M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le secrétaire d’État, vous évoquez, à l’appui de la réforme que vous entendez mener, le coût excessif de l’organisation territoriale de notre pays. Je suppose que l’appréciation du Gouvernement est fondée, mais il serait important que ce dernier éclaire la représentation nationale à ce sujet.
En effet, il est difficile de réaliser des études comparées à l’échelon européen, puisque, chacun le sait, la situation diffère d’un pays à l’autre, même si, dans la plupart des États européens, il existe trois niveaux de collectivités.
D’après une étude récente de la banque Dexia, le coût de fonctionnement des collectivités territoriales en France est assez faible, eu égard aux services publics importants qui sont assurés par nos collectivités territoriales.
Quant aux élus, il semble que la totalité des indemnités des conseillers généraux et régionaux représente un pourcentage très faible des budgets des collectivités concernées, de l’ordre de 0,05 %.
M. Michel Boutant. À peine !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’aimerais avoir plus de précisions sur le sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Madame le sénateur, vous posez une question importante.
Vous dites qu’il existe en Europe, en moyenne, trois niveaux de collectivités ; c’est vrai en Espagne ou en Allemagne, contrairement à ce que l’on dit. Mais, chacun d’entre nous, sur quelque travée qu’il siège, l’a constaté, les financements croisés engendrent des surcoûts de fonctionnement importants. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Marie-France Beaufils. Ce n’est pas vrai !
M. Michel Boutant. C’est invraisemblable !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. En revanche, il n’est pas question de considérer que les rémunérations des élus constituent un surcoût. La plupart d’entre eux, nous le savons, travaillent de manière bénévole, et leurs salaires ne représentent que 70 millions d’euros par an, ce qui est, chacun peut en convenir, extrêmement raisonnable. Le problème est ailleurs.
Je souhaiterais évoquer de nouveau la question de l’intercommunalité, que M. Chevènement et moi-même avons abordée à l’instant. Bien que la carte intercommunale soit achevée à plus de 95 %, il est très regrettable de constater qu’il existe encore près de 16 000 syndicats intercommunaux, dont les syndicats intercommunaux à vocation multiple, les SIVOM, et les syndicats intercommunaux à vocation unique, les SIVU. Paradoxalement, ceux-ci n’ont pas disparu avec l’arrivée de l’intercommunalité. Ils contribuent à la lourdeur de la fiscalité nationale, puisque leurs dépenses s’élèvent à 15 milliards d’euros par an, dont plus de 50 % pour les frais de fonctionnement et une petite moitié seulement en direction d’un investissement réel. Ces chiffres sont parfaitement fondés, puisqu’ils sont cités dans les études que le Gouvernement a en sa possession.
Il est donc essentiel, comme l’a d’ailleurs souligné la mission temporaire dans son rapport que j’ai lu avec attention, de parvenir rapidement à la suppression de ces syndicats intercommunaux, qui sont à l’origine, je le répète, de surcoûts tout à fait considérables.
Madame le sénateur, puisque vous avez parlé de l’Europe, je vous rappelle que la France a été, en 2008 – elle le sera encore l’année prochaine –, le premier contributeur net au budget de l’Union européenne avant l’Allemagne, et le dernier consommateur des fonds européens.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. En effet, la complexité de notre structure territoriale est si importante que l’on a du mal à consommer les crédits existants. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Vous avez suggéré d’établir des comparaisons avec les autres pays de l’Union européenne. Je me permets juste de faire celle-ci, qui est extrêmement saisissante ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Paul Raoult. C’est l’administration centrale !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la mission temporaire.
M. Yves Krattinger, rapporteur de la mission temporaire. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais apporter quelques précisions à ce sujet.
Vous dites que les financements croisés augmentent les coûts. De façon très marginale, seulement ! Le financement croisé ne change rien au coût des projets ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Monsieur le secrétaire d’État, soyons clairs : pour construire une salle polyvalente dont le coût est estimé à un million d’euros, il faut recourir à l’impôt.
Plusieurs sénateurs socialistes. C’est exact !
M. Yves Krattinger. Que l’impôt soit régional, départemental ou communal, il est toujours payé, en définitive, par nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
S’agissant de l’instruction des dossiers, nous avons proposé de mettre en place un dossier unique et une instruction unique selon des modalités simples. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. –Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)
Par ailleurs, puisque l’on parle du nombre des élus, il faut que les choses soient claires : il y a aujourd’hui 4 219 conseillers généraux et à peu près 2 000 conseillers régionaux, soit 6 200 élus au total.
Tout à l'heure, un orateur du groupe UMP affirmait ceci : « Nous réduirons le nombre des élus locaux de 25 % à 30 % ». Mes chers collègues, retenons cette dernière proportion et faisons le calcul. Si l’on supprime 30 % des 6 200 élus locaux, il en restera 4 000 environ, ou je ne comprends plus rien aux mathématiques !
Or ces 4 000 élus conseillers territoriaux seront aussi nombreux que les conseillers généraux actuels, mais ils représenteront le double des conseillers régionaux, qui sont 2 000 aujourd'hui. Il faudra transformer tous les hémicycles régionaux ! Où sera l’économie ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste – M. Jean-François Voguet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Fournier.
M. Jean-Paul Fournier. La réforme des collectivités territoriales est une question tellement importante qu’il faut donner à ce chantier toute l’ampleur qu’il mérite.
Je ne partage pas toutes les conclusions des différents travaux menés sur ce sujet au cours des derniers mois, mais je tiens tout de même à souligner ici la qualité des débats que nous avons menés au sein de la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, présidée par notre collègue Claude Belot.
Toutefois, je crois que nos concitoyens attendent de nous que nous fassions preuve d’audace et de détermination, quitte à bousculer quelques habitudes.
Je suis pour ma part convaincu que nous devons avancer clairement vers la fusion des départements et des régions, afin de mieux répondre aux grands enjeux liés à l’économie et à l’aménagement du territoire auxquels la France se trouve aujourd’hui confrontée.
Comme nombre de nos collègues, je crois nécessaire de nous orienter vers la création de conseillers territoriaux.
Toutefois, ce mouvement prendra du temps, j’en suis conscient, ne serait-ce qu’en raison des échéances des futurs renouvellements de ces assemblées. Il nous faut donc agir en parallèle, dès maintenant, pour préparer et pour accompagner ce mouvement dans les meilleures conditions, ce qui passe, selon moi, par une série de décisions simples et d’application immédiate.
Premièrement, il faut renforcer l’échelon intercommunal en favorisant le regroupement des EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale. Pour cela, il est nécessaire, notamment, de lever les freins existants. À titre d’exemple, la perte de la dotation de développement rural lors du passage de certains seuils de population en cas de regroupements intercommunaux peut se révéler terriblement dissuasive.
Deuxièmement, il convient d’abroger la clause de compétence générale, qui est source de gaspillage et d’inefficacité des politiques publiques.
M. Claude Bérit-Débat. Ce n’est pas vrai !
M. Jean-Paul Fournier. Cette mesure pourrait s’appliquer dès 2010 aux départements et être progressivement étendue aux autres collectivités par la suite.
Enfin, troisièmement, il est nécessaire de mettre en place un véritable statut de l’élu qui réponde aux problèmes tout à fait concrets vécus par les élus locaux, en particulier les maires des communes rurales, en leur offrant une vraie possibilité de formation, une véritable couverture sociale et une protection juridique adaptée. Il faudrait d’ailleurs faire en sorte que les moyens mis à la disposition des élus pour exercer leurs mandats ne soient pas prélevés sur le budget des communes.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Paul Fournier. En effet, bien souvent, nous le savons tous, en dessous du seuil de 3 500 habitants, les budgets communaux ne permettent pas aux élus de s’accorder des indemnités décentes.
Je souhaiterais, par exemple, qu’un mécanisme soit examiné, afin que, dans les petites communes, ces moyens soient prélevés directement sur le budget de l’État.
Monsieur le secrétaire d'État, voilà, en quelques mots, les sujets sur lesquels je souhaitais recueillir votre sentiment et connaître les intentions du Gouvernement. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, la DSR, la dotation de solidarité rurale, et la DDR, la dotation de développement rural, sont en progression constante, je le répète, et elles continueront bien entendu à s’accroître.
En ce qui concerne l’évolution du statut des élus locaux, le rapport Balladur n’évoque pas ce sujet. La mission présidée par M. Belot y consacre une partie de son rapport, pour indiquer, en particulier, qu’il conviendrait d’améliorer le statut juridique des élus ; elle a parfaitement raison sur ce point. Quant à l’AMF, l’Association des maires de France, elle exprime des demandes récurrentes sur ce sujet.
Monsieur le sénateur, le statut des élus est déjà relativement abouti ; les gouvernements successifs et le Parlement l’ont complété à plusieurs reprises au cours des dernières années. La question de la responsabilité pénale, qui soulevait de nombreuses difficultés, a été réglée, notamment, par la loi Fauchon du 10 juillet 2000 ; il est d'ailleurs à l’honneur de M. Fauchon et de la Haute Assemblée d’avoir porté ce texte.
En ce qui concerne la protection sociale, les règles d’absence et le volet financier ont été améliorés et sont désormais presque complets, notamment grâce à la garantie contre les discriminations de l’employeur liées au statut d’élu local, aux autorisations d’absence, aux crédits d’heures – quelque 105 heures par trimestre pour un conseiller général ou régional –, à la suspension du contrat de travail, au bilan professionnel et aux indemnités différentielles, enfin à l’institution d’une protection sociale comparable à celle des salariés : autant d’objectifs qu’il convient de mettre en œuvre.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je le répète, l’avant-projet de loi dit « MODELOC », c'est-à-dire portant sur la modernisation de la démocratie locale, prévoit d’autres avancées particulièrement significatives. Celles-ci figureront, d’une façon ou d’une autre, dans les textes présentés à l’automne par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur de la mission temporaire.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur de la mission temporaire. Monsieur le secrétaire d'État, je voudrais revenir en arrière et évoquer les fonds européens, dont vous nous affirmez qu’une grande partie est renvoyée à Bruxelles, faute de consommation.
Premièrement, nous évoquions à l’instant la formation des élus locaux. Il faut à mon avis former ces derniers davantage à l’utilisation des fonds européens. D'ailleurs, en général, les villes ou les départements où s’appliquait naguère un zonage sont, aujourd'hui encore, les collectivités les plus efficaces pour attirer les fonds européens, parce qu’elles avaient l’habitude de « pratiquer » ces derniers. La formation des élus est donc importante en la matière, me semble-t-il.
Deuxièmement, je ne suis pas certaine – je le dis avec le plus de modération possible – que l’État et les fonctionnaires des préfectures de région favorisent toujours la consommation des crédits européens. On nous réclame tant de dossiers, on nous demande de respecter tant de formalités complexes que la tâche n’est pas aisée ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Il serait intéressant d’étudier les statistiques, monsieur le secrétaire d'État, pour déterminer si la consommation des crédits européens n’est pas plus élevée en Alsace, où c’est le conseil régional qui s’occupe de la diffusion de ces fonds.
Nous proposons d'ailleurs dans notre rapport que cette pratique soit généralisée à toutes les institutions régionales ou territoriales, ce qui permettrait peut-être une meilleure coordination des fonds européens avec les politiques publiques territoriales. (M. Jean-Pierre Godefroy applaudit.)
M. Jean-Pierre Bel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. L’AMF, et je l’en remercie, a sensibilisé les élus à ce problème que la France ne connaissait pas voilà quelques années, quand s’appliquaient les anciens objectifs 2 et 5b, notamment, mais qui est devenu récurrent et qui porte sur des sommes considérables.
La France, qui était un bon élève en la matière, est devenue, avec l’élargissement, un mauvais consommateur des crédits européens, alors même qu’elle est le premier contributeur à l’Union européenne.
M. Bernard Frimat. Non, le premier contributeur net, ce qui n’est pas la même chose !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je vous en ferai la démonstration, monsieur le sénateur !
Les préfets de région sont comptables des fonds européens ; leur rôle est de les dépenser, d’expliquer leur fonctionnement aux élus et de mener une politique de formation en direction de ces derniers. Si les crédits ne sont pas consommés, ils repartent pour Bruxelles, ce qui est extrêmement regrettable s'agissant de sommes colossales qui viennent du FEDER, le Fonds européen de développement régional, ou du FSE, le Fonds social européen.
Mme Jacqueline Gourault et M. Yves Krattinger, rapporteurs de la mission temporaire. Nous sommes d'accord !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Madame Gourault, vous soulevez également la question de l’Alsace. Celle-ci, de même qu’une autre région – l’Auvergne, me semble-t-il –, avait été autorisée, à titre dérogatoire, à gérer elle-même les fonds européens au cours des exercices budgétaires 2006 et 2007, si mes souvenirs sont exacts. Or les résultats n’ont guère été probants : les deux régions ont géré tout à fait convenablement les crédits, mais, s'agissant de la consommation de ces derniers, elles n’ont pas fait beaucoup mieux que l’État.
En tout cas, nous donnons des instructions aux services compétents : j’ai eu l’occasion d’expliquer à l’ensemble des préfets, réunis au ministère de l’intérieur voilà quelques jours, qu’ils devaient se mobiliser pour dépenser les crédits dévolus à notre pays et faire un effort pour sensibiliser les élus et les familiariser avec les procédures. Celles-ci sont complexes, certes, mais elles valent pour tous les pays, et il n’est pas normal que la France n’atteigne pas le même niveau de consommation des fonds que la moyenne de ses partenaires européens !
M. le président. La parole est à M. Pierre Mauroy.
M. Pierre Mauroy. J’ai écouté avec beaucoup de plaisir ces débats, mais, au final, j’éprouve les mêmes sentiments que lorsque je participais au comité Balladur. Celui-ci avait très bien commencé, ce dont je me félicite. Nous avions posé vingt questions, et j’ai répondu favorablement à dix-huit d’entre elles, qui portaient d'ailleurs sur des propositions susceptibles de rassembler l’ensemble des sénateurs, quelle que soit leur tendance politique, pour améliorer la décentralisation ou la politique menée dans nos territoires.
Toutefois, nous avons calé sur deux problèmes : d’une part, la taxe professionnelle – on nous annonce, de façon proprement incroyable, qu’elle sera supprimée, alors que le problème de son remplacement reste entier ; mais je ne veux pas m’étendre sur ce sujet – et, d’autre part, les conseillers territoriaux.
Lorsque cette proposition nous est arrivée – elle n’a pas été inventée par la commission, elle est venue d'ailleurs, sans que je sache bien quelle est son origine (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) –, j’ai mesuré que la naissance de ces conseillers territoriaux toucherait au fondement de la politique lancée voilà vingt-cinq ans et reprise par tous les gouvernements, y compris par celui de Jean-Pierre Raffarin. J’ai pensé alors qu’il s’agissait d’une véritable rupture !
Nous avons discuté et demandé pourquoi on voulait instaurer de tels conseillers territoriaux. Est-ce pour supprimer le conseil général, cette institution de proximité que personne ne peut vouloir faire disparaître tant elle est indispensable ? Ou, au contraire, est-ce pour supprimer le conseil régional, alors que la France doit nécessairement disposer d’une telle assemblée, pour fixer le cap ? Nous n’avons pas obtenu de réponse.
Je félicite la mission que vous avez instituée, monsieur le président, de n’avoir pas repris cette proposition et d’avoir formulé d’autres suggestions à la place. En effet, ce débat montre bien que les conseillers territoriaux sont une pierre d’achoppement, le point de départ d’un glissement politique.
Lorsque M. Hortefeux a terminé son intervention en affirmant sa détermination à modifier les fondements d’une politique sur laquelle il existait un large consensus, il a exprimé sans aucun doute sa volonté de rupture.
Monsieur le secrétaire d'État, nous ne pouvons accepter les conseillers territoriaux et ce qu’ils impliquent. Les débats qui reprendront à l’automne devront nous apporter des éclaircissements sur ce point, faute de quoi on aura mis fin au grand élan porté par la décentralisation, la régionalisation et la loi Chevènement, cette politique qui avait pleinement réussi et montré sa capacité à rassembler nos territoires.
Derrière ce projet, il existe une volonté de changer l’organisation territoriale qui va plus loin qu’on ne nous le dit. Le débat reste ouvert, et nous le reprendrons en octobre prochain. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Monsieur le Premier ministre, je vous ai toujours écouté avec beaucoup d’estime et de respect. Vous avez raison : nous n’avons fait aujourd'hui qu’ouvrir ce débat, que nous reprendrons à la rentrée, lors de l’examen du texte que présentera le Gouvernement.
Le Gouvernement a pour seul objectif, en créant les conseillers territoriaux, de rapprocher le département de la région – il n’entend supprimer ni l’un ni l’autre ! –, afin surtout de rendre plus efficaces ces deux institutions, qui sont les piliers de notre système territorial.
M. Pierre Mauroy. Il faudra nous en dire davantage !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Je tiens à évoquer un sujet qui me tient particulièrement à cœur, le Grand Paris.
Je déplore que, en quatre heures et demie de débats, nous n’ayons entendu que deux fois prononcer l’expression « Grand Paris » : une première fois par M. Bernard Saugey, qui y a fait une simple allusion alors qu’il traitait du problème des métropoles – il voulait évoquer la problématique du Grand Lyon – et une seconde fois par M. le ministre, qui l’a mentionnée à propos de l’intercommunalité, en notant que, dans cet espace, il conviendrait peut-être d’appréhender les choses différemment. Deux fois en quatre heures et demie de débats, c’est peu !
La région d’Île-de-France compte un cinquième de la population française et représente près de 30 % du PIB. Cependant, petit à petit, tout doucement, nous nous apprêtons à discuter à l’automne d’un projet de loi qui ne traitera pas du sujet !
Certes, avec l’apparition des conseillers territoriaux, nous allons probablement, malgré tout, modifier en profondeur les relations entre les départements et les régions. Nous allons décider de la création de six, sept ou huit grandes métropoles.
Pourtant, malgré l’importance que revêt le Grand Paris, nous nous acheminons petit à petit vers une non-réforme de la capitale de notre pays, parce que nous n’avons pas le courage de poser les problèmes sur la table et de déplaire à ceux qui ne veulent pas parler du partage de la richesse fiscale, à ceux qui refusent de partager le pouvoir pour régler les problèmes inhérents à cet espace.
M. François Marc. C’est vous !
M. Philippe Dallier. La région d’Île-de-France, avec le Grand Paris, est la plus riche de France. C’est l’espace où la cohésion urbaine et sociale est le plus en danger. Or, de tout cela, nous ne parlons pas ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
À l’automne, le Parlement sera saisi d’un projet de loi qui – le Président de la République vient de l’affirmer à La Défense – sera relatif à la gouvernance du Grand Paris. Mais il s’agira non pas de la vraie gouvernance politique, mais de la gouvernance des projets : nous débattrons pour savoir quel type d’établissement sera le mieux à même de financer les grands projets prévus pour La Défense – l’établissement public d’aménagement de la défense, l’EPAD, qui est un établissement public à caractère industriel et commercial, ou une société à capitaux publics ? – et pour déterminer comment, autour des gares, faire sauter les règles d’urbanisme.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui va financer ?
M. Philippe Dallier. Mais le fond du problème n’est pas là !
Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement nous a dit que nous irions vers une réforme de la gouvernance dans cet espace. Moi, je ne vois rien venir. Je vous interroge donc : oui ou non, discuterons-nous de la gouvernance de l’espace du Grand Paris ? Si la réponse est oui, à quelle échéance en débattrons-nous ? Le Gouvernement décrétera-t-il alors un moratoire sur l’intercommunalité dans la première couronne parisienne ?
Il nous faut être bien conscients du fait que, si cette intercommunalité n’a pas fonctionné jusqu’à présent, le rapport Balladur, en proposant de créer la métropole parisienne, lui a cependant donné un formidable coup d’accélérateur : tous les opposants de la veille se sont empressés d’annoncer qu’ils allaient créer une intercommunalité au sein de la première couronne à trois, à quatre, à cinq ou à six !
Dans mon département, quelle a été la logique ? Le parti communiste avec le parti communiste, le parti socialiste avec le parti socialiste, l’UMP avec l’UMP et le Nouveau centre avec le Nouveau centre !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Dallier !
M. Philippe Dallier. Monsieur le secrétaire d’État, j’insiste : oui ou non, et, si oui, à quelle date pourrons-nous débattre de la gouvernance du Grand Paris ? Allez-vous décréter un moratoire sur la mise en place de ces intercommunalités à la petite semaine qui ne peuvent en aucun cas être une réponse à la problématique de cet espace ?
M. Didier Guillaume. C’est une bonne question !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et le financement ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, pour résumer, je dirai : d’abord les projets, ensuite les institutions. Prendre le problème dans ce sens me paraît la meilleure solution.
Le comité Balladur a proposé – vous vous en souvenez certainement – de fusionner les départements de la petite couronne et les départements de Paris dans une structure qui aurait aussi les compétences d’une intercommunalité. M. Balladur, à titre personnel, s’est prononcé ensuite pour une communauté urbaine de Paris englobant les communes voisines, pour préfigurer en quelque sorte cette évolution.
La mission sénatoriale préconise de poursuivre la réflexion.
À l’heure où les métropoles mondiales comptent plus de dix millions d’habitants, permettre à Paris de tenir toute sa place sur l’échiquier mondial est indispensable – je suis sûr que vous en êtes convaincu, monsieur Dallier –, mais les structures doivent découler d’une vision d’ensemble du Grand Paris.
En l’absence de consensus, il convient de commencer par des réalisations concrètes.
Le Président de la République a souhaité que de nombreux projets relatifs au Grand Paris soient étudiés et lancés rapidement. Je suis tout à fait convaincu, comme je vous le disais au début, que les structures aptes à les porter en découleront obligatoirement in fine.
Quant à l’intercommunalité et à son achèvement, le Gouvernement examine très attentivement les projets qui ont été évoqués. Les choses ont bougé vite, les préfets concernés ont été réunis voilà quelques mois et vont l’être à nouveau. C’est là la meilleure façon de faire évoluer les choses.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et le financement ? C’est en projet ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la mission temporaire.
M. Yves Krattinger, rapporteur de la mission temporaire. Peut-être M. Philippe Dallier est-il arrivé en retard, ou peut-être n’a-t-il pas prêté attention à nos propos ? Les membres de la mission temporaire n’ont pas parlé du Grand Paris, certes, mais ils ont évoqué « le périmètre de la mégapole parisienne ». Il serait possible de débattre des heures durant sur des questions de vocabulaire !
En tout cas, selon la mission, il faut faire émerger une gouvernance démocratique sur cette mégapole. M. Philippe Dallier est certainement d’accord sur ce point.
M. Philippe Dallier. Oui !
M. Yves Krattinger, rapporteur de la mission temporaire. Je tenais à rappeler la position de la mission temporaire parce que vous ne l’avez pas notée, mon cher collègue : vous avez prétendu que seules deux personnes, dans cette enceinte, avaient parlé du Grand Paris, alors que la mission en a débattu.
On constate que, aujourd’hui, les choses commencent à bouger s’agissant du Grand Paris, de la mégapole parisienne, sauf, cependant, sur la réflexion interterritoriale.
Nous partageons votre point de vue : c’est effectivement l’un des territoires où les inégalités sont les plus visibles, les moins contestables.
Nous en déduisons, d’une part, qu’il ne faut mettre en avant les mégapoles ou les très grandes métropoles qu’avec prudence, car elles n’ont pas toujours su résoudre ces questions – nous devons donc prendre garde à ce que nous allons écrire et préparer pour l’avenir –, et, d’autre part, qu’il faut apporter des corrections, à savoir qu’il faut prévoir des fonds de solidarité extrêmement renforcés pour remédier autant que faire se peut à toutes les inégalités actuelles.
Nous ne sommes pas loin de dire la même chose : il appartient bien sûr au Gouvernement d’apporter une réponse législative ; mais peut-être, comme tout le monde, attend-il lui aussi d’y voir un peu plus clair dans les projets pouvant être élaborés avec les acteurs locaux ? S’agissant du Grand Paris, on ne peut construire des outils participatifs de façon brutale : ce serait agir à l’inverse de ce qui s’est fait partout en France.
L’intercommunalité, c’est d’abord des projets, et surtout des projets partagés, en aucun cas des projets imposés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)