M. Gérard Cornu. Très bien !
M. Brice Hortefeux, ministre. Deuxième constat, la confusion des responsabilités et des financements conduit parfois à des dérapages financiers, dont le contribuable supporte la charge.
J’ai bien entendu les remarques assez classiques, parfois fondées, mais pas toujours originales, qui ont été adressées à l’État. Néanmoins, je citerai cet exemple : le taux de prélèvements obligatoires des administrations publiques locales est passé de 5 % à 5,7 % du produit intérieur brut entre 2003 et 2007, soit une augmentation de 14 %. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Dans le même temps, celui de l’État baissait de 14,8 % à 13,9 %, soit une diminution de 6 %. (Vives exclamations sur les mêmes travées.)
Je m’attendais à ce mouvement sympathique d’expression collective !
Cette évolution aurait pu être comprise, compte tenu des effets de la décentralisation, si, dans le même temps, les collectivités locales n’avaient pas augmenté leurs propres dépenses de 23 %, à périmètre constant et sans tenir compte des transferts de compétences.
Troisième constat : la fiscalité locale est devenue totalement illisible. « Chacun mange dans la même assiette », dit l’adage. Les trois niveaux de collectivités territoriales et les intercommunalités prélèvent chacun une part des mêmes impôts locaux, sans que le contribuable sache vraiment qui est responsable. La situation est d’autant plus baroque que l’État est devenu le premier contribuable local,…
M. Pierre-Yves Collombat, vice-président de la mission temporaire. C’est parce qu’il l’a voulu !
M. Brice Hortefeux, ministre. …en prenant en charge quelque 27 % de la fiscalité locale. Il s’agit là d’une évolution ancienne, le gouvernement de Lionel Jospin ayant montré l’exemple.
M. Pierre-Yves Collombat, vice-président de la mission temporaire. Oui, et alors ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Reconnaissons qu’il est difficile d’imaginer un système plus compliqué !
Le moment est venu de réformer vraiment, de réformer profondément, de réformer durablement l’organisation des collectivités territoriales.
Le rapport présenté par le comité Balladur a ouvert des pistes de réforme ambitieuses. J’observe, au demeurant, que seize des vingt propositions qu’il a formulées ont été votées à l’unanimité des membres du comité. J’y vois la preuve que, au-delà du constat partagé, le chemin de la réforme peut, lui aussi, être trouvé de manière globalement consensuelle.
Je me réjouis que le Sénat, qui « assure la représentation des collectivités territoriales de la République », ait souhaité apporter une contribution très forte au débat. Je félicite tout particulièrement le président Claude Belot, les rapporteurs Yves Krattinger et Jacqueline Gourault, ainsi que les vice-présidents Pierre-Yves Collombat et Rémy Pointereau de la qualité des travaux de la mission qu’ils ont animée.
Je remercie également de leur contribution très active les groupes parlementaires, notamment les groupes UMP et Union centriste, dont les orateurs ont été particulièrement éloquents. Disant cela, je n’exclus bien sûr pas les orateurs des autres groupes.
Par ailleurs, j’ai noté les positions contrastées exprimées par les différentes associations d’élus.
Je vous le dis très simplement, nous ne devons pas manquer ce rendez-vous ni décevoir sinon les attentes, du moins les encouragements de nos compatriotes pour plus d’efficacité et de simplicité. Une demi-réforme, réduite au plus petit dénominateur commun des ambitions, ne serait pas une bonne réforme.
En s’exprimant devant le Congrès, le 22 juin dernier, le Président de la République a pris un engagement auprès des Français : « Nous irons jusqu’au bout de la réforme des collectivités territoriales. Nous ne nous déroberons pas devant la réduction du nombre des élus régionaux et départementaux. Nous ne nous déroberons pas devant l’effort qui sera demandé à toutes les collectivités. On ne peut pas exiger de l’État d’être seul face au défi gigantesque qui consiste à faire de l’économie française une économie de production. Ce qui est en cause, c’est la même nation, le même citoyen, le même contribuable. L’effort doit être partagé. »
Je le dis devant la Haute Assemblée, cet engagement sera tenu. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Et il nous appartient désormais, dans les mois qui viennent, de définir ensemble, au Parlement, les voies du possible.
Je vous le dis très solennellement, il est désormais devenu très dangereux de ne rien faire. (M. Jacques Blanc applaudit.)
Le Gouvernement déposera donc sur le bureau du Sénat, au mois de septembre, un texte ambitieux. Je me bornerai, à ce stade de nos débats, à souligner les trois orientations fondamentales de la réforme. Le débat n’est en effet pas figé.
Nous voulons, en premier lieu, mieux dessiner la carte territoriale.
M’exprimant aussi au nom d’Alain Marleix, qui en est totalement convaincu, j’affirme qu’il nous faut tout d’abord achever et rationaliser la carte de l’intercommunalité dans des délais proches. Nous sommes attachés à ce que la commune et son maire restent les interlocuteurs de proximité, au contact direct des citoyens, mais nous tenons aussi à ce que des intercommunalités de projet recouvrent l’ensemble du territoire national.
Je précise, s’agissant du projet du Grand Paris, que la situation de l’Île-de-France devra naturellement faire l’objet d’une attention particulière.
L’intercommunalité à fiscalité propre doit devenir la règle. La couverture totale du territoire devra intervenir dans des délais brefs. J’ajoute que les intercommunalités devront être beaucoup plus larges qu’aujourd’hui, pour disposer d’une assise permettant l’exercice effectif de compétences renforcées.
C’est par la concertation que nous parviendrons à des périmètres intercommunaux plus larges et plus cohérents, qui formeront un cadre plus favorable au développement de nos territoires.
Dans les territoires où cela ne serait pas possible, l’État prendrait ses responsabilités : après avis des commissions départementales de coopération intercommunale renouvelées, il appartiendrait alors aux préfets d’arbitrer et d’indiquer la démarche à suivre.
Parallèlement, nous devrons mener un travail de « toilettage » de très nombreux syndicats intercommunaux qui, en réalité, n’ont plus d’activité ou qui correspondent déjà au périmètre d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. C’était déjà le cas voilà deux ans, lorsque j’ai quitté le ministère délégué aux collectivités territoriales, et je ne suis pas certain que cette situation ait évolué. Il y a là une vraie piste de simplification, de rationalisation, et donc d’économies.
Mieux dessiner la carte territoriale, c’est aussi créer de véritables métropoles, en nombre limité, disposant d’une vraie capacité d’action pour intervenir puissamment à l’échelle de l’agglomération.
J’ai bien entendu que, si le principe de la création de métropoles est largement approuvé, la définition du concept est variable. Ne perdons pas de vue l’ambition portée par le rapport du comité Balladur, qui propose de rassembler les communes de la métropole en une collectivité unique et de transférer à cette nouvelle collectivité les compétences du département, voire certaines compétences de la région. Cette piste ne doit pas être écartée a priori.
Peut-être ce schéma pourra-t-il prendre d’autres formes, mais la perspective est claire : il est indispensable de donner aux métropoles d’envergure européenne les moyens d’agir dans un environnement européen très compétitif. Nous ne saurions nous satisfaire d’un simple ravalement a minima des communautés urbaines.
Écartons ce qui serait la tentation de la facilité.
En deuxième lieu, il faut mieux articuler le niveau régional et le niveau départemental ; c’est l’enjeu majeur de la création du conseiller territorial.
Gardons-nous de tout fantasme, pour reprendre un mot employé tout à l’heure : il ne s’agit pas de supprimer un échelon, qu’il s’agisse de la région ou du département.
M. Pierre-Yves Collombat, vice-président de la mission temporaire. C’est logique !
M. Brice Hortefeux, ministre. Mais je le dis très clairement, la coexistence de 4 000 conseillers généraux et de 2 000 conseillers régionaux n’est pas bien comprise par nos compatriotes. De plus, je ne suis pas certain que ce soit toujours bien utile. En revanche – et je suis étonné que personne n’ait soulevé ce point –, elle peut favoriser une forme de concurrence institutionnelle – et donc financière – entre ces deux assemblées.
Le Gouvernement souhaite donc proposer au Parlement la création de conseillers territoriaux qui siégeraient à la fois au conseil général de leur département d’élection et au conseil régional. Nous en débattrons le moment venu, en précisant le mode de scrutin, sujet bien légitime de préoccupation.
Vous connaissez la fertilité intellectuelle d’Alain Marleix. Il a plusieurs pistes dans sa besace ! (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Je n’ai pas le sentiment, monsieur le secrétaire d’État, que cela rassure une partie de cette assemblée ! (Sourires sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.) Alain Marleix a examiné et comparé les pratiques en vigueur dans plusieurs grandes démocraties européennes et a donc plusieurs pistes qu’il sera intéressant d’approfondir.
Je proposerai au Président de la République de consulter, en liaison avec Alain Marleix, les partis politiques sur le mode de scrutin, lequel sera défini au service d’une seule exigence : l’expression démocratique, c’est-à-dire l’élection, qui doit permettre de désigner des élus territoriaux représentatifs et efficaces au service de nos concitoyens.
M. Jacques Blanc. Et des territoires !
M. Brice Hortefeux, ministre. En troisième lieu, nous voulons clarifier la répartition des compétences. Quelle que soit la solution juridique qui sera retenue, il faudra sortir enfin de l’ambiguïté en définissant aussi précisément que possible, dans la loi, qui fait quoi.
M. Christian Poncelet. Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat, vice-président de la mission temporaire. Et qui paie !
M. Brice Hortefeux, ministre. Il est indispensable de déterminer des règles plus précises qu’aujourd’hui, car il n’est pas de responsabilité sans règles. Il est souhaitable de mettre fin à l’enchevêtrement incompréhensible des compétences et aux excès – nous en avons tous connu – des financements croisés qui, souvent, produisent des surcoûts pour le contribuable, allongent les délais de prise de décision et de réalisation des projets et mobilisent des frais de fonctionnement.
Il nous faut donc faire preuve de simplification et de précision en énonçant les compétences de chaque collectivité et en interdisant, sauf exception légitime – il peut toujours s’en trouver –, qu’une collectivité intervienne dans le champ de compétence d’une autre.
Je le répète, rien n’est fermé. Il peut y avoir des exceptions. Peut-être les débats à venir nous en apporteront-ils quelques exemples.
Naturellement, nous serons attentifs à la concertation sur ce sujet et nous agirons avec pragmatisme. Mais le pragmatisme ne doit servir ni à cacher ni à justifier l’immobilisme. Puisque nous voulons clarifier, nous devons le faire vraiment, en précisant les compétences des uns et des autres.
Je dirai enfin quelques mots de l’évolution de la fiscalité locale, qui a été évoquée par plusieurs intervenants.
Je tiens à rappeler que la perte de ressources due à la réforme de la taxe professionnelle donnera lieu à une compensation intégrale pour les collectivités territoriales. C’est un engagement qui a été pris au lendemain du sommet social, c’est-à-dire le 19 février. D’ailleurs, vous le savez, depuis 2003, c’est une obligation constitutionnelle. Cela signifie qu’il n’y aura pas de perte de recettes pour les collectivités locales. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Guillaume. Comme pour le RMI !
M. Brice Hortefeux, ministre. C’est vrai sur le plan global : les 22 milliards d’euros que représente la taxe professionnelle sur les équipements et biens mobiliers seront compensés. C’est vrai aussi sur le plan individuel : chaque collectivité retrouvera un niveau de ressources équivalent.
Le principe constitutionnel d’autonomie financière sera bien évidemment respecté. Cela signifie que cette compensation sera assurée pour l’essentiel par des transferts de recettes fiscales. Ces derniers devront autant que possible permettre de maintenir un lien entre entreprises et territoires.
Plusieurs scenarii sont à l’étude, en liaison étroite avec les parlementaires, les associations d’élus, qui sont nombreuses, et le comité des finances locales. Toutes ces propositions seront examinées avec beaucoup d’attention et aboutiront à des propositions.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il appartiendra au Parlement, le moment venu, c’est-à-dire à l’automne, de débattre des dispositions législatives en posant les fondements de cette réforme indispensable.
Je suis, comme Alain Marleix, profondément et sincèrement attaché à la concertation, et nous avons l’intention de la mener réellement. Mais il ne doit pas y avoir d’ambiguïté dans notre message : la concertation n’empêche en rien la détermination ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. –Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Boutant. On l’a compris !
M. Brice Hortefeux, ministre. Le texte proposé par le Gouvernement sera l’expression de la détermination du Gouvernement, à la demande du Président de la République, de tenir tout simplement les engagements qui ont été pris devant les Français : détermination à améliorer l’efficacité des services rendus par l’administration territoriale de notre République, détermination à moderniser notre organisation pour maîtriser les dépenses, détermination à simplifier le paysage des collectivités territoriales pour le rendre lisible et compréhensible par nos concitoyens.
Avec la réforme des collectivités territoriales, nous avons un rendez-vous avec l’histoire institutionnelle de notre République. Réussissons donc ensemble cette réforme ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. –M. Gilbert Barbier applaudit également.)
III. – Débat interactif et spontané
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané.
Chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes au maximum. Les membres de la mission temporaire ou le Gouvernement, s’ils sont sollicités, pourront répondre.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. M. le ministre vient d’indiquer que les engagements pris par le Président de la République seraient tenus, et que M. Alain Marleix et lui-même y veillaient. Voilà un propos fort plaisant.
Mais on peut se demander si les engagements qui ont été pris par les différents gouvernements UMP depuis 2002 ont été tenus. Qu’en est-il par exemple de la décentralisation ?
On nous a affirmé à l’époque que la décentralisation appelait une dimension solennelle de par son inscription dans la Constitution et le respect scrupuleux de deux exigences : l’autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales et la péréquation.
L’autonomie financière et fiscale a donné lieu à une loi d’orientation qui a fixé certains principes.
Monsieur le ministre, les engagements pris de manière solennelle dans le cadre du vote de cette loi de décentralisation seront-ils tenus en matière d’autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales ? Les recettes de substitution que vous venez d’évoquer permettront-elles aux collectivités de fixer elles-mêmes les taux des contributions qui sont appelées à financer leurs besoins ? C’est une question simple qui appelle une réponse simple.
En ce qui concerne la péréquation, bien que la Constitution stipule que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales », aucun texte n’a été déposé à cet égard. Les auteurs du rapport qui sert de base à notre discussion ont amplement insisté sur la nécessité d’aller beaucoup plus loin en matière de péréquation.
Monsieur le ministre, certains des engagements inscrits dans la Constitution n’ont pas encore été tenus. Cela jette un doute sur la capacité du Gouvernement à respecter les engagements qu’il prend aujourd’hui ou prendra demain ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, s’agissant de l’obligation constitutionnelle relative aux transferts de compétences, la commission des évaluations s’est réunie vingt-cinq fois. Elle a donc travaillé afin que cette disposition constitutionnelle devienne une réalité. Qu’on le veuille ou non, les choses se sont passées comme le prévoyaient les textes.
Par ailleurs, l’État a le souci d’organiser une péréquation efficace en faveur des territoires les plus défavorisés.
Depuis 2003, ce principe a une valeur constitutionnelle. La dotation globale d’équipement, la DGE, mais surtout la dotation globale de fonctionnement, la DGF, sont réparties de façon à soutenir les collectivités ayant le moins de moyens ou le plus de charges.
La part de la DGF consacrée à la péréquation est en constante augmentation. Pour les communes, elle représentait 19 % de la DGF totale en 2005 et 22 % en 2008 ; pour les départements, elle s’élevait à 9,2 % en 2005 et à 11 % en 2008 ; pour les régions, elle se montait à 1,9 % en 2005 et à 2,9 % en 2008.
J’ajoute que, en 2009, la dotation de solidarité urbaine, la DSU, pour les grandes villes, et la dotation de solidarité rurale, la DSR, progressent chacune de 6 %, évolution positive et constante depuis maintenant six années pour la DSR. C’est trois fois plus que l’augmentation moyenne de la DGF, qui est cette année de 2 % et, vous en conviendrez, bien supérieure à l’inflation constatée.
Dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale, je veillerai, avec Brice Hortefeux, à ce que l’objectif de péréquation, qui est une constante, soit réaffirmé. C’est impératif pour assurer l’égalité des chances entre les territoires de nos régions. (M. Roger Romani applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. L’excellent rapport de la mission temporaire et le très bon discours d’orientation de M. Hortefeux me laissent un peu sur ma faim. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
On nous dit que nos concitoyens ne comprennent rien à l’imbrication des compétences, à la répartition des crédits, aux doubles emplois, etc. Dois-je rappeler que ces sujets débordent très largement le pur domaine institutionnel ? L’eau potable est fournie par un grand syndicat régional, le traitement des déchets est assuré par une autre structure, les questions scolaires dépendent à la fois de la région, du département et de la commune. L’état civil relève de la commune, mais on vient d’imposer à cette dernière la délivrance de passeports dont l’élaboration est très compliquée, surtout avec des machines qui ne fonctionnent pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Monsieur le ministre, une fois que l’on aura achevé l’organisation intercommunale, dans un délai que l’on veut assez court, les nouvelles structures intercommunales auront-elles récupéré toutes les missions qui ont été déléguées aux syndicats mixtes, aux syndicats à vocations multiples, aux syndicats à vocation unique ou à diverses autorités, ce qui permettrait à nos concitoyens d’avoir en face d’eux des élus responsables dotés de compétences précises ?
Je n’ai trouvé de réponse à cette question ni dans les travaux de la commission Balladur, ni dans l’excellent rapport de M. Belot, ni dans le discours de M. le ministre. Va-t-on réintégrer toutes les compétences institutionnelles qui ont été dispersées afin de parvenir à un schéma satisfaisant pour la vie quotidienne de nos concitoyens ? (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre. Votre question masque des affirmations et des considérants tout à fait réels. Bien évidemment, nos concitoyens n’y comprennent rien ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Ils ne comprennent rien à la multiplicité des syndicats intercommunaux ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Ne plaisantez pas sur ce sujet ! La Fondation nationale des sciences politiques a réalisé, voilà maintenant une dizaine d’années, une étude qui démontrait que le rôle des syndicats intercommunaux était incompréhensible et que, pour 3 % de nos compatriotes, les élections cantonales visaient à élire des cantonniers ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Au-delà de cette anecdote, force est de constater que nos concitoyens ne comprennent pas le rôle, la place, la légitimité institutionnelle des syndicats intercommunaux.
Aujourd’hui, on peut dire que 96 % ou 97 % de cette phase de la réforme ont été traités. Chaque année, un rapport sur l’évolution de l’intercommunalité est présenté en conseil des ministres.
Notre objectif est la rationalisation et la simplification de notre organisation territoriale. Monsieur Fourcade, les compétences que vous avez évoquées – la liste n’est d’ailleurs pas exhaustive – doivent être rassemblées au sein des structures territoriales. On ne peut pas réclamer la rationalisation et la simplification sans en tirer les conséquences.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, lors du dernier débat interactif, qui est une formule innovante et vraiment intéressante, je m’étais interrogée sur l’absence de dispositions relatives au cumul des mandats.
Or aujourd’hui, sur les quatre-vingt-dix propositions figurant dans le rapport de la mission temporaire, aucune ne concerne ce sujet. Bien au contraire, certaines d’entre elles tendent à considérer que le conseiller territorial n’a qu’un mandat alors qu’il exerce deux fonctions.
Le Gouvernement nous proposera-t-il des mesures à cet égard ? Nos concitoyens, qui sont en quête de proximité et de lisibilité, souhaiteraient obtenir des éclaircissements sur ce point.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. La philosophie générale du rapport de la mission temporaire et des travaux de la commission Balladur est de considérer que le conseiller territorial remplit un mandat unique même s’il exerce une double compétence, régionale et départementale. Le problème du cumul des mandats est tout de même un peu différent, vous en conviendrez, de l’exercice simultané de plusieurs fonctions.
En revanche, l’avant-projet de loi relatif à la modernisation des collectivités territoriales que j’avais eu l’honneur de préparer en prenant mes fonctions place Beauvau prévoit tout un dispositif en faveur de l’amélioration du statut des élus locaux.
De nombreuses concertations ont eu lieu sur ce texte, qui comporte des avancées importantes et traite notamment du cumul des mandats. Un débat devra se tenir pour savoir si des fonctions bien définies entrant dans le cadre de l’intercommunalité peuvent être prises en compte dans le cumul des mandats.
Ces dispositions figurant dans l’avant-projet de loi seront certainement reprises, au moins en partie, dans les textes que le Gouvernement présentera dès la rentrée prochaine au Parlement.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur de la mission temporaire.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur de la mission temporaire. Je remercie Mme Goulet d’avoir soulevé cette question, et la réponse de M. le secrétaire d’État suscite de ma part quelques interrogations.
En effet, je ne vois pas comment le président d’une intercommunalité, qui ne préside pas une collectivité territoriale puisqu’il s’agit d’un établissement public de coopération intercommunale, pourrait être frappé par le cumul des mandats, alors qu’un conseiller territorial, qui représente pourtant deux collectivités territoriales, serait considéré comme n’exerçant qu’un mandat. J’imagine les discussions sans fin qui doivent se tenir au Conseil constitutionnel… (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. Christian Poncelet. C’est sûr !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le secrétaire d’État, l’intercommunalité a été une révolution tranquille qui a permis aux communes d’exercer des compétences stratégiques dans le domaine du développement économique, du logement, de l’habitat, grâce à des ressources également stratégiques, notamment la taxe professionnelle, de plus en plus sous le régime de la taxe professionnelle unique. Cet impôt a apporté à l’intercommunalité des ressources importantes et dynamiques.
Mme Lagarde a avancé l’hypothèse d’un transfert de la cotisation minimale de taxe professionnelle, soit 6,4 milliards d’euros, de l’État au bloc communes-EPCI, à quoi s’ajoutent la hausse de la part foncière de la taxe professionnelle, soit 1,1 milliard d’euros, et la taxe spéciale sur les conventions d’assurances à hauteur de 2,8 milliards d’euros, soit un total de 10,3 milliards d’euros, à comparer aux 16,62 milliards d’euros que rapporte aujourd’hui la taxe professionnelle au bloc local.
La commission des finances de l’Assemblée nationale a, de son côté, formulé une autre proposition, sur laquelle Mme Lagarde a émis un avis favorable. Il s’agit de remplacer la taxe professionnelle par une taxe d’activité économique assise sur le foncier, qui rapporterait 5,67 milliards d’euros, à laquelle seraient ajoutés des taxes sectorielles et des transferts d’impôts.
Cette compensation laborieuse des 16,62 milliards d’euros de ressources provenant de la taxe professionnelle ne résoudrait pas le problème du dynamisme des bases, celui de la taxe professionnelle étant traditionnellement plus élevé que celui des autres taxes locales dont le produit, au demeurant, ne manquera pas d’être affecté par la baisse des valeurs foncières en temps de crise.
Monsieur le secrétaire d’État, comment comptez-vous assurer une compensation dynamique à la suppression de la taxe professionnelle ? Sinon, êtes-vous réellement conscient du rude coup que vous allez porter au développement de l’intercommunalité dans notre pays en privant celle-ci des ressources indispensables à l’offre de services qu’attend légitimement la population aussi bien qu’à des politiques essentielles comme la politique de la ville, pour lutter contre la ghettoïsation de certains quartiers ? N’avez-vous pas d’autres propositions à nous faire ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, avant de répondre à votre question, je voudrais juste rappeler que nous célébrons le dixième anniversaire des lois Chevènement qui ont fondé l’intercommunalité dans notre pays, avec le succès que l’on sait.
M. Christian Poncelet. Et avec la collaboration du Sénat !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Aujourd’hui, 95 % de la population vit sous le régime d’une structure intercommunale – la fraction du territoire concernée est encore supérieure –, et l’objectif prioritaire du Gouvernement est, en liaison avec le Parlement, d’achever la carte de l’intercommunalité, d’approfondir celle-ci et de revoir, comme l’a souhaité la mission temporaire – MM. Claude Belot et Yves Krattinger, ainsi que Mme Jacqueline Gourault en ont parlé tout à l’heure –, la composition, le rôle et les missions de la commission départementale de coopération, pour franchir convenablement ces nouvelles étapes.
Le problème des ressources que vous évoquez est tout à fait fondamental. L’évolution de la taxe professionnelle est actuellement traitée au sein des commissions des finances des deux assemblées, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2010. C’est en effet au Parlement de voter l’impôt.
Les parlementaires ont donc été consultés par Mme Lagarde et M. Éric Woerth. Les travaux ne sont pas encore achevés, et des simulations importantes sont en cours à Bercy. L’une des préoccupations majeures du Gouvernement est de préserver cette ressource, qui est indispensable au développement de l’intercommunalité, et de lui donner, comme vous le souhaitiez, un véritable dynamisme économique.
Je constate donc avec beaucoup de satisfaction que nous partageons le même objectif.