de formation des jeunes originaires de la province Nord et des îles, l’amélioration de l’équipement des ménages dans les deux provinces ou encore l’allongement de la durée de la vie.
Du point de vue économique, le produit intérieur brut par habitant de la province Nord égale aujourd’hui les deux tiers de celui de la province Sud, alors que celle-ci abrite 71 % de la population calédonienne. La situation s’améliorera encore lorsque les projets industriels de la province Nord, notamment l’usine de traitement du nickel exploitée par la société minière du Sud Pacifique, la SMSP, et Xstrata, verront le jour. Le chantier de construction de l’usine soutient déjà fortement l’activité économique de la région en employant sur le site 1 068 personnes, dont 674 sont originaires de la province Nord. Autre indice du rééquilibrage, la croissance a été deux fois plus rapide, entre 1996 et 2004, dans la province Nord que dans la province Sud. Quant à la province des îles Loyauté, l’écart entre son PIB par habitant et celui de la province Sud a diminué de 60 % en quinze ans.
La reconnaissance de l’identité kanake, inscrite dans l’accord de Nouméa, a elle aussi progressé. Elle est symbolisée par le centre culturel érigé en hommage au leader indépendantiste Jean-Marie Tjibaou, signataire, avec Jacques Lafleur, des accords de Matignon ; il contribue fortement à diffuser la connaissance de l’art et des traditions kanaks.
Au-delà de ce symbole incontournable, d’autres chantiers ont été ouverts comme celui de la toponymie, notamment en province Nord, où tous les lieux sont désormais nommés en langue française et en langue vernaculaire. L’académie des langues kanakes a été créée et celles-ci sont enseignées, comme le prévoit l’accord de Nouméa.
Des dispositions centrales de l’accord de Nouméa, reprises par la loi organique, ont été mises en œuvre, même si toutes ne sont pas totalement en place. Ainsi le corps électoral restreint a-t-il été adopté par le Congrès de Versailles en 2007 dans sa version la plus stricte puisque c’est une notion figée et non glissante, contrairement à ce que j’aurais préféré, qui a été retenue. C’était un geste fort des différentes communautés, afin de prouver, s’il en était besoin, leur volonté de créer, en Nouvelle-Calédonie, un destin commun.
Par ailleurs, la définition des signes identitaires a fait l’objet d’un premier consensus, mais ce chantier n’est pas achevé. D’après les premiers échanges intervenus au sein du gouvernement collégial, dont j’ai l’honneur de faire partie, les travaux devraient reprendre très prochainement.
Concernant la protection de l’emploi local, autre point phare de l’accord de Nouméa et de la loi organique, un projet de texte pour le secteur privé, préparé par l’ensemble des partenaires sociaux, qui ont réussi, après des mois de travail, à parvenir à un consensus sur ce sujet épineux, a été approuvé par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à la fin de la dernière mandature.
Pour ma part, en tant que membre du gouvernement de la nouvelle mandature chargé de la fonction publique et du schéma d’aménagement et de développement de la Nouvelle-Calédonie, je proposerai très rapidement une démarche participative afin d’aboutir à un texte consensuel de nature à protéger l’emploi local dans la fonction publique. Je veillerai aussi, dans l’élaboration du schéma de développement, à ce que l’avenir, à l’horizon 2025, s’écrive bien dans le respect de l’accord de Nouméa.
Enfin, la clé de voûte de l’accord de Nouméa est le transfert progressif et irréversible des compétences de l’État à la Nouvelle-Calédonie. Nous sommes à un moment charnière de ce processus, le congrès de la Nouvelle-Calédonie devant se prononcer d’ici au mois de novembre sur le calendrier et les modalités de ce deuxième train de transferts.
Au cours des deux dernières réunions du comité des signataires de l’accord de Nouméa, qui se sont tenues à Matignon en 2007 et en 2008, les Calédoniens avaient insisté sur l’importance qu’ils accordaient à ces transferts. Ils avaient également sollicité le concours et l’accompagnement financier de l’État pour les préparer et, surtout, les réussir.
Rappelons que ce dossier était au point mort depuis 1999 et que, depuis 2008, le chemin parcouru avec l’appui technique de l’État est considérable.
Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie présidé par Harold Martin, sous la précédente mandature, a accompli un travail important et fait preuve d’une grande détermination, dans le souci permanent de faciliter le consensus. Il faut également saluer l’action du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie et la contribution des experts de la mission d’appui que l’État a mandatée sur ce dossier. Je voudrais ici remercier le Gouvernement d’avoir répondu à cette demande de soutien et d’avoir tenu l’engagement pris devant les signataires de l’accord. Cette aide nous a été précieuse : elle nous a permis de mesurer et d’aplanir les difficultés, en associant aux discussions, pour la première fois dans l’histoire institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, tous les acteurs concernés par ce processus.
Le transfert des compétences en matière d’enseignement est certainement ce qui présente le plus de difficultés, d’abord par son ampleur, avec 42 000 élèves, 4 500 personnels et près de 386 millions d’euros de dépenses annuelles, soit un tiers des ressources de la collectivité de Nouvelle-Calédonie– 1,25 fois son budget de fonctionnement propre et 3 fois ses effectifs actuels –, mais aussi par son importance économique et sociale. L’étape est cruciale, car c’est un secteur majeur, tant par le poids qu’il représente que par l’importance qu’il revêt pour les familles calédoniennes et l’avenir du pays.
Il est évident que les caractéristiques de la Nouvelle-Calédonie, conjuguées à l’irréversibilité du processus, rendent extrêmement difficile la comparaison avec les transferts de compétences intervenus en métropole.
En Nouvelle-Calédonie, ce transfert suscite des attentes, mais également des craintes, exprimées par les syndicats d’enseignants et les parents d’élèves.
Les solutions élaborées entre les signataires de l’accord ont permis de dépassionner le débat et d’aboutir à un consensus. Cependant, l’équilibre reste fragile et doit être conforté par les modifications de la loi organique du 19 mars 1999 que nous allons examiner. Il requiert des garanties de l’État, attendues par les élus de Nouvelle-Calédonie et la population, dont je me permets de me faire, aujourd’hui, l’interprète auprès de vous.
Comme je le disais, un long chemin a été parcouru depuis la poignée de main historique entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou, le 26 juin 1988, et la signature de l’accord de Nouméa, le 5 mai 1998. La loi organique nous a accompagnés tout au long de ces années, comme un guide auquel on se réfère sans cesse, mais, au fil du temps, ce texte a montré ses faiblesses. Ambiguës, sources de contentieux, incomplètes ou inadaptées, certaines dispositions doivent être modifiées, tandis que d’autres doivent être ajoutées, le droit devant s’adapter à la pratique.
Il ne s’agit en rien de réviser l’accord de Nouméa par un biais détourné : il s’agit de le renforcer, en en clarifiant la traduction juridique qu’est la loi organique, afin qu’elle respecte encore mieux l’esprit de l’accord approuvé, je vous le rappelle, par 72 % des Calédoniens en 1998 et dont les orientations ont aujourd’hui valeur constitutionnelle.
Il a fallu trois ans de travail pour aboutir au texte que nous allons examiner. Des dizaines de réunions ont eu lieu, quatre-vingts modifications ont été proposées à la fin de 2006.
Je voudrais aussi souligner que les amendements que j’ai déposés émanent tous du rapport qui a obtenu, le 12 juin dernier, un avis favorable du congrès de la Nouvelle-Calédonie, à l’unanimité de ses membres, qui représentent toutes les sensibilités politiques des trois assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie. C’est donc un signe fort que les cinquante-quatre élus du Congrès adressent aujourd’hui à la fois au Gouvernement de la France et au Parlement.
Vous comprendrez aisément, après ces premiers propos, ma forte implication dans ce dossier. Cette implication, je la dois à mon pays et à tous les Calédoniens, car il y va de notre avenir commun. C’est aussi ma responsabilité de signataire de l’accord de Nouméa. Je sollicite donc votre attention bienveillante aux amendements que je défendrai tout à l’heure.
Pour l’occasion, et à titre exceptionnel, j’ai intégré la commission des lois, qui s’est réunie le 24 juin. Je sais gré au président, au rapporteur et aux autres membres de cette commission de m’avoir ainsi permis de travailler sur ce texte, avant que je ne rejoigne ma commission d’origine.
Je salue tout particulièrement la qualité du travail et la grande connaissance de la Nouvelle-Calédonie de mon collègue Christian Cointat, dont le rapport fera référence.
La majorité des amendements que j’ai présentés ont été accueillis favorablement et intégrés au texte de la commission ; j’en remercie mes collègues de la commission des lois. D’autres, en revanche, ont été rejetés pour cause d’inconstitutionnalité.
Je prends acte de cet obstacle juridique. Je connais les difficultés financières de la France et je ne veux pas alourdir encore le budget de l’État. L’État, qui transfère tous les ans près de 1,2 milliard d’euros à la Nouvelle-Calédonie, accomplit déjà un effort important pour accompagner notre archipel dans son développement.
Les amendements que j’avais déposés et qui répondaient aux souhaits du congrès de la Nouvelle-Calédonie avaient, en fait, trois objectifs : améliorer le fonctionnement des institutions ; favoriser le développement économique de la Nouvelle-Calédonie ; assurer la bonne mise en œuvre de l’accord de Nouméa
Ne voulant pas vous imposer un discours trop long, je ne m’attarderai que sur les modifications qui représentent un fort enjeu pour la Nouvelle-Calédonie. Elles concernent essentiellement les transferts de compétences que j’évoquais tout à l’heure, exception faite d’une modification, qui n’en est pas moins fondamentale à mes yeux : la reconnaissance des conjoints de citoyens calédoniens et des personnes pacsées avec des citoyens calédoniens, afin de leur permettre de bénéficier des dispositions des futures lois de protection de l’emploi local.
Le congrès a demandé un tel ajout à la loi organique, car c’est l’une des dispositions du projet de loi sur la protection de l’emploi local dans le secteur privé qui ont fait l’objet d’un consensus en Nouvelle-Calédonie. Une fois cette modification effectuée, ce texte très attendu par la population pourra reprendre son parcours institutionnel et arriver au congrès de la Nouvelle-Calédonie d’ici la fin de l’année.
S’agissant des transferts des compétences, la première demande de la Nouvelle-Calédonie concerne le transfert du droit civil, du droit commercial et de la sécurité civile. En effet, la Nouvelle-Calédonie n’est pas totalement préparée, à ce stade, à assumer ces transferts complexes et lourds. Les réticences des professionnels du droit et de la sécurité civile ne peuvent être ignorées, et les conditions à réunir pour les réussir ne peuvent être éludées.
La Nouvelle-Calédonie a donc souhaité un délai afin de se préparer au mieux à cette échéance. Ce délai devra être mis à profit pour que l’État concrétise l’accompagnement auquel il s’est engagé en qualité de partenaire de l’accord de Nouméa.
Une modification a été introduite en ce sens : le congrès pourra décider du transfert de ces compétences deux ans plus tard que prévu, c’est-à-dire en mai 2011, au lieu de novembre 2009.
Les autres principales modifications souhaitées par le congrès de la Nouvelle-Calédonie concernent le transfert des compétences de l’enseignement secondaire et de l’enseignement privé. L’enjeu, je vous le disais, est colossal. Le souhait des élus calédoniens est de garantir la possibilité pour la Nouvelle-Calédonie d’assurer le financement d’un enseignement secondaire de qualité, d’organiser la transition dans les meilleures conditions pour les personnels, voire de bâtir un projet éducatif adapté à nos enjeux.
Il serait inconcevable, vous en conviendrez, de sacrifier la qualité de l’enseignement faute de moyens suffisants et donc inimaginable que les constructions de lycées annoncées ne se fassent pas ou que la plus grande attention ne soit pas portée aux personnels, car les transferts devront se réaliser avec eux et non contre eux. C’est donc au nom d’élus responsables que j’ai déposé ces amendements.
Le projet de texte adopté en conseil des ministres traduit juridiquement les arbitrages rendus par les signataires de l’accord de Nouméa sur ce sujet. Cependant, il était nécessaire d’améliorer les dispositions rédigées par le Gouvernement et d’y accorder la plus grande attention. L’absence de consensus au Congrès, qui devra se prononcer par une loi de pays adoptée à la majorité des trois cinquièmes, entraînerait en effet à coup sûr des tensions en Nouvelle-Calédonie.
Nous savons, en Nouvelle-Calédonie, à quel point le Président de la République est attaché à la mise en œuvre de l’accord de Nouméa, dans sa lettre et dans son esprit. C’est ainsi que, en 2007, il écrivait aux Calédoniens : « J’attache la plus grande importance au respect de l’accord de Nouméa, conclu entre vos représentants et l’État, approuvé par vous et inscrit dans notre Constitution. » Il ajoutait : « Je crois à une démarche politique fondée sur le consensus, le respect des engagements et la recherche constante de la volonté de vivre ensemble. »
La France doit absolument réussir les transferts de compétences en Nouvelle-Calédonie pour réussir la mise en œuvre du processus exemplaire inscrit dans l’accord de Nouméa, qui fait aujourd’hui référence non seulement dans la région, mais aussi dans le reste du monde.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !
M. Simon Loueckhote. Il y va de l’image internationale de la France. La Nouvelle-Calédonie et, par conséquent, la France bénéficient aujourd’hui d’une bonne image dans la région. La France se doit d’être exemplaire afin de conserver son aura.
C’est pourquoi les Calédoniens espèrent que, au-delà des obstacles juridiques, un réel partenariat pourra être scellé avec l’État afin d’envisager le transfert de l’enseignement secondaire dans de bonnes conditions et afin que ce transfert ne soit pas vécu comme un « largage de la République ».
Je citerai encore le Président de la République, qui déclarait, en recevant le 10 décembre 2008, à l’Élysée, les signataires de l’accord de Nouméa : « Ce processus doit nous conduire à inventer de nouvelles formes de solidarité ». C’est dire le chantier qui est devant nous, mes chers collègues !
Pour le reste, après son parcours à travers les institutions, nous disposerons bientôt d’une loi organique modernisée. Nous pourrons alors continuer à nous appuyer sur elle pour écrire l’histoire de la Nouvelle-Calédonie dans le respect de l’accord de Nouméa et consolider la place si particulière de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Soibahadine Ibrahim Ramadani.
M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. Madame la secrétaire d’État, je tiens à vous présenter à mon tour mes félicitations pour votre nomination à ce poste et à vous souhaiter un plein succès dans votre mission, ainsi qu’à l’ensemble de l’équipe qui vous entoure. Qui aurait pu imaginer, il y a quelques mois, que Mme Marie-Luce Penchard, venant participer comme d’autres responsables politiques à la campagne référendaire sur la départementalisation de Mayotte, serait peu après appelée à traiter, à un autre niveau de responsabilité, des conséquences du vote du 29 mars ?
En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, sur laquelle mon ami Simon Loueckhote vient de s’exprimer brillamment, je tiens d’emblée à saluer le présent projet de loi organique, qui respecte les orientations de l’accord de Nouméa du 5 mai 1998, tout en assurant l’appui de l’État dans la mise en œuvre des transferts de compétences. Ces transferts touchent essentiellement quatre matières : le droit civil, les règles concernant l’état civil, le droit commercial et la sécurité civile. Je fais confiance Simon Loueckhote pour apporter à cet égard, avec la commission des lois et l’ensemble du Parlement, les améliorations nécessaires à ce texte.
Pour ce qui est de Mayotte, ce projet de loi organique est historique en ce qu’il marque la consécration juridique d’un combat politique de cinquante ans, qui aboutit enfin à la transformation de Mayotte en département d’outre-mer. Il sera ainsi, après la Réunion, le deuxième département dans l’Océan Indien, et constituera une zone de paix, de stabilité et de progrès dans une région, le canal de Mozambique, où la mal-gouvernance, le déficit démocratique et la violence sont plutôt de règle.
Cependant, les élus de Mayotte ne perdent pas de vue que, au moment où leur île s’apprête à effectuer ses premiers pas comme département d’outre-mer, ceux qui connaissent déjà ce statut depuis plus de soixante ans aspirent à franchir une nouvelle étape institutionnelle vers plus d’autonomie pour les uns, vers une assemblée unique pour les autres ; c’est dire que ce statut n’est pas la panacée.
Il reste que Mayotte en a besoin pour conforter son ancrage dans la République, réaliser l’égalité sociale en une génération, lancer un nouveau schéma de développement couvrant les vingt-cinq prochaines années, faciliter son accession au statut de région ultrapériphérique de l’Union européenne et, enfin, donner un nouvel élan aux discussions du groupe de travail de haut niveau avec l’Union des Comores.
Pour construire la départementalisation, dont le modèle reste « à inventer », selon l’expression du Président de la République, nous tiendrons le plus grand compte du bilan dressé à l’occasion du cinquantenaire des DOM, notamment par le rapport Lise-Tamaya. Dans le même temps, nous, élus de Mayotte, sommes déterminés à trouver notre propre voie, celle qui privilégie la responsabilité, un développement fondé sur nos atouts, une société mieux régulée, une culture mieux soutenue et la préservation de l’environnement.
Avec la publication du décret approuvant le PADD, le projet d’aménagement et de développement durable, Mayotte dispose désormais d’un document d’appui aux politiques publiques pour accompagner le pacte pour la départementalisation au cours du quart de siècle à venir.
En outre, le projet d’ordonnance relatif à la création d’une deuxième circonscription législative dans notre île est une bonne nouvelle, car cela contribuera à établir l’équilibre de la représentation de Mayotte au Parlement.
On aimerait aussi voir paraître, à côté de textes récemment publiés concernant Mayotte, les autres décrets et ordonnances, notamment les décrets relatifs à la fonction publique, à la retraite, au déclassement des zones urbanisées ou d’urbanisation future situées sur le domaine public maritime de l’État, ainsi que les ordonnances portant sur la protection sociale et la constitution de droits réels dans le domaine public de l’État.
J’en viens maintenant au projet de loi organique qui nous occupe ce jour et qui comporte, pour Mayotte, un seul article, l’article 42.
Tout d’abord, je me réjouis de l’adoption par la commission des lois du Sénat de l’amendement de son excellent rapporteur – c’est devenu un pléonasme !(Sourires) – tendant à la création juridique et institutionnelle du département de Mayotte.
On sait que, à la suite de la loi du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, dite DSIOM, le statut de Mayotte a été inscrit dans le code général des collectivités territoriales dans la catégorie « collectivités d’outre-mer » régies par l’article 74 de la Constitution. Le 29 mars 2009, les Mahorais s’étant prononcés massivement à la fois pour la transformation de Mayotte en « département d’outre-mer » régi par l’article 73 de la Constitution et en faveur d’une « assemblée unique » exerçant les compétences dévolues au département et à la région,…